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Art n°1 (numéro 98) NINJUTSU L’ENSEIGNEMENT INTERNE par Kacem Zoughari « Il y a autant de chemins que de pèlerins… » L’art de devenir invisible ou devenir le « Caché » doit être pris dans le sens le plus profond. C’est une pratique qui engage l’âme car il s’agit de parvenir à s’oublier et effacer son ego… » Arts Martiaux : vous avez fait des études d’électronique qui auraient dû vous assurer une situation sociale et cependant, il y a trois ans vous avez décidé d’étudier le japonais à l’INALCO de Paris. Vous parlez et écrivez cette langue couramment. Kacem Zoughari : J’ai fait ce choix car la connaissance du japonais, aussi bien que l’histoire et la pensée japonaise, me permettait de lever la barrière de la langue et aussi pouvoir m’exprimer et dire ce que j’avais sur leur cœur aux différents maîtres que j’ai rencontré et tout particulièrement Hatsumi sensei. Dans la transmission d’une tradition comme le ninjutsu, la transmission orale (kuden), comme dans tout art, est très importante et que malheureusement le défaut de communication, la méconnaissance et l’ignorance de l’histoire et la pensée japonaise occulte. Et cela même si on a vécut longtemps au Japon. Par ailleurs, avoir accès aux textes originaux, différents manuscrits, densho, makimono et autres types de documents de références, sans passer par des traductions successives du japonais à l’anglais, puis en français, est un privilège appréciable. Dans beaucoup de traduction, on perd beaucoup du sens et de la saveur du texte du départ. Je dirais enfin que j’ai la chance, quand je séjourne au Japon de vivre très près de Hatsumi sensei. Ce dernier sait ce que je désire, aucun grade, aucune promotion personnelle ou divers titre, encore moins de flatteries, seulement apprendre et étudier pour appliquer, faire des recherches pour comprendre l’art du ninjutsu. Ainsi, il est dés lors indispensable de connaître la langue japonaise tout en s’adonnant profondément à la pratique du ninjutsu afin de ne pas avoir recours à un interprète dont les traductions peuvent être douteuse ou sujettes à diverses facteurs propres à ce dernier. A.M. : C’est une démarche assez rare de nos jours. K.Z. : Vraiment je ne pense pas du tout. Beaucoup ont vécus au Japon de longues années, appris la langue, certains se sont mariés avec une japonaise,...d’autres sont installés et y vivent encore aujourd’hui pratique auprès de leur maître et cela quelque soit la discipline. Donc tous, d’une certaine manière, on le m^me point de départ : à savoir aller à la source pour apprendre et s’en imprégner.là bas, il rencontre diverses difficultés liées à la vie japonaise, la culture les relations humaines. Certains arrêtent la pratique, d’autres continue mais de manière sporadique, ou encore sont vite

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Art n°1 (numéro 98)

NINJUTSU

L’ENSEIGNEMENT INTERNE

par Kacem Zoughari « Il y a autant de chemins que de pèlerins… » L’art de devenir invisible ou devenir le « Caché » doit être pris dans le sens le plus profond. C’est une pratique qui engage l’âme car il s’agit de parvenir à s’oublier et effacer son ego… » Arts Martiaux : vous avez fait des études d’électronique qui auraient dû vous assurer une situation sociale et cependant, il y a trois ans vous avez décidé d’étudier le japonais à l’INALCO de Paris. Vous parlez et écrivez cette langue couramment. Kacem Zoughari : J’ai fait ce choix car la connaissance du japonais, aussi bien que l’histoire et la pensée japonaise, me permettait de lever la barrière de la langue et aussi pouvoir m’exprimer et dire ce que j’avais sur leur cœur aux différents maîtres que j’ai rencontré et tout particulièrement Hatsumi sensei. Dans la transmission d’une tradition comme le ninjutsu, la transmission orale (kuden), comme dans tout art, est très importante et que malheureusement le défaut de communication, la méconnaissance et l’ignorance de l’histoire et la pensée japonaise occulte. Et cela même si on a vécut longtemps au Japon. Par ailleurs, avoir accès aux textes originaux, différents manuscrits, densho, makimono et autres types de documents de références, sans passer par des traductions successives du japonais à l’anglais, puis en français, est un privilège appréciable. Dans beaucoup de traduction, on perd beaucoup du sens et de la saveur du texte du départ. Je dirais enfin que j’ai la chance, quand je séjourne au Japon de vivre très près de Hatsumi sensei. Ce dernier sait ce que je désire, aucun grade, aucune promotion personnelle ou divers titre, encore moins de flatteries, seulement apprendre et étudier pour appliquer, faire des recherches pour comprendre l’art du ninjutsu. Ainsi, il est dés lors indispensable de connaître la langue japonaise tout en s’adonnant profondément à la pratique du ninjutsu afin de ne pas avoir recours à un interprète dont les traductions peuvent être douteuse ou sujettes à diverses facteurs propres à ce dernier. A.M. : C’est une démarche assez rare de nos jours. K.Z. : Vraiment je ne pense pas du tout. Beaucoup ont vécus au Japon de longues années, appris la langue, certains se sont mariés avec une japonaise,...d’autres sont installés et y vivent encore aujourd’hui pratique auprès de leur maître et cela quelque soit la discipline. Donc tous, d’une certaine manière, on le m^me point de départ : à savoir aller à la source pour apprendre et s’en imprégner.là bas, il rencontre diverses difficultés liées à la vie japonaise, la culture les relations humaines. Certains arrêtent la pratique, d’autres continue mais de manière sporadique, ou encore sont vite

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aspirés par les tumultes de la vie sociale japonaise. La motivation première, la foie du premier instant change. Beaucoup parlent le japonais, savent se débrouiller, mais lire plus du nombre kanji officiel, savoir déchiffrer un vieux manuscrit ou encore connaître les coutumes et la culture du Japon comme un universitaire, il n’y en pas peu. La grande différence réside dans la continuité de l’approfondissement de la pratique du ninjutsu, l’étude de la langue et de tout les aspect propres, non seulement, à l’histoire du ninjutsu et des arts martiaux en général, mais aussi, de l’histoire, la sociologie, la culture et la pensée du Japon. Donc on peut dire que cette démarche n’est pas rare, cependant rare sont ceux qui persévèrent et continuent dans la double pratique, de l’art et de la culture de soi. A.M. : Pourquoi avez-vous choisit Hatsumi sensei et pas un autre maître ? K.Z. : cette une très bonne question. Tout d’abord si un élève choisit cela ne veut pas dire qu’il y a une réciprocité du côté du maître. En ce qui me concerne, je fréquente les cours de Hatsumi sensei, mais je ne me présente pas comme son élève ou un de ses élèves. Avec les études et le recherches que j’ai effectués sur les différents arts martiaux et e le ninjutsu en particulier, je peux avancer que pour être le disciple d’un maître comme hatsumi sensei il faut que ce dernier nous ai choisit comme son future successeur. Donc, non je ne suis pas l’élève d’Hatsumi sensei et essaye de garde l’honnêteté de ne pas usurper ce qui n’est pas. Par contre mon choix de pratiquer ou de suivre ses cours sont motivés simplement par le fait qu’il est, à la lumière de tout les instructeurs, maîtres, sôke, que j’ai rencontré et des recherches minutieuse que j’ai réalisé jusqu’à aujourd’hui, le seul est unique héritier de la tradition du ninjutsu transmise par Takamatsu Toshitsugu sensei. En conclusion, je ne suis qu’un étranger qui fréquente ses cours. A.M : Votre Attitude tranche avec l’idée que l’on peut se faire avec l’idée que l’on peut se faire, à tort ou à raison, du ninjutsu. La très forte vulgarisation de cet art a fait une mode dans les années quatre-vingt, qui s’adressait plutôt à des enfants. K.Z. : Il y a beaucoup de malentendus et de désinformation sur le ninjutsu aussi bien en Occident qu’au Japon. Pour être franc, les japonais eux-mêmes, ne connaissent rien du ninjutsu, m^me les maîtres d’arts martiaux les plus connus. Pour la plupart, ils entretiennent un ensemble de clichés stéréotypés qui provient essentiellement de sources théâtrales et littéraires. Le Japon a connu deux vagues successives de vulgarisation du ninjutsu, ou le « ninja boum », dans les années 50, 60 et 70. Hatsumi sensei a d’ailleurs participé de très prés car il était souvent invité à la télévision japonaise, la presse, les colloques, où il présentait l’authentique tradition du ninjutsu faisant autorité. L’occident a connu ce phénomène via les USA et toute la recrudescence de film et ouvrage ninja qui s’en suivirent. Cependant, la faute ne revient as uniquement à la presse et au médias. Beaucoup de pratiquant avides de reconnaissance, de nouveauté et de pouvoir ont contribué à la confusion et la désinformation du ninjutsu. Celle-ci continue encore aujourd’hui. Mais comme l’a dit un Saint : « Il y a autant de chemins que de pèlerins ». Donc chacun est libre de chercher et de trouver ce qu’il croit être le chemin ou la voie……..Cependant, le danger est aussi grand que l’auto satisfaction illusoire.

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A.M. : Malgré une très grande médiatisation des années quatre-vingt, on a l’impression que l’on connaît somme toute peu de chose sur Hatsumi sensei, quand au parcours qui l’a amené au ninjutsu. K.Z. : Il est vrai que lui-même s’est peu livré à la presse et même dans ses livres. Le peu d’information qui a filtré, a été repris d’un article à l’autre, d’un livre sur l’autre. Hatsumi sensei distille les informations çà et là, dans la presse. Je possède, comme beaucoup, les copies de plusieurs des articles japonais qui parlent de lui. En plus de cela, j’ai le privilège de le « connaître » (enfin ce qu’il veut bien faire connaître et comment le faire connaître) et le côtoyer suffisamment ainsi que des personnes très proches de lui, ce qui permet d’avoir des compléments d’informations non négligeable pour comprendre l’homme insaisissable qu’il est. A.M : Pouvez-vous retracer pour nos lecteurs son parcours. K.Z : Hatsumi Masaaki est un amoureux des arts martiaux, de tout types d’art martiaux, et de tout ce qui peut être en relation avec les arts martiaux. Il n’est pas un homme de budô, ou un budôka ou encore un maître d’art martiaux, non. C’est un ninja dans le sens le plus profond qui soit, il ne pratique pas, n’enseigne pas, il est à la fois pratique, transmission, l’art et l’ombre et la lumière du ninjutsu. Son amour avec les arts martiaux commence très tôt, née en 1932, il commence par la pratique jûdô alors qu’il est à l’école primaire. Dans son enfance il jouait comme de nombreux enfant avec un bokuto, mais il semble que pour lui ce jeu ne fut plus qu’un simple jeu où on imite le bushi. Parallèlement à la pratique du jûdô il commence le karaté, le juken jutsu (art du maniement de la baïonnette. Comme il le dit lui-même : « Cette époque d’avant guerre (avant la seconde guerre mondiale) était propice et se prêtait bien à l’étude et la pratique des arts martiaux ». A.M : c’était l’époque où la pratique des arts martiaux était encouragée par le gouvernement militariste japonais, car il y voyait un moyen de forger l’esprit nationaliste du peuple. K.Z : c’est vrai, mais historiquement cela n’est pas nouveau au japon. Déjà dès le début de la période meiji et avec l’instauration d’organisations de grande envergure comme la Daini pon butokukai, l’enseignement des arts martiaux était généralisé et on le trouvait dans toutes les écoles. De ce fait ; l’éducation par les arts martiaux était déjà bien présente. Le climat ou l’insécurité due au contrôle des voies maritimes primordiales pour assuré au japon son ravitaillement poussées une partie de la gente au pouvoir a poussé vers une forme de nationalisme dont les arts martiaux furent un véhicule. Ainsi Hatsumi sensei pratiqua intésenement avant et pendant la seconde guerre mondiale ce qu’on nomme les shin budô (kendô, jûdô, aikidô, karate-do, juden jutsu, aidô, ect). A la fin de la guerre, il apprit la boxe anglaise, les arts martiaux chinois tout en tant assidu au kôdôkan jûdô. Malgré cette activité martiale, qui lui prenait beaucoup de temps, car il se rendait dans de nombreux dôjô, il étudia la littérature et le théatre ainsi que la médecine à l’université de Tôkyô. Cette intense activité sera couronnée sur le plan des arts martiaux par un 5e dan en jûdô, un 8e dan en karate. Diplômé en médecine, il ouvrit une clinique spécialisée dans

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l’ostéopathie et la moxabustion dans sa ville natale, Noda dans la préfecture de Chiba. Comment est il venu au ninjutsu ? Je pense qu’il serait préférable de dire que le ninjutsu l’appelait et non le contraire. Tout ce que hatsumi sensei entreprenait dans l’étude et la pratique des arts martiaux formait, sans qu’il le sache, un terreau qui le faisait converger ver le ninjutsu et bien sur son unique maître, Takamatsu Toshitsugu. Cependant avant l’appel de l’Art et la rencontre avec le maître, il connut certaines expériences qui le firent douter de l’efficacité des budô moderne qu’il avait pratiqué au plus niveau. Voila comment il raconte son expérience : « Dans les années cinquante, j’enseignais en qualité d’instructeur le jûdô aux G.I américains. Je prenais beaucoup de plaisir à projeter ces gaillard taillés dans le roc jusqu’au jour où l’un d’entre eux réalisa sur moi un contre en faisant une contre prise ressemblant à la technique onikudaki. Ce soldat, avait été confronté à la réalité du combat pendant la guerre et nulle doute qu’il avait dû se sortir de dangereuse situation à maintes reprises. A partir de ce moment là, un profond doute sur la pratique des budô moderne, ainsi que leur légitimité en tant qu’art martial, s’installa en moi. Je me demandais s’il existait pas un art parfait, ultime,dans lequel la taille est la force physique n’étaient pas l’unique facteur d’efficacité. Dès lors, je començais les recherches et la pratique des kobujutsu, les vieux art martiaux. J’achetai et étudiais divers vieux manuscrit, densho, makimono sur les vieux arts martiaux et les vielles écoles traditionnelles du bujutsu. J’ai fait la connaissance d’un instructeur qui vivait de sa pratique, son nom était Ueno Takashi. Un maître de kobudô ancien. Je dépensais jusqu’à deux mille dollars US par mois pour le faire venir et suivre son enseignement. Il me « vendit » un grand nombre de densho, makimono, et des techniques de combat que j’apprenais rapidement. C’est comme cela que j’ai appris des écoles comme le Asayama ichiden ryû taijutsu. Cependant, je dois avouer que l’attitude mercantile de M.Ueno n’allait pas avec l’idée que je me faisais du bujutsu et du budô en général. J’ai fait la connaissance de nombreux maîtres, comme Nawa Yumio avec qui j’étudiais le kotô. C'est-à-dire comment reconnaître les armes antiques, les armures, l’époque à laquelle elles furent forgés ou construites ces armes ect……Nawa Yumio sensei était un pratiquant de bujutsu et soke de deux écoles, le Masaki-ryû manrikikusari jutsu et le Edo machikatta ryû. Il était connu comme un écrivain et historien des arts martiaux et du ninjutsu. Nos relations sont toujours aussi bonnes. Puis un jour, on me rapporta qu’un vieux maître habitait la ville de Kashihara, près de Nara. Il était détenteur de neuf anciennes traditions martiales et son efficacité était redoutable. Peu nombreux étaient les personnes qui avait connaissances du niveau de ce maître et surtout que c’était un des dernier ninja. il s’appelait Takaamtsu Toshitsugu. Quand je l’ai rencontré, j’avais 27 ans et lui approchait les 70 ans. J’ai été profondément déstabilisé par ce que sa personne irradiait. Aujourd’hui encore cette sensation m’habite toujours. J’étais comme absorbé, immobile, compétemment anéantit devant son attitude qui ne semblait rien ni reflétait la pratique, c’était vraiment assez effrayant. J’avais rencontré beaucoup de maîtres connus auparavant, mais aucun ne m’avait, comme takamatsu sensei, inspiré cette crainte emprunt d’un profond respect. Il m’avait effacé, surpassé

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sans avoir eu à me combattre. Sans aucune technique, il me terrifiait. Après un échange de points de vues, il me proposa quelque application de combat au cours desquelles il se joua de moi comme si j’étais un enfant, alors que mon expérience dans divers budô de l’époque était grande. A chaque technique qu’il faisait sur moi, je ressentais dans mon corps entier une douleur fulgurante qui pénétrait jusque dans mes os, comme s’il m’avait «tué ». et pourtant il n’y avait aucune force palpable dans ses moindres gestes. Voilà l’art que je recherchais ! Je demandais à Takamatsu de me prendre pour disciple faisant sur le champ table raz de tout mes diplômes et grades que j’avais reçut. C’était en l’an 32 de l’ère showa. À cette époque Takamatsu sensei n’acceptait plus d’élèves. La plupart de ses élèves étaient tous morts à l’exception de Fumio Akimoto sensei mais qui était déjà très vieux. Ce dernier avait montré quelque forme de koppo jutsu de l’école Gikan ryû au fameux maître de jûdô, Kyozô Mifune. Certaines personnes ont eu une correspondance avec takamatsu sans jamais le rencontrer ni être admis comme élève. Bien qu’ils possèdent des diplômes signés de la main de takamatsu sensei, aucun densho, témoignages, ou photo, ne témoigne d’une quelconque relation profonde de maître à disciple. En ce qui me concerne, et sans savoir pourquoi, il m’admit comme seul et unique disciple et me transmit tout son savoir jusqu’à sa mort en avril 1972. Et bien que certains avaient reçu de sa part diplômes et autres manuscrit, le plus souvent incomplet, il avait décidé de me transmettre tout son savoir, car il m’avait choisit comme son successeur. C’est pourquoi pendant 15 ans, tout les week-end, je me rendais chez lui à une distance de six cents kilomètres car je vivais à Noda dans la préfecture de Chiba dans la région du Kantô, et Takamatsu sensei vivait dans la région du kansai (Nara-kyotô-Osaka). Je rentrais chaque dimanche soir pour ouvrir ma clinique le lundi matin. La distance ne représentait rien car j’étais enfin heureux, j’avais trouve l’ultime art que je cherchais. ». A.M : Le ninjutsu, l’art de se rendre invisible. A partir de cette définition, on imposé une image du ninja cagoulé, vêtu de noir se déplaçant la nuit pour assassiner dans l’ombre…. K.Z : Il s’agit là d’un détournement caricatural de cet art qui provient notamment et en très grande partie de la littérature de l’ère Genroku (1780), où les premières peintures représentant le ninja ont été réalisées à partir des chroniques militaires (gunki mono). Etre invisible c’est être absent et dénudé de toute intention. C’est ce que Takamatsu sensei écrivait dans ses manuscrits. C’est cela l’invisibilité du ninja. On ne peut le voir ni l’attraper car sa forme est en fait une forme où il n’y a pas de formes et d’intentions palpables. Cette définition peut étonner les personnes qui sont acquises –malgré elles- à l’image du ninja, assassin de l’ombre. La définition est plus subtile m^me si, extérieurement, cette image que l’on a caricaturiséeà outrance a existée mais en excluant tout le côté fantastique. A.M. : À un niveau plus profond, pouvez-vous préciser ?

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K.Z. : Le concept « être invisible » demande à être compris dans un sens profond et non superficiellement car il touche à l’être lui m^me dans sa vie quotidienne et dans sa pratique la plus intime. Il s’agit de demander à l’être de se transcender au travers de la pratique du nnjutsu afin que chaque mouvement, transfert du poids du corps, souffle, deviennent imperceptibles par l’adversaire. Il ne s’agit pas de se cacher mais de devenir « le caché ». Pour cela il faut que la forme pratiquée et les convictions le plus intimes du pratiquant soient des plus pures. On entend souvent qu’il faut dépasser le forme, cependant cette forme, ce moule qu’il faut dépasser est un obstacle à la réalisation de l’invisibilité, car il s’agit d’un condensé de savoir éducatif qui, loin d’aider à se débarrasser de tout ce qui est superflu, rajoute des automatismes et formate le corps. En ninjutsu les techniques de bases possèdent en elles m^mes la clef de l’invisibilité car elle exigent du pratiquant de se transcender. En effet ces formes et techniques de bases sont elles mêmes toutes effacées et sans intention car il s’agit de ne pas laisser deviner à l’autre notre niveau. De l’enseignement de Takamatsu sensei, Hatsumi Masaaki dit ceci : « Quoi qu’il arrive, une fois avoir atteint un haut niveau, vous devez commencer à cacher vos formes. Vous ne devez pas montrer votre technique. Tant que tout restera invisible vous serez capable de rester envie. Etre invisible, c’est être un vrai ninja. Beaucoup de budôka, maître, ont essayé de paraître fort et montrer cette force par des démonstration physique et déploiement ostentatoire de puissance. Les callosités osseuses de certains, l’attitude arrogante d’autres, en sont la preuve jusqu’à aujourd’hui. Dans le passé, et de nombreuse chroniques en témoignent, les vrai pratiquant d’art martiaux et maître de premiers plan n’agissaient jamais de tell sorte qu’on sache qu’il étaient maître d’une quelconque technique. Simplement, parce que l’on comprend que vous pratiquez un art de combat, on se méfiera et vous serez visé le premier. En tant de guerre, vous seriez tué en premier. Par conséquent, plus ils étaient forts et plus ils avaient des difficultés à devenir invisibles. Par contre dés que ces pratiquants ont pu devenir « invisible », ils ont pu être capable d’agir encore plus efficacement. Les formes changent constamment selon les époques, les gens, les lieux, les coutumes. Ce qu’il y a de plus important à se rappeler est que nous pouvons respecter la tradition du combat sans vraiment la comprendre totalement et qu’il nous faut maîtriser cet instinct animal qui ne peut être expliqué ni transmit par le biais des mots. Il est très difficile de trouver un maître qui enseigne et nous éveille ainsi. J’ai eu vraiment beaucoup de chance de trouver Takamatsu sensei qui savait ô combien cela était important dans la pratique des arts martiaux. Il m’a transmit l’essence du ninjutsu et du budô en alliant judicieusement et adéquatement, les mots, les images et les techniques de combat. » A.M. : Développer sa pratique pour devenir « invisible » aux autres, signifie, à contrario, qu’il faut développer sa capacité à « sentir » un danger, à deviner l’autre et inversement à ne pas être deviner par l’adversaire. K.Z. : Oui. Les techniques du ninjutsu sont toutes crées pour cultiver le subconscient de façon naturelle, de sorte que le mouvement devient spontané et répond adéquatement aux moindres changement. Ainsi, il faut une pratique qui permet de

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faire appel à ce qui a de plus profond en nous. Donc il s’agit d’un éveil des sens les plus profond au travers de la culture du corps et de l’esprit. En ce qui concerne le travail de cet instinct, hatsumi massaki rapporte ceci : « Si vous devez penser, vous ne pourrez vous protéger. Vous avez besoin de l’instinct que possèdent les animaux sauvages, ceux-là même qui bougent instinctivement au moment où ils perçoivent un quelconque danger. Takamatsu sensei décrivait cette faculté comme une capacité naturelle du corps et de l’esprit, une perception venue du corps dans sa totalité. Dans les ouvrages, vous trouverez beaucoup d’explications qui contiennent des mots tels que : « technique invisible » ou bien « mouvement secret, caché »…Mais vous ne pourrez pas les acquérir et les réaliser sans avoir cette perception venue du corps dans sa totalité. Aussi, si vous en faites que lire des livres, regarder des photos et analyser toutes les techniques utilisant ce principe, vous ne pourrez jamais comprendre le véritable budô. Ce qui est mauvais est que beaucoup de personnes s’affirment elles-mêmes maîtres de budô mais ont tendance à oublier. Dans ce domaine, la réussite n’a rien à voir avec le nombre de waza que vous connaissez. Beaucoup de livres et de manuscrits, densho, makimono ont été écrits à divers périodes de l’histoire du Japon, de telle manière que s’ils étaient dérobés, personne ne puisse comprendre ou déchiffrer leur contenu. Même si vous possédez ces manuscrits, vous ne pourrez jamais maîtriser les budô. Actuellement, en temps de paix il est facile de rester envie. Mais par le passé, perdre la vie était très courant. Les budô ne consistent pas seulement en des techniques de combat. Vous devez protéger votre vie quotidiennement. Takamastu sensei cherchait à me transmettre cela à chacune de mes visites. Lorsque je lui rendais visite, sa femme me servait toujours du thé. Le thé était chaque fois d’une variété différente. Tout à coup un jour, takamatsu sensei me demanda : « Quelle sorte de thé tu viens de boire ?! ». Comme j’étais incapable de lui répondre, il me réprimanda et me dit : « Qu’aurais-tu fais s’il y avait eu du poison dedans ?! ». une fois encore, lorsque je séjournais chez lui, en me levant le matin, il me demanda le nombre de fois qu’il était passé tout près de moi durant la nuit à plusieurs reprise. Cela voulait dire que si je ne le savais pas, j’aurais pu être tué. C’était une réelle pratique de chaque instant où tout était porté à l’extrême. Un jour, il m’ordonna de méditer seul dans une des pièces de sa maison. Au bout d’un certain temps, je sentis quelque chose derrière moi. Je bougeais rapidemen. J’entendis alors quelque chose de tranchant, je pensais que c’était un sabre mais je ne paniquais pas. Peu après, je sentis encore quelque chose et je roulais en avant. Takamatsu sensei me demanda alors d’ouvrir les yeux. Il se tenait là, debout, tout souriant, un véritable sabre entre les mains. Il me dit alors : « Ton instinct est de mieux en mieux ! ». Bien que je n’aurais pu ne pas éviter le sabre, j’avais toutefois acquis le sens qui me permettrait de sentir venir quelqu’un. A travers cette pratique je reçus le certificats et makimono qui attestent la succession des neuf écoles de mon maître, Takamatsu, y compris le Togakure ryû ninpô. Lorsque mon maître mourut en 1972, je rassemblais les neuf écoles et les ouvris au public en tant que fondateur du bujinkan dôjô. »

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A.M. : Après ces années de pratique, où en êtes vous de votre compréhension des arts martiaux ? K.Z : Le bujutsu ou art martial a pour vocation la guerre. Bien souvent, on ne voit que la dimension externe de la guerre. Et de ce fait, quelque soit l’esprit dans lequel on aborde la pratique ou son étude, on atteint nécessairement un certain niveau tant sur le plan du mental que sur le plan de la technique. Mais en fait, on comprend par une pratique assidue que le combat n’est pas extérieur mais intérieur. Il ne s’agit pas uniquement d’un simple d’entraînement mais d’un engagement personnel dans lequel l’âme est confrontée à la nécessité d’élévation intérieur. C’est une pratique de chaque instant qu’il s’agit ici. Il faut étudier à la manière d’un religieux disait souvent Takamatsu sensei. Comme un croyant qui ponctue sa journée de prières quotidiennes qu’il soit catholique, Juif ou musulman. Cette démarche spirituelle est nécessaire car elle permet de vivre en harmonie avec la justice céleste, parce que le pratiquant devient vertueux par sa sincérité. Ainsi, il peut se parfaire dans l’essentiel et se cultiver dans les détails, afin que l’endurance et la persévérance puissent forger l’abnégation et l’humilité. Parallèlement, se familiariser avec l’idée de survie et construit l’efficacité. A.M. : Merci.

- Kacem Zoughari