34
Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration Maria Pereira-Ramos* Introduction Le Portugal, pays à la fois d’émigration et d’immigration, présente actuelle- ment une situation singulière dans l’Union européenne et dans le contexte de la mondialisation croissante de l’économie et de l’emploi. Ce pays a connu ces dernières années une importante modernisation ; l’évolution macroéconomique a favorisé la croissance et l’emploi, malgré les décala- ges en termes de productivité et de revenus qui séparent encore le Portugal de la moyenne européenne. Traditionnellement le Portugal est un pays d’émigration. Il s’agit d’une donnée structurelle, à la fois de l’économie et de la société, en raison de la culture migratoire et de l’existence de communautés portugaises partout dans le monde. À cela s’ajoute la persistance d’un différentiel de dévelop- pement par rapport aux pays les plus riches d’Europe et d’Amérique du Nord. Des flux d’émigration spécifiques, notamment temporaires et saison- niers, persistent encore pour des motifs économiques. Les migrants tissent des réseaux migratoires, grâce auxquels ils s’installent dans une mobilité transnationale. Dans la migration intra-européenne des Portugais, se déve- loppent des logiques de double résidence et d’aller-retour. Mais le Portugal est de plus en plus un pays d’immigration confronté à des populations avec lesquelles il n’y a pas de liens historiques ni culturels, et à de nouvelles figures de migrants. Ce pays a désormais une politique d’immigration, elle a régularisé des clandestins et les immigrés font partie du marché formel et informel du travail. L’analyse de la situation des immigrés au Portugal et des modalités d’intégra- tion des émigrés portugais dans l’espace européen, permet de nous interroger sur le rôle de ces circulations migratoires dans la construction européenne. L’évolution des marchés du travail, les politiques des pays concernés et la force des réseaux migratoires actifs aux deux bouts de la chaîne migratoire sont des facteurs déterminants des migrations portugaises. Il est fait appel aux travailleurs étrangers pour répondre aux exigences de flexibilité du marché du travail et de l’économie et aux besoins temporaires de main- d’œuvre liés aux fluctuations conjoncturelles de l’activité (travail saison- nier, sous-traitance, prestation de services). Les tensions sont visibles dans 111 * Professeur à la faculté d’économie de l’université de Porto (Portugal).

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Nouvelles dynamiques migratoiresau Portugal et processus d’intégration

Maria Pereira-Ramos*

■ Introduction

Le Portugal, pays à la fois d’émigration et d’immigration, présente actuelle-ment une situation singulière dans l’Union européenne et dans le contextede la mondialisation croissante de l’économie et de l’emploi. Ce pays aconnu ces dernières années une importante modernisation ; l’évolutionmacroéconomique a favorisé la croissance et l’emploi, malgré les décala-ges en termes de productivité et de revenus qui séparent encore le Portugalde la moyenne européenne.

Traditionnellement le Portugal est un pays d’émigration. Il s’agit d’unedonnée structurelle, à la fois de l’économie et de la société, en raison de laculture migratoire et de l’existence de communautés portugaises partoutdans le monde. À cela s’ajoute la persistance d’un différentiel de dévelop-pement par rapport aux pays les plus riches d’Europe et d’Amérique duNord. Des flux d’émigration spécifiques, notamment temporaires et saison-niers, persistent encore pour des motifs économiques. Les migrants tissentdes réseaux migratoires, grâce auxquels ils s’installent dans une mobilitétransnationale. Dans la migration intra-européenne des Portugais, se déve-loppent des logiques de double résidence et d’aller-retour.

Mais le Portugal est de plus en plus un pays d’immigration confronté à despopulations avec lesquelles il n’y a pas de liens historiques ni culturels, et àde nouvelles figures de migrants. Ce pays a désormais une politiqued’immigration, elle a régularisé des clandestins et les immigrés font partiedu marché formel et informel du travail.

L’analyse de la situation des immigrés au Portugal et des modalités d’intégra-tion des émigrés portugais dans l’espace européen, permet de nous interrogersur le rôle de ces circulations migratoires dans la construction européenne.

L’évolution des marchés du travail, les politiques des pays concernés et laforce des réseaux migratoires actifs aux deux bouts de la chaîne migratoiresont des facteurs déterminants des migrations portugaises. Il est fait appelaux travailleurs étrangers pour répondre aux exigences de flexibilité dumarché du travail et de l’économie et aux besoins temporaires de main-d’œuvre liés aux fluctuations conjoncturelles de l’activité (travail saison-nier, sous-traitance, prestation de services). Les tensions sont visibles dans

111

* Professeur à la faculté d’économie de l’université de Porto (Portugal).

Page 2: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

les pratiques professionnelles : travail au noir, clandestinité, développe-ment des formes atypiques d’emploi et de l’économie souterraine.

Malgré les nouvelles facilités offertes par l’intégration européenne, les res-sortissants portugais n’échappent pas totalement à la problématique clas-sique inhérente aux mouvements migratoires. Dans le cadre de l’Unionmonétaire européenne, les migrations de travailleurs constituent-elles unfacteur d’ajustement de l’économie portugaise ? Quelles en sont les consé-quences sur le marché du travail, alors que le chômage est en forte augmen-tation au Portugal, et qu’il est particulièrement élevé dans d’autres paysd’immigration du Sud (Espagne, Italie et Grèce) où le chômage de longuedurée est également très important ? Des différences significatives subsis-tent entre les États membres, en ce qui concerne le chômage, l’emploi,l’activité, les performances macroéconomiques et les structures sociales.

Le présent article abordera tour à tour :– les politiques migratoires au Portugal, marquées par la régularisationd’étrangers « sans papiers » et l’hétérogénéité des politiques d’intégration ;– l’ampleur et les caractéristiques de l’émigration portugaise ;– l’immigration au Portugal, notamment la situation des différents groupessur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est.

En conclusion, on s’interrogera sur le rôle des migrations de travailleursdans l’économie portugaise et sur les perspectives et les enjeux des mouve-ments migratoires au Portugal.

■ Les politiques migratoires en Europeet au Portugal

C’est surtout dans les années quatre-vingt que le débat sur l’Europe socialea été relancé avec le renouveau de la construction européenne : achèvementdes règles de libre circulation des personnes ; affirmation d’un objectif decohésion économique et sociale ; nécessité d’un droit social européen plusapprofondi... La dimension sociale de l’Europe doit déboucher surl’expression concrète d’une solidarité à l’échelle communautaire, qui resteun des facteurs de la cohésion européenne. Depuis 1986, date de son entréedans la Communauté européenne, le Portugal fait des progrès en matière deconvergence réelle et nominale et est entré, au 1er janvier 1999, commemembre fondateur de la zone euro 1. Avec la création de l’Union écono-mique et monétaire (UEN), les États providence européens sont entrés dansune nouvelle phase d’évolution et les marges de manœuvre des budgetspublics ont substantiellement diminué.

112

RFAS No 2-2004

1 Mais les inégalités persistent : le PIB per capita du Portugal en 2002 représente seulement71 % de celui de l’Union européenne (Eurostat).

Page 3: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Construction européenne, démographie et marchédu travail

L’immigration au Portugal serait le résultat, d’une part, de l’épuisement pro-gressif des réserves internes de main-d’œuvre dans un contexte de croissanceéconomique, d’autre part, de facteurs internes aux pays d’origine des immi-grés poussant ces derniers à les quitter, mais également le résultat de la per-sistance de l’émigration portugaise, surtout vers d’autres pays européens(Suisse, France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, Luxembourg...), pouroccuper des postes de travail mieux rémunérés à l’extérieur, mais similaires àceux qui restent vacants pour les immigrés au Portugal. Celui-ci joue à la foisle rôle de pays relais, de pays de nouvelle immigration et de pays de transitvers d’autres destinations européennes, tout en étant un pays périphérique parrapport au noyau dur de la zone euro (Ramos, 2002 b).

Étant donné le faible taux de chômage au Portugal jusqu’à 2001 1, le niveauélevé d’activité des femmes 2 et le maintien de l’émigration, on comprendle recours à la main-d’œuvre étrangère pour combler des besoins spécifi-ques du marché du travail et atténuer les tensions salariales 3.

Les indicateurs démographiques (taux de fécondité très bas et vieillisse-ment accéléré de la population), rendent encore plus souhaitable cet appelaux étrangers pour les ajustements nécessaires. Pour éviter le vieillissementde la population portugaise jusqu’à 2021, il faut faire entrer au pays près de200 000 immigrés par an (étude de Rosa et al., 2003, fondée sur les donnéesdu recensement de 2001). Ce nombre est nécessaire pour équilibrer le rap-port entre la population active (15-64 ans) et âgée (plus de 64 ans) et tientcompte du flux des émigrés sortant et des prévisions de mortalité et defécondité pour les prochaines années.

Ces dernières années on constate au Portugal des formes d’emploi non per-manent et atypique et l’importance de l’économie souterraine. L’existenced’une offre de main-d’œuvre de travailleurs illégaux et clandestins, a cons-titué, surtout dans la construction, un facteur important pour la proliférationd’entreprises informelles créées et gérées par des entrepreneurs qui exploi-tent ces ressources humaines. Dans ce contexte, la flexibilité apportée par lamain-d’œuvre immigrée peu exigeante est appréciée pour des raisons éco-nomiques : bas niveau des salaires, horaires de travail souples et longs...

L’intégration des travailleurs étrangers est nécessaire pour valoriser leurs qua-lifications professionnelles dans l’économie portugaise et dans la productivité

113

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Pour cette année-là, le taux de chômage (4 %) était inférieur au taux naturel (5 %), provo-quant une tension sur le marché du travail et faisant augmenter les coûts salariaux.2 En 2001, le taux d’activité des femmes portugaises était de 65 % ; ce taux n’atteignait que60 % pour les femmes dans l’Union européenne (Eurostat).3 De nombreux travaux théoriques et empiriques menés en économie pour divers pays, suggè-rent que l’immigration n’aurait guère d’effets sur les niveaux de chômage et de salaire de lazone d’accueil. Mais ce résultat ne fait pas l’unanimité (Héran, 2002).

Page 4: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

globale du travail. L’enjeu de l’immigration économique pour la compétitivitéa été souligné récemment par le gouverneur de la Banque du Portugal 1.

L’immigration en Europe se diversifie, devient un phénomène durable, etd’anciens pays d’émigration comme le Portugal, l’Italie, l’Espagne et laGrèce sont aujourd’hui des pays d’accueil confrontés à de nouvelles figuresde migrants : saisonniers, salariés, intellectuels, techniciens, commerçants,entrepreneurs, illégaux... Ils sont les révélateurs des transformations du mar-ché de l’emploi et de la mondialisation : l’intensification des flux migratoiress’accompagne, en effet, d’une diversification des caractéristiques desmigrants. La mondialisation contribue à installer dans la mobilité des popula-tions variées 2 où coexistent « le citoyen en tant que national » et « le citoyendu monde » (Castles et Davidson, 2000). La difficile gestion de l’immigra-tion permanente contribue à l’édification de nouvelles frontières au sein desÉtats européens, des frontières institutionnelles qui, en maintenant de nou-veaux migrants dans l’irrégularité, les confirment en marge de la citoyenneté.

Politiques européennes de gestion des flux et évolutionde la politique d’immigration au Portugal

L’immigration est au cœur du débat politique en Europe. Les conventionsde Schengen, de Dublin et d’Amsterdam traduisent « l’européanisation »du débat sur l’immigration. Des politiques communes d’immigration etd’asile ont été définies conformément aux conclusions du Conseil européende Tampere (octobre 1999). Si les États du nord de l’Europe se sont efforcésde réviser leur législation, les États traditionnels d’émigration du Sud ont euplutôt à en élaborer une, face à l’impératif d’harmonisation des normes etdes procédures. Avec le dispositif de Schengen, un important système demaîtrise de l’information se met en place pour lutter contre l’immigrationclandestine et pour le contrôle aux frontières. Paradoxalement, c’est ledomaine où l’Europe est actuellement fortement mise en cause. L’affi-chage, par les pays d’accueil, de politiques restrictives et parfois répressi-ves a provoqué des effets pervers dont le phénomène des « sans-papiers »est l’illustration. La complexité des flux migratoires est à la base des diffi-cultés accrues des États à contrôler les frontières et à élaborer une politiquemigratoire commune. L’Organisation de coopération et de développementéconomiques (OCDE), l’Organisation internationale du travail (OIT) et laCommission européenne soulignent l’inadéquation de la politique de« l’immigration zéro ». À une telle politique s’opposent en effet à la fois

114

RFAS No 2-2004

1 V. Constâncio, in Boletim Económico de Dezembro 2003, Lisbonne, Banco de Portugal,janvier 2004, p. 8.2 La mobilité de marchandises, de capitaux, d’informations et d’hommes montre, selon Bau-man (1999), l’inégalité entre ceux qui ont les moyens pour la mobilité et ceux qui sont condam-nés à l’immobilité dans les lieux où ils habitent. Pour lui, « la mobilité est devenue un privilègede classe », constituant un facteur essentiel de stratifications sociales contemporaines.

Page 5: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

l’argument du droit (le regroupement familial et l’accueil des réfugiés sontdes droits intangibles) et des raisons économiques et démographiques.La plupart des États membres de l’Union européenne sont confrontés à lanécessité d’élaborer des solutions en matière d’asile et d’immigration quitiennent compte à la fois des évolutions économique et démographique desÉtats de l’Union européenne et de leurs liens historiques avec des pays tiersdans une optique de coopération pour le développement.

De la politique « d’ouverture régulée » à la politique de quotasLe Portugal est devenu, surtout depuis la Révolution des Œillets d’avril 1974,un pays d’immigration. Dans un premier temps, la décolonisation a entraînél’implantation d’une communauté portugaise africaine. Ensuite, l’adhésiondu Portugal à l’Union européenne (1986), qui a intensifié le processus demodernisation du pays, a permis l’accroissement et la consolidation des com-munautés issues des pays africains de langue officielle portugaise (PALOP),ainsi que des citoyens d’autres États membres. L’adhésion du Portugal àl’espace Schengen (signé le 25 juin 1991) a conduit aux « régularisationsextraordinaires » de 1993 et 1996 (cf. ci-après), période marquée aussi parl’arrivée d’immigrés brésiliens (déjà en 1993, ils représentaient 13,6 % desrégularisés). À partir de 1995, l’entrée en application de l’accord de Schen-gen (signé en 1985), qui constitue un pas important vers l’harmonisation despolitiques migratoires à l’égard des « pays tiers », établit un régime favorableà la libre circulation des personnes au sein des pays adhérents. Elle a étésuivie par un nouveau mouvement migratoire provenant des pays d’Europecentrale et orientale (PECO) vers les pays d’Europe occidentale, Portugalinclus, et lié à la débâcle des régimes politiques et économiques des pays del’ex-Union soviétique.C’est pour répondre à ces nouveaux défis migratoires que le Portugal a ins-tauré une loi d’immigration 1 qui régule l’entrée, le séjour permanent, lasortie et l’expulsion des étrangers du territoire national, ouvrant le chemin àune autre politique d’immigration qui, selon l’ex-ministre de l’Intérieur,Nuno Teixeira (2001), se veut une « politique d’ouverture régulée » danslaquelle le flux migratoire doit être proportionnel à la capacité d’intégrationdans la société portugaise 2. Cette intégration est d’abord économique, puisprofessionnelle, et ensuite sociale et culturelle. Cette politique devrait sedévelopper autour de trois points fondamentaux :– la régulation étatique du flux migratoire permettant de favoriser l’immi-gration légale en fonction du marché de travail 3 ;

115

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 DL nº 4/2001.2 Dès la fin des années quatre-vingt, les politiques publiques furent pensées en termes de con-trôle : restructuration du Service des étrangers et des frontières (SEF) en 1986, durcissement de lalégislation en 1993, discours des pouvoirs publics depuis 1995 qui associe contrôle et intégration.3 Le rapport qui détermine les besoins de main-d’œuvre au Portugal est biennal et doit êtrerevu de trois en trois mois par l’Institut pour l’emploi et la formation professionnelle (IEFP).Un premier rapport de l’Institut (IEFP, 2001) fait le bilan des besoins de travailleurs par secteurd’activité ; un deuxième rapport a été élaboré pour la période de 2002.

Page 6: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

– la fiscalisation, avec pour objectif le combat contre l’immigration illé-gale, les réseaux de trafics de migrants et l’exploitation de la main-d’œuvre.Pour faire face à ce fléau, les autorités portugaises veulent renforcer leursdélégations consulaires dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Les consulatsportugais dans ces pays deviennent en quelque sorte des centres d’emploi,où les immigrés pourront s’inscrire et postuler pour des offres d’emploi enaccord avec les besoins de l’économie portugaise et obtenir un visa ;– quant à l’intégration, ce sera sans doute le plus complexe et le plus longdu fait des diversités culturelles représentées dans les communautés étran-gères au Portugal. Avec l’objectif d’une meilleure intégration des immi-grés, ont été créés des centres locaux d’appui et d’information, dans troislangues (portugais, anglais et russe), qui donnent des informations sur dif-férents services (sécurité sociale, éducation, santé, etc.). En novembre2002, un pacte social a été signé afin de clarifier les droits et les devoirs desimmigrés, d’associer l’ensemble des institutions portugaises à la luttecontre toute forme d’exploitation ou de discrimination à l’égard de cettepopulation, et de promouvoir le développement des pays pauvres afin deréduire l’incitation à émigrer.

L’ex-ministre Nuno Teixeira (2001) souligne que la politique migratoireportugaise doit non seulement s’aligner sur la politique européenne dans cedomaine, mais aussi passer d’une politique migratoire réactive à une poli-tique proactive. Cette évolution politique démontre que l’immigration nedoit pas être perçue comme un problème, mais comme une opportunité,puisque l’histoire a démontré que ce sont surtout les pays développés – paysd’accueil – qui ont le plus bénéficié de l’apport des travailleurs immigrés.

Dans le domaine de la coopération bilatérale, des accords temporaires demain-d’œuvre permettent aussi de réguler les flux migratoires en fonctiondes besoins du marché du travail. Il existe un accord avec le Cap-Vert 1 etdes accords avec la Bulgarie, la Roumanie, l’Ukraine et la Russie (signés en2001 et 2002). Le gouvernement portugais a, dans le même sens, entamédes négociations avec les États moldave, slovène et slovaque.

La loi sur l’immigration 2, approuvée par l’actuel gouvernement, défendl’établissement de quotas. Le visa de travail devient le seul moyen d’être ensituation régulière au Portugal. Le candidat à l’émigration doit l’obtenirdans un consulat portugais à l’étranger et entrer au Portugal avec une pro-messe de contrat de travail. Mais des difficultés existent en raison del’absence de consulats portugais dans certains pays, comme par exemple enMoldavie ou en Ukraine, deux pôles de la nouvelle immigration 3. Ceux qui

116

RFAS No 2-2004

1 Décret-loi 60/1997 du 19 novembre qui approuve le protocole d’immigration temporaire detravailleurs capverdiens pour prestation de travail au Portugal.2 DL 34/2003 du 25 février.3 Même si le ministère des Affaires étrangères et des Communautés portugaises a annoncé, en2003, l’ouverture des consulats portugais dans ces deux pays (Cesário, 2003).

Page 7: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

veulent obtenir une autorisation de travail doivent s’adresser en Roumanieou à Moscou ou... utiliser des réseaux illégaux.

Les nouvelles directives de janvier 2004 donnent la priorité aux candidatsconnaissant la langue portugaise, ce qui peut bénéficier aux immigrés origi-naires des pays africains lusophones. Ceci veut renforcer les rapports avecles nationaux des États culturellement plus proches du Portugal et aussiavec des immigrés d’autres pays ayant déjà des contacts avec la langue et laculture portugaises.

La politique d’immigration est basée essentiellement sur un régime de quo-tas, définis de deux en deux ans. Mais en même temps, a été reconnu auxenfants d’immigrés – quelle que soit la situation (légale ou non) de leursparents – un droit d’accès à l’éducation et à la santé 1. La nouvelle régle-mentation ouvre aussi la possibilité de regroupement familial aux titulairesd’une autorisation de séjour (temporaire).

Une importante régularisation des étrangers « sans papiers »

L’intensification de l’immigration au Portugal a abouti à trois opérationssignificatives de régularisation d’étrangers (1993, 1996 et 2001). Il y avait,fin 2003, 434 548 étrangers en situation régulière 2, ce qui correspond àenviron 5 % de la population totale et 10 % de la population active. Ces der-nières années le Service des étrangers et des frontières (SEF) a fréquem-ment repéré et expulsé des immigrés en situation irrégulière (de Guinée,Cap-Vert, Angola, Brésil, Roumanie, Moldavie, Ukraine, Russie...) 3 ; il aarrêté des personnes suspectées de recruter ces travailleurs pour le marchédu travail clandestin. L’Institut pour l’inspection des conditions de travail(IDICT) a relevé dans plusieurs entreprises de travaux publics, la présencede main-d’œuvre nationale et étrangère en situation irrégulière, dont des« sans-papiers » travaillant dans des conditions violant les lois (absence dedéclaration à la sécurité sociale, salaires inférieurs aux normes légales,horaires dépassant les heures supplémentaires permises par la loi...) 4.

117

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 La législation prévoit depuis 2001, l’octroi d’autorisation de résidence aux immigrés quisouffrent de maladies chroniques et prolongées, comme le HIV. Les autorités portugaisesredoutent une massification des demandes.2 Ce chiffre du Service des étrangers et des frontières (SEF) englobe deux réalités différentes :la population étrangère porteuse d’un permis de séjour -250 991 au 31 décembre 2003 ; lesétrangers auxquels a été attribuée une autorisation de séjour provisoire, de « permanence »-183 655 en 2001-2003. La population étrangère residente porteuse d’un permis de séjour(selon la législation en vigueur, DL nº 244/98 du 8 août), n’inclut pas les étrangers ayant desautorisations de courte durée, de visas d’étude, de travail ou de séjour temporaire, ni les étran-gers en situation irrégulière. Les étrangers titulaires d’un contrat de travail sont ceux auxquelsa été attribuée une autorisation de séjour provisoire émise pour une période d’une année renou-velable jusqu’à la limite maximale de cinq ans. Ces autorisations de permanence sont entréesen vigueur au mois de janvier 2001.3 Parmi les expulsions des étrangers en 2002, 28 % étaient des Ukrainiens, 16 % des Rou-mains, 9 % des Brésiliens et 7 % des Russes (SEF).4 La fraude fiscale et la fraude à la sécurité sociale sont assez importantes au Portugal puisque22,5 % du PIB provient de l’économie parallèle (OCDE).

Page 8: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Lors de la régularisation de 1996, les étrangers non communautairesdevaient être entrés sur le territoire portugais avant le 25 mars 1995, date del’application des accords de Schengen. Selon les autorités officielles portu-gaises, les opérations de régularisation de 1993 et 1996 ont créé le besoin denouvelles régularisations en raison d’effets pervers dus à l’existence deréseaux organisés d’immigration clandestine qui profitent des facilités delibre circulation dans les pays de l’Union européenne appartenant àl’espace Schengen.

La loi sur l’immigration, votée le 26 juillet 2000, a permis aux étrangers devivre et de travailler légalement au Portugal grâce à une autorisation tempo-raire de travail (émise pour une année renouvelable jusqu’à la limite maxi-male de cinq ans) mais qui ne leur permet pas de bénéficier du revenuminimum garanti, ni des allocations chômage. Ce qui est proposé aux tra-vailleurs sans papiers c’est la sécurité de l’emploi, grâce à un contrat de tra-vail. La régularisation des immigrés sans autorisation de séjour mais ayantun contrat de travail qui a commencé en janvier 2001 1, se caractérise parune étroite collaboration entre le SEF, l’Inspection du travail et la Sécuritésociale. Cette régularisation se traduit par l’attribution d’un titre annuel, quipeut être prorogé pour une période de cinq ans.

Le projet de résolution du Conseil des ministres de septembre 2001 insistesur le fait qu’il est nécessaire d’adopter une politique d’immigration équi-librée qui privilégie les canaux d’immigration économique légale dès lespays d’origine. Cette politique passe par l’admission d’étrangers munisd’un visa de travail adéquat, dans le cadre d’accords d’immigration ou non,mais toujours en fonction des besoins du marché de travail national. Orpour régulariser leur situation, certains immigrés ont produit plusieurs con-trats de travail, ce qui illustre bien la pression exercée par les entreprises etles autorités gouvernementales pour trouver la main-d’œuvre indispensableà l’économie. Une telle situation exige un état prévisionnel des besoins demain-d’œuvre par secteur d’activité. Toutefois, les études sur d’autres payseuropéens montrent qu’il est très difficile de planifier l’immigration, decontrôler qualitativement les flux migratoires et de programmer l’entréedes familles des travailleurs immigrés.

Les données fournies par le SEF montrent que 126 901 travailleurs étran-gers ont été régularisés au Portugal, pendant la seule année 2001. Pour fairele bilan des régularisations jusqu’à la fin 2003, il faut ajouter 47 657 étran-gers en 2002 et 9 097 en 2003 qui ont obtenu une autorisation de séjourtemporaire. Ces chiffres ont dépassé toutes les prévisions 2. La plupart desbénéficiaires sont originaires d’Ukraine, de Moldavie, de Roumanie, deRussie, du Brésil et d’Afrique lusophone (cf. tableau 6 en annexe). La fin du

118

RFAS No 2-2004

1 Selon le décret-loi no 4/2001.2 Avant cette régularisation, le SEF estimait à environ 30 000 à 40 000 les immigrés en situa-tion irrégulière. Les organisations non gouvernementales de soutien aux immigrés avançaientle nombre de 60 000 à 80 000 « sans-papiers » au Portugal.

Page 9: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

processus de régularisation laisse en situation illégale des étrangers quiprocessus de régularisation laisse en situation illégale des étrangers quin’ont pas pu régulariser leur situation. Toutefois, par décision de l’Inspec-tion générale du travail, ceux qui pouvaient attester de leur situation profes-sionnelle avant le 30 novembre 2001 pourraient être régularisés.

Par ailleurs, conformément à l’accord entre le Portugal et le Brésil sur lerecrutement réciproque de nationaux, signé le 11 juillet 2003 pendant lavisite au Portugal du Président du Brésil, le gouvernement portugais a lancéau mois d’août, un recensement des Brésiliens qui souhaitent régulariserleur situation 1 et qui sont entrés au Portugal avant le 11 juillet. Ceux-cidevront présenter leur passeport tamponné ou la déclaration d’entrée auPortugal, l’inscription à la sécurité sociale et aux impôts. Cet accordconcerne également la régularisation des immigrés portugais au Brésil,dont le nombre a augmenté ces dernières années, essentiellement descadres, des investisseurs et des retraités. Il permet aussi la libre circulationentre les deux pays pour une période inférieure à 90 jours.

Enfin, les recommandations émises par le gouvernement en janvier 2004permettent la régularisation des immigrés qui apportent la preuve qu’ils ontséjourné au minimum pendant une période de trois mois au Portugal avantle 13 mars 2003, ont été inscrits à la sécurité sociale et ont payé des impôts.Ils doivent aussi fournir une preuve de logement et un extrait de casier judi-ciaire au Portugal et dans le pays d’origine.

Il n’est pas possible d’évaluer l’importance des étrangers illégaux actuelle-ment au Portugal. Quelques organisations non gouvernementales avancentle nombre d’environ 100 000 immigrés clandestins, essentiellement origi-naires de l’Est européen, du Brésil, de l’Afrique, de la Chine et de l’Inde.Pour l’Inspection générale du travail, le nombre d’immigrés dans cettesituation varie de 40 000 à 50 000.

� Réseaux de transnationalité et de circulationmigratoire de la diaspora portugaise

Les Portugais et leurs descendants sont dispersés dans différents continents(dans 123 pays) : selon les estimations du ministère des Affaires étrangèreset des Communautés portugaises (DGACCP), leur nombre atteint 4,9 mil-lions de personnes en 2003, c’est-à-dire environ 50 % de la population rési-dant au Portugal, ce qui représente une des plus grandes diasporas aumonde (Ramos, 1999, 2003b). Le Portugal est aussi une terre d’accueil,pour d’autres diasporas actuellement en structuration, comme celles du

119

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Les premiers résultats de ce recensement illustrent bien la réalité cachée du nombre de« clandestins » étrangers. On attendait 15 000 Brésiliens dans cette situation et se sont présen-tés le double. Après quelques mois, seulement 1 200 personnes ont été régularisées comptetenu des conditions à remplir.

Page 10: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Cap-Vert et du Brésil (Ramos, 2000b, 2002b). Une diaspora suppose qu’àpartir de la dispersion d’un peuple dans plusieurs pays d’accueil se mani-festent un lien communautaire et une conscience identitaire très forte 1.

En ce qui concerne l’histoire des migrations internationales, le Portugal estun pays qui se localise aussi bien au « Nord » qu’au « Sud » du monde,occupant ainsi une position en même temps centrale et périphérique et ce,en fonction de l’espace régional pris comme référence. B. Sousa Santos(1994, p. 133-134) parle de « culture de frontière » qui serait spécifique à lasituation semi-périphérique du pays. Le Portugal a connu des migrationsde type colonial jusqu’au XIXe siècle et encore, bien que ralenties, auXXe siècle, vers les ex-colonies d’Afrique. Depuis la fin du XIXe siècle,l’émigration dirigée vers le Brésil jusqu’à 1950 et surtout vers l’Europedans l’après-guerre, sont des migrations typiques orientées Sud-Nord.

L’émigration est donc une « constante structurelle » de l’économie et de lasociété portugaises. Il existe un lien direct entre les migrations et les inéga-lités sociales et économiques, internes et externes. L’évolution de l’émigra-tion portugaise, au long de la seconde moitié du XXe siècle, met enévidence les multiples transformations de la société, opérées par les mouve-ments de population en Europe, surtout les migrations liées à l’emploi.

Les nouvelles formes de mobilités intra-européennes

L’ouverture des frontières communautaires a promu de nouvelles formesde mobilité intra-européenne qui ne cadrent pas avec le concept « clas-sique » d’émigration.

Le Portugal reçoit de l’Union européenne un personnel hautement qualifié(cadres dirigeants et professionnels scientifiques et techniques liés àl’investissement direct étranger et à la modernisation de l’économie) ; enrevanche, il fournit des travailleurs peu qualifiés aux États européens lesplus développés. Le Portugal reçoit aussi des travailleurs peu qualifiés ori-ginaires des pays en voie de développement, notamment des anciennescolonies d’Afrique, mais il envoie vers ces pays africains de langue portu-gaise, des cadres et des professionnels de qualification équivalente à ceuxqu’il reçoit de l’Union européenne.

L’émigration portugaise augmente progressivement depuis le milieu desannées quatre-vingt pour plusieurs raisons : création et structuration desréseaux migratoires vers de nouvelles destinations (Suisse, Luxembourg 2,

120

RFAS No 2-2004

1 M. Bruneau (1994, p. 5) associe la notion de diaspora à « toutes sortes de phénomènes résul-tant de migrations de populations dans plusieurs pays, à partir d’un pays ou foyer émetteur ».La diaspora portugaise se concentre essentiellement aux États-Unis, au Brésil et en France. LeCanada, le Venezuela et l’Afrique du Sud constituent aussi des destinations privilégiées.2 De « nouvelles communautés d’immigrés » se constituent, comme au Luxembourg, où lesPortugais résidents représentent la première nationalité étrangère (regroupant 36 % des étran-gers) et plus récemment au Royaume-Uni.

Page 11: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Royaume-Uni et Espagne, par exemple) ; revitalisation de réseaux déjàexistants (transocéanique, notamment vers le Brésil, le Canada et les États-Unis) ; nouvelles conditions de mobilité internationale dans un cadre légalcommunautaire, comme par exemple le « détachement » de travailleurstemporaires portugais vers d’autres pays européens et des déplacementssaisonniers en Europe.

Mais les nouvelles formes de mobilité intra-européenne prennent aussi uncaractère illégal. On assiste, en Europe, notamment dans des pays du Sud– dont le Portugal – au développement de formes illégales de travail :emploi irrégulier d’étrangers, fausse sous-traitance internationale, traficsde main-d’œuvre 1 et réseaux organisés d’immigration clandestine 2,notamment de l’Europe de l’Est. L’immigration clandestine a pris un carac-tère structurel à la fois dans les pays d’immigration récente, comme ceux del’Europe du Sud, et dans les pays traditionnels d’accueil. L’augmentationdes flux migratoires clandestins dans les pays du Sud (Italie, Espagne,Portugal et Grèce) est associée à l’accélération de leur croissance écono-mique, provoquant de nouvelles zones d’attraction pour une main-d’œuvrepeu exigeante.

Les nouveaux courants d’échange, d’investissement et de sous-traitanceengendrent des relations complexes qui resserrent les liens entre les mar-chés nationaux du travail. Mobilité et clandestinité apparaissent liées, dansl’espace communautaire, aux problèmes de distorsion de la concurrence, dedélocalisation et de marchandage salarial dus au dumping social et au déve-loppement de l’économie souterraine. Jouant sur les inégalités de niveau devie et les disparités des législations sociales et du travail, certaines entrepri-ses parviennent à des formes extrêmement souples de gestion de la main-d’œuvre qui, même si elles ne peuvent pas toujours être définies juridique-ment comme travail clandestin, en sont fort proches. Plusieurs affaires cesdernières années montrent le degré d’organisation de ce type de gestion dutravail à l’échelle européenne, notamment entre le Portugal, l’Allemagne etla France et dans certains secteurs, comme le BTP, délaissé par les Portu-gais qui profitent de la libre circulation pour travailler comme saisonnierssur les chantiers européens.

À partir du milieu des années quatre-vingt, les statistiques officielles portu-gaises montrent, pour les sorties permanentes, des flux réduits vers des des-tinations plutôt non européennes, comme les États-Unis et le Canada. Enrevanche, la grande majorité des migrants sont des travailleurs temporaires

121

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Trafics pour les marchés du travail et l’exploitation sexuelle de femmes, notamment d’Amé-rique latine (spécialement du Brésil) et d’Europe de l’Est. Ces trafics ont suscité de la part desautorités portugaises des mesures de lutte contre la traite d’êtres humains.2 Le Bureau international du travail (BIT) définit les migrations clandestines ou illégalescomme celles où les migrants se trouvent « au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durantleur séjour ou dans leur emploi, dans des conditions contrevenant aux accords internationauxou à la législation nationale » (Convention nº 143, adoptée par la Conférence du BIT en 1975).

Page 12: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

se rendant dans l’un des pays de l’Union européenne ou en Suisse 1. Nostravaux, en s’appuyant sur les statistiques de la présence d’immigrés portu-gais en France et en Suisse dans les années 1970 et 1980, confirment quel’émigration temporaire est souvent une émigration permanente masquée.Un nombre significatif d’émigrants temporaires restaient illégalement dansles pays d’accueil et renouvelaient systématiquement leur contrat de tra-vail. Depuis le milieu des années soixante-dix, les émigrés portugais enEurope sont essentiellement des émigrés temporaires ou saisonniers, dontune partie significative est devenue « permanente » dans les pays d’accueil,notamment en France et en Suisse. Dans ces pays, les Portugais deviennentune des communautés étrangères les plus nombreuses. En Ile-de-France, ilsont fourni une partie importante du contingent des clandestins avantl’entrée en vigueur, en 1992, des règles communautaires de libre circulation(Lebon, 1998). En Suisse, en 2000, 58 % des travailleurs saisonniers sontportugais (Sopemi).

Le nombre de Portugais dans l’espace économique européen est important(ils représentent environ 30 % des Portugais résidant à l’étranger). Ils sontparmi les citoyens communautaires les plus nombreux (plus d’un million) àvivre dans l’Union européenne, hors de leur pays d’origine. Il s’agit d’unestratégie de « migration circulation » qui s’inscrit dans la dynamique d’unemobilité croissante stimulée par la globalisation et facilitée par les droitsinhérents à la citoyenneté européenne. La circulation des hommes, des mar-chandises et des idées a toujours été fondamentale pour une diaspora.L’évolution des techniques de transport et de communication au cours desdernières décennies, a considérablement accru les va-et-vient entre paysd’accueil et d’origine et a renforcé les liens culturels. Dans le contexte de laglobalisation, beaucoup de nouveaux immigrés construisent des espaces etdes réseaux sociaux qui traversent les frontières géographiques, politiqueset culturelles. Le transnationalisme désigne ici l’ensemble des processuspar lesquels des immigrés tissent et entretiennent des relations sociales denature diverse reliant leur société d’origine et celle d’installation. Cesréseaux sont à la base de la formation des communautés transnationales(Portes, 1999).

Des logiques de double résidence et d’allers et retours

Parallèlement au ralentissement de l’émigration permanente, un mouve-ment de retour des émigrés portugais s’est amorcé durant la décennie 1980

122

RFAS No 2-2004

1 Selon l’enquête de l’Institut national de statistique (INE) sur les Mouvements migratoires desortie, réalisée depuis 1992. En 2002, les flux de sortie ont été de plus de 27 000 Portugais,essentiellement des hommes jeunes. Ces chiffres sont des estimations par défaut, étant donnéqu’ils sont le résultat d’enquêtes par échantillonnage faites à l’origine et qu’ils ne tiennent pascompte de certaines situations, comme les sorties des porteurs de passeports de tourisme oumême, dans l’espace européen, de simples pièces d’identité. Les différences entre les donnéesofficielles enregistrées à l’origine et dans les pays de destination le suggèrent.

Page 13: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

et se poursuit aujourd’hui. La migration intra-européenne se distingue del’émigration transocéanique par le retour au Portugal qui est plus élevé surle continent européen où se développent des logiques de double résidenceet d’allers-retours. Les transferts de fonds des émigrés à destination du Por-tugal restent importants, même quand les immigrés ont déjà bâti leur mai-son, ce qui confirme la pratique d’allers-retours entre le pays d’origine etles pays d’accueil. Ces transferts représentent environ 3 % du PIB portu-gais, même si, sur le long terme, on observe une diminution de ces envois(Banque du Portugal).

Les statistiques des demandeurs d’emploi au service emploi de la chambredu commerce et de l’industrie luso-française au Portugal montrent la pré-sence dans la circonscription de Porto d’un nombre assez important de jeu-nes femmes célibataires, souvent d’origine portugaise, venant poursuivreau Portugal des études commencées en France ou qui sont à la recherched’un premier emploi. Selon ces statistiques (Pasquier, 1999), dansl’ensemble des curriculum vitae présentés annuellement, 70 % sont desFranco-Portugais binationaux. Par ailleurs, les autorités portugaises facili-tent le retour des jeunes luso-descendants à travers l’insertion dans la vieactive par le biais des stages de travail en entreprise 1. Sont concernés lesjeunes âgés de 18 à 30 ans, ayant un niveau de qualification supérieur ouune formation technico-professionnelle et qui sont au chômage.

La très forte présence en Europe de communautés portugaises conjuguéeavec le retour au Portugal de Portugais ayant vécu dans des pays d’accueileuropéens, fait que notre pays constitue un laboratoire de la mise en placede la citoyenneté européenne et de l’Europe sociale.

Diversification et augmentation des flux migratoires :quelle réalité ?

Plusieurs instruments communautaires dans le cadre de la Stratégie euro-péenne pour l’emploi appuient les efforts des États membres en faveur de lamobilité de la main-d’œuvre et de l’accès à l’éducation et à la formationtout au long de la vie. La stratégie visant à promouvoir l’essor de nouveauxmarchés européens du travail a été adoptée par le Conseil européen deStockholm en mars 2001 ; l’accent est mis sur les qualifications et la mobi-lité. De nombreuses initiatives dans le domaine de la sécurité sociale ont étéproposées pour améliorer la coordination des régimes et permettre aux tra-vailleurs et aux demandeurs d’emploi de tirer davantage parti de leur droit àla libre circulation.

L’émigration portugaise a augmenté ces dernières années dans des payscomme l’Espagne et le Royaume-Uni. Or des affaires récentes rendent

123

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Arrêté ministériel nº 567/2000.

Page 14: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

compte de situations « d’exploitation » de Portugais en Espagne, notam-ment dans le secteur agricole et celui de la construction, ou au Royaume-Uni et aux Pays-Bas où ils ne connaissent ni la langue ni leurs droits. Ils setrouvent souvent dans des situations dramatiques, engagés par des agencesde travail temporaire et par des intermédiaires, très souvent portugais, tra-vaillant dans des conditions ne respectant ni le droit du travail ni le droit àun logement décent 1.

Enfin, les difficultés pour évaluer les flux de sortie des émigrés sont impor-tantes et les chiffres sont apparemment sous-évalués. L’enquête par échan-tillon de l’Institut national de statistique (INE) portugais ne retient qu’unepartie de cette réalité, confirmant quand même jusqu’en 2002, les sortiesdes moins instruits (enseignement élémentaire) et l’importance des sortiestemporaires des jeunes hommes. Mais la mobilité des plus qualifiés aug-mente, notamment des cadres et des chercheurs, pour des courtes périodesdans l’espace européen, mais aussi vers d’autres pays comme le Brésil (ladestination principale de l’investissement portugais à l’étranger ces derniè-res années), et cette réalité n’est certainement pas bien appréhendée 2.L’important taux de chômage des jeunes portugais diplômés (14,8 % en2002 – INE, Enquête « Emploi »), laisse entrevoir une propension à émi-grer dans un contexte de récession et d’occidentalisation des systèmesd’enseignement supérieur (notamment dans le cadre du programme com-munautaire Erasmus), ce qui facilite la mobilité d’une main-d’œuvre haute-ment qualifiée, habituellement appelée « fuite des cerveaux » (braindrain).

La caractéristique la plus marquante des migrations contemporaines estl’utilisation de l’infrastructure de l’économie globalisée pour les deuxextrêmes des flux migratoires : celui des professionnels transnationauxhautement qualifiés et celui des trafiquants pour les marchés du travail.

■ Un nouveau pays d’immigration

Des filières traditionnelles aux nouveaux fluxd’immigration

Jusqu’aux années soixante, le nombre d’étrangers sur le sol portugais resteplus ou moins constant ; il est multiplié par plus de trois entre 1960 et

124

RFAS No 2-2004

1 Des pratiques dénoncées notamment par l’association anglaise « Citizens Advice Bureau ».L’acuité du problème est visible dans une campagne nationale d’information en cours desautorités portugaises (ministère des Affaires étrangères) adressée aux émigrés portugais sousle slogan « Avant de partir à l’étranger, il faut connaître vos droits ». Les services de l’Inspec-tion générale du travail portugais collaborent avec leurs partenaires européens, afin de contrô-ler et résoudre ce problème.2 L’enquête sur les Mouvements migratoires de sortie de l’INE donne, pour 2002, un pourcen-tage de 11,3 % des émigrés sortis, au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur.

Page 15: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

1981 1 et ne cesse d’augmenter depuis. On passe de 209 102 étrangers ayantun permis de séjour au Portugal en 2000 à 434 548 en situation légale en2003, dont 250 991 étrangers résidents, les autres ayant une autorisation deséjour provisoire (cf. tableaux 1 et 2 en annexe).

Au XXe siècle, l’immigration a dépassé à trois reprises l’émigration : à lafin des années trente ; dans la période 1975-1980 et, dernièrement, de 1995à nos jours. Ce phénomène joue un rôle décisif dans la croissance de lapopulation au Portugal (Rosa, 2003) 2. Ce pays est donc devenu un paysd’immigration bien que le dynamisme des sorties continue à être important.Le système migratoire présente une grande fluidité : les nationaux sontenvoyés à l’étranger et les étrangers entrent pour les remplacer. De plus, denombreux actifs étrangers sont orientés vers l’économie informelle. Lademande de main-d’œuvre clandestine de certains secteurs économiques etsa mobilisation par les réseaux ethniques instaurent une immigration enchaîne, particulièrement concentrée dans les villes.

Une forte diversification de l’immigrationLa situation portugaise présente certaines spécificités :– surreprésentation des citoyens des pays africains de langue portugaise 3

jusqu’à la régularisation de 2001 ;– forte diversification de l’immigration, avec l’augmentation du nombredes immigrés originaires du Brésil, de l’Europe de l’Est et de l’Asie (cf.tableaux 2 et 6 en annexe) ;– dispersion des nouveaux immigrés sur tout le territoire portugais, et passeulement dans la région de Lisbonne ou les districts de Setubal etAlgarve 4 ;– modification du profil des niveaux d’éducation des actuels flux, notam-ment de ceux provenant du centre et de l’Est européen ;– dynamisme de l’économie portugaise depuis le milieu des annéesquatre-vingt, lequel a rendu nécessaire le recrutement de main-d’œuvreétrangère.

125

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Avant la régularisation de 2001, le Portugal était le troisième pays de l’Union européenne(après l’Espagne et la Finlande) ayant le pourcentage le plus bas d’étrangers par rapport à lapopulation totale. Cependant, le Portugal a été dans l’espace communautaire le quatrième pays(après la Finlande, l’Autriche et l’Italie) à enregistrer un taux de croissance des plus élevés depopulation étrangère dans la première moitié des années quatre-vingt-dix par rapport à ladeuxième moitié des années quatre-vingt (OCDE-Sopemi).2 Dans la décennie de 1990 (avant la grande vague de l’immigration, repérée lors de la régula-risation de 2001), les étrangers résidant au Portugal ont contribué pour un cinquième à la crois-sance de la population.3 Les Africains représentent 48 % du total des étrangers en 2003, contre 28 % originaires del’Union européenne et 13 % de l’Amérique centrale et du Sud (principalement du Brésil)(SEF). Ces données ne concernent pas les dernières régularisations.4 La répartition géographique des nouveaux arrivants régularisés diffère des schémas tradi-tionnels caractérisés par une forte concentration urbaine des étrangers : en 2003, seuls 54 % dela population étrangère (hors autorisations temporaires) résidaient dans le district de Lisbonne(SEF).

Page 16: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

En 2003, les étrangers qui ont un statut de résident au Portugal sont essen-tiellement originaires par ordre décroissant des pays suivants : Cap-Vert ;Brésil ; Angola ; Guinée-Bissau ; Royaume-Uni ; Espagne ; Allemagne ;États-Unis ; France ; Sao Tomé et Prince ; Mozambique 1. Ce sont essen-tiellement des hommes, 55 % du total, et 72 % sont des citoyens non com-munautaires (SEF).

S’agissant en grande partie des originaires des pays lusophones et étantdonné la proximité culturelle avec le pays d’accueil, on pouvait s’attendre àune intégration sociale plus facile. Ce n’est pas le cas pour les migrants afri-cains, notamment au niveau scolaire : c’est la minorité qui a les résultats lesplus défavorables dans ce domaine (base de données : secrétariat Inter-Cul-tures) (Machado, 1996 ; Ramos, 2000b). Or, l’exclusion scolaire est tropsouvent la première étape vers la marginalisation sociale. Mais la présenceélevée d’étudiants et de femmes au foyer parmi les citoyens de pays afri-cains lusophones est le symptôme d’une stabilisation et elle reflète égale-ment une intégration économique. L’actuelle présence africaine auPortugal ne se limite pas aux immigrants, mais comprend les luso-africains,qui recouvrent deux catégories : l’une, plus ancienne, est celle des Africainsde nationalité portugaise, de condition sociale moyenne ou élevée, et sou-vent mixte du point de vue racial, qui ont opté pour l’installation au Portu-gal après la décolonisation ; l’autre, qui se dessine actuellement, est celledes enfants des immigrants qui sont nés et/ou qui ont grandi au Portugal(Machado, 1994).

L’immigration au Portugal : des réalités socio-économiqueset historiques diversesDes groupes différents constituent la population étrangère :– l’immigration africaine est en général peu qualifiée mais les situationssont diverses selon les nationalités ;– les descendants de l’émigration portugaise (Brésiliens inclus) ont étéassociés à des professions qualifiées dans une première phase d’immigra-tion jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix et moins qualifiées pourceux qui sont arrivés après ;– des profils d’instruction intermédiaires prédominent dans les commu-nautés chinoises et indiennes, très liées à la restauration et au commercetraditionnel ;– les chercheurs européens et les cadres des institutions multinationales,originaires essentiellement de l’Union européenne ;– les travailleurs de l’Europe de l’Est constituent une immigration majori-tairement jeune, masculine et très qualifiée ;

126

RFAS No 2-2004

1 Le Portugal a enregistré un flux de demandeurs d’asile exceptionnel en 1993 (2 090 person-nes), provenant pour près des deux tiers de Roumanie et pour 20 % d’Angola. Depuis, lesdemandes d’asile ont très nettement diminué. Elles ont concerné 232 personnes en 2002 : 18 %originaires de la Pologne, 14 % de la Sierra Leone et 10 % d’Angola (Service des étrangers etdes frontières, SEF).

Page 17: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

– les retraités (surtout en Algarve et à Madère), originaires d’autres pays del’Union, tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Il s’agit donc d’une population étrangère ayant des capitaux culturels,sociaux et économiques distincts, dont les modes d’intégration dans lasociété d’accueil sont eux aussi contrastés. Cette diversité est évidente entermes scolaires, occupationnels, et dans la structure sociale. Jusqu’auxannées soixante, la population étrangère résidant au Portugal est constituéeprincipalement de petits groupes d’origine européenne, dont certains,comme les Anglais, étaient depuis longtemps présents dans des activitéséconomiques tel le commerce du vin de Porto (Gonçalves, 2003). Ensuite,le pouvoir d’attraction migratoire exercé par le Portugal a augmenté.L’ouverture aux investissements étrangers, à la suite de l’industrialisationet de l’adhésion du Portugal à l’EFTA (European Free Trade Association)à la fin des années cinquante, a fait venir des professionnels et des cadres enprovenance de l’Europe développée. Au cours des années quatre-vingt, on apu observer l’augmentation régulière des entrées en provenance de paysmembres de l’Union européenne : cadres dirigeants et professionnels,scientifiques et techniques, qui viennent très souvent pour des périodeslimitées (Ramos, 2000a). Plus de la moitié des citoyens de l’Union occu-pent des positions élevées dans la hiérarchie des compétences.

L’exode massif de Portugais vers cette Europe crée des besoins dans cer-tains secteurs d’activité, surtout le bâtiment, favorisant l’entrée d’un pre-mier contingent d’Africains, recrutés principalement au Cap-Vert. Après larévolution de 1974 et la décolonisation, on assiste au retour au Portugal dequelques milliers d’Africains. Ce n’est qu’à partir du milieu des annéesquatre-vingt que l’immigration de travail devient très importante, notam-ment en ce qui concerne les pays africains de langue portugaise, bien pré-sents lors des deux premières régularisations (cf. tableau 3). À cette époque,l’immigration brésilienne se développe également. Il s’agit d’une migra-tion économique, bien que le niveau socioprofessionnel des Brésiliens soitplus élevé et dispersé que celui des Africains. Les Brésiliens ont bénéficiélargement des trois régularisations. En 2003, 32 462 avaient un statut derésident légal au Portugal (représentant la deuxième communauté étran-gère, après le Cap-Vert) et 37 734 ont obtenu une autorisation temporairelors de la régularisation de 2001, atteignant 21 % des autorisations émises(cf. tableau 6) ; à ceux-ci il faut ajouter 31 000 en situation irrégulière quiattendent la régularisation en cours, accordée en juillet 2003.

L’arrivée des citoyens de l’Est européen et de Chine :un changement du panorama de l’immigration au Portugal

L’ampleur des entrées et l’origine des entrants varient en fonction des évé-nements politiques et de la situation économique des différentes régions dumonde. À partir du milieu des années quatre-vingt-dix, l’Union européennea enregistré des arrivées importantes en provenance de l’Europe centrale et

127

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

Page 18: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

orientale. D’un point de vue politique, la gestion des migrations a uneimportance croissante pour le système migratoire européen (Marie, 2002).

L’arrivée des citoyens de l’Est européen après la chute de l’Empire sovié-tique, ainsi que l’augmentation de la communauté chinoise, après le pas-sage de Macao à l’administration chinoise (en 1999), ont changé lepanorama de l’immigration au Portugal : les Européens deviennent le prin-cipal contingent d’étrangers ; les Africains ont perdu de l’importance ; lenombre de Brésiliens et d’Asiatiques a augmenté rapidement 1. La commu-nauté chinoise a quintuplé en dix ans, de 1993 à 2003. À la fin des annéesquatre-vingt-dix, des Chinois illégaux en France, en Allemagne et auxPays-Bas, ont profité des facilités de régularisation pour s’installer au Por-tugal dans la restauration et le commerce traditionnel, à l’aide des réseauxcommunautaires immigrés 2. Ces dernières années, on assiste à l’augmen-tation du nombre de citoyens des pays de l’Est, très souvent qualifiés et ensituation irrégulière, dans le secteur de la construction. Ils représentent lagrande majorité des étrangers concernés par la régularisation de 2001 et ontchangé le panorama de l’immigration au Portugal au début du XXIe siècle.

Besoins de main-d’œuvre, insertion des étrangerssur le marché du travail et apports économiques

Parallèlement aux deux opérations de régularisation des immigrés en situa-tion irrégulière qui ont eu lieu en 1993 et 1996, un secrétariat coordinateurdes Programmes d’éducation multiculturelle (aujourd’hui appelé secréta-riat Inter-Cultures) a été créé en 1991, des mesures d’éducation multicultu-relle ont été introduites dans les écoles publiques, un Haut Commissariatpour l’immigration et les minorités ethniques est lancé en janvier 1996.L’immigration devient ainsi un enjeu pour le Portugal à la fois au niveau del’emploi, des politiques migratoires, de l’éducation et du développement(Ramos, 2000b ; 2002b). Le programme « Portugal Accueille », sous laresponsabilité du ministère du Travail (via l’IEFP), lancé en juin 2001, viseà faciliter l’intégration et la consolidation socioprofessionnelle des immi-grés par le biais de cours de langue et de citoyenneté. La définition durégime juridique des associations d’immigrés a été approuvée par la loinº 115 du 3 août 1999.

La détermination des besoins de main-d’œuvre au PortugalComme on l’a vu précédemment, l’augmentation progressive des qualifica-tions moyennes de la population portugaise au cours des vingt dernièresannées, le besoin de main-d’œuvre au Portugal après l’adhésion à la

128

RFAS No 2-2004

1 Ils représentent 8,1 % des régularisés en 2001, originaires spécialement de la Chine, duPakistan et de l’Inde.2 Selon Light (2000), la mondialisation permet aux réseaux ethniques d’alimenter la dyna-mique migratoire et parfois, de contribuer au développement de l’économie informelle.

Page 19: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Communauté européenne et la poursuite de l’émigration portugaise pourles emplois saisonniers et de sous-traitance en Europe, font que l’économieportugaise manque de travailleurs dans certains secteurs utilisant unemain-d’œuvre demandant une faible qualification. C’est ainsi que le Portu-gal a fait appel au recrutement légal de travailleurs étrangers, surtout issusdes pays de langue portugaise et des pays de l’Est pour les grands travauxpublics 1. Cependant, l’activité illégale d’immigrés, surtout d’Afrique etdes pays de l’Est, se maintient aujourd’hui dans ces branches, bien que lescontrôles de l’immigration soient devenus plus stricts.

Le projet du Conseil des ministres de septembre 2001 prévoyait que lesentrées autorisées pour des travailleurs extracommunautaires au deuxièmesemestre 2001 concernaient les secteurs suivants : 50 % dans la construc-tion, 23 % dans l’hôtellerie et la restauration, 12 % dans l’agriculture et15 % dans les autres secteurs. Des éléments du rapport réalisé par l’Institutde l’emploi et de la formation professionnelle (IEFP) pour 2002 montrentdes positions diverses sur le nombre de travailleurs étrangers nécessaires àl’économie nationale. D’une part, le rapport a suggéré le recrutement de27 000 travailleurs, notamment pour les BTP, les services et l’hôtellerie.Cette forte baisse du recrutement de travailleurs par rapport à l’année 2001est, d’après les auteurs du rapport (par exemple Pires, 2002), due au ralen-tissement de la croissance de l’économie portugaise. D’autre part, lespatrons liés aux secteurs concernés par l’immigration tablent, quant à eux,sur une création d’emplois correspondant à environ 91 000 travailleurs(dont 21 000 non communautaires) à savoir : 32 700 postes pour les BTP,20 200 pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration et 13 400 pour lecommerce.

Sur la base d’un rapport qui souligne le besoin de manœuvres pour le BTPet de travailleurs agricoles et estime les besoins de main-d’œuvre étrangèrepour 2004 à environ 20 000 travailleurs, les autorités portugaises ontdécidé, en mars 2004, que 8 500 immigrés non communautaires (agricul-ture 2 100 ; hôtellerie et restauration 2 800 ; construction 2 900 ; services700) pourront entrer dans le pays. Ces chiffres tiennent compte du nombred’immigrés déjà inscrits comme chômeurs dans les centres d’emploi (envi-ron 16 000). Ils n’entrent pas dans ce quota, les Brésiliens illégaux qui pour-ront bénéficier de l’accord signé en juillet 2003 (31 000), ni les travailleursétrangers aussi illégaux, mais qui contribuent pour la sécurité sociale (entre2 500 et 10 000).

Des organisations patronales et syndicales, ainsi que des associations dedéfense des immigrés et l’Église catholique questionnent le système dequotas et considèrent leur nombre insuffisant. À ce propos, A. Vitorino, le

129

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Notamment la réalisation de l’exposition universelle de Lisbonne en 1998, la construction dumétro de Porto, les importantes opérations de modernisation et de rénovation de cette ville, quia été « capitale européenne de la culture » en 2001 et la construction de grands stades de foot-ball pour accueillir, en 2004, le championnat européen.

Page 20: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

commissaire portugais responsable pour les politiques d’immigration dansl’Union européenne, signale que « les quotas sont seulement un instrumentet la question centrale est l’intégration. Nous avons l’obligation d’intégrerles immigrés dans le respect par nos valeurs » (Público, 2 février 2004).

Les flux transnationaux de capitaux, biens, services, matières premières etinformations s’accompagnent de mouvements importants de main-d’œuvre. Ainsi une grande partie des nouveaux résidents arrivés légale-ment ces dernières années sont originaires des pays de l’Union européenne,principalement du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Allemagne et de laFrance qui sont les principaux partenaires économiques du Portugal dans lecommerce, l’investissement direct étranger (IDE) et les transferts des remi-ses des émigrés portugais (Banque du Portugal).

Une migration européenne liée au développementdes investissements étrangers au Portugal

Cette migration européenne est donc liée au développement des investisse-ments étrangers au Portugal, à l’implantation d’entreprises multinationales,ainsi qu’aux flux de retraités fixés surtout au sud du pays (Algarve). Lesréformes structurelles induites par l’intégration européenne, ont entraînéune forte croissance des investissements étrangers au Portugal et une aug-mentation du commerce intracommunautaire. L’importance du commerceportugais (importations et exportations) avec les autres pays de l’Unioneuropéenne représente environ 80 % du commerce extérieur (INE). Lestock cumulé des investissements étrangers dans l’économie portugaise estoriginaire à plus de 80 % de l’Union européenne. En ce qui concerne de soncôté l’investissement direct portugais à l’étranger, depuis 1986, il s’estdirigé à environ 60 % vers l’Union, principalement l’Espagne, la France etle Royaume-Uni (Institut pour le commerce extérieur portugais – ICEP).Les transferts des émigrés portugais subissent la même évolution : en 2003,61 % sont originaires de l’Union européenne, essentiellement de France(36 % du total) ; la Suisse, les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uniont aussi de l’importance (Banque du Portugal).

L’ouverture à l’investissement étranger, à partir de 1960, fut parallèle àl’entrée des cadres dans les fonctions techniques ou de contrôle des organi-sations. Au départ, ce furent des mouvements réduits qui se caractérisaientpar des séjours prolongés dans le pays. Aujourd’hui, il s’agit des mouve-ments plus nombreux caractérisés par une plus grande rotation du personnelfréquemment liée aux politiques de développement de carrière. Une partieimportante des Européens qui ont cherché à s’installer au Portugal a un lienavec les mouvements de capitaux. Si l’on suit la courbe de l’investissementdirect étranger qui a très fortement augmenté depuis l’adhésion du pays àl’Union européenne, ainsi que les données sur les secteurs économiquesd’insertion, les stratégies d’investissement et la nationalité des filiales desentreprises, on obtient des indicateurs qui expliquent l’augmentation à

130

RFAS No 2-2004

Page 21: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

partir des années quatre-vingt et la rénovation des flux de cadres, malgré leremplacement progressif de ces expatriés par des nationaux.

En prenant l’exemple des États-Unis, Massey (2003) souligne quel’accroissement des flux migratoires internationaux est directement corréléau phénomène de mondialisation des échanges. « Toute terre d’immigra-tion attire prioritairement des résidents de ses principaux pays partenaireséconomiques, de ses anciennes colonies ou des pays dans lesquels ses trou-pes furent un jour déployées » (p. 33).

Sassen (1998) signalait également que les facteurs économiques qui contri-buent à créer des liens entre pays d’origine et pays d’accueil relèvent princi-palement de trois catégories : les liens créés par l’internationalisation del’économie ; les liens créés en vue du recrutement de main-d’œuvre ; lesfilières d’exportation de celle-ci.

L’intégration de la nouvelle vague d’immigrationde l’Europe de l’Est

Ces dernières années, on constate l’entrée dans l’espace Schengen decitoyens de l’Est européen avec des visas touristiques de courte durée.L’année 2001 constitue sans doute un tournant dans l’immigration au Por-tugal. Le pays qui détenait antérieurement un modèle de spécialisation deflux migratoires de pays lusophones ou bien de l’Union européenne,typique des années 1980 et 1990, assiste à l’arrivée massive d’immigrésprovenant majoritairement de l’Europe centrale et orientale. L’arrivée d’unsi grand nombre d’immigrés de l’Est au Portugal est liée à la facilitéd’obtention de visas touristiques (généralement émis par les pays del’Union européenne qui se trouvent géographiquement plus près de cesÉtats) tout comme par le déplacement relativement facile et rapide dansl’espace Schengen. Il s’agit en général d’immigrés ayant un niveau d’ins-truction supérieur auquel s’ajoutent des compétences techniques acquisesdans le système d’enseignement de l’ex-Union soviétique. Une enquête à lademande du Haut Commissariat à l’immigration (novembre 2002), cons-tate qu’avant de venir au Portugal, 45,2 % des immigrés de l’Est exerçaientdes professions supérieures (Lages et Policarpo, 2002).

Leur arrivée au Portugal a commencé à s’intensifier avec la diffusion d’infor-mations sur les opportunités réelles de travail du fait de l’organisation del’Euro 2004 et après la visite du ministre portugais des Affaires étrangèresdans certaines républiques de l’ex-Union soviétique. D’autre part, l’ouver-ture d’ambassades portugaises dans ces républiques, notamment à Kiev (enUkraine) en 1993, a permis l’instauration d’un dialogue politique toutcomme une consolidation des relations luso-ukrainiennes. Les visites offi-cielles entreprises en Ukraine par le Président portugais Jorge Sampaio, en1998, ainsi que celle de son homologue ukrainien L. Kuchma au Portugal, enoctobre 2000, stimulèrent encore plus cette coopération bilatérale alors

131

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

Page 22: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

même que la priorité de la politique extérieure de l’Ukraine vise l’intégrationeuropéenne (Tymoshenko, 2002). Les clichés typiques que les immigrés del’Est ont du Portugal sont régulièrement associés au tourisme et au football,qui bien souvent sont véhiculés par le biais de la chaîne de télévision Euro-news diffusée en langue russe depuis 2001. Ces immigrés ont aussi prisconnaissance des bonnes probabilités de trouver un emploi dans un marchédu travail en croissance qui a enregistré, les dernières années, l’un des plusfaibles taux de chômage d’Europe. Leur degré de qualification les rendattrayants aux yeux des employeurs portugais par rapport aux Africains, cequi contribue à l’augmentation du chômage de ces derniers, constatée notam-ment pour les Capverdiens et les Angolais (IEFP). Il est possible d’envisagerune évolution qualitative de l’emploi chez les travailleurs de l’Est : après letravail dans le bâtiment, après s’être libérés des passeurs, après avoir appris leportugais et bénéficiant d’une meilleure formation, ils sont demandés dansd’autres secteurs (comme l’hôtellerie) ou même dans des emplois très quali-fiés, ayant obtenu l’équivalence des diplômes 1. On peut envisager non seu-lement une mobilité sectorielle, mais aussi géographique au sein de l’Unioneuropéenne. Des mesures pour accueillir cette population au Portugal sesuccèdent. En janvier 2004, une mesure législative autorise l’attribution del’action sociale scolaire aux enfants des immigrés de l’Est européen, dansles mêmes conditions que les enfants portugais, de l’Union européenne etdes pays lusophones.

Sur les 126 901 étrangers qui ont été régularisés en 2001, lors de la régulari-sation, 57 % étaient originaires d’Europe de l’Est (SEF). Si l’on observe lesautorisations de résidence temporaire accordées en 2001-2003, on constateque les principaux contingents d’immigrés régularisés sont ukrainiens(35 % du total des autorisations 2), moldaves, roumains et russes. Il estimportant de souligner que, parallèlement au phénomène de concentrationdes immigrés près des pôles urbains et industriels, on constate chez cettepopulation un phénomène de dispersion dans le monde rural et agricole.Pour certains villages et petites villes de province en pleine récessiondémographique, ces immigrés sont une aubaine pour revitaliser la vie éco-nomique, mais aussi sociale et culturelle 3.

L’enquête de l’IEFP (2001), que nous avons évoquée antérieurement, avaitdémontré que les Européens de l’Est sont surtout présents dans le bâtimentet les travaux publics pour 71,6 % d’entre eux, 14 % travaillent dans

132

RFAS No 2-2004

1 Un programme spécial de la Fondation Calouste Gulbenkian destiné aux médecins étrangersrésidant au Portugal a été mis en place pour faciliter leur insertion professionnelle et permettrela reconnaissance de leurs diplômes. Il concerne plus spécialement des médecins de l’Est euro-péen. Après le stage, s’ils réussissent l’examen auquel ils sont soumis, ils pourront exercer lamédecine au Portugal.2 Les inégalités entre le Portugal et l’Ukraine peuvent être constatées au niveau du PIB percapita : si, en 2001, il était de 18 150 dollars pour notre pays, il n’était que de 4 350 pourl’Ukraine (données du PNUD).3 La région de Alentejo, où il y a un exode de la population et un taux chômage élevé, est unbon exemple de revitalisation apportée par les immigrés de l’Est.

Page 23: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

l’hôtellerie et la restauration et 9 % dans l’agriculture. L’Inspection géné-rale du travail (2002) semble confirmer les résultats de cette enquête grâce àl’analyse des contrats de la régularisation de 2001. En effet, les recoursdéposés par les immigrés auprès de cet organisme pour l’obtention d’unstatut légal sont assez révélateurs sur la nature des contrats – essentielle-ment à durée déterminée – et le type de profession : manœuvres dans leBTP, employés de maison... Les Ukrainiens sont répartis dans les différentssecteurs de l’économie : BTP ; activités immobilières et autres activités deservices aux entreprises ; industrie de produits métalliques et de biensd’équipement ; hôtellerie et restauration ; agriculture ; commerce en gros ;industrie alimentaire. On trouve des résultats plus ou moins comparablespour les Moldaves, Roumains et Russes alors que Biélorusses, Bulgares,Géorgiens et Lituaniens se concentrent majoritairement dans les secteursdu BTP, de l’immobilier et des activités prêtées aux entreprises (Inspectiongénérale du travail – IGT, 2002) 1.

Si l’immigration peut à court terme entraîner des coûts d’intégration pour lepays d’accueil, elle a aussi des effets positifs sur la croissance, la diversitéde la population et l’économie. La question de l’impact de l’immigrationsur le taux de chômage national est régulièrement posée. Les migrants sesubstituent aux travailleurs locaux sur le marché du travail secondaire,selon les théories de la segmentation : emplois à bas salaires, ne requérantqu’une faible qualification, non attractifs et sans perspectives de promo-tion. Il s’agit prioritairement d’hommes seuls, subissant des conditions detravail et de logement pénibles et précaires et des discriminations directes etindirectes. Les « autochtones » et leurs institutions les considèrent commedes « oiseaux de passage » (Piore, 1979). L’analyse théorique et empiriquetend cependant à montrer que les conséquences de l’immigration, tant pourle pays d’accueil que celui d’origine, varient fortement d’une situation àl’autre (Jayet et al., 2001). La régularisation des immigrés au Portugal a eudes conséquences bénéfiques au niveau du Trésor public et de la Sécuritésociale (Almeida, 2002). On a assisté également à la régularisation d’entre-prises qui fonctionnaient dans l’économie parallèle.

L’immigration représente de plus en plus un enjeu démographique, écono-mique 2 et social pour le Portugal, mais également pour les pays d’originedes immigrés. Selon les données de la Banque du Portugal (2002), les trans-ferts des immigrés vers leur pays ont atteint 395 millions d’euros en 2001 :ceci correspond à environ 10,5 % des transferts des émigrés portugais et à

133

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 À titre de comparaison, la communauté de langue permet aux Brésiliens d’être plus présentsdans le commerce et la restauration où ils occupent des postes de vendeurs ou de serveurs tout enétant les plus nombreux à travailler dans le secteur de l’éducation et de la santé. Les dernièresannées, on assiste à l’entrée croissante de médecins et infirmiers étrangers dans le système desanté portugais, spécialement des Brésiliens et des Espagnols. Une étude à partir du recensementde 2001 (Paulino, 2003), montre que la population espagnole au Portugal a une qualification deniveau supérieur, est active et est composée en grande partie de professionnels de santé.2 Les immigrés au Portugal ont apporté aux comptes publics d’importants bénéfices : en 2001,un solde positif de 324 millions d’euros et, en 2002, de 253 millions (ACIME).

Page 24: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

0,3 % du PIB. Ces valeurs sont en croissance de 109 % par rapport àl’année 2000. Ce montant augmente significativement en 2002, au milieude cette année, les transferts avaient déjà atteint la valeur de l’année anté-rieure. L’impact financier des migrations est donc important.

■ Enjeux et perspectives pour les mouvementsmigratoires au Portugal – Vers une plus grandecirculation des personnes

En deux ans, de 2000 à 2002, le nombre d’étrangers a doublé au Portugal. Siles critères économiques sont importants pour la définition de quotasd’entrée d’immigrés, ils ne sont pas les seuls, puisque la connaissance de lalangue portugaise est également importante. La priorité est l’intégration desimmigrés déjà présents au Portugal : face à la récession économique, il fautéviter des tensions entre les différentes communautés d’immigrés et lesPortugais 1. Les difficultés de la main-d’œuvre africaine sont déjà évidentesface aux immigrés de l´Est européen, « Blancs » et plus scolarisés même sicertains d’entre eux, sans famille ni réseaux communautaires forts, ne sontpas épargnés par le chômage ou même la mendicité. Dans le cadre de laStratégie européenne de promotion de l’intégration sociale, les plansd’action nationaux des États membres, notamment celui du Portugal 2,reconnaissent l’émergence d’une diversité ethnique et culturelle croissanteainsi que le risque accru d’exclusion sociale auquel sont exposés les mino-rités ethniques et les immigrants.

Le taux de chômage au Portugal augmente depuis l’année 2000 et a atteintau 4e trimestre 2003, 6,6 % de la population active (INE) 3. Face à la criseéconomique et au ralentissement de l’activité de l’industrie et de la cons-truction, le chômage des immigrés est en croissance. Étant donné leurimportance sur le marché du travail informel, les chômeurs immigrés béné-ficient rarement de protection sociale. Le haut commissaire à l’immigrationenvisage le recours à des plans d’appui au retour volontaire. Un programmeayant cet objectif a été accordé en 1997 par l’Organisation internationalepour les migrations (OIM) et le gouvernement portugais. Il est de plus en

134

RFAS No 2-2004

1 Selon un sondage national réalisé en décembre 2003, 75 % des Portugais enquêtés âgés deplus de 18 ans, s’opposent à l’entrée de plus d’immigrés au Portugal. Cette opinion négative estdominante chez les personnes âgées de 45 à 64 ans (Público, 15 décembre 2003). Une enquêteréalisée en octobre 2002 par le Haut Commissariat à l’immigration conclut que la majorité dela population portugaise est contre l’entrée de nouveaux immigrés (Lages et Policarpo, 2002).Une étude pour l’Observatoire de l’immigration de l’ACIME (I. Ferin Cunha et al., 2004),constate que la criminalité est le thème le plus associé par la télévision et la presse, aux immi-grés et minorités ethniques au Portugal.2 Plano Nacional de Acção para a Inclusão – Portugal 2003-2005, juillet 2003.3 Pour la même période, les statistiques de l’Eurostat avancent un taux de chômage de 7,9 %pour la moyenne des pays de l’Union européenne.

Page 25: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

plus demandé par les immigrés de l’Est européen, spécialement d’Ukraineet de Russie.

Plus les salaires sont bas plus cela attire l’immigration illégale et plus lespressions pour moderniser les entreprises sont réduites. L’histoire del’immigration montre l’importance des emplois à faible rémunération et àfaible qualification dans les secteurs les moins avancés de l’économie. Pourmaintenir le modèle de développement actuel (basse qualification, fai-blesse des droits, faible composante technologique, main-d’œuvre inten-sive, forte flexibilité des salaires), le patronat cherche à substituer lestravailleurs nationaux par la main-d’œuvre immigrée, contribuant ainsi aumaintien de l’émigration des Portugais. L’augmentation de l’émigration dejeunes actifs non qualifiés a facilité leur substitution par des immigrés, étantdonné que le Portugal n’a pas défini une politique de quotas par qualifica-tion, comme l’ont fait d’autres pays, par exemple l’Allemagne, la France, leRoyaume-Uni ou même l’Irlande (OCDE-Sopemi).

En retraçant des mutations intervenues au Portugal ces dernières années,nous pouvons constater des modifications dans les modèles migratoires,même s’ils gardent un rapport avec les modèles traditionnels ou s’ils s’yadaptent. La demande de main-d’œuvre et la conjoncture économiqueconditionnent fortement les flux. L’existence d’une demande effective demain-d’œuvre immigrée, dans les pays d’accueil, est une question clé quifacilite les opérations de recrutement et l’efficacité des réseaux communau-taires. La dynamique migratoire montre que les forces du marché (condi-tions d’offre et de demande de travail et les caractéristiques de la croissanceéconomique) se superposent aux facteurs institutionnels, soit la libre circu-lation pour les pays de l’Union européenne, soit la fermeture des frontièrespour les pays tiers. Les facilités accrues de circulations à l’intérieur del’Union européenne ne transformeront-elles pas, à elles seules, le phéno-mène migratoire qui deviendra d’autant plus difficile à mesurer ? Quel estle bilan des flux récents d’entrée et de sortie au Portugal ? Les données sta-tistiques actuellement disponibles ne permettent pas une information rigou-reuse, faute de comparabilité des données. Même sans connaîtreexactement le nombre d’immigrés illégaux résidant au Portugal, ni l’émi-gration non enregistrée officiellement, ni le retour d’émigrés portugais, ilapparaît que le nombre d’immigrés entrés au Portugal, ces dernièresannées, dépasse le nombre de sorties de Portugais.

Le cas des doubles nationaux illustre les difficultés pour évaluer l’immigra-tion. Par exemple, les Franco-Portugais, ne sont pas comptabilisés commeFrançais dans les statistiques portugaises, ni comme Portugais dans les sta-tistiques françaises 1. Selon les estimations des autorités françaises au

135

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Ceci explique les différences importantes qui existent entre les chiffres de l’administrationfrançaise (rien que dans les consulats de Lisbonne et de Porto étaient inscrits, en 1999, environ10 000 Français) (Lamy, 1999) et ceux des statistiques portugaises (6 474 Français au Portu-gal, cette même année 1999, selon l’INE portugais).

Page 26: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Portugal, le nombre de personnes liées à la France (Français et Franco-Portugais) est cinq fois supérieur aux nombres officiels portugais. Or, cesbinationaux, de plus en plus nombreux, représentent une nouvelle dyna-mique culturelle, éducative, professionnelle et économique, à dimensioneuropéenne, mal connue et sous estimée 1. La double nationalité 2 apparaîten effet comme un élément qui peut être à la base de politiques d’inclusionsociale.

La mobilité accrue des personnes entre la France et le Portugal, notammentdes Français d’origine portugaise, crée des situations nouvelles, qui seheurtent à l’hétérogénéité persistante des droits nationaux, des pratiquesadministratives et des niveaux de vie entre les deux pays. L’intégration dela communauté française du nord du Portugal, principal pôle d’émigration,par son caractère biculturel marqué, constitue une expérience réelle dufonctionnement de la citoyenneté européenne et de l’Europe sociale. Denouvelles formes de mobilités se rencontrent aussi bien dans les paysd’immigration ancienne que dans les anciens pays d’émigration devenusterre d’accueil, comme le Portugal. L’immigration n’est pas dissociable dela question des réseaux migratoires et des affinités historiques et culturellesentre migrants et pays d’accueil. N’ayant eu d’abord – et pendant long-temps – aucune politique d’immigration clairement définie, mais s’étantmobilisées par la suite, soucieuses du contrôle des étrangers non commu-nautaires, les autorités portugaises ont donné la préférence aux immigrésdes pays lusophones. Les textes législatifs qui réglementent l’obtention dela nationalité portugaise 3 et le droit de vote 4 en sont la preuve, comme lesconditions posées pour l’accès aux régularisations extraordinaires de 1993et 1996 ou les accords bilatéraux décrits plus haut, sont révélateurs d’unevolonté du Portugal de maintenir des relations privilégiées avec ses ancien-nes colonies.

Toutefois, les Africains de langue portugaise sont eux-mêmes à larecherche d’autres destinations que le Portugal. Aujourd’hui, on trouve des

136

RFAS No 2-2004

1 L’importance de cette problématique est croissante et suscite l’intérêt de la Commissioneuropéenne qui appuie des projets scientifiques (cf. notamment Ramos et Gomes, 2003b).2 La réforme accomplie par la loi nº 37/81 est d’une importance capitale dans l’évolution dudroit portugais de la nationalité. L’acquisition de la nationalité portugaise n’est pas subor-donnée à la renonciation à une nationalité étrangère précédente, et l’acquisition d’une autrenationalité ne peut déclencher, à elle seule, la perte de la nationalité portugaise (Moura Ramos,1999). Il en résulte donc une augmentation très nette des situations de double nationalité.3 Les étrangers en situation régulière peuvent obtenir la nationalité portugaise en demandantleur naturalisation au bout de dix ans de séjour, sauf s’il s’agit de ressortissants de pays luso-phones pour lesquels une résidence (légale) de six ans suffit. La loi nº 29/94 du 19 août est uneréaction législative à l’évolution des courants migratoires au Portugal étant donné l’augmenta-tion de l’immigration après les années quatre-vingt, conduisant à des dispositions restrictivesen ce qui concerne la nationalité et la prédominance du jus sanguinis. Le nombre de naturalisa-tions a augmenté les dernières années, concernant essentiellement des ressortissants de paysnon membres de l’Union européenne, originaires de pays d’Afrique lusophone (pour l’essen-tiel du Cap-Vert), du Brésil, du Venezuela et des États-Unis.4 Le droit de vote et l’éligibilité des étrangers aux élections locales existent depuis 1996 (loinº 50/96 du 4 septembre) et concerne non seulement les citoyens de l’Union européenne, maisaussi ceux appartenant aux pays lusophones.

Page 27: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

populations capverdiennes de dimension non négligeable en l’Espagne, auPays-Bas, en Italie et en France. Une partie des Guinéens utilise le Portugalcomme passage vers d’autres destinations européennes. À ce titre, le Portu-gal est aussi devenu une plaque tournante en matière d’immigration. Lephénomène des migrations répétées révèle un certain changement dans ladynamique des migrations dans la mesure où il reflète davantage les circu-lations migratoires que les migrations strictement bilatérales 1. Une foisrégularisés, certains immigrés rejoignent d’autres pays européens, maisaussi les États-Unis, particulièrement les Brésiliens 2. Face à l’augmenta-tion du chômage au Portugal, de plus en plus d’immigrés cherchent des tra-vaux saisonniers, notamment dans l’agriculture, en Espagne, France etItalie.

On ne sait pas quel sera l’impact de l’élargissement de l’Union européennesur l’éventuelle réémigration des travailleurs venus d’Europe de l’Est versle futur espace intégré 3.

À la suite du changement politique au Portugal en mars 2002, des nouvellesdispositions réglementaires ont été prises concernant l’immigration con-trôlée et ajustée aux besoins de l’économie. La gestion des flux d’immi-grants en provenance de pays tiers constitue un défi de plus en plusimportant pour les politiques démographiques et de l’emploi au Portugal etdans l’Union européenne. L’intensification des migrations internationaleset la diversification des types et des modèles explicatifs des mobilités exi-gent des analyses plus approfondies des espaces des circulations migratoi-res dans le contexte de la mondialisation des économies.

137

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

1 Par exemple, à Londres, on rencontre un nombre croissant d’Africains lusophones, surtoutdes Angolais, ainsi que des Indiens d’origine portugaise (Hindous originaires de Diu ayantpassé par le Mozambique), qui s’installent à Wembrey et à Leicester (Bastos, 2002). Les auto-rités anglaises ont déjà protesté contre les réseaux d’immigration illégale vers l’Union euro-péenne originaires du Portugal. Selon la législation en vigueur, les citoyens nés dans l’ancienÉtat portugais de l’Inde (Goa, Damao et Diu) avant le 19 décembre 1961 (date de l’annexationmilitaire), ont le droit à la nationalité portugaise. L’intégration du Portugal dans l’Union euro-péenne a accéléré les demandes de nationalité et certains font recours à des réseaux organisésde falsification de documents. Au Portugal, existeraient environ 70 000 personnes originairesde l’Inde, dont 5 000 ont la nationalité indienne (Haut Commissariat pour la diasporaindienne).2 Il faut signaler que les citoyens de nationalité portugaise n’ont pas besoin de visas pour entreraux États-Unis.3 Les Ukrainiens sont devenus une main-d’œuvre incontournable dans certains secteurs enRépublique tchèque et en Pologne. Le prochain élargissement contribuera, peut-être, dans unpremier temps, à une plus grande mobilité transfrontalière. L’immigration de travailleurs enprovenance des PECO aurait des effets différents pour chaque État membre de l’Union euro-péenne et pour les diverses catégories de travailleurs. Selon Bœri et al. (2001), l’immigrationdevrait toucher surtout l’Allemagne et l’Autriche. De la même façon que les autres pays del’Union européenne, le Portugal a limité l’entrée des citoyens des nouveaux États membres.

Page 28: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Annexe : Quelques chiffres sur les étrangers au PortugalTableau 1 : Évolution de la population étrangère résidente au Portugal –1960 à 2003 (stock) 1

Années Nombre

1960 20 5141970 24 7031975 31 9831981 62 6921986 86 9821987 89 7781988 94 6941989 101 0111990 107 7671991 113 9781992 123 6121993 136 9321994 157 0731995 168 3161996 172 9121997 175 2631998 177 7741999 191 1432000 207 6072001 223 9762002 239 2952003 250 991

1 N’inclut pas les étrangers ayant des autorisations de résidence temporaires. Dans les statistiquesnationales, il est question d’étrangers et de nationalités mais pas d’immigrés.Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

Tableau 2 : Résidents étrangers au Portugal par continent (stock)

1991 2003*

Europe/Union européenne 30 042 69 565Europe/Autres 2 969 7 179Total Europe 33 011 76 744Afrique 47 998 119 204Amérique du Nord 9 236 10 167Amérique centrale et du Sud 18 666 32 462Total Amérique 27 902 42 629Asie 4 458 11 570Océanie 384 559Apatrides 225 273Nationalité inconnue 12Total 113 978 250 991

* Données provisoires.Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

138

RFAS No 2-2004

Page 29: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Tableau 3 : Demandes de régularisation extraordinaire des étrangersau Portugal par pays d’origine

1992-1993 1996Pays africains delangue portugaise

Angola 12 525 9 255 1992-1993 – 73 %

Cap-Vert 6 778 6 872 1996 – 67 %

Guinée-Bissau 6 877 5 328

Brésil 5 346 2 330

Sao Tomé et Prince 1 408 1 549

Chine 1 352 1 608

Sénégal 1 397 672

Pakistan 286 1 754

Autres 3 197 5 714

Total 39 166 35 082

Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

Tableau 4 : Pourcentage de patrons et travailleurs indépendantsqui ont sollicité le statut de résident

2001 2002

Européens 15,9 16,1

Africains 8,2 8,7

Nord-Américains 27,3 28,1

Sud-Américains 14,9 18,7

Asiatiques 45,2 35,4

Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

Tableau 5 : Population étrangère active ayant une autorisation de résidencepar groupe de professions en 1999 (stock), en pourcentage*

Professions

Occ

upat

ions

scie

ntif

ique

s,te

chni

ques

etlib

éral

es

Dir

ecte

urs

etca

dres

adm

inis

trat

ifs

Em

ploy

ésad

min

istr

atif

s

Em

ploy

ésdu

com

mer

ceet

vend

eurs

Tra

vail

leur

sde

l’in

dust

rie,

dela

cons

truc

tion

etde

str

ansp

orts

Aut

re

Tot

al

Total étrangersEuropéensPALOP 1

BrésiliensAsiatiques

24,442,04,5

46,421,1

5,813,70,34,49,0

3,95,12,96,82,3

8,413,03,3

12,128,5

47,718,276,922,413,9

9,88,0

10,77,8

25,1

100100100100100

* N’inclut pas les étrangers ayant des autorisations de résidence temporaire.1 Pays africains de langue officielle portugaise.

Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

139

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

Page 30: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

Tableau 6 : Autorisations de résidence provisoire accordées par les autoritésportugaises en 2001-2003

Principaux pays Effectifs Pourcentage

Angola 8 399 4,6 %Brésil 37 734 20,5 %Cap-Vert 8 629 4,7 %Chine 3 889 2,1 %Guinée-Bissau 4 449 2,4 %Inde 3 550 1,9 %Moldavie 12 646 6,9 %Pakistan 3 071 1,6 %Roumanie 10 800 5,9 %Russie 6 774 3,6 %Ukraine 64 302 35,0 %Total 183 655 100,0 %

Source : SEF, ministère de l’Intérieur.

140

RFAS No 2-2004

Page 31: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

BibliographieALBUQUERQUE R. et al., (2000), Fenómeno associativo em contexto migratório –Duas décadas de associativismo de imigrantes em Portugal, Oeiras, Celta Editora.

ALMEIDA, A. CORRÊA DE, (2002), Estudo do impacto da Imigração em Portugal nascontas do Estado, Lisbonne, ACIME.

ALTO COMISSARIADO PARA A IMIGRAÇÃO E MINORIAS ÉTNICAS, BoletimInformativo, Lisbonne, ACIME (publication mensuelle).

ARROTEIA J. C., DOUDIN P.A. (dir.), (1998), Trajectórias sociais e culturais de jovensportugueses no espaço europeu : questões multiculturais e de integração, Aveiro,université de Aveiro.

BAGANHA M., REYNERI E., (2001), « New migrants in South European countries : anassessment », in Leveau R. et al., Nouvelles citoyennetés : réfugiés et sans-papiers dansl’espace européen, Paris, Ifri, La Documentation française, p. 85-111.

BANCO DE PORTUGAL, (2003), Relatório de actividades, Lisbonne, Banco de Portugal(publication annuelle).

BASTOS S., BASTOS J., (2002), « De novo em viagem. As estratégias identitárias dosportugueses indianos de Londres », in Etnologia, nº12-14, Lisbonne, ed. Fim de Século.

BAUMAN Z., (1998), Globalization : the human consequences, Oxford, OxfordUniversity Press.

BEIRÃO D., (1999), Les Portugais du Luxembourg – Des familles racontent leur vie,Paris, L’Harmattan.

BOERI T. et al., (2001), The impact of Eastern European Enlargement on Employmentand Labour market in the EU member states, European Integration Consortium, Berlinand Milan.

BRUNEAU M., (1994), « Espaces et territoires de diasporas », in L’espace géographique,nº 1, p. 5-18.

BRUCKER H. et al., (2001), Managing migration in the European Welfare State, Milan,rapport pour la Fondation De Benedetti.

CABRAL A. (coord.), (2003), Imigração marroquina, Porto, Fundação Fernando Pessoa.

CAHIERS FRANÇAIS, (2002), « Les migrations internationales », nº 307, mars-avril,Paris, La Documentation française.

CANOTILHO J. J. GOMES (coord.), (2000), Direitos humanos, estrangeiros,comunidades migrantes e minorias, Oeiras, Celta.

CASTLES S., DAVIDSON A., (2000), Citizenship and Migration : Globalization and thepolitics of belonging, London, Macmillan Press.

CESÁRIO J. DE ALMEIDA, (2003), « Uma política para as Comunidades Portuguesas »,in Alves J. et al., Porto de Partida – Porto de Chegada. A Emigração Portuguesa,Lisbonne, Ancora Editora, p. 79-84.

COMMISSION EUROPÉENNE/EUROSTAT, (2002), « Le défi de la mobilité et desmigrations ; la dimension sociale de la mobilité géographique », in La situation socialedans l’Union européenne, Luxembourg, Office des publications officielles desCommunautés européennes, p. 16-33.

DOUDEIJNS M., (2003), « Pénurie de main-d’œuvre et recours à l’immigration :panorama des recherches recentes », in OCDE Tendances des migrations internationales,Sopemi, 2002, Paris, OCDE, p. 109-136.

141

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

Page 32: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

FERREIRA E. SOUSA, RATO H., (2000), Economia e Imigrantes : contribuição dosimigrantes para a economia portuguesa, Oeiras, Celta Editora.

GONÇALVES M. G., (2003), A Comunidade Britânica no Porto, Porto, ed. Afrontamento.

HÉRAM F. (ed.), (2002), Immigration, marché du travail, intégration, Commissariatgénéral du Plan, Paris, La Documentation française.

INSPECÇÃO GERAL DO TRABALHO (IGT), (2002), Relatório sobre a imigração,análise da imigração em 2001, Lisbonne, IGT.

INSTITUTO DE EMPREGO E FORMAÇÃO PROFISSIONAL (IEFP) (coord.), (2001),Necessidades de Mão-de-Obra em Portugal, rapport final, Ministério do Trabalho e daSolidariedade, Lisbonne, IEFP.

INSTITUTO NACIONAL DE ESTATÍSTICA (INE), Estatísticas Demográficas,e Estatísticas do Emprego, Lisbonne, INE.

IRELAND P. R., (1998), « Migrations, liberté de circulation et intégration des immigrésdans l’Union : une réponse politique ambivalente », in Leibfried S., Pierson P. (eds.),Politiques sociales européennes. Entre intégration et fragmentation, Paris, L’Harmattan,p. 261-301.

JAYET H., RAGOT L., RAJAONARISON, (2001), « L’impact économique del’immigration », Problèmes économiques, nº 2738, 28 novembre, p. 7-14.

LAGES M.F., POLICARPO V., (2002), Análise preliminar de duas sondagens sobre osimigrantes em Portugal, Lisbonne, Université catholique portugaise.

LAMY J., (1999), « Aspects de l’insertion des Français et des Franco-Portugais auPortugal », in Ramos M. C. Pereira (dir.), Migrations et intégration européenne –Éducation, emploi, citoyenneté et dynamiques locales, université de Porto, facultéd’économie.

LEBON A., (1998), « Libre circulation et marché du travail : quelle mobilité ? », inM. Bonnechère (dir.), Trente ans de libre circulation des travailleurs, Paris, LaDocumentation française, p. 36-42.

LEITÃO J., (1999), Os imigrantes e a integração no caso Português. Algumasconsiderações, Alto Comissário para a Imigração e Minorias Etnicas, Porto, universitéAberta.

LIGHT I., (2000), « Globalization and migration networks », in Rath J. (ed.), ImmigrantBusinesses : the economic, political and social environment, Basingstoke, Macmillan,p. 268-281.

MACHADO F. L., (1994), « Luso-Africanos em Portugal : nas margens da etnicidade », inSociologia-Problemas e Práticas, nº 16, p. 111-134.

MACHADO F. L., (1996), « Minorias e literacia : imigrantes Guineenses em Portugal », inBenavente A. (coord.), A literacia em Portugal, Lisbonne, Conselho Nacional deEducação, p. 171-238.

MALHEIROS J., (2000), « Urban restructuring, immigration and the generation ofmarginalized spaces in the Lisbon region », in King R. et al., (eds.), El Dorado orfortress ? Migration in Southern Europe, London, Macmillan, p. 207-232.

MARIE C. V., (2002), « Les politiques européennes de gestion des flux : contrôle etrestrictions », in Cahiers Français, « Les migrations internationales », nº 307, mars-avril,p. 57-63.

MARQUES M., OLIVEIRA C., DIAS N., (2002), Inquérito aos empresários de origemimigrante em Portugal. Alguns resultados preliminares, Lisbonne, SociNova,FSCH-UNL.

142

RFAS No 2-2004

Page 33: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

MASSEY D. S., (2003), « Mondialisation et migrations », in Futuribles, nº 204, mars,p. 25-36.

MINISTÉRIO DA ADMINISTRAÇÃO INTERNA, Estatísticas dos Serviços deEstrangeiros e Fronteiras (SEF), Lisbonne, SEF.

MINISTÉRIO DOS NEGÓCIOS ESTRANGEIROS E DAS COMUNIDADESPORTUGUESAS, Estatísticas da Direcção Geral dos Assuntos Consulares eComunidades Portuguesas, (DGACCP), Lisbonne, DGACCP.

MOUHOUD E. M., OUDINET J. (dir.), (2002), Les dynamiques migratoires dansl’Union européenne, Paris, Convention CEPN-MiRe.

MOURA RAMOS R., (1999), « Mouvements migratoires et droit de la nationalité auPortugal dans le dernier demi-siècle », in Weil P., Hansen R. (dir.), Citoyenneté etnationalité en Europe, Paris, La Découverte, p. 221-238.

OCDE-SOPEMI (Système d’observation permanente des migrations), (2003), Tendancesdes migrations internationales, Paris, OCDE (publication annuelle).

PASQUIER L. DU, (1999), « Le marché de l’emploi pour les Français et lesFranco-Portugais au Portugal », in Ramos M. C. Pereira (dir.), Migrations et intégrationeuropéenne, université de Porto, faculté d’économie.

PAULINO P., (2003), « A população de nacionalidade espanhola residente em Portugal :uma caracterização com base nos censos 2001 », in Revista de Estudos Demográficos,no 34, INE, p. 143-156.

PIORE M., (1979), Birds of passage : migrant labour and industrial societies,Cambridge, Cambridge University Press.

PIRES R. PENA, (2002), « Mudanças na imigração. Uma análise das estatísticas sobre apopulação estrangeira em Portugal 1998-2001 », in Sociologia – Problemas e Práticas,nº 3, p. 151-166.

PORTES A., (1999), « La mondialisation par le bas », in Actes de la recherche ensciences sociales, nº 29, septembre, Paris, p. 15-25.

RAMOS M. C. PEREIRA, (1999), La diaspora portugaise et la diversité de ses formesd’insertion dans les pays d’accueil, Paris, rapport pour l’OCDE, Direction de l’éducation,de l’emploi, du travail et des affaires sociales.

RAMOS M. C. PEREIRA, (2000a), « L’intégration économique du Portugal dans l’Unioneuropéenne : effets sur les investissements directs, les migrations et l’emploi », in OCDE,La mondialisation, les migrations et le développement, Paris, OCDE, p. 171-193.

RAMOS M. C. PEREIRA, (2000b), « Le Portugal, pays d’immigration et d’émigration :atouts et défis pour la construction européenne », in Moulin B., Galissot R. (dir.), Leslignes de front du racisme – De l’espace Schengen aux quartiers stigmatisés, colloqueinternational, Institut Europe-Maghreb, université de Paris 8.

RAMOS M. C. PEREIRA, (2002a), « Immigration, droits de l’homme et constructioneuropéenne », in Dialogos, nº 5, ed. ASE, Bucarest, p. 23-26.

RAMOS M. C. PEREIRA, (2002b), « Le Portugal pays relais de la migration enEurope », in Mouhoud E. M, Oudinet J. (dir.), Les dynamiques migratoires dans l’Unioneuropéenne, Paris, convention CEPN-MiRe (col. de H. Diogo).

RAMOS M. C. PEREIRA, (2003a), « Intervenção social em contexto multicultural », inAcção Social na área do emprego e da formação profissional, Lisbonne, Éditions del’université Aberta, p. 262-280.

RAMOS M. C. PEREIRA, (2003b), « Dinâmicas e estratégias sociœconómicas relativas àemigração portuguesa », in Alves J. et al., Porto de partida-Porto de chegada. Aemigração portuguesa, Lisbonne, Ancora Editora, p. 57-78.

143

Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration

Page 34: Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus ... · sur le marché du travail et la nouvelle vague venue d’Europe de l’Est. En conclusion, on s’interrogera sur

RAMOS M., GOMES M., (2003), Dual Citizenship, Governance and Education : achallenge to the European Nation State – The situation in Portugal, Bruxelles,Commission européenne.

ROSA M. J. VALENTE et al., (2003), Contributos dos imigrantes na demografiaportuguesa, Lisbonne, ACIME, septembre.

SANTOS B. SOUSA, (1994), Pela mão de Alice : o social e o político napós-modernidade, Porto, Éditions Afrontamento.

SASSEN S., (1998), Globalization and its discontents. Essays on the new mobility ofpeople and money, New York, The New Press.

SOUSA L., FIGUEIREDO D., (2002), Imigrantes de Leste, uma nova realidade, Aveiro,Observatoire social de l’université d’Aveiro.

STALKER P., (2000), Workers Without Frontiers – The impacts of globalization oninternational migration, Genève, OIT.

TEIXEIRA N. SEVERIANO, (2001), « Uma política de imigração para Portugal »,Público, 17 octobre.

TIESLER N. CLARA, (2000), « Muçulmanos na margem : a nova presença islâmica emPortugal », Sociologia – Problemas e Práticas, nº 34, p. 117-144.

TRABULO M., (2001), « Comunidades Chinesas e Indianas na cidade do Porto », inSeparata da Revista Africana, nº 23, Centro de Estudos Africanos e Orientais, Porto,université Portucalense, p. 215-230.

TYMOSHENKO K., (2002), « Dez anos de relações luso-ukranianas », Público,27 février.

UNITED NATIONS, (2001), Replacement Migration : is it a solution to declining andageing populations ?, Department of Economic and Social Affairs, Population Division,New York.

VERTOVEC S., ROBIN C. (eds.), (2000), Migration, diasporas and transnationalism,Cheltenham, Edward Elgar Publishers.

144

RFAS No 2-2004