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51 RUE DE VIVIENNE 75095 PARIS CEDEX 02 - 01 44 88 55 00 OCTOB 09 Mensuel OJD : 41875 Surface approx. (cm²) : 3021 N° de page : 72-77 Page 1/6 MEDICIS 6022031200505/CLA/ATF/2 Eléments de recherche : VILLA MEDICIS : uniquement la résidence d'artistes à Rome (Italie), passages significatifs • L atelier au* proportions o*' nangar ,- , industriel est baigné par la lumière du nord, nécessaire au peintre pour une perception juste des couleurs. Sur le mur du fond, un* 4 des toiles d'E/h'pse, oeuvre en forme dè tente '""^xposée en 2001 à la Fondation Cartier.

OCTOB 09 - Villa Medici · me un tapis. Il aurait sans doute préféré la Bourgogne de ses souvenirs d'enfan-ce, ses forêts profondes, les hivers rudes du Morvan. Mais lorsque,

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51 RUE DE VIVIENNE75095 PARIS CEDEX 02 - 01 44 88 55 00

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Surface approx. (cm²) : 3021N° de page : 72-77

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Eléments de recherche : VILLA MEDICIS : uniquement la résidence d'artistes à Rome (Italie), passages significatifs

• L atelier au* proportions o*' nangar ,- ,

industriel est baigné par la lumière du nord,

nécessaire au peintre pour une perception

juste des couleurs. Sur le mur du fond, un*

4 des toiles d'E/h'pse, oeuvre en forme dè tente

'""^xposée en 2001 à la Fondation Cartier.

51 RUE DE VIVIENNE75095 PARIS CEDEX 02 - 01 44 88 55 00

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u, Gérard Garouste vient

[biographique, « L'Intranquille ».

une rétrospective de son

roustel'intranquille

texte Jérôme Coignard photos Philippe Chancel

Cy est dans une campagne val-

lonnée, non loin de la forêt deDreux, que Gérard Carouste

vit et travaille. Il y avait près de ce villa-ge une abbaye cistercienne dont subsis-tent quèlques pierres. L'atelier, aux pro-portions de hangar industriel, semblecapturer cette clarté presque grise desgrandes nefs sans ornement élevées parles moines de Cîteaux. Un petit cheminbordé de tilleuls et de groseilliers palis-sés nous y mène. L'artiste en a conçu lesplans. Sur le toit, des verrières captent laclarté du nord. « L'important, dit-il, est demaîtriser la lumière, qui doit être à peu prèsconstante, été comme hiver. » Et, commeil se doit, pas de fenêtres ! Mais Garous-te s'est autorisé à vitrer la porte d'entréeet à la prolonger par une baie verticale.Cette large et haute fente face à l'est cap-te les premiers rayons du soleil. Levé àl'aube, avec les chants des oiseaux, l'ar-tiste foule l'ombre immense des feuilla-ges environnants, projetée au sol com-me un tapis. Il aurait sans doute préféréla Bourgogne de ses souvenirs d'enfan-ce, ses forêts profondes, les hivers rudesdu Morvan. Mais lorsque, la nuit, sur laroute de Dreux à Anet qui coupe la forêtdans toute sa longueur, un grand cerfs'arrête un instant au milieu de la chaus-sée, se fige puis regagne la futaie, il estheureux.

D'argent et de sangDe derrière l'une des tables chargées deson matériel de peintre, il tire un curieuxpetit fauteuil qu'il offre au visiteur. C'estun siège pittoresque comme l'était lemobilier en troncs d'arbres des jardinsdu xvm0 siècle, maîs visiblement plus

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récent, sorti de l'atelier d'un touche-à-tout inspiré Ce fauteuil, presque baro-que au milieu de la neutralité de l'ate-lier, c'est Casse qui l'a fait Casse est l'undes héros de L'Intranquilk, le beau livreconfession que Garouste vient d'écrireavec Judith Pemgnon « Sevenno Cassoti,

il s'appelait. Il était maçon, tailleur de. pier-re., bûcheron et alcoolique Sa femme Eléo-nore était la sœur de ma mere, maîs unequ'on n'invitait pas à la cueillette, ni unautre jour f ] Eléo et Casse étaient deuxégares qui se disaient vous Ils avaient creeun univers étrange sur une terre qui n'était

Gérard Garouste et la magie PalaceÀ la fin des années 1970, Carouste était, selon ses propres mots, « un peintresans succès ». Un ami de collège, Jean-Michel Ribes, lui commanda un décor

pour Jackie Paradis au Théâtre de laville. Fabrice Eamer venait de faire d'un

vieux théâtre, le Palace, rue du Faubourg-Montmartre, la boîte de nuit la

plus branchée de Paris. Sur le conseil de François Baudot, il lui commanda

à son tour un décor Lin décor mural cette fois, pour rehausser l'éclat de ce

haut lieu de la nuit où l'on rencontrait Saint-Laurent, Barthes,MickJagger,

William Burroughs. . «Je m'inspiras/ des cartons de la Renaissance, des places véni-

tiennes, je jouais des trompe-l'œil.des perspectives », se rappelle Garouste. Le suc-

cès appelle le succès. Peu après, Leo Castelli, le grand marchand new-yorkais,le prenait sous son aile. Il lui proposa un contrat. Une carrière internationale

s'ouvrait. Du décor du Palace ne subsiste aujourd'hui que le souvenir. J. C.

pas la leur Ic paradis dc mon enfance »Ce petit fauteuil était donc un fétiche, untrône ' Quoiqu'il parle très peu de pein-ture dans ce livre, on comprend que lepeintre autant que l'homme Garoustes'est forme dans cette Bourgogne ruraleet archaïque ou, enfant, il passait sesvacances Et la, il faut tout de même parler couleurs Car Casse avait entière-ment badigeonne la pièce où il vivait decette peinture argentée dont on pro-tégeait les tuyaux de poêle « Tout brillait,depuis la cheminée jusqu'à ses sabots. »Et ce qu'il n'avait pas recouvert d'anti-

Ci-dessus, à gauche : l'artiste a lui-même

conçu ce lieu de travail fonctionnel.

L'escalier sans rampe mène à un espace

de stockage.

Ci-dessus, à droite . Garouste, au détourdu petit chemin menant à l'atelier.

Page de droite . Gérard Garouste,(soie tt'lssenheiia, 2007, huile sur toile,206 x 410 cm (Courtes/ Galerie Daniel

Templon, Paris ©B. Huet/Tutti).

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rouille était tapissé du papier métalli-sé qui enveloppait ses Gauloises. Cecabinet d'argent digne d'un conte dePerrault, ce décor merveilleux naissaitde presque rien. À cet argent quotidiens'ajoutait le rouge occasionnel du co-chon que l'on saigne. L'homme au grandcouteau avouait benoîtement qu'il ai-mait bien égorger l'animal. On ne re-garde plus tout à fait de la même ma-nière la peinture de Garouste depuisqu'il nous a raconté comment il suivaitson oncle lorsque celui-ci «faisait lespas » des sangliers, pour repérer leurprésence ; comment Casse, quand iltirait les lapins, les accrochait dans lesarbres au fur et à mesure, car il en ruaittrop pour pouvoir les porter. Ce mondeque le xxe siècle n'avait pas encore rattra-pé était traversé de figures étranges, telle chasseur de vipères. Celui-ci les cap-turait vivantes, et les tenait attachées parla tête. Il déambulait avec ce grouillant

fagot, digne du bouclier de Méduse.

« Garouste père et fils »Évidemment, il y a des ombres au ta-bleau. La première est celle du père,Henri Auguste Garouste. C'est la figu-re de l'ogre, le triste Barbe-Bleue qui,dans les années 1940, fonda la prospé-rité de « Garouste père et fils, Ameuble-ment-décoration-mstallation », sur desbiens spoliés aux juifs. Il avait fait mainbasse sur les magasins de meubles Lévi-tan. « Si Hitler avait gagné la guerre, c'estpas trois magasins qu'on aurait eus, c'est lesGaleries Lafayette ! » Petite histoire de la« saloperie ordinaire », que tant d'autresbonnes familles françaises ont préférébalayer sous le tapis... Et puis il y a l'om-bre de la folie, ces crises de délire quimenèrent plus d'une fois le peintre surle chemin de l'hôpital psychiatrique. Onne regarde plus tout à fait de la mêmemanière la peinture de Garouste depuis

qu'on a lu ces pages pudiques, mais pré-cises comme le scalpel. Ou plutôt cesont les personnages de ses toiles quinous regardent désormais avec plusd'insistance, ces héros dégingandés auxgrands yeux tristes et à la bouche qui tom-be, cet Autoportrait dont la tête hyper-trophiée sort de la poitrine, lieu desétouffements et des non-dits, ces ani-maux philosophes, singes couronnés,lapins agiles, ânes faussement bonhom-mes. I!« intranquille » nous a donnédans ce récit les clés de sa maison, entrele Palace, célèbre boîte de nuit qui lan-ça sa carrière au début des années 1980(voir encadré), et la vie à la campagne,entre l'atelier et l'hôpital psychiatrique.Entre les mystères du Moyen Âge et laTorah. De même qu'à une époque ilbroyait lui-même ses pigments, pour serapprocher de la vérité matérielle de lapeinture, Garouste a appris l'hébreupour se rapprocher des textes originels.

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Saùl, Rebecca, Job, Lilith et tous les au-tres, ces personnages devenus des arché-types, des mythes, sont des fantômesfamiliers. Et il n'aime pas que le petitJésus des tableaux de la Renaissance nesoit pas circoncis, fût-il peint par Belli-ni. Car ça commence par un petit boutde peau en trop, et ça finit à Auschwitz.D'ailleurs, il n'aime pas que les enfantssouffrent. Pour eux, il a fondé l'asso-ciation La Source, qui leur apporte leréconfort de l'art, la caresse des belleschoses qui soignent les amours-propresblessés.

Les marionnettes de FaustSi Garouste peint à l'huile, c'est sansnostalgie du passé : « La peinture est unoutil, un moyen, pas une fin. Je ne me cou-perai pas une oreille pour elle », dit-il dansun sourire. Il a réhabilité le sujet dansle tableau à une époque où la peintureelle-même était considérée comme ar-chaïque et dépassée. «J'ai toujours besoind'un fil conducteur, d'un thème. » Ce sontles grands textes, ce sont Dante, la Bible,

Don Quichotte qui l'ont amené à la pein-ture et il le leur rend bien. Faisant allu-sion à Marcel Duchamp et à l'histoire del'avant-garde, il déclare : « L'Himalaya adéjà été conquis. L'originalité n'est plus àl'ordre du jour ». Si ce retour au métierne lui vaut pas que des admirateurs, il afait naître un monde étrange, un théâ-tre qui n'appartient qu'à lui, peint com-me un décor à grands coups de brosse,avec ses ombres exagérées par les feuxd'une rampe imaginaire, sa perspectivebousculée par la pente d'une scène àl'italienne dont on croit entendre le grin-cement des planches. Son prochain tra-vail sera consacré au thème de Faust.« C'était, bien avant Goethe, une légende,un conte populaire, qu'on interprétait mêmeavec des marionnettes. C'est un thème quim'est cher : le Moi et son double, le Diableet le Bon Dieu, le sage face au désir. » Entrele Diable et le Bon Dieu, entre le Classi-que pétri par la norme et l'Indien insou-mis, deux personnages qui l'habitentdepuis toujours, Garouste le funambuletente de garder l'équilibre. •

bloc-notesA VOIR

rn L'exposition « Gérard Garouste »a l'Académie de France à Rome VillaMédicis (viale Trmità dei Mont, i - 00187Rome - 39 06 67611 - www.villamedici.it)du 14 octobre au 29 novembre

À SAVOIR

• Gérard Garouste est représenté parla galerie Daniel Templon (30, rue Beaubourg,75003 Paris - oi 42 72 14 IQ).

A LIRE• Le catalogue, coédité par Electa et l'Académiede France à Rome (190 pp , 50 ill., 29 €)• Gérard Garouste, avec Judith Perngnon,L'Intranquille Autoportrait d'un fils, d'un peintre,d'un fou, éd L'Iconoclaste (204 pp., 16 €)rn Michel Onfray, L'Apiculteur ct les Indiens,ed Galilée (131 pp , 24 €)

Ci-dessus : percées à l'est, la porte d'entrée

et la grande baie qui la surmonte font

entrer le soleil du matin dans l'atelier.

Page de droite : Gérard Garouste, L'Ânefse et

la Figue, 2005, huile sur toile, 235 x 200 cm,

détail (Courtes/ Galerie Daniel Templon,

Paris. ©B.Huet/Tutti).

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