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Le Nouvel Observateur, O France | Print 05 October 2015 Circulation: 476,538 FRIEZE ART FAIR Quand ? Du 14 au 17 octobre 2015 Où ? À Regent’s Park, à Londres Pourquoi ? Pour découvrir l’intelligentsia du monde de l’art barricadée sous une tente Texte : Valeria Costa-Kostritsky « M iami, c’est plus marrant et les fêtes sont mieux. Art Basel, plus riche et plus luxe. Brad Pitt y va pour acheter de l’art. Tu imagines l’ambiance ? Et puis, c’est plus spécialisé. Ça se passe à Bâle, en Suisse, les gens sont vraiment là pour la foire. Frieze Londres, c’est… euh… bizarre. » Une initiée du monde de l’art cherche ses mots en fixant sa coupe de champagne, dans le brouhaha d’une fête peuplée de jeunes gens bien nourris, avant de continuer : « Ça a lieu sous une tente, dans un espace qui ressemble un peu à un entrepôt. Les galeries louent des stands énormes. Il y a plein de gens fortunés qui se baladent avec leur conseiller particulier pour savoir quoi acheter. Ça m’étonne toujours, la quantité d’argent dont les riches disposent pour acheter de l’art. » Et pourtant, malgré son décor (la tente géante plantée au milieu de Regent’s Park), malgré les aléas climatiques londoniens (la pluie), Frieze Londres est devenu un rendez-vous incontournable dans le calendrier international du monde de l’art. C’est celui qui ouvre la saison artistique mondaine londonienne et constitue, pour les acheteurs et les galeristes internationaux, la première étape d’un circuit qui les entraînera jusqu’à la Fiac, à Paris. 20 RENDEZ-VOUS RODRIGO MATHEUS, « COQUEIRO CHORÃO, 2014 », COURTESY OF THE ARTIST & IBID, LONDON OUI, CE BAMBOU EST BEL ET BIEN EN LÉVITATION, GRÂCE À L’ARTISTE BRÉSILIEN RODRIGO MATHEUS.

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Le Nouvel Observateur, O France | Print

05 October 2015 Circulation: 476,538

21RENDEZ-VOUS20 RENDEZ-VOUS

FRIEZE ART FAIR

Quand ? Du 14 au 17 octobre 2015

Où ? À Regent’s Park, à Londres

Pourquoi ? Pour découvrir l’intelligentsia du monde de l’art barricadée

sous une tente

Texte : Valeria Costa-Kostritsky

« M iami, c’est plus marrant et les fêtes sont mieux. Art Basel, plus riche et plus luxe. Brad Pitt y va pour acheter de l’art. Tu imagines l’ambiance ? Et puis, c’est plus spécialisé. Ça se passe à Bâle, en Suisse, les gens sont vraiment là pour

la foire. Frieze Londres, c’est… euh… bizarre. » Une initiée du monde de l’art cherche ses mots en fixant sa coupe de champagne, dans le brouhaha d’une fête peuplée de jeunes gens bien nourris, avant de continuer : « Ça a lieu sous une tente, dans un espace qui ressemble un peu à un entrepôt. Les galeries louent des stands énormes. Il y a plein de gens fortunés qui se baladent avec leur conseiller particulier pour savoir quoi acheter. Ça m’étonne toujours, la quantité d’argent dont les riches disposent pour acheter de l’art. » Et pourtant, malgré son décor (la tente géante plantée au milieu de Regent’s Park), malgré les aléas climatiques londoniens (la pluie), Frieze Londres est devenu un rendez-vous incontournable dans le calendrier international du monde de l’art. C’est celui qui ouvre la saison artistique mondaine londonienne et constitue, pour les acheteurs et les galeristes internationaux, la première étape d’un circuit qui les entraînera jusqu’à la Fiac, à Paris.

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OUI, CE BAMBOU EST BEL ET BIEN EN LÉVITATION, GRÂCE À L’ARTISTE BRÉSILIEN RODRIGO MATHEUS.

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FRIEZE ART FAIR

Quand ? Du 14 au 17 octobre 2015

Où ? À Regent’s Park, à Londres

Pourquoi ? Pour découvrir l’intelligentsia du monde de l’art barricadée

sous une tente

Texte : Valeria Costa-Kostritsky

« M iami, c’est plus marrant et les fêtes sont mieux. Art Basel, plus riche et plus luxe. Brad Pitt y va pour acheter de l’art. Tu imagines l’ambiance ? Et puis, c’est plus spécialisé. Ça se passe à Bâle, en Suisse, les gens sont vraiment là pour

la foire. Frieze Londres, c’est… euh… bizarre. » Une initiée du monde de l’art cherche ses mots en fixant sa coupe de champagne, dans le brouhaha d’une fête peuplée de jeunes gens bien nourris, avant de continuer : « Ça a lieu sous une tente, dans un espace qui ressemble un peu à un entrepôt. Les galeries louent des stands énormes. Il y a plein de gens fortunés qui se baladent avec leur conseiller particulier pour savoir quoi acheter. Ça m’étonne toujours, la quantité d’argent dont les riches disposent pour acheter de l’art. » Et pourtant, malgré son décor (la tente géante plantée au milieu de Regent’s Park), malgré les aléas climatiques londoniens (la pluie), Frieze Londres est devenu un rendez-vous incontournable dans le calendrier international du monde de l’art. C’est celui qui ouvre la saison artistique mondaine londonienne et constitue, pour les acheteurs et les galeristes internationaux, la première étape d’un circuit qui les entraînera jusqu’à la Fiac, à Paris.

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OUI, CE BAMBOU EST BEL ET BIEN EN LÉVITATION, GRÂCE À L’ARTISTE BRÉSILIEN RODRIGO MATHEUS.

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Frieze Art Fair, le guide de survie

spécificités de Frieze, explique-t-elle, tient au fait que c’est un événe-ment qui a été créé par deux personnes qui dirigeaient un magazine, et dont la démarche était en partie éditoriale. Ça a été une des premières foires à commander des œuvres à des artistes. » Certaines de ces dis-ruptions volontaires resteront mémorables : lors de la première édition, Paola Pivi imagine une pente en gazon de cinq mètres, sur laquelle les membres de l’assistance sont invités à rouler, au mépris des normes de sécurité. L’année dernière, les Japonais United Brothers servent de la soupe faite avec des légumes récoltés à Fukushima. La foule en rede-mande. Si possible, il faut se rendre à Frieze le premier jour, journée VIP, où l’on croisera des footballeurs, de riches collectionneuses améri-caines portant colliers de perles et des princesses orientales, ainsi que des artistes et des journalistes. On y a vu Zaha Hadid vêtue d’un poly-gone de sa fabrication, la chanteuse Kelly Osbourne, l’artiste Grayson Perry et l’oligarque Alexander Lebedev.« En fait, certains collectionneurs ont même accès à la foire avant la journée VIP, mais ils reviennent. Tu entends les gens parler d’argent très fort et marchander pour des sommes phénoménales », raconte une habituée. À presque 500 livres le mètre carré et 150 galeries qui exposent, la foire est aussi un business juteux pour ses organisateurs. Cette année, on est curieux de voir à quoi ressemblera le stand de la galerie parisienne Kamel Mennour, qui vient pour la première fois à Frieze et expose le travail de la plasticienne Camille Henrot, dont la vidéo Grosse Fatigue a reçu le Lion d’argent à Venise en 2013. On se glissera peut-être dans la réplique de la grande tente centrale ima-ginée par l’Américaine Rachel Rose, lauréate du prix Frieze récom-pensant un jeune artiste (elle expose bientôt au Whitney Museum et à la Serpentine Gallery), pour y expérimenter les perceptions d’un… lapin. On guettera l’installation de l’artiste brésilien Tunga : des jumelles liées par leurs longs cheveux, qui devraient se promener à travers la foire. Et on profitera de ce séjour londonien pour prolon-ger l’expérience artistique en se rendant à l’exposition consacrée au Sud-Africain William Kentridge à la galerie Marian Goodman, et dans le Turbine Hall du Tate, investi par le Mexicain Abraham Cruzvillegas. Puis, à Frieze Masters, on ira regarder les billes romaines exposées par la galerie française Chenel. Pour le Francis Bacon à 2 millions, on repassera, mais, qui sait, il y aura peut-être un fragment de statue médiévale qui sera dans notre budget ? •

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PRÉVOIR UN PORTE-MONNAIE CONSÉQUENT

« C’est plus cher qu’un ciné, mais moins cher qu’une place de théâtre »,comme le dit Victoria Siddall, la patronne de

l’événement. Le ticket pour Frieze coûte 34 livres, le ticket groupé

pour Frieze Masters 50 livres, et le ticket nocturne 16 livres. Il faut donc compter une cinquantaine d’euros par personne pour visiter les lieux.

02

CHOISIR SA TENUEIl faut être habillé, très habillé, à toutes les heures du jour. Et vous

finirez peut-être dans un diaporama des meilleurs looks de Frieze. D’après une experte, « dans le monde de l’art, les femmes portent généralement un détail super laid et super visible qui

met en valeur une partie de leur corps. C’est “Regardez ce collier énorme”, ou “Regardez mon épaule révélée par cet

horrible haut asymétrique” ».

03

SAVOIR RECONNAÎTRE LE PLUS FOU DES HABITUÉS

Parmi l’élite londonienne, il sera aisé de repérer Grayson Perry, l’artiste anglais le plus sympathique et le mieux habillé (il se déguise parfois en « Claire », son alter ego poupée). On lui doit l’émission

In the Best Possible Taste (Channel 4), sur le bon goût et les classes sociales,

où il éviscérait la frilosité esthétique de la classe moyenne britannique.

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À NE PAS RATER AUSSIL’exposition inaugurale de la nouvelle galerie de Damien Hirst, la Newport Street Gallery. Au sud de Londres, l’espace de 37 000 mètres carrés

expose des pièces provenant de son importante collection personnelle.

Tout est financé par l’artiste et l’entrée est gratuite. « Qu’ai-je fait ? J’ai créé un

monstre », déclarait-il récemment au Guardian. Ce musée marque peut-être

une tentative de rédemption.

BAD DREAMS , LES MAUVAIS RÊVES DE

CAMILLE HENROT, S’EXPOSENT À

FRIEZE LONDRES.

Il semble que si ses fondateurs, Amanda Sharp et Matthew Slotover (qui se sont rencontrés dans une bar mitzvah quand ils avaient 13 ans avant de devenir amis et associés), avaient eu dans l’idée de se lan-cer dans une entreprise de domination mondiale, ce serait bien parti. Ils créent Frieze Magazine en 1991, alors que la jeune garde artistique britannique est en pleine effervescence – un papillon de Damien Hirst fait la couverture du premier numéro – et lancent Frieze Art Fair en 2003, trois ans après l’ouverture du Tate Modern, qui a fait de Londres un passage obligé pour les amateurs d’art contemporain. En 2012, le pendant new-yorkais de la foire londonienne est lancé, ainsi que Frieze Masters : à deux pas de la tente principale, les visiteurs découvrent un espace plus calme consacré à des œuvres antérieures à 1999. Peut-être l’occasion de constater que l’art contemporain est surévalué, au détri-ment de l’art ancien ?Victoria Siddall, qui nous reçoit dans les bureaux londoniens de Frieze, à Shoreditch, a d’abord lancé Frieze Masters avec succès. « Son nom, écrivait Vogue à l’époque, est sur toutes les bouches arty couvertes de Nars Orange. » Cette année, elle a pris la tête de la foire londonienne et new-yorkaise, pendant que ses fondateurs « explorent de nouveaux business ». Élégante dans un costume noir, Miss Siddall pourrait se glisser dans un James Bond sans difficulté, entre un thé avec des col-lectionneurs au Claridge’s et un jet privé pour New York. « L’une des

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