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Mesdames et Messieurs, Bonjour, Je m’appelle Antoine Derose. Je suis conseiller en programmes bilingue au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH). Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous ici, à l’occasion de la séance plénière d’ouverture du Colloque de perfectionnement professionnel d’OCASI 2011. C'est avec un grand plaisir que je salue chaleureusement tous ceux et celles réunis ici cet après-midi. Je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements à M me Debbie Douglas, directrice générale, aux membres du conseil d’administration et au personnel d’OCASI. Je tiens à saluer M. Anton Suphal, directeur des Opérations de l’Établissement (OPET) – Toronto et York, Citoyenneté et Immigration Canada. Je tiens à souligner le travail effectué par Paulina Maciulis, c oordonnatrice de la conférence d’OCASI et les autres membres du comité d'organisation de cette conférence, pour l'énorme effort investi dans l’organisation de cet événement réunissant des représentants et intervenants de plus de 200 1

Ocasi discours principal rev fr

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Page 1: Ocasi discours principal rev fr

Mesdames et Messieurs,

Bonjour,

Je m’appelle Antoine Derose. Je suis conseiller en programmes bilingue au

Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH).

Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous ici, à

l’occasion de la séance plénière d’ouverture du Colloque de perfectionnement

professionnel d’OCASI 2011.

C'est avec un grand plaisir que je salue chaleureusement tous ceux et celles

réunis ici cet après-midi. Je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements à

Mme Debbie Douglas, directrice générale, aux membres du conseil

d’administration et au personnel d’OCASI. Je tiens à saluer M. Anton Suphal,

directeur des Opérations de l’Établissement (OPET) – Toronto et York,

Citoyenneté et Immigration Canada. Je tiens à souligner le travail effectué par

Paulina Maciulis, coordonnatrice de la conférence d’OCASI et les autres

membres du comité d'organisation de cette conférence, pour l'énorme effort

investi dans l’organisation de cet événement réunissant des représentants et

intervenants de plus de 200 organismes communautaires dans la province de

l'Ontario. Je tiens à souligner le travail important qu’ils ont réalisé dans le cadre

de leur mandat qui consiste à soutenir des immigrants et des réfugiés pour qu’ils

puissent atteindre l'équité et l'accessibilité en matière de services et une pleine

participation à tous les aspects de la vie canadienne.

J'en profite pour souligner le travail exemplaire de Citoyenneté et Immigration

Canada et ses efforts déployés à travers le financement fourni à des organismes

dans le but d'aider les gens à obtenir le soutien dont ils ont besoin pour un bon

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Page 2: Ocasi discours principal rev fr

départ, sur le plan psychologique, lorsqu’ils immigrent au Canada. CAMH a pu

développer certains programmes et en adapter d’autres dans le but de mieux

répondre aux besoins spécifiques de certaines communautés. C’est l’une des

raisons pour lesquelles le Canada est l’un des premiers pays auxquels pensent

les personnes qui veulent avoir une vie meilleure, tout en contribuant au

renforcement des collectivités.

Je tenterai d'illustrer la part de difficultés imputables aux déterminants de la

santé reliée à la culture et la part reliée à la santé mentale et de faire le point sur

les besoins en santé mentale et les services à l'échelle mondiale.

CAMH est le plus grand centre canadien de sciences de la santé se consacrant

à la maladie mentale et à la toxicomanie. Un de nos mandats consiste à soigner

les personnes gravement atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Pour

ce faire, nous avons plus de 600 lits en établissement et de nombreux services

de consultations externes, en milieu hospitalier ou communautaire. Nos autres

mandats touchent la recherche, l'éducation et la promotion de la santé.

Notre mandat de recherche va de la génétique moléculaire et de l'imagerie

cérébrale aux traitements cliniques, en passant par la recherche sociale et la

recherche sur les politiques. Sur le plan de l'éducation et de la formation, notre

mandat s'étend de l'éducation et de la sensibilisation de la population aux

programmes universitaires de premier, deuxième et troisième cycles, et à la

formation continue des professionnels de la santé. La promotion de la santé et la

prévention des maladies comprennent des initiatives cliniques, communautaires,

de recherche et d'élaboration de politiques.

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, comme tous les fournisseurs de

services des centres urbains de l’Ontario, est appelé à travailler avec une

population diversifiée, tant sur le plan culturel que sur les plans linguistique et

racial. Comme le révèle l’analyse documentaire dont s’inspire ce projet, la

diversification des services de santé et des services sociaux en vue de répondre

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Page 3: Ocasi discours principal rev fr

aux besoins de la population de plus en plus diversifiée de l’Ontario a suivi la

voie du bilinguisme, du multiculturalisme et des initiatives de sensibilisation

ethnoraciale et ethnoculturelle qui font tous partie d’une tendance générale.

Pour bien des immigrants, réfugiés politiques ou autres demandeurs d’asile, le

Canada est considéré comme un havre de paix. Toutefois, comme le démontre

le récent Rapport du Comité sénatorial De l’ombre à la lumière, l’immigration

comporte son lot de détresse psychologique. L’immigration et l’établissement

posent des risques à la santé mentale qui peuvent toucher même le plus résilient

des immigrants et qui peuvent provoquer dépression, anxiété, trouble de stress

post-traumatique ou autres troubles psychotiques. Il est important qu’au Canada

ces personnes aient accès à des services de santé qui les aideront à gérer les

problèmes de santé mentale. Par conséquent, le Sénat a demandé que l’on

approfondisse la recherche visant à trouver et à évaluer les systèmes de soins

pertinents, selon la culture, pour soutenir les populations immigrantes.

La situation mondiale: les besoins en santé mentale et en services

L’Organisation mondiale de la Santé, dans son rapport : Améliorer les systèmes

de santé et de services pour la santé mentale. (Politique de santé mentale et

module d'orientation de service) publié en 2009, nous dit ce qui suit :

Environ 450 millions de personnes dans le monde ont un trouble mental. À tout

moment, environ 10% des adultes éprouvent un trouble mental et 25% en

développeront un à un moment donné de leur vie.

Les troubles mentaux existent dans tous les pays, chez les femmes et les

hommes, à toutes les étapes de la vie, chez les riches et les pauvres et dans

tous les milieux, ruraux et urbains. Les troubles mentaux représentent 13% de la

charge mondiale de morbidité, et ce chiffre passera à près de 15% d'ici 2030. La

dépression, à elle seule, est susceptible d'être le deuxième plus grand

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Page 4: Ocasi discours principal rev fr

contributeur de maladie, en deuxième position, à la charge mondiale de la

maladie d’ici cette date.

Les troubles mentaux sont aussi associés à plus de 90% du million de suicides

qui surviennent chaque année. En réalité, le nombre est susceptible d'être

beaucoup plus grand, en raison de la sous-déclaration commune de cette cause

de décès.

Les personnes atteintes de troubles mentaux ont un risque accru de souffrir de

maladies physiques, en raison d'une diminution de la fonction immunitaire, d'un

comportement nuisible à la santé, d'une mauvaise observance des traitements

médicaux et d'obstacles sociaux à l'obtention d'un traitement, d'un manque de

soutien politique, d'une gestion inadéquate des services de santé surchargés et,

parfois, d'une résistance de la part des décideurs et des agents de santé qui

entrave le développement de services de santé mentale cohérents au sein du

système de soins de santé.

Les malentendus sur la nature des troubles mentaux et leur traitement ont

compliqué davantage le progrès. Par exemple, beaucoup de gens pensent que

les troubles mentaux touchent seulement un petit sous-groupe de la population,

mais la réalité est que 25% des gens auront un trouble mental à un moment

donné de leur vie. D'autres pensent que les troubles mentaux ne peuvent pas

être traités, alors que des traitements efficaces existent et peuvent être

dispensés avec succès en milieu ambulatoire. Certains peuvent croire

que les personnes atteintes de troubles mentaux sont violentes ou instables, et

devraient donc être enfermées, alors qu'en fait, la grande majorité des personnes

touchées ne sont pas violentes et sont capables de vivre de façon productive au

sein de leur communauté.

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Page 5: Ocasi discours principal rev fr

Causes de maladies mentales dans les groupes ethnoraciaux et

d’immigrants

Pour que vous puissiez jouir d’une bonne santé mentale, tous les aspects de

votre vie (physique, mental, émotionnel et spirituel) doivent être équilibrés. Vous

devez être capable de profiter de la vie, tout en relevant quotidiennement ses

défis, qu’il s'agisse de prendre une décision, d’affronter une situation difficile ou

de communiquer vos désirs et vos besoins.

Votre vie évolue constamment et il en est de même de vos pensées, de vos

humeurs et de votre sentiment de bien-être. Il est donc important qu'au fil du

temps et dans toutes sortes de circonstances, vous parveniez à un équilibre

personnel. Vous pouvez avoir parfois l’impression de perdre pied, par exemple

d’éprouver de la tristesse, de l’inquiétude, de la peur ou de la méfiance, mais

c’est normal. Toutefois, si ces sentiments entravent votre vie quotidienne

pendant une longue période, ils peuvent devenir problématiques.

Quelles sont les causes des problèmes de santé mentale

Santé mentale :

L’Organisation mondiale de la Santé décrit la santé mentale comme un état de

mieux-être où la personne réalise son potentiel, peut faire face aux causes

normales de stress dans la vie, travailler de façon productive et contribuer à sa

propre communauté. Si d’autres pays comme le R.-U. et les É.-U. ont beaucoup

publié sur la santé et la santé mentale des groupes ethnoraciaux et d’immigrants,

les recherches effectuées au Canada sont plutôt limitées, mais se développent

de plus en plus.

Problèmes de santé mentale et maladie mentale :

Les problèmes de santé mentale et les maladies mentales sont des tendances

au niveau des comportements et des émotions qui sont significatives sur le plan

clinique et qu’on associe à un certain désarroi, à la souffrance ou à la difficulté

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Page 6: Ocasi discours principal rev fr

de fonctionner dans la société. Les problèmes de santé mentale et les maladies

sont nombreux et variés, allant de la dépression à la schizophrénie. Leurs

causes et les traitements possibles peuvent différer et c’est pourquoi il est

problématique d’en discuter comme d’un tout. Tous ont toutefois des

répercussions sur la personne, la famille et la société.

Des études réalisées dans le monde entier révèlent des taux accrus de

problèmes de santé mentale et de maladies mentales au sein des groupes de

réfugiés, certains groupes d’immigrants récents et des groupes racialisés et

ethnoculturels existants. Des études importantes au niveau mondial, par

exemple, signalent que des groupes de migrants présentent un risque de

schizophrénie deux fois plus élevé que des groupes de non-migrants et que les

taux de détresse psychologique, de syndrome de stress post-traumatique et de

dépression sont beaucoup plus élevés chez les réfugiés. Certains des facteurs à

l’origine du risque accru de maladies sont courants dans ces groupes, comme le

chômage, l’insécurité financière, la pauvreté et un logement médiocre. D’autres,

comme le stress prémigratoire attribuable à la guerre, à la torture, au viol,

conjugués au stress produit par la migration, auront des répercussions sur

certaines personnes seulement.

Le lien entre les déterminants sociaux et l’iniquité en matière de santé

Risques environnementaux

Scolarisation insuffisante

Alimentation et nutrition inadéquates

Chômage

Logement inadéquat

Pauvreté

Source adaptée et traduite de Making Partners: intersectoral action for health. Un

grand nombre de personnes ont des difficultés à accéder aux ressources qui

pourraient les aider à mener une vie saine et productive. Ces problèmes, précis

ou structuraux, peuvent découler de diverses situations : pauvreté, itinérance,

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Page 7: Ocasi discours principal rev fr

distance ou raisons connexes. Il peut s’agir également de discrimination ou de

racisme. En raison de l’interrelation qui existe entre les divers déterminants de la

santé, une personne peut se heurter à de multiples formes d’exclusion et de

marginalisation, soit être sans emploi, sans abri, nouvellement immigrée, sans

réseau de soutien et atteinte d’une maladie chronique. C’est ce qui contribue aux

iniquités en matière de santé. L’inclusion est un moyen de créer une société

dans laquelle tous ses membres peuvent mener une vie saine et productive. En

avril 2006, le Centre national de collaboration sur les déterminants de la santé a

publié Social Determinants of Health and Health Inequities (en anglais) un

document d’information sur les déterminants sociaux de la santé. En décembre

2006, le Dr David McKeown, médecin hygiéniste à Toronto, affirmait que Toronto

renfermait les collectivités les plus en santé et les moins en santé au Canada.

D’un quartier à l’autre, les problèmes de santé courants pouvaient se décupler

en absence de l’un ou l’autre des déterminants de la santé de base tels que le

revenu, le logement, l’emploi et l’éducation.

Dans son introduction au document Social Determinants of Health: Canadian

Perspectives, Dennis Raphael fait remarquer que les études menées plus

récemment minimisent l’importance des facteurs biomédicaux et du mode de vie

sur l’incidence des maladies chroniques. Il est plutôt d’avis que l’accumulation

des situations socioéconomiques négatives entraîne des conséquences

négatives sur la santé, y compris des maladies chroniques. Les situations

socioéconomiques négatives influent sur la qualité de vie et le développement

d’une personne. Elles peuvent lui causer un stress aigu et la pousser à adopter

des comportements nuisibles à sa santé. Comme l’a fait remarquer le Dr

McKeown, plus l’écart entre les facteurs positifs et négatifs est grand, plus les

effets nuisibles sur la santé ne sont prononcés. L’iniquité crée des conditions

propices aux maladies chroniques. Cela joue dans les deux sens. D’une part, le

revenu, l’emploi, le logement, l’éducation ainsi que d’autres facteurs déterminent

l’état de santé ; d’autre part, la santé est, en elle-même, une ressource

essentielle dans la recherche et l’obtention d’un emploi, d’un revenu adéquat,

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Page 8: Ocasi discours principal rev fr

d’un logement et d’une éducation ; la santé assure en quelque sorte la survie

d’une personne.

Stress relié à la migration

Les recherches d'Elliot et Gillie, (1998), soulignent les effets directs sur la santé

des trajectoires migratoires et des expériences de la phase post-migratoire des

immigrants en général, incluant les motivations de l'émigration et ses

circonstances sociopolitiques, ainsi que les circonstances de l'immigration avec

les difficultés d'intégration ou d'isolement social. De par sa nature, le processus

d'immigration est stressant et perturbant puisqu'il sous-entend la perte du réseau

de soutien offert par la famille et les amis dans le pays d'origine. Tel qu'observé

par Abdelmalek Sayad, l'immigration se produit à travers un immense mensonge

collectif, chaque immigré étant conduit, par respect pour lui-même et pour le

groupe qui lui a donné mandat de s'exiler, à dissimuler les souffrances liées à

l'émigration et à encourager ainsi de nouveaux départs. Toutes sortes de

contradictions sont inscrites dans la condition de l'immigré, loin de sa famille, de

son village, de son pays et frappé d'une sorte de culpabilité inexpiable, mais tout

aussi loin, du fait de l'exclusion dont il est victime, du pays d'accueil qui le traite

comme simple force de travail.

Les données disponibles indiquent qu'en 1994-1995, les immigrants d'origine

non européenne sont plus susceptibles que les Canadiens de naissance de

déclarer un faible soutien social. À ces difficultés s'ajoutent la méconnaissance

de la langue et de nouvelles représentations culturelles qui empêchent

l'intégration sociale, ainsi que la disqualification professionnelle et le chômage

qui viennent bloquer l'intégration professionnelle. L'association entre l'instruction

et l'état de santé est particulièrement significative pour les immigrants en âge de

travailler, surtout les non Européens, qui ont, en proportion, un niveau

d'éducation postsecondaire plus élevé que les Canadiens (Dunn et Dyck, 2000).

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Page 9: Ocasi discours principal rev fr

Cette situation ne se traduit cependant pas par un revenu ou une position sociale

plus élevée.

Le chômage et la perte du statut de pourvoyeur engendre chez les hommes un

déséquilibre familial modifiant leur rôle traditionnel. Cela cause des

bouleversements dans la dynamique familiale, souvent des ruptures et de la

violence familiale. La perte de statut social, économique, professionnel et familial

provoque à son tour des difficultés psychologiques pouvant vulnérabiliser les

personnes et causer des circonstances favorables à l'usage du tabac.

Dans le cas des réfugiés, la crise ayant conduit à la migration peut causer un

traumatisme physique et psychologique important et déterminant dans l'équilibre

psychologique nécessaire à l'intégration. Selon Oxman-Martinez (2004), le statut

d'immigrant, toutes catégories confondues, est précaire. Ses recherches

indiquent en effet que le stress des immigrants permanents ou temporaires, des

réfugiés, des immigrants irréguliers ou des clandestins ayant fait l'objet d'un trafic

est aggravé par le fait qu'ils n'ont toujours pas droit aux services essentiels ou

ont à respecter des périodes d'attente ou à subir des limitations de leur droit.

Quoiqu'en général, au moment de leur arrivée, les immigrants soient en

meilleure santé que l'ensemble de la population, cette situation a tendance à

s'estomper, selon une étude nationale sur la santé des Canadiens qui révèle que

leur état de santé converge vers celui de la population d'accueil. Alors que

certains problèmes de santé pourraient être attribuables au stress inhérent aux

difficultés de l'immigration proprement dite, notamment l'intégration dans le

marché du travail et l'établissement d'un nouveau réseau de soutien social,

d'autres problèmes de santé pourraient être reliés à l'adoption de

comportements, lors de l'intégration, néfastes pour la santé des immigrants.

Choc culturel

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Page 10: Ocasi discours principal rev fr

On appelle « choc culturel » la détresse physique et émotive qu’occasionne le

fait d’être soustrait à son environnement familier et plongé dans un milieu dont

les repères sont totalement différents. La plupart des personnes qui s’intègrent à

une nouvelle culture éprouvent un choc culturel. Pour de nombreuses

personnes, le choc culturel représente un concept étranger. Les chocs culturels

proviennent du fait de ne plus avoir accès aux signes culturels et aux

modèles familiers qui constituent nos repères, surtout lorsqu’il s’agit d’exprimer

des émotions subtiles. Soudainement, nous ne pouvons plus nous fier à des

signes et à des messages que nous comprenons de façon instinctive : avoir

pendant longtemps une situation de vie ou de travail peu claire ; voir nos propres

valeurs culturelles (auparavant jugées positives et acceptables) remises en

question ; devoir continuellement faire preuve d’efficacité et de rapidité dans un

monde où les règles ne nous ont pas été suffisamment expliquées.

Les symptômes suivants du phénomène de choc culturel peuvent avoir des

répercussions considérables sur les rapports familiaux, notamment la formation

d’un attachement sécurisant :

- mal du pays

- ennui

- isolement

- sommeil excessif

- sentiment d’impuissance

- surconsommation alimentaire

- surconsommation d’alcool

- irritabilité

- colère

- propreté excessive

Les personnes réagissent différemment au choc culturel selon leur âge, leur

sexe, leurs croyances religieuses et leur classe sociale. Celles qui ont été

obligés de quitter leur pays (réfugiées) ont habituellement plus de difficulté à

s’intégrer que celles qui ont choisi d’émigrer.

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Page 11: Ocasi discours principal rev fr

Les immigrants peuvent ressentir les effets du choc culturel plus d’une fois et à

différents degrés. Bien que la plupart d’entre nous puissions nous adapter et bien

fonctionner dans la culture d’adoption, certaines personnes (particulièrement les

plus âgées) trouvent l’adaptation difficile et parfois ne s'adaptent jamais.

Sur une note plus positive…

Le choc culturel n’a pas que des mauvais côtés. Il peut être très enrichissant de

vivre dans une nouvelle culture. Le choc culturel nous pousse à réfléchir et à

nous autoévaluer et, en ce sens, offre une occasion unique d’apprendre. Il nous

oblige à réévaluer nos relations personnelles, à envisager de nouvelles attitudes

et comportements. Bref, il offre un enseignement auquel n’ont pas accès les

personnes isolées sur le plan culturel.

Lorsqu’ils arrivent au Canada, les réfugiés apportent souvent avec eux les

expériences pénibles qui les ont poussés à quitter leur pays d’origine. Les

conflits armés, l’instabilité d’un camp de réfugiés et les bouleversements sociaux

peuvent laisser non seulement des traces physiques, mais également des

séquelles psychologiques. À ces souvenirs douloureux s’ajoute souvent le stress

qui accompagne l’établissement dans un nouveau milieu de vie et l’éloignement

des réseaux de soutien auxquels ils sont habitués.

Ces bouleversements émotionnels et physiques peuvent engendrer un stress

grave et d’autres problèmes de santé mentale chez les néo-Canadiens. Une

nouvelle recherche, menée par des scientifiques du Service d’équité sociale et

de recherche en santé de CAMH, vise à trouver des moyens d’améliorer la santé

mentale de cette population vulnérable.

Introduction – Adaptation de la TCC à la culture

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Page 12: Ocasi discours principal rev fr

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une psychothérapie dont

l’efficacité est prouvée dans le traitement de nombreux troubles mentaux dont la

dépression, l’anxiété, le trouble de stress post-traumatique et la psychose.

Employée rapidement et de façon appropriée, cette thérapie peut s’avérer utile

dans le traitement de troubles mentaux auprès des populations immigrantes.

L’objectif de ce projet est d’adapter la TCC, un traitement factuel, à la culture

pour en augmenter l’efficacité et ainsi répondre aux besoins des populations

immigrantes. Des cliniciens expérimentés adaptent régulièrement la

psychothérapie au sexe, à la personnalité, au niveau d’aptitude ainsi qu'à

d’autres caractéristiques du patient susceptible de jouer sur le processus

thérapeutique. De la même façon, l’adaptation culturelle requiert que le

traitement soit adapté à l’environnement culturel du patient afin de le rendre

pertinent. Cela nécessite que le thérapeute ait une compréhension inclusive de

la culture en ce qui a trait à la langue, aux valeurs, aux croyances et

symbolismes, mais aussi à l’environnement, soit l’histoire, les dynamiques entre

les groupes et au sein même d'un groupe, ainsi que les défis contemporains

auxquels font face ces groupes ethnoculturels particuliers. Comme l’indique

l’analyse suivante, les populations immigrantes à l’étude évoluent dans des

environnements culturels qui présentent certaines similitudes, comme leur statut

en tant qu’ethnie dans un contexte occidental, mais aussi leurs caractéristiques

uniques qui sont hautement pertinentes quant à l’immigration, à l’établissement

et à d'autres facteurs de stress associés. On a déjà prouvé que la TCC pouvait

répondre aux besoins de populations immigrantes. Toutefois, elle n’est pas aussi

efficace que pour les populations pour lesquelles elle a été conçue à l'origine.

L’adaptation culturelle permet de cibler les éléments du traitement qui sont utiles

ou non aux populations immigrantes et de faire les ajouts nécessaires pour que

ces communautés en bénéficient pleinement. Les manuels qui sont tirés de ce

processus serviront de modèles au développement d’interventions culturellement

adaptées visant les communautés immigrantes.

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Page 13: Ocasi discours principal rev fr

Que va-t-il résulter de cette ouverture ? Le milieu thérapeutique sera modifié. Le

rapport généralement dominant/dominé, connaisseur/exécutant entre

intervenants et usagers sera remplacé, du moins lors des deux premières

entrevues d’évaluation, par un cadre thérapeutique démocratique où les

individus ou familles auront une place prépondérante dans les prises de

décision, tant diagnostiques que thérapeutiques. La présence d'un interprète-

médiateur culturel rend la participation de l’usager plus active, du fait qu’ils

partagent une même langue maternelle, ce qui favorise un échange plus

dynamique et en plus grande confiance. D’un autre côté, l’interprète-médiateur

joue également le rôle d’éclaireur culturel pour permettre à l’intervenant de mieux

comprendre l’autre dans ses valeurs culturelles, ses implicites, ses non-dits, etc.

Étant plus sûr d’être compris, l’usager montrera plus d'intérêt à la démarche, ce

qui contribuera à une meilleure alliance thérapeutique pour une co-construction

métissée : la TCC selon la vision des thérapeutes et l’impact de la culture telle

que perçue par les usagers.

Lorsque nous parlons de sociétés non-occidentales, il importe d’éviter la

généralisation. Il ne s’agit pas d’entité homogène. Dans un même pays, les sous-

cultures font toute la différence et doivent être prises en compte dans la façon

d’entrer en relation avec les usagers. Nous sommes tous porteurs de culture et

nous portons tous notre culture de différente façon. Ainsi donc, l’adaptation de la

TCC à la culture devrait être pensée et exécutée au cas par cas, dans le respect

mutuel des différences.

En conclusion, la TCC adaptée à la culture est un modèle qui s’assure de

développer une véritable alliance thérapeutique entre l'intervenant et l'usager, qui

met en confiance l’usager porteur d’une culture autre que celle du pays d’accueil,

en lui accordant dans l’intervention, une place où le pouvoir est partagé : pouvoir

de l’expert qui maîtrise sa technique d’intervention et pouvoir de l’expert en son

propre problème, l’usager. « C’est lui, l’usager, qui donne le ton, par sa

souffrance, par le sens qu’il apporte à sa souffrance. C’est lui qui donne le ton

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Page 14: Ocasi discours principal rev fr

par la co-construction, tant dans la prise de décision diagnostique que dans la

solution au problème avec l’équipe thérapeutique. »

La santé mentale des réfugiés : pratiques prometteuses et ressources pour

l’établissement de partenariats

Ce guide est destiné aux personnes qui travaillent auprès des réfugiés au

Canada, plus particulièrement celles qui leur offrent des services

d’établissement, de santé et autres services d’assistance sociale. Il a été rédigé

à l’intention des intervenants de première ligne, des gestionnaires de

programmes et des dirigeants d’organismes ; il reflète leurs idées et leurs

connaissances spécialisées.

Quels sont les l’objectifs de ce guide?

1. Aider les intervenants de première ligne aux secteurs d’établissement à

répondre aux besoins en santé mentale d’une clientèle réfugiée.

2. Aider les fournisseurs de services en santé mentale à mieux comprendre

la complexité des besoins en établissement d’une clientèle réfugiée, et à

déterminer comment les services de santé mentale peuvent soutenir les

besoins d'établissement.

3. Soutenir les fournisseurs en établissement, en santé primaire et en santé

mentale à établir des partenariats forts et durables, pour assurer un accès

cohérent à une gamme de services auprès d'une clientèle réfugiée.

4. Suggérer comment les fournisseurs de services de santé mentale et en

établissement pourraient développer un meilleur partage des

connaissances pour répondre aux besoins locaux.

5. Partager les conclusions d’une étude pancanadienne sur les pratiques

propices à la santé mentale, à la résilience et au rétablissement des

réfugiés.

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Page 15: Ocasi discours principal rev fr

Outils d’apprentissage collaboratif de communauté de pratique en ligne

pour la santé mentale des réfugiés

C’est un projet de deux ans d'application des connaissances, afin de créer et

d'informer une communauté de pratique en santé mentale des réfugiés en

Ontario, en développant et en fournissant des ressources d'apprentissage

électronique.

Le projet est un suivi de la recherche de la Dre Laura Simich sur les pratiques

nationales en matière de santé mentale des réfugiés (RMHP) ; une étude

effectuée en juin 2010 pour le compte des programmes d'établissement, gestion

opérationnelle et de coordination, Citoyenneté et Immigration Canada.

Ce projet offrira une variété d'outils d’apprentissage en ligne et de ressources

aux travailleurs en établissement, aux professionnels des services de santé et

aux services connexes :

- Direction par un facilitateur des cours en ligne et tutoriels autodirigés en

utilisant une variété d'activités d'apprentissage et de fonctionnalités multimédia

· Webinaires (présentations basées sur le Web)

· Diffusion sur le Web et 'podcasts'

· Communauté de pratique collaborative en ligne (réseaux sociaux et

collaboration en ligne)

· Trousse en ligne (ressources en ligne fournissant des informations, des idées,

des outils et matériaux nécessaires à la promotion de la santé mentale des

réfugiés).

Résultats attendus :

- Une meilleure compréhension de la santé mentale des réfugiés et de l'impact

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Page 16: Ocasi discours principal rev fr

de la maladie mentale sur les individus et les familles.

- Une augmentation de la capacité des fournisseurs de services de fournir des

soins appropriés de santé mentale aux réfugiés.

- Une amélioration des réseaux, des partenariats et le partage d'information entre

les travailleurs de l'établissement, les professionnels de la santé et

paramédicaux.

- Une amélioration du support et de l'accès aux services de santé mentale pour

les réfugiés.

- Une amélioration de la santé mentale et du bien-être des réfugiés.

- Un meilleur établissement (réinstallation) et une meilleure intégration des

réfugiés dans la société canadienne.

Le projet sera mené conjointement par le Dr Samuel Noh et par Branka Agic.

Seul-e au Canada, ou vingt et une façons d'améliorer son sort - Guide

individuel pour les personnes qui arrivent seules

Seul-e au Canada, ou vingt et une façons d'améliorer son sort est un guide

individuel réalisé par une équipe de CAMH pour les personnes qui arrivent

seules au Canada. Il est conçu pour aider les nouveaux immigrants et les

réfugiés qui arrivent seuls à s'adapter aussi vite et aussi bien que possible à la

vie dans une nouvelle société. Il offre des suggestions pour résoudre 21 des

problèmes les plus courants auxquels doivent faire face les nouveaux arrivants,

comme par exemple surmonter l'isolement et le choc culturel, gérer le stress et la

discrimination, apprendre l'anglais ou le français, nouer et entretenir de nouvelles

relations et apprécier de nouvelles expériences. Le principal objectif de ce livret

est de réduire le stress qui résulte de la migration, de faciliter l'établissement au

Canada et d'encourager la bonne santé mentale et physique des personnes qui

arrivent seules.

Seul-e au Canada intéressera les organismes qui desservent les nouveaux

arrivants, tels que les organismes d'établissement, les programmes de cours

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Page 17: Ocasi discours principal rev fr

d'anglais langue seconde (ESL/CALS) et de cours de langue pour les immigrants

au Canada (LINC/CLIC), les services de santé, les écoles et collèges

internationaux, les centres d'apprentissage pour adultes et les centres pour les

femmes immigrantes. Ce livret est disponible sous plusieurs formes et dans 23

langues :

Collection de romans-photos sur la santé mentale et la toxicomanie

CAMH a créé cette collection de cinq romans-photos (histoires racontées en

photographies) illustrant les problèmes les plus courants liés à l’alcool, au jeu de

hasard et d’argent, à la dépression, à la drogue et au syndrome de stress post-

traumatique.

Les romans-photos destinés à la promotion de la santé et à la prévention ont pour

principaux objectifs d'élargir les connaissances en santé mentale et en toxicomanie

et d’améliorer l’accès aux services dans ces domaines. Cette ressource a été mise

au point par une équipe de CAMH et a été financée par l’Administration ontarienne

des services d'établissement et d'intégration (OASIS) de Citoyenneté et

Immigration Canada. Cette collection de romans-photos sur la toxicomanie et la

santé mentale est un outil novateur de promotion de la santé et de prévention

destiné à combattre les préjugés. Les cinq scénarios sont racontés à l'aide de

photographies de qualité professionnelle et de textes succincts et traitent des sujets

suivants : la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, la drogue, l'alcool

et le jeu de hasard et d’argent. Ces livrets aideront les lecteurs à mieux

comprendre et à mieux accepter les personnes aux prises avec des problèmes de

toxicomanie et de santé mentale. Ils offrent aussi des renseignements de base sur

la prévention et sur les moyens de trouver de l’aide. Ils ont entre 12 et 16 pages

chacun et existent en anglais, français, espagnol, portugais, créole et tamoul.

Recommandations :

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Page 18: Ocasi discours principal rev fr

La situation économique et le bien-être social des immigrants faisant partie des

obstacles majeurs à leur accès aux services et soins de santé pour les

immigrants francophones, des efforts de promotion effective devraient être

constamment déployés :

- Les soins et services de santé en français devraient être plus visibles aux

immigrants francophones dans les communautés diverses.

- Des recherches et des consultations devraient être entreprises et des

mécanismes d’intervention devraient être mis en place afin que les soins et

services de santé en français soient accessibles à tous les immigrants

francophones, dans leurs communautés, quels que soient leur sexe, leurs

conditions économiques, leur culture, leur âge, leur état de santé, leur éducation

et leur statut d’immigration.

Conclusion :

Il y a accès quand l’institution a l’occasion de servir des membres de groupes

désignés qui étaient autrefois exclus. Il y a accès quand les bénéficiaires de

services peuvent profiter des services sans perdre quoi que ce soit lorsqu’ils

entrent en contact avec l'organisation. Cela signifie qu’on les encourage à

amener avec eux la langue dans laquelle ils communiquent avec aisance et

compétence (français) et d'autres parties importantes de leur culture. Il y a accès

quand le processus de guérison et d’amélioration de la santé est capable de

puiser dans les forces issues des systèmes de foi et de croyance présents au

sein de ces communautés. Cela signifie également que le personnel et les

professionnels désignés sont bien préparés et formés pour voir et servir la

personne dans son intégralité, quand ils sont en présence de membres des

groupes désignés. Cela signifie aussi que tous les fournisseurs de services sont

équipés pour répondre à des cas spécifiques qui engendrent des besoins

spécifiques.

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