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AUTRES CLASSES D'ACTIFS Nouvelle bulle des matières premières en Chine Un plancher a probablement été touché cette année lorsque les ventes consécutives à l'effondrement des marchés boursiers chinois se sont ajoutées à la faiblesse des fondamentaux. L'indice des matières premières de S&P et Goldman Sachs, qui mesure les rendements des principales matières premières, a rebondi d'environ 13 % (en euros), après être tombé à son niveau le plus bas jamais enregistré depuis sa création en 1991. La hausse des marchés des matières premières observée depuis le début de l'année fait penser à ce qui s'est passé en 2015, mais nous ne devrions toutefois pas connaître la même déconvenue que l'année passée, étant donné l'amélioration des fondamentaux dans le secteur de l'énergie (le Brent a gagné plus de 75 % depuis les plus bas sur 12 ans atteints en janvier). Par ailleurs, certains métaux industriels et le secteur de l'agriculture montrent également des signes d'embellie. Les marchés des matières premières sont tout doucement en train de reprendre des couleurs et les prix semblent avoir atteint leurs planchers, sur fond de report des nouveaux projets et d'écoulement progressif des surplus . Cependant, si vous pensez que les producteurs de matières premières sont sortis de l'ornière, voici un rappel à l'ordre : de nombreux producteurs sont toujours confrontés à un problème de surendettement. Les mesures d'austérité qui ont été prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivi l'effondrement des prix. Au cours du premier trimestre, le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein des sociétés minières, énergétiques et agricoles pour atteindre maintenant des niveaux plus de quatre fois plus élevés que ceux d'il y a un an. Par ailleurs, la Chine suit aujourd'hui le même chemin que les États-Unis en 2007-2008, avec une croissance soutenue par une forte augmentation de la dette (plus de détails dans la partie sur les actions) qui avait conduit à l'effondrement des marchés créanciers puis à la récession mondiale, donnant aussi naissance à une bulle sur les marchés financiers. De la crise de la tulipe aux Pays-Bas en 1637 à la bulle internet aux États-Unis au tournant de ce siècle, l'histoire regorge d'exemples de bulles spéculatives qui se sont mal terminées pour les investisseurs. Mais rarement une situation n'aura dérapé aussi rapidement que le boom des matières premières en Chine en 2016. En l'espace de seulement deux mois complètement fous, les volumes journaliers sur les marchés des futures de Chine ont gonflé de 183 milliards de dollars, soit plus que lors de la bulle boursière de l'année passé ou que les volumes de transactions enregistrés en 2000 sur le Nasdaq. Ce qui, au départ, ressemblait à un positionnement logique - à savoir que les mesures de relance et les réformes industrielles en Chine allaient déboucher sur des pénuries de matériaux de construction - s'est rapidement transformé en une véritable ruée sur les matières premières, sans aucune prise avec la réalité. En une seule journée, les investisseurs particuliers du pays ont, le mois passé, négocié suffisamment de coton pour fabriquer un jeans pour chaque habitant de la planète et suffisamment de soja pour servir quelque 56 milliards de portions de tofu. Il s'agit du dernier exemple en date d'une série de cycles expansion-récession qui, selon les critiques, sont en train de devenir plus extrêmes alors que les autorités chinoises inondent le système financier de liquidités afin d'éviter un atterrissage brutal de l'économie. À bien des égards, les conditions étaient réunies en Chine pour que la situation s'emballe à nouveau. Les nouveaux crédits ont en effet atteint un record au premier trimestre, ce qui signifie que les particuliers et les entreprises avaient énormément de liquidités à investir, à un moment où plusieurs sources de revenus habituelles avaient perdu de leur attrait. Les rendements des obligations souveraines flirtaient avec des planchers historiques, alors que les produits de gestion de fortune et les obligations d'entreprise avaient été secoués par une multiplication des défauts de paiement. Les actions étaient encore trop risquées pour de nombreux investisseurs qui avaient été échaudés par le krach de l'année passée et investir à l'étranger était devenu plus difficile à cause des mesures prises par le gouvernement en vue de limiter les sorties de capitaux. S'il est impossible de quantifier précisément l'impact qu'ont eu les investisseurs particuliers sur les échanges, il ne fait aucun doute que ceux-ci ont joué un rôle très important. Plus de 40 % des transactions dans les contrats à terme (futures) sur les barres d'armature ont eu lieu pendant la nuit, la période que les gens qui travaillent la journée choisissent généralement pour jouer en Bourse. Selon des données compilées par Bloomberg, la période de détention moyenne des contrats sur les barres d'armature et les minerais de fer n'a pas dépassé 3 heures en avril. Selon Morgan Stanley, les particuliers possédant un compte bancaire et une carte d'identité officielle peuvent ouvrir un compte pour le négoce de contrats à terme auprès d'une société de courtage en 40 minutes. Si au moins cinq matières premières ont réussi à gagner plus de 50 % par rapport à leurs récents planchers pendant la flambée des échanges en Chine, la hausse des cours n'est en rien comparable à l'envolée de 159 % enregistrée par l'indice Shanghai Composite l'année passée ou celle de 256 % réalisée par le Nasdaq Composite au plus haut du boom internet il y a 16 ans. Ce sont surtout les volumes des échanges qui ont impressionné lors de la récente poussée de fièvre en Chine. Les volumes sur les Bourses de Dalian, Zhengzhou et Shanghai sont passés d'une moyenne journalière d'environ 78 milliards de dollars en février à un pic de 261 milliards de dollars le 22 avril - soit plus que le produit intérieur brut de l'Irlande. Par contraste, les volumes sur la Bourse de Nasdaq au début de 2000 avaient culminé à environ 150 milliards de dollars. La hausse de certaines matières premières a tout de même été due à des facteurs fondamentaux. Ainsi, la demande d'acier a augmenté sur fond de nouveaux investissements en infrastructure et de reprise sur le marché immobilier. Les responsables de la China Securities Regulatory Commission se sont, par ailleurs, engagés à empêcher toute spéculation excessive et les trois principales Bourses ont ainsi pris des mesures (augmentation des exigences de marge, hausse des frais de transaction et limitation des heures d'ouverture le soir), ce qui a permis de ramener un peu de calme sur les marchés. Les volumes totaux sont alors retombés à 125 milliards de dollars le 6 mai (une baisse d'environ 135 milliards de dollars par rapport au pic) et les cours des barres d'armature et des minerais de fer ont chuté de près de 20 % par rapport à leur plus hauts d'avril. Maintenant que les autorités chinoises ont pris des mesures en vue de limiter le trading afin d'éviter que la flambée des matières premières n'alimente l'inflation et n'empêche la fermeture des producteurs inefficaces, les spéculateurs sont en train de se retirer aussi vite qu'ils sont apparus. Mais si l'on regarde ce qui s'est passé lors de l'éclatement de la bulle boursière, force est de constater que les régulateurs auront des difficultés à freiner la spéculation excessive sans MAI 2016 L'analyse de Thierry Masset Vendre en mai et se tenir à carreau? Malgré des taux négatifs, le marché obligataire performe comme jamais depuis 2009 Nouvelle bulle des matières premières en Chine Turbulences solaires Le moteur des dividendes US est grippé Les mines d’or brillent en bourse

Nouvelle bulle des matières premières en Chine · 2016. 6. 8. · Nouvelle bulle des matières premières en Chine ... Par contraste, les volumes sur la Bourse de Nasdaq au début

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Page 1: Nouvelle bulle des matières premières en Chine · 2016. 6. 8. · Nouvelle bulle des matières premières en Chine ... Par contraste, les volumes sur la Bourse de Nasdaq au début

AUTRES CLASSES D'ACTIFS

Nouvelle bulle des matières premières en Chine

Un plancher a probablement été touché cette année lorsque les ventes consécutives à l'effondrement desmarchés boursiers chinois se sont ajoutées à la faiblesse des fondamentaux. L'indice des matières premières de S&Pet Goldman Sachs, qui mesure les rendements des principales matières premières, a rebondi d'environ 13 % (en euros),après être tombé à son niveau le plus bas jamais enregistré depuis sa création en 1991.

La hausse des marchés des matières premières observée depuis le début de l'année fait penser à ce qui s'estpassé en 2015, mais nous ne devrions toutefois pas connaître la même déconvenue que l'année passée, étantdonné l'amélioration des fondamentaux dans le secteur de l'énergie (le Brent a gagné plus de 75 % depuis les plusbas sur 12 ans atteints en janvier). Par ailleurs, certains métaux industriels et le secteur de l'agriculture montrentégalement des signes d'embellie.

Les marchés des matières premières sont tout doucement en train de reprendre des couleurs et les prix semblent avoiratteint leurs planchers, sur fond de report des nouveaux projets et d'écoulement progressif des surplus . Cependant, sivous pensez que les producteurs de matières premières sont sortis de l'ornière, voici un rappel à l'ordre : denombreux producteurs sont toujours confrontés à un problème de surendettement. Les mesures d'austérité qui ontété prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivil'effondrement des prix. Au cours du premier trimestre, le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein dessociétés minières, énergétiques et agricoles pour atteindre maintenant des niveaux plus de quatre fois plus élevés que ceuxd'il y a un an.

Par ailleurs, la Chine suit aujourd'hui le même chemin que les États-Unis en 2007-2008, avec une croissancesoutenue par une forte augmentation de la dette (plus de détails dans la partie sur les actions) qui avait conduit àl'effondrement des marchés créanciers puis à la récession mondiale, donnant aussi naissance à une bulle sur lesmarchés financiers. De la crise de la tulipe aux Pays-Bas en 1637 à la bulle internet aux États-Unis au tournant de cesiècle, l'histoire regorge d'exemples de bulles spéculatives qui se sont mal terminées pour les investisseurs. Mais rarementune situation n'aura dérapé aussi rapidement que le boom des matières premières en Chine en 2016. En l'espace deseulement deux mois complètement fous, les volumes journaliers sur les marchés des futures de Chine ont gonfléde 183 milliards de dollars, soit plus que lors de la bulle boursière de l'année passé ou que les volumes detransactions enregistrés en 2000 sur le Nasdaq.

Ce qui, au départ, ressemblait à un positionnement logique - à savoir que les mesures de relance et les réformesindustrielles en Chine allaient déboucher sur des pénuries de matériaux de construction - s'est rapidement transformé en unevéritable ruée sur les matières premières, sans aucune prise avec la réalité. En une seule journée, les investisseursparticuliers du pays ont, le mois passé, négocié suffisamment de coton pour fabriquer un jeans pour chaquehabitant de la planète et suffisamment de soja pour servir quelque 56 milliards de portions de tofu.

Il s'agit du dernier exemple en date d'une série de cycles expansion-récession qui, selon les critiques, sont entrain de devenir plus extrêmes alors que les autorités chinoises inondent le système financier de liquidités afind'éviter un atterrissage brutal de l'économie.

À bien des égards, les conditions étaient réunies en Chine pour que la situation s'emballe à nouveau. Les nouveauxcrédits ont en effet atteint un record au premier trimestre, ce qui signifie que les particuliers et les entreprises avaienténormément de liquidités à investir, à un moment où plusieurs sources de revenus habituelles avaient perdu de leur attrait.Les rendements des obligations souveraines flirtaient avec des planchers historiques, alors que les produits de gestion defortune et les obligations d'entreprise avaient été secoués par une multiplication des défauts de paiement. Les actions étaientencore trop risquées pour de nombreux investisseurs qui avaient été échaudés par le krach de l'année passée et investir àl'étranger était devenu plus difficile à cause des mesures prises par le gouvernement en vue de limiter les sorties decapitaux.

S'il est impossible de quantifier précisément l'impact qu'ont eu les investisseurs particuliers sur les échanges, ilne fait aucun doute que ceux-ci ont joué un rôle très important. Plus de 40 % des transactions dans les contrats àterme (futures) sur les barres d'armature ont eu lieu pendant la nuit, la période que les gens qui travaillent la journéechoisissent généralement pour jouer en Bourse. Selon des données compilées par Bloomberg, la période de détentionmoyenne des contrats sur les barres d'armature et les minerais de fer n'a pas dépassé 3 heures en avril. Selon MorganStanley, les particuliers possédant un compte bancaire et une carte d'identité officielle peuvent ouvrir un compte pour lenégoce de contrats à terme auprès d'une société de courtage en 40 minutes.

Si au moins cinq matières premières ont réussi à gagner plus de 50 % par rapport à leurs récents planchers pendant laflambée des échanges en Chine, la hausse des cours n'est en rien comparable à l'envolée de 159 % enregistrée par l'indiceShanghai Composite l'année passée ou celle de 256 % réalisée par le Nasdaq Composite au plus haut du boom internet il y a16 ans. Ce sont surtout les volumes des échanges qui ont impressionné lors de la récente poussée de fièvre enChine. Les volumes sur les Bourses de Dalian, Zhengzhou et Shanghai sont passés d'une moyenne journalière d'environ 78milliards de dollars en février à un pic de 261 milliards de dollars le 22 avril - soit plus que le produit intérieur brut de l'Irlande.Par contraste, les volumes sur la Bourse de Nasdaq au début de 2000 avaient culminé à environ 150 milliards de dollars.

La hausse de certaines matières premières a tout de même été due à des facteurs fondamentaux. Ainsi, la demande d'aciera augmenté sur fond de nouveaux investissements en infrastructure et de reprise sur le marché immobilier. Lesresponsables de la China Securities Regulatory Commission se sont, par ailleurs, engagés à empêcher toute spéculationexcessive et les trois principales Bourses ont ainsi pris des mesures (augmentation des exigences de marge, haussedes frais de transaction et limitation des heures d'ouverture le soir), ce qui a permis de ramener un peu de calme sur lesmarchés. Les volumes totaux sont alors retombés à 125 milliards de dollars le 6 mai (une baisse d'environ 135 milliards dedollars par rapport au pic) et les cours des barres d'armature et des minerais de fer ont chuté de près de 20 % par rapport àleur plus hauts d'avril.

Maintenant que les autorités chinoises ont pris des mesures en vue de limiter le trading afin d'éviter que la flambée desmatières premières n'alimente l'inflation et n'empêche la fermeture des producteurs inefficaces, les spéculateurs sont entrain de se retirer aussi vite qu'ils sont apparus. Mais si l'on regarde ce qui s'est passé lors de l'éclatement de la bulleboursière, force est de constater que les régulateurs auront des difficultés à freiner la spéculation excessive sans

MAI 2016

L'analyse de Thierry MassetVendre en mai et se tenir à carreau?Malgré des taux négatifs, le marchéobligataire performe comme jamaisdepuis 2009Nouvelle bulle des matières premièresen ChineTurbulences solairesLe moteur des dividendes US estgrippéLes mines d’or brillent en bourse

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provoquer un effondrement des cours. L'été dernier, les actions chinoises ont vu leur valeur fondre de 5.000 milliards dedollars lorsque les autorités ont mis en œuvre des mesures visant à limiter le trading sur marge et les opérations sur lemarché des futures sur indice, où les volumes ont dégringolé de 99 % par rapport à leur pic. La crainte est que lorsque labulle éclate, tout le monde parte en même temps. Dans ce cas, c'est celui qui sort le dernier qui doit payer la note la plussalée...

Tout ceci explique pourquoi nous restons prudents vis-à-vis des matières premières et passons d'une sous-pondération àune position neutre. Si les produits de base ont récupéré une partie du terrain perdu, ils sont néanmoins toujoursbeaucoup plus bas qu'il y a deux ans. Pour mettre fin à l'engorgement qui a provoqué ce plongeon, les entreprisesdevraient diminuer la production davantage, mais beaucoup d'entre elles sont si endettées qu'elles doivent se renflouer encash pour garder la tête hors de l'eau. Une entreprise n'envisagera de réduire sa production qu'en dernier ressort, car cettemesure revient à fermer le robinet des recettes. Et ensuite ?

À moins d'une reprise des prix des matières premières, cet imbroglio aura de funestes conséquences pourcertains producteurs en 2016. Quelle que soit l'ardeur qu'ils mettent à la tâche, de nombreux acteurs du secteur minier etdu forage verront la charge de leur dette s'envoler. Selon Moody's, les défauts de paiement dans le chef des entreprises, à latête desquelles se trouvent les producteurs de matières premières, atteindront leur plus haut niveau depuis six ans. Toujoursselon la société de notation, depuis le début de l'année, 50 % des 18 défauts sont attribuables à des sociétés productrices dematières premières, tandis que ce taux se situe à 14 % pour les sociétés métallurgiques et minières au cours des douzeprochains mois et à 9,1% pour les sociétés pétrolières et gazières. En janvier, Moody's a placé 55 sociétés minières et 120acteurs de l'extraction pétrolière et gazière sous surveillance avec révision potentielle à la baisse.

À la suite de l'effondrement du pétrole brut qui était à plus de 100 dollars le baril à la mi-2014 et est passé à26 dollars en février, les ratios d'endettement empirent pour de nombreuses entreprises du domaine duforage, même les sociétés "investment grade" comme Anadarko Petroleum ont réduit la production et les coûts. Sadette représentait un multiple de 3,5 fois les revenus avant déduction d'intérêts, impôts, dépréciation et amortissement(EBITDA) à la fin 2015, contre 0,9 un an plus tôt. Depuis le début de 2015, 48 producteurs de pétrole et de gaz ducontinent nord-américain ont fait faillite : leur endettement était de plus de 17 milliards de dollars. Les entreprises deforage américaines ont gonflé leur dette jusqu'à un montant de 237 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre,soit une augmentation de 12 % par rapport à l'année précédente.De nombreux producteurs ont toutefois continué de stimuler leur production jusqu'à la fin de l'annéedernière. Ceci s'explique en partie par le fait que les sociétés à court de liquidités doivent poursuivre leur croissancepour éviter de voir leurs lignes de crédit se contracter. Le montant que les banques acceptent de prêter auxemprunteurs dotés d'un crédit plus risqué repose sur la taille des réserves de la société et du prix du pétrole brut. Lesprêts sont ordinairement réajustés deux fois par an, aux environs des mois d'avril et d'octobre. Lorsqu'une société nepeut ajouter de nouveaux puits, ses réserves diminuent au fur et à mesure que le pétrole est extrait du sol et vendu, cequi a pour conséquence de contracter les lignes de crédit au moment où la société en a le plus besoin.Un rebond inopiné des métaux depuis le début de l'année a contribué à alléger la charge de certainsproducteurs aurifères, y compris Newmont Mining et Barrick Gold et les réserves minières ont connu leur plus groseffondrement mensuel en février depuis 2009. Les prix du minerai de fer qui s'étaient dégradés pendant trois annéesd'affilée sont en hausse de 42 % cette année, bien qu'ils soient encore à mi-course de ceux qu'ils avaient atteints il y adeux ans.Mais la plupart des compagnies minières sont toujours en difficultés. Freeport-McMoRan, le plus grosproducteur de cuivre coté, a assisté au plus que doublement de son ratio dette/EBITDA ajusté à la fin 2015, qui estpassé de 2,1 fin 2014 à 5,6. Cette situation est très problématique. Les sociétés d'extraction ne semblent pas être siprès de la faillite. Nombre d'entre elles ont en effet négocié une dette à long terme après le dernier effondrement desmatières premières en 2008. Mais le coût de fermeture d'une mine est colossal, au point que les créanciers pourraientêtre tentés de laisser les compagnies poursuivre leur production à perte tout en poursuivant leurs efforts pour seséparer de leurs actifs les moins performants. John Thornton, le président exécutif de Barrick a déclaré qu'il existeuniquement trois sorties possibles de la spirale pour les sociétés d'extraction : « générer plus de liquidités, émettreplus de capitaux propres ou vendre des actifs ».

3.1 Métaux précieux : surpondérer

3.1.1 Or

Au cours de ces quatre dernières semaines, l'or a perdu une partie des gains qui avaient été engrangés depuis ledébut de l'année (14 % en euros) en raison de la progression du dollar. Après les commentaires de plusieursgouverneurs et la publication du procès-verbal de la réunion du mois d'avril, les traders s'attendent à ce que laFed relève ses taux dans un avenir relativement proche. Depuis le début du mois de mai, la probabilité d'uneintervention en juin a plus que doublé (32 %), à en juger par les positions prises dans les contrats à terme suivis parBloomberg.

La probabilité de plus en plus grande d'un relèvement des taux en juin continuera vraisemblablement de pesersur l'or, mais la baisse du cours pourrait aussi être considérée comme une belle opportunité pour acheter, vu quela demande continuera d'augmenter, les investisseurs étant toujours à la recherche de solutions pour se protégercontre la volatilité sur les marchés des actions et des obligations.

Par ailleurs, le banques centrales de Tokyo à Stockholm ont adopté le concept de taux négatifs et même laprésidente de la Fed, Janet Yellen, a déclaré que la banque centrale US ne relèvera pas ses taux d'intérêt autant qu'elle l'avaitprévu en décembre dans un contexte d'affaiblissement de la croissance économique mondiale (les projections revues parles politiciens américains sous-entendent deux relèvements d'un quart de point cette année, alors que ceux-ci étaient aunombre de quatre en décembre). Et si, en théorie, cette approche est censée avoir un effet stimulant sur la croissance, enfaisant payer ceux qui veulent déposer leur argent dans les caisses des banques centrales, les investisseurs craignent quecela ne déstabilise les marchés monétaires.

Dans ce contexte, les taux bas représentent une bénédiction pour l'or, qui est devenu plus compétitif que les actifs portantintérêts. Même avec un rendement de 0 %, l'or peut s'avérer plus rentable que bien d'autres actifs, à une époqueoù les taux d'intérêt ont un effet négatif sur le capital. Les investisseurs ont tendance à se réfugier dans l'or lorsqu'ilsn'ont plus confiance en leurs monnaies et en leurs systèmes financiers. "L'expérience montre qu'en période de taux bas, lesrendements de l'or sont généralement deux fois plus élevés que leur moyenne à long terme", comme l'a indiqué le Conseilmondial de l'or. "Sur le long terme, les politiques de taux négatifs pourraient entraîner un renforcement structurel de lademande pour l'or de la part des banques centrales et des investisseurs."

Les pays qui cherchent à déprécier leurs monnaies encouragent en fait leurs citoyens à se tourner vers l'or,comme nous avons pu le constater en Chine, en Russie et dans d'autres pays émergents. L'or est alors utilisé comme unedevise. Mais une devise sur laquelle la banque centrale n'a pas d'emprise directe. La demande des consommateurs auJapon a quasiment doublé entre 2014 (17,9 tonnes métriques) et 2015 (32,8 tonnes métriques), selon des estimations duConseil de l'or.

L'or s'échange à 1.240 dollars l'once et devance pratiquement toutes les autres matières premières dans l'indiceBloomberg des matières premières. Alors que l'or risque d'être suracheté à court terme, nous le privilégions car nouspensons qu'il devrait profiter de la poursuite probable des turbulences sur les marchés. La volatilité sur les marchésfinanciers due au ralentissement chinois/mondial et à la faiblesse des prix pétroliers ainsi que les doutes concernantl'efficacité des mesures d'assouplissement risquent de persister. Cela pourrait continuer de peser sur l'appétit pour le risqueet sur les taux en dollars. Tout bénéfice pour l'or.

Au premier trimestre, la demande mondiale pour l'or a grimpé de 21 % par rapport à l'année passée (à 1.289,8tonnes métriques), selon des chiffres publiés par le Conseil mondial de l'or.Selon la Commodity Futures Trading Commission, la position longue nette sur les contrats à terme en or et lesoptions a progressé pour atteindre 228.000 contrats. Il s'agit du niveau le plus élevé depuis août 2011 !Avec la remontée des cours, les investisseurs se sont de nouveau tournés vers les ETF adossés à l'or cette année.Les actifs ont gonflé de 380 tonnes métriques depuis le début de l'année, faisant ainsi oublier la chute de1.735 tonnes enregistrée sur l'ensemble de l'année passée.

Comme l'indiquent les données du Conseil mondial de l'or, les ventes d'or par les banques centrales ont, par le passé,entraîné un surplus sur le marché. Mais à partir du deuxième trimestre 2009 jusqu'en 2015, les achats nets d'oreffectués par les banques centrales ont absorbé la plupart du surplus, une absorption susceptible de seprolonger tant que la diversification de portefeuille de réserves se poursuit. Ceci peut être d'autant plus vrai enprésence d'un affaiblissement de la demande en bijoux et investissement. Bloomberg estime que les banquescentrales ont accumulé plus de 2 448 tonnes de métaux correspondant à des sorties liées à des fonds or négociés enbourse d'environ 270 tonnes au cours de la période.

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3.1.2 Argent

L'argent devrait poursuivre sur sa belle lancée. Les données (investisseurs, traders, marchés) montrent en effet que le métal(une des meilleures performances de cette année parmi toutes les ressources suivies par l'indice des matièrespremières de Bloomberg) devraient encore progresser. L'argent a déjà gagné plus de 15 % (en euros) depuis le débutde l'année, après avoir sous-performé l'or au premier trimestre en raison des craintes de voir le ralentissement de lacroissance chinoise peser sur la demande de ce pays, le plus grand consommateur de matières premières au monde.

Cela fait au moins sept ans que l'argent n'a jamais été si bon marché par rapport à l'or et les prévisions decontraction de l'offre du secteur minier pour cette année laissent présager la sortie prochaine de l'argent hors del'ombre du métal jaune.

Le mois dernier, une once d'or s'achetait au prix d'environ 76 onces d'argent, soit un pic absolu depuis la crisefinancière de 2008.Pour la première fois en dix ans, la production minière d'argent chutera probablement en 2016 et la demande devraitdépasser l'offre pour la quatrième année consécutive. Dans la plupart du monde entier, l'extraction de l'argent hors dusol s'effectue avec d'autres minerais de sorte que les réductions de production annoncées par les principales sociétésd'extraction nuiront aux offres du métal blanc ainsi qu'à d'autres métaux comme le cuivre et le zinc.

Pour les investisseurs qui estiment que l'or continuera son ascension en raison des craintes concernant unerécession économique mondiale, la déflation et les taux d'intérêt négatifs, l'argent pourrait constituer une autresolution plus lucrative. Le métal blanc surperforme généralement lorsque l'or est en progression et sous-performeuniquement lorsque tous deux sont en régression.

Plus de 50 % de la demande d'argent provient du secteur industriel, notamment un quart de l'électronique et dans unecertaine mesure, les aléas de l'argent suivent ceux des matières premières industrielles, comme le cuivre, le zinc et leplomb. L'indice des six métaux London Metal Exchange a progressé d'environ 3 % (en euros) depuis qu'il a atteint, en février,son niveau le plus bas observé en plus de six ans. Si l'on fait l'hypothèse que l'économie mondiale passe à côté d'unfort ralentissement et que les prix des métaux industriels continuent de se stabiliser, il se pourrait que l'argentsurperforme l'or.

Les investisseurs se sont rués sur les ETF adossés à l'argent, avec une hausse des positions de 5,6 % à 19.900tonnes métriques cette année, à 2 % du record de 20.182,2 tonnes qui avait été enregistré en octobre 2014.

Dans un même temps, les gestionnaires de portefeuilles ont augmenté leurs positions longues nettes de 30 % à54.885 contrats, le montant le plus élevé depuis la création des données de la Commodity Futures Trading Commission en2006.

3.2 Pétrole brut (Brent) : neutre

Le port de la province de Shandong a du mal à gérer le nombre record de navires arrivant pour approvisionner lesraffineries privées appelées “teapots” qui abondent dans la région. Après avoir atteint leur destination, au moins 16pétroliers capables de transporter 21,2 millions de barils ont été bloqués dans les environs du port pendant plus de 10 joursentre le 1er et le 23 mai. Selon Bloomberg, la moitié d'entre eux ont dû attendre plus d'un mois avant de pouvoir livrer leurcargaison.

Cette situation illustre bien les défis auxquels doivent faire face les raffineurs indépendants chinois, dontl'émergence a eu un impact positif sur un marché mondial saturé. Selon les prévisions d'ICIS-China, ceux-ci devraientacheter un total d'un million de barils de brut par jour à l'étranger, contre 620.000 barils en 2015. Bien que de taille modeste,ces raffineries comptent, ensemble, pour près d'un tiers de la capacité de raffinage de la Chine.

Alors qu'il y a à peine un an, elles dépendaient encore des grandes entreprises énergétiques publiques pour leurapprovisionnement en matières premières, les raffineries "teapots" sont devenues les plus importants acheteursde brut en Chine, après avoir reçu l'autorisation du gouvernement de s'approvisionner à l'étranger. En fin février,27 sociétés avaient reçu ou demandé une licence d'importation, pour un total de quotas annuels de 89,5 millions de tonnesmétriques, soit environ 1,8 million de barils par jour, selon Zhang Liucheng, président de la China Petroleum PurchaseFederation of Independent Refinery. En avril, les achats effectués à l'étranger par le deuxième plus grand consommateur depétrole au monde ont grimpé à 7,96 millions de barils par jour (quasiment un nouveau record), tandis que les livraisons àdestination de Qingdao ont atteint des niveaux sans précédent.

Si les achats de brut des teapots ralentissent, le processus global de rééquilibrage de l'offre et de la demanderisque de prendre plus longtemps. En d'autres termes, toute diminution des importations risque de freiner lerebond du pétrole.

Mais comme les infrastructures n'évoluent pas aussi vite que les achats, les importations risquent aussi d'être freinéespar les problèmes de trafic et le manque de capacité de stockage.Les craintes par rapport à la solvabilité de sociétés n'ayant encore aucune expérience en matière decommerce international a également pour effet de refroidir certains vendeurs. En cas de ralentissement desprofits, les usines pourraient être contraintes de ralentir le rythme de leurs opérations et donc de diminuer leurs achatsà l'étranger. En outre, la mise en œuvre de normes de qualité plus élevées pourrait forcer certaines d'entre elles àmettre la clé sous le paillasson.Outre le problème de trafic à Qingdao, la lutte contre la pollution en Chine risque également de peser sur lesachats des teapots. Dans le cadre de ses efforts en vue de combattre le smog (problème qui a déjà été la cause decertains troubles sociaux et dont les effets sur la santé sont particulièrement néfastes), le président Xi Jinping entendadopter des normes de qualité plus élevées pour le pétrole à partir de janvier 2017. Pour se conformer à ces nouvellesnormes, les raffineries du pays devront moderniser leurs équipements et leur technologie, ce que certaines sociétésne pourront peut-être pas se permettre. Cela risquerait d'affecter leurs marges bénéficiaires.L'affaiblissement des marges aura probablement un impact plus important sur les raffineries indépendantesde Chine et cela entraînera une diminution des importations de brut.

Cette situation pourrait provoquer une diminution de la demande chinoise, ce qui aura inévitablement un impactnégatif sur les prix pétroliers. Surtout maintenant que les discussions entre les producteurs de pétrole qui se sonttenues à Doha n'ont pas permis de trouver une solution au problème de la surabondance mondiale. La réunion entrel'OPEP, la Russie et les autres principaux producteurs mondiaux s'est soldée par un échec, l'Arabie saoudite ayant refusé deréduire sa production sans engagements de la part de certains autres grands producteurs comme l'Iran, qui a exclu tout gelde sa production à l'heure actuelle.

Cela montre à quel point les tensions sont vives entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Ces deux pays n'ont absolumentaucune confiance l'un envers l'autre et la décision de l'Arabie saoudite de ne pas accepter la proposition de gel de laproduction cadre parfaitement avec sa stratégie à long terme, qui consiste à équilibrer les marchés saturés en forçant sesrivaux à abaisser leurs prix. Les Saoudiens ne sont pas prêts à céder des parts de marché, car ils craignent que les prixseront orientés à la baisse pendant longtemps. Et comme ils l'ont appris à leurs dépens dans les années 80, s'ils perdentdes parts de marché dans ces conditions, il est très difficile de les récupérer par la suite. Le refus de l'Arabie saoudite designer l'accord montre simplement que le pays n'a pas peur de voir les prix rester bas pendant longtemps. Le royaume esten effet capable de résister à une baisse des cours pendant plus longtemps que la plupart des autres producteurs !

Cela explique pourquoi les prix pétroliers (Brent), qui sont passés d'un plus bas sur 13 ans de 27 dollars le baril à 49dollars le baril suite à la proposition conjointe de l'Arabie saoudite, de la Russie, du Venezuela et du Qatar de limiter lesquotas de production afin de réduire l'excédent mondial, se sont stabilisés au-dessous de 50 dollars depuis l'échec desnégociations à Doha.

Même si les discussions du 17 avril au Qatar avaient abouti à un gel de la production, les analystes estiment quecela n'aurait eu aucun impact sur les réserves, vu que pratiquement aucun des pays concernés n'a la capacité oul'intention d'accélérer sa production.

Le problème avec ce gel de la production, basé sur une coopération plus approfondie, réside dans le fait qu'aucunedes parties impliquées ne devra déployer d'efforts pour respecter ses engagements. Les pays impliqués dans lesdiscussions produisent déjà pratiquement au maximum de leur capacité. On pourrait donc comparer ce gel de laproduction à un appel au cessez-le-feu alors que tous les belligérants sont à court de munitions.En outre, de nombreuses incertitudes concernant l'évolution des stocks pourraient éclipser l'impact d'unéventuel futur accord sur un gel de la production.

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Selon des estimations de l'Agence internationale de l'énergie, l'Iran, qui a accéléré sa production de 400.000barils par jour cette année suite à la levée des sanctions internationales, s'apprête à en produire 300.000 de pluspar jour afin de récupérer la part de marché perdue pendant l'embargo (4 millions de barils par jour).

L'Arabie saoudite, le rival politique de l'Iran, pourrait encore davantage bouleverser la donne. Le mois passé, leprince Mohammed bin Salman a en effet indiqué que le royaume n'hésiterait pas à accroître sa production siun autre pays devait s'engager sur cette voie. Selon le prince, le plus grand producteur de brut au mondepourrait sans attendre produire plus de 1 million de barils en plus par jour (une hausse d'environ 10 %) et doublerces volumes en l'espace de six à neuf mois (à 12,54 millions de barils par jour).

Alors que, selon les prédictions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les prix du pétrole pourraient avoiratteint leur niveau plancher en raison de la diminution de l'offre en dehors de l'Organisation des pays exportateurs depétrole (OPEP) et des perturbations au sein même du groupe qui pèsent tout doucement sur la surabondance mondiale, ilsera tout de même difficile de rééquilibrer un marché largement excédentaire.

Le pétrole de schiste ne sera toutefois pas épargné et la production US va probablement continuer de ralentir. Face à lachute des prix, les opérateurs en difficultés vont notamment chercher leur salut dans des opérations de fusion & acquisition.

Sauf crise géopolitique majeure (la situation est particulièrement tendue au Moyen-Orient et les pays européens ont relevéle niveau de la menace et multiplient les actions anti-terrorisme), cette conjugaison de facteurs signifie que les prixpétroliers resteront bas et volatils dans les prochains mois.

Avec le temps, cette configuration des prix va faire chuter les producteurs dont les coûts sont plus élevés et va doper lademande, ce qui devrait permettre à l'OPEP de retrouver son pouvoir d'influence. On peut espérer que le trop-pleinactuel de pétrole commence progressivement à se tarir sous l'effet d'une demande dopée par la chute des prix. Laprincipale question est désormais de savoir à quel rythme le marché va se rééquilibrer. Tout dépendra ici de l'impact de laréduction des investissements réalisés en amont et de l'évolution de la demande.

Les positions longues nettes des spéculateurs sur le brut ont quasiment atteint leur niveau le plus élevé en 12mois (données de la Commodity Futures Trading Commission). Cela laisse supposer que les effets négatifs de la chute desprix pétroliers sont, pour la plupart, probablement derrière nous à ce stade.

3.3 Métaux industriels : neutre

Les métaux industriels sont passés du paradis à l'enfer en l'espace de seulement quelques semaines en raison descraintes sur la croissance chinoise et de l'appréciation du dollar due à la perspective d'une hausse des taux de la Réservefédérale en juin. Le renforcement du billet vert a généralement un impact négatif sur la demande de matières premièrestelles que les métaux industriels, qui sont libellés dans cette devise.

Même s'ils ne devraient pas connaître la même déconvenue que l'année passée, les prix des métaux industrielsdevraient rester bas en raison d'une offre excessive et d'une demande trop faible. Et les perspectives ne sont pas bonnes,avec la diminution de la demande en Chine et ailleurs dans le monde.

De nombreux producteurs sont toujours confrontés à un problème de surendettement. Les mesures d'austérité quiont été prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivil'effondrement des prix. Au cours du quatrième trimestre, le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein dessociétés minières, énergétiques et agricoles pour atteindre maintenant des niveaux deux fois aussi élevés que ceux d'il y a unan.

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3.3.1 Niobium

Les sociétés minières et sidérurgiques mondiales ont perdu à ce point de la valeur pendant la crise des matièrespremières que certaines d'entre elles ont été littéralement bradées par leurs propriétaires, soucieux de réduireleurs pertes ou leurs dettes. Mais un métal a particulièrement attiré l'attention pendant cette période : le niobium.

Le niobium - dont le nom est tiré de celui de la déesse grecque Niobé devenue un symbole tragique de la mèreendeuillée - est utilisé pour fabriquer de l'acier plus résistant et plus léger employé dans des tubes industriels et despièces aéronautiques. Un kilo de ce métal coûte sept fois plus cher qu'un kilo de cuivre.Le mois passé, China Molybdenum a acheté l'unité de niobium et de phosphate d'Anglo American au Brésilpour un montant de 1,5 milliard de dollars, soit 50 % de plus que ce que les analystes avaient prévu. Au moins15 autres sociétés, parmi lesquelles Vale, Apollo Global Management et X2 Resources, étaient également en piste pourcette acquisition. Cet engouement montre à quel point ce métal argenté et ductile, dont la valeur du marché peut êtreestimée à 4 milliards de dollars, attire les convoitises. Pas mal pour un métal au sujet duquel beaucoup d'experts nesavent pas grand-chose.Le principal attrait de ce marché réside dans le nombre très limité de mines en exploitation. Le métal estessentiellement extrait de trois mines situées au Brésil et au Canada, ce qui permet au principal producteur, le groupebrésilien Cia. Brasileira de Metalurgia & Mineracao (CBMM), d'adapter l'offre à la demande et d'influencer les cours(Anglo et Niobec détiennent 9 % de la production et CBMM le reste).Le niobium est difficile à trouver et à valoriser. Son prix moyen a tourné autour de 40 dollars le kilo l'année passée.À titre de comparaison, le kilo de cuivre s'échangeait à environ 5,49 dollars sur la Bourse des métaux de Londres. Lademande mondiale pour le niobium varie entre 90.000 et 100.000 tonnes métriques chaque année. Cela n'a toutefoispas empêché les prix de chuter l'année passée suite au recul de la demande, l'effondrement des marchés du pétroleet du gaz ayant entraîné une diminution des achats de tuyaux métalliques.

3.4 Dollar US et euro (neutre), yen (positif)

Le marché des changes mondial n'a pour le moment plus sa destinée en main. Au plus fort de sa puissance, il estcapable de scinder les marchés financiers en deux camps (les valeurs refuges et les actifs à risque) et dicter lescomportements face aux événements, sans tenir compte des fondamentaux. Aujourd'hui, alors que les investisseurs tententde composer avec les effets de distorsion des assouplissements quantitatifs (QE) des banques centrales, il se contentesimplement de suivre les marchés, comme il l'avait déjà fait au lendemain de la crise financière en 2008. Nous sommes entrain de passer d'un monde dominé par le QE à un monde "risk-on/risk-off". Pour le moment, il semble que noussoyons dans un environnement "risk-off".

De nombreuses corrélations entre les devises et les autres actifs ont atteint des sommets plus tôt cette année suiteà l'effondrement des marchés boursiers (les actions ont perdu 9.000 milliards de dollars de valeur). Aujourd'hui, les liens sontde nouveau en train de se resserrer alors que les investisseurs s'apprêtent à affronter toute une série de défis, duréférendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne le mois prochain aux élections américaines ennovembre, en passant par la prochaine réunion de la Réserve fédérale. La réémergence d'un monde binaire pourrait déjàaffecter les investisseurs, avec des fonds en devises incapables d'engranger des gains en 2016.

Le paradigme "risk-on/risk-off" risque encore de se renforcer alors que la Fed se prépare à un nouveauresserrement des taux. Lorsque le procès-verbal de la dernière réunion de la banque centrale a été publié le 18 mai, laconviction que celle-ci allait agir dans un avenir relativement proche a déjà eu un impact sur les devises émergentes et surles actions. La frontière est mince entre le fait de considérer une hausse des taux US comme la preuve que l'économie estsuffisamment forte pour digérer une normalisation de la Fed et le fait de voir cela comme le signe d'une nouvelle pousséed'aversion pour le risque, en particulier sur les marchés émergents.

Plutôt que d'être guidés par les données économiques ou les politiques monétaires, les taux de change des paysémergents sont liés aux mouvements des actions et des matières premières comme ils ne l'avaient plus étédepuis au moins 2013. En cas de baisse, le yen a tendance à s'apprécier, et inversement. Le fameux paradigme "risk-on/risk-off" est donc de retour.

Selon des données compilées par Bloomberg, la corrélation sur 120 jours entre un indice reprenant 20 devisesémergentes et un indice d'actions mondiales se situe aujourd'hui à 0,6, soit pas loin de son niveau du 8 avril qui était leplus élevé enregistré depuis décembre 2013. Sachant qu'une corrélation de 1 signifie que les deux classes d'actifsévoluent de la même manière, ce chiffre montre que les devises suivent de plus en plus souvent la même évolutionque les actions. Cela mérite d'être souligné, car les investisseurs ont tendance à considérer les actions comme plusrisquées que des actifs comme les obligations d'État.Le lien avec les matières premières a grimpé à 0,7 ce mois-ci, pratiquement son niveau le plus élevé en six ans. En fin2014, aucun actif ne présentait de corrélation significative avec les devises émergentes.

Cela pourrait aussi provoquer une traditionnelle ruée vers le yen des investisseurs à la recherche d'une valeur refuge.La corrélation entre le cours dollar/yen et les actions a atteint 0,7 en février, son niveau le plus élevé depuis que Bloombergsuit la statistique en 1987, et est aujourd'hui retombée à 0,5. Cela signifie que la devise japonaise tend à se déprécier lorsqueles actions progressent.

Alors que le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne aura lieu dans moins d'un mois, un indicemesurant les fluctuations du cours de la livre a atteint son niveau le plus élevé depuis février. La volatilité livre/dollarimplicite sur un mois a dépassé les 11 %, tandis que la mesure sur deux mois devance celle sur trois mois depuis fin avril,signe que les investisseurs craignent de plus fortes fluctuations de la monnaie à l'approche du vote.

Ce référendum ne constitue pas uniquement une menace pour la livre. Il entraîne aussi une augmentation desrisques de change sur l'ensemble du continent. L'éventuelle sortie des Britanniques pourrait, en effet, avoir un impactnégatif sur les échanges commerciaux et encourager les autres États membres à renégocier leur relation avec l'UE. L'eurorisque donc d'être encore sous pression d'ici au mois de juin.

Même si le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ne serait pas contre un euro plusfaible, une dépréciation due à un risque systémique aurait tout de même de quoi inquiéter. Alors qu'elle tentetoujours d'effacer les traces de la crise des dettes souveraines, la zone euro aurait du mal à résister à de nouvellesturbulences menaçant sa croissance. Draghi a déjà engagé plus de mille milliards d'euros en achats d'actifs et a faitpasser ses taux en négatif dans le but de raviver l'inflation et la perspective de nouvelles mesures ajoute une pressionsupplémentaire sur l'euro.Selon des données compilées par Bloomberg, sept des neuf principaux partenaires commerciaux du Royaume-Uni font partie de l'UE. Une sortie des Britanniques risque donc d'avoir des conséquences dommageables des deuxcôtés de la Manche, en cas de détérioration conjoncturelle. D'après les économistes de la fondation allemandeBertelsmann, les petits pays européens comme l'Irlande, le Luxembourg et Malte seraient les plus touchés si leRoyaume-Uni venait à perdre une partie de son accès au marché unique. Cependant, même les poids lourds ducontinent comme la France, l'Allemagne et l'Italie n'en sortiraient pas indemnes.

Suite à la dernière réunion et aux derniers commentaires de la Fed, les investisseurs se sont demandés si leraffermissement du dollar, qui entame sa troisième année consécutive, commençait à s'essouffler. Le dollar s'estaffaibli en mai à un niveau quasi plancher depuis sept mois au moment où les investisseurs recalculaient l'évolution duresserrement de la Fed après que celle-ci ait revu à la baisse ses prévisions de croissance économique et d'inflation et fixéun seuil plus élevé pour relever ses taux ultérieurement.

L'indice Bloomberg du cours au comptant du dollar, qui suit la devise par rapport à 10 principales autres devises, aperdu près de 2 % cette année, gommant ainsi le bénéfice de 9 % enregistré en 2015 et le rebond de 11 % au cours del'année précédente.Les politiciens tentent de jauger le moment auquel ils procéderont à un deuxième relèvement des taux après celui dedécembre qui est intervenu pour la première fois en près de dix ans. La croissance inégale aux États-Unis et leralentissement en Chine qui ont déprimé les marchés au cours des premières semaines de l'année ont diminué lesprobabilités de relèvement. Les responsables ont mis à jour leurs prévisions médianes des taux d'intérêt de fin d'annéeà 0,875 %, ce qui implique deux relèvements d'un quart de point en 2016, alors que ceux-ci étaient prévus au nombrede quatre en décembre.