16
> p. 3 Marché des lettres été 2004 1 Marché des lettres été 2004 1 ASSOCIATION CIRCÉ 12 RUE PIERRE ET MARIE CURIE 75005 PARIS TÉL. 01 44 32 05 95 FAX 01 44 32 05 91 marchedelapoesie.com Numéro 5 été 2005 N É À LA RÉUNION en 1930 d’une mère créole et d’un père ukrainien, Boris Gamaleya a publié son premier livre en 1973, Vali pour une reine morte, un poème d’exil à la fois lyrique, épique et dramatique. Cette oeuvre a été conçue pendant les années soixante, alors que son auteur, assigné en résidence métropolitaine – comme tant d’autres fonctionnaires de l’outre- mer réfractaires à la politique alors menée dans ces contrées –, apprenait le russe en Sorbonne. Son père, mort acciden- tellement alors que lui-même était encore très jeune, ne lui avait en effet légué de la culture slave qu’une absence brûlante. Dans les derniers vers du livre, l’île natale est nommée « Russie noire ». Toute l’en- treprise littéraire et politique de Boris Gamaleya tient dans cette expression : mettre ensemble en les entrelaçant des régions éloignées du monde, de l’esprit et du coeur. Ce premier texte fait date dans l’histoire de la poésie réunionnaise, car il signale l’avènement d’un engagement à la fois poétique et politique dans la destinée de cette île, et, au-delà, dans le devenir du monde. C’est à ce titre que, dans les années soixante-dix, Gamaleya C OMMENT PARLER d’un homme qui rêve depuis toujours que « la vie demeure silencieuse sous l’écriture », qui écrit pour savoir « d’où ça vient » ? Pourtant une oeuvre est là, des mots écrits se sont installés dans le présent de notre mémoire pour nous aimer et nous troubler, comme tout ce qui naît de la nécessité profonde d’une présence au monde à la fois désireuse et inquiète. Ceux qui connaissent Bernard Noël ont pu faire l’expérience de la parole chaleureuse et des silences soudains d’un homme constamment à l’écoute des autres et de lui-même, car les mots sont des pierres à l’affût dans le creux des organes et il faut les extraire du corps pour qu’ils jaillissent de la bouche en perçant la transparence de l’air, sa « rumeur », le bleu de son vide. Bernard Noël aime le pronom « tu » parce qu’il dit l’autre et son manque, le silence de ce qui est tu, le plaisir et la douleur d’écrire des livres qui « font signe à l’inconnu ». Je lis dans Le tu et le silence : « Nous avons deux corps : l’un de chair, l’autre de mots ; l’un qui s’exprime par le sexe, l’autre par la langue. » Or, ce corps de mots est à bien des égards un corps-poème. Les dédi- cataires de ses Lettres verticales l’ont vu se dresser sur la page, érigé et « droit comme un i », disant la révolte et la tendresse, le bonheur d’être vivant, malgré tout, pour partager cette chance qui est du maintenant, un être avec, mot-chair-salive qui va de l’avant et naît d’une longue attente dans « l’espace » qu’on lui fait. Pour être le mot il faut aussi combattre tout ce qui le menace, histoire de lutter contre toute forme de « sensure » (c’est- à-dire de « privation de sens ») active dans le monde actuel soi-disant libre. Du Château de Cène au Syndrome de ON NOUS A COMPRIS ! Au cri de « Montjoie Saint-Sulpice ! » quelques vaillants chevaliers du désordre poétique ont, l’année dernière, fourbi leurs dernières armes. Dans un barouf d’honneur, ils ne cherchaient pas à attirer une attention volatile mais plutôt à faire respecter l’action qu’ils mènent depuis vingt-deux ans sans défaillir avec ceux qu’ils défendent. Les passionnés, les tartarins, les amoureux, les sans grades, les combattants insatiables, les artisans de l’impossible, les soldats du plomb, les grognards, avec pour seule emprise, la passion. Celle qu’ils mènent pour la défense de l’acte poétique, sur les planches, les pages blanches, les voix franches. L’appel a été entendu. Il résonne d’espérances fortes qui déjà le propulsent dans l’espace et le temps. La Périphérie du Marché s’étend cette année, au-delà de la place Saint-Sulpice, aux quatre coins de Paris, et bientôt de l’Île-de-France, dans douze lieux différents sur une durée de vingt jours. Au moins les voix de la petite édition auront-t-elles été écoutées, et espérons le, entendues. JEAN-MICHEL PLACE > p. 4 recueille, auprès des conteurs Bernard Noël Le corps-poème par Fabio Scotto Le séisme créateur de Boris Gamaleya par Patrick Quillier son état pré-pictural, bras caressant Gramsci, de La Castration mentale au Retour de Sade, Bernard Noël nous fait part d’un drame de la conscience qui vit dans son propre corps l’outrage du leurre et de la soustraction sordide, perte de soi qui advient « à l’insu de sa victime » dans le trou noir de l’oubli faisant de nous des morts vivants, un creux « viandeux » et sanglant. La peinture d’un regard À la révélation déchirante qu’est cette « maladie de la chair » fait écho la géné- rosité d’un regard sans cesse porté sur l’oeuvre des peintres ; là, les yeux dans la couleur, le poème envie ces gestes silencieux « capables de tout dire/sans parler », ceux de Masson, Matisse, Magritte, Debré, Michaux... Cela donne un nombre considérable d’ouvrages sur et avec des artistes, dans la joie de la création commune. Le poète trouve chez le peintre la visibilité dont rêve l’écriture, qui en devient à sa façon l’accomplissement ou le prolongement lisible sur une toile en papier, la trans- cription-réinvention palpable d’une cosmogenèse du geste saisi même dans LES ÉDITEURS ET LE PLAN DU 23 e MARCHÉ 8-9 BERNARD NOËL LE CORPS-POÈME 1 / LE SÉISME CRÉATEUR DE BORIS GAMALEYA 1 / ENTRETIENS AVEC CHRISTOPHE GIRARD, ÉRIC GROSS ET FRANCIS PARNY 2-3 / L’ÎLE-DE-FRANCE TIENT SALON 3 / MARCHÉ DES LIVRES 4 à 15 / LE MARCHÉ DE LA POÉSIE À CUBA 4 / CADAVRE TRÈS EXQUIS 5 / CMC FAIT LA DIFFÉRENCE 5 / ANDRÉ BALTHAZAR LA FONTAINE DE JOUVENCE 6 / POÉSIE À LA SGDL 6 / LA PÉRIPHÉRIE DU 23 e MARCHÉ DE LA POÉSIE 7 / LES NUITS DU 23 e MARCHÉ 10 / JULIEN BLAINE LES ADIEUX À LA PERFORMANCE 10 / LA DIFFUSION EN X LEÇONS 11 / POEZIBAO EST UN BLOG 11 / CHRISTOPHE TARKOS DANS LA NUIT DU 29 AU 30 NOVEMBRE 12 / JUNE SHENFIELD L’ARPENTEUSE DU MARCHÉ 12 / ESTHER NIRINA LA GRANDE DAME DE MADAGASCAR 13 / JEAN ROUSSELOT COMPAGNON DU DEVOIR POÉTIQUE 13 / INDÉPENDAMMENT 13 MARCHÉ DES INFOS 14 AMBRE NOLEN DR

Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

> p. 3

Marché des lettres été 2004 ● 1Marché des lettres été 2004 ● 1

ASSOCIATION CIRCÉ 12 RUE PIERRE ET MARIE CURIE 75005 PARIS TÉL. 01 44 32 05 95 FAX 01 44 32 05 91 marchedelapoesie.com

Numéro 5 été 2005

NÉ À LA RÉUNION en 1930d’une mère créole et d’unpère ukrainien, BorisGamaleya a publié son

premier livre en 1973, Vali pour unereine morte, un poème d’exil à la foislyrique, épique et dramatique. Cetteœuvre a été conçue pendant les annéessoixante, alors que son auteur, assignéen résidence métropolitaine – commetant d’autres fonctionnaires de l’outre-mer réfractaires à la politique alors menéedans ces contrées –, apprenait le russeen Sorbonne. Son père, mort acciden-tellement alors que lui-même était encoretrès jeune, ne lui avait en effet légué dela culture slave qu’une absence brûlante.Dans les derniers vers du livre, l’île nataleest nommée « Russie noire ». Toute l’en-treprise littéraire et politique de BorisGamaleya tient dans cette expression :

mettre ensemble en les entrelaçant desrégions éloignées du monde, de l’espritet du cœur.Ce premier texte fait date dans l’histoirede la poésie réunionnaise, car il signalel’avènement d’un engagement à la foispoétique et politique dans la destinée decette île, et, au-delà, dans le devenirdu monde. C’est à ce titre que, dansles années soixante-dix, Gamaleya

COMMENT PARLER d’unhomme qui rêve depuistoujours que « la vie demeuresilencieuse sous l’écriture »,

qui écrit pour savoir « d’où ça vient » ?Pourtant une œuvre est là, des mots écritsse sont installés dans le présent de notremémoire pour nous aimer et noustroubler, comme tout ce qui naît de lanécessité profonde d’une présence aumonde à la fois désireuse et inquiète.Ceux qui connaissent Bernard Noël ontpu faire l’expérience de la parolechaleureuse et des silences soudainsd’un homme constamment à l’écoutedes autres et de lui-même, car les motssont des pierres à l’affût dans le creuxdes organes et il faut les extraire du corpspour qu’ils jaillissent de la bouche enperçant la transparence de l’air, sa« rumeur », le bleu de son vide.Bernard Noël aime le pronom « tu »parce qu’il dit l’autre et son manque, lesilence de ce qui est tu, le plaisir et ladouleur d’écrire des livres qui « fontsigne à l’inconnu ». Je lis dans Le tuet le silence : « Nous avons deux corps :l’un de chair, l’autre de mots ; l’un quis’exprime par le sexe, l’autre par lalangue. » Or, ce corps de mots est à biendes égards un corps-poème. Les dédi-cataires de ses Lettres verticales l’ontvu se dresser sur la page, érigé et « droitcomme un i », disant la révolte et latendresse, le bonheur d’être vivant,malgré tout, pour partager cette chancequi est du maintenant, un être avec,mot-chair-salive qui va de l’avant et naîtd’une longue attente dans « l’espace »qu’on lui fait.Pour être le mot il faut aussi combattretout ce qui le menace, histoire de luttercontre toute forme de « sensure » (c’est-à-dire de « privation de sens ») activedans le monde actuel soi-disant libre.Du Château de Cène au Syndrome de

ON NOUS A COMPRIS !

Au cri de « MontjoieSaint-Sulpice ! » quelquesvaillants chevaliers du désordrepoétique ont, l’année dernière,fourbi leurs dernières armes.Dans un barouf d’honneur,ils ne cherchaient pas à attirerune attention volatile maisplutôt à faire respecter l’actionqu’ils mènent depuisvingt-deux ans sans défailliravec ceux qu’ils défendent.Les passionnés, les tartarins,les amoureux, les sans grades,les combattants insatiables,les artisans de l’impossible,les soldats du plomb,les grognards, avec pour seuleemprise, la passion. Celle qu’ilsmènent pour la défense del’acte poétique, sur les planches,les pages blanches, les voixfranches. L’appel a été entendu.Il résonne d’espérances fortesqui déjà le propulsent dansl’espace et le temps.La Périphérie du Marchés’étend cette année, au-delàde la place Saint-Sulpice,aux quatre coins de Paris,et bientôt de l’Île-de-France,dans douze lieux différentssur une durée de vingt jours.Au moins les voix de la petiteédition auront-t-elles étéécoutées, et espérons le,entendues. JEAN-MICHEL PLACE

> p. 4recueille, auprès des conteurs

Bernard NoëlLe corps-poèmepar Fabio Scotto

Le séisme créateurde Boris Gamaleyapar Patrick Quillier

son état pré-pictural, bras caressant

Gramsci, de La Castration mentale auRetour de Sade, Bernard Noël nous faitpart d’un drame de la conscience qui vitdans son propre corps l’outrage du leurreet de la soustraction sordide, perte desoi qui advient « à l’insu de sa victime »dans le trou noir de l’oubli faisant denous des morts vivants, un creux« viandeux » et sanglant.

La peinture d’un regardÀ la révélation déchirante qu’est cette« maladie de la chair » fait écho la géné-rosité d’un regard sans cesse porté surl’œuvre des peintres ; là, les yeux dansla couleur, le poème envie ces gestessilencieux « capables de tout dire/sansparler », ceux de Masson, Matisse,Magritte, Debré, Michaux...Cela donne un nombre considérabled’ouvrages sur et avec des artistes, dansla joie de la création commune. Le poètetrouve chez le peintre la visibilité dontrêve l’écriture, qui en devient à sa façonl’accomplissement ou le prolongementlisible sur une toile en papier, la trans-cription-réinvention palpable d’unecosmogenèse du geste saisi même dans

LES ÉDITEURS ET LE PLAN DU 23e MARCHÉ 8-9

BERNARD NOËL LE CORPS-POÈME 1 / LE SÉISME CRÉATEUR DE BORIS GAMALEYA 1 / ENTRETIENS AVEC CHRISTOPHE GIRARD,ÉRIC GROSS ET FRANCIS PARNY 2-3 / L’ÎLE-DE-FRANCE TIENT SALON 3 / MARCHÉ DES LIVRES 4 à 15 / LE MARCHÉ DE LAPOÉSIE À CUBA 4 / CADAVRE TRÈS EXQUIS 5 / CMC FAIT LA DIFFÉRENCE 5 / ANDRÉ BALTHAZAR LA FONTAINE DE JOUVENCE 6 / POÉSIE À LA SGDL 6 / LA PÉRIPHÉRIE DU 23e MARCHÉ DE LA POÉSIE 7 / LES NUITS DU 23e MARCHÉ 10 / JULIENBLAINE LES ADIEUX À LA PERFORMANCE 10 / LA DIFFUSION EN X LEÇONS 11 / POEZIBAO EST UN BLOG 11 / CHRISTOPHETARKOS DANS LA NUIT DU 29 AU 30 NOVEMBRE 12 / JUNE SHENFIELD L’ARPENTEUSE DU MARCHÉ 12 / ESTHER NIRINALA GRANDE DAME DE MADAGASCAR 13 / JEAN ROUSSELOT COMPAGNON DU DEVOIR POÉTIQUE 13 / INDÉPENDAMMENT 13

MARCHÉ DES INFOS 14

AM

BRE

NO

LEN

DR

Page 2: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

Le ministère de la Culture a toujourssoutenu le Marché de la Poésie.Quel regard portez-voussur cette manifestation dontnous allons fêter la 23e édition ?Le Marché de la Poésie, que le ministèreest fier de soutenir, souligne le lien trèsfort qui existe entre la création poétiqueet la petite édition. Il n’est pas questionpour moi, bien au contraire, de nier lerôle que jouent dans l’édition de poésiedes maisons comme Gallimard ouFlammarion, mais d’insister sur le rôlecomplémentaire qui existe entre cesgrosses structures et des maisonsbeaucoup plus modestes, qui accom-plissent un travail militant de découverteet de publication. Le Marché de laPoésie, je le conçois comme un justehommage à l’infatigable énergie des« petits » et à leur opiniâtre et commu-nicative conviction. Ce beau momentde visibilité doit perdurer. Il y faut leconcours de tous !

Le monde de la petite édition esten pleine crise économique, celuides éditeurs de poésie et de créationlittéraire est encore plus fragilisé.Bien sûr la problématique est plusliée à la diffusion/distributionqu’à la création...Le tissu de la petite édition a particu-lièrement souffert des fausses bonnessolutions de distribution qui se sontsuccédées, et de leurs faillites program-mées. Il faut en tirer les enseignements.Après ces faillites, le ministère a étéprésent auprès des maisons lésées, quandil le fallait, notamment pour les désen-detter. Mais il faut aller plus loin. C’estpourquoi je me réjouis du partenariatqui s’est noué entre le ministère, leSyndicat national de l’Édition (SNE),et la communauté des petits éditeurspour poser la question de l’accès de la

petite édition à des solutions de distri-bution efficaces, pérennes, correspondantà l’économie du secteur et assurant undébouché vers le tissu de la librairieindépendante, sans laquelle rien ne peutse faire. Il faut prendre exemple surce qui marche, à l’image du regrou-pement constitué par Richard Edwards,avec In-Extenso. Je crois aussi qu’onpeut attendre des choses très promet-teuses de la réflexion confiée à Bernardde Fréminville, qui est un excellentconnaisseur de ces problèmes.

Une enquête réalisée par la Directiondu Livre et de la Lecture ainsi quele SNE a pu recenser ce monde dela petite édition*. Quelles conclusionspeut-on en tirer ? Ces résultatsvont-ils donner lieu à des propositionsprécises ?Avec cette enquête, nous nous sommesdonné une connaissance tout à faitnouvelle de ce qu’on appelle la « petiteédition », de sa répartition géographique,du nombre des maisons, et de la variétédes structures, des effectifs, desproductions.Nous pouvons percevoir clairement quetrès souvent, particulièrement en Île-de-France, on a affaire à des maisons certesfragiles, mais véritablement profes-sionnalisées, et qui veulent durer pourdévelopper des projets éditoriaux devaleur. Par quoi cette étude fait valoir

avec force la vocation de la petite éditionà constituer une composante de pleindroit de l’édition française.

En matière de politique du livre,comment voyez-vous le rôle desrégions par rapport à l’État ?En matière de culture en général et delivre en particulier, notre ministre, RenaudDonnedieu de Vabres, propose auxrégions un partenariat pragmatique etloyal , dont témoigne le soutien de l’Étataux centres régionaux du livre existants.

L’engagement du ministère est profond.Il consacre près de 320 millions d’eurosà la politique du Livre, dont près de 160millions concourent à l’investissementet au fonctionnement des bibliothèquesdes collectivités locales. À travers lesDrac et le CNL, il intervient sur toute lachaîne du livre des auteurs aux libraires,et soutient sur tout le territoire la vielittéraire. C’est aux régions qu’ilappartient, au regard de ces données, dedéfinir leur politique, sachant qu’enraison de leur compétence en matièreéconomique, elles ont certainementvocation à s’intéresser de manière privi-légiée à l’édition et à la librairie.L’essentiel est qu’elles aient une politiqueet que certaines décisions ne viennentpas nuire aux acteurs du livre. C’est ainsique la gratuité du livre scolaire, qui n’estpas un objectif contestable en soi, peut

avoir des conséquences désastreuses surla librairie, quand le choix est faitd’acheter les livres par de vastes marchéspublics. Contrairement aux aides auxfamilles, par chèques ou cartes à puces,ce système profite de fait aux grossisteset dissuade le public de fréquenter leslibrairies.

En « Périphérie », le 23e Marché élargitle domaine poétique vers d’autresmodes d’expression artistique, et versd’autres lieux. Que pensez-vous decette volonté d’ouverture ?Je salue ces initiatives nouvelles duMarché de la Poésie. Le CNL est heureuxde s’y associer en accueillant les 21 et22 juin deux soirées centrées sur la poésiechantée, celles de la Réunion, deMadagascar et de la Sardaigne, maisaussi celle du judaïsme méditerranéen,avec des chants sépharades.

Quels sont les poètes contemporainsauxquels vous êtes sensibles ?J’ai une vraie passion pour Valéry, enparticulier ce texte étrange et poly-phonique qu’est « La Jeune Parque ».Ma formation philosophique m’a aussifait rencontrer René Char. Je crois qu’enFrance nous avons une poésie vivante,voire remuante, ce qui est formidable,avec des gens aussi divers qu’AndréVelter, Jacques Darras ou MichelleGrangaud, qui préside actuellement lacommission poésie du CNL ●

(*) Résultats disponiblessur http://dilicom.cybo.fr/infos/index.php?id=32

2 NUMÉRO 5 été 2005

Après une année2004 périlleuse pourle Marché de la Poésieet difficile pourses organisateurs,la rencontreavec les partenairesinstitutionnelsa permis de sauverl’événement.Le 23e Marché de la Poésiesera officiellementinauguré le jeudi23 juin 2005, à 17h30,par Jean-Pierre Lecoq(maire du 6e

arrondissementde Paris), Francis Parny(vice-présidentdu Conseil régionald’Île-de-Francechargé de la Cultureet des NouvellesTechnologies),Christophe Girard(adjoint au mairede Paris chargéde la Culture),Éric Gross (présidentdu Centre nationaldu Livre).La présidenced’honneur du23e Marché de la Poésieest confiéeà Jack Ralite(Sénateurde Seine-Saint-Denis). Marché des lettresfait le point avec euxsur le regard qu’ilsportent à la poésieet à la petite édition.

Propos recueillispar Vincent Gimeno

Entretien avec Christophe GirardAdjoint au maire de Paris chargé de la Culture

Les enjeux du MarchéDepuis quelques années, la Villede Paris soutient notre action,(Bertrand Delanoë n’a jamais manquél’occasion de venir faire son marchémalgré son emploi du temps).Les organisateurs prétendentque le Marché est « un événementculturel unique en son genre »,reprendriez-vous ce terme ?Le Marché de la Poésie, que la Mairiede Paris est fière de soutenir, s’est imposé

comme un moment unique d’échangeset de rencontres entre les poètes, leurséditeurs et leurs publics. Je rendshommage au dynamisme de cette mani-festation originale. Jean-Michel Placea su concilier la dimension « village »

du « Marché » avec une ouverture surl’Europe et sur le monde qui s’est déve-loppée d’années en années.

Au delà de la présence des éditeursplace Saint-Sulpice – événement-cléde nos actions –, le Marché de laPoésie développe des manifestationsen « Périphérie », dans d’autres lieuxparisiens et sous d’autres formesd’expression artistique, dans

le domaine du poétique. Nouscomptons développer cette initiativedans les années à venir... avec le soutiende la Ville ? Nous conclurons notrePériphérie à la Maison de la Poésiede Paris.

Ce rapprochement vous semble-t-ilapproprié ?Le soutien au Marché de la Poésies’inscrit dans le cadre d’un ensembled’actions de la Ville de Paris en directiondes poètes et de la poésie.La poésie est bien naturellement présentedans les initiatives du réseau des biblio-thèques municipales, qui participentchaque année activement au Printempsdes Poètes. Je voudrais citer la magnifiqueexposition « François Villon, poète deParis » organisée en 2005 à laBibliothèque historique de la Ville deParis, accompagnée de spectacles et deconférences. La Maison de la Poésiejoue un rôle central en programmanttoute l’année des lectures de textes, desrencontres avec des poètes ou des soiréesthéâtrales consacrées à la poésie. Outre la Maison de la Poésie, la Villede Paris soutient régulièrement des projets

qui ont pour objectif de promouvoir lapoésie sous toutes ses formes, commeLes amis de Rimbaud ou l’associationParvis Poétiques.Nous sommes également attentifs audéveloppement de formes nouvellesd’expression poétique comme le slam(soutien à l’association Slam Productionsdepuis 2004).Je me réjouis que, pour la première foiscette année, une collaboration ait punaître entre la Maison de la Poésie et leMarché de la Poésie. D’une manièreplus large, nous sommes très favorablesau développement des collaborationsentre les différentes institutions cultu-relles et lieux d’expression artistique etde rencontre avec les publics. Nouspensons que d’autres expériences etd’autres passerelles pourraient être envi-sagées à l’avenir, pourquoi pas avec leFestival d’Automne ou la Cité desRécollets.

Quels sont les poètes contemporainsauxquels vous êtes sensible ?Sans classement, je citerai dans ledésordre Saint-John Perse, René Char,García Lorca et Nazim Hikmet ●

Entretien avec Éric GrossPrésident du Centre national du Livre

La distribution en cause

« La vocation de la petite édition à constituer unecomposante de plein droit de l’édition française ».

« D’autres expériences et d’autres passerellespourraient être envisagées à l’avenir ».

DR

DR

Page 3: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

La Région Île-de-France présentait pour la première foisen 2005, le travail de 105 petits éditeurs indépendantsau Salon du Livre de Paris et, parmi eux, une trentainede revues. Le Conseil régional marquait ainsi sa volontéde mettre en place une véritable politique du Livre enÎle-de-France où les petites maisons d’édition se plai-gnaient depuis quelques décennies – s’appuyant surl’exemple d’autres Régions plus dynamiques – de n’avoir

jamais reçu de soutien régional. La sélection était certesincomplète. Mais pourrait-elle l’être un jour dans unerégion où cohabitent près de 1200 de ces petites maisons?Le Centre national du Livre s’associait à cette grandepremière, prolongeant le travail commencé l’annéeprécédente avec la librairie Tschann (une trentained’éditeurs franciliens avaient ainsi pu être présents auSalon du Livre de 2004). L’organisation logistique du

stand fut confiée à l’Institut national de formation dela librairie, la gestion à la librairie Tschann et l’organi-sation à trois Salons soutenus par le Conseil régional(L’autre Livre, Le Salon de la Revue et le Marché de laPoésie). Ce stand aura permis une présence et une lisi-bilité à des éditeurs venus d’horizons divers (bibliophiliecontemporaine, poésie, littérature, art contemporain,photographie, patrimoine...), dont la plupart n’auraitjamais imaginé pouvoir participer au Salon du Livre,faute de moyens. Pourra-t-on un jour poser cettequestion : pourquoi les membres du SNE (a priori deséditeurs ayant des moyens moins limités) paient-ilsmoins cher leur mètre carré de surface au Salon que lespetits éditeurs indépendants ?Quoi qu’il en soit, ce stand aura été l’un des grandsattraits du Salon 2005, et un des grands sujets dediscussion : sur une surface d’environ 250 m2, la Région(avec le CNL), a posé les premiers jalons d’une volonténouvelle d’agir avec et pour les petits éditeurs indé-pendants. Le Conseil régional a également organisé deuxdébats, l’un pour présenter sa politique du Livre et dela Lecture, l’autre pour dialoguer avec les éditeurs fran-ciliens. D’autres débats et tables rondes ont démontréque la crise économique (diffusion et distributionnotamment) de la petite édition est au cœur de toutela problématique du patrimoine éditorial.Le succès du stand est un atout majeur pour son déve-loppement à venir. En complémentarité, bien entendu,d’une politique nouvelle en Île-de-France pour le Livre...et la Lecture. V. G.

NUMÉRO 5 été 2005 3

L’an dernier, lorsque le Marché de la Poésietraversait une crise financière qui remettaiten cause son existence, Francis Parny,tout nouveau vice-président, n’avait pashésité à venir à notre rencontre pour nousécouter, et répondre très rapidement ànotre demande d’aide de la Région Île-de-France où, jusque-là, nous avions trouvéporte close (voir Marché des Lettresno 4, juin 2004, p. 2).Depuis, la Région Île-de-France a entreprisplusieurs actions pour mettre en placeune véritable politique du Livre et de laLecture dans une région qui concentre àelle seule 48 % de l’édition française (dont77 % sur Paris).

Quel sens donnez-vous à votreengagement pour soutenirle Marché de la Poésie ?Nous traversons aujourd’hui une gravecrise dans le domaine du livre et de lalecture, crise qui se traduit en particulierpar une concentration des maisonsd’édition, mais aussi et surtout desréseaux de distribution. Cette crise estde nature à remettre en cause l’accèspour tous aux formes les moinsmarchandes de la production littéraire.C’est en raison de ce constat et de maconviction que seule la puissancepublique peut se démarquer de ces règlesdu marché qu’il m’apparaît importantd’apporter notre soutien à une initiativecomme le Marché de la Poésie, quipermet la rencontre entre des auteurs etle grand public, de continuer à existeret d’avoir les possibilités de se déve-lopper.

Depuis votre accession au poste device-président chargé de la Culture,vous avez déjà pris un certain nombrede dispositions pour aider le Livre. La Région s’engage également sur le terrain d’une politique du Livreet de la Lecture, pourriez-vousnous donner les orientationsdu Conseil régional ?Cette année 2005 est avant tout une annéede réflexion. Nous avons pris desinitiatives, comme la mise à dispositionde notre espace au Salon du livre àdes groupements d’éditeurs indépendantsfranciliens, le soutien à des manifes-tations comme le Marché de la Poésie,le salon L’Autre livre, le Salon dulivre de Jeunesse de Montreuil.Nous avons engagé une large concer-tation avec tous les acteurs de la filière,le Centre national du Livre, le Syndicatnational de l’édition, le Syndicat de laLibrairie, la Maison des Écrivains, laSociété des Gens de Lettres, mais aussiavec des coopératives de diffusioncomme Co-errances.Deux conseillers régionaux ont étémissionnés par le président, sur la lecturepublique d’une part, et sur la place desauteurs et du livre. Toutes ces réflexions

nous permettrons d’engager une politiquenouvelle et ambitieuse. Je proposeraià l’automne un rapport cadre sur Le livreà l’approbation du Conseil régional.Dans le même temps nous mettons enplace des initiatives fortes avec les parte-naires précités : je pense à la Maison desÉcrivains ou au Printemps des Poètes,qui montrent notre volonté d’avancer.

La petite édition indépendantevit des heures critiques. La miseen place d’une politique du Livreprendra du temps. Envisagez-vousdes solutions d’urgence ?Comme je l’ai dit précédemment, nousenvisageons de rendre opérationnellenotre politique du Livre à l’automne.Compte tenu de ces délais, la questionde mesure d’urgence est à manier avecprécaution. Je serai cependant extrê-mement attentif à ce qu’aucune structurene soit menacée de disparition.

Le Livre et la Lecture...mais il semble que le Conseil régionalintensifie ses actions d’aideà la culture, d’une façon plus générale...Oui, j’ai présenté en mai deux rapportsau Conseil régional :l’un concerne la réforme de notre fondsde soutien au cinéma, avec l’ouverturede ce fonds au documentaire de création.

L’autre concerne le spectacle vivant, soustoutes ces formes, avec la mise en placed’un dispositif de soutien au dévelop-pement culturel et à la permanenceartistique.J’ajouterai à propos de l’ensemble deces politiques, et bien sûr celle du Livreet de la Lecture en particulier, quej’attache une grande importance à la

place des auteurs, qui est transversale,et à leur reconnaissance ; des initiativesde résidence d’auteurs seront encou-ragées.

Avec ses événements en « périphérie »,le Marché de la Poésie ouvre cetteannée la poésie à d’autres domainesd’expression artistique.Nous prolongeons égalementla durée de l’événement, afinde toucher un public déjà acquisà la culture, mais pas forcémentouvert à la poésie.Que pensez-vous de cette initiative ?Dans le domaine de l’art et de la culture,il n’y a pas de frontières étanches entreles genres. Toutes les formes associantune association d’expressions artistiquesdifférentes sont de nature à préserver età développer la diversité culturelle,objectif qui doit rester au cœur de toutepolitique culturelle ●

Entretien avec Francis ParnyVice-président su Conseil régional d’Île-de-France chargé de la Culture et des Nouvelles Technologies

L’engagement francilien

« Toutes ces réflexions nous permettronsd’engager une politique nouvelle et ambitieuse ».

la « bouture de nuit/ plantée dans labouche » (La Moitié du geste). Que desouvenirs aussi de la campagne siennoise,au sommet de la colline où se trouvela sculpture Site transitoire de Jean-PaulPhilippe qui inspira à Bernard les textesdu livre homonyme ! On avait lu dansles salles d’un ancien monument pasloin de la Piazza del Campo, celle duPalio, qui revient dans le Syndrome deGramsci, avec le goût d’un vin célèbre,le Brunello de Montalcino. Ces voyagesen Italie de Bernard Noël, terre où sonœuvre est traduite et admirée, dessinentun pont entre nos deux pays quise retrouvent côte à côte dans cette23e édition du Marché de la Poésie sousle signe de l’échange, d’une amitiéancienne : le jumelage Paris/Romen’aurait pu avoir meilleur témoin. Chaqueœuvre de Bernard Noël nous fait don dece « corps d’écriture », avec la géné-rosité de ses Premiers mots. Vous aurezle bonheur de les entendre par sa voixau Marché de la Poésie ; j’y serai moiaussi, « parmi vous / l’un de vous » (JeanTardieu), car en poésie c’est toujours lapremière fois quand des mots coulentd’un cœur pareil rendant touchable leurinvisible : du sang noir, « à contre-mort ».

Fabio Scotto

[Ndlr] Fabio Scotto dirigera un colloque inter-national « Bernard Noël : le corps du verbe », àCerisy-la-Salle, du 11 au 18 juillet 2005.

l’air, dessin mental, forme annoncée.De même, cette synergie de langagesfait du mot écrit un mot à dire sur lascène théâtrale, car l’élan verbal doitmesurer l’ampleur de sa perspective ensubissant « l’épreuve de la glace et dufeu » pour vibrer des tonalités de l’aveude l’inavouable. Dans la cave paternellede La Maladie de la chair c’est bienla voix de cette intarissable oralité quicrie en s’écrivant, pour « creuser » àl’infini le vers ou le Néant de l’Œuvre,cette Maladie du sens mallarméenne, «théâtre de souffles où le [mon] regardse perd ». Habiter la langue c’est habiterle présent de sa voix, être « ce trou aumilieu du visage », celui d’Anna(Magnani) d’où jaillit le fleuve verbalqui nous plonge dans un contexte italienoù Roberto Rossellini, Luchino Viscontiet Pier Paolo Pasolini rivalisent en charmeavec Eleonora Duse (La Langue d’Anna).

L’Italie de Bernard NoëlL’Italie donc, si présente dans ce récit-poème, lieu de ma première rencontreà Florence avec Bernard Noël en 1992.Depuis bien d’autres suivirent dans monpays : à Milan, Côme, Bologne, Gênes,Sienne, Naples..., toujours le sentimentd’une première fois à chaque rencontre,à chaque lecture, cette pensée lyriquequi se fait devant vous par le simplemouvement de la parole pour vousétonner de la profondeur d’un non-savoirtellement savant, lucide et vrai, ce quiavait fasciné aussi mes étudiants face àla difficulté de traduire collectivementavec lui dans son poème compté ce qu’est

Bernard NoëlLe corps-poème> suite de la p. 1

L’Île-de-France tient Salon

DR

AM

BRE

NO

LEN

AN

NE

CH

AM

BRIL

LON

BNF, 4 avril 2005, Les Premiers Mots,soirée de lancement du 23e Marché. Bernard Noëlen compagnie de Bertrand Dorny.

Le stand francilienau Salon du Livre de Paris 2005.

Page 4: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

4 NUMÉRO 5 été 2005

Figurations de l’imageAnne-Marie AlbiachFlammarion, 2004« Elle », « il », « ils », « elles » : où est l’auteur ?l’entourage ? le lecteur ? Si cette notecommence par une interrogation, il n’en estpas de même de ce livre où, cependant, rienn’a recours à une affirmation outrancière.L’auteur est à l’impulsion, puis constate lesémergences, en vit l’aventure. Et ce qui établitson cours acquiert mezza voce l’objectivitéd’une rivière ou de son lit, à l’image de cet« excès » final et de ses méandres. Derrièrel’immobilité de la lettre, du mot, de la page,se profile une « élaboration », peut-être dansle mouvement-même de l’encre, quimobilise les corps et les regards ; « le regardde l’autre » pourrait bien être tout à la foiscelui de l’auteur soi-même et du lecteur,dans ce processus d’altération auquel noussommes invités. Une écriture exigeantecomme nous en demandons, précisémenten ce qu’elle échappe à toute demande. Là,une langue peu à peu « émerge », elle aussi,de la langue qui nous est commune.

Yves Jouan

Les Miroirs voyantsMarc AlynVoix d’encre, 2005, 150 p. 20 €Dix-neuf chroniques de Marc Alyn, et leta lent pe int d ’Hubert Haddad qu iaccompagne ces feuillets par un portraitallumé de chaque artiste. « Peintres-poèteset poètes-peintres », autant dire dix-neuf

déserteurs du Réel !Se côtoient Picabia,Chir ico , Michaux ,Bryen, Michel Haddad,Artaud, Réquichot,Zürn, Giacometti, Arp,Wols... Ils ont tous en

commun la libre circulation entre ces deuxarts , et en ce la le mot magique du« dédoublement ». Mais au bout de leursyeux crevés (par faculté de cécité), ils onttous cherché, écorchés vifs et insoumis, parl’usage de traits divers et obliques, le vertigede la déperdition, et pour certains de ladéréliction... Eux-mêmes hallucinés paraccident, leurs ombres portées au-delà dunaufrage de la durée... Tout pour cet instantde foudre qu’on nomme poésie et qui ne secommente pas ! Passion vitale... À relire cesvies jetées percutant la matière, celles deHaddad ou de Artaud, on se dit quel’impossible s’est affirmé jadis et seracondamné encore demain , commedéflagration de la Règle, par reflet du« second soleil »... Laurine Rousselet

La Dernière PhraseJacques AncetLettres Vives, 2004, 130 p. 14 €Comment ne pas chercher que l lesignification peut revêtir aux yeux de JacquesAncet le chiffre neuf, lorsque l’on découvreque le présent recueil comporte 108neuvains en ennéasyllabes (vers de 9 syllabes).

On peut aller plus loinencore : le l ivre estcomposé de deuxtextes, deux thrènes( l a m e n t a t i o n spoétiques) : le premier(27 poèmes) , O ncherche quelqu’un,

écrit à la mémoire du grand poète espagnolJosé Ángel Valente, mort le 18 juillet 2000 etdont Jacques Ancet est le traducteur enfrançais.Le second (neuf séries de neuf neuvains enennéasyllabes), qui donne son titre au livre,a été écrit du 18 octobre 2000 au 27 juin

2001 en mémoire de Louis Ancet, père del’auteur. Par delà cette savante et complexearithmétique, il faut souligner par dessustout la beauté bouleversante de cette poésiequi scrute et interroge le mystère del’absence de l’autre, aimé et mort ; qui fouilleinlassablement, à la limite de l’obsession, laquestion de la trace, la trace mnésique etses mystères, la trace laissée dans le mondepar celui qui a disparu.

Florence Trocmé

Avec la mort, quartierd’orange entre les dentsMarie-Claire BancquartObsidiane, 2005 15 €Explosions, éventrements et autres « petitsfaits divers de la guerre » ouvrent ce recueilqui, devant le constat de l’inutilité de Dieu etde « l’exil nu » dans lequel son absence nouslaisse, choisit de recourir à la matérialité dumonde pour, « sans itinéraires d’initiés »,malgré tout « essa[yer] d’aimer » – non pasles gens, les choses, mais plus modestement« des gens, des choses ». Nul besoin

d’effract ion pourrepérer dans le corpsinterne les traces decette mort que nouspromenons partoutavec nous, comme unquartier d’orange que

l’on tiendrait entre les dents : fêlures dusquelette ou signes du putrescible inscritsdans les « tuyaux à sang », le « petit sacd’entrailles », les poumons. Mais « cettebuanderie animale qui vit dans son repli »,« à l’ombre de la peau », est aussi un corps« traversé » par l’univers qui le contient, et unefois découvertes « l’intimité de notre sangavec bêtes et lierres », la « réversibilité desorganismes », on peut fêter « avec unbouquet » les retrouvailles de l’arbre – oude l’homme – avec l’humus vital. Le quartierd’orange qui finira par éclater dans la bouchen’entre plus seulement en analogie, dès lors,avec l’explosion des bombes : le fruit est« délectable » et le corps vieillissant sait bienque les douceurs sont désormais « àconsommer sur place ». « Entre les dents » :d’une sensualité crue, parfois cruelle, cerecueil que M.-C. Bancquart écrit « avec lamort » est avant tout une puissanteaffirmation des délices de l’intervalle, unecélébration de l’argile et du souffle dans ununivers sans potier où restent néanmoinspossibles les élans « à corps gagné ».

Astrid Bouygues

Et le pourboire des anges ?Laure CambauÉditions de l’Amandier, 70 p. 10 €N’oublions pas nos compagnons des bonset des mauvais jours ! Et le pourboire desanges, un livre en forme de « soucoupe »posée, simplement, sur la table ou sur lecomptoir, le bruit des mots remplaçant le

bruit des pièces jetéesdans la porcela ineblanche et froide. Ici,pas de souc i declassement cartésien,juste trois facettes d’ununivers parfois trivial,

toujours absurde. Pour commencer, « Balafreset caramels mous », ou les aléas des jeux del’Amour, « aux confins du stupre et de l’eaubénite ». Puis « Proverbes de comptoir »,trente instantanés en forme de dictons ouconseils : « en l’absence du regard, déposerle courrier à l’horizon ». Et pour finir, « lepourboire des anges » : « la tourbe est unlivre ouvert pour la suite »...

Béatrice Vatinel

MARCHÉ DES LIVRES

●●●

À l’occasion de la semaine de la francophonie (19-25 mars 2005), les services culturels de l’ambassade de France à Cuba ont mis l’accent sur la poésie.

à l’Université, aux deux Alliances françaises;nous avons dialogué avec les poètes, parmilesquels Cesar Lopez, notre invité l’an dernierau 22e Marché. Le public curieux s’intéressaà la difficile vie quotidienne de l’éditeurfrançais de poésie… Moments un peu surréelstant nos problèmes sont à des années-lumièred’auditeurs qui ne connaissent guère qu’uneédition « officielle ».Dans une ravissante bonbonnière, un peuLouis XV ou XVI, peu importe, siège del’Académie cubaine abritant de plus le pianode García Lorca, gracieuse et très urbaineréception par Lisandro Otero, soirée « LaVida en Rosa », Jardín de la Carolinas, soiréeNoche cabaret et pleine lune, au Patio de laCasona, douceur des échanges avec quelquesécrivains cubains très attachants, comme leromancier Eduardo Torres Cuevas, le poèteNancy Morejón, l’écrivain Rafael Beltran– et quel magnifique traducteur simultané! –qui nous affirment, preuves à l’appui, sereconnaître d’abord dans la culture française,depuis Villon.Hommage flatteur qui nous séduit et nousrassure… au moins le temps d’un voyage.

Arlette Albert-Birot

XAVIER D’ARTHUYS rêvait là-basde reconstituer symboliquementun Marché de la Poésie enminiature, certes, mais au moins

symbolique de l’esprit qui nous anime etqu’il connaît bien pour avoir partagél’aventure. Il me demanda d’inviter des

poètes représentatifs (l’indispensable BernardNoël, la jeune Laurine Rousselet, le TchadienKoulsy Lamko), et de lui transmettre uneliste de petits éditeurs auxquels il passeraitcommande. Lui-même choisit d’inviterJacques Brémond (parmi nous depuis lepremier Marché). Les Cubains, de leur côté,souhaitèrent la présence d’Annie Salager,qui prépare une anthologie bilingue

Des moments surréelsVoilà comment nous eûmes la surprise dedécouvrir à l’Alliance française de La Havane –mais aussi à celle de Santiago – encadrés pardes piles impressionnantes du n° 4 du Marchédes lettres, un amoncellement de recueilsfamiliers aux visiteurs de la Place Saint-Sulpice. Les nombreux curieux feuilletaienttout librement, repérant les deux exemplairesqu’ils pourraient acquérir le dernier jour ;à un prix accessible, les éditeurs françaisayant fait un bel effort, largement suivi outre-atlantique: ces volumes tous issus de la petiteédition représentaient un trésor, « la diversidadcultural como una forma de enriquecer losintercambios, señales de vida… ». Nousavons reçu l’écoute attentive des étudiants

réunionnais, une très grande partie de leurstrésors oraux, ou qu’il publie, en 1978, sondeuxième ouvrage, La Mer et la Mémoire –Les Langues du magma, marqué par le soucid’accompagner et de fêter les militants et lesmartyrs de l’autonomie. Lorsqu’il aura, aunom de l’imprescriptible liberté du créateur,pris des distances définitives avec des acteurspolitiques qui auraient bien voulu l’inféoder,il portera son engagement sur le terrain infinid’une géopoétique étendue au monde entier.Avec sa pièce de théâtre Le Volcan à l’enversou Madame Desbassyns le Diable et leBondieu (1983), ce sont les mythes fondateursde l’identité réunionnaise qui sont revisités,bouleversés et dépassés. Dans le recueilZanaar parmi les coqs ou Le Fanjan desPensées (1987), l’archipel des Mascareigneset la Grande Île malgache forment un espace-temps traversé par les cultures du monde enmême temps qu’il les traverse de ses singu-larités. Piton la nuit (1992) approfondit cetteexpérience de rencontres fécondantes en larattachant aux entreprises spirituelles de touteorigine: présocratiques, chrétiennes, soufies,hindoues, chinoises, japonaises, etc. Et aussi,pour ouvrir plus encore le poème au monde,en faisant de la page un dispositif d’accueilnon seulement des mots et du souffle, maisencore de la musique (présente notammentsous forme d’extraits de partitions), du dessin,de la photographie…Désormais, dans une perspective à la foisproche des Cantos de Pound ou de The WasteLand d’Eliot, des livres comme le recueil

Lady Sterne au Grand Sud (1995), le« roème » (roman-poème) L’Île du Tsarévitch(1997) ou la somme, éclatante autant qu’é-clatée, formée par L’Arche du Comte Orphée(2004), sont les jalons d’un cheminement àla fois singulier et partageable. En 1998,pour le cent cinquantième anniversaire del’abolition de l’esclavage dans l’outre-mer,une version nouvelle et condensée du Volcanà l’envers est, sous le titre d’Oratorio 1998,mise en musique par Ahmed Essyad, dansle cadre d’une commande de l’État. En une

trentaine d’années une œuvre majeure s’estde la sorte élaborée, qu’il est urgent désormaisde découvrir et de diffuser en relayant leséditeurs et lecteurs réunionnais qui l’ontjusqu’ici défendue – en compagnie dequelques happy few de France métropolitaineou antillaise, mais aussi d’Italie, de Grande-Bretagne ou des États-Unis –, afin de lui

accorder la juste audience à laquelle,patiemment autant qu’impatiemment, ellea tant aspiré. Aux côtés de philosophes, demystiques, de poètes ou de musiciens, desenfants et des animaux sont les maîtresincontestés de cet univers poétique, en parti-culier tous les oiseaux de la création. La voixdu poète est de fait le relais de la langue desoiseaux : « Oiseau ! tu n’auras aujourd’huique l’espace d’un / poème »… C’est pourquoiaussi cette poésie, qui marque somptueu-sement son attachement à la langue française,ne va pas sans une certaine dimension babé-lienne, recourant, pour les besoins expressifsde telle ou telle phrase, au créole, aumalgache, au russe, à l’anglais, au portugaiset à bien d’autres langues naturelles, maisaussi à toutes sortes de créations verbalesqui confinent aux langues de feu. Sous lerègne animal ce sont d’ailleurs aussi « leslangues du magma » qui y font entendreleurs grondements, déflagrations et autresvibrations, à la manière d’un AUM incessant.Dans les inflexions tour à tour rauques oufluides de cette voix, les espaces et les temps,humains et cosmiques, se télescopent etenclenchent sans fin un séisme créateur.

C’est ainsi que, puisque « le présent du poèmea faim de temps », la traversée des mondesque le poème conduit permet d’atteindre àdes confins d’infinis : « Le poème accomplisecoue l’éternité… » Patrick Quillier

Jets d’aile Vent des origines à paraître en juin 2005,éditions Jean-Michel Place144 pages, 14,50 €.

Le séisme créateur deBoris Gamaleya> suite de la p. 1

« Oiseau ! tu n’auras aujourd’huique l’espace d’un / poème »

Le Marché de la Poésie à CubaD

R

Page 5: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

NUMÉRO 5 été 2005 5

Mordre la falaiseJean-Pierre CannetÉditions La Passe du vent, 2005, 74 p. 10 €Terre, mer et ciel seuls témoins de l’une desrares personnes des environs, une frêledemoiselle... qui a franchi le pas. Zoom arrière,

on s’épanche. Zoom-zoom on se penche. Letitre du recueil et lesbribes d’un tableaud’Alfred Manessierdécoupé tout le longannoncent la couleur.

Un tab leau s in i stre ? Une én ièmecomplaisance à la morosité ambiante ? « Çaamuse mon ombre,/ qui ne croit qu’auxlendemains,/ qui ne croit plus en rien. » Oudans ce cri éclatant : « Aurai-je pissé – orgueilet cuistre ! –/ autant de fois qu’i l y ad’étoiles ? » « J’ai trop bu, mon ange,/ j’aiinsulté ton ombre » Détrompez-vous. « Onjoue à la vierge et l’enfant,/ je suis rarementla vierge. » « Que j’aime l’océan au large deton cul,/ mourir ne sert à rien » « Tu peuxencore,/ jouir comme un ange/ et souffrirmieux qu’une bête./ Sache que mourir/ nefinit pas le monde,/ ni le leur ni le tien. » DeMordre la falaise on ressort en funambuleavisé ou en tout autre insecte faisant fi desmarées. Tarah Xaintorxare

ÉtéBernard ChambazFlammarion, 2005, 284 p. 19,50 €Première moitié d’un livre dédoublé de milleet une séquences, ce long poème deChambaz est avant tout une apologie dudiscours poétique qui part du constat que « lapoésie se meut dans une indifférence à peuprès générale ». Dans le sillage de Malherbeet surtout de Pound et de W. C. Williams,Chambaz écrit un livre-journal de deuil,d’amour et de voyages; le deuil est bien celui

de la perte, disséminéedepuis douze ans danstous ses livres, l’amourcelui pour sa femme,ses autres enfants et la

vie, les voyages ceux qui le mènent sur lestraces de Cendrars, d’Italie aux Amériques,en « poète américain » assoiffé de tout à larencontre des poésies du monde et du grandpoète qu’est le monde lui-même. Ces pagesse laissant traverser par toute vibrationverbale et humaine, ont du rythme, les corpsy inscrivent l’éclat de leur fulgurance, leurprésence « presque rien », même si « C’EST LA

MORT/QUI L’A EMPORTÉ /SUR LES MOTS ».Fabio Scotto

Petite ChambreYves CharnetLa Table ronde, 144 p. 13 €Petite Chambre est un livre qui a failli ne pasexister. J’ai dû en lire une version il y a peut-être trois ou quatre ans, je ne sais plus. Pourla première fois dans l’œuvre d’Yves, il y avaitun autre. Un sujet, un objet, qui ne soit nil’aimée, ni l’enfant, ni le père, ni la mère, nil ’ami, ni Baudelaire, ni aucune figurefantasmatique/ fantasmée ou réfléchissante.Presque un objet d’étude.

Étant allé sur les lieuxde l ’enfance deMaurice de Guérin, leCayla, Yves en revenaitavec un reportage. Despages sur le motif ,comme les peintres quiallaient aux champs et

revenaient avec une vue de la montagne,vue de tel ou tel endroit. Quelque chosed’objectif : un poète situé très à part dansle romant i sme frança i s , enfant deChateaubriand et de Lamennais, maladif,mystique, presque incestueux, auteurd’étranges poèmes en prose et en vers, de

lettres à son ami Barbey d’Aurevilly, et d’unCahier vert où l’on trouve ce genre demerveilles : « Vive notre ciel du Languedoc,si libéral en lumière, si bleu, si largementarqué. » Mort jeune. Pour un peu Yves auraitécrit un roman. Et puis ce livre a disparu dansun autre. Guérin a cessé d’être objet d’étude,s’est retrouvé frère d’Yves. Aujourd’hui, dansce livre réinventé, c’est, à la lettre, unpersonnage, masque et chair, un de cesfantômes fraternels auquel Yves, poète,donne une vie bouleversante.Le romantisme, probablement.

Denis Podalydès

Une attente nous attendLe Livre du Vide médianFrançois ChengAlbin Michel, 2004, 218 p. 15 €

L’écriture en vers libres paraît limpide ;néanmoins, le « Vide » chinois se révèleabysse. Légion sont au demeurant lesallusions (Ping Hsin.. .) : les travaux duchercheur ont nourri poète et recueil, tout

autant philosophiqueque poét ique . Lesthèmes que notreauteur affectionne sontprésents : lien entre lesêtres, entre arbre etoiseau, Qi (souffle), ...

La Chine découvrit l’interaction: thématiquedes nuage et p lu ie enr ich i ssantl’interactionnisme. Conjointement au Dao,le lettré cultive la prédestination, volontiersbouddhique : « ce qui a été rêvé [sera]revécu »... « En une autre vie » nous donnerendez-vous le Nankinois. « Rires et ripaillesnous tiennent lieu de rêves »: à l’encontre dukarma et de ses nombreux adeptes,authentique audace à dauber sur les rieurs.Érigeons la poésie chengienne – dontl’écriture n’est pas du « genre », maisvo l o nt i e rs fé m i n i n e – e n stè l e ( d u« 8 mars »...) : « Toi le féminin / Ne nousdélaisse pas / Car tout ce qui n’est pas muéen douceur / ne survivra pas ».À l’orient de tout... Raymond Delambre

Les Pierres de l’ultime sente...Qui dira notre nuitFrançois ChengArfuyen, 2003, 102 p. 14 €D’aucuns maoïstes repentis (ne pardonnantpas à ceux qui ne péchèrent guère?) tiennentque la littérature chengienne est exotique,sinon mièvre : tout à rebours, y plonger leregard transporte au-delà des « cocotiers ».Cette écr iture n’est pas un produitd’exportation: de te fabula narratur, disons-nous à l’homo occidentalis lisant le chinois(qu’importe la nationalité du passeport), quiobjective volontiers l’idéologie du néon.

Style épuré du recueil,évitant l’affèterie, àl ’ instar de la clartélunaire : assurément,notre auteur se tournedavantage vers l’astrenocturne que vers le

soleil. Ses compositions valent nocturnes(champ musical ou chant), leçons deténèbres. L’écrivain français autant quechinois fait fi des oppositions stériles, entrerêve et « réalité » (Rêve du papillon proche),nuit et jour, enseignant que l’hommeobscurcit celle-ci par le « néon d’immondesrires ». Si l’art s’ente sur quelque blessure,l’ombre intérieure revendiquée ici n’évoque-t-elle pas le Dit de Tianyi, réveillant certainefêlure initiale (non justiciable des trivialitésfreudiennes)? Tianyi doublement martyrisé:au nom de l’amour et par la « GrandeRévolution culturelle » (cette dernièreexpression : antiphrase). Qui dira notrekarma ? Au demeurant, « l’explication » dela Nuit s’inscrit au Livre du Vide médian :

●●●

●●●

LES AMOUREUX DE LA POÉSIE

doivent beaucoup à celui qui fondaet dirigea pendant neuf ans, auxéditions de la Différence, la

collection « Orphée », aujourd’hui disparue,qui de 1989 à 1998 publia deux-cent vingtvolumes consacrés aux grands classiques dela poésie de tous les pays, traduits de plusde trente langues et illustrant la richesse descinq continents…À force de s’occuper des œuvres des autres,de les éditer, de les lire infatigablement (l’unde ses recueils de critique littéraire nes’intitule-t-il pas La Rage de lire ?), ClaudeMichel Cluny n’a certes pas fait oublier lepoète qu’il est avant tout, mais il ne s’estpas non plus beaucoup soucié d’obtenir dela presse et des institutions la reconnaissancepersonnelle qu’il mérite. Il est temps deréparer cette injustice. Le 2 juillet 2005,Cluny fête ses 75 ans: le Marché de la Poésie,les éditions de la Différence, et le Centre derecherche en littérature comparée del’Université Paris IV Sorbonne ont décidéde célébrer cet anniversaire avec quelquesjours d’avance en organisant le premiercolloque qui lui est entièrement consacré,sous la direction de Pierre Brunel et de Jean-Yves Masson. Un volume d’hommage quien constitue les actes sera publié quelquesjours plus tard aux éditions de la Différence,qui font paraître simultanément La Déraison,quatrième tome de L’Invention du temps,journal littéraire de Claude Michel Cluny,ainsi qu’un essai de Jalel El-Gharbi(professeur à la Faculté des lettres de Tunis)intitulé Claude Michel Cluny, des figures etdes masques. Trois livres, donc, pour mettreen lumière un auteur qui cultive volontiersle retrait, s’absente souvent de Paris pour delongs voyages, et dont l’indifférence, pourne pas dire la méfiance, à l’égard des mots

Poète, romancier, critique littéraire, critique de cinéma, critique d’art, essayiste, historien,diariste... la liste est longue des genres dans lesquels s’est exercé avec bonheurClaude Michel Cluny...sans compter ses activités d’éditeur.

d’ordre esthétiques émanant des écoles etdes chapelles, explique certainement qu’ilsoit encore peu étudié : comment assignerune place définie, dans les manuels scolaires,à un écrivain qui, même si l’on s’en tient auseul domaine de la poésie, a exploré toutesles formes, vers libre, vers régulier, formesfixes, poèmes en prose, et a sans cesse changéde registre, passant de la mélancolie àl’humour avec une facilité déconcertante ?

La quête d’une sagesse au cœur de l’écriture

C’est cet aspect protéiforme de l’œuvre queles participants au colloque de la Sorbonnes’efforceront de décrire, tout en affrontantle paradoxe d’un auteur qui, à travers tantde masques (nul hasard si Pessoa est l’unedes grandes références), a su rester, ou peut-être devenir, lui-même. Trois romans, desrécits, des nouvelles, des essais sur la peinturecontemporaine ou sur la littérature, un journalen cours de publication, environnent le massifque représente l’Œuvre poétique dont lepremier tome a paru aux éditions de laDifférence en 1991. S’il fallait décrire enquelques lignes le fil conducteur de ladémarche de Cluny, on pourrait sans doutele trouver dans une nostalgie jamais démentiede la Grèce antique, du monde païen engénéral, et plus largement dans un refusd’adhérer à la morale qui a dominé la civi-lisation occidentale sous le signe de la foi.Rien n’horrifie davantage Claude MichelCluny que l’idée de péché originel. Sonœuvre part à la recherche, à travers tous lescontinents, de tout ce que cette idée n’a pascontaminé, dans la nature comme dans lesconsciences, ainsi que des traces des civili-sations qui, telles les cultures précolom-biennes, ont péri au nom de la prétenduesupériorité de l’Occident chrétien. Il y a, au

fond de cette œuvre, en prose comme enpoésie, sous la splendeur verbale, sous laperfection des formes, une sourde révoltecontre les destructeurs de la beauté, contrela mesquinerie morale : la contrepartie decette révolte est une quête passionnée debonheur, et un pessimisme lucide qui nese convainc que trop facilement de la fragilitéde tout bonheur. Ces enjeux simples et fortsdonnent tout son poids à la quête de sagessequi est au cœur de l’écriture de Claude MichelCluny : une quête de sagesse qui ruse avecle temps, luttant avec lui et le saluant aussicomme le plus puissant des dieux.Un récit, Sous le signe de Mars (La Différence,2002), et les tomes déjà publiés de L’Inventiondu temps (notamment Le Silence de Delphes,La Différence, 2002), ont commencé de leverle voile sur quelques-unes des expériencesintimes qui sont à la source de sa vocationde poète et d’écrivain. Le travail de la critiquepeut et doit commencer : travail nécessaire,de re-connaissance, dont le colloque qui alieu ces jours-ci entend simplement être lepremier jalon. Jean-Yves Masson

Claude Michel Cluny, colloque de l’Université Paris IVSorbonne, organisé par le Centre de recherche en litté-rature comparée, avec le Marché de la Poésie et leministère des Affaires étrangères, sous la direction dePierre Brunel et Jean-Yves Masson. Avec la partici-pation de Dimitri T. Analis (Athènes), Marie-ClaireBancquart, Marc Blanchet, François Boddaert, Alice-Catherine Carls (Martin, Tennessee), Hélène Dorion(Saint-Hippolyte, Québec), Jalel El-Gharbi (Tunis),Audrey Giboux, Georges-Arthur Goldschmidt, VascoGraça Moura (Lisbonne), Jacques Grant, Pierre Grouix,Jacques Izoard (Liège), Jorge Nájar (Lima-Paris),Patrick Quillier, Delphine Rumeau.Vendredi 24 juin, 14h30-18h30 et samedi 25 juin,9h30-12h30 et 14h30-18h30, en salle des Actes,université Paris IV Sorbonne, 1 rue Victor Cousin,Paris 5e. Programme détaillé des interventions(titres et horaires) sur les sites www.ladifference.fr,www.crlc.paris4.sorbonne.fr et www.fabula.org. Lecturede textes de Claude Michel Cluny, en présence del’auteur, le 24 juin au soir au 23e Marché de la Poésie.

E ST-ON BIEN SÉRIEUX quand on a vingt ans ? Il faut croireque non : avec 180 titres au catalogue, les éditions Cadex(le nom est inspiré des CADavres EXquis chers aux surréa-

listes) pouvaient s’installer confortablement au salon des éditeursindépendants qui ont gardé l’exigence de la qualité (des textes,des papiers et des interventions plastiques). Mais non, Cadexsouffle ses vingt bougies avec une nouvelle directrice et en mettantle cap sur un nouvel horizon : l’édition de romans. Fondées etdirigées par Gérard Fabre depuis son ensoleillée province, Cadexa déplié un bel éventail poétique: Françoise Han, Werner Lambersy,Jean-Pierre Spilmont, Jacques Josse, Jean-Pierre Verheggen ont,parmi beaucoup d’autres, jalonné le territoire d’une poésie multiple.

Même variété et même mélange d’auteurs réputés et de nouveauxvenus du côté de la prose : l’indispensable Variations sur descarnets de Roger Laporte, les tomes du Journal de Lionel Bourg,les proses léchées de Francis Danemark, les essais performantsde Christian Prigent, l’acide polygraphie de René Pons, tissentdes liens d’un genre à l’autre. Aujourd’hui, Hélène Boinard, 35 ans,prend la direction de la maison qui s’installe dans le Gard. Objectifs:maintenir vivace l’édition de poésie avec Gérard Fabre etouvrir une voie romanesque. La jeune éditrice souhaite aussi déve-lopper le travail auprès des librairies et des professionnels dulivre, sans faire de compromis sur la qualité des ouvrages. Normal:cette restauratrice de papier vient de la reliure d’art ! On peutd’ores et déjà se faire une idée de la belle vivacité de ce cadavreexquis en se rendant sur son site Internet : cadex-editions.net.Et, pourquoi pas, lui envoyer un chouette cadeau d’anniversaire?

Cadavre très exquis

DR

CMC fait la différence

Page 6: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

« Nous sommes le lieu / En nous fait haltela nuit / Chaque fois / pour la premièrefois ». Microcosme de l’âme obscure etmacroscosme ont dialectiquement partieliée : perspective bouddhique, invite à laPatience.. . D’où jail l it la Lumière ? del’obscurité : vraie lumière désirant vraie nuit...Sachant que le français, splendide, de Françoisest aussi bien du latin transposé que duchinois (bien) traduit : lux lucet in tenebris...

Raymond Delambre

Une voixGeorges-Emmanuel ClancierGallimard, 2004 (rééd. de 1956), 182 p.Peut-être une demeure(Ibid., rééd. de 1972), 238 p.Oscillante parole(Ibid., rééd. de 1978), 116 p.En cette année 2005 où commémorationset souvenirs ravivent la noirceur des joursanciens, il est des instants de grâce où laparole réconciliatrice compose l’harmoniquedu temps retrouvé et célèbre la géographieuniverselle. Un demi-siècle que l’œuvre deG.-E. Clancier accompagne nos vies... Né en

1914 à Limoges – villeoù légendes etmémoire s’épousentsur des assiettes deporcelaine –, ce jeunenonagénaire ne cessede s’émerveiller et de

nous enchanter par sa production decréateur polygraphe : nouvelliste, romancier,critique, autobiographe et poète. La « voix »clancienne, au pays des « complaintes » et des« chansons » curs ives dev ient une« demeure », refuge chaleureux où « lieux »et « épaves » côtoient l’« espace de l’amour ».Fenêtre ouverte sur un dehors multiple etfoisonnant, lancinant parfois, torturé parmoments. Nous parviennent alors le chantdes oiseaux et le cri des corbeaux, l’odeur dela terre mouillée et des vertes vallées, le ventglacial des puissances infernales et le soufflechaud d’un rayon de soleil filtrant à traversun petit cœur de lumière. Artisan des mots,sculpteur d’étoiles, GEC habille notre monde,troque les lambeaux clairs-obscurs duquotidien contre la parure ajourée du« paysan cé leste » , quête la sourcemiraculeuse et vivifiante d’une « oscillanteparole » qui puise l’eau de jouvence dansnos racines ancestrales, immémorielles.Poésie au cœur de l’Enfance.

Sandrine Marcillaud-Authier

ObstaculaireCédric DemangeotAtelier La Feugraie, 2004 11,50 €Obstaculaire, titre d’un premier ensembledans un recueil qui en comporte trois. Il estsuivi par Les Haltes de l’Idiot et Ferraille. Cespoèmes du pire sont toniques qui osentdéloger les territoires d’une improbableorigine, trouer les linges du silence, arpenterles ruines dans la géographie douteuse dessources. Je discerne, dans leur dévalement,cette saignée de l’errance où un verbe aller

va. Dans Obstaculaire,l’homme est commede nouveau enracinédans le déracinement.Non qu’on y substituele désespoir à l’espoir,p u i s q u e l a p e a uflanquée de signescontinue à débusquer

l’éclat, au fond même de l’effondrement.Mais les tensions les plus vives s’y aiguisent,s’imbriquent dans des paradoxes qui leslaissent inachevées, si bien que la tyranniedu présent n’explique plus rien. Ici, le peu dupoème se noue à la complexité défiguranted’un vertige impossible, arrimé à la mort.L’éboulis des recommencements jette

l’ombre de son disparaître dans soncommencement. Obstacle (comme refus),obscurité, crépuscules tentaculaires, voilà ceque balbutie, en un mot qui s’écartèle encent et en mille, cet opuscule. Toniques, cestextes d’interruption dans le cours dumonde, donc d’une blessure qui ne sereferme pas sur son sang. L’œil ferraille, àmes yeux du moins.

Hughes Labrusse

Monstres mortsJean-Pascal DubostObsidiane, 2005, 222 p. 18 €Petits paquets de mots. Rocailleux avecclous et pointes « mal dépuzzlé dès compo-sition » Blocs denses sur lesquels on secasse parfois les dents. Ça fait quoi ? 9,5

sur 5 cm pour les plusroboratifs et sur 3 cmpour les plus incisifs.Courts chemins pourcreuser à même lasensation, à mêmel’ image, à même

l’émotion. Instantanés ? Oui et non, ouiparce que figeant quelque chose del’instant, non, parce que sélectionnantdans le vif. Sujets nobles ou triviaux peului chaut, on va de la caissière de la CAF àla mort, en passant par les SDF ou l’écriture.« Mille morceaux » dit-il ou « hybridations »et c’est alors hommage à ses pairs: Bachelin,Emaz, Sacré, Rouzeau, Biga. Car ce sontbel et bien blocs de langue qu’il concasseet concatène avec déchets et alluvionsconcrétions amalgames, distorsions etinventions. Mots rares mots anciens motsforgés mots inventés de toutes pièces :« je me rends de main morte dans uneprose folle ». Syntaxe pilonnée mais nondisloquée au point de perdre usage. Usureet usage du monde dans ces blocs delangue. Se rappeler si difficultés la phrasede Roubaud : « La langue paraît étrangedans la poésie extrême contemporaineparce qu’elle y présente certains traits deson futur. » Florence Trocmé

Correspondance(s)Jean Dubuffet-Alexandre VialatteLettres, dessinset autres cocasseries 1947-1975Édition établie et annotée parDelphine Hautois et MarianneJakobi, préface de Walter LewinoAu Signe de la Licorne, parution le 27 novembre2004 20 € (77 exemplaires à 30 €)Vialatte et Dubuffet en coïncidencehypocoristique. Dubuffet, « le premierclassique du charbon de bois » (disaitl’écrivain) et Vialatte « le seul à jeter sur lesproductions d’art un regard profane » (dirale peintre) partageaient le même cabinetlogolog ique , dans les béto ires dumacrocosme où flottent à jamais les Statuesde la vie précaire. L’exégèse hilarante, uncertain humour zoogène, la folie doucecomme modalité d’expertise post-zutiquetémoignent de cent façons d’une amitiéexponentielle, en situation de troc créateur,forcément tenue au paradoxe continu faceà l’insignifiance impérieuse des « banlieues de

la réalité ». Vialatte,vieux d’une montagnedéraisonnable où ainsigrandira A l lah , etDubuffet en géologuenummulit ique desmurs et des âmes

inventent ainsi par merveilleuse incidence –dans ce livre nourri de plusieurs chroniquesexemplaires, de lettres croisées inédites etd’une émouvante iconographie – quelquechose comme l’esprit libre se prenant pourobjet. Hubert Haddad

●●●

PLOMBIER ZINGUEUR ventripotent,comme le note Ernest Pirotte dansses célèbres portraits bulesques(sic), plombier-cinq heures – lisons

en effet comme nous y invite FrancisPonge ! – pour devenir scieur de long uneheure plus tard puis setter, autant dire chiend’arrêt irlandais, au moment du journal parléavant de se transformer en huîtrier écailleurà huîtreur pile et de fusiller de son regardpointu de professeur honoraire les coquilleset autres rogatons orthographiques qu’au-raient pu laisser à son endroit d’anciensélèves, distraits, devenus ses nouveauxbiographes laudateurs ! André Balthazar,c’est de lui qu’il s’agit, aura décidément été,sa vie durant, l’homme des vases commu-

nicants, des pinces-sans-rire monseigneur,des tournevis à gauche et des outils propressoigneusement rangés après usage dans leurscaisses de logement ad hoc! Bref, un hommemultifonction dont la principale, avec lessanitaires en question et l’enseignementpublic aux masses, reste la poésie ! LaFontaine s’occupait bien des eaux tout enécrivant des fables, n’est-ce pas? Et CharlesCros n’était-il pas un savant en sons doubléd’un excellent versificateur en hareng saur?Alors ! On peut faire deux choses à la fois !Voire trois ! Ainsi à 9 heures – comme leneuf heures de Rameau – André Balthazarse couche-t-il entre Jacqueline et Larousse –ou parfois le Petit Robert (notre homme estambidextre, c’est son avantage) – pour unrepos de justes durant lequel tous troiss’aiment à tous vents ! Le lendemain matin,levé dès potron-minet (notre homme est plutôtrondouillard, on l’a dit et, précisons-le, commeBaudelaire il aime les chats en boule), debout,disions-nous, aux primes aurores, commeLautréamont, Balthazar commence sa journéestudieuse en répondant au questionnaire deMarcel Proust, un adepte du tôt-au-lit commelui ! [...]On apprend encore que le conte qui emporteson adhésion sans réserve, est : La Chèvrede Monsieur Segui. Tiens ! Tiens ! Il est vraique Balthazar, comme son ami Buffon aimeles bêtes et plus particulièrement les animauxdomestiques. Ainsi du chat mentionné ou dela vache à laquelle – j’allais écrire à qui, tantest humaine la façon dont il traite la reine denos prés ! – il vient de consacrer des heureset des heures de labeur solitaire dans songrenier aménagé en rang’ (Je sais ! Je sais !compte tenu de l’objet de ses récentesrecherches, les Américains appelleraient celieu de documentation et d’archivage parbox, un ranch’ ! Mais on n’est pas enAmérique que je sache ?) creusant là-haut,son sillon, comme un boustrophédon dansles nuages – restons classiques! –, de gaucheà droite et inversement, jusqu’à plus soif,jusqu’à découvrir la perle truffière verbale

ou le joyau syntaxique, jusqu’à faire stabularasa! Poète d’abord, prenant sa tâche à cœuret son inspiration à la lettre; poète par-dessustout au point qu’on l’imagine mal profiterde ce par dessus providentiel pour en fairel’éloge de son vieux paletot ou de son premierloden ; poète absolu, Balthazar se livre – jepréfère s’adonne ! – pour l’heure, avec lacomplicité graphique de Roland Breucker,à d’autres célébrations ! À commencer parcelle du soulier où, si l’on perçoit, ici et là,le coup de patte sémiologique d’un Ferdinandde Chaussure – un ami de Balthazar, fût-ilsuisse ! – on retrouve par contre, intact, cequi fonde l’originalité même de ce coupled’artistes au travail (sans guillemets nonplus) : la précision du trait accompli dans le

respect intégral et connivent du mot élu !Que notre duo se gratte le nez, visite unchapeau, retourne une chaise, explore uneculotte, une pipe ou une poire, peu importe,c’est une pipe culottée qui en sort ou unedoyenné juteuse et fondante, qui s’envoledans une montgolfière à lavement lyrique !

D’autant que commandités par aucun roi desBelges ni chargés d’aucune mission par lagrande presse féminine de Marie-Claire àNous Deux, André Balthazar et Pol Buryœuvrent pour le seul bonheur du bon peuplequ’ils aident à se réapproprier ses objetsde maison dans la diversité de leurs usagesquotidiens! [...] on le voit, La Fontaine n’estpas loin et quelque part Balthazar est notreLa Fontaine de jouvence, pas vrai ! Cesera désormais sa gloire !

Jean-Pierre Verheggen

Extraits de André Balthazar, l’air de rien[Ndlr] Nous remercions les éditionsdu Musée Ianchelevici, La Louvière, 2004

ANDRÉ BALTHAZARLa Fontaine de jouvence

Poésieà la SGDL

C RÉÉE EN 1838 à l’initiative d’Hugo,de Dumas, de Balzac, la Société desGens de Lettres semblait tournée

vers les romanciers, plus soucieux de fairevaloir leurs droits dans la presse. Pourtant,très vite, les poètes l’ont rejointe, et certainssont devenus présidents ! Parce que tous lesauteurs, bien sûr, ont les mêmes droits etsont concernés par leur protection. La recon-naissance d’un droit moral, le régime deprotection sociale, la retraite complémentaire,ainsi que tous les droits nouveaux négociésavec les partenaires publics et privés sont

issus de son action. La Lettre d’informationdistribuée à ses membres les tient réguliè-rement au courant de l’évolution de leursdroits. Surtout, une association d’écrivainsne peut se couper des poètes. La poésie n’estpas un genre littéraire, c’est une fonctionprimordiale de la langue. La SGDL, qui ainscrit parmi ses objectifs la défense de lalangue française, l’a reconnu par la créationd’une commission Poésie. Chaque année,celle-ci organise des soirées littéraires etdécerne plusieurs bourses et prix. Dans uncontexte éditorial de plus en plus sensible,hélas, aux réalités économiques, les poètessont souvent les plus touchés. Pour lessoutenir, elle dispose d’un service juridiqueet d’un service social. L’aide aux auteurs etla médiation entre auteurs et éditeurs fontpartie de ses grandes missions.Le Petit Guide des poètes édité et mis à jourleur permet de se repérer parmi les éditeurs,les revues, les manifestations, les asso-ciations… On propose aussi un systèmede protection des manuscrits par dépôtsécurisé et un service de protection en ligne.Association d’auteurs professionnels, laSGDL est ouverte à tous à partir de la publi-cation d’un livre à compte d’éditeur. C’estparce qu’elle soutient l’édition courageusequi se détourne des facilités du compted’auteur que la SGDL est heureuse de s’as-socier cette année au Marché de la Poésie,devenu le rendez-vous incontournable detous les créateurs. Jean Claude Bologne

Société des Gens de Lettres, Hôtel de Massa38 rue du Faubourg Saint-Jacques 75014 Paris.Tél. 01 53 10 12 00. Site : www.sgdl.org.Mail : [email protected].

« Ainsi à 9 heures – comme le neuf heuresde Rameau – André Balthazar se couche-t-il entreJacqueline et Larousse... ».

6 NUMÉRO 5 été 2005

AM

BRE

NO

LEN

DR

Jacqueline Balthazaret Pol Bury,

les incontournablescompagnons.

●●●

Page 7: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

Bibliothèque publique d’information> vendredi 10 juin 19 heures

Poési&lectroniqueTechnologies numériques, Internet, DVD... donnent à la poésie de nouveauxmodes d’expression. Le Marché de la Poésie et la Bibliothèque publique

d’information ont souhaité montrer à travers cette soirée,quelques exemples de l’émergence des nouvelles technologies

dans le domaine de la poésie. Inventaire/Invention (Paris) www.inventaire-invention.com

Présentation du site, du travail éditorial, des activités de l’associationpar Patrick Cahuzac

Projection : Intime de Pierre AlferiAna « poésie sonore imagée » (Montpellier) www.bizarre.fr/ana

Présentation du travail de recherche du groupe Ana,avec Yves Bommenel (paroles), Sylvain Duigou (musiques)

et Laurent Rodriguez (animations).Le dispositif scénique : en direct, intervention de Ana

Cette soirée consacrée aux « poésies électroniques » inaugureLa Périphérie du 23e Marché de la Poésie.

Mairie du 6e

> samedi 11 juin 20 heures

Vivre ensemble, Al Andaluz ?soirée conçue par Jamel Eddine Bencheikh

I - Le rêve de Grenade chants sépharadespar Claire Zalamansky

accompagnement musical de Gilles Andrieuxau saz, tambur et kemençe

II - Le tourment poèmes arabes contemporainspar Siham Bouhlal et Sylvie Moussier

III - L’Inespéré Sans répit de lumièrepar J.E Bencheikh et Claudine Ginet.

> lundi 13 juin 20 heures

Autour de Jean Bazainesoirée organisée par Catherine de Seynes

avec Abdelattif Laâbi, Pierre Oster et Jean-Claude Schneider.

Cité Véron> jeudi 16 juin

Midi – Minuit / Boris Vian - Jacques Prévertorganisé avec Fatras et La Fondaction Boris Vian

Jacques Prévert et Boris Vian nous guident dans une promenade évolutiveen émotions, rencontres et découvertes : sous l’enseigne même de la Cité Véron,

dans son élégance fin XIXe, l’envolée commence./ Exposition Les quatre coins, les cinq sens,aphorismes et verve /

Mise en sons Jacques Prévert et Boris Vian vous parlent / Jazz in Paris lounge /Présentation-Vente des ouvrages, CD, DVD, affiches par la Librairie des Prés surla Terrasse des « Trois Satrapes » / Films / Mon frère Jacques de Pierre Prévert /Encore le désordre de Jacques Baratier / Salut à Boris Vian de Jean Desvilles /Interventions artistiques de Magali Noël, Michel Legrand, Grégory Mouloudji,

Gérard La Viny, Claude Abadie, Jean-Claude Fohrenbach, Serge Pey,Jérôme Mesnager, Charles Gonzalès, Rona Hartner, Vanina Michel,

Claude Vence, Thierry Tastet, Natalia Ermilova, Michel Locatelli,Impasse de la Défense-Mode, The Fanfare des Mectons of the Bouillon.

Halle Saint-Pierre> vendredi 17 juin 20 heures

Écrire les mots comme ils bougent...textes de Christian Dotremont par la Compagnie P.M.V.V. le grain de sable

conception et interprétation : Vincent Vernillat et Philippe MullerÀ la croisée de la peinture et de la littérature, une rencontre rare et exceptionnelle

avec un des maîtres de l’avant-garde belge.Une évocation de Christian Dotremont (1922-1979) à travers le texte et l’image :

Cobra, les logogrammes, la figure féminine, la Laponie...

Mairie de ParisSalons de l’Hôtel de Ville

> lundi 20 juin 18 heures

Paris/Rome-Roma/Parigisoirée de poésie italienne présentée par Germana Orlandi-Cerenza,

avec Michele Baraldi, Giovanni Dotoli, Gabriele Frasca, Lucio Mariani,Jacqueline Risset, Paolo Ruffilli, Fabio Scotto, Jean-Charles Vegliante

HommagesMario Luzi, Giovanni Raboni

par Sara Bompani avec Charles Gonzalès

Pierre-Paolo Pasolini par Ève Griliquez et Yves-Marie MaurinMusique Laurent Valero (bandonéon, flûte, violon)

Centre national du Livre> mardi 21 juin 20 heures

Îles et presqu’îles...Réunion : Boris Gamaleya présenté par Patrick QuillierMadagascar : Hery Mahavanona avec Philippe Urvoy

Hommage à Ester Nirinaprésenté par Dominique Hecht-Ranaivoson avec Sylvie Moussier

Justin Vali Duo (musique et chants malgaches)

> mercredi 22 juin 20 heures

... proches et lointainesClaire Zalamansky et Gilles Andrieux (chants sépharades), Antonio Are,

Fabiola Ledda, Alberto Masala (Sardaigne), avec Serge Peyet le groupe polyphonique À tout bout de chant

La Sorbonne> samedi 25 juin

Autour de Claude Michel Clunycolloque

Cinéma L’Arlequin> samedi 25 juin 11 h 45

Autour de DurasÀ propos de Hiroshima mon amour, lecture théâtralisée

Montage et interprétation : Claire Deluca et Sophie LahayvilleNevers (Synopsis + appendices) de Hiroshima mon amour de Marguerite DurasVioloncelle : Katrin Waldteufel. Courts métrages - Réalisation : Christian Manil

Photographies : Philippe Bertin. Exil en elle - Comédiens : Marie Bureau,Nicolas Dessommes. Création littéraire : Anne Luthaud - Création sonore :Rémy Peray. Sous le ciel d’Hiroshima - Création littéraire : Ryôko Sekiguchi

Séance de dédicace du livre Hiroshima - Préface : Anne-Marie GaratImages : Philippe Bertin (éditions Trans Photographic Press)

Palais de Tokyo> mardi 28 juin 19 heures

La nuit décaléesoirée de poésies visuelles, poésies sonores, performances, art actions, vidéos...

organisée par Circé, le cneai et le Palais de TokyoFrédéric Acquaviva, Pierre Albert-Birot, Antonio Are, Nanni Balestrini,

Stéphane Bérard, Julien Blaine, Xavier Boussiron, Édouard Boyer, John Cage,Jacqueline Cahen, Philippe Cazal, Anne-James Chaton, Henri Chopin,Marcelline Delbecq, Antoine Dufeu, François Dufrêne, Christophe Fiat,

Daniel Foucard, John Giorno, Bernard Heidsieck, Joël Hubaut, Isidore Isou,Lamia Joreige, Manuel Joseph, Arnaud Labelle-Rojoux, Fabiola Ledda,

Pierre Leguillon, Édouard Levé, Jacques Lizène, Ghérasim Luca, Malte Martin,Michèle Métail, Katalin Molnar, Alberto Masala, Charles Pennequin,

Serge Pey, Christian Prigent, Nathalie Quintane, Olivier Quintyn,Jacques Sivan, Christophe Tarkos, Marc Touitou,

Jean-Pierre Verheggen, Laurence Vielle...

Maison de la Poésie> jeudi 30 juin 19 h 30

La Périphérie du 23e Marché :dernière sortie avant travaux

soirée de clôture autour de Boris Gamaleya (Réunion)Hery Mahavanona (Madagascar)

le Balkansambl (musique et chants roms et tsiganes).

Nous élargissons cette année le domaine poétique à d’autres expressions artistiqueset à d’autres lieux : La Périphérie du 23e Marché de la Poésie qui durera 20 jours.Une volonté de notre part d’ouvrir la poésie au-delà du livre, dans des soiréesorganisées hors du cadre de la place Saint-Sulpice. Cette Périphérie a commencédès le 4 avril 2005, avec une soirée de lancement à la Bibliothèque nationale de France(site François Mitterrand) autour de Bernard Noël.

NUMÉRO 5 été 2005 7programmation

Page 8: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

8 NUMÉRO 5 été 2005

LES ÉDITEURS DU 23e MARCHÉAB L3

ABSTÈME ET BOBANCE L4

ACERMA C8

ACORIA ÉDITIONS F1/F1 bis

ADEN B11-12

AENCRAGES AND CO A15-16

AFFICHE (L’) H10-11

AGE D’HOMME (L’) C9

AICLA B11-12

AL DANTE K4

AL MANAR D1

ALEPH ÉCRITURE face E5

ALLIA A6

AMANDIER (L’) H2

AMOURIER (L’) F5

ANIMA MUNDI C2

APOGÉE D3

ARBRE À PAROLES (L’) D6

ARFUYEN D13-14

ARICHI C8

ARPA face E3

ART ET LECTURES DIFFUSION H3

ART LE SABORD E2

ARTS VERTS DE PARIS (LES) F1/F1 bis

ARTSLIVRES.COM E3

ASALA F1/F1 bis

ASSOCIATION DES AMIS DE JEAN BERTHET face A15

ATELIER DE L’AGNEAU A14

ATELIER DES BRISANTS B13

ATELIER LA FEUGRAIE C6

ATELIER DES GRAMES A2/F9

ATELIER DU GRAND TÉTRAS (L’) A15-16

ATELIER DU GUÉ A3

ATELIER DU HANNETON D1

ATELIER POISSON SOLUBLE face E2

ATMADJIAN PENNY F1/F1 bis

ATTENTE (ÉDITIONS DE L’) H10-11

BABEL ÉDITEUR A7

BACCHANALES B4

BARBACANE (LA) C1

BARDE LA LÉZARDE H9

BLANCHE, LE JOUR DES ARTS C10

BLEECKER STREET E6

BLEU DU CIEL (LE) H10-11

BOIS D’ORION B10

BOUT DES BORDES (LE) D12

BOXON face A12

BRÉMOND JACQUES A2/F9

BRÈVES A3

BRUIT DES AUTRES (LE) H2

BUCHET CHASTEL F1/F1 bis

CADEX A2/F9

CAHIER DU REFUGE H10-11

CAHIER DU SENS H6

CAHIERS BLEUS (LES) H7

CAHIER CRITIQUE DE POÉSIE (CCP) H10-11

CAHIERS DE VÉSONE (LES) A8

CAHIERS DU DÉTOUR (LES) C8

CAILLOU (ÉDITIONS DU) face K4

CAPUCIN (LE) C3

CARAVANES F1/F1 bis

CARNETS DU DESSERT DE LUNE (LES) face D15

CARROSSE (LE) F1/F1 bis

CASTOR ASTRAL (LE) F3

CENDRES (ÉDITIONS DES) D2

CENTRE INTERNATIONAL DE POÉSIE DE MARSEILLE (CIPM) H10-11

CENTRE EUROPÉEN DE POÉSIE D’AVIGNON A10

CENTRE RÉGIONAL DES LETTRES DE BASSE-NORMANDIE K5

CENTRE RÉGIONAL DU LIVRE DE FRANCHE-COMTÉ A15-16

CENTRE RÉGIONAL DU LIVRE DE LORRAINE A12-13

CÉPHÉIDES F1/F1 bis

CERCLE DU PHÉNIX BLEU (LE) F1/F1 bis

CERF-VOLANT (LE) F1/F1 bis

CÉSURE D3

CHAINON POÉTIQUE (LE) F1/F1 bis

CHASSE PATATE (LE) face D15

CHEYNE ÉDITEUR F8

CHRISTAKI (GERMAIN JEAN DE) F1/F1 bis

CHRONIQUES ERRANTES ET CRITIQUES A14

57 (LES ÉDITIONS DU) L8

CINQUIÈME ROUE (LA) F1/F1 bis

CIPM H10-11

CIRCÉ (ÉDITIONS) C9

C/I/R/C/É MARCHÉ DE LA POÉSIE F6

CLÉMENCE HIVER C4

CNEAI L6

COIN DE TABLE (LE) D4

COMMUNAUTÉ WALLONIE BRUXELLES D6

COMMUNE H5

COMP’ACT B7

COMPAGNIE DE L’ÉTOILE face D13

COMPLICITÉS K2

COMUS MOMUS K6

CONTRE-ALLÉES F1/F1 bis

CORLEVOUR (ÉDITIONS DE) A7

COSE-CALCRE B13

COUR PAVÉE (LA) face D10

CRÉAPHIS D10

DAILY BUL (LE) D5

DANA D3

DÉCHARGE D15

DÉCOL’ A10

DEL ARCO B3

DÉLIRANTE (LA) B6

DESPALLES F2

DEVILLEZ D6

DIATEINO L2

DIFFÉRENCE (LA) A9

DOGONA (LA) B11-12

DOMENS A3

DRAGONNE (LA) A12-13

DUCTUS L5

DUMAS-TITOULET IMPRIMEURS K7

DUMERCHEZ E6

ÉCLATS D’ENCRE L7

ÉCRIRE ET DIRE F1/F1 bis

ÉCRIRE ET ÉDITER B13

ÉCRITS DES FORGES (LES) H1

ÉDITEURS ASSOCIÉS D15

EMPREINTES face D12

EN FORÊT A15-16

ENCRE MARINE E3

ÉPI DE SEIGLE A10

EPM C1

ÉQUIPAGES (LIBRAIRIE) F1/F1 bis

ESCAMPETTE (L’) B11-12

ESPACE POÉSIE D6

ESPRIT DES PÉNINSULES (L’) F1/F1 bis

ESTRACELLE (L’) C12

ÉTOILE DES LIMITES (L’) K6

EUROPE E1

EXIT H1

FAIRE PART C10

FAIS LE TOI MÊME SI T’ES PAS CONTENT L8

FAITES ENTRER L’INFINI H4

FANLAC A8

FARRAGO H10-11

FATA MORGANA F7

FÉDÉROP C3

FESTIVAL FRANCO-ANGLAIS DE POÉSIE C7

FICELLE K3

FIN H10-11

FINITUDE E3

FLAMMARION E5

FOLLE AVOINE D3

FONDATION MAURICE CARÊME K5

FORMULES B9

FPC B9

GALLIMARD D11

GARE MARITIME A10

GARRIC TANGUY E8

GAZ MOUTARDE H1

GENESIS A11

GESTE F1/F1 bis

GRADHIVA A11

GRADIVA (LA) B11-12

GRAND OCÉAN F1/F1 bis

GRAVOS PRESS ÉDITIONS B11-12

GRÈGES face B11

HARMATTAN (L’) C11

HERMAPHRODITE A12-13

HEXAGONE A10 bis

HOMMES SANS ÉPAULES (LES) face A14

ICI ET LÀ A10

IDÉE BLEUE (L’) D15

IKKO face B9

ILLOUZ CLAIRE F1/F1 bis

IMPRIMERIE D’ALSACE-LOZÈRE E8

INDIGO & CÔTÉ FEMMES face E7

INVENTAIRE (L’) C4

INVENTAIRE/INVENTION F1/F1 bis

JANNINCK F1/F1 bis

JANUS (ÉDITIONS DE) F1/F1 bis

JHON face B8

JOURNAL D’UN JOUR H9

JOURNAL LITTÉRAIRE L7

JUNGLE F3

KICKSHAWS B5

‘L A2/F9

LABORATOIRES D’AUBERVILLIERS (LES) F1/F1 bis

LANORE C11

LETTRES VIVES D13-14

LÈVRES URBAINES H1

LIBELLÉ face A11

LIBERTÉ E2

LIBRAIRIE DES PRÉS F1/F1 bis

LIBRAIRIE ESPAGNOLE F4

LIBRAIRIE GALERIE RACINE face A14

LICORNE AILÉE face D13

LINEA face E3

LIVRES DANS LA VILLE (DES) D3

LIVRE ÉCHANGE K5

LIVRES OBJETS DU FARFADET (LES) D2

LOUP DE GOUTTIÈRE K1

MÂCHE-LAURIER (LE) E1

MAIN DE SINGE (LA) B7

MAISON CLOSE (LA) A12-13

MAISON DES ÉCRIVAINS ÉTRANGERSET DES TRADUCTEURS E1

MAISON DE LA POÉSIE D’AMAY D6

MAISON DE LA POÉSIE ET DES MÉTIERS DU LIVREEN LIMOUSIN A10

MAISON DE LA POÉSIE DE NANTES A10

MAISON DE LA POÉSIE NORD-PAS-DE-CALAIS C12

MAISON DE LA POÉSIEDE RENNES-BEAUSÉJOUR A10

MAISON DE LA POÉSIE RHÔNE-ALPES B4

MAISON DE LA POÉSIE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES A10

MAISON DE LA POÉSIE – THÉÂTRE MOLIÈRE A10

MAISON DE POÉSIE – FONDATIONÉMILE BLÉMONT D4

MARE NOTRUM B3

MÉDIATHÈQUE DECHAMPIGNY-SUR-MARNE F1/F1 bis

MEET E1

MÉLUSINE C9

Marché des Lettres est un journal publié par CIRCÉ, association loi 1901Siège social : 12 rue Pierre et Marie Curie75005 Paris - France

Bureaux : 3 rue Lhomond 75005 Paris - FranceTél. (00 33) (0)1 44 32 05 95. Fax : (00 33) (0)1 44 32 05 91e-mail : [email protected]

Directeur de la publication : Jean-Michel PlaceRédactrice en chef : Arlette Albert-BirotSecrétaire de rédaction : Vincent GimenoDirection artistique et maquette :Michel Mousseau, Stephan Nave

Ont collaboré à ce numéro : Arlette Albert-Birot,Gabrielle Althen, François-Jean Authier, Julien Blaine,Anne-Laure Blusseau, Jean Claude Bologne,Astrid Bouygues, Éric David, Raymond Delambre,Marc Delouze, Marie-Florence Ehret,Danièle Gasiglia-Laster, Vincent Gimeno,Hubert Haddad, Yves Jouan, Hugues Labrusse,Arnaud Laster, Chirstiane Laurain, Marine Le Mouël,Sandrine Marcillaud-Authier, Jean-Yves Masson,Jean Migrenne, Bernard Noël, Joëlle Pagès-Pindon,Denis Podalydès, Max Pons, Montserrat Prudhon-Moral, Patrick Quillier, Dominique Ranaivoson,Laurine Rousselet, Fabio Scotto, Jude Stefan,Florence Trocmé, Béatrice Vatinel,Jean-Pierre Verheggen, Tarah Xaintorxare

Un supplément huit pages « poètes cordouans »offert avec Marché des Lettres n°5

Achevé d’imprimer chez Roto-Champagne, France© CIRCÉ, 2005 www.marchedelapoesie.com

PHO

TOS

AM

BRE

NO

LEN

Page 9: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

NUMÉRO 5 été 2005 9

MÉMOIRE VIVANTE face D9

MERCURE DE FRANCE D7

MICO JOANNA F1/F1 bis

MIDI A14

MIHALY B11-12 et A7

MIMIAGUE JEAN-PIERRE F1/F1 bis

MIX face H10-11

MŒBIUS B8

MOT ET LE RESTE (LE) F1/F1 bis

MOTUS D8

MOUNDARREN B11-12

MOUVEMENT F1/F1 bis

MULTIPLES D9

MURMURE (LES ÉDITIONS DU) E3

MUSÉE-BIBLIOTHÈQUE ARTHUR RIMBAUD K6

MUSICA FALSA F1/F1 bis

NAHUJA A2/F9

NEIGE D’AOÛT F1/F1 bis

NOROÎT E2

NOUS K5

NOUVEL ATHANOR (LE) H6

NOUVELLE REVUE FRANÇAISE (LA) D11

NOUVELLE TOUR DE FEU (LA) L1

NU (E) C10

NUNC A7

OBSIDIANE E1

OFFICE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’ESPAGNE F4

OIE PLATE (L’) B13

ONESTAR PRESS face B13

OPALES B11-12

OSTINATO RIGORE A11

OTTEZEC F2

PAPILLES A15-16

PARADE SAUVAGE K6

PARC H9

PAROLE ERRANTE (LA) A9

PASSAGE D’ENCRES D2

PASTRE GENEVIÈVE H3

PAULHAN CLAIRE H8

PAUPIÈRES DE TERRE H8

PAVUPAPRI face E2

PERCE NEIGE L9

PETITS CLASSIQUES DU GRAND PIRATE (LES) K3 et B11-12

PHÉBUS F1/F1 bis

PHI E4

PHILIPPE JEAN-LOUP F1/F1 bis

PLACE JEAN-MICHEL A11

PLEINE PAGE B11-12

POÈMES EN GROS & DEMI-GROS face E4

POÈMES ÉPARS face A11

POÉSIE 2005 A10

POÉSIE EN LIBERTÉ face D15

POÉSIE PREMIÈRE D9

POINT D’IRONIE face C9

POLYGRAPHE (LA) B7

PORTE DES POÈTES (LA) C5

POUCE ET L’INDEX (LE) face D15

PPT face E6

PRÉAU DES COLLINES F1/F1 bis

PRÉ≠CARRÉ face D15

PRÉTEXTE face B11

PRINTEMPS DES POÈTES (LE) A10

PROPOS2ÉDITIONS B8

PRUVOT ANNICK F1/F1 bis

PYRO L9

QUATRE DE CHIFFRES (LE) D10

RAFAËL ANDRÉA F1/F1 bis

REHAUTS C6

RENCONTRES E7

REVUE D’ESTHÉTIQUE (LA) A11

REVUE DES ÉTUDES ITALIENNES C9

RIEN face C4

ROUGE GORGE L8

ROUGIER V. ÉDITIONS K3

RUE DES POÈTES face E4

SABORD (LE) E2

SAINT MONT (ÉDITIONS DE) L7

SAUVAGE ISABELLE F1/F1 bis

SCHENA EDITORE K6

SCRIBAN L2

SEGHERS D7

SÉMIOSE face A10

SÉQUENCES C6

SIÈCLE 21 F1/F1 bis

SIGNUM C2

SINGE (LE) A12-13

SOCIÉTÉ DES AMIS D’ARAGONET D’ELSA TRIOLET H4

SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES K7

SOLEIL NATAL (ÉDITIONS DU) L1

SOLITAIRES INTEMPESTIFS A15-16

SON DU MOIS face A10

SONART H3

SORGUE B10

SPECTRES FAMILIERS H10-11

STALKER face K4

SYLLEPSE A9

TARABUSTE C13

TEMPS DES CERISES (LE) H5

TEMPS QU’IL FAIT (LE) B11-12

THÉLÈME face B10

THÉODORE BALMORAL D8

TIPAZA K2

TOUBAB KALO F1/F1 bis

TRADUCTIÈRE (LA) C7

TRANSIGNUM C7

TRAVERSIÈRE B1

32-19 (ÉDITIONS) F1/F1 bis

TRIAGES C13

TRIPTYQUE B8

TYPO A10 bis

UNES B2

UNION DES ÉCRIVAINSGRENOBLE-DAUPHINÉ-SAVOIE B4

URDLA B11-12

VAHA ISABELLE F1/F1 bis

VERDIER F7

VERLAINE K6

VIA VALERIANO BIS B11-12

VILLE MARIE LITTÉRATURE A10 bis

VILLIERS LAURENT F1/F1 bis

VIRGILE A15-16

VLB A10 bis

VOIX D’ENCRE D12

VOIX DU REGARD F1/F1 bis

WIGWAM D3

WILLIAM BLAKE AND CO B11-12

XÉROGRAPHES (LES) face E6

YVELINÉDITION F1/F1 bis

ZÉDÉLÉ face C4

Page 10: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

... le moindre verbe

1re nuit du 23e Marché,de 20 heures à 23 heuressoirée présentée par Marc Delouze

Hommage à Primo Levi

Bernard Noël

Fernand Ouellette (Québec)avec Sylvie Moussier

Abdellatif Laâbi (Maroc)

Claude-Michel Clunyavec Philippe Urvoy

Pour Christophe Tarkospar le Théâtre-Poème de Bruxelles et Monique Dorsel

avec Franck Dacquin, Joachim Defgnée,Luc Vandermaelen

Hommage à June Shenfieldpar Jean Migrenne, avec Pénélope Perdereau

Isabel Pérez Montalbán (Cordoue)

Laurine Rousseletextraits de Séquelles

ConfluencesSeyhmus Dagtekin, Dimitris Kraniotis,

Myriam Montoya, Azadée Nichapour, Nimrodprésentation par Tahar Bekri

Julien Blainepost Tournée bye-bye

Camille BazbazMusique sur parole

Concert20 heures

Îles et presqu’îles,proches et lointaines

2e nuit du 23e Marché,de 19 heures 30 à 23 heures 30

soirée présentée par Marc DelouzeLes interventions seront ponctuées

par le groupe polyphonique À tout bout de chant

Réunion

Boris Gamaleyainvité d’honneur

Madagascar

Hery Mahavanonaavec Philippe Urvoy

Hommage à Esther Nirinaavec Sylvie Moussier

SardaigneAntonio Are, Fabiola Ledda, Alberto Masala,

avec Serge Pey

Corse

Ghjacumu Thieravec Charles Gonzalès

Italie

Hommage à Pier Paolo Pasolinipar Ève Griliquez et Laurent Valero

Michele Baraldi, Giovanni Dotoli,Gabriele Frasca, Paolo Ruffilli,

Fabio Scotto, Jean-Charles Veglianteavec Sylvie Moussier, Pénélope Perdereau,

Philippe Urvoy

Vendredi 24 juinJeudi 23 juin Samedi 25 juin

CIRCÉ 12 RUE PIERRE ET MARIE CURIE 75005 PARIS TÉL. 01 44 32 05 95 marchedelapoesie.com

10 NUMÉRO 5 été 2005programmation

entré

es lib

res

Laurent Pflughaupt – DuctusExpositionCréations picturales et calligraphiques en direct pendant les 4 jours

Un autobus à plate-formeAutour du quartier Saint-Germain, trois itinéraires et quatre stations-poèmes sur la ligne 975samedi 25 Bus Pataphysique avec Thierry Foulc – Grabibus par Claude Debord, Charles Gonzalès,Pénélope Perdereau – Bus Europe par Comus Momusdimanche 26 juin Bus Poésie suisse romande – Bus Accordéon par Nicolas Joseph – Papabus de Polystyrène TVavec M. Untel

La petite édition de poésievendredi 24 juinjournée de formation pour les bibliothécaires organisée avec le Printemps des Poètes

Remises de Prixvendredi 24 juin Prix international de poésie francophone Yvan Gollsamedi 25 juin Prix Antonio Viccaro - Les Trois Canettesdimanche 26 juin Prix Coup de cœur Parole enregistrée de l’Académie Charles Cros

Et aussi...

DR

Page 11: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

La diffusion en x leçonsJ’entendais encore l’autre jour un « petit éditeur (indépendant) » se lamenter de n’être pas plusprésent que ça (ou pas du tout) en librairie.Alors j’ai tenté l’expérience chez quelques confrères éditeurs. Oui, l’on peut se plaindre de n’être pasprésent en librairie, se plaindre aussi que les « gros éditeurs » tirent toujours la couverture, mais quepenser des règles de b-a-ba de la communication et de la diffusion ?Communiquer c’est aussi donner les moyens aux autres de vous joindre. Que dire de ces téléphonesqui sonnent dans le vide toute la journée, alors qu’il suffirait d’un répondeur au bout de la ligne pourqu’un libraire puisse laisser un message, plutôt que d’avoir à penser à vous rappeler plus tard ; oubien encore de ce téléphone qui se transforme en fax sans qu’on ait eu le temps de se saisir d’unpapier pour transmettre la commande d’un client qui est là – si, si – devant votre libraire et qui attenddésespérément le livre qu’il voulait impérativement, alors qu’une file d’attente commence à se formerdevant le comptoir ? Faut-il demander au libraire de recommencer l’opération, une fois, deux fois,trois fois ? Faut-il que dans chaque librairie une personne soit affectée à savoir que chez tel éditeuril faut appeler après 19 heures pour avoir un correspondant (quand ce n’est pas le week-end), quechez tel autre, il faille se munir d’une feuille de commande au cas où le téléphone se métamorphoseen fax ? Et pour les éditeurs les plus « technologiquement nouveaux », envoyer un mail de commandeou de demande d’information et n’avoir jamais le retour, tout simplement parce que le mail n’apas été lu, ou ne le sera que quinze jours plus tard ? Ces quelques démarches demandent des moyenssimples – si peu de choses à vrai dire, si ce n’est d’abord une réelle volonté de communication. Et sila première formation à la diffusion commençait là ? Et si les premières subventions des Régions pources « petits éditeurs (indépendants) » pouvaient être celles-là : aider à l’équipement de base de lacommunication.La volonté d’un libraire à commander ne suffit pas. Pourquoi alors le pousser à renoncer à unecommande ? Ce premier pas ne résoudra pas l’ensemble du système de la diffusion/distribution,mais c’est pourtant le premier maillon de la chaîne, après le (bon) référencement chez les profes-sionnels : deux axes simples sur lesquels devraient déjà se pencher ceux qui souhaitent« remettre » en place une diffusion en librairie. V. G.

NUMÉRO 5 été 2005 11

OsAntoine EmazTarabuste, 2004, 150 p. 12 €Deux lettres, trois lettres, quatre parfois,posées sur la couverture blanche, presqueénigmatiques dans leur nudité : tels sontsouvent les titres d’Antoine Emaz. Hier, cefurent C’est , Ras , K .-O, Soir , Sang ;aujourd’hui Os. Énigmatique lui aussi d’êtresi nu sur cette couverture.Ce dépouillement « jusqu’à l’os », seretrouve à l ’ intér ieur du recue i l ,merveilleusement édité par Tarabuste. Lestextes sont distribués en séquences de

quatre , c inq , s ixpoèmes rassembléssous un vocable, denouveau court et nu.Os, Calme, Ombre,Peur et enfin Vieux :mots tutélaires pourdes états récurrents,

où la désolation la plus intense alterne avecdes répits. Les textes eux-mêmes diffèrentpar leurs formes.Se succèdent ainsi de courts textes en versirréguliers (majoritaires), et des paragraphes,très brefs eux aussi, justifiés, comme blocsdenses.Pas d’adjectifs ou presque, peu d’articlesou plus exactement de nombreux articlescomme absents. Des petits tas de mots,« grains de sable », édifices dérisoires devantle vide, le temps, le non-sens de tout. Lesquelques rares adjectifs de couleur sontcomme décolorés. Le blanc, le gris, le neutrerègnent, emblématiques d’une consciencepoétique confrontée au vide, à l’absence. Lepoète semble procéder par soustractions,parfois par ajouts minuscules, comme s’ilsculptait ce presque rien qu’il lui est parfoisdonné d’entrevoir, souvent à la mêmeheure, entre chien et loup.À coups d’enjambements, d’agrégats,d’éboulis. Comme une sentinelle désolée aubord de la vie qui passe et part.

Florence Trocmé

Il n’y a rien d’intactdans ma chairDanielle FournierL’Hexagone, 86 p. 11,50 €

« Une femme regarde au loin. »Chaque fois qu’il m’arrive de douter de lapoésie, un livre me redonne le goût dupoème: ce dernier « de » est un éblouissantexemple. Une voix venue du Québec (d’oùnous arrivent tant de poètes et si peu depoèmes) nous arrache soudain de

« l’ennuyance rivée àla chair », comme ellel’écrit si bellement.Comment donner enmille signes le goût etl’envie d’y aller voir, dese plonger dans uneparole qui elle-mêmese jette à corps perdu

du haut d’une falaise de silence dans lesbouillonnants remous de l’écriture ? Ilfaudrait donner à sentir ce voyage dans letemps décalé : tour à tour hier, maintenantet désormais qui scandent implicitementles trois parties du livre ; se pencher à lafenêtre de textes qui ne donnent à voirqu’une partie du paysage (souvent désolédésolant), mais qui laissent imaginer biend’autres horizons autrement plus vivables,comme situés hors champ (« hors chant ») ;analyser cet étrange rapport entre ce jed’une femme qui contient un nous de toutefemme (et non de toutes « les » femmes) ;donner à entendre enfin la beauté de cettelangue (je songe à Pessoa) quand elle faitmine de se livrer simplement :je ne raconte mes journées à personne. Jen’ouvre pas mon cœur. Je prends un livre

et fais semblant de lire. Je crains le froid ; lemot ombre passe par la lumière et disparaîtsur la page. Je me dirige vers des lieuxsordidesles mots brûlent tard au printemps et tousles matins je me demande ce que je ferai

Marc Delouze

Écrire à même les choses, ouJérôme GameInventaire/Invention, 2004, 46 p. 5 €À peine grand comme un mouchoir depoche, léger comme une plume, le livretient dans une seule main. Mais il réclameles deux yeux et toute l’attention de sonlecteur. Qu’il retient, interloqué, entre seslignes hasardeuses.À même les choses, au plus près, du plusloin qu’on ose les apercevoir. Guetter lasurprise qui ne saurait rater ce rendez-vousOu

Ou bien alors plongerà corps perdu dans cedédale ludique où toutest permis, espéré,attendu.Ba lbut iement oubégaiement, diction

improbable. Et l’on entend encore à lalecture silencieuse celle, déferlante d’unesidérante lecture performance. La phrase estlà, on la pressent, on la devine, elle pointe sonnez et pirouette, elle disparaît dans la syntaxequi n’en est pas ou plus ou pas encore maisqui sera.Ce lacunaire modulé ; hymne à la lecture, àl’écriture, action langagière et poétique : unrégal.

Montserrat Prudon Moral

Auden ou l’œil de la baleineGuy GoffetteGallimard, 2005, 218 p. 17,50 €Dans le beau récit qu’il consacre à WystanAuden, Guy Goffette tisse sa vie à celle dupoète anglais dont longtemps il ne sut rien,rien sauf un poème. Là, il est d’abordquestion d’une carte postale : représentantAuden photographié par Richard Avedon,

elle a été envoyée àGoffette par la poèteaméricaine MarilynHacker : « l’effet de cecadeau sur moi, elle nepouvait pas l’imaginer,elle qui avait rencontréle modèle de sonvivant. » Quant au

poème, c’est Jacques Borel qui le lui envoiealors qu’il traverse une « période noire : lecœur à vau-l’eau, la plume cassée ».« Longtemps, longtemps, dans les hivers del’Est, dans le vent, la pluie et les étés pourris,dans les montées et les creux de l’âme (...)j’ai tenu avec ce poème-là pour seulviatique. »Vingt ans plus tard, Goffette part à larencontre d’Auden, reconstruit sa vie et sonitinéraire en nous entraînant à sa suite. Ilraconte son Auden, exhumant les prémicesde son intense quête spirituelle, en suivantl’épanouissement et les conséquences.Le lecteur est invité à la double rencontrepoétique d’un poète français d’aujourd’hui(Goffette est né en 1947) et d’un des plusgrands poètes modernes de langue anglaise(Auden est né en 1907).

Florence Trocmé

Deux livres autour d’Hölderlin à la toutenouvelle maison d’édition LaurenceTeper.C’est un bel ensemble, très cohérent,que vient de proposer l’éditrice LaurenceTeper autour de Hölderlin.Deux contributions originales à laconnaissance du grand poète allemand.

●●●

●●●

JULIEN BLAINE avait prévenu : « P.S.n° 5: En ce début de millénaire / moi,/ après 42 ans passés à en faire (desperf. c.-à-d. des poëmes en chair et

en os) j’arrête, j’arrêterai courant 2004 […]Après je me planquerai dans les résidus :livres, disques, films et autres traces ordu-rières. » Avertissement suivi d’une expli-cation : « P.S. n° 7 : Désormais, mon corpsn’est plus à la mesure de mon ambition… »Les textes écrits après constitueront, de fait,le post-scriptum n° 8, ce 8 absent ici, alorsqu’il est, par ailleurs, omniprésent : « 8 &∞ 1 », « le 8 couché le signe de l’infini2 ».S’inscrivant entre ce P.S. 7 et les textessuivants, le « bye-bye la perf. » apparaîtcomme une façon (la seule ?) de boucler laboucle de ce « 8 couché » sans tourner enrond. En arrêtant la performance, JulienBlaine s’est sauvé à sa manière, qui n’estjamais simple : « Je me sauve (a/ partir b/se secourir)3 ». Pendant les quatre mois qu’ontduré sa tournée d’adieux, Julien Blaine aété, à chaque performance, confondant4

d’énergie. Ce qui n’était faisable que tantqu’il restait convaincu de pouvoir le faire :exhiber son corps sans se donner en spectacle,maintenir l’équilibre qui distingue la chutede l’effondrement. Quand le performeurtombe – que ce soit du haut de l’escalierde la gare Saint-Charles, comme en 1982,ou sur scène, de sa propre hauteur, commeil l’a refait à la Friche de la Belle-de-Mai ennovembre 2004 –, ce n’est pas l’homme quise casse la gueule. Blaine balance ses perf.comme des évidences, ça saute aux yeux, etle spectateur-lecteur doit pouvoir se fier auxapparences. Quand Julien Blaine dit « jelivre le livre / c’est ma peau » en montrantses tatouages, on ne voit pas un corps marqué,mais le support d’une écriture. Chaque fois,Julien Blaine y va fort, il ne peut pas faireautrement : pour lui, une performance, c’estse livrer sans complexe, s’arracher à ladolence du réel et faire de son corps un livre.

La question n’est pas de savoir si JulienBlaine a encore la force de faire des perf. Ilne peut qu’arrêter à partir du moment où, secroyant vieux, il craint le ridicule et ne peutplus se livrer sans retenue5.

Bye-bye Mister BlaineDe Lille à La Réunion, en passant par Nantes,Strasbourg, Paris et Marseille (entre autres),Julien Blaine a donc décidé de dire « bye-bye » à la performance. Pendant plus dequarante ans, il a colporté une langue intra-duisible, une langue élémentaire qui remon-terait aux racines du verbe, hors de touterévélation divine. Une langue incarnée qu’ils’agissait de dire « non seulement avec la

“langue” de la gorge et de la bouche maisavec “celle” du corps entier6 ». Considérant« hui » que son corps déhiscent articule tropses propres maux, le poète s’invente d’autresgesticulations : « en vieillissant / : / je s’ap-proche du / texte / & / je s’éloigne du / geste/ je sera dans / : / gexte / & / teste7 ». Entregestes et textes, c’est par le façonnage d’unelangue coalescente qu’il poursuit désormais,« parmi les résidus », l’articulation du signeet de la marque8. Sans pour autant être sourdaux voix de ceux, nombreux, qui continuentà se coltiner la perf., comme il a invité à lefaire, chacun à sa manière, lors de cettetournée, Anne-James Chaton, Manuel Joseph,Christophe Hanna, Bernard Heidsieck, JoëlHubaut, Jean-Jacques Lebel, Laure Limongi,Marina Mars, Charles Pennequin, NathalieQuintane, Serge Pey et tant d’autres… et tantd’autres. Anne-Laure Blusseau

1. 8 et ∞ obsédants notamment de la première à la dernièrepage des éclats d’éveil (bréviaire), Al Dante, 2002.2. Poëme métaphysique n° 86. 13427 Poëmes méta-physiques, les Éditeurs Évidant, coll. « Le Dit », 1986.3. Comment sortir la phrase de sa gangue?, Al Dante,2001.4. « Il faut avoir entendu / vu Julien Blaine et son corpsperformer : le cri qui arrache la gorge, décompactepuis remoud la langue, fait fuir la signification, déconfaitle moi-je-qui-parle. Cela perd et défait. On ne sait plusoù l’on habite après, ni comment on s’appelle. On estfondu. » Jérôme Game, in CCP n° 8, CIPM/Farrago,2003, p. 155.5. Ce que chacun fait à sa façon: Blaine se fait tomber,se fait tatouer. Joël Hubaut, lui, s’est littéralement faitdessus en décembre à la Ménagerie de Verre.6. Voir notamment La 5e feuille, passim, et plus parti-culièrement la page 221 (éditions Nèpe, 2000).7. Comment sortir la phrase de sa gangue?, Al Dante,2001.8. Voir l’« exemplaire exemple » que constitue à cesujet le Poëme métaphysique n° 86.

Poezibao est un blog entièrement consacré à la poésie / Mis à jour en permanence, il est à la fois / une anthologiepermanente (un extrait de poésie contemporaine ou moderne chaque jour avec fiche biographie et bibliographique du poètechoisi) / un journal permanent de l’actualité de la poésie (parutions, lectures, événements, marchés et salons, expositions,etc.) / un magazine (rencontres avec des poètes, reportages, fiches de lecture des livres de poésie récemment parus) / unerevue littéraires (articles et poèmes inédits, contributions extérieures, notamment de poètes, journalistes, éditeurs ouprofesseurs) / une base de données qui se constitue au fur et à mesure de l’enrichissement du site (fiches des poètes,lexique de poétique). Poezibao cherche à promouvoir la poésie féminine et tente de consacrer 50 % au moins de l’espacede l’anthologie à cette poésie / Adresse du site : http://poezibao.com. Il est possible de s’abonner à l’anthologie pourrecevoir le poème du jour directement par mail /

JULIEN BLAINELes adieux à la performance

DR

Page 12: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

12 NUMÉRO 5 été 2005

Dans le temps qu’il marchaitMichèle DesbordesLaurence Teper, 2004, 52 p. 8 €Michèle Desbordes construit une sorte derêverie autour de Hölderlin comme elle a suen construire de si belles autour de Léonardde Vinci ou bien encore autour de Camille

Claudel. Elle retrace cevoyage qu’Hölderlinaccomplit de mai àju i l let 1802 deBordeaux à Nürtingen,alors que la femmequ’il aimait venait demourir. Sur l’énigme de

ce voyage, elle a composé un court texteen prose, collection de fragments quiébauchent un portrait de Hölderlin. Suivid’un long poème en neuf séquences qu’ellea élaboré autour de ce voyage-errance,évocation scandée par la récurrence del’étrange et belle expression « tout ce qu’ily avait », qui revient comme un leitmotiv :« marchant tout ce qu’il y avait de bleu dansle ciel », « marchant tout ce qu’il y avaitd’herbes, de craies et de col l ines »,« marchant tout ce qu’il y avait de matin »,comme si ce « marchant » et ce « tout cequ’il y avait » faisaient entrer le lecteur dansle mouvement même de la marche, danscette sorte d’interrogation-épuisement duréel par le poète sidéré par la perte, l’absence,le deuil qui emportent une raison déjà fragile.

Poèmes fluviaux, HölderlinLaurence Teper, 2004, 172 p. 15 €Fleuve, justement, voilà le thème qui asoudain semblé au jeune poète ettraducteur Nicolas Waquet tellementemblématique de la poésie d’Hölderlin qu’ileut cette idée de rassembler tous lespoèmes de l’œuvre qui ont trait au fleuve :« les fleuves [qui ont] accompagné le poètetoute sa vie : le Rhin, dans son enfance qui

l’éveilla au sacré » maisaussi le Main qui vit sedéve lopper sonamour pour SuzanneGontard, la Garonneauprès de laquelle sonesprit commença àchanceler et le Neckar

au bord duquel i l passa les quarantedernières années de sa vie.Nicolas Waquet propose ici une nouvelletraduction de ces textes qu’il accompagned’une postface – en fait un véritable essaidans lequel il explore cette thématique dufleuve chez Hölderlin, en révèle les sourcesnotamment chez Sophocle, Tibulle,Hésiode, Virgile, « car ces textes dialoguentconstamment avec l’Antiquité, à partir delaquel le i ls s ’élèvent vers le lyrismemoderne » et en analyse les grands courants.

Florence Trocmé

Hurricane, cris d’insulairessous la direction de Doriane SuicardDesnel, 2005, 239 p. 20 €L’étrange titre rouge sur fond noir, qui signifieen créole « tout ce qui v ient desAmériques », donne d’emblée un tonviolent à cette anthologie poétique placéesous le signe des cyclones, les vrais à la« hurricane season » (231) et les poétiques.

Chargés de « donnerune vision d’ensemblede notre universcaribéen » (9) , cespoèmes traduisent« l’insularité plurielle etmultiforme » (9) qui

s’étend au-delà de la région puisque seuls 14poètes sur 23 sont Antillais (commel’éditeur), les autres venant de Corse,Ouessant, La Réunion, Maurice, la Nouvelle-Calédonie. Entre Aimé Césaire et Derek

Walkott, se déploie la rage de tous contre le« doudouisme insulaire » (10) et les imagesexotiques lourdes à porter, exprimée pardes styles, des rythmes, des langues (destextes en créole et en anglais sont ensuitetraduits) et des recherches d’écrituresinégales.D’île en île, de bouillonnements en tempêtes,d’exils en métissages, se dessine une nouvelleidentité insulaire, un peu systématiquementinverse des modèles pacifiques antérieurs.Tous les auteurs sont présentés si bien quela croisière s’enrichit de nouvelles rencontres.

Dominique Ranaivoson

Transports d’ailes saisiesFrançoise JonesÉditions L. Maugin, 36 p. 1 4 €Françoise Jones peint, grave, écrit.Onretrouve le geste du graveur dans le tracé duvers qui ne s’aligne pas mais se distribuedans le blanc de la page selon un rythmepropre à chaque poème.Presque sans articulation, sans verbe à peine,les noms se dressent comme jaillis d’undehors confus qu’ils redessinent au plusradical.

Stigmates / Traits /Caractères / F insdéta i l s arr imés /Double état des lieux /cette conjoncture /Ligne de flottaisond’une mêlée diurne

Les poèmes sont courts, souvent conclusd’un derniers vers synthétique. Ils dressentune falaise, un abrupt de sens indéchiffrable,une présence physique et muette. Entreabstraction et figuration, ils construisent uninstant-lieu complexe où s’entremêlent levisible et l’invisible. Une couleur, un objetapparaissent fugitivement.Françoise Jones n’a-t-elle pas voulu, loind’un plat lyrisme de convention, dans uneforme neuve, reprendre le vieux projetrimbaldien de « fixer des vertiges » ?

Marie-Florence Ehret

Hérodote oule commencement del’Histoire et Autres PoèmesKarl Krolowtraduit de l’allemand par Éric DavidAtelier de l’Agneau, 2005, 96 p. 13 €« Classique de la modernité », Krolow (1915-1999), un des plus importants poètes del’Allemagne après 1945, s’intègre ici à unetradition philosophique en référenceconstante à l’hellénisme : la problématiquede l’historicité comme oscillation dialectique

entre destin et hasard.La question posée estcelle, hégélienne, del’accomplissement del’Histoire au-delà dufactuel.Rite expiatoire, ou

exorcisme progressif des démons del’histoire humaine, chaque fois plusredoutables, dévoilés par un narrateuromniscient et se jouant des stratestemporel les comme des espacesgéographiques : Hérodote lui-même, telqu’il s’offre dans ses Enquêtes, dont Krolowreprend parfois textuellement de nombreuxpassages.Un lyrisme qui se distingue par l’originalitéde son caractère à la fois humaniste etindividualiste. Issue de la veine allemandedu « lyrisme de la nature », sa poésie serrela réalité concrète de l’existence et lesangoisses de l’individu aux prises avec lasolitude en un monde d’où ont disparu lesrepères traditionnels.Avec quelque pertinence, on a pu parler àson sujet d’« existentialisme poétique ».

Éric David

●●●

●●●

Dans la nuitdu 29 au 30 novembrede l’an 2004

Tues mort.

Tu es mort jeune, refait à neuf de peau et[de chair,

tu étais dans les jours précédentsun jeune homme dormantet tu es passé insensiblement du sommeilà la mort.

On dira, on dirait, Valérie,on dirait, on dira, tu diras à Micha que

[Tu ne t’es pas réveillé,comme un oubli.Et tu nous a laissés, nous, les vieux et

[les vieilles poètesorphelins.

Au début de ta maladie,tu nous prenais en catimini, pour nous proclamer :« Ne vous inquiétez pas, ce qui m’arrive est une renaissance... »(trois points de suspension)

Et la maladie a réattaqué cette nouvelle naissancejusqu’à tuer.Et tu nous a laissés, nous, les vieux et lesvieilles poètesorphelins.

Quant aux jeunes poètes, tous, toutesse souviendront de toimalgré ton forfait aux jeux floraux

[internationaux du XXIe siècle.

En tout cas celles et ceux qui déjà comptent,c’est-à-dire écrivent,écrivent sans façon.

Comment oublierl’une de tes grandes dernières prononciations, articulations, élocutions improvisées :« mais le mot “mot”,le mot “mot”, tout seul,ça ne veut rien dire,le mot “mot” »Et nous avions entendu ce “r” imprononcéce “r” inarticuléce “r”, ombre dans le mot “mot”le “r” conjugué à l’impératif du verbe errer.

Comment se passer de cette présence absolued’un être là,absolument là,et qui se déguisait en absent de ces propres

[mots,de ses propres gestes ;un être làau regard qui traversaitpour regarder loin, là-bas derrière,ailleurs,toi seul, savais où.

Alors une fois encoreLaisse-moi aller à ma natureet te parler une fois encorecomme je le fais, mais qui insultera, hui, en riant mes excès ?Désormais je n’aurai plus l’impression

[d’exagérer,jamais.

j’AMAiS !

Julien Blaine

ARCHIVES Ventabren Art Contemporain

JuneShenfieldL’arpenteusedu Marché

FIGURE (ET VOIX) bien connue deshabitués du Marché de la Poésie,June Shenfield est décédée le13 décembre 2004, six mois après

avoir lancé son unique recueil bilingue :Sorrow/Tristesse (éd. de l’Inventaire).Il fut un temps où il suffisait d’écrire « Jepense » pour être. June écrivait pour être.Pour ne plus penser.Être, c’est le problème du déraciné, de toutorganisme qui, un jour, se retrouve libéréd’attaches séculaires par des circonstancesqui ébranlent le monde et les consciences.Être libéré c’est se voir imposer re-construction et recherche de nouveauxéquilibres, nationaux, familiaux ou senti-mentaux. Il faut pouvoir gérer ce trop pleind’équilibre, et pour qui n’est acrobate nide profession ni par nature, il n’en résulteque davantage de déséquilibre.Et encore faudrait-il que le corps de l’êtrelibéré ainsi que son esprit soient capablesde synergie. Cette incapacité, JuneShenfield l’a payée de sa vie.Trahie par son corps, perturbée dans sonesprit, elle avait choisila poésie pour tenterd’exprimer avec uneénergie incroyablel’accablement et lafrustration que luiimposait la vie. Il enest résulté une œuvrebrève magnifiquement écrite, mais un longcri de révolte, d’impuissance et d’incom-préhension : « Pourquoi ça ? Pourquoimoi ? »N’y aurait-il de bonne (et forte) poésie,que celle de la révolte devant la souffrance?On serait tenté de le croire à la lecturede celle dont la voix s’est tue. En paix,enfin. Jean Migrenne

Traducteur de June Shenfield

Christophe Tarkos

DR

DR

Lecture deJune Shenfieldau Marché de la Poésie.

Page 13: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

NUMÉRO 5 été 2005 13

Répondre à ce qui futAndré LagrangeFrontispice de A. Jaume-BoyéE. C. éditions, 2005Recueil après recueil, poème après poème,la poésie d’André Lagrange, inlassablement,interroge les figures du silence et de

l’absence. Mais plusque tout autre, cedernier recuei l ditl’expérience du videirrémédiable : « lesyeux f ixés sur unedémesure / savoir querien n’interviendra ».

Voyage, Longues marches, Appareillagesde navires en partance – tous thèmeshabituels de l’œuvre – semblent ici revenirtoujours au même point d’ancrage, butersur la même « racine », tourner autour d’unpoint précis, où un homme est « deboutau long du fleuve », au bord du temps :« une tourbe » entre ciel et mer. De la mêmefaçon, et comme pour mieux affiner laréponse, les mots gravitent autour d’unnom imprononçable (« dire un nom /abolirait les échanges... ») et qui pourtantenvahit tout l’espace (« l’écho ne résonneplus que d’un nom : le TIEN »). C’estqu’absence et s i lence ont ic iparadoxalement « pris » corps : ils se sontincarnés au moment où le corps de « cellequi souff le la paro le // énonçant(aujourd’hui comme hier) / un langagedevenu muet » fut « arraché » au poète.Une « dépoui l le » donc , et un« dépouillement »: une « nouvelle absence »à affronter ici.Un « combat au plus haut de soi » s’engagesur le terrain des mots, où la jointure (« un“ailleurs” jointoyant les aurores ») essaie detenir tête à la « brisure », et la réparation dutissu temporel à la « déchirure » (« ravaudantla trame des jours »). Conscient de l’extrêmegravité de la parole (« lèvres énonçant desmots retenus / par un souffle, une rigueurdu verbe »), le poète qui avance « en grandeconfusion » confie à une poésie exigeante,sans fioritures ni complaisance, le soind’abolir, en un geste à réitérer toujours, le« porte-à-faux » entre soi et les autres, etd’opposer une résistance à l’incertitude dumonde . I l s ’efforce d ’en épurer lacontingence anecdotique, afin de sonder unau-delà des apparences, et de reconstruiresans cesse le fragile équilibre entre l’oubliet la mémoire. Astrid Bouygues

Ombre pour OmbreAnnie Le BrunGallimard, 2004Ausculter les titres et les thèmes de l’œuvred’Annie Le Brun, c’est se donner quelquesclés pour mieux entrer dans sa poésie. Parmi

les titres récents Dutrop de réalité ou Del’éperdu ; parmi lesprincipales affinitésélectives et les thèmesdominants , Sade ,Raymond Roussel ,Breton, le surréalisme,

la « catastrophe yougoslave », Aimé Césaire.À vif, intolérante absolument à touteconcession, à toute compromission,polémique dès ses débuts dans les annéessoixante, Annie Le Brun reste étonnammentinchangée depuis ses premiers essaispoétiques en 1967 jusqu’à ses derniers écritsprésentés dans Ombre pour Ombre etdatés de 2003. Le style est bien ici reflet del’être : vocabulaire d’une extrême richesse,images explosives nées du rapprochementde réalités, termes ou idées antagonistes,jamais encore associés, formules abruptes,v io lence apparente ou contenue .Accumulations verbales enchâssant des

sentences, presque des aphorismes, parfoissidérants : « nous n’avons rien à perdre maistout à égarer » (71) « Il y a des fesses bellescomme l’ombre des pierres sous les piedsbrûlants de midi, furtivement » (57) « lesrampements du broui l l ard necontiendraient-ils pas les secrets de l’amourabsolu? » (97) mais surtout, emblématique:« qui a eu seulement l’idée de calculer lavitesse de l’ombre? » (87). Les recueils reprisici sont Sur le champ (1967), Les Pâles etFiévreux Après-midi des villes (1972), Toutprès, les nomades (1972), Les Écureuils del’orage (1974), Annulaire de lune (1977).

Florence Trocmé

L’âme des pierres...des Cévennes à VeniseDe la lumière et des pierresDidier Leclerc (photographies),Bernard Pignero (textes)Éditions Espaces 34, 2003, 78 p. 18 €

Félicitons l’éditeur, au catalogue prestigieuxet courageux, aux ouvrages de bonnefacture. De la lumière... vaut éloge poétiquede la marche. Néanmoins, clichés (en noiret b lanc) et textes conv ient à lacontemplation, à l’arrêt (sur image). Livre

d’artiste, dégageantune leçon de sagesse(non sans humour :bloc « malheureuxcomme les pierres »),le temps se cristallisant

dans la masse. Essentiel enseignement, àl’instar de Benjamin Constant : le chemincongru entre deux points n’est pas de planola ligne droite. Atteindre le sommet estaccessoire. Le recueil des Pierres, au stylelapidaire, ne foulant guère les sentiers battusde la métaphore, cultive l’aphorisme. Ledifficile mariage entre poème en prose etphotographie (l’un eût été de peu sansl’autre) est réussi. Ombre et luminosité selégitiment mutuellement, la camera obscuran’existant que pour la Lumière.Au demeurant, puisse l’éditeur se consacreraux fabuleuses pierres de Nanjing, objetsnon inanimés...

Raymond Delambre

MantraboxTexte de Franck André JammeLithographie de François BouillonMusique de Jean-Marc Povadoni(imprimé sur Vélin d’Archesen 40 exemplaires : 30 numérotésde 1 à 30 : 300 € ; 5 tirages de têtenumérotés de I à V, 600 € –comprenant chacun une œuvre originalede François Bouillon – et 5 exemplairesH.C. numérotés HC/I à HC/V. Tous lesexemplaires sont signés par les artistes),médiathèque du Pays de Cahors, 2005Depuis 2002, la médiathèque du Pays deCahors s’attache à réaliser un projet annueld’édition originale. Cette année, trois artistesont été réunis. Maniant leur moyend’expression avec la plus grande économiesans jamais tomber dans l’indigence, ils vontà l’essentiel, s’approchant d’une spiritualitésans dogme. Leurs œuvres, ludiques,profondes, s’appuient sur le rythme et larépétition pour mieux valoriser le singulier,

●●●

●●●

ESTHER NIRINA ne nous enchanteraplus de ses vers courts et chantants.La grande dame de la poésie fran-cophone ne déclamait pas, elle

cherchait dans les mots le secret de l’éclosionde la vie, du bonheur de l’amour reçu etdonné, de la joie secrète et profonde quitransforme le regard sur les êtres et les choses.Profondément attachée aux collines bleuesde son village natal d’Ambohimifangitra,elle a vécu quarante ans hors du pays, enFrance, à La Réunion, aux îles Vanuatu avantde se réinstaller définitivement à Madagascaren 1999. Son écriture ne porte pas la tracede ces pérégrinations qui n’ont jamaisdétourné son regard de sa quête intérieure,de la fidélité à la mère, aux couleurs desrizières, à la lumière du ciel et à l’élan de laprière :Multiples verts / Qui me font prendre pied/ Dans la zone / Du souvenir / Jamais / Tout-à-fait ancien La poésie d’Esther Nirina ne raconte pas,ne décrit pas de manière linéaire et organisée.Elle lance des images qui, juxtaposées,surprennent et déroutent avant de créer cemonde de rêve et d’émotions :

Maison de verre / Entre mer / et colline /Le cheval à la crinière / Fleurie / Court lepré du ciel / Bleu / est / le vent / Simple /Trace de l’enfance / Mais sur la table / Ledernier / Vin de noce / Habité / D’une flamme/ Qui surprend.Alors que la littérature est avant tout paroleet sons, Esther ne cesse de frôler les abordsdu silence car « la parole était aux signes » :silence de midi, de la nuit, de l’aube du

monde, de la prière, de la présence aimanteet immobile, « l’enfance écoute le murmurede la mémoire ». Esther ne crie pas, neproclame rien, elle écoute la palpitationdu monde et murmure son admiration de lamerveille qu’est la vie intérieure. Là esttoute la force de sa poésie qui peut doucementet inexorablement aspirer le lecteur dans sa« lente spirale » de la vie.Cette vie, elle nous la laisse dans son recueilRien que lune publié en 1998, toujoursdisponible aux éditions du Grand Océanet dans Mivolana-tsoratra, le dire par écrit,ouvrage bilingue franco-malgache présentéà l’Académie le 28 mai 2004 où, pour lapremière fois on lit de ses poèmes écrits enmalgache, traduits par Bao Ralambo puisré-écrits en français par elle dans un va-et-vient entre les langues qui est aussi uneréflexion sur l’identité.Madagascar a perdu un de ses écrivainsmajeurs. Qu’au-delà de la tristesse, larelecture de ses œuvres nous conduise à lareconnaissance silencieuse :Acte du silence / Durée d’une éclaircie / Oùrègne / Le visage vivant / De Dieu.

Dominique Ranaivoson

Esther NirinaLa grande dame de Madagascar

« Maître de tout sauf de moi-même,Chaque jour je recule un peuSur les falaises de ma vie. »

Vivre et mourir

Quel bilan peut-on tirer de l’année écoulée ? Après un 22e Marché presquemoribond qui faillit voir disparaître la manifestation, le déficit 2003 auraété comblé, grâce à notre lobbying et à l’aide des institutions partenaires(ministère de la Culture – Centre national du Livre et Direction régionaledes Affaires culturelles d’Île-de-France, laVille de Paris, et le Conseil régional d’Île-de-France).Cet élan nous a permis de préparer bienen amont le 23e Marché, depuis septembre 2004. Cette dynamique nousa également permis de prendre conscience de la confiance voire del’affection du milieu de la petite édition – et au-delà – pour le Marché.Nous nous sommes par ailleurs rendu compte de la volonté présente despetits éditeurs de passer à l’action.Cette année écoulée nous a permis de nous faire entendre des instances(y compris régionales) et de les écouter. De commencer à regrouper deséditeurs (aujourd’hui une cinquantaine), mais aussi de passer à l’action.Ainsi avons-nous contribué au stand francilien de petits éditeurs

indépendants (cf. article en p. 3), organisé un premier débat sur « l’économiede la petite édition » au dernier Salon du Livre de Paris, avec le Centrerégional des Lettres de Basse Normandie, participé aux autres débatsorganisés par la Région Île-de-France dans ce même cadre, interpellé le

Syndicat national de l’Édition sur ses propo-sitions pour la diffusion/distribution despetits éditeurs.Le Marché de la Poésie s’ouvre cette année

hors de l’enceinte de la place Saint-Sulpice. La poésie ouvre son champ àd’autres domaines de la création.Il reste encore à faire, heureusement. Mais qui eut pu imaginer, il y a unan, que les problèmes d’existence du Marché de la Poésie aboutiraient àd’autres perspectives, d’autres actions ?Notre combat, celui de la petite édition – au-delà de la poésie et de lacréation littéraire – ne fait que commencer. Il ne s’agit cependant passeulement d’initier, mais aussi et surtout de rassembler les idées, les actions,et les moyens d’agir ensemble. V. G.

de critique respecté aux Nouvelles littéraireset dans quantité de revues, grandes ou petites.Il fut également un traducteur fécond etrévéla dans notre langue de nombreux textesde la littérature hongroise, grand ami qu’ilfut de Gyula Illyès.Il présida à deux reprises la Société des Gensde lettres, lui donnant un nouvel essor. Grostravailleur – vivre honnêtement de sa plumen’est pas une sinécure –, c’était un hommefraternel, à l’écoute des voix méritantes.Il fut un vrai Compagnon du devoir en poésie;il reste une grande figure de nos lettres.

Max Pons

Jean RousselotCompagnon du devoir poétique

LA PRESSE n’évoque plus guère lamort des poètes, que du bout dela plume. Il y a trois ou quatredécennies un poète de l’importance

de Jean Rousselot aurait eu droit à unecolonne dans tous les bons quotidiens et àtrois ou quatre dans les journaux littéraires.Triste époque que la nôtre qui ne se prosterneque devant la catin cathodique !Jean Rousselot (1913-2004), co-créateur deJeunesse, du Dernier Carré…, qui rejoignitvite les amis de l’École de Rochefort laisseune œuvre poétique considérable. Mais ileut aussi une activité féconde de prosateur,

DR

Indépendamment

Page 14: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

14 NUMÉRO 5 été 2005

le différent. Aucun des trois n’est issu d’uncourant majoritaire de l’art contemporainmais, uniques, rares, ils côtoient librementl’universel. Il s’agit donc de : « Mantra desréalités invisibles et des doigts troués de lavue », extrait de Mantrabox en chantier.Texte de Franck André Jamme, lithographiesoriginales, de François Bouillon, musiquede Jean-Marc Padovani. Lithographiesimprimées par Patrice Forest, éd. ITEM,Paris. Composition en Garamond etimpression du texte réalisées par GérardLefèvre sur les presses de l’Association« Hommes de plomb, Hommes delumière » à Cahors. Christiane Laurain

Médiathèque de Cahors,Christiane Laurain, Tél. 05 65 20 38 50

Poèmes à l’autre moiprécédé deLa Joie des sept couleurset suivi deMa morteet deLa Panthère noirePierre Albert-BirotGallimard, 300 p. 8,80 €La prestigieuse collection Poésie/ Gallimardfait enfin sa place à Pierre Albert-Birot, poèteprotéiforme et singulier, aux côtés de ceuxdont il initia ou partagea l’effervescente

modernité, commeApollinaire ou Reverdy.Le volume déploietoute la richesse d’unepoétique où se mêlentcréation et célébration,lyrisme et réalisme,

invention burlesque et quête existentielle.Avec La Joie des sept couleurs, le monde estlà, riche et ludique, à nous en faire perdre latête : calligrammes, à lire à l’endroit et àl’envers ; lignes horizontales ou verticales ;typographies en folie. Avec Ma morte, lepoème se fait petit tombeau, et la pageépitaphe enserre d’un double trait noirl’élégie contenue de la douleur. Les Poèmesà l’autre moi nous confrontent à notreinfinie finitude – « Vous qui n’êtes qu’unchacun frôlez dans ces poèmes l’Universque vous êtes » –, tandis que La Panthèrenoire, écrit à la veille de la Seconde Guerremondiale, fait s’élever, terrible et essentielle,la voix du poète prophétique. JoëllePagès-Pindon

L’Adoptiondu système métriquePoèmes 1999-2003Jacques RédaGallimard, 2004, 124 p. 11 €Nul formalisme dans cette maîtrise de laforme et quelle liberté dans le mélange desthèmes et des tons ! Quel plaisir aussi detrouver à ce poète une complicité avecceux que j’aime ! Croyant « à l’éternité »

mais se préparant à« l’emploi durable dedéfunt », Réda clignede l’œil à Hugo dont ilne diverge que parl’éloignement de lapolitique. Hugo aspirait

à « tout sonder » ; Réda à « tout voir et toutdécrire ». Hugo imaginait « un dieu aveuglecréant des soleils » ; lui nous considèrecomme la « mémoire d ’un d ieuresplendissant d’oubli ». Il rejoint Prévertdans le refus des lieux communs – « C’étaittoujours mieux autrefois / Mais non, c’étaitcomme aujourd’hui, voyons » – ou desidées convenues: la lectrice de marbre blancdes Arènes de Lutèce n’attend qu’une mainsur la sienne pour foutre le camp. Et les« Marronniers, place Fontenoy » de Réda,qui, « Un soir désert », l’ont tenu « trèsdoucement / Comme une main d’ombre »

me rappellent, dans le « Dimanche » dePrévert, les « arbres de la rue des Gobelins »entre lesquels une statue de marbre leconduisait « par la main ».

Arnaud Laster

SéquellesLaurine RousseletDumerchez, 2005, 80 p. 17 €Séquelles se compose de huit parties sousune couverture dessinée par VladimirVelickovic. Tout est rapide ici, et battant,pour recueillir au plus juste le tracé de la

pulsation, donc, bref,incisif, passionnémenttaillé dans le vif. Pasd’autre règle que cetajustement soucieuxde réunir dans unemême scansion leverbe et la perception,

le premier écorchant la seconde pourrestituer la vibration nerveuse au lieu del’imager. Aucune complaisance poétique,mais des raccourcis, des collisions, quidéroutent d’abord, puis qui déclenchentun fracas mental obligeant à réviser saposition de lecteur. Il faut ainsi apprendre àse laisser cribler d’éclats, « bourrasque enpleine face », afin d’entrer dans unesouffrance de la langue aussi nouvelle que –hélas ! – parfaitement représentative denotre actuelle déréliction. Bernard Noël

De saisonsMichel de SmetLectoure, 66 p. 15 €

À partir des motsNotes et remarquessur le langage de la poésieMichel de SmetÉditions Le Capucin, 2005, 58 p. 18 €Dans la cosmogonie poétique de sa Fabledu monde, Supervielle réinvente le Verbedivin. Peu à peu se dissipent les ténèbres etl’univers se donne dans sa luminescencepremière. Modeste et dubitatif, le Démiurgepasse progressivement la main, déléguantà l’Homme son monopole de la nominationdes choses. Le privilège est accablant maisjustifie l’entreprise poétique : redireinlassablement l’univers, sonder son énigme

par la concentrationrecueillie de la forme,conquérir cet au-delàde la matière verbalepar laquelle affleure leMystère. Depuis Dansnotre impertinence

(1942), Michel de Smet s’y emploie dans lasol itude de l ’orfèvre étonné de seséblouissements. Tendre et discret, cetéternel enfant né en 1912 à Gand, auteurd’une vingtaine de recueils, est un de nosmeilleurs rajeunisseurs du monde.Dans la temporalité anhistorique du poème,c’est l’aventure entière de la vie qui s’incarne,traquant l’absolu rétif dans des architecturestoujours particulières et recommencées.Cette poésie qui cherche à comprendre laprésence énigmatique au cosmos tend àune extrême économie de moyens.D’une simplicité vertigineuse, elle est enmême temps accueil en soi de l’altérité,transparence et célébration, ronde des jours,parole De saisons. La nature recouvre savirginité primordiale, signe de l’Alliance entrel’homme et les éléments.À partir des mots, harmonique fragmentaireet aphoristique du créé, livre le moded’emploi de la création selon M. de Smet,clarification murmurée des turbulences,avènement entraperçu d’une unité dans lepluriel confondant du moi et de sesmoissons saisonnières.

François-Jean Authier

●●●

28 avril-15 aoûtMédiathèque Jacques Prévert14160 Dives sur Mer« Projet Robinson »Envoyer petites nouvelles ou poésie(8 pages) (02 31 84 77 55)

Du 14 mai au 16 octobreRencontres L’Atelier du Guééditeur et la revue BrèvesEn particulier :25-31 juillet : LodèveVoix de la Méditerranée14 août : Fanjeaux Marché du livre

Printemps (2) –été – automne Ventabren Art Contemporain,13122 VentabrenLa fin du VAC - ADIEU VAC 29 mai : vernissage expositionde Claudio Francia, du mouvement« Poesia Visiva » 26 juin : Une révélationsur les révélations du Grand Océanpar Jules Hermann (1846-1924),Lolita Monga, Barbara Robert,Christian Floy Jalma, NicolasGéraudou, Stéphane Gilles,Laurant Sergelstein,Patrice Treuthardt& Antoine du Vignaux.4 septembre : Les Marseillaises :L’art au féminin, artistesplasticiennes et poétessesde Marseille. Dominique Cerf,Liliane Giraudon,Frédérique Guétat-Liviani,Catherine Laville, Claudie Lenzi,Marina Mars - Michèle Sylvande

JuincipM, 13236 Marseille Cedex 02www.cipmarseille.com3 juin 19 h : Soirée des Usagersdu cipM avec Jean-François Bory,Patrice Luchet, Cyrille Martinez,Caroline Deseille.4 juin 19 h : Lectures de jeunesauteurs de la région. La revue« Petite » (juin 1995-juin 2005)

10 juin 19 h : Lectures deYves Boudier, Florence Pazzottu,Elke de Rijcke, Caroline Sagot-Duvauroux, Christiane Veschambre.À l’occasion du dernier numérode la revue MarseillaiseColloque « Internet & Poésie »17-18 juin : Inauguration dela nouvelle version du site du cipM,www.cipmarseille.com

3-9 juinEn Limousin (19, 23, 87)(05 55 77 48 [email protected] blanche à Georges-EmmanuelClancier à Bellac, Brive, Châlus, Isle,Limoges, Saint-Étienne de Fursac,Saint-Yrieix-la-Perche,Vicq-sur-Breuilh.

9-19 juinChapiteau de la compagnieJolie Môme, 38600 Fontainewww.cie-joliemome.org Jacques Prévert, La Crosse en l’air

11 juinBibliothèque,77260, La Ferté-sous-JouarreFestival à voix vives Zéno Bianuet Jean-Luc Debattice,Le Battement du monde

11 juin - 28 aoûtCentre d’Art et de Littérature,08150 L’ÉchelleExposition André-Pierre Arnal,Présentation de ses livres d’artistes11 juin 19h00, vernissage20h30, rencontre-lecture(Guy Goffette, Muriel Verstichen)

13 juinLibrairie Équipages,60, rue de Bagnolet, 75020 Paris20h30 : Huitième saisondes Lundis de Grabinoulorde Pierre Albert-Birot,avec la compagnie Antoine Girard(La Chair des mots).

15-19 juinMaison de la Poésieet de la Langue Française, Namur(Belgique)Festival internationalde Poésie Wallonie-Bruxelles(vingt-sept poètes des paysdu monde arabe.Poètes belges, francophoneset flamands.Poètes du monde entier.

18 juinCentre d’Art et de Littérature,08150 L’Échelle20h30 : Laurine Rousselet,Mémoire de Sel, lecture bilingueavec Abdelhadi El Rharbi (luth)et Omar Abou Afach (alto)

19-21 juinChâteau de MukkulaLahti, Finlandewww.mukkula.orgRéunion internationale d’écrivains.Soirée poésie ouverte au public

23-25 juinP.E.N. Club, Ambassade suisse,Paris Rencontres avec des poètesde la Suisse romande

25-26 juinAbbaye d’Ardenne/Imec, 14280Saint-Germain la Blanche Herbe02 31 29 37 37Midi-minuit « Flaubert »

30 juin - 2 juilletUniversité FU, Berlin Table ronde d’écrivainsfrancophones: « Canon nationalet constructions identitaires.Les nouvelles littératuresfrancophones ». Nabile Farèset Suzanne Dracius y dédicacentHurricane, cris d’insulaire, Desnel

2 juilletChapiteau la compagnieJolie Môme, Billom (63160)www.cie-joliemome.orgCabaret Légitime Colère

4-5 juilletThéâtre en plein air,30300 BeaucaireOff AvignonCharles Gonzalès devient Teresade Avila, de et par Charles Gonzalès

7-10 juilletCRL de Franche-Comté[email protected] ://crlfranchecomte.free.fr Les Petites Fêtes de DionysosLa musique des mots, les motsde la musique. Arbois, Montigny-les-Arsures, Salins-les-Bains (Jura) Écrivains invités : Marc Blanchet,Francis Marmande, Pierre Michon,François Migeot, Yves Ravey,Jacques Rebotier.Avec Marie-Christine Barrault,Sylvie Malissard, Didier Bezace,François Marthouret.

MARCHÉDES INFOS

●●●

À paraîtreseptembre 2005

Gustave Roud / Gérard Titus-CarmelFranck Venaille / François Boddaert

125 x 175 mm 62 p. 11 €

Page 15: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur

NUMÉRO 5 été 2005 15

Viola tricolorPierre GarnierEditions En Forêt / Verlag Im Wald, 2004(bilingue français/allemand) 10 €Pierre Garnier est poète comme un chêneest chêne. Irrécusablement naturelle, sapoésie entraîne dans ses méandres les fluxmêlés de l’Histoire, de l’intime, du cosmique.Elle est à chaque fois d’une évidente beauté,

réenchantant lesépousailles des motset du monde avec legeste initiatique dusourcier : « Je lis le Acomme une huître /la mer est là. » Que

nous dit cette « chronique » ? Que, dans lamarche du monde dont le poète n’ignoreaucune des horreurs, un autre temps esttapi. Peut-être un trésor d’amour? Toujoursplus épuré, le regard de Pierre Garnierconsiste à cerner aussi bien qu’à dessinerce joyau sans rien omettre des irisationsqu’il produit à la surface des choses. C’est àce prix que la beauté du monde – âpretéscomprises – nous est habitable. Et c’esttout le prix de celui qui, enfant, « est népoète avec l’intelligence scintillante / de lacraie ».

Jean Miniac

Au-delà de la voixPierre-Yves SoucyLe Taillis Pré, 2003, 96 p. 12 €Pierre-Yves Soucy vient de recevoir le prixLouise ce l ivre dense , paradoxa l ,énigmatique, quelque chose comme uncristal où la lumière ferait des ombres. Plutôtqu’un recueil, un livre qui interroge l’acte

poétique et désignel’exigence du poète :une exigence sansconcession qui faitchercher le poème au-delà de l’illusion, au-delà même de la voix

qui pourtant porte le poème, au-delà desmots qu’elle distribue, au-delà, on le devine,de tout ce qui s’apparenterait à dessatisfactions à bon compte. Propos un peuaustère, mais cette quête est menée dansde courts poèmes frémissants dont le chantest tenace, l’économie savante. Peu de mots,peu d’effets, mais aussi une aération qui endessine les motifs contrapuntiques et enrend la lecture plurielle, cependant que s’ymurmure une reddit ion souventémerveillée à ce qui est et que l’éphémère,dès l’épigraphe, y est donné comme celaseul qui compte. Gabrielle Althen

La Parole TestamentUmar TimolL’Harmattan, 2003 10 €

SangUmar TimolL’Harmattan, 2004 9 €Timol jeune poète francophone mauricien,vit entre diverses langues : créole, arabe,gujurati, anglais et français pour la poésie. Ilsculpte ses phrases au rythme de son

exaltation pour « fairesurg i r le magmapoétique qui m’habiteet me hante ». En verscourts ou en longuesphrases, sa « paroleincantatoire » court, sedéploie, se resserrecomme les flammes

d’un brasier où brûlent l’adoration de lafemme, sa rage contre l’image de l’îleMaurice « apprivoisée / par le mimétismefanatique des ailleurs ». La révolte devant« la mécanique détraquée des inégalités »lui arrache des néologismes tirés en rafales.

Timol assume sa posture: « je contorsionnela grammaire perverse », quant aux mots, ilveut « les soudoyer, les malmener, lesdépoussiérer ». Il nous offre une poésiepleine de ferveur, d’injonction, d’imagesaudacieuses.Partons avec lui pour « une île / la mêmemais une autre / île-couleurs / celle / quipléiade les cantates du divers ». Timolcommence à être connu comme poète àMaur ice où i l est par a i l leurs chefd’entreprise. Il écrit aussi des aphorismescar, dit-il, « l’écriture est ma douce et violenteobstination » : douce et violente obligationpour chacun de partir dans cette écritureindianocéanique.

Dominique Ranaivoson

Au Cabaret de l’éphémèreAndré VelterGallimard, 2005, 194 p. 13,50 €Ce Cabaret de l’éphémère s’ouvre par untexte en prose adressé à Eurydice. Bravantles dieux, le poète se retourne plusieurs foisvers la femme perdue, seul moyen, sansdoute, de la rejoindre. Les poèmes d’AndréVelter suggèrent qu’il faut aller au-delà desinterdits et des idées reçues, au-delà desfrontières et des escarpements, partir en

voyage pour échapperà la torpeur deshabitudes. S’amuserau Cabaret del ’éphémère , c ’estprofiter de chaqueinstant comme s i

c’était le dernier, jouir d’un éclat de soleilfou, d’un moment de ciel pur ou du souffledes étoiles. En proie à des insomnies, levoyageur est un dormeur éveillé qui, touten restant lucide, élargit l’espace eninventant des mondes, se joue du tempsen ne le comptant plus. La vie prend laforme d’une danse effrénée au rythmed’une musique intérieure que le rythmedes mots nous fait entendre. Ce besoinfrénétique de vivre s’accompagne d’amour,de fraternité, d’une générosité qui semanifeste, par exemple, dans le courtpoème où celui qui dit « je » a « tué parmégarde / un petit scorpion noir » et al’impression d’avoir entendu sous sa semelle« l’exact craquement de [son] cœur ». Danièle Gasiglia-Laster

Œuvre inamissibleTarah XaintorxareArcam, 2004, 80 p. 10 €Il y a du plaisir du texte – notamment dansles titres placés à l’index du recueil – cequ’on ne peut perdre, telle la foi des élusselon la plaisante et feue Théologie – etl’auteur en serait-il un ? – est-ce que t’écris(comment q’tu t’appelles dès la Maternellebêtifiée), un groupe de japonaises, maisitaliennes, exploit sexuel : du premier coup,ou bien nuage blessé dans sa chute (commedu Magritte) – coccinelle posée sur

ballerine –, nous deuxqui n’en aura rêvé?) ettoutes les heures, parexemple celle de lacr i se mora le / sedétendre dans l’eauminérale . Ce neufpoète au nom

estonien nous propose une œuvre debadinage : la fille de Rimbaud / toutedémaquillée (poésie mise à nu), de refusthéorique : tout bourgeois désœuvré estun philosophe-poète, autant que de mœursusuelles : la vie normale / simulacregénéralisé et des inconsciences pratiques :comment faire pour ne pas refaire ? Unton là rappelle Toulet ou Cros. La moralede cet effort ? Galériens, il faut ramer.

Jude Stefan

●●●

8 juillet - 3 septembrecipM, 13236 Marseille Cedex 02www.cipmarseille.comExposition « Dix-sept artistesà 17 ans »Arman, J.-P. Bertrand,P. Bloch, F. Bouillon, D. Buren, Dado,P.-A. Gette, J. O. Hucleux, J. Le Gac,F. Morellet, M. Novarina, G. Pane,J.-L. Parant, A. Raffray, Sarkis, Titi,B. Venet, C. Zagari, et deux invitéssupplémentaires : Y. Klein et César.Présentation Kristell Loket ;lectures J.-P. Bertrand, P.-A. Gette,B. Heidsieck, J.-L. Parant.

11-18 juilletChâteau de Cerisy la Salle 5021002 33 46 91 66Colloque : « Bernard NoëlLe corps du verbe »,direction Fabio Scotto

14 juillet - 21 aoûtRencontres d’été à Houlgate14510 Compagnie P.M.V.V le grain de [email protected] 31 28 52 56« Au lapin à Gill »par le Théâtre-Poème de Bruxelles. Autour de A. Allais,P. Albert-Birot, H. C. Andersen,Z. Delise, R. Dubillard, J.-L. Ézine,F. Fénéon; J.-L. Maunoury,O. Mirbeau,J. Tardieu, J. Verne.

15 juillet - 4 aoûtMusée Zadkinerue d’Assas, 75006 ParisLectures d’été à 19h. 15 juillet : Virginie Lalucq21 juillet : Éric Giraud28 juillet : Véronique Pittolo4 août : Jean-Charles Depaule.

15 juillet - 13 aoûtBibliothèque municipale,14750 Saint-Aubin-sur-mer02 31 96 72 14Jean Follain, mine de rien...,exposition, conférences, film

15 juillet - septembreComus Momusdans le Nivernais 58 01 42 02 22 49 – 03 86 60 25 29Festival Passé-Présent.« La Muse nivernaise »

4-30 aoûtScènes à Seneffe (Belgique) Huitième festival-atelierd’auteurs par le Théâtre-Poèmede [email protected]

24-28 août29242 Ile d’OuessantSalon du livre insulaire :lectures en musique et dédicacesde Hurricane, cris d’Insulairespar Jean-Paul Ferrec,Suzanne Dracius et Kama Kamanda.

28 aoûtCentre d’Art et de Littérature,08150 L’Échelle14h00 : Lecture en jardinavec Yves Jouan

10 et 11 septembreLes Poétiques en Loire-Atlantique44170 [email protected]ètes invités : Ludovic Degroote,Hubert Haddad,Philippe Longchamp,Florence Pazzottu, James Sacré,Magali Thuillier. Éditeurs présents : L’Attente,

Jacques Brémond, Cadex,Les Carnets du dessert de lune,Le Chat Qui Tousse, Cheyne, Dana,Le Dé Bleu/ L’Idée Bleue,Donner à voir, Dumerchez,Inventaire-Invention, Joca Séria,Neige d’août, Paupière de Terre,Le Petit Jaunais, Les petits classiquesdu grand pirate, Soc et Foc,Wigwam.

15 octobreFestival « À voix vives »Bibliothèquede Dammartin-en-Goële 7723018 h : Zéno Bianuet Jean-Luc Debattice,Le battement du mondeLe Prix de Poésie

des Jardinsde Talcy 2005

a été attribué àRome Deguergue

Concours organisé par le Centredes monuments nationaux

avec le soutien de la Région Centreau château de Talcy (Loir-et-Cher)

AM

BRE

NO

LEN

Page 16: Numéro 5 été 2005 - marche-poesie.com€¦ · cosmogenèse du geste saisi même dans les Éditeurs et le plan du 23 e marchÉ 8-9 bernard noËl le corps-poÈme 1 / le sÉisme crÉateur