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OBSERVATIONS SUR L'ÉMAILLERIE ET SUR QUELQUES MONUMENTS ÉMAILLÉS DE L'ANTIQUITÉ AINSI QUE DU MOYEN AGE Author(s): Vallet de Viriville Source: Revue Archéologique, 14e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1857), pp. 277-291 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41744501 . Accessed: 21/05/2014 12:25 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.47 on Wed, 21 May 2014 12:25:17 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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OBSERVATIONS SUR L'ÉMAILLERIE ET SUR QUELQUES MONUMENTS ÉMAILLÉS DEL'ANTIQUITÉ AINSI QUE DU MOYEN AGEAuthor(s): Vallet de VirivilleSource: Revue Archéologique, 14e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1857), pp. 277-291Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41744501 .

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OBSERVATIONS

sot L'ÏUILMIK BT SDR OUELQUIS MONDMKNTS ÍIAILIÍS

DE L'ANTIQUITÉ AINSI QUE DU MOYEN AGE.

M. J. Labarte a publié récemment un ouvrage remarquable et qui touche à tous les points essentiels de l'art des émaux, consi- déré au point de vue de l'histoire ou de l'archéologie. Le livre au- quel nous faisons allusion a pour titre : Recherches sur la peinture en émail dans V antiquité et au moyen âge . La Revue archéologique , par la plume de M. D. d'Arcq, a consacré un article bibliographi- que à l'analyse de cette production importante (1). Je prendrai à mon tour comme une opportunité l'examen du traité de M. Labarte et je m'en servirai comme d'un cadre pour y exposer des vues ou des remarques qui me sont propres.

Cette méthode me conduira nécessairement à me rencontrer plus d'une fois avec mon savant confrère et collaborateur M. d'Arcq, auteur de cet article bibliographique. Mais de telles rencontres, heureuses pour celui qui survient au rendez-vous, n'ont, je crois, d'inconvénient pour personne. J'éviterai d'ailleurs autant que pos- sible de répéter ce qui a déjà été dit et bien dit par cet honorable critique. Tout en parcourant le même chemin, je m'arrêterai de préférence là où la diversité des appréciations laisse à celui qui glane après la moisson une sorte de nouveauté.

M. J. Labarte était déjà connu des archéologues par une très- bonne publication dont il est l'auteur, et qui parut en 1847, inti- tulée : Description des objets d'art qui composent la collection Debruge- Dumesnil, précédée d'une introduction historique. Ainsi que le titre l'indique, cet ouvrage contenait, indépendamment du catalogue, une introduction remplie de notions intéressantes sur la technique et l'histoire des arts au moyen âge. Aucun livre, jusque-là, n'avait réuni en un cadre restreint, facile à saisir dans son ensemble, et aussi convenable, des renseignements plus clairs, plus substantiels

(1) 1857, p. 692 et suiv.

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278 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. ni puisés à de meilleures sources. L'œuvre de M. Labarte obtint un succès peu commun et parfaitement mérité. En classant du premier coup l'auteur à un rang éminent parmi les antiquaires, ce succès fit espérer de lui des recherches plus étendues sur un sujet qu'il avait si heureusement ébauché. M. Labarte lui-même a eu con- science de cette sorte de mission que lui conférait l'opinion publi- que. II a repris son travail sur une plus vaste échelle, en commen- çant par l'un des chapitres les plus neufs et les plus attrayants de l'archéologie du moyen âge. De là l'ouvrage que M. Labarte a donné récemment au public.

L'auteur débute par quelques notions générales el de définition, relatives à l'émail ainsi qu'aux divers modes d'emploi ou d'applica- tion de cette substance. Il revient ensuite à une première catégorie : celle des émaux cloisonnés , qu'il regarde comme les plus anciens. M. Labarte s'étend ici sur les procédés de fabrication particuliers à ce mode, et signale immédiatement une liste des principaux monu- ments qui subsistent en ce genre. Cette énumération, accompagnée d'une description très-claire et très-précise, comprend : Io les émaux du trésor de Monza (près Milan), avec une dissertation sur la cou- ronne de fer ; 2° l'autel d'or de Saint- Ambroise de Milan ; 3° émaux cloisonnés, à Venise (avec une dissertation sur la pala d'oro); 4° émaux à Munich; 5° émaux à Vienne; 6° émaux à Aix-la-Cha- pelle ; 7° croix de Namur ; 8° châsse des rois mages, à Cologne ; 9° émaux à Paris; 10° émaux cloisonnés en Angleterre; 11° croix de la reine Dagmar; 12° émaux cloisonnés sur cuivre.

Le chapitre u, qui suit le même ordre, traite des émaux chample- vés. M. J. Labarte y range : 1° les émaux gaulois; 2° les bijoux émaillés du moyen âge, antérieurs au XIo siècle ; 3° les émaux champlevés de l'école rhénane; 4° les émaux de l'école de Li- moges.

Le troisième et dernier chapitre de l'ouvrage en offre, à propre- ment parler, la doctrine ou la partie dogmatique. Voici les titres et subdivisions de cette partie. Titre général : Historique de Vart de l'émaillerie par incrustation. I. De l'émaillerie dans l'antiquité. II. Id. dans les Gaules, à l'époque de la domination romaine. III. De l'émaillerie incrustée, dans l'empire d'Orient. IV. Id. en Italie. V. Id. en Occident. L'ouvrage se termine par un sixième et dernier paragraphe : Conclusion, dans lequel l'auteur présente une dernière fois le résumé de ses recherches et de ses vues sur la matière.

Les investigations de M. J. Labarte s'arrêtent, comme on voit, avant l'époque où l'art de Limoges se transforme pour devenir vé-

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OBSERVATIONS SUB ťÉMAILLERlE, ETC. 279

ritablement la peinture en émail, c'est-à-dire conduite au pinceau. Cependant ces mêmes mots se reproduisent dans le titre du Ihre (Recherches sur la peinture en émail), et pourraient donneruneidée inexacte de ce qu'il renferme. Ces mots, d'ailleurs, ne sont peut- être pas les termes propres que fournit notre langue pour exprimer le sujet de cette publication. L'auteur, par ces motifs, aurait pu, je crois, et pourra, dans une seconde édition, s'en tenir avec avan- tage à cette forme qu'il a déjà adoptée pour le faux titre : Recher- ches sur iémaillerie dans l'antiquité et au moyen âge.

On retrouve dans le nouveau livre de M. Jules Labarte, et déve- loppées en de plus amples proportions, toutes les qualités qui dis- tinguent son premier travail : beaucoup d'ordre et de clarté, une méthode critique excellente, dirigée par un esprit droit, judicieux et lucide, éclairée par des connaissances, les unes élémentaires et fondamentales, les autres accessoires et très-étendues.

Cette méthode consiste à prendre d'abord pour point de départ les faits, c'est-à-dire les monuments, étudiés et comparés avec sa- gacité. L'auteur interroge ensuite les documents historiques. Puis de la concordance ou de l'unanimité entre leurs témoignages et ses propres affirmations, il s'attache à faire ressortir la preuve ou la démonstration de ces dernières. Un pareil mode de procéder, quand bien même la main qui s'en sert viendrait à faillir par exception, ne peut manquer de produire des résultats très-précieux. Les fruits de ce genre abondent dans le nouvel ouvrage de M. Labarte, surtout en ce qui concerne la partie descriptive, et confirmeront la haute estime que l'auteur s'est justement acquise dans le passé.

Nous reproduisons ci-après les points principaux de sa Conclusion. Ce sera la manière la plus sûre et la plus succincte possible de pré- senter la doctrine de l'ouvrage. Nous reviendrons ensuite sur quel- ques points où, par exception, l'auteur, malgré son talent d'exposi- tion, n'a point conquis notre adhésion sans réserve. Nous y joindrons enfin sur d'autres points quelques observations critiques ou accessoires qu'a fait naître chez nous la lecture de cette intéres- sante monographie.

Conclusion. - « L'invention de la peinture en émail incrusté sur excipient métallique, se perd, dit M. J. Labarte (1), dans la nuit des temps. L'Asie fut le berceau de cet art qui devait être cultivé dans les villes opulentes du premier empire d'Assyrie, anté- rieurement même à la guerre de Troie. Les Phéniciens en répan-

(1) P. 211.

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280 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. dirent les produits dans la Grèce où ils étaient fort estimés du temps d'Homère, qui les désigne sous le nom d'électron dans plusieurs passages.

« A en juger, continue M. Labarte, par les bijoux émaillés égyp- tiens et par les anciens émaux de linde, de la Perse et de la Chine, les émaux asiatiques de l'antiquité étaient exécutés par incrustation, d'après les procédés du cloisonnage.

« L'émaillerie est-elle devenue un art propre des Grecs? cela est douteux. En tout cas, elle y fut tout à fait abandonnée plus de deux cents ans avant l'ère chrétienne.

« Les émaux avaient également disparu de l'empire romain avant l'ère chrétienne.

« C'est alors qu'apparaît dans la Gaule celtique une autre sorte d'émaillerie par incrustation, qui a reçu le nom de champlevée. Néanmoins, cette brillante industrie gauloise n'eut pas une longue durée : elle n'existait déjà plus au temps de la conquête de Clovis.

<t L'art de l'émaillerie n'avait jamais cessé d'être cultivé en Asie : c'est là que les Byzantins en retrouvèrent les procédés. Dès le règne de Justin Ier (518-527), 011 apporte de l'Asie à Constanti- nople des émaux sur or. Au IXe siècle, l'émaillerie grecque avait atteint au plus haut degré de perfection. Les Grecs commencèrent dès lors à trafiquer de leurs émaux avec l'Occident.

« L'Italie connut l'émail à la fin du VIIIe siècle, et n'en vit jusqu'au XIe siècle que des produits importés de l'étranger. A partir de 1069, les orfèvres italiens fabriquèrent des émaux cloisonnés, et vers la fin du XIIIe siècle ils inventèrent l'émaillerie sur ciselure en relief.

« Dès la fin du Xe siècle, des artistes grecs, attirés à la cour des empereurs de la maison de Saxe, en firent connaître les procédés à l'Allemagne. Mais les Allemands, au lieu de suivre uniquement la méthode orientale du cloisonnage, en revinrent aux procédés de l'émaillerie gauloise. A la fin du Xe ou dans les premières années du XIe, ils imaginèrent de nouveau le champlevé.Ce mode de fabri- cation paraît avoir pris naissance à Cologne et s'être concentré dans les grandes cités impériales qui avoisinaient le Rhin.

« Ce fut en effet de Lotharingie que Suger fit venir en 1145 les émailleurs qui exécutèrent, par les procédés du champlevé, des ta- bleaux d'émail sur cuivre dans l'église de Saint-Denis.

« Ces artistes bien certainement doivent être reconnus comme les importateurs en France de l'émaillerie, car on ne peut en con- stater l'existence antérieurement à leur arrivée, et ce n'est que

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OBSERVATIONS SÜR ťÉMAILLERIE , ETC. 281

vingt-cinq ans plus tard que se révèle le premier indice des fa- briques de Limoges.

« Ces fabriques prirent à la fin du XIIe siècle un immense déve- loppement, qui absorba pour ainsi dire toute concurrence ou pro- duit similaire. La découverte de la peinture en couleurs vitrifiables eut lieu à la fin du XVe siècle. Elle supplanta complètement l' émail - lerie par incrustation. »

Il nous aura suffi de reproduire le texte de ces affirmations di- verses, pour faire sentir l'intérêt qu'elles présentent dans leur en- semble, et la nouveauté qui distingue un certain nombre de ces al- légations. Arrêtons-nous maintenant à quelques-uns de ces points qui nous ont semblé dignes de remarque.

M. Labarte, dans une dissertation étendue (4), s'efforce d'éta- blir le sens précis des mots "IlÁsy-tpov, electrum. Le premier de ces termes, qu'il s'agit d'expliquer, se trouve dans Homère et successivement chez divers écrivains grecs, jusques et y compris la traduction de la Bible par saint Jérôme. Le second est fourni par Virgile et se retrouve au XIIe siècle avec le sens manifeste à' émail dans Théophile : Schedula diversarum artium. L'auteur, par une sorte de logique rétroactive, tend à attribuer également et con- stamment la signification d 'émail à ces mots : ̂ aextdov, electrum, chaque fois qu'ils se rencontrent dans la série des textes ci-dessus indiqués.

Un passage original d'Ézéchiel, traduit par les Septante et par saint Jérôme, passage qu'allègue M. Labarte, présente, dit-il, le mot Haschmal, comme correspondant de la traduction Y^exrpov, que M. Labarte traduit à son tour par émail d'or cloisonné. Ainsi, d'après M. Labarte, Homère, Sophocle, etc., Virgile, etc., auraient prêté au terme ̂.s/.toov ou electrum , le sens ď émail, et le mot Haschmal se- rait lui-même la racine de Smaltům (2).

Quelque pressante que soit la dissertation du docte antiquaire et quelque ingénieuse qu'elle paraisse à cet égard sur certains points, j'avoue qu'elle ne me semble pas avoir complètement atteint son but et qu'elle ne m'a point convaincu. La fin principale à laquelle vise cette argumentation est de trouver des témoignages écrits qui attestent l'existence de l'émaillerie asiatique dans l'antiquité. Mais les rares fragments littéraires qu'a réunis M. Labarte, eussent-ils incontestablement le sens fixe qu'il leur assigne, n'offriraient à la

(1) P. 77 etsuiv. (2) P. 80.

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282 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. cause dont il s'agit qu'un médiocre secours. Ils ajouteraient peu de force à un argument beaucoup plus solide en lui-même. Je veux parler des rares bijoux égyptiens qu'a cités et reproduits M. La- barte, et qui paraîtraient en effet provenir d'une origine asia- tique.

Mais, en outre, il ne nous semble pas réellement nécessaire ni même possible d'admettre, dans les cas spécifiés par M. Labarte, le nouveau sens qu'il propose pour traduire les mots ̂Xextpov, electrum, de préférence àux acceptions que Pline a définies, et qui ont été admises jusqu'à ce jour. Nous croyons seulement, pour expliquer l'elëctrum-émail de Théophile, que l'on peut adopter les raisons suivantes.

Les anciens ont connu, sous le nom commun d'f¡X£>tT^ov en grec, et à' electrum en latin, deux substances distinctes : Io l'ambre jaune on succin ; 2° un alliage comprenant quatre parties d'or et une cinquième d'argent.

Les Grecs et les Romains accordaient, surtout les premiers, une estime particulière à ces deux Substances. L'ambre provenait des bords de la Baltique, c'est-à-dire des extrêmes confins d'un monde iabulèux pour la fabuleuse géographie des Hellènes. Aux yeux des Grecs et d'après leurs poétiques superstitions, le succin était formé des pleurs des Héliades.... L'électre, alliage, constituait tin produit, une conception spéciale de leur industrie ou de leur toreutique.

Tel fut au moyen âge le laiton, matière plus vile, puisqu'elle avait pour base le cuivre, au lieu de l'or. Mais elle était comparable à l'électre par la couleur, qui lui valut évidemment son nom de [laitjon. Ainsi, au XV* siècle, les mots èlectre et laiton, ou du moins leurs équivalents latins, se prenaient l'un pour l'autre. Nicolas Ber- trand* avocat du parlement de Toulouse, a écrit à la fin du XV* siècle la Vie du bienheureux Guillaume de Tolosan, de l'ordre des er- mites de Saint-Augustin. Dans cet ouvrage, le biographe s'exprime en ces termes : Diseiplinabat se wtenis tribus electri vel de latone quas apwd se habebat (1).

"flXexTpov, electrum signifièrent exclusivement ces deux choses (électre et ambre), si je ne me trompe, pendant toute la période qu'embrassent les textes grecs ou latins allégués par M. Labarte, en ce qui concerne l'antiquité, c'est-à-dire environ jusqu'au V* siècle de notre ère» Il importe de rappeler ici que d'après íes conclusions

(l) Collection des Bollandistes, dans le tome IV du mois de mai, p. 199, <col. 2. Voy. Ducange, Glossarium mei is Utinitatis, au mot Laton.

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mêmes de M. Labarte (1), les Grecs et les Romains, fervents imita- teurs de tous les arts de goût et de luxe, ne s'assimilèrent jamais, selon toute vraisemblance, l'art de l'émaillerie, et que les produits de cet art ne firent en quelque sorte que traverser le sol et la civili- sation des deux Grèces. Comment la langue des anciens aurait-elle pu dénommer avec précision un objet qui n'avait laissé parmi eux que des traces si douteuses et si vagues ?

Mais lorsque , vers le "VIe et le VII* siècle , les Grecs du Bas-Em- pire connurent véritablement l'émaillerie cloisonnée, il fallût dési- gner nominativement les productions que cet art développait sous leurs yèux. Les mots riXexTjwv, electrum , se présentèrent alors, non comme des termes propres, mais, ainsi qu'il arrive en pareille cir- constance, comme offrant en quelque sorte la plus prochaine analo- gie. Cette analogie put être fournie d'un côté par le pâle métal, par l'éleetre qui tenait à la fois de l'or et de l'argent, comme ma- tière excipiente de l'émail. Elle put être tirée également de la translucidité ou semi -translucidité (2) commune à l'ambre et à l'émail. C'est ainsi que l'auteur italien du Liber pontißcalis, qui écri- vait environ de 520 à 530, put appeler g abata electrim uné lampe enrichie de pierres précieuses ou d'émaux .

C'est ainsi que divers écrivains byzantins* allégués par M. La- barte (3), ont pu désigner encore, au XIs siècle, sous le nom d'riXsxTpov, de véritables émaux de Constantinople. C'est ainsi enfin que Théophile, au XIIe siècle, a pu employer dans le même sens l'équivalent latin : electrum.

Mais les mots •ííXsxtpov, electrum, étaient si bien de simples auxi- liaires, que des termes nouveaux fürent créés pour cet usage, dès l'époque où l'émaillerie grecque de Constantinople eut atteint, pen- dant le cours du moyen âge, son développement normal. Les Byzan- tins baptisèrent alors l'émail du nom de yý^cíc;; substantif qui apparaît , ainsi que les adjectifs x«i«uto'v et yyy.svtáv , dès le Xe siècle.

De leur côté, les écrivains latins d'Italie firent le mot smaltům, dont l'origine, sans remonter plus loin, paraît être immédiatement

(1) Voy. ci-dessus p. 280. (2) De là l'épilhète d'ùitoXa[«.irìii que leg Grecs donnaient au succia :

nãv (lèv Y«p TrtávM, t'èXéç avTi, ■r¡'éxtp<? 6'ů«oX«|Mtéí hf.'n (Hésiode, Scutum H er culis, tere 142-3.)

(3) P. 104. - Labarte, p. 109 à Hl. - cette racine, qui a fait aussi chimie, n'est encore, comme expression, qu'un approximatif.

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germanique. Smaltům se montre pour la première fois dans un texte rédigé par Anastase le bibliothécaire, de 847 à 855 (1). Or, comme tout le monde le reconnaît, c'est du mot smaltům qu'a été formé le nom dì émail, dans la plupart des idiomes modernes ou de l'Europe néo-latine.

Avant de quitter le chapitre des émaux grecs, nous placerons ici une autre observation» M. Labarte discute avec une critique très- exacte la date à laquelle on doit rapporter les premiers travaux de l'atelier ou de l'école de Limoges. Il examine en même temps les diverses circonstances qui concoururent à importer ou à renouveler parmi nous l'art de l'émaillerie qu'avaient déjà connu les Gaulois, nos premiers ancêtres. Je rappellerai à cette occasion un fait con- sidérable qui paraît avoir échappé aux souvenirs (2) ou à l'attention du savant auteur.

Henri 1er le Libéral, fils de Thibaut le Grand, comte de Champa- gne, était né en 1127. 11 partit, en 1147, pour la croisade et se ren- dit à la cour de Constantinople, auprès de l'empereur Manuel : Henri était porteur d'une lettre de saint Bernard, dans laquelle l'abbé de Clairvaux recommandait le jeune comte de Meaux (c'était alors son titre) à la bienveillance de l'empereur des Grecs. Henri Ier retourna bientôt en France après avoir noué avec Manuel des rela- tions durables ; après avoir joui de son intimité ; après avoir été enfin le témoin du luxe intérieur que déployaient les souverains de Byzance. En 1157, Henri Ier, devenu comte de Champagne à son tour, fonda avec la libéralité qui lui valut son historique surnom, la collégiale de Saint-É tienne, à Troyes, Sainte-Chapelle des comtes de Champagne. Parmi les monuments émaillés qui furent donnés par le comte et qui composèrent le célèbre trésor de Saint-Étienne, se trouvait spécialement une croix enrichie ďor, ď émaux et de pierreries, d'une magnificence orientale. En 1365, Charles V, roi de France (et comte de Champagne), vit en passant par Troyes ce joyau précieux. Frappé d'admiration à la vue de cette croix, il la fit pla- cer à la Sainte-Chapelle de Paris, où elle fut conservée depuis cette époque.

Le comte Henri Ier était gendre de Louis le Jeune, roi de France ; ayant épousé, en 1152, Marie, fille de ce prince et d'Éléonore d'Aquitaine. Sa propre sœur, Alix de Champagne, fille de Thibaut

(1) Ducange, v° Smaltům ; Labarte, ibid.% d. 181. (2) M. J. Labarte a mentionné le tombeau deHenri Ier (dont je vais parler) dans

son mémoire sur l'orfèvrerie : le Moyen âge et la Renaissance . 1850, in-4, 1. 111 , feuillet 7.

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OBSERVATIONS SUP L'ÉMAILLERIE , ETC. 285

le Grand, était devenue la troisième et dernière épouse du roi de France. En 1179, Henri Ier retourna en Terre Sainte. Au même mo- ment, sa nièce, Agnès, fille d'Alix et de Louis le Jeune, âgée de huit ans, fut envoyée à Constantinople, comme fiancée d'Alexis Comnène, fils de l'empereur Manuel. La cérémonie fut célébrée, avec la plus grande pompe, à Constantinople, le 2 mars 1180. Henri Ier mourut le 17 mars 1181, à son retour même de l'Orient. Une sépulture magnifique et dont nous reparlerons tout à l'heure lui fut érigée par ses ordres et d'après ses vues dans l'église de Saint- Étienne, qu'il avait fondée.

Louis VII, roi de France, l'avait précédé derquelques mois seule- ment dans la tombe, étant mort à Paris le 18 septembre 1180. Alix ou Adèle, reine de France, qui lui survécut, venait de perdre ainsi en peu de temps son époux et son frère. « Adèle, l'illustre reine des Français, dit Rigord, fit élever sur le sépulcre de Louis VÍI, en l'abbaye de Barbeau, un tombeau d'un artifice admirable. Il était composé de pierres, d'or et ďargent, et très-industrieusement décoré ďargent, de bronze et de gemmes ou pierreries. Un tel ou- vrage et d'une telle industrie, ajoute le chroniqueur, ne s'est jamais vu, depuis les jours de Salomon, dans aucun royaume (1). » Ce tombeau, comme on sait, fut le signal et le commencement d'une innovation considérable qui s'introduisit alors dans la décoration extérieure de la sépulture des rois de France. A partir de cet exemple, les tombes, que l'on pourrait appeler d 'orfèvrerie émaillée , succédèrent aux anciennes effigies de pierre.

La sépulture du comte Henri Ier a subsisté à Troyes jusqu'en 1792. Des dessins accompagnés de descriptions, qui nous ont été con- servés, peuvent servir à retracer, pour l'archéologue, ce monument admirable. Ces dessins et ces descriptions nous apprennent d'une manière certaine, en premier lieu que Yémaillerie entrait pour une part notable dans la décoration de ce tombeau, et en second lieu que ce monument tout entier portait dans son ensemble le cachet du goût et dela pompe byzantine (2).

(1) Historiens de France , t. XVII, p. 8. (2) On peut joindre à ce premier exemple le tombeau émaillé de Thibaut, fils et

successeur de Henri Ier. Cet ouvrage fut également érigé, en 1201, par Blanche de Navarre, veuve du prince, dans l'église de Saint-Étienne de Troyes, et non à la cathédrale de celte ville (conf. Labarte, p. 174-5). Nous indiquerons ici les sources et documents historiques que l'on peut consulter au sujet des deux tombeaux et des monuments émaillés du trésor de Saint-Étienne. Arnaud , peintre , Voyage historique et pittoresque dans le département de l'Aube, Troyes et Paris, 1837 et an-

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286 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

Au sujet des émaux gaulois, M. Labarte pense que cet art dut s'éteindre avant la fin du Ve siècle, et qu'il n'existait déjà plus au temps de la conquête de Clovis (1). Une lacune de près dé quatre siècles s'étendrait de la sorte entre cette émaillerie barbare, signalée par Philostrate, et les produits similaires les plus anciens que l'on puisse signaler dans le cours ultérieur des âges.

Ces derniers produits ou monuments, dit le savant auteur, sont au nombre de deux : Io l'anneau à'Ethelwulf, roi de Wessex (836- 857), et 2° l'anneau dit de l'évôque (?) Alhstan (817-867). Tels sont, fait observer M. Labarte, les deux seuls monuments que les archéolo- gues anglais revendiquent en l'honneur de l'art saxon, et que l'on puisse être tenté de rattacher à l' émaillerie gauloise. Nous admet- tons complètement sur ce dernier point les doutes et les scrupules de M. Labarte. Le lien d'analogie ou de continuité, propre à relier l'une à l'autre l'émaillerie gauloise et l'émaillerie saxonne , ne me paraît pas, ainsi qu'à M. Labarte, quelque chose de constant et de manifeste. Seulement, cette lacune, signalée par M. Labarte, oc- eupe-t-elle réellement toute l'étendue qu'il lui assigne, c'est-à-dire une durée de quatre siècles ? Le savant archéologue, dans sa liste des émaux gaulois subsistants, allègue les monuments qui se con- servent au Cabinet des Antiques, aux musées du Louvre et de Poi- tiers. Il ne mentionne pas les fouilles pratiquées en Normandie pendant le cours de ces dernières années, et qui éclairent véritable- ment d'un nouveau jour l'archéologie mérovingienne. Les produits de ces fouilles sont exposés au musée de Rouen, et M. l'abbé Cochet en a publié l'historique et la description sous le titre de : La Nor- mandie souterraine. L'auteur de ce dernier ouvrage s'exprime ainsi : « Dans nos sépultures du V' au VII' siècle, on trouve une grande quantité de boutons, de fibules et de bijoux émaillés (2). » Sila date

nées suivantes ; grand in-4, p. 27 à 31 ; accompagné d'une planche lithographiée en noir. M. Gaussen, de Troyes, est l'auteur de deux très-belles aquarelles prépa- rées pour la chromolithographie, qui représententent les deux tombeaux. Ces deux planches ont figuré, sous les n<" 4933 et 4934, à l'Exposition universelle des beaux- arts de 1855. Les descriptions et reproductions précédentes proviennent de sources qui seront indiquées dans l'ouvrage ci-après. Les Archives historiques du département de l'Aube, etc. (Catalogue descriptif publié à Troyes et à Paris en 1841 ; in-8) ; liasse 105, p. 127 de ce volume : Inventaires et descriptions du trésor de Saint- Étienne, dressés à diverses époques, de 1319 à 1703. On peut consulter encore sur ce sujet un article de M. Cofflnet, relatif au chapitre de Saint-Étienne, inséré dans les Mémoires de la Société de sphragistique, n» du 15 octobre 1851, et la Revue uni- verselle des beaux-arts, août 1856. p. 461.

(1) Voy. ci-dessus Conclusion , p. 280; Labarte. p. 49 ä 51, 95 et 222. (2) Édition de 1854, p. 364. Voy. à la table , au mot Émail, et les planches.

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OBSERVATIONS SUR ťÉMÁILLERIE, ETC. 287

d'enfouissement relative à ces bijoux pouvait être vérifiée d'une manière précise et certaine, on voit que cette grande lacune se trouverait ainsi ainsi notablement diminuée ou réduite.

M. J. Labarte, en traitant de la célèbre épée de Childéric, émet des observations très-judicieuses et très-intéressantes au sujet de ce monument. « L'orfèvre qui l'a faite, dit-il (1), est arrivé à une si parfaite imitation des émaux cloisonnés de l'Orient, qu'il était facile de s'y tromper, et nous l'avons nous-même citée (. Description de la collection Debruge, etc.) comme émaillée. Mais l'examen minu- tieux auquel nous nous sommes livré, avec le concours d'un habile orfèvre, nous a fait reconnaître notre erreur. Au fond de chaque compartiment du cloisonnage, l'orfèvre a d'abord introduit une feuille très-mince de paillon d'or guillochée en quadrille. Le paillon ainsi posé, des morceaux de verre rouge purpurin translucides ont été taillés exactement dans la forme des dessins tracés par le cloi- sonnage, et enfoncés ensuite dans les interstices des cloisons, où ils sont retenus par un très-léger rabattu dela batte ďor, que Ton a obtenu par la pression du brunissoir, ou de tout autre instrument de même nature (2). » L'auteur conclut enfin que ni la Gaule ni l'Italie n'ont pu fabriquer, au Ve siècle, cette arme précieuse, et qu'elle venait vraisemblablement de Constantinople (3).

Ces remarques, je le répète, me paraissent complètement plau- sibles.

J'ajouterai qu'il existe au Cabinet des Médailles et Antiques de la bibliothèque un autre fragment, moins célèbre que l'épée de Chil- déric, et dont M. Labarte n'a point parlé, mais qui me semble offrir avec ce premier monument une grande analogie. Ce morceau con- siste en un bijou d'or cloisonné à jour, offrant une sorte de réseau carré de 10 centimètres de côté. La batte d'or qui forme les inters- tices présente une largeur ou profondeur de 1 centimètre, qui constitue l'épaisseur du bijou. Chacun des petits cadres ou alvéoles, de grandeurs et de contours variés, a été originairement rempli d'une matière vitreuse et colorée qui paraît exactement susceptible des observations ci-dessus reproduites.

On a conservé des épreuves en plâtre, moulées par M. Muret, ar- tiste et employé du Cabinet des Antiques, avant le vol de 1831, sur Vanneau ďor de Childéric . Nous possédons également diverses es- tampes de ce bijou historique, notamment celle de VAnastasis CUh

(1) P. 98. (2) P. 99. (3) P. 100.

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288 UK VUE ARCHÉOLOGIQUE. derlei , publiée par Chifflet en 1655. On remarque, à Faide de ces reproductions, sur le buste du roi mérovingien, une plaque carrée qui décore sa poitrine. Si l'on rapproche de cet ornement le bijou d'or cloisonné qui subsiste au Cabinet des Antiques, l'observateur sera frappé de la ressemblance qui se manifeste de l'une à l'autre, et l'on sera tenté de voir, comme nous, dans ce bijou d'or, une pièce pectorale semblable (1) à celle que reproduit Vanneau de Chil - déric .

Nous joignons à cet article deux figures réunies sur la plan- che 313. La première reproduit le bijou d'or cloisonné, tel que nous l'avons vu, en décembre 1852, au Cabinet des Antiques. Ce dessin, exécuté et peint par l'auteur du présent mémoire, ne vise aucunement au mérite artistique. Mais je n'ai rien négligé pour le rendre aussi exact que possible. Ainsi les contours et les princi- pales dimensions ont été calqués sur l'original. Les fragments d'or, les trous vides, et les débris de matière colorée, comparables à Témail, qui subsistaient alors dans les chatons ou interstices, sont comptés. J'espère que la couleur appliquée sur notre planche pourra fournir une idée assez fidèle de l'aspect que présente l'original. La partie ponctuée est une restitution par conjecture.

La figure 2, placée au bas de la même planche, représente ce qu'on peut voir sur une épreuve en plâtre de l'anneau de Childéric, épreuve dont je dois la possession à la bienveillance de M. Muret. On y distingue, en place, l'ornement que nous avons signalé. C'est maintenant au lecteur à juger notre conjecture ou appré- ciation.

En ce qui touche les émaux de Limoges, M. Labarte s'est attaché surtout à fixer, d'une manière plus solide et plus précise qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, la date qu'il convient d'assigner aux pre- mières productions de cette école, ou plutôt de cette fabrique célè- bre. On trouvera également dans son ouvrage d'excellentes notions propres à définir le travail de Limoges et à distinguer l'émaillerie limousine des autres œuvres ou monuments émaillés. Mais l'auteur abandonne en quelque sorte l'émail de Limoges, dès l'époque où il

(1) La plaque et le trésor peuvent être de la même antiquité. Mais le travail de l'orfèvre, considéré comme œuvre individuelle, n'est pas le même dans le bijou d'or cloisonné ou plaque carrée, d'une part, et de l'autre, dans ce qu'il nous reste du trésor de Childéric. Les émaux ou t ierres, quelque nom qu'on leur donne, ne sont pas non plus les mêmes des deux parts. Ceux de la plaque sont pâles et de diverses couleurs , tandis que les émaux de l'épée sont d'un rouge purpurin très-vif et très- diaphanes.

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OBSERVATIONS SUR L'ÉMAIUERIE , ETC. 289

se répand et se propage, au point d'avoir rempli, pour ainsi dire, de son nom et de ses ouvrages, l'Europe entière, pendant près de deux siècles, de 1200 à 1400 environ. Nous regrettons, pour notre part, que l'habile historien des arts du moyen âge n'ait pas jugé à propos de se montrer un peu moins succinct sur ce chapitre. Quel- que multipliés qu'aient été jadis ces émaux, leur nombre aujourd'hui n'est pas tellement étendu qu'il puisse décourager le zèle des archéologues, jaloux de restituer, au point de vue de l'histoire, cette branche remarquable et fertile de l'industrie ou de l'art de nos ancêtres. Un but d'étude purement privé, il y a quelques années, m'avait engagé à réunir et à comparer les produits simi- laires d'une seule classe, entre les monuments si variés de l'art de Limoges : celle des bassins à laver. Il me fut assez aisé de rassembler ainsi, par l'inspection directe, une quarantaine de meubles de cette espèce. Je crois pouvoir affirmer, au nom de cette expérience, ou mieux de cet essai, que des notions vraiment neuves et intéres- santes à un multiple point de vue résulteraient d'une étude appro- fondie de ce sujet, même aussi étroitement limité.

J'ajouterai une dernière observation sur le chapitre de Limoges. M. Labarte fixe aux dernières années du XVe siècle la révolution qui substitua la peinture en émail, ou émail moderne de Limoges, à l'émaillerie à teintes plus ou moins plates et au champlevé, carac- tères essentiels de la phase antérieure. M. le vicomte de Janzé pos- sède à Paris, et j'ai eu l'honneur de communiquer à la Société des antiquaires de France, l'année dernière, un ouvrage qui permet, je crois, de modifier sur ce point les données antérieures de la science. C'est le portrait de Fouquet, peint par lui-même sous le règne de Charles VII, et, si je ne me trompe, à une date très-rap- prochée de 1450. On peut y joindre les médaillons peints en émail par le même artiste , et dont parle Étienne Godefroy (1). Ces mé- daillons décoraient le dyptique offert par Étienne Chevalier à Notre-Dame de Melun, et qui se conserva dans cette église jusqu'à l'époque de la révolution française (2).

M. Jules Labarte a enrichi son beau volume d'un album de huit planches qui ajoutent un grand intérêt à l'ouvrage et une vive lu- mière à ses descriptions. Ces huit planches sont exécutées en cou- leurs par le procédé lithochromique, qui convient très-bien à ce

(1) Histoire de Charles VII , p. 885, 886. (2) Voy. sur ces émaux peints, Journal general ae t, instruction publique du

24 septembre 1856, p. 475, et la Revue de Paris du 1er août 1857 , pages 419-425. XIV 19

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290 REVUE ARCHÉOLOGIQUE»

genre de reproduction (1). A en juger par ceux des originaux que nous connaissons, ces images sont l'œuvre d'artistes habiles et gé- néralement très-íidèles, en ce qui touche l'ensemble et le caractère propre de chacun des monuments. Les principales variétés de rémaillerie se trouvent ainsi représentées successivement par quel- que spécimen caractéristique. L'école rhénane, seule, n'est peut-être pas aussi parfaitement traitée que les autres sous ce dernier rap- port. La belle planche (2) que l'auteur a consacrée aux émaux du Rhin, se compose exclusivement de couleurs et d 'ornement. Le but que se proposait M* Labarte eût été sans doute plus sûrement atteint, si la planche eût offert aux yeux quelque monument à figures (3).

Telles sont les principales observations que nous désirions sou- mettre aux archéologues à propos des Recherches sur la peinture en émail . Les desiderata que nous avons cru devoir signaler constituent lap lus grande partie de ces observations.

Nous aurions toutefois bien mal réussi dans l'expression de notre propre pensée, si le sentiment que nous avons pu transmettre au lecteur, comme résultat général de notre appréciation, était autre que celui d'Une vive et haute estime pour cet ouvrage et pour l'au- teur. Les Recherches sur ť émaillerie> dans toute la partie descriptive» peuvent être recommandées aux écrivains comme uh modèle du genre; Indépendamment de ce mérite, qui se rattache encore à la forme, l'ouvrage de M* Labarte en présente un âutre tout à fait profond et essentiel» Une notable portion dé cet ouvrage est consa- crée à débattre des questions de l'ordre le plus intéressant pour cette branche de l'archéologie et qui étaient demeurées jusqu'à lui fort obscures. Il n'est point une seule de ces questiona sur lesquelles M. Labarte n'ait apporté une lumière nouvelle et presque toujours décisive w

Le laborieux auteur présente cette publication cômrne le premier chapitre d'une suite de recherches ou de monögraphies sur les arts du moyen âge. Ü nous fait espérer la possession prochaine du cha* pitre de l'orfèvrerie, qui serait bientôt suivie de la sculpture sûr ivoire. Peut-être M. J. Labarte, avant de passer au second chapitre, jugera-t-il à propos de nous donner quelques nouveaux développé-

{1) Une ûeuvième planche photolithographies eii noiř, et placée entre les pages 16 et 17, représente la pala d'oro. (2) Pl. F. (3) Je veux dire à figures humaines. La planche E, qui porte le titre ú'Émaux

rtoénansi présente en effet des figuries ; taais l'attribution de ce monument, quant à la datç, est douteuse. (Voy, Bxchercfoes, etc., fu-61 .)

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OBSERVATIONS SDR L'ÉMAILLERIE , ETC. 291 ments propres à compléter le premier. Peut-être s'en tiendra-t-il à son dessein primitif, et poursuivra-t-il une carrière qu'il a si bien inaugurée. Soit qu'il adopte le px'emier mode, soit qu'il préfère le second, la science ne peut que gagner aux dons qu'elle recevra des mains de cet antiquaire distingué. Les recherches sur l'émaillerie resteront, dans tous les cas, cotàme un très-bon livre et comme un service notable rendu aux progrès de l'archéologie (1).

Vallet m Viriville.

(1) L'Académie des iriseriptiôïiS e't belles-lettres a récemment décidé que l'ou- vrage de M. Labarte serait admis au partage de l'une des médailles d'or décernées pour le concours des antiquités nationales en 1857.

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