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90 CNOSF Paris, les 2 et 3 mars 2012 Table ronde : Organisation de la lutte contre les trafics en 2012 animée par Jean-Pierre BOURELY, Chef du bureau DSB2 du Ministère des Sports Ont participé à cette table ronde : Benoît GERMAIN, Adjoint au directeur de l’Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique Jean-Paul GARCIA , Directeur de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes douanières (DNRED) Capitaine Mathieu HOLZ, Interpol Intervention de monsieur Benoît GERMAIN L’action de l’OCLAESP contre les réseaux et les trafiquants Bonjour à tous. Merci d’inviter régulièrement l’OCLAESP. La dernière table ronde d’hier a permis d’introduire les travaux de la police judiciaire en matière de lutte antidopage. La problématique de la police judiciaire est plus sociologique que scientifique. Tandis que les autorités sportives s’emploient à détecter les produits au travers d’analyses biologiques, la police judiciaire, elle, mène des enquêtes sur les personnes impliquées dans le dopage. Avant d’entrer dans le détail, je souhaite vous informer du fait que mes propos pourraient heurter certaines sensibilités. Toutefois, ils sont tirés de l’expérience de la police judiciaire. La lutte contre le dopage est en effet menée depuis une cinquantaine d’années. Les autorités sportives ou judiciaires ne sont néanmoins pas dans une situation de réussite totale, même si elles ont maintenu un niveau qui reste gérable.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Table ronde : Organisation de la lutte contre les trafics en 2012

animée par Jean-Pierre BOURELY, Chef du bureau DSB2 du Ministère des Sports

Ont participé à cette table ronde :

Benoît GERMAIN, Adjoint au directeur de l’Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique

Jean-Paul GARCIA , Directeur de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes douanières (DNRED)

Capitaine Mathieu HOLZ, Interpol

Intervention de monsieur Benoît GERMAIN

L’action de l’OCLAESP contre les réseaux et les trafiquants

Bonjour à tous. Merci d’inviter régulièrement l’OCLAESP. La dernière table ronde d’hier a permis d’introduire les travaux de la police judiciaire en matière de lutte antidopage. La problématique de la police judiciaire est plus sociologique que scientifique. Tandis que les autorités sportives s’emploient à détecter les produits au travers d’analyses biologiques, la police judiciaire, elle, mène des enquêtes sur les personnes impliquées dans le dopage.

Avant d’entrer dans le détail, je souhaite vous informer du fait que mes propos pourraient heurter certaines sensibilités. Toutefois, ils sont tirés de l’expérience de la police judiciaire. La lutte contre le dopage est en effet menée depuis une cinquantaine d’années. Les autorités sportives ou judiciaires ne sont néanmoins pas dans une situation de réussite totale, même si elles ont maintenu un niveau qui reste gérable.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Il n’y aura jamais de société sans police, sans juge, sans droit pénal. De même, il n’y aura jamais de sport sans tricherie, qu’il s’agisse de dopage ou d’achat de résultats. Globalement, les autorités sportives, notamment à travers du CIO, ont beaucoup communiqué sur la déception qui a fait suite à leurs interventions. La police judiciaire a interprété ce message comme un appel à l’aide de la part des autorités sportives.

Le dopage est aussi ancien que le sport. Toutefois, la police judiciaire est inquiète devant le glissement progressif d’un dopage d’élite spécifique, tourné vers la recherche de la performance, vers un dopage de masse, devenu quasi culturel. Nous constatons en effet que le dopage n’intervient pas seulement dans le cadre d’une recherche ciblée d’une performance donnée à un moment particulier, mais correspond à un comportement induit par un environnement encourageant à adopter des solutions de facilité, d’efficacité immédiate.

Enfin, le sport est-il le miroir de nos sociétés ? Les valeurs de la société sont-elles en danger ? J’aurais tendance à penser que le milieu sportif a toujours été en avance d’une bonne dizaine d’années sur les évolutions de la société. Ainsi, les problèmes qui touchent le domaine du sport seront sans doute importés dans d’autres environnements de la société civile.

Il existe beaucoup d’idées reçues et de représentations concernant le dopage. On note en effet un écart entre son traitement scientifique et biologique par les autorités sportives et le discours de la presse, plus civique, qui porte davantage sur les valeurs. Le sportif « attrapé » sera hâtivement considéré comme un tricheur et comme un coupable avant le terme de la procédure. Avec le temps, il apparaîtra finalement comme une victime.

Il existe donc un manque de cohérence dans la lutte antidopage, aussi bien de la part des autorités sportives que de la part des autorités judiciaires. Une analyse plus fine mériterait d’être établie et communiquée auprès du public. La lutte antidopage, qui est essentielle, n’est pas soutenue par l’opinion publique alors qu’elle constitue un problème de société.

Par ailleurs, la pratique n’est pas sanctuarisée au sport d’élite : elle concerne aussi les pratiques non compétitives, sans enjeux. Aucune discipline n’échappe au dopage, même si certaines, telles que le cyclisme, sont plus ciblées. La politique des autorités du cyclisme est exemplaire en la matière et ces dernières devraient communiquer davantage. Notre expérience nous apprend qu’aucune discipline n’est épargnée par le dopage.

Il existe un lien quasi systématique entre le milieu sportif et le milieu médical – médecin, pharmacien, infirmier – dans toutes les affaires que nous avons traitées. En effet, la haute performance est très médicalisée. De plus, la compréhension d’un protocole de dopage efficace et discret nécessite des compétences dont les sportifs ne disposent pas, même s’ils peuvent les acquérir. II ne s’agit pas de stigmatiser une profession, mais bien plutôt de regarder la réalité des faits.

Enfin, le dopage s’inscrit dans le cadre d’un système organisé. Si les trafics de stéroïdes relèvent du grand banditisme, tout dopage requiert l’existence d’un trafic structuré. Un sportif ne peut pas se doper sans produits, sans spécialistes expliquant comment les consommer, sans logistique pour les acheminer. Ainsi, le dopage n’est jamais complètement individualisé. Il n’est pas envisageable de combattre le problème sans adopter une approche systémique.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Il existe deux types de répression : une répression autour de la demande, le sportif, avec le contrôle antidopage ; une répression sur l’offre, dirigée vers le trafiquant. Il est important de coordonner ces deux types de répression. Il n’est par ailleurs pas cohérent d’opposer la répression sportive et administrative à la répression pénale. Il n’est pas de bonne prévention sans répression, pas de prévention efficace sans travailler à la fois sur le consommateur et sur le fournisseur.

Trois défis doivent être relevés. Le premier consiste à améliorer les compétences des structures répressives, c'est-à-dire des organisations antidopage. Il faut renforcer les moyens financiers de la recherche afin que celle-ci ne se fasse pas distancer par l’évolution rapide des protocoles de dopage. Le dopage génétique existe sans doute déjà. Enfin, les services répressifs judiciaires doivent renforcer leurs connaissances sur les usages et les comportements des contrevenants.

Le nombre d’affaires traitées n’étant pas suffisant pour analyser les comportements criminels, les services ont besoin d’échanger avec les autorités sportives et avec toutes les personnes qui luttent contre le dopage.

Le deuxième défi consiste à assurer la possibilité aux services de police judiciaire d’agir sur le consommateur afin de remonter les filières d’approvisionnement. Le consommateur constitue en effet une porte d’entrée pour remonter les filières d’approvisionnement. Le code pénal oblige ainsi tout un chacun à donner des informations sur sa connaissance d’une situation² délictueuse. Ces opérations auront un effet dissuasif et permettront de renforcer la prévention, sachant que l’arsenal de justice n’est pas toujours adapté. Enfin, il n’est pas question de mettre les sportifs en prison : ces derniers seraient seulement condamnés à des travaux d’intérêt général, éventuellement à une injonction thérapeutique.

Le troisième défi vise à renforcer la coopération internationale et les échanges d’informations. Aujourd’hui, les services internes de la police judiciaire ne disposent ni d’outil permettant la centralisation de l’ensemble des faits retenus sur le dopage, ni de statistiques internes documentées. Ils réfléchissent à la création d’outils de mutualisation qui leur permettront d’être plus réactifs et de mieux comprendre les comportements. Enfin, il est nécessaire de tendre vers l’harmonisation des législations, qui ne sont pas cohérentes y compris à l’échelle de l’Europe.

La police judiciaire a une vision relativement déprimante de l’avenir. La recherche biomédicale avance rapidement et les sportifs utilisent les produits sans AMM. Internet est un outil redoutable et rapide pour se renseigner sur les produits et se les procurer. La mondialisation facilite de plus le transport des produits et des personnes. Elle rend plus faciles les séjours dans des pays moins sévères en matière de lutte contre le dopage.

Enfin, le crime organisé devient problématique avec des enjeux financiers importants pour des risques mineurs et des condamnations faibles.

Mobilisons-nous, mobilisons-nous, mobilisons-nous ! Nous devons travailler ensemble. Le sportif n’est pas qu'une victime. Il est demandeur et participe lui-même à son protocole de dopage. Il n’est pas totalement innocent. Toutefois, il deviendra une victime le jour où sa réputation, ses résultats et sa vie sociale seront mis en cause et enfin, il sera sans doute victime en termes de santé.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Intervention de monsieur Jean-Paul GARCIA

L’action de la Douane contre les réseaux et les trafiquants

Mesdames et messieurs, c’est un honneur et un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui. Le sujet du sport et du dopage me concerne en effet tout particulièrement puisque dans mon poste précédent, de directeur interrégional à Lyon, j’assurais la direction et la responsabilité de l’équipe douane des sportifs de haut niveau.

Hier, et ce matin, le propos des intervenants a été centré sur la personne, sur le sportif avec des préoccupations de morale, de déontologie, de santé. L'action de la douane se rapporte, elle, à la marchandise, au produit.

A cet égard, et à l'inverse de la police judiciaire qui a naturellement à coeur de traiter l'aspect moral des délits qu'elle poursuit, la douane est beaucoup plus pragmatique et directe. Elle est avant tout une administration de constatation en charge du contrôle des flux de marchandises. Les barrières physiques, censées permettre une protection du territoire, ont été supprimées avec la mondialisation. Il a fallu trouver d'autres moyens pour que la protection des citoyens, des usagers demeure. De même, une judiciarisation croissante des procédures douanières a conduit les services à se rapprocher des policiers, dans les méthodes de travail comme dans l'approche répressive.

Initialement, il n’existe aucune prohibition douanière à raison du caractère dopant de certains produits. Pour que la douane puisse intervenir en la matière, il a fallu assimiler ces produits et les faire entrer dans la catégorie des produits stupéfiants ou des médicaments. Le droit douanier, contrairement au droit du dopage, est un droit d'application simple: l'interdiction d'un produit n'est possible que s'il fait l'objet d'une prohibition ou d'une réglementation le soumettant à autorisation.

Les produits appréhendés doivent entrer dans une liste des produits interdits. Des amendes douanières peuvent alors être imposées et il est souvent utile de transférer l’affaire à un service judiciaire. Si aucune infraction douanière ne peut être relevée, l'infraction de droit commun, concernant l'usage d'un produit illicite, sera alors dénoncée au procureur de la République.

Dans les années 80, nous nous inquiétions déjà des produits à base d’hormones qui traversaient les frontières, notamment en provenance d’Espagne. Le maillage territorial est toujours présent à l’heure de l’Union européenne (aéroports, centres douaniers postaux), avec des services de contrôle et d'enquête, un service commun des laboratoires, un service national de douane judiciaire, et l'expertise d'un pharmacien, inspecteur de santé publique. De même avons-nous augmenté notre présence dans les centres douaniers postaux et dans les centres de fret express. Notre mode d’appréhension des marchandises a été développé, avec plus d’agents compétents qui ont une meilleure connaissance des produits (notamment des emballages).

La douane a également développé le système des livraisons surveillées, qui se sont multipliées récemment et contribuent à l'arrestation d'individus ou de groupes au-delà de la seule saisie de marchandises.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Mais aujourd'hui il est indispensable de compléter ce dispositif traditionnel par la recherche et le traitement du renseignement.

En mars 2010 a été créé un observatoire des médicaments au sein de la DNRED. Celui-ci a pour fonction d’échanger et d’analyser les informations sur les risques de fraude, de localiser les lieux de production et de stockage des faux médicaments, d’identifier les réseaux criminels et les filières d'approvisionnement, d’analyser les modes opératoires et les techniques de dissimulation.

Un accord de coopération a été signé, le 18 juin 2010, avec les principaux laboratoires pharmaceutiques au sein du LEEM (les entreprises du médicament) et des rencontres régulières ont lieu avec les représentants de l'association Pharmaceutical Security Institute (PSI). De même une étroite collaboration est en place avec la Direction Générale de la Santé et la MILDT. En total rapport avec les actions contre un véritable trafic de faux médicaments, qui constitue une véritable agression contre la santé publique, tout ce dispositif sert aussi, bien évidemment, la lutte contre le dopage.

Il est fortement complété par un fort investissement dans la surveillance des transactions par internet. En effet, elles sont fréquemment le support de commandes de produits particulièrement sensibles dans des pays difficilement accessibles en termes de renseignement.

MetandiénomeClenbuterol

StanozololTestostérone

TamoxifenMestanolone

ClomiféneNandrolone

AndrostenediolOxymetholone

OxandroloneBêta Hydroxy

DHEADivers

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20 000

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Les principaux produits saisis en 2010

Afin d'assurer cette mission, la cellule de Cyberdouane a été créée. Armée de 12 inspecteurs cette cellule conduit une veille sur la toile, détecte les sites suspect, se comporte éventuellement comme un acheteur potentiel.

Il s’agit d’identifier des liens entre les gérants du site, les fournisseurs de la marchandise, et les clients potentiels. Bien souvent apparaissent dans ce cadre des fournisseurs installés en Chine.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

A cet égard, nous engageons actuellement un processus de coopération avec l’administration chinoise, à partir d’un travail sur les contrefaçons de produits divers, qui pourrait déboucher rapidement dans le domaine du médicament et, partant, du dopage.

L’avenir de l'action douanière est en tout cas dans la coopération.

La dimension internationale de la fraude a amené la douane à mettre l'accent sur la coopération opérationnelle avec les autres services européens (opérations avec Interpol ou l'OMD). Nous avons engagé une collaboration en matière de renseignements avec l'unité des médicaments d'Interpol, sommes en relation de travail avec l'Agence Européenne des médicaments (Europol) et avec les réseaux des attachés douaniers à l'étranger. Ainsi, les moyens pour la douane d’entrer dans le sujet sont multiples.

Pays de production de substances dopantes

C'est par une coopération accrue au niveau national et international que nous pourrons avancer sur ce sujet.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Intervention du capitaine Mathieu HOLZ

L’implication d’INTERPOL dans la lutte contre le trafic de produits dopants

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs bonjour. Je suis affecté depuis le 1er septembre 2009 au sein du secrétariat général d’Interpol à Lyon. Interpol est une organisation internationale de coopération policière entre 190 pays membres. L’organisation ne pratique d’investigation en aucun cas.

Je vais aujourd’hui évoquer le dopage de masse, mais également développer les liens existant entre le crime organisé et le dopage. Des interconnexions de plus en plus importantes se font dans les organisations criminelles qui gèrent des trafics de drogue standards et qui prennent place dans le commerce des produits dopants. Les risques, sur ce marché, sont très limités, alors que les gains sont importants.

Les Américains ont été les premiers à prendre conscience de la problématique, dès 1993. Les forces de l’ordre se sont rendu compte que leurs recrutés avaient une carrure impressionnante et une certaine dépendance aux stéroïdes.

Drug Enforcement Administration

Des trafics de stéroïdes ont d’ailleurs récemment été démantelés au sein de la police de New York. L’approvisionnement est simplifié par Internet. Les liens entre trafics de drogue et trafics de produits dopants sont de plus en plus importants, le problème dépasse ainsi largement le contexte du sport de haut niveau et du sport amateur.

Au-delà de l’élite surprotégée et surmédicalisée, ce sont des millions de gens qui se dopent tous les jours, sportifs ou pas.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Des millions d’utilisateurs anonymes dans le monde

Pour approvisionner les consommateurs, il faut des réseaux criminels, qui impliquent des laboratoires clandestins, des systèmes pour fabriquer les pilules, du packaging etc.

Les filières de dopage sont importantes en Asie. La Thaïlande, l’Inde et la Chine sont les pays qui fournissent le plus de stupéfiants aujourd’hui. En Europe, l’Europe de l’Est et les Balkans sont les plus grands fournisseurs.

Filières de dopage

Quelques pays d’Amérique latine et des pays méditerranéens, qui ont une culture du développement des drogues synthétiques, se sont lancés dans la confection de produits dopants.

Laboratoires clandestins

Enfin, il faut relever le rôle d’Internet, qui facilite le trafic et l’échange de données sans aucun contrôle. En entrant « achat de stéroïdes » dans le moteur de recherche Google, l’on obtient 3,2 millions de résultats en quelques millisecondes.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Le rôle ambivalent d’Internet

Les personnes intéressées peuvent se rendre sur des chats sécurisés ou se renseigner sur des forums dédiés au dopage. Viking store est l’équivalent d’Amazon pour les produits dopants. Des liens expliquent comment utiliser les produits après l’achat.

Comment acheter des produits dopants sur Internet ? Il suffit de passer commande sur le site. Celui-ci répercutera la commande à un laboratoire clandestin fournisseur. Un échange de mails a ensuite lieu entre le consommateur et le site ou entre le consommateur et le laboratoire. Le prix est diminué pour les achats de groupe. Le laboratoire clandestin finalise le produit, qui sera envoyé par courrier. Il faut compter entre 10 et 14 jours entre la commande et la livraison.

Une méthode simple et anonyme pour échanger entre vendeurs et acheteurs

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

L’implication d’Interpol dans la lutte contre le trafic des produits dopants est assez récente. Elle fait suite à une demande des pays nordiques, formulée en 2008. Ces derniers ont émis les recommandations suivantes : renforcer l’échange d’informations opérationnelles, identifier les cibles communes, mettre en place un réseau d’experts et encourager les investigations au niveau international.

Il existe des similitudes entre le trafic de drogue, notamment des drogues synthétiques, et le trafic de produits dopants. Le modus operandi et les réseaux sont similaires. Cependant, les risques afférents sont différents. Un trafiquant de drogue risque la prison alors que seul quelques pays ont une législation adaptée en matière de lutte antidopage.

La lutte contre la production, la diffusion et l’usage de produits dopants ne constituent pas une priorité pour de nombreux pays. Le dopage, très contrôlé en Europe de l’Ouest, l’est beaucoup moins en Europe de l’Est, par exemple.

Un accord a également été conclu avec l’AMA pour faciliter l’échange des informations. Interpol a mis en place un groupe de travail. Le projet est financé par l’agence mondiale antidopage et a vocation à faciliter l’échange d’information entre pays membres, du moins entre ceux qui ont une législation adaptée.

L’objectif est d’identifier les trafiquants, les sites de vente, les fournisseurs de matériel et d’équipement, les mécanismes financiers. La plupart des données sont échangées dans les bases de données Interpol. Un réseau sécurisé permet de diffuser rapidement les informations dans les 190 pays membres.

Les collègues autrichiens ont par exemple identifié une nouvelle façon de dissimuler les stéroïdes. Pour les jeux olympiques de Londres, nous avons déjà commencé à échanger des informations avec l’agence anglaise antidopage et avec l’équivalent d’un office central au Royaume-Uni. Deux services américains dirigent actuellement quatre opérations qui visent à démanteler les achats de produits dopants entre les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Echange d’information à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres

L’objectif est, lors de la prochaine réunion, de transmettre ces informations aux pays membres, à l’organisation mondiale des douanes, et dans une certaine mesure à l’agence française antidopage. L’opération prend du temps car la transmission des informations américaines suit un protocole particulier.

Objectif prochain : mise en place de ce réseau de transmission des informations

Ainsi, notre objectif est de faciliter les investigations, de mettre à disposition des outils, d’offrir la possibilité aux organismes de s’appuyer sur notre réseau dans les pays membres. Enfin, l’idée est de continuer le partenariat avec l’AMA, qui apporte à Interpol un soutien financier et scientifique.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Conclusion de monsieur Jean-Pierre BOURELY

Sur le plan historique, la lutte contre le dopage s’accélère en France en 2006 avec la mise en place de l’agence française de lutte contre le dopage. La lutte contre les trafics, qui constitue le meilleur moyen de lutter contre le dopage dans le sport, prend une consistance à partir de 2008, avec la loi du 3 juillet contre le trafic des produits dopants. Ainsi, nous observons une montée en charge tout à fait intéressante.

Avec la loi du 3 juillet 2008, qui a notamment mis en place des moyens juridiques nouveaux contre la prescription et l’administration des produits, avec le positionnement de l’OCAESP dans le champ du sport et du dopage depuis 2007, avec la mise à disposition du capitaine Holtz à Interpol, il me semble que nous disposons d’outils importants.

Un projet de décret, qui est en cours de signature, invite à la coopération interministérielle et aux échanges de renseignements en matière de lutte contre les produits dopants. Il doit conforter et améliorer l’articulation entre l’ensemble des administrations, l’ensemble des services du ministère de la justice et de l’intérieur, notamment par la création de l’instance nationale qui animera et coordonnera l’action des commissions régionales de lutte contre les trafics de produits dopants, coprésidées par le ministère des sports et de la justice. Son secrétariat général sera assuré par l’OCAESP. Cette instance se réunira deux fois par an. J’espère que cette commission constituera un outil politique fort pour développer la coopération dans le lutte contre les trafics de produits dopants.

Questions-réponses avec l’amphithéâtre

Marc GUERIN, médecin du centre médico-sportif de Nanterre

Monsieur GERMAIN, vous observez un glissement d’un dopage élitiste vers un dopage de masse. Dans le centre que je dirige, nous réalisons près de 5 000 consultations par an. Nous comptons certes peu ou pas de culturistes, mais force est de constater que je n’établis pas le même constat que vous, cela malgré notre travail d’enquête et nos programmes dans les écoles pour évaluer l’importance du dopage dans les pratiques de masse. Comment observez-vous, et avec quels outils, cette augmentation du dopage de masse ?

Benoît GERMAIN

Certains de vos collègues travaillant dans des antennes n’ont pas les mêmes données que vous. Par ailleurs, il convient de se souvenir que nous avons affaire à un milieu de délinquants, qui fonctionne en parallèle des circuits classiques. Nous n’avons pas d’information précise sur le volume de consultation des médecins impliqués dans le réseau. Cependant, nous regroupons des faisceaux d’information grâce à Interpol, aux agences antidopage, aux antennes médicales de prévention antidopage, aux investigations que nous réalisons nous-mêmes, à l’analyse des flux de produits et des flux financiers.

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Toutes les études montrent que le marché est mondial et représente plusieurs milliards d’euros. Il reste toutefois difficile d’obtenir des informations précises, notamment concernant les conséquences sur la santé.

Michel RIEU

Je voudrais intervenir concernant la recherche, qui aurait pris un peu d’avance par rapport à ce qui pourrait ressembler un jour à du dopage génétique. Ne confondons pas le dopage génétique qui correspond à une technique de transgénétique, à savoir une technologie qui n’est pas au point en thérapeutique, et le dopage génétique pharmaceutique, c'est-à-dire un dopage qui module l’expression des gènes. Le problème qui nous préoccupe est celui de la réactivité des sportifs à l’égard de la recherche. Le sportif de haut niveau a par exemple parfaitement saisi comment il pouvait échapper au passeport génétique, et cette méthode est à mon sens déjà dépassée. Il existe un décalage entre la recherche et la mise en œuvre de ses résultats.

Benoît GERMAIN

Il me semble que le rythme de la prise de conscience et de la prise de décision s’est accéléré. Depuis 2008, les textes législatifs ont augmenté de manière considérable. Nous sommes tous conscients de ce décalage et cherchons à l’atténuer pour coller au plus près à la réalité du dopage.

Claude CEYRAC, CREPS de Toulouse

Nous avons tendance à marginaliser le culturisme, qui constitue une activité particulière. Toutefois, les culturistes sont assez faciles à repérer car leur activité est visible à travers leur morphologie. Certains sportifs, en quête de performance et cherchant à augmenter leur masse musculaire, risquent de s’orienter vers les culturistes, qui constituent des vecteurs d’information en matière de dopage.

Jean-Pierre BOURELY

Je rappelle que selon le code du sport, « est sportif toute personne participant à une compétition sportive organisée par une fédération sportive agréée ». Autrement dit, les bodybuildés ne sont pas considérés comme des sportifs. Le Danemark, qui préside actuellement l’Union européenne, a priorisé, dans la lutte contre le dopage, les actions en direction des salles de bodybuilding. Il faut s’adresser de manière différenciée à l’ensemble des publics. Le plan national de prévention contre le dopage prévoit une action intelligente en partenariat avec la fédération française d’haltérophilie et en direction des salles de sports de bodybuilding afin que celles-ci s’inscrivent dans une démarche de qualité et d’information. Nous essaierons d’élaborer avec elles une charte contre le dopage et ferons en sorte que les compléments alimentaires en vente dans ces salles de sport soient estampillés de la norme AFNOR.

Patrick MAGALOFF

Pourquoi n’interdirait-on pas tout commerce dans ces salles ?

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Paris, les 2 et 3 mars 2012

Jean-Pierre BOURELY

Si les produits sont licites, les salles peuvent les vendre.

Patrick MAGALOFF

Dans le milieu associatif sportif, ce sont les seules associations qui s’adonnent à la vente de produits.

Benoît GERMAIN

Les compétences demandées par le bodybuilding sont réelles. Elles intéressent aussi les autres disciplines. Nous constatons dans nos enquêtes que l’information sur les produits dopants passe souvent par le milieu culturiste. L’exclusion du bodybuilding du code de sport pose problème car elle prive la police judiciaire de moyens légaux d’intervention.

Professeur Paul LAFARGUE, Membre de l’Académie de Pharmacie

La dichotomie arbitraire entre toxicomanie et dopage est absurde. Les sportifs qui s’adonnent au dopage finissent par tomber dans une conduite addictive, qui rejoint la toxicomanie

Jean-Pierre BOURELY

Il est important de souligner que l’Europe est représentée à l’AMA par le conseil de l’Europe (47 Etats) et par l’Union européenne (27 Etats). Les deux instances décisionnelles de l’AMA sont le comité exécutif et le conseil de fondation. Le premier compte un seul représentant européen pour le conseil de l’Europe. Le conseil de fondation, qui est l’instance la plus importante de l’AMA, compte cinq représentants européens : deux représentants des pays non-membres de l’Union européenne, un représentant du conseil de l’Europe et trois représentants de l’union européenne. Les positions communes doivent être prises au niveau du conseil de l’Europe. Le positionnement doit être articulé avec les compétences du conseil de l’Europe. La commission européenne doit se positionner sur les points liés à l’acquis communautaire, c'est-à-dire les points qui ont un lien direct avec le droit européen.