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Presses Universitaires du Mirail El desertor by Plinio Apuleyo MENDOZA Review by: Jacques Gilard Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 24, Numéro consacré à l'Uruguay (1975), pp. 114-118 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40850313 . Accessed: 12/06/2014 18:33 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.49 on Thu, 12 Jun 2014 18:33:03 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Numéro consacré à l'Uruguay || El desertorby Plinio Apuleyo MENDOZA

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El desertor by Plinio Apuleyo MENDOZAReview by: Jacques GilardCahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 24, Numéro consacré à l'Uruguay (1975), pp.114-118Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40850313 .

Accessed: 12/06/2014 18:33

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Bernardo de los Vientos, solitude et oubli joignent leurs propres ravages à ceux de la mort. Le narrateur est là pour restituer les monologues intérieurs de ceux qui n'osent pas parler, pour se substi- tuer à la mémoire collective défaillante, ou pour assister aux der- niers instants des solitaires. Cette obsession pour les vies et les pensées qui vont se perdre à jamais était déjà sensible dans des contes isolés, parus en revue, comme Jonas ou El último viernes de la guerra.

Il reste à préciser que El festin est à classer dans la littérature de la violence colombienne et que, parmi les œuvres que ce phéno- mène socio-politique a inspirées, il s'agit d'une réussite. Pour expli- quer ce fait, encore assez rare malgré l'importance et l'attrait du thème, on peut aussi bien penser à la force et à la cohérence des obsessions propres à l'auteur qu'à la façon dont il évoque la violence elle-même. En effet, pour exprimer le cataclysme moral vécu par les populations rurales du pays (et tout particulièrement par celles de sa région natale du Tolima, que l'on reconnaît sous des toponymes déformés), Varón a choisi de ne pas mettre en scène l'horreur immé- diate des tueries; il a préféré faire de la violence un arrière-fond ou un état d'esprit qui apparaît suggéré au détour d'une phrase. Le massacre absurde et irréel du conte El festin pourrait sembler aller en sens inverse; mais il s'agit d'une allégorie de la violence, et non d'une image fidèle de celle-ci. Abelardo, lé témoin du massacre des villageois et du festin des charognards, pourrait bien n'être qu'une représentation de Varón, survivant d'une catastrophe et chargé par le hasard ou le destin de porter au monde le récit du drame. On voit que ce conte violent trouve aussi sa place dans ce livre tout de suggestion et de demi-teinte : sans apparemment rap- peler des faits historiques que ses compatriotes n'ont pas fini de cacher ou de dénoncer, l'auteur fait ressurgir des fantasmes humbles et émouvants auxquels il prête une voix inspirée. Policarpo Varón est à la hauteur de son entreprise. La qualité de ce premier livre incite à souhaiter et attendre la parution d'une œuvre de plus grande envergure.

Jacques Gilard.

Plinio Apuleyo MENDOZA. - El desertor. - Caracas, Monte A vila Editores, 1974. - 163 p.

El desertor est le premier volume publié par Plinio Apuleyo Men- doza, important journaliste colombien, connu en Europe pour avoir dirigé la remarquable mais éphémère revue Libre. Ce livre devrait

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occuper une place de première importance dans la littérature de son pays et du continent.

Il n'est pas facile de parler en quelques lignes de cet ouvrage com- posé de Tassez longue nouvelle qui lui donne son titre et de six contes : sa richesse thématique et ses multiples nuances exigeraient des analyses minutieuses. On peut cependant mettre en relief ce qui apparaît comme une constante : la nostalgie. Mais il faut aussitôt préciser et distinguer : la tristesse du temps perdu et de l'occasion manquée, l'amertume de l'action politique tronquée, la solitude affective, l'Europe et ses mirages de jeunesse heureuse face à l'ennui du tropique. Plinio Apuleyo Mendoza nous parle surtout d'une géné- ration qui a rêvé de changer son pays (ou le monde - plusieurs per- sonnages sont des artistes) et qui s'est limitée à vieillir.

La nouvelle qui donne le titre au recueil semble contenir l'essen- tiel des préoccupations de l'auteur. L'action se déroule dans les années 60 et recueille toutes les tensions politiques de la Colombie (et de l'Amérique) contemporaine. Andres Aldana, avocat progres- siste qui défendait avec abnégation les ligues agraires du Tolima, a décidé de s'accorder un répit. Ayant quitté Bogotá, il sollicite et obtient, dans des conditions humilhantes, l'aide d'un ancien condis- ciple devenu opulent avocat d'affaires de Barranquilla. L'égoïsme et la vulgarité du milieu dans lequel il doit vivre écœurent et conta- minent Aldana tout à la fois. Il laisse s'éteindre ses idéaux de jeu- nesse et sa femme, qui a gardé enthousiasme et rigueur morale, l'abandonne. Dans cette solitude à la fois apathique et aigrie, un membre de l'ELN, ancien camarade d'Université lui aussi, tente de l'intéresser à la nouvelle aventure révolutionnaire. Aldana refuse de prendre au sérieux l'action armée qu'on lui demande de soute- nir. Le révolutionnaire meurt dans le maquis du Santander, et ni ses parents ni sa femme ne comprennent la portée de son sacrifice. Aldana la pressent mais préfère ne pas approfondir son malaise. Lassé par la médiocrité ambiante, étouffé par le tropique, voyant que la mort n'y est qu'un carnaval pathétique, il aime mieux partir pour l'Europe, sans autre but que de comprendre ce qui lui est arrivé. Sur la route de l'exil volontaire, une inscription murale à la gloire du guérillero mort au combat semble dire que cette mort n'a pas été vaine, puisque quelqu'un en cultive le souvenir, mais Aldana - au lieu de récupérer cet exemple pour lui-même - rejette tout cela dans un passé révolu. Le guérillero est seulement « un tipo a quien yo conoci. Hace anos. » (p. 82). Le personnage central de cette nouvelle a ainsi déserté l'action révolutionnaire d'abord, puis l'idéal et enfin le pays. Sa lucidité d'intellectuel le condamne en fait à l'impuissance : « Si quieres cambiar esto, te

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estrujan, te arrinconan... y si levantas un dedo, te matan. Si transi- ges, te pudres detrás de una máscara. Quedas girando en el vacio » (p. 79). Aldana est pris entre plusieurs convictions, toutes également fondées et irréductiblement contradictoires :

1. la société colombienne ne peut changer que par la révolution violente,

2. pour l'instant, l'action révolutionnaire est dérisoire et conduit au sacrifice inutile, puisque ceux à qui elle s'adresse ne la compren- nent pas ou l'ignorent,

3. l'inaction est intolérable. D'où la désertion d'Aldana, incapable de trancher entre ces évidences.

Ce thème de la révolution nécessaire et impossible réapparaît dans le conte Espejismos. Mais dans la brièveté de cette forme de récit, les extrêmes s'accentuent et l'alternative entre l'inaction et l'action passe par le grotesque et l'émotion historique; face aux deux solitaires amers, gorgés d'eau-de-vie et de whisky, se dresse l'image de Camilo Torres : « (Camilo dándonos en plena cara el pal- metazo de su muerte, recordándonos en una madurez de renuncias cobardes toda Ia infinita inocência dei fusil que tomo en las manos, dejándonos el deslumbramiento de su necesario y clarividente sui- cidio para que algo puro, ai menos una flor, quedara en médio de los escombros) » (p. 119). C'est du point de vue de l'homme d'action - un ancien guérillero des années de la Violence - que se situe le conte El dia que enterramos las armas. Mais si la perspective du narrateur change, il est encore question d'une révolution frustrée, celle que vint empêcher le coup d'Etat faussement conciliateur de 1953, qui réduisit à néant l'espérance et l'expérience des révoltés du Llano. Vaincu par l'âge, l'ennui et la solitude, le vieux combat- tant rêve encore mais il est incapable de transmettre son trésor guerrier - quelques armes - aux jeunes idéalistes d'aujourd'hui, avec qui il ne sait ou ne veut pas entrer en contact.

Cette préoccupation pour le thème politique - interprétation de l'histoire d'une génération - est loin de s'épuiser en elle-même. Elle atteint une dimension tragique à force de s'incarner dans des drames individuels. C'est là ce qui fait l'originalité de ces textes et l'unité du livre car les autres contes de Plinio Apuleyo Mendoza par- lent aussi d'êtres qui ont laissé échapper l'occasion d'être heu- reux. La découverte d'autre chose (l'amour souvent, le sexe par- fois) pourrait transformer une vie mais n'y parvient pas en fin de compte. Chacun revient à sa vie d'autrefois en gardant le regret, par- foi seulement le souvenir, de possibilités entrevues et aussitôt per- dues. Ce regret, ou ce souvenir, est souvent lié à l'Europe qui, par comparaison, rend ensuite désespérante la réalité américaine. Cette

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constante spatiale marque aussi la thématique de Plinio Apuleyo Mendoza.

Dans ces contextes affectif, géographique et historique, l'auteur fait vibrer les problèmes américains de façon originale et émouvante. Il semble qu'il fasse évoluer ici la littérature de son pays (ou celle du tropique américain) en la rendant douloureusement contempo- raine des luttes de libération politique et culturelle, non plus par la fiction militante ni par l'exubérance inventive. Plutôt par la clarté. Car ce livre est celui de la conscience claire, désabusée et démysti- fiante : les personnages « savent » et le narrateur « sait ». Ce n'est pas un hasard si Barranquilla est décrite comme « un Macondo salvado de la fúria dei ciclón bíblico que arraso al otro, pero no de su ardiente deslumbramiento de polvo y soledad » (p. 113). Plinio leyo Mendoza situe son récit après Cien anos de soledad, après le « boum », après les crises et les rêves des années 60. Il signale une autre voie - plutôt qu'une autre fonction - à la littérature narra- tive. Après le réalisme magique vient le réalisme de la lucidité. Pour en finir avec le provincialisme et pour être contemporain de tous les hommes, il fallait dire aussi que l'Amérique est encore un agré- gat de provinces, qu'elle est encore perçue et subie comme une pro- vince. Cette province il faudra bien l'affronter un jour et vivre en elle, peut-être pour la changer, pauvrement mais sans les nostal- gies stérilisantes des grandes métropoles occidentales. Le modèle est peut-être fourni par le personnage de El primer dia, douloureux Rastignac de la côté atlantique colombienne : « Alli estaba la ciu- dad, brillando con todas sus luces, árida y enorme... « Estas son mis cartas - penso -, con ellas debo jugar; no tengo otras » (p. 144).

Plinio Apuleyo Mendoza dit tout cela dans un style remarquable de netteté et de rigueur, suggestif à force de froideur, poétique à force de prosaïsme. Un style sans caractère typique d'une école, d'un tempérament ou d'un pays; un style que l'on pourrait qualifier de classique dans la mesure où il suggère une volonté de canaliser pas- sions et héroïsmes, dans la. mesure aussi où il annonce une époque de réflexions et de bilans lucides. Dans cette œuvre attachée à l'exa- men du réel, ce style limipide montre que, si l'écrivain américain ne renonce pas à l'intention universelle qui caractérise la narration récente du continent, les temps changent et qu'il faut en tenir compte.

Pour avoir été mêlé de près à bien des événements historiques et littéraires décisifs, Plinio Apuleyo Mendoza a peut-être beaucoup appris, mais il a surtout beaucoup ressenti. Il montre aujour- d'hui - bien que son livre soit le miroir de multiples échecs indivi- duels - que rien n'a été vain et qu'une époque nouvelle peut et doit

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s'ouvrir. Le témoin-acteur sceptique était aussi un écrivain et son livre est une contribution au changement nécessaire des sensibi- lités et des consciences. El desertor est un livre qui, au lieu d'enté- riner et d'accepter, rompt avec le passé et fige le présent pour mieux appeler l'avenir. Sa nouveauté doit être prise en considération. Reste à souhaiter que les éditions Monte Avila lui assurent la diffusion qu il mérite.

Jacques Gilard.

Hugo NEIRA SAMANEZ. - Huillca : habla un campesino peruano. - La Habana, Casa de las Americas, 1974. - 223 p. (Colección Prémio).

Ce livre a obtenu le prix Casa de las Americas 1974, dans la catégo- rie Témoignage. Sa lecture démontre à quel point l'entité organisa- trice du concours avait eu raison, en 1970, d'ouvrir une voie à ce genre mal défini. Des aspects de la culture et de la société latino- américaines que la littérature, la sociologie ou le journalisme ne pouvaient exprimer qu'imparfaitement, peuvent ainsi être assez bien cernés et recevoir une diffusion justifiée.

On se souvient du remarquable Los Andes : tierra o muerte 0), à la fois reportage et essai, consacré par Neira aux invasions d'ha- ciendas qui avaient agité le Pérou andin des années 1963-64. L'au- teur revient sur ce thème et recourt à nouveau à la méthode journa- listique qui avait été à la base de son premier livre. Mais ici l'enquê- teur s'efface derrière un informateur qui rapporte à la première per- sonne sa vie et ses expériences. Ainsi, Neira rejoint des « auteurs » aussi importants que Ricardo Pozas, Oscar Lewis et Miguel Barnet.

Le personnage qui s'exprime dans ce livre, Saturnino Huillca, est un paysan indien du département de Cuzco, que son refus des injus- tices du système semi-féodal des haciendas a transformé en leader syndicaliste et en révolutionnaire. En outre, il est analphabète et ne parle que le quechua. Autrement dit, il s'agit d'un authentique représentant de la société indigène, d'un cas particulièrement pur, donc extrêmement intéressant.

Le livre se compose de trois parties qui embrassent toute la vie de Huillca; elles correspondent davantage aux circonstances collec- tives et historiques qu'aux vicissitudes de l'aventure individuelle, encore que les unes et les autres se recoupent assez bien, apparem- ment du moins. La première partie, qui s'ouvre avec la naissance et

(1) Cf. compte rendu d'Yves-René Fonquerne, CM.H.L.B. (Caravelle), n° 12, 1969, pp. 240-242.

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