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NOUS SOMMES DE CEUX QUI DISENT NON A L’OMBRE D’après des textes d’André Breton, Aimé Césaire, Suzanne Césaire, Patrick chamoiseau, Léon-Gontran Damas, Edouard Glissant, Paulette Nardal et Léopold Sedar Senghor.

NOUS SOMMES DE CEUX QUI DISENT NON A …lacompagnienova.org/wp-content/uploads/2015/12/CESAIRE.pdf · DISENT NON A L’OMBRE D ... Ils concevaient la poésie comme une parole

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NOUS

SOMMES DE

CEUX QUI

DISENT NON

A L’OMBRED’après des textes d’André Breton, Aimé Césaire, Suzanne Césaire, Patrick chamoiseau, Léon-Gontran Damas, Edouard Glissant, Paulette Nardal et Léopold Sedar Senghor.

nous arracherons tous les rires banania des murs de france.

Maquette présentée au CNSAD, mai 2014

DOSSIER DE PRODUCTIONCRÉATION 2017

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Une production de la Compagnie Nova 2016/2017Sur une idée de maquette présentée les 6 et 7 mai 2014Dans le cadre des projets de sortie section mise en scène du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique

Mise en scène Margaux EskenaziDistribution en cours

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En 2013 j’ai intégré le CNSAD en section « mise en scène » où j’ai présenté en mai 2014 une maquette de sortie avec quatre acteurs de première année sur les auteurs de la négritude. Aujourd’hui je prépare la forme longue de ce spectacle.

[ Agis dans ton lieu, pense avec le monde. Edouard Glissant ]

En entendant pour la première fois la langue des auteurs de la Sainte Trinité de la négritude (Césaire, Senghor, Damas), quelque chose m’a interpellé : il y avait un endroit que je voulais garder et approfondir, il y avait un endroit de théâtre. Je me suis rendue compte que ce qui me passionnait dans ces écritures – avant leur combat politique – était surtout leur rapport à la langue. Ils concevaient la poésie comme une parole essentielle, comme une arme de guerre, qui met le français dans tous ses états. C’est de ce désir de dire la langue et de cette histoire qu’est né le projet Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre.

Margaux Eskenazi

Maquette présentée au CNSAD, mai 2014

La révolteDès leur arrivée à Paris dans les années trente, ces trois étudiants noirs de Guyane, du Sénégal et de la Martinique, s’emparent de la langue poétique comme un souffle vital. Senghor disait qu’à chaque réveil il cherchait une raison de ne pas vouloir mourir. La poésie fut une réponse et devint leur arme de combat.

Dans un Paris où les ligues d’extrême droite prospèrent, leur quotidien n’est pas simple. C’est leur lutte que je souhaite travailler, ainsi que les solutions qu’ils proposèrent : les salons littéraires de Clamart autour des sœurs Nardal, la publication de La Revue du monde noir puis de celle de L’Étudiant noir au sein de l’Ecole Normale Supérieure par le jeune Césaire, l’ouverture de la librairie «Présences Africaines» au Quartier latin, et plus largement la fédération des peuples noirs dominés, dans un mouvement fédérateur de liberté, grâce et par la poésie. Le poète martiniquais devient l’instrument de la révolte des siens et l’histoire des Antilles devient celle de l’humanité.

Comment retracer le parcours de ces étudiants et artistes noirs qui brandissent l’art comme un fer de lance, pour lesquels la première condition de création est le refus de l’identique et la lutte contre l’assimilation blanche ? Le contexte politique et social des années 30 est une matière théâtrale très riche à explorer : les numéros de Jim Crow (acteur blanc qui se grimait en noir) prospèrent aux Etats-Unis dès la fin du XIXème siècle, l’apparition des bals nègres à Paris dans les années 20 dont témoignent Simone de Beauvoir dans La Force de l’âge (« Le dimanche soir, on délaissait les amères élégances du scepticisme, on s’exaltait sur la splendide animalité des noirs de la rue Blomet »), le succès du spectacle La Revue Nègre au Théâtre des Champs-Elysées…

[ Il y a encore une mer à traverser / Oh encore une mer à traverser. Aimé Césaire ]

L’histoire de ce spectacle est celle du mouvement de cette jeunesse. Elle retrace le parcours de ce combat qui, avant même la politique (maire et député de Fort-de-France pour Aimé Césaire, président du Sénégal pour Senghor), s’est constitué dans les écoles de l’élite intellectuelle française, dans la poésie, dans la musique, dans les cercles littéraires, face à une France outrageusement raciste et coloniale.

L’histoire de la pensée et l’histoire de la musique

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Combat poétique qui sera adoubé par André Breton en 1941 lors de son passage en Martinique en plein exil de la France de Vichy, qui y découvrira le Cahier d’un retour au pays natal et fera entrer Aimé Césaire dans la communauté des poètes français en écrivant ces mots : « Chanter ou ne pas chanter, voilà la question et il ne saurait être de salut dans la poésie pour qui ne chante pas, bien qu’il faille demander au poète plus que de chanter. Aimé Césaire est avant tout celui qui chante. »

« La négritude est un humanisme »Dès 1936, dans le journal L’Étudiant Noir, Aimé Césaire se distingue de « la tribu des Vieux » partisane de l’assimilation des noirs de France, en revendiquant « l’altérité » nègre face aux blancs. Il n’y avait plus d’étudiants guyanais, malgaches ou sénégalais, mais un seul et même étudiant noir. Refusant la moindre forme d’asservissement, il ose prôner l’émancipation, c’est-à-dire l’acceptation par le noir lui-même de son destin, de sa culture et de son histoire. C’est la naissance de la négritude. La force visionnaire de Césaire a été l’affirmation du moi-nègre ou « l’être dans le monde du Nègre » selon la formule de Jean-Paul Sartre dans Orphée Noir. Il ne cessa de retravailler ce concept tout au long de sa vie, de le redéfinir, de le préciser, de le dépasser en refusant de réduire la négritude à un phénomène purement racial : « La négritude est avant tout un humanisme : je ne peux pas rester insensible devant la souffrance de l’homme, où qu’il soit, qu’il soit Blanc, qu’il soit Jaune, que ce soit de l’Inde, que ce soit de Chine... Oui, partout où est l’homme, partout où il souffre, partout où il est humilié, partout où il est écrasé, je pense que là est ma place, et là est notre place. »

C’est précisément parce que le combat de la négritude ne s’arrête pas à son époque et aspire à une totalité que ce spectacle trouve toute sa force dans le présent de la représentation.

A l’heure de la banalisation de la parole raciste et des formes de domination qui perdurent encore aujourd’hui à l’égard du différent, du pauvre, de l’Autre, je me replonge dans ce combat en tant que citoyenne et metteur en scène. Parce que mon arme est le théâtre quand la poésie était leur force.

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Note d’intention

Je souhaite aborder au plateau deux histoires intimement liées : celle de la pensée et de la poésie - de Césaire, Senghor, Damas à Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau / de la négritude au Tout-Monde et à la créolité - et celle de la musique - du negro-spiritual au début du Hip Hop (le jazz-rap). C’est dans cet imaginaire des langues et dans l’interdé-pendance des sons et des mots, des mouvements de pensées et des mouvements musi-caux que naîtra le spectacle.

La matière première du plateau ne sera pas des textes dramatiques mais une diversité des sources textuelles et sonores : entretiens, poésie, discours, provenant d’un panorama littéraire multiple (Aimé Césaire, Suzanne Césaire, André Breton, Damas, Glissant, Chamoiseau…). Cette diversité nous permettra d’alterner les différentes mises en jeu de l’acteur : quel corps mis en danger pour quelle prise de parole ? Nous passerons de scènes de fiction improvisées qui rejouent devant nous ces moments d’ébullition intellectuelle et de révolte, à une parole brute d’entretien et enfin à une parole poétique abstraite. Intimement liée à cette écriture, la partition musicale de ce spectacle sera essentielle : poèmes mis en musique, reprise de numéros de cabaret et chanson a cappella. En effet, on ne peut ni comprendre ni jouer ni transmettre ces mots sans chanter et jouer cette musique. 6

Maquette présentée au CNSAD, mai 2014

L’histoire de la pensée et l’histoire de la musique se comprennent ensemble. Et c’est bien cette dialectique qui traversera le spectacle : la naissance d’une écriture, d’une poésie, qui va de pair avec l’histoire de la musique, du negro-spiritual au jazz. Les comédiens seront tour à tour acteurs, chanteurs, musiciens. Les mots et les sons seront pensés ensemble pour raconter l’Histoire et donner à entendre la puissance de leur langue et de leur combat.

Loin de toute volonté d’universalisme, pour reprendre les mots d’Edouard Glissant nous espérons enfanter des idées : « La poésie ne produit pas de l’universel, non, elle enfante des bouleversements qui nous changent. » Car une telle matière n’a de sens que si chaque spectateur/citoyen se l’approprie en la revendiquant dans son quotidien.

Alors, nous, acteurs/citoyens, aurons été des passeurs.

Un spectacle matériauJe m’attaquerai à une matière textuelle riche (entretiens, Cahier d’un retour au pays natal, Discours sur la colonialisme, préface au Cahier d’André Breton, entretien de Suzanne Césaire, poèmes de Senghor, Black Label de Damas, Eloge de la créolité de Chamoiseau, Traité du Tout-Monde de Glissant….) qui donnera naissance à un spectacle matériau en trois temps.

La première partie s’appuiera à recontextualiser leur jeunesse dans cette époque sous plusieurs portes d’entrée. Grâce à des scènes de jeu fictionnelles et une direction d’acteur très incarnée, nous nous amuserons à jouer les personnages Césaire, Damas, Senghor, Paulette Nardal et donner à voir et à entendre leur quotidien. Nous plongerons le spectateur dans le plaisir de la reconstitution historique, la (re)découverte d’une mémoire collective à travers les numéros de cabaret américain de Jim Crow des années 30, l’effervescence intellectuelle et musicale des salons des sœurs Nardal sur fond de ragtime et de blues des bals nègres… Un important travail sur les images d’archives, les sons et les mots de l’époque, nourrira les improvisations de cette première partie.

Puis, nous reproduirons la parole de l’interview, cette parole brute et dans le vif de la pensée. Sans filtre entre l’acteur et le spectateur, face public, l’acteur sera dans le plaisir de la transmission loin de toute caricature d’incarnation. L’enjeu ne sera plus « jouer à » mais « dire à ».

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Nous travaillerons sur le présent de la représentation pour trouver la parole juste et précise de Césaire quand il fait le récit de son enfance martiniquaise et dans celle d’André Breton quand il raconte le choc à sa première lecture du Cahier d’un retour au pays natal. Nous assumerons la pensée et réfléchirons aux conditions de jeu pour la donner à entendre et comprendre au public de la manière la plus entière possible.

Enfin, nous nous affranchirons des codes du théâtre pour toucher à la quintessence poétique du texte de Césaire à travers des passages du Cahier d’un retour au pays natal ou de Black-Label de Damas. La voix de l’acteur arrivera à un souffle poétique, à une musicalité. Nous toucherons alors aux limites du théâtre avec l’impossibilité de jouer le personnage – au sens strict du terme. Nous assumerons la poésie des profondeurs pour être au plus prêt d’une parole originelle : «La poésie, c’est la parole rare, mais c’est la parole fondamentale parce qu’elle vient des profondeurs, des fondements très exactement, et c’est pour ça que les peuples naissent avec la poésie.»

Hors du réel, hors du contexte historique, la totalité de la langue s’établit tout autant dans la victoire déclarée du poétique, que dans un travail assumé sur un jeu qui sera de l’ordre de l’abstraction.

Maquette présentée au CNSAD, mai 2014

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[ Je ne me suis jamais considéré hors du contexte de la cité. Je suis l’homme d’un pays, je suis l’homme d’un peuple, je suis l’homme d’une situation. Mon drame, au fond, mon drame personnel, mais c’est le drame de la Martinique ! Le drame de la Martinique, c’est le drame de l’homme colonisé, c’est le drame de l’Afrique, c’est le drame du Noir américain, et, en définitive, c’est le drame de l’humilié et de l’offensé, c’est donc un drame universel.

Aimé Césaire ]

Margaux Eskenazi / mise en scène

Admise au Conservatoire National Supérieure d’Art Dramatique en formation continue à la mise en scène en 2013, Margaux Eskenazi a d’abord obtenu un Master II recherche à Paris III (Sorbonne-Nouvelle) en études théâtrales, après une classe préparatoire (hypokhâgne, khâgne). Tout juste diplômée, elle a intégré le Théâtre du Rond-Point auprès de Jean-Michel Ribes pour deux saisons (2009/2011) au comité de lecture. Elle y a également développé rapidement une activité d’assistante metteur en scène auprès d’Eric Didry, Nicolas Bouchaud, Tatiana Vialle, Jean-Michel Ribes, Jean-Claude Grumberg. Elle poursuit une collaboration régulière avec Nicolas Bouchaud en l’assistant sur deux pièces de Labiche (Festival d’Automne 2012 / Théâtre de l’Aquarium).

Au CNSAD elle a été assistante de Vincent Goethals (Les sacrifiées en 2014) et de Xavier Gallais pour les Journées de juin 2014 et 2015. Elle y a présenté en mai 2014 une maquette de sortie, Nous sommes de ceux qui disent à l’ombre, travail sur les auteurs de la négritude (Léon-Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire).

Son activité de metteur en scène débute en 2007 – année où elle fonde la Compagnie Nova. Elle a mis en scène Quartett d’Heiner et Hernani de Victor Hugo puis, lors de la saison 2014/2015, elle monte Richard III d’après William Shakespeare, une retraduction et libre adaptation de l’œuvre du dramaturge anglais.

Son travail est fortement implanté en Seine-Saint-Denis où la Compagnie Nova met en place de nombreuses actions culturelles : école du spectateur, travail dans les établissements scolaires, intervention en collège dans le cadre du dispositif du Conseil départemental « la Culture et l’Art au Collège » à La Courneuve et au Blanc-Mesnil.

Actuellement, Margaux Eskenazi est collaboratrice artistique de Cécile Backès au CDN de Béthune et en préparation de la forme longue de Nous sommes de ceux qui disent à l’ombre.

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La Compagnie Nova

La Compagnie Nova voit le jour en 2007 aux Lilas (Seine-Saint-Denis). Depuis plus de 8 ans, elle n’a eu de cesse d’affiner sa vision artistique et son projet théâtral avec les mises en scène de Léonce et Léna de Georg Büchner (2007), de Quartett d’Heiner Müller (2009), d’Hernani de Victor Hugo (2011/2012), une adaptation de Richard III de William Shakespeare (2014/2015) et Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre (2016/2017) d’après des textes de Césaire, Glissant, Damas et Senghor.

Si ces textes prennent vie aujourd’hui, c’est qu’ils habitent un plateau et dessinent un monde dont l’acteur sera le pivot et le passeur. Ces « immortels » selon la formule d’Italo Calvino nous aident à penser certaines de nos tensions et problématiques actuelles.

Travailler la conscience de jeu de cet acteur est au cœur de notre démarche : il s’empare d’une langue avec son corps pour porter les vibrations d’une parole théâtrale. Le texte est une matière à jouer et à penser le monde dans lequel nous vivons toutes et tous. Alors les mots d’un auteur nous appartiennent et deviennent ceux de notre siècle. Sur un plateau de théâtre, entendus par un public rassemblé, sublimés par le geste artistique de la mise en scène, ils seront toujours politiques et d’aujourd’hui.

[ Agis dans ton lieu, pense avec le monde. Edouard Glissant ]

Au cœur même du projet de la compagnie, le travail artistique est dépendant d’un travail d’implantation et d’actions sur le territoire notamment de Seine-Saint-Denis. La compagnie a été résidente de la ville de Livry-Gargan en 2014. La fidélité et la rencontre de nouveaux publics, l’initiation d’un regard de spectateur, la sensibilisation au processus de travail et à la vie d’une compagnie… autant d’actions qui témoignent du souci permanent d’allier travail de création et réflexions avec et pour les publics. Depuis 2007, de nombreuses actions furent menées : mise en place d’une école du spectateur, temps de répétitions ouvertes, ateliers en établissements scolaires, participation au dispositif « la Culture et l’Art au Collège » du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis (à La Courneuve et au Blanc-Mesnil), partenariats avec les structures du département (Ecole de la Deuxième Chance, lycée professionnel)…

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ActionS culturelles VARIATIONS AUTOUR DE « NOUS SOMMES DE CEUX QUI DISENT NON À L’OMBRE »

[ Ou bien on parle du langage comme s’il n’avait d’autres fonction que de communiquer; ou bien on se met à chercher dans les mots, le principe du pouvoir qui s’exerce, en certains cas, à travers eux (je pense par exemple aux ordres ou aux mots d’ordres).

En fait les mots exercent un pouvoir typiquement magique : ils font croire, ils font agir. Mais, comme dans le cas de la magie, il faut se demander où réside le principe de

cette action ; ou plus quelles sont les conditions sociales qui rendent possible l’efficacité magique des mots. Pierre Bourdieu ]

Atelier d’écriture et de jeu « De quelle langue française parle-t-on ? »

>> Enjeu La question de la langue et de sa maîtrise sous-tend le spectacle Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre. Au début du mouvement de la négritude, Césaire, Senghor et Damas ont fait du français et de sa parfaite maîtrise (orale et écrite) une « langue-soleil, une langue magnifiée » pour reprendre les mots de Patrick Chamoiseau. Ils ont mené un combat pour l’égalité et la reconnaissance des noirs avec le français comme arme de guerre. En amenant la langue dans ses limites lexicales, ils l’ont conçue et fait vivre comme l’amorce d’un processus de libération dans le contexte colonial : richesse du langage, des figures de style, d’invention de mots….

Des années plus tard, d’autres auteurs (Glissant et Chamoiseau principalement) s’emparent de cette question et introduisent une nouvelle dimension : le créole et la puissance de l’oralité. Ils s’éloignent ainsi d’une certaine forme de sacralisation de la langue (le diktat du « bien parler français ») pour trouver leur liberté dans les mots, construire leur langue. C’est bien grâce à cette liberté qu’ils ont construit un langage où la langue créole, avec un lexique et un imaginaire créole, se marie au français.

Ils ouvrirent donc un processus de créolisation dans la langue – entre deux langues, entre deux rives – qui permet désormais « d’exprimer des choses avec le désir imaginaire de toutes les langues du monde. » (Patrick Chamoiseau).

C’est de cette liberté des mots et de la construction du langage, façonnant une identité, dont il sera question dans cet atelier. Savoir ou non parler français, comment métisser les langues de chacun pour créer un imaginaire commun et une identité plurielle, comment cette approche de la langue permet à tout le monde de s’intégrer dans une société, autant d’enjeux que nous aborderons. 11

>> FonctionnementAtelier animé par Alice Carré, dramaturge et metteur en scène accompagnée de Margaux Eskenazi, metteur en scène.15 participants à partir de 16 ans avec tous les niveaux de maîtrise (lu, parlé, écrit) du français, ayant ou non une pratique du théâtre.

Dans un premier temps, nous travaillerons au plateau en exercices d’appréhension du corps et du théâtre (souffle, voix, corps) et en exercices d’improvisation pour susciter la parole autour de cette question : « De quelle langue française parle-t-on ? ». Puis, nous ferons de nombreux exercices d’écriture qui libèrent le passage à l’écrit et le témoignage : cadavre exquis, contraintes d’écriture imposées (en confession, en mail, en lettre d’amour….), jeu avec des post-it… Pour cet atelier, la maîtrise de l’orthographe n’est en aucun cas un pré-requis. Nous accompagnerons les participants ayant des difficultés dans l’écriture en posant à l’écrit leurs mots.

A partir de cette matière, condensé et retravaillé par nous, il s’agira de créer une mise en jeu et mise en voix de ces textes pour une ouverture au public.

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Création d’une petite forme D’un portrait à l’autre : de Césaire à Glissant Avec un comédien et un musicien Durée 50 mn.

[ Si nous voulons partager la beauté du monde, nous devons nous souvenir ensemble. Edouard Glissant ]

Nous souhaitons créer une petite forme reliée à ce spectacle - avec un comédien et un musicien – capable de se déplacer partout au plus proche des habitants - notamment dans des lieux non théâtraux (appartement, bibliothèques, plein air..). En effet, soulever ces questions autour de la négritude et de la pensée de ces auteurs dans un autre rapport au public que la distance parfois créée dans une salle de spectacle nous semble essentiel au vue de ce sujet.

La petite forme présentera deux portraits, Aimé Césaire et Edouard Glissant, sous deux angles – politique et poétique. Nous nous attacherons à faire revivre leur parcours de vie, leur engagement politique (au sens large du terme – dans le monde et en littérature) ainsi que leur réponse poétique à leur combat. Nous alternerons donc les moments de confession où nous jouerons à ressusciter la parole vive de ces deux auteurs, en travaillant sur le présent de la représentation en lien direct avec le public, et les moments poétiques et musicaux.

A l’instar d’une tradition du conteur très présente en Martinique, nous raconterons la vie de Césaire et Glissant. Il s’agira de retracer leur histoire en respectant la chronologie et la donner à entendre au public – enfance en Martinique, arrivée en métropole, premier combat littéraire, retour en Martinique. La plongée dans ces portraits se fera également par le biais de leur littérature et de la musique. Nous mettrons en jeu et en musique plusieurs poèmes et extraits de roman déterminant dans la compréhension de leur histoire. Pour Césaire par exemple, nous ferons entendre des extraits du Cahier d’un retour au pays natal et de Moi laminaire. Pour Glissant, nous plongerons dans Le Traité du Tout-Monde, L’intraitable beauté du monde ou encore La Lézarde.

Une plongée dans la vie de deux hommes qui ont fondamentalement marqué la vie politique et poétique française, une découverte de leur littérature et enfin une plongée dans ce débat si actuel et vif de « qu’est ce parler français ? ». Car toute leur vie ils n’ont eu de cesse, à différents endroits, de reposer cette question pour mieux penser l’individu dans la société.

Un sujet comme celui-ci est donc directement en prise avec des problématiques contemporaines pour de nombreux habitants de Seine-Saint-Denis. Aller à la rencontre de ces publics, peu habitués pour beaucoup aux salles plus instituées, nous permettra non seulement de porter au plus près des habitants cette pensée mais surtout de susciter le débat, la rencontre, d’engager un autre rapport au public – plus franc et individualisé.

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La représentation sera suivie d’un échange, convivial, entre le public et l’équipe artistique, permettant à la fois aux artistes d’expliciter leur démarche, de parler de leur rapport à ces auteurs, mais également au public de prendre position face à cette pensée et aux choix artistiques.

Bien loin d’un rapport descendant au spectateur, il s’agit pour nous d’être les passeurs d’une pensée, à nos yeux, profondément actuelle, et d’ouvrir un endroit de parole commun.

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Contactwww.lacompagnienova.orgClément Probst, administrateur06 28 23 61 23 [email protected]

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