5

Click here to load reader

O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

46 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013

MISE AU POINT

Les formes “sémantiques” des aphasies primaires progressives : variant sémantique et démence sémantiqueThe semantic types of primary progressive aphasia: semantic variant and semantic dementiaO. Moreaud*

* CMRR et neuropsychologie, pôle de psychiatrie et de neurologie, CHU de Grenoble, et laboratoire de psycho-logie et de neurocognition, CNRS UMR 5105.

L’ aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation

progressive de troubles du langage de nature aphasique (1). Ce syndrome est sous-tendu par des affections neurodégénératives : dans deux tiers des cas, il s’agit de lésions de dégénérescence lobaire frontotemporale (DLFT), et dans un tiers

des cas de lésions de type maladie d’Alzheimer (MA) [2]. Depuis l’individualisation du syndrome par M.M. Mesulam et al. en 1982 (3), différentes formes cliniques ont été décrites. Mais ce n’est qu’en 2011 que des critères diagnostiques consen-suels ont été établis (4). Ces critères formalisent le diagnostic de l’APP en tant que syndrome, en reprenant les critères établis par M.M. Mesulam et al. en 2001 (tableau I). Ils proposent ensuite de distinguer 3 formes cliniques d’APP :

➤ la forme non fluente/agrammatique (APNFA ; anciennement AP non fluente) ;

➤ la forme sémantique (AS) ; ➤ la forme logopénique (AL).

La distinction de ces 3 formes a d’abord un intérêt pratique, puisque les troubles présentés par les patients sont différents, perturbent des processus linguistiques différents et donc relèvent d’une prise en charge orthophonique spécifique. Elle a ensuite un intérêt théorique, puisque les affections sous-tendant chaque syndrome semblent diffé-rentes : la majorité des APNFA sont secondaires à une taupathie, alors que les AS sont liées à une TDP-43pathie et les AL à une MA.Notre propos se focalisera sur la forme sémantique d’APP, car son individualisation est récente, et ne va pas sans poser problème, notamment dans ses rapports avec le tableau de démence sémantique (DS) [5, 6].

Tableau I. Critères diagnostiques des APP (1).

• Début insidieux et aggravation progressive– d’un manque du mot ou de troubles de la compréhension– dans le discours spontané ou dans l’examen formel du langage

• Toutes les limitations des activités de la vie quotidienne doivent être expliquées par le trouble du langage– pendant au moins 2 ans

• Langage prémorbide normal– dyslexie développementale possible

• Absence (les 2 premières années)– d’apathie, de désinhibition– d’oubli des événements récents, de troubles visuospatiaux, de déficit de la reconnaissance visuelle– de troubles sensorimoteurs

• Possible– acalculie– apraxie idéomotrice

• Après 2 ans– l’aphasie reste au premier plan même si d’autres symptômes apparaissent– l’aphasie évolue plus vite que les autres déficits

• L’imagerie exclut une cause spécifique

Page 2: O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 47

Points forts » Les critères de diagnostic des aphasies primaires progressives ont été actualisés en 2011. » Ces critères distinguent un variant sémantique dont la caractéristique principale est un trouble

de la compréhension du mot isolé. » Ce variant sémantique constitue un mode de début fréquent de la démence sémantique, avant que le déficit

d’identification visuelle et les troubles sémantiques globaux s’installent. » Ces 2 syndromes sont liés à une pathologie neurodégénérative de type TDP-43pathie, et affectent

principalement les lobes temporaux. » Une prise en charge orthophonique facilite le maintien des connaissances et de la compréhension

et favorise la communication avec les proches.

Mots-clésAphasie primaire progressiveVariant sémantiqueDémence sémantiqueTDP-43

Highlights » New criteria for the diag-

nosis of primary progressive aphasia (PPA) have been published in 2011.

» These criteria propose that a new form of PPA, the semantic variant (SPA), is characterized by an impaired comprehension of isolated words.

» The semantic variant is a frequent mode of onset of semantic dementia (SD), before the appearance of visual iden-tification deficit and global semantic impairment.

» SPA and SD are the results of neurodegenerative disor-ders affecting TDP-43 protein. Lesions are mainly located in temporal lobes.

» Speech therapy facilitates maintenance of semantic knowledge and word compre-hension, and makes commu-nication with relatives easier.

KeywordsPrimary progressive aphasia

Semantic variant

Semantic dementia

TDP-43

Épidémiologie

Sur un plan épidémiologique (7), il s’agit d’affec-tions rares, débutant le plus souvent entre 50 et 70 ans, évoluant sur une douzaine d’années avant qu’un tableau de démence plus global s’installe. En France, on estime à une centaine de cas annuels la prévalence de la DS (dans lesquels on peut inclure les AS). Il s’agit le plus souvent d’une affection non familiale. L’examen neurologique est normal, mais il peut montrer parfois des signes parkinsoniens. Curieusement, alors que les lésions sont similaires, l’association à une sclérose latérale amyotrophique (SLA) est exceptionnelle.

Forme sémantique d’APP

Comme toutes les APP, l’AS doit d’abord répondre aux critères de l’APP, à savoir que les troubles du langage sont au premier plan, notamment en début d’évolution, et expliquent les difficultés rencon-trées dans les activités de la vie quotidienne. Ils ne doivent pas s’accompagner (au moins initialement) de troubles de la mémoire épisodique, de troubles de la mémoire visuelle, ni de troubles visuo perceptifs. Enfin, ils ne doivent pas être expliqués par une affection non dégénérative ou un trouble psychia-trique.Selon les critères de 2011, les symptômes principaux de l’AS sont le manque du mot et les troubles de compréhension du mot isolé (tableau II). Le manque du mot de l’AS a des caractéristiques précises (8). Il touche essentiellement les noms, les verbes étant préservés. Lorsque le mot n’est pas évoqué, les facilitations classiques, par le contexte ou l’ébauche phonémique, ne permettent pas au patient de récupérer la forme phonologique recherchée. Cette forme n’est pas non plus retrouvée en choix multiple, et, lorsque le mot est proposé au patient, il n’est pas reconnu. On retrouve un effet de fréquence significatif, les erreurs portant toujours en majorité sur les items de basse fréquence. Un autre trait carac-téristique est l’absence de variabilité : les déficits sont constants dans le temps et portent sur les mêmes items. Les troubles de la compréhension portent sur les mêmes mots qui ne sont pas dénommés et sont

soumis au même effet de fréquence et à l’absence de variabilité.D'après les critères de 2011, ce trouble peut être isolé, mais il constitue souvent la manifestation la plus précoce et la plus visible d’un trouble sémantique plus général, affectant globalement la reconnaissance des objets et des personnes, ce qui en fait un mode de début de la DS. Certains auteurs considèrent même que tous les patients présentant une AS ont un trouble global de la mémoire sémantique (9), et, il y a 20 ans déjà, la prépondérance des troubles du langage dans la DS était signalée (10). Il a néanmoins été montré, par une étude de cas détaillée et par le suivi sur plusieurs années de plusieurs patients, que l’AS pouvait rester isolée, sans s’accompagner d’un déficit sémantique généralisé (11). Dans ce cas, les connaissances présémantiques − évaluées par une épreuve de décision lexicale ou des épreuves évaluant les connaissances partielles préphono-logiques − sont altérées, alors qu’elles restent préservées chez les patients atteints de DS, ce qui suggère que le déficit se situe au niveau du lexique et non au niveau du système sémantique.La dysgraphie et la dyslexie de surface, la préser-vation de la répétition, et l’absence d’agrammatisme et de troubles moteurs du langage, sont considérées comme des critères accessoires. La présence en imagerie d’une atrophie ou d’un hypométabo-lisme temporal antérieur est un critère en faveur du diagnostic.

Tableau II. Critères de diagnostic de la forme sémantique d’APP (4).

Diagnostic clinique

• Présence des 2 signes suivants– manque du mot en dénomination sur confrontation visuelle– troubles de la compréhension du mot isolé

• Associé à au moins 3 des 4 signes suivants–  perte des connaissances sur les objets, particulièrement pour les items de basse fréquence

ou peu familiers– dyslexie ou dysgraphie de surface– préservation de la répétition– préservation de la grammaire et des aspects moteurs du langage

Diagnostic conforté par l’imagerie

Les 2 critères suivants doivent être présents• Diagnostic clinique positif• L’imagerie doit montrer au moins 1 des signes suivants– atrophie prédominant au niveau temporal antérieur en IRM– hypoperfusion ou hypométabolisme en SPECT ou en TEP prédominant au niveau temporal antérieur

Page 3: O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

48 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013

MISE AU POINT Les formes “sémantiques” des aphasies primaires progressives : variant sémantique et démence sémantique

Démence sémantique

Le terme de DS a été employé pour la première fois en 1989 par J.S. Snowden et al. (12) pour décrire des patients souffrant d’une aphasie fluente associée à un déficit de mémoire sémantique altérant l’identi-fication des objets et des personnes. Les critères de diagnostic les plus utilisés sont ceux de D. Neary et al. (tableau III) [13], qui font de la DS une forme clinique de DLFT. Ces critères considèrent la DS comme l’asso-ciation d’une AS, définie par un discours fluent et vide, la présence de paraphasies sémantiques et d’une perte du sens des mots, et une agnosie associative, définie comme un trouble de la reconnaissance de l’identité des visages familiers ou de la reconnaissance des objets (non explicable par un trouble perceptif). Curieusement, ces critères considèrent que le trouble

verbal et le trouble visuel peuvent être dissociés et survenir indépendamment l’un de l’autre, et font du trouble de la mémoire sémantique un critère accessoire, alors que ce devrait finalement être ce qui définit la DS.Pour tenter de clarifier ces points, nous avons publié en 2008, sous l’égide du Groupe de réflexion sur les évaluations cognitives (GRECO), des critères de diagnostic en français (encadré) [14]. Ces critères supposent que la DS est un trouble généralisé des connaissances sémantiques, perturbant globalement la reconnaissance des objets et des personnes, quelle que soit la modalité d’accès (nom, image, bruit, odeur, etc.), même s’il est fréquent que l’atteinte verbale soit au premier plan en début d’évo-lution. Afin de distinguer la DS de l’AS sans trouble généralisé de la mémoire sémantique, nous avons distingué des formes typiques (DS) et des formes atypiques (AS, mais aussi trouble isolé de l’identi-fication visuelle sans atteinte à partir du nom). De nombreux critères d’exclusion ont été proposés, et l’imagerie est un des critères du diagnostic.

AS et DS en pratique

Il est assez aisé d’évoquer le diagnostic d’AS et de DS. Spontanément, les patients se plaignent de difficultés à trouver les mots et/ou les noms de personnes. Alors que leur discours est fluent, on constate en les écoutant que, effectivement, ils cherchent certains mots ou noms, et ont tendance à commettre des paraphasies sémantiques. Ils interrompent fréquemment l’interlo-cuteur parce qu’ils ne comprennent pas un mot (par exemple, lorsqu’on leur fait passer le Mini-Mental State Examination [MMSE], ils peuvent ne pas comprendre ce que signifie le mot “saison”). On va donc leur proposer une épreuve de dénomination par confrontation visuelle, qui permet d’authentifier le manque du mot, qui n’est habituellement pas facilité par le contexte ou l’ébauche phonémique. De plus, la proposition du mot en choix multiple peut ne pas aider le patient, qui peut rester perplexe lorsqu’on lui donnera la bonne réponse ; il a même parfois l’impression de ne jamais avoir entendu le mot. Il est préférable d’utiliser des mots de basse fréquence, comme des noms de fruits ou d’animaux exotiques, car le manque du mot de l’AS et de la DS est sensible à l’effet de fréquence (un patient, par exemple, comprendra et dénommera le mot “chat” ou “pomme”, mais pas le mot “girafe” ou “ananas”). Lors de l’épreuve de dénomination, on pourra aussi observer d’éventuelles difficultés à identifier l’item proposé (par exemple, une “ancre” ne

Tableau III. Critères cliniques pour le diagnostic d’AS et d’agnosie associative (DS) : profil clinique (13).

Le déficit sémantique (trouble de la compréhension du sens des mots et/ou de l’identité des objets) est dominant dès le début et tout au long de l’évolution de la maladie. Les autres aspects de la cognition, y compris la mémoire autobiographique, sont intacts ou relativement bien préservés.

Caractéristiques nécessaires au diagnostic

A. Début insidieux et évolution progressive

B. Trouble du langage caractérisé par– discours spontané fluent, vide, progressif– perte du sens des mots, se manifestant en dénomination et en compréhension– paraphasies sémantiques et/ou

C. Trouble perceptif caractérisé par– prosopagnosie : trouble de la reconnaissance de l’identité des visages familiers et/ou– agnosie associative : trouble de la reconnaissance de l’identité des objets

D. Préservation de l’appariement perceptif et du dessin sur copie

E. Préservation de la répétition des mots isolés

F. Préservation de la capacité de lecture à haute voix et de l’écriture sous la dictée des mots réguliers

Caractéristiques en faveur du diagnostic

G. Discours et langage– discours fluide et difficile à interrompre– usage inapproprié (“idiosyncrasique”) de certains mots– absence de paraphasies phonémiques– dyslexie et dysgraphie de surface– préservation du calcul

H. Comportement– perte de sympathie et d’empathie– préoccupations réduites– parcimonie

I. Signes physiques– réflexes primitifs absents ou libérés tardivement– akinésie, hypertonie et tremblement

J. Explorations complémentaires– neuropsychologie

• perte sémantique profonde, avec trouble de la compréhension et de la dénomination des mots et/ou de la reconnaissance des visages et des objets

• préservation de la phonologie et de la syntaxe, des processus perceptifs élémentaires, des compétences spatiales et de la mémoire au jour le jour

– EEG : normal– imagerie cérébrale (structurale et/ou fonctionnelle) : prédominance des anomalies temporales antérieures (symétriques ou asymétriques)

Page 4: O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 49

MISE AU POINT

sera pas reconnue, le patient disant ne jamais avoir vu cet objet, ou considérant qu’il s’agit d’une sorte de clé ; le contexte souvent ne l’aide pas à identifier l’objet). Lorsque ces difficultés d’identification sur entrée visuelle sont retrouvées, en association avec le manque du mot et les troubles de compréhension des mots, on se situe d’emblée dans le cadre de la DS. Si l’iden-tification visuelle est préservée, on pourra parler d’AS (ou de DS atypique selon les critères GRECO 2008). Néanmoins, la confirmation du trouble sémantique et de l’éventuelle préservation de l’identification visuelle nécessite l’utilisation de tests longs et standardisés (comme la batterie BECS-GRECO par exemple) [15]. Pour simplifier, il est donc d’usage d’utiliser préféren-tiellement le terme de DS.Il est nécessaire ensuite de s’assurer de l’absence de troubles associés, car, dans la DS (et l’AS), le trouble sémantique est isolé. On doit donc vérifier l’absence de troubles de la mémoire au jour le jour (mais attention : des troubles dans les tests de mémoire verbale sont possibles, et peuvent faire, à tort, envisager un déficit de la mémoire épisodique), l’absence de troubles du comportement pouvant faire évoquer une démence frontotemporale (DFT) comportementale, l’absence de troubles visuoperceptifs et constructifs, et l’absence de troubles phonologiques et de troubles moteurs du langage (14). L’autonomie est préservée assez longtemps dans le courant de l’évolution du syndrome, en dehors des difficultés générées par les troubles sémantiques.Si le comportement n’est pas suffisamment altéré pour parler de DFT comportementale, il est cependant fréquent d’observer des troubles du comportement dans le courant de l’évolution d’une DS (encadré). Le plus frappant de ces troubles est la tendance à l’égo-centrisme, qui fait que les patients sont totalement centrés sur eux-mêmes, incapables de tenir compte des pensées et des croyances d’autrui. Il est même parfois totalement impossible de les faire accéder à la moindre demande venant de leur interlocuteur. Ils ne semblent capables d’amorcer des comporte-ments que s’ils l’ont décidé par eux-mêmes, sans être le moins du monde influençables par autrui. Il peut pour cette raison (en association avec les troubles de compréhension) devenir difficile de leur proposer des tests. Ces troubles du comportement peuvent devenir prépondérants dans l’évolution de la DS et poser de sérieux problèmes au quotidien.L’imagerie cérébrale (IRM, SPECT, TEP) retrouve dans la majorité des cas une atrophie et/ou un hypo métabolisme temporal marqués, internes et externes, prédominant dans les régions antérieures, et asymétriques. La prédominance gauche est nette dans les cas d’AS (figure, p. 50).

La majorité des DS et des AS sont en rapport avec une TDP-43pathie. Néanmoins, certaines formes focales de MA peuvent donner le même syndrome. Il n’est pas recommandé, à l’heure actuelle, de proposer systé-matiquement l’utilisation de biomarqueurs (dosage des dérivés amyloïdes et tau dans le liquide céphalo-rachidien [LCR], marquage amyloïde en TEP), mais ces examens deviennent essentiels dans tous les proto-coles de recherche. Néanmoins, il peut être intéressant chez certains patients de préciser le diagnostic lorsqu’il y a des implications génétiques, par exemple, lorsque l’imagerie cérébrale est peu contributive, ou lorsque

Encadré. Critères GRECO de démence sémantique (14).

On peut retenir le diagnostic de DS typique chez un patient présentant les critères 1-1 à 1-31-1 Désorganisation des connaissances sémantiques

– attestée à la fois• par un manque du mot pour les objets et/ou les personnes• par un trouble de la compréhension des mots• par un déficit de l’identification des objets et/ou des personnes• comme portant autant que possible sur les mêmes objets et/ou des personnes

– s’installant insidieusement et s’aggravant progressivement1-2 En l’absence

– de troubles perceptifs, attestée par la normalité• de la copie de dessins• des performances dans les tâches perceptives

–  de déficit de mémoire au jour le jour (un déficit dans les tests de mémoire n’exclut pas le diagnostic) et de désorientation temporelle

– de réduction de la fluidité du discours–  d’altération des composantes phonologiques (i.e. arthriques et phonémiques, attestée

par la normalité de la répétition des mots, de la lecture et de l’écriture des mots réguliers) et syntaxiques du langage

–  d’altération du raisonnement non verbal, orientation spatiale, imitation de gestes, capacités visuospatiales, calcul ; un déficit dans les tâches exécutives n’exclut pas le diagnostic

– d’anomalies de l’examen neurologique – de perte d’autonomie en dehors de celle générée par les troubles sémantiques

1-3 Avec anomalies temporales habituellement bilatérales et asymétriques à l’imagerie morphologique (IRM si possible) et/ou fonctionnelle (SPECT)

La DS est atypique s’il existe2-1 Un déficit unimodal progressif attesté par

–  soit un manque du mot pour les objets et/ou les personnes et un trouble de la compréhension des mêmes mots, sans déficit de l’identification des objets et/ou des personnes (forme verbale)

–  soit un manque du mot pour les objets et/ou les personnes avec déficit de l’identification des mêmes objets et/ou personnes, sans troubles de la compréhension des mots (forme visuelle)

– si critères 1-2 et 1-3 sont respectés2-2 La présence au cours de l’évolution d’1 des signes suivants (qui doit rester discret et au second

plan)– troubles perceptifs– anomalies de la mémoire au jour le jour– anomalies de la lecture et de l’écriture des mots réguliers–  altération du raisonnement non verbal, orientation spatiale, imitation de gestes, capacités

visuospatiales, calcul– anomalies de l’examen neurologique– perte d’autonomie dépassant celle générée par les troubles sémantiques– si critères 1-1 et 1-3 sont respectés

Ils sont en faveur du diagnostic de DS, mais non indispensables•  Modifications de la personnalité et du comportement, comme : égocentrisme, idées fixes,

rigidité mentale, diminution du répertoire comportemental, modifications des goûts et habitudes (par exemple religiosité, changement de goût alimentaire), parcimonie, perte de la notion de danger

• Présence dans le discours de paraphasies sémantiques• Réduction de la fluence catégorielle plus marquée que l’atteinte de la fluence formelle• Dyslexie et dysorthographie de surface

Page 5: O. Moreaud* L’ - edimark.fr · aphasie primaire progressive (APP) est un syndrome clinique caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive de troubles du

Figure. IRM (T1 coronal) d’une patiente avec aphasie sémantique. Atrophie temporale gauche antérieure très sévère, droite discrète.

50 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013

MISE AU POINT Les formes “sémantiques” des aphasies primaires progressives : variant sémantique et démence sémantique

la clinique est douteuse (par exemple, association à des troubles de la mémoire épisodique).

Quelques éléments pour l’accompagnement

Il n’existe aucun traitement symptomatique, ni bien entendu curatif, de l’AS et de la DS. Il est néanmoins très important de diagnostiquer et de suivre ces patients, d’abord parce qu’ils sont souvent demandeurs d’une amélioration, ensuite parce que les symptômes qu’ils présentent sont difficiles à comprendre et à analyser par l’entourage, et qu’ils peuvent être source de conflits. Un des premiers objectifs de l’accompagnement est d’expliquer longuement à l’entourage ce que sont les troubles sémantiques et en quoi ils perturbent le comportement du patient.

Par exemple, un patient peut refuser de prendre une douche simplement parce qu’il ne comprend plus ce que c’est que l’eau qui coule de la douche et que c’est angoissant pour lui, alors qu’il prendra sans difficulté un bain. Il pourra accepter de manger des carottes râpées parce qu’il a l’habitude de le faire et reconnaît les carottes sous cette forme, mais refuser les carottes cuites qu'il ne reconnaît pas ; il ne s’intéressera plus qu’à la météo à la télévision parce que c’est le seul programme qu’il peut suivre visuellement sans que les commentaires aient d’importance pour comprendre. On pourrait multiplier les exemples.Il faut aussi proposer au patient des séances d’ortho-phonie. Aucun protocole n'a démontré son efficacité, mais différentes études de cas ont montré l’intérêt de la prise en charge (16). Il est essentiel de proposer au patient d’actualiser le plus régulièrement possible ses connaissances, par des associations de mots et d’images, par le travail sur les définitions des mots, car cette réactualisation favorise le maintien des connais-sances. Les connaissances sur un mot travaillé réguliè-rement pourront être maintenues plusieurs mois, alors qu’un item non travaillé sera perdu au bout de quelques semaines. Il est par ailleurs frappant de voir que les patients continuent à garder des connaissances précises (et efficaces) sur les objets de leur vie quotidienne, alors que les mêmes objets hors du contexte quotidien pourront ne pas être reconnus. Un travail identique pourra être proposé sur les personnes si le patient a des difficultés à trouver et à comprendre les noms de personnes ou à identifier les personnes. Des carnets comprenant des définitions de mots avec l’image associée, et des associations de visages et de noms (pour les personnes le plus fréquemment rencontrées) sont très utiles aux patients, qui s’en servent volontiers.La durée de la prise en charge est difficile à définir a priori. Tant que le patient est motivé, n’a pas de troubles de la compréhension trop sévères, et pas de troubles du comportement, elle peut être poursuivie. ■

1. Mesulam MM. Primary progressive aphasia. Ann Neurol 2001;49(4):425-32.2. Moreaud O. Peut-on prédire la neuropathologie d’une aphasie progressive ? Rev Neuropsychol 2011;3:227-33.3. Mesulam MM. Slowly progressive aphasia without gene-ralized dementia. Ann Neurol 1982;11(6):592-8.4. Gorno-Tempini ML, Hillis AE, Weintraub S et al. Clas-sification of primary progressive aphasia and its variants. Neurology 2011;76(11):1006-14.5. Belliard S, Bon L, Le Moal S et al. La démence sémantique. Psychol Neuropsychiatr Vieill 2007;5:127-38.6. Hodges JR, Patterson K. Semantic dementia: a unique clinico-pathological syndrome. Lancet Neurol 2007;6(11):1004-14.7. Hodges JR, Mitchell J, Dawson K et al. Semantic dementia: demography, familial factors and survival in a consecutive series of 100 cases. Brain 2010;133(Pt 1):300-6.

8. David D, Moreaud O, Charnallet A. Les aphasies progres-sives primaires : aspects cliniques. Psychol Neuropsychiatr Vieil 2006;4(3):189-200.9. Adlam AL, Patterson K, Rogers TT et al. Semantic dementia and fluent primary progressive aphasia: two sides of the same coin? Brain 2006;129(Pt 11):3066-80.10. Hodges JR, Patterson K, Oxbury S et al. Semantic dementia. Progressive fluent aphasia with temporal lobe atrophy. Brain 1992;115(Pt 6):1783-806.11. David D, Moreaud O, Charnallet A. Évaluation d’un cas d’aphasie primaire progressive fluente sans déficit séman-tique global. Rev Neuropsychol 2010;2:38-45.12. Snowden JS, Goulding PJ, Neary D. Semantic dementia: a form of circumscribed cerebral atrophy. Behav Neurol 1989;2:167-82.

13. Neary D, Snowden JS, Gustafson L et al. Frontotem-poral lobar degeneration: a consensus on clinical diagnostic criteria. Neurology 1998;51(6):1546-54.14. Moreaud O, Belliard S, Snowden JS et al. Démence sémantique : réflexions d’un groupe de travail pour des critères de diagnostic en français et la constitution d’une cohorte de patients. Rev Neurol 2008;164:343-53.

15. Merck C, Charnallet A, Auriacombe S et al. La batterie d’évaluation des connaissances sémantiques du GRECO (BECS-GRECO) : validation et données normatives. Rev Neuropsychol 2011;3:235-55.

16. Gravel-Laflamme K, Routhier S, Macoir J. Les approches thérapeutiques non pharmacologiques des troubles du langage dans la démence sémantique. Geriat Psychol Neuropsychiatr Vieill 2012 (sous presse).

Références bibliographiques