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Ornements de plumes de Guyane : des objets en situaon muséale originaires des communautés amérindiennes. Mémoire de fin d’étude Benecchi Camille École Supérieure d’Art d’Avignon - session 2012 Comment concevoir les échanges culturels dans le cadre de la conservaon-restauraon ? Diplôme Naonal Supérieur d’Expression Plasque Opon Art, Menon Conservaon-Restauraon

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Ornements de plumes de Guyane : des objets en situation muséale originaires des communautés amérindiennes.

Mémoire de fin d’étudeBenecchi Camille

école Supérieure d’Art d’Avignon - session 2012

Comment concevoir les échanges culturels dans le cadre de la conservation-restauration ?

Diplôme National Supérieur d’Expression PlastiqueOption Art, Mention Conservation-Restauration

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Ornements de plumes de Guyane : des objets en situation muséale originaires des communautés amérindiennes.

Mémoire de fin d’étudeBenecchi Camille

école Supérieure d’Art d’Avignon - session 2012

Comment concevoir les échanges culturels dans le cadre de la conservation-restauration ?

Diplôme National Supérieur d’Expression PlastiqueOption Art, Mention Conservation-Restauration

Direction de recherche : Stéphanie Elarbi

Méthodologie de la recherche : Jean-Pierre ComettiCoordination des projets : Marc Maire

Accompagnement de la rédaction : Sylvie Nayral

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Remerciements

Je souhaite remercier tout particulièrement Stéphanie Elarbi, conservateur-restaurateur, chargée de la restauration au musée du Quai Branly, pour son suivi en tant que directeur de recherche, ses conseils avisés, et sa contribution au travail réalisé.

Je tiens à adresser mes remerciements aux personnes ayant soutenu, accompagné et aidé à la réalisation de ce mémoire de fin d’étude :Marie-Paule Imberti, chargée des collections Amérique, Musée des Confluences, Lyon,André Delpuech, Conservateur en chef du Patrimoine, responsable de l’unité patrimoniale Amérique, Musée du Quai Branly, Paris,Katia Kukawka, Conservateur du Patrimoine, Musée des Cultures Guyanaises, Cayenne,Céline Frémaux, Conservateur régional de l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel, Guyane,Thomas Mouzard, chargé de mission patrimoine de la commune de Awala-Yalimapo,Marion Trannoy, chargée de mission Sciences Humaines et Politique Culturelle, Parc amazonien de Guyane.

Merci à toutes les personnes ayant partagé leurs connaissances et contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail :

Les interlocuteurs et acteurs du voyage d’étude en Guyane :Jean-Paul Fereira et Felix Tiouka, Maire et Adjoint au Maire d’Awala-Yalimapo,Michèle Thérèse, chef coutumier d’Awala,Samia Augute et Rosiane Tiouka, agents de l’inventaire du patrimoine d’Awala-Yalimapo,Fransisca Yampa, fabriquante d’ornements de plumes,Raymond Malajuwara, agent de l’inventaire du patrimoine d’Awala-Yalimapo,Patrick Lacaisse, plasticien et fondateur de l’association Chercheur d’Art,Renée Blaise,L’association Worian Uwaponaka, Galibi,

Amaïkouti, Gran Man de Twenke,Barbosa, chef coutumier d’Antecume Pata,André Cognat, fondateur du village d’Antecume Pata,Les agents du Parc Amazonien de Guyane, antennes de Taluen et Antecume Pata,La maison Yépé, Antecume Pata,

Marie-Paule Jean-Louis, conservateur territorial du patrimoine, chef d’établissement, Musée des Cultures Guyanaises, Cayenne,Lydie Joanny, chargée de mission coordination projet, Musée d’Amazonie en réseau, Musée des Cultures Guyanaises, Cayenne,David Carita, attaché de conservation du patrimoine, responsable du Musée Départemental Franconie, Cayenne,Denis Roche, Directeur Adjoint DRAC Guyane.

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Les interlocuteurs spécialisés :Daniel Schoepf, Conservateur émérite, Musée d’ethnographie, Genève,Andreas Schlothauer,Jacques Cuisin, responsable collection au Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris,Angèle Martin, chargée des archives, scientifiques, inventaires et documentation des collections, Musée du Quai Branly, Paris,Cloé Fraigneau.

Le corps enseignant et les intervenants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Avignon, en particulier :Sylvie Nayral, historienne de l’art,Jean-Pierre Cometti, philosophe, traducteur et éditeur,Marc Maire, conservateur-restaurateur,Jacques Defert, anthropologue,Véronique Monier, conservateur-restaurateur de textiles et consultante en conservation préventive,Mylène Malberti, photographe,Cathy Vieillescases et Céline Joliot, Professeurs à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Laboratoire de Chimie appliquée à l’Art et à l’Archéologie,

Enfin je tiens à remercier :Jacqueline Benecchi, pour son soutien et ses relectures avisées,Cécile Benecchi, pour son accompagnement et son aide audio-visuelle,Ainsi que :Naïma Tomasi,Fatia Bouras.

Merci à mes camarades de promotion et à ma famille.

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SOMMAIRE

Introduction

PARTIE IAPPROCHE HISTORIQUE : Quels statuts des objets dans les collections ? I. Les objets dans les collections 1. Présentation 2. Historique des objets dans les collections françaises II. Les ornements de plumes amazoniens : valeurs et fonctions en contexte d’origine 1. La métamorphose des corps 2. La plume, un matériau d’ordre, de distinction, d’identité III. Les parures de plumes amazoniennes : quelle histoire occidentale ? L’emmêlement des cultures IV. Quel statut pour les parures de plumes au sein des institutions aujourd’hui ? L’exemple du Quai Branly

PARTIE IICONSTAT D’éTAT I. étude technologique 1. Structure des objets 2. L’utilisation de la plume Tableau récapitulatif II. étude de conservation 1. Le relevé des altérations en vue du traitement de conservation- restauration 2. Diagnostic III. Synthèse de l’étude de conservation et réflexion sur la question de l’échange avec les communautés d’origine

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PARTIE IIIVOYAGE D’éTUDE EN GUYANE : quelles expériences pour la conservation ? I. La circulation de l’information II. Apprendre, mieux comprendre les objets et leur contexte, recueillir des témoignages 1. Awala-Yalimapo, village Kali’na 2. Les villages Wayana 3. Le Musée des Cultures Guyanaises III. Réfléchir à la conservation-restauration en collaboration avec les représentants des communautés

PARTIE IVORIGINE ET FONCTIONS DES OBJETS I. Des objets d’origine Wayana ? II. Le rituel du maraké III. La coiffe-masque olok IV. Fonctions et valeurs des ornements de plume dans le contexte d’origine: de la coiffe-masque olok au pompoma

PARTIE VPROPOSITION DE TRAITEMENT I. Réflexion sur les possibilités de traitement matériel 1. Le nettoyage 2. Les consolidations 3. La réorganisation 4. Choix du traitement II. Réflexion sur la conservation préventive 1. Les conditions environnementales 2. Conditionnement/manipulations III. Réflexion sur l’exposition IV. Proposition pour un travail collaboratif

ConclusionBibliographique

ANNEXES

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La conservation-restauration d’objets ethnographiques de communautés extra-européennes non occidentales pose des questions spécifiques, faisant l’objet de nombreuses considérations à travers le monde, et, dans le cas présenté ici, elle s’inscrit plus particulièrement dans le contexte des réflexions sur le patrimoine des peuples autochtones.1 L’adoption de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones par l’Assemblée Générale des Nations Unis en 2007 implique directement le monde du patrimoine et des musées à travers les articles 11 et 12 :

1. « La première caractéristique de cette catégorie

politique est de n’être pas définie en soi mais en regard de

configurations légales, sociologiques et politiques. »

« Une approche analytique multicritère a été mise en

place, à l’initiative du Groupe de travail sur les populations

autochtones de la Sous-commission des droits de l’homme

des Nations Unies sur la prévention de la discrimination et

la protection des minorités depuis 1982. »

« “Peuple Autochtone” - Programme de recherche SOGIP :

échelles de gouvernance et droits des Peuples autochtones »,

s. d., http://www.sogip.ehess.fr/spip.php?article58.

Article 111. Les peuples autochtones ont le droit d’observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le droit de conserver, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leur culture, telles que les sites archéologiques et historiques, l’artisanat, les dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et du spectacle et la littérature.2. Les états doivent accorder réparation par le biais de mécanismes efficaces – qui peuvent comprendre la restitution – mis au point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.Article 121. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.2. Les états veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés.

INTRODUCTION

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71.1878.14.7, ©Musée du Quai Branly

71.1878.14.10, ©Musée du Quai Branly

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D’autre part, le Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, révisé en 2006, indique que :« Les musées travaillent en étroite coopération avec les communautés d'où proviennent les collections, ainsi qu'avec les communautés qu'ils servent. »« Les musées doivent promouvoir le partage des connaissances, de la documentation et des collections avec les musées et les organismes culturels situés dans les pays et les communautés d’origine. Il convient d’explorer les possibilités de développer des partenariats avec les pays ou les régions ayant perdu une part importante de leur patrimoine. » Les objets au centre du travail présenté ici sont des ornements2 de plumes provenant d’un groupe socioculturel amérindien de Guyane française et conservés au sein d’institutions muséales de France métropolitaine depuis le 19e siècle. Le corpus de l’étude se constitue de sept objets, six sont conservés au musée du Quai Branly (MQB) de Paris et un au musée des Confluences (MC) de Lyon. Ce dernier objet a été choisi et transporté au sein des ateliers de l’école supérieure d’art d’Avignon (ESAA) pour appuyer le travail de recherche et pour donner lieu à la réalisation pratique des choix de conservation-restauration, alors que les six autres pièces ont été étudiées en amont au sein des ateliers du musée du Quai Branly.L’intérêt de considérer un ensemble s’est rapidement imposé face au type d’objets étudiés. En raison de leur ressemblance, chaque pièce peut être perçue comme une déclinaison matérielle d’une forme ou d’un modèle abstrait commun. En effet, toutes se caractérisent par un aspect formel proche : des rubans de plumes. L’élément principal de ces objets de structure souple est donc la plume, déclinée en de nombreuses

2. Le terme « ornement » est ici compris dans le sens

d’accessoire destiné à orner le corps, il sera également

rapproché du terme « parure ».

formes et couleurs et attachée sur un réseau de fils qui forment des rangées reliées entre elles et superposées.L’ensemble d’objets considérés présente une grande hétérogénéité d’états de conservation suivant les pièces, et la juxtaposition de celles-ci permet de comprendre à quel point certaines sont altérées. La désagrégation quasi-totale des plumes sur l’un des objets, ne laissant à la vue que le squelette de fils de celui-ci, confronte l’ensemble à la question de la disparition matérielle. Les objets sont très peu documentés ; la provenance ethnique, la fonction originelle, de même que le contexte de collecte, ne sont renseignés dans aucun des deux musées. Cela entraîne de véritables incompréhensions et confusions autour de ces pièces, posant la question de la disparition des dimensions immatérielles. L’état altéré des objets renforce d’autant plus le sentiment d’incompréhension. Ainsi ces ornements de plumes, conditionnés en réserves, semblent être dans un état de latence.

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71.1878.14.19, ©Musée du Quai Branly

71.1878.14.20, ©Musée du Quai Branly

71.1878.14.21, ©Musée du Quai Branly

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En 2002, Jean Davalon s’interrogeait sur la « difficulté des objets « exotiques » à faire patrimoine » dans notre société. « Peut-il s’agir de patrimoine sans que ce soit notre patrimoine ? ». Il mettait en évidence le sentiment de filiation que recouvre cette notion, et la question de la transmission que nous revendiquons vis-à-vis des cultures d’origine des objets conservés dans notre société, ainsi que « de la relation que nous instaurons avec la société qui les a produits ».3

Ce dernier point semble particulièrement important à l’heure où, de nombreux changements mis en place dans les musées d’ethnologie et de civilisations à travers le monde, transforment profondément la discipline de la conservation-restauration dans ses pratiques ainsi qu’au niveau déontologique et éthique. A ce dernier niveau, correspond l’exigence éthique de collaboration développée par la réflexion de la Recherche autochtone, issue d’une « critique radicale contre une recherche exercée sur plutôt qu’avec les autochtones en dépit de leurs savoirs, plutôt que dans un dialogue ».4

La question du dialogue, mais aussi du travail en collaboration avec les communautés d’origine5 des objets étudiés, a donc animé la recherche présentée. Comment la conservation-restauration peut-elle être le support d’un dialogue interculturel ? Comment l’échange avec les communautés d’origine peut-il avoir lieu et dans quel but ? Comment un travail collaboratif peut-il se mettre en place ?Ces questions sont intimement liées à celle de la légitimité à conserver et à restaurer des objets issus d’autres cultures, acquis ou non en contexte de

3. Marc-Olivier Gonseth et al., Le musée cannibale

(Neuchâtel: Musée d’ethnographie de Neuchâtel = MEN,

2002).

4. « éthique - Programme de recherche SOGIP : échelles

de gouvernance et droits des Peuples autochtones », s. d.,

http://www.sogip.ehess.fr/spip.php?article145.

5. Terme retenu par le Code de déontologie pour les musées,

ICOM.

colonisation. Cette légitimité ne découle-t-elle pas de la capacité à reconnaître l’objet comme « notre patrimoine », pour reprendre l’interrogation de J. Davallon ? « Le processus d’appropriation muséale implique forcément la dépossession, tant sur le plan matériel que spirituel, ce qui soulève la question de la propriété matérielle et intellectuelle des objets (Stocking 1985). »6

Le terme communauté d’origine est ici employé dans un sens large, car, les objets étant anciens, leurs communautés d’origine ne correspondent plus à celles vivantes actuellement, que l’on pourrait qualifier de « descendants de la communauté d’origine » pour être plus précis. Ce qui nous intéresse ici est précisément le rapport avec ces « descendants » et leur conception de leur propre patrimoine.

En 2003, « Raymond Depardon filme les chasseurs Yanomami dans la forêt pour l’exposition « Yanomami, l’esprit de la forêt », à la Fondation Cartier pour l’art contemporain. La beauté des images, la plastique des corps yanomami jouent sur la nostalgie du paradis perdu, le fantasme d’accéder aux premiers temps de l’humanité. L’Amazonie est pour beaucoup d’Européens non seulement une réserve écologique, mais aussi ce qu’on pourrait appeler une « réserve mythique » : les Amérindiens sont le support privilégié du mythe des « peuples premiers », qui inverse les traits négatifs associés à la civilisation occidentale contemporaine. […] Loin d’être menaçante, cette altérité est présentée comme en danger, devant être protégée, comme pour les espèces en voie de disparition. La notion de « diversité culturelle » est aujourd’hui modelée sur celle de biodiversité ; le risque est une vision statique des cultures humaines, comme si celles-ci ne pouvaient se transformer, mais seulement se dégrader et disparaître. »7

6. Gonseth et al., Le musée cannibale. Nélia Dias.

7. Benoît De L’Estoile, « Nous et les Autres, Etranges reflets

dans la vitrine. », Télérama horizons : Etrangers, Une

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X377483, Musée du Quai Branly

60003470, Musée des Confluences

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Cette notion n’est-elle pas justement calquée sur celle de la préservation des biens culturels matériels? En conservation-restauration, l’objet n’a-t-il pas, pendant longtemps, été considéré comme une entité fixe, dont l’évolution, les transformations physiques dans le temps étaient des dégradations auxquelles il fallait remédier ? Nélia Dias évoque la question sous un autre angle, en mettant en équivalence l’entrée d’objets ethnographiques au musée et l’embaumement des cultures dont ils proviennent : « de plus, la mise en exposition est, en quelque sorte, corollaire de la négation des pratiques culturelles »8.Cela nous interroge particulièrement sur le statut des objets étudiés et sur leur présence au sein des institutions évoquées. Le paradoxe de la situation étant que l’Occident apparaît à la fois comme l’instrument d’une transformation imposée aux cultures amérindiennes à travers la colonisation, et, en même temps, celui qui tente aujourd’hui de conserver les objets qui en proviennent en tant que substituts de cultures et de peuples disparus.La conservation-restauration s’attache à l’objet altéré, devenu autre, alors qu’en est-il lorsqu’elle est confrontée à l’objet de l’altérité, l’objet de ce qui est autre ? Ce dernier ne remet-il pas profondément en cause les valeurs d’une discipline de la préservation et de « l’authenticité » ? Préserver l’altérité et pallier l’altération ? Ou préserver l’altérité en acceptant l’altération ?La situation muséale, en Europe plus particulièrement, ne révèle-t-elle pas aujourd’hui bien souvent le choix de la mise à distance de l’altérité ? Les objets provenant d’autres cultures sont présents, peut-être même exaltés, mais les discours dont ils sont chargés ne proviennent-ils pas uniquement de la société occidentale dans bien des cas ?L’ensemble du questionnement abordé ici a nourri la réflexion menée au cours de ce travail

obsession européenne, no 4 (avril 2011).

8. Gonseth et al., Le musée cannibale. Nélia Dias.

de fin d’étude sur la façon d’aborder les objets considérés, les choix engagés, mais aussi au niveau de l’approche de la discipline de conservation-restauration.

Le travail mené s’est donc développé d’une part à l’aide des outils du conservateur-restaurateur, comme l’approche matérielle et technologique des objets, l’analyse de l’état de conservation, et des traitements matériels possibles. Ces éléments ont, d’autre part, été mis en regard avec une réflexion sur les différents contextes, fonctions, et sens qu’ont pu traverser les ornements de plumes amazoniens, et cela dans le but d’acquérir une vision élargie et multiple du sujet. Enfin, la réalisation d’un voyage d’étude auprès des communautés amérindiennes autochtones de Guyane s’est imposée comme un élément nécessaire à la réflexion sur les choix de conservation-restauration, et le dialogue interculturel.

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PARTiE i

APPRoChE hiSToRiquE

quels statuts des objets dans les collections ?

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partie i : approche histo

rique

1. Présentation

a. Les objets du musée du Quai Branly1 :

Cinq objets appartiennent à la collection 71.1878.14. Cette collection comporte vingt-deux objets au total. Parmi ceux-ci, treize sont des éléments archéologiques provenant de différentes régions d’Amérique du Sud, qui ne nous concernent pas dans le contexte de cette étude. Les neufs autres sont des ornements de plumes référencés Guyane française. Parmi eux nous distinguerons visuellement trois catégories d’objets : cinq rubans de plumes constitués (entre autres) de longues plumes blanches, qui forment le corpus d’étude, trois autres rubans constitués uniquement de plumes rouge et jaune, et un élément dont l’appellation est devantier de plumes.2 Peu d’informations figurent dans la base de données du musée, et les références sont relativement peu fiables. Celles-ci proviennent

1. Fiches d’inventaires en annexe : A.I-1

2. Ce dernier ressemble beaucoup à des dorsaux d’origine

wayana consultés en réserve avec André Delpuech,

conservateur du département Amérique de MQB.

des fiches du musée de l’Homme (MH), mais il est impossible d’en connaître la source, ni le contexte de la documentation. Ainsi le conservateur du département Amérique du MQB, André Delpuech m’a mise en garde contre les nombreuses erreurs présentes dans la base, qu’il continue aujourd’hui encore à constater et rectifier.Le dernier objet du corpus étudié au musée du Quai Branly (MQB) est le X377483, objet dissocié de son numéro d’inventaire d’origine, et provenant du musée de l’Homme. Les quelques informations présentes dans la base de données référencent une provenance « roucouyenne »3 et une note attribuant l’objet aux collections Crevaux ou Coudreau4 (19e siècle) mais l’origine de ces notes qui datent de 2004 n’est pas motivée (pas de référence à une étiquette par exemple).

3. Roucouyenne est un terme utilisé jusqu’au 20e siècle pour

désigner un groupe amérindien qui se dénomme lui-même

Wayana (terme utilisé aujourd’hui). Nous reviendrons plus

précisément sur ce groupe par la suite.

4. Chargés de missions pour le MET, Jules Crevaux est un

médecin et militaire et Henri Coudreau un géographe, tous

deux sont des explorateurs de l’Amazonie et de la Guyane

plus particulièrement.

I. LES OBJETS DANS LES COLLECTIONS

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71.1878.14.20 71.1878.14.21 71.1878.14.22

Ornements de plumes de la collection 71.1878.14, musée du Quai Branly :

Légende : Le corpus étudié :

Ornement X377483 :

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23

partie i : approche histo

rique

Certains objets du corpus sont référencés en tant que coiffe de plumes alors que d’autres le sont en tant que collier de plumes. Cette première ambiguïté est le reflet de véritables questions qui se posent dès la première rencontre avec ces ornements. Comment ces objets étaient-ils portés et à quoi servaient-ils ? Leur forme n’indique rien de particulièrement évident (sachant qu’il faut, de toute façon, être prudent sur les a priori portés sur une culture différente). Ainsi la qualification même de ces pièces reste indéfinie. Cela représente une première barrière pour envisager un traitement de conservation-restauration, ou même une exposition.Le toponyme des pièces de la collection 71.1878.14 indique : Guyane française et l’ethnonyme : Kali’na, « ancien nom : Galibi ». A ce niveau également, l’information est à nuancer fortement. Le terme présent sur les fiches du musée de l’Homme est « Galibi ». Il s’agit d’un nom donné par les français pour qualifier des groupes amérindiens de Guyane. Jusqu’à récemment, ce nom était utilisé pour désigner le groupe qui s’auto-nomme Kali’na, terme que nous retenons désormais, et qui correspond à une population amérindienne vivant sur le littoral de la Guyane et du Surinam. Mais le mot « Galibi » pouvait anciennement être utilisé pour qualifier indifféremment d’autres communautés amérindiennes. D’après A. Delpuech, conservateur du département Amérique, ce terme, peu précis, a été automatiquement traduit par Kali’na dans la base actuelle, ce qui n’est donc pas à considérer comme une information fiable. De plus, la circulation des objets entre les différents groupes amérindiens est à prendre en compte. Ainsi, le fait que des ornements aient été acquis auprès de Kali’na ne signifie pas automatiquement qu’il s’agit de leur véritable provenance.Parmi les neuf ornements de plumes que comporte la collection 71.1878.14, nous remarquons que l’ethnonyme d’une des pièces diffère, sans raison apparente, et indique : Wayana, « ancien nom : Roucouyenne » (71.1878.14.9).

Projet ou intention du musée pour ces objets :

Les six pièces étudiées au musée du Quai Branly font partie de l’ensemble des 270 000 conservées au sein de cet établissement. Transférées lors du chantier des collections, ces objets ont été installés dans les réserves internes du musée à partir de 2006 et n’ont jamais été exposés au sein du plateau ou lors d’expositions temporaires. Le conservateur du département Amérique du musée témoigne d’un véritable intérêt pour ces pièces en raison notamment de leur ancienneté et de leur rareté dans les collections, il est très intéressé par l’étude et les propositions de restauration.

Vue des objets étudiés dans les ateliers de conservation-restauration du musée du Quai Branly.

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b. L’objet du musée des Confluences :

L’objet du musée des Confluences, quant à lui, comporte encore moins d’informations et n’est accompagné d’aucune fiche d’inventaire. Il fait partie d’un ensemble de cinq ornements de plumes, dénommé collection Charnay5 et référencé en provenance du Guatemala sur un document du musée. L’information apparaît ici très erronée, les caractéristiques des ornements les rapprochant nettement de parures amazoniennes. L’un d’eux ressemble très fortement aux « dorsaux » réalisés par les Wayana, dont certaines pièces ont pu être observées lors de la consultation en réserves au musée du Quai Branly. Enfin l’objet que nous étudions ici présente incontestablement une similitude formelle avec ceux du musée du Quai Branly présentés ci-dessus. Projet ou intention du musée autour de cet objet :

L’ouverture du musée des Confluences est prévue pour 2014, l’institution est actuellement en chantier de construction, et en chantier des collections. Une partie de celles-ci est issue du Muséum d’Histoire Naturelle de Lyon6, c’est le cas de la pièce étudiée, qui appartient désormais aux

5. Désiré Charnay est un explorateur, archéologue et

photographe français du 19e siècle surtout connu pour ses

fouilles et photographies en Amérique centrale.

6. « Depuis fin 1999, Le Département du Rhône, dans

son action en faveur du développement de la culture est

à l’origine d’un vaste projet de redéploiement […]. Les

collections du Muséum seront redéployées en deux lieux

avec des vocations complémentaires, dans une volonté de

développement et de mise en valeur de ce patrimoine, le

Centre de Conservation et d’étude des Collections et le

Musée des Confluences. Musée de sciences et sociétés, le

Musée des Confluences a pour objectif de rendre compte

des rapports entre les sciences et les sociétés en insistant sur

la pluralité des uns et la diversité des autres.» Présentation

du Musée - Musée des Confluences - Département du Rhône.

collections de sciences humaines département Amérique, lot du bassin amazonien, et fait partie des fonds anciens du musée.Marie-Paule Imberti, chargée des collections sciences humaines, nous a informé a propos de l’ornement étudié : « Pour l’instant, il n’est pas prévu que cette pièce soit exposée dans le parcours des futures expositions permanentes du musée. Cependant, elle pourrait trouver place dans une exposition temporaire, mais pas avant plusieurs années. Elle pourrait également faire l’objet de prêt si demande il y a. »En revanche une section consacrée aux ornements de plumes du bassin amazonien sera présentée au sein de la collection permanente. Ces derniers s’inséreront dans la partie traitant du rapport entre l’humain, l’ordre et la classification de son environnement. Pour cela le musée prévoit de faire restaurer et socler les parures destinées à l’exposition. Le musée s’intéresse donc aux questions de conservation du matériau plume et à l’exposition de ce type d’objet, l’étude réalisée ici s’insère également dans ces réflexions.D’autre part, les attentes du musée plus spécifiquement liées à la pièce considérée – et choisie pour faire l’objet du traitement de conservation-restauration lors de cette étude – sont les suivantes :« Il nous importe de retrouver la lisibilité de la pièce et de garantir du mieux possible la pérennité de cette dernière dans le temps. Si besoin, proposer un conditionnement qui prend en compte le déménagement final des collections (objet qui devra être le moins mobile possible dans sa boite pour ne pas se «ré-emmêler» lors de possibles mouvements). »7

7. Marie-Paule Imberti, chargée de collections sciences

humaines.

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Collection Charnay, musée des Confluences :

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2. Histoire des objets dans les collections françaises :

La collection 71.1878.14 provient du Laboratoire d’ethnologie du musée de l’Homme. Ce musée, issu de la transformation du musée d’ethnographie du Trocadéro (MET) sous l’impulsion de Paul Rivet et George-Henri Rivière ouvrit ses portes en 1937. Il est actuellement en restructuration et une grande partie de ses collections a donc été transférée au musée du Quai Branly. Le numéro d’inventaire 1878 nous indique la date d’entrée dans les collections référencée par le musée de l’Homme. Cette date correspond en fait à l’entrée au musée d’ethnographie du Trocadéro. Ce dernier ouvre

ses portes en 1882. Dirigé par Ernest-Théodore Hamy, les collections qui le compose réunissent des objets extra-européens jusqu’alors dispersés entre la Bibliothèque Nationale, le musée des Antiquités Nationales, le musée Américain du Louvre, au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et dans les musées de provinces. Nous avons donc entrepris des recherches au sein de la base de données du musée du Quai Branly et des archives du musée de l’Homme et du MET. Deux des objets étudiés figurent dans les registres du MET de 1878 à 1886:

Numéro Appellation Provenance Salle/vitrine Donateur Nouveau numéro

1370 Hausse-col en plumes polychromes

Guyane Vitrine 1 Museum d’Histoire Naturelle

78.14.7

1371 Hausse-col en plumes polychromes

Guyane Vitrine 1 Museum d’Histoire Naturelle

78.14.10

Nous apprenons ainsi que ces objets ont été exposés au temps du MET, soit entre 1882 (ouverture au public) et 1886 (date du registre), sans avoir plus de précisions sur la période, la durée, ou les conditions et choix de présentation. La dénomination « hausse-col » révèle une terminologie basée sur les codes vestimentaires européens, et par là une approche ethnocentriste et peu rigoureuse. Ce terme peut expliquer la qualification actuelle de collier, recensée dans

la base de données pour l’objet 71.1878.14.10. D’autre part, sur ce même objet nous avons relevé la présence d’une petite étiquette de papier beige collée, avec le numéro 5032 typographié. Selon Angèle Martin, documentaliste responsable du service des archives du musée du Quai Branly, ce type d’étiquettes correspond à celles du MET. La correspondance dans le registre pour ce numéro nous indique ceci :

Numéro Appellation Provenance Donateur Nouveau numéro

5032 Ornement de plumes, frange de bonnet

Roucouyenne Museum d’Histoire Naturelle

78.14.9

Ainsi l’objet recensé au Quai Branly 71.1878.14.10 correspond à la fois au hausse-col 1371 comme nous l’avons vu précédemment, mais aussi à l’ornement de plumes 5032/78.14.9, soit le 71.1878.14.9, qui ne fait pas parti du corpus. Une erreur est donc survenue sans que nous puissions déterminer à quel niveau, mais les deux descriptions peuvent correspondre. La deuxième

description en revanche apporte deux éléments nouveaux : la dénomination décrit une fonction totalement différente (frange de bonnet) et la provenance, un groupe socioculturel également différent. L’ancien terme « Roucouyenne » fait référence au groupe amérindien Wayana présent en Guyane, au Surinam et au Brésil. Ce décalage révèle donc le peu de fiabilité des informations

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dont nous disposons, mais nous ouvre aussi des pistes d’investigation.Pour aller plus loin nous avons recherché, au sein

de ces mêmes registres, des références aux autres ornements de plumes de la collection 78.14. Le seul autre cas intéressant est celui-ci :

Numéro Date d’entrée Appellation Provenance Salle/vitrine Donateur Nouveau numéro

2630 22 mai 1881 Couronne de plumes montée sur coton

chef de Galibi mannequin Ancienne Collection

78.14.8

Les informations sont encore une fois différentes, mais la présence de cet objet sur un mannequin pourrait nous permettre d’en apprendre plus si des photographies de la salle d’exposition existaient.Les registres nous apprennent que la collection 78.14 provient du Muséum National d’Histoire naturelle (MNHN). A partir de là nous n’avons plus d’informations, et n’avons donc pas pu remonter plus loin dans l’histoire de ces objets. Le muséum, fondé en 1793, est issu de la révolution française et résulte de l’ancien Jardin du Roi. Nous pouvons donc affirmer que les cinq objets étudiés se trouvent dans les collections françaises en deuxième moitié du 19e siècle (1878), mais nous ignorons depuis combien de temps ils étaient au MNHN ni comment et par qui ils ont été rapportés. Lors de discussions avec le conservateur du département Amérique du MQB, ce dernier me faisait part de son questionnement sur l’appartenance de ces objets aux « anciennes collections royales ». Ce terme regroupe un ensemble de pièces provenant du Jardin du Roi, créé en 16358. Après la révolution française, les collections saisies vont en partie intégrer le nouveau Muséum d’Histoire naturelle. Une hypothèse serait donc que les objets étudiés fassent partie de ces anciennes collections.9

8. A l’origine, jardin de plantes médicinales et de chimie, il

se transforme à partir de 1739 en centre de recherche et

musée sous l’impulsion du comte de Buffon. Au sein du

Jardin, le Cabinet d’Histoire naturelle du Roi va devenir la

plus riche collection d’Europe par la collecte de dons, et les

retours de grands voyageurs.

9. Pour le moment nous ne pouvons pas le confirmer,

mais A. Delpuech et Benoît Roux, travaillent sur le sujet

L’objet du musée des Confluences, provient de l’ancien Muséum d’Histoire naturelle de Lyon, et fait partie d’un ensemble de cinq ornements de plumes entrés dans les collections le 09 juin 1884, à la suite d’un don du musée d’ethnographie du Trocadéro. Cette collection est dénommée Charnay, car elle serait associée à une mission de cet explorateur pour le MET. L’information est très peu fiable à ce niveau, car après quelques brèves recherches nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que Charnay – très connu pour ses fouilles archéologiques et ses photographies d’Amérique centrale – se rendit dans cette région d’Amérique du Sud et/ou rapporta de tels objets ethnographiques. En revanche nous savons que l’objet provient du MET, il a donc côtoyé les pièces étudiées au MQB, et l’hypothèse qu’il ait pu faire partie de la même collection reste possible. Nous avons tenté de retrouver dans la correspondance de M. Hamy10 un échange concernant ce don, mais sans succès.

de l’identification des anciennes collections royales

d’Amérique du Sud, nous restons en lien quant à l’avancé de

l’identification des pièces qui nous concernent ici.

10. Fondateur, conservateur et directeur des missions

scientifiques du MET.

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En conclusion de ces premières recherches de nombreuses questions persistent autour de l’ensemble étudié. L’une des principales étant la provenance socioculturelle et la fonction de ces objets. En raison des pistes mises à jour à travers l’étude précédente, nous avons choisi de travailler autour de deux hypothèses : une provenance Kali’na ou une provenance Wayana.A la suite de recherches bibliographiques nous avons constaté que l’art de la plume Kali’na est très peu représenté et documenté. Nous ne disposons donc que de peu d’éléments ou d’indices de comparaison. Au contraire l’art de la plume Wayana est très présent et parfois même précisément renseigné. Des pistes de recherches plus précises se sont ouvertes dans ce domaine sans toutefois permettre d’affirmations. Nous les explorerons par la suite, notamment au cours de l’étude technologique pour essayer d’établir des comparaisons.Nous constatons que les objets, au sein des deux institutions, ont un statut de latence. Ils ne sont reliés qu’à très peu d’information, et ils ne peuvent être exposés dans leur état, ni même véritablement consultés pour la recherche. Ils sont conservés pour leur valeur ethnographique, mais celle-ci fait aujourd’hui défaut. Ils sont également dotés d’une forte valeur historique en raison de leur ancienneté, ce qui en fait des pièces relativement rares dans la catégorie des ornements de plumes amazoniens.

Après cette première approche des objets, nous sommes confrontés à la question de la compréhension du patrimoine matériel amazonien qu’est la parure de plumes. Nous souhaitons donc explorer cette question afin de mieux comprendre les objets étudiés.

Localisation des différentes communautés en Guyane actuelle. D’après Vannerie et vanniers, D. Davy, 2007.

©Laurence Billault et Damien Davy

Peuplement amérindien de Guyane française,vers 1850. D’après J.-M. Hurault, Français et Indiens en

Guyane.

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Les parures de plumes en Amazonie ont la particularité de « cristalliser en une forme singulière un ensemble de problèmes esthétiques, sociaux, techniques, mythologiques qui ne semblent pas liés a priori mais qui se nouent et se précipitent sous l’espèce de cette forme plastique. »1

1. La métamorphose des corps :

Tout d’abord, rappelons que les critères d’usage des parures peuvent être d’ordre circonstanciels (lié à un évènement) ou bien catégoriels (exprimant la fonction, le statut de celui qui les porte). Il s’agit bien souvent également d’une combinaison des deux. Nous définirons donc les ornements en tant « qu’objets fabriqués, nommés, répondant à certains critères d’utilisation et destinés à orner le corps »2. En effet, la grande majorité des objets de plumes amazoniens sont liés à « la production

1. Bertrand Prévost, « L’ars plumaria en Amazonie »,

Civilisations, no 59-2, Les apparences de l’homme (juin 30,

2011): 87–108.

2. Gustaaf Verswijver, Kaiapó, Amazonie : plumes et

peintures corporelles (Tervuren; Gent: Musée royal de

l’Afrique centrale ; Snoeck-Ducaju & Zoon, 1992).

des corps »3. Ainsi, « un corps humain pleinement constitué apparaît comme un artefact hybride fait de morceaux de corps d’autres espèces naturelles, chaque élément condensant les qualités propres de l’habit particulier dont il est tiré »4. Et B. Prévost, dans son article L’ars plumaria, met en évidence la désorganisation du corps paré (la forme humaine) et du corps parant (la forme oiseau) : la transformation du corps de l’oiseau en parures « abstraites » - qui n’entrent pas dans un schéma de mimétisme du corps humain – rend ce dernier « abstrait » lui-même.Dans la pensée amérindienne il n’existe pas de distinctions ontologiques tranchées entre les humains et bon nombre d’espèces animales et végétales : « tous les êtres partagent une même humanité (« culturelle »), comment penser leur distinction corporelle (« naturelle ») ? […] C’est un vaste perspectivisme qui préside ainsi à la production des corps, puisqu’avoir un corps, c’est

3. Prévost, « L’ars plumaria en Amazonie ».

4. Stéphane Breton, Michèle Coquet, et Musée du quai

Branly., Qu’est-ce qu’un corps : Afrique de l’ouest, Europe

occidentale, Nouvelle-Guinée, Amazonie (Paris: Musée du

quai Branly : Flammarion, 2006).

II. LES ORNEMENTS DE PLUMES AMAZONIENS : VALEURS ET FONCTIONS EN CONTEXTE D’ORIGINE.

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toujours exister selon un point de vue. »5

Dans son ouvrage Par-delà nature et culture, P. Descola met en évidence que « la catégorie des « personnes » englobe des esprits, des plantes et des animaux, tous dotés d’une âme, cette cosmologie ne discrimine pas entre les humains et les non-humains. […] La forme visible des animaux n’est en effet qu’un déguisement. Lorsqu’ils regagnent leurs demeures, c’est pour se dépouiller de leur apparence, revêtir parures de plumes et ornements cérémoniels, et redevenir de manière ostensible les « gens » qu’ils n’avaient pas cessé d’être (dans la forêt). […] Dans le grand Nord comme en Amérique du Sud, la nature ne s’oppose pas à la culture, mais elle la prolonge et l’enrichit dans un cosmos où tout s’ordonne aux mesures de l’humanité. »6

Au sein de ce système, « les oiseaux doivent leur importance au rapport très étroit qui, dans l’optique indigène, unit leur société à celle des hommes. Globalement et par toutes sortes d’aspects, la société des oiseaux est une société métaphorique de la société humaine. »7 Ainsi, « chez les Secoya, les Indiens morts sont censés percevoir les vivants sous deux avatars contrastés : ils voient les hommes comme des oiseaux oropendolas et les femmes comme des perroquets amazone. »8 Ce que P. Descola met en évidence dans cet exemple est la fonction classificatoire des oiseaux, puisque ce sont « des différences d’apparence et de comportement entre des non-humains qui sont employées afin de renforcer, en la soulignant une

5. Prévost, « L’ars plumaria en Amazonie ».

6. Philippe Descola, Par-delà nature et culture ([Paris]:

Gallimard, 2005).

7. Daniel Schoepf et Musée d’ethnographie (Genève),

L’art de la plume: Indiens du Brésil: [expositions]: [Musée

d’ethnographie de Genève, automne 1985 - hiver

1986 ]: [Muséum national d’histoire naturelle de Paris,

printemps - été 1986]: [catalogue] (Genève; Paris: Musée

d’ethnographie; Muséum national d’histoire naturelle,

1985).

8. Descola, Par-delà nature et culture.

différence anatomique et physiologique entre les humains. »9

2. La plume, un matériau d’ordre, de distinction, d’identité :

Le mythe de l’origine de la couleur des oiseaux parcourt toute l’Amazonie, et se rencontre même au-delà en Amérique du Nord, et il nous permet de mieux comprendre le pourquoi de l’omniprésence de la plume au sein des ornements corporels amazoniens. Ce mythe connaît de très nombreuses variantes, mais une même structure se déploie toujours, et différents auteurs l’ont mis en évidence (Schoepf, Lévi-Strauss, Chapuis). Dans son article sur l’art de la plume, B. Prévost le décrit ainsi : « un monstre cannibale, souvent un immense serpent, parfois un aigle harpie géant, sème la terreur parmi les hommes et/ou les oiseaux dont ils sont les alliés. Les oiseaux se liguent et décident d’en finir avec le monstre. Une fois ce dernier vaincu, ils se partagent sa peau multicolore en guise de trophée, chacun revendiquant un morceau. De la sorte, les oiseaux, qui étaient indifférenciés à cette époque, se spécifient en arborant chacun une ou plusieurs couleurs distinctives. Les aras ont par exemple droit à un grand morceau, ce qui explique que leur plumage soit lui-même multicolore. Les derniers arrivés pour le grand partage demeurent blancs ou noirs. Une variante très répandue explique encore comment le serpent, est mortellement blessé par l’assaut des coups de becs, et laisse les oiseaux tremper alors leur plumage dans son sang multicolore s’écoulant en grandes flaques.Quelles que soient les variantes, ce mythe énonce toujours un acte de division ou de distinction originaire, une discrimination qui parfois même s’étend au-delà des oiseaux. Toujours est-il que ce sont les oiseaux et leur plumage éclatant qui vont donner matière – mythologique et figurale

9. Ibid.

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– pour penser la distinction spécifique.»10 Ainsi D. Schoepf conclut sur ce thème : « et de fait, si c’est à la plume qu’est dévolu le rôle de décliner l’identité spécifique, c’est parce que la plume est un matériau d’ordre, qui simultanément annonce sans hésitation aucune, la classe et l’espèce, donc l’homme et l’ethnie. La plume ainsi porte le sens, l’identité. »11

Pour conclure cette brève approche de l’art des parures de plumes en Amazonie nous laissons la parole à C. Lévi-Strauss :« Montées en somptueuses parures ou serrées dans des étuis de paille (véritable écrins où, pendant des années, des générations peut-être, elle se conservent inaltérées, comparables sous ce rapport à l’or dans notre civilisation), les plumes, par leur variété, leur richesse, leur éclat ont fourni aux habitants de forêts amazoniennes le moyen figuré de concevoir et d’énoncer cette grande vérité philosophique que les différences, constitutives de l’ordre naturel, ne sont pas moins indispensables à la vie en société, parce qu’en définitive, c’est sur l’appréhension des différences que repose l’exercice de la pensée. »12

10. Prévost, « L’ars plumaria en Amazonie ».

11. Schoepf et Musée d’ethnographie (Genève), L’art de la

plume.

12. Claude Lévi-Strauss, « L’origine de la couleur des

oiseaux », dans Comme un oiseau: [exposition, Paris, 19

juin-13 octobre 1996], Gallimard-Electa Fondation Cartier

pour l’art contemporain. (Paris, 1996).

Masque Cara Grande, Tapirape, fin du 20e siècle. Plateau des collections, musée du Quai Branly.

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Photo d’après : René Fuerst, Xikrin : hommes oiseaux d’Amazonie,(Milano: 5 continents, 2006).

©René Fuerst

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A travers cette approche historique, nous allons tenter de questionner l’identité des objets que nous étudions, en nous penchant sur les dimensions contextuelles qu’ils ont traversées et les idées qui les ont accompagnés ou précédés dans la société occidentale. Nous souhaitons interroger les multiples points de vue attachées aux ornements de plumes amazoniens en reprennant l’interrogation de P. Descola, « comment donner à voir les vies successives et la série des interprétations qu’il [l’objet] a suscitées ? ». Cette question apparaît primordiale lorsqu’il s’agit d’intervenir en conservation-restauration. En effet respecter l’intégrité de l’objet ne se limite pas à ses sens et à son état d’origine mais aux multiples états qu’il a traversés. Alors se pose la question de l’inscription de ces objets dans une histoire et en particulier celle du rapport à « l’Autre » ou du « rapport colonial »1.L’arrivée des parures de plumes amazoniennes dans la société occidentale, est liée à la découverte, la

1. Le moment du Quai Branly (Paris: Gallimard, 2007). B. De

L’Estoile, p.92. « J’emploierai donc les termes de « rapport

colonial » pour désigner la structure principale des rapports

entre l’Europe et les autres continents, en gros, entre le 15e

et le 20e siècle.»

confrontation et l’échange entre deux cultures. La rencontre entre les européens et les amérindiens a engendré beaucoup de transformations au sein de ces deux cultures, mais le rapport de force a provoqué des conséquences très inégales. « Le rapport colonial, souvent empreint de violence, est cependant plus caractérisé par l’appropriation que par la négation du colonisé. »2

La présence des ornements de plumes dans les institutions muséales occidentales reflète, sur le plan concret et matériel, ce phénomène d’appropriation. L’hypothèse soulevée en introduction de l’ouvrage Le musée cannibale, postule que « les musées en général et les musées d’ethnographie en particulier […] offrent un espace pour l’ingestion de l’autre et un simulacre d’ouverture à l’altérité en laissant penser que cet autre devenu même est enfin assimilable »3.

2. Ibid.

3. Marc-Olivier Gonseth et al., Le musée cannibale

(Neuchâtel: Musée d’ethnographie de Neuchâtel = MEN,

2002).

III. LES PARURES DE PLUMES AMAZONIENNES : QUELLE HISTOIRE OCCIDENTALE ? L’EMMELEMENT DES CULTURES

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« L’étrange, le sauvage et le monstre ont été de tous les temps l’objet d’une vive curiosité. L’Autre, souvent originaire de zones lointaines, a cristallisé les fantasmes, les peurs, mais aussi les ambitions de domination. L’histoire des exhibitions débute véritablement en 1492, au moment où l’Europe trouve son « sauvage » dans l’Amérindien. »4

L’imaginaire du « sauvage » est donc particulièrement lié à la période des grandes découvertes, lorsque l’Europe se tourne vers l’Amérique. La figure du « sauvage » est héritée du Moyen-Age, associée a des êtres « solitaires et farouches, ils sont nus, couverts de poils, de plumes ou de feuillages. Asociaux, ils se tiennent à la lisière du monde civilisé. Vivant en des lieux redoutés et mystérieux, on leur accorde des pouvoirs magiques. »5 Cet imaginaire viendra donc se superposer aux Amérindiens. Notons que la caractéristique d’être couvert de plumes est déjà présente, renvoyant vers une hybridité entre l’homme et l’animal.Une lettre adressée au roi du Portugal en 1500 par un membre d’une expédition en terre du Brésil met en évidence le début des échanges et de la circulation de certains biens, notamment les parures de plumes, entre l’Europe et l’Amérique du sud.« Puis ils [les amérindiens] échangeaient des arcs contre des feuilles de papiers ou contre quelques vieux bonnets usés ou contre n’importe quoi […]. Ils [les occidentaux] en rapportèrent quantité d’arcs et de toques de plumes, des vertes et des jaunes, dont le commandant doit, je crois, envoyer

4. Exhibition, l’invention du sauvage, exposition qui se tient

du 29 novembre 2011 au 03 juin 2012 au musée du Quai

Branly.

5. Yves Le Fur et Musée du quai Branly. Galerie jardin.,

D’un regard l’autre : histoire des regards européens sur

l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie : [catalogue de l’exposition

présentée dans la Galerie jardin du Musée du quai Branly

du 19 septembre 2006 au 21 janvier 2007] (Paris: Musée du

quai Branly ; Réunion des musées nationaux, 2006).

quelques exemplaires à Votre Altesse.»6

En parallèle, les cabinets de curiosités, qui ont pris naissance au 15e siècle en Italie et sont devenus l’apanage des nobles au 17e, se dotent d’objets exotiques ou exotica, rapportés massivement par les explorateurs, les voyageurs et les marins.7

Les parures de plumes font partie de ces exotica rattachées à un imaginaire du surnaturel et du danger : « Dans les pays des confins vivaient, croyait-on, des créatures prodigieuses et des monstres. Les récits des « merveilles » compensaient l’ignorance par le légendaire, créant l’horreur et la fascination pour ces insupportables différences »8. La figure du cannibale et les représentations de scènes d’anthropophagie émergent également. La pensée autour de cette situation est multiple, faite d’ambiguïtés, et d’oppositions : Montaigne médita notamment sur les valeurs naturelles de ces hommes dévorant leurs semblables et sur la corruption du monde civilisé.

Le plus grand des cabinets de curiosités, le Cabinet du Roi, dont nous avons parlé précédemment possédait des parures de plumes aujourd’hui conservées au musée du Quai Branly. Comme nous l’avons vu, il est possible que les objets étudiés aient également fait partie de ce grand cabinet.

6. Roberta Rivin et al., L’ art de la plume en Amazonie (Paris:

Somogy éd. d’art, 2001).

7. « Musée de l’Homme - Le Musée en projet - Le projet

architectural - Le projet de rénovation », s. d., http://www.

museedelhomme.fr/musee/histoire.php.

8. Le Fur et Musée du quai Branly. Galerie jardin., D’un

regard l’autre.

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« Tout artefact, dès qu’il est extrait du cadre spatiotemporel de son usage originel devient nécessairement autre chose que ce qu’il était auparavant, au moins par destination. […] Il entre dans un nouvel usage et un nouveau contexte, perdant de ce fait la plus grande part de son identité préalable.»9 Dans le cas des pièces de cabinet de curiosités, la rupture semble particulièrement marquée. La façon dont l’objet est perçu ne s’appuie-t-elle pas uniquement sur l’imaginaire occidental, sans même se revendiquer de la compréhension d’une autre culture ? Dans ce contexte, les parures de plumes ne se trouvent-elles pas totalement émancipées de leur culture d’origine et des corps qui les portaient pour devenir symbole de l’exotisme d’un univers inconnu ?Lorsque l’on observe les différentes images produites entre le 16e et le 19e siècles, les ornements de plumes semblent pourtant devenir l’attribut par excellence du « sauvage amérindien », marqueur physique et symbolique de sa différence, renvoyant vers une forme d’hybridité et faisant signe vers un ailleurs inconnu et merveilleux. Le contre-sens entre ce que convoquent ces objets dans la société occidentale et les valeurs qu’ils représentent dans leur société d’origine est très grand. Ils sont perçus en Europe sous l’angle de l’accessoire animalisant d’êtres non-civilisés, alors qu’en Amazonie, il s’agit d’une forme aboutie de sociabilité et d’humanité.Rappelons que la colonisation de la Guyane se met en place difficilement durant le 17e siècle, les premières relations commerciales entre les français et les Amérindiens, les premières missions d’évangélisation, et premières guerres s’instaurent. En parallèle de l’installation des colons les populations amérindiennes sont décimées par les maladies et les guerres internes. Les Kal’ina, installés sur le littoral de ce qui deviendra les trois Guyanes, sont immédiatement en contact avec les européens. En revanche les groupes de

9. Le moment du Quai Branly. P. Descola p.147

Vincent Levin, «Cabinet de curiosités : les merveilles de la nature», France, gravure sur bois, 1719.

D’après le catalogue, Exhibition, Musée du Quai Branly.

«Hommes déguisés en sauvages», sans lieu, gravure sur bois, XVIe siècle.

D’après le catalogue, Exhibition, Musée du Quai Branly.

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l’intérieur des terres resteront uniquement sujet à des contacts ponctuels jusqu’au 18e siècle. Les Wayana n’existent pas encore sous la forme d’un même groupe socioculturel, qui ne se formera véritablement qu’au 19e siècle.10

10. Jean-Marcel Hurault, Français et Indiens en Guyane :

1604-1972, 1 vol., 10-18, ISSN 0240-2300 ; 690 (Paris: Union

générale d’éditions, 1972).

«Portraict au naturel des barbares amenenéz en France du pais Topinambous pour y estre baptizèz».

C. d’Abbeville, Histoire de la Mission des Pères Capucins.D’après le catalogue L’art de la Plume, Brésil, Musée

d’ethnographie de Genève.

Jean Van Kessel le Vieux, école flamande, XVIIe siècle, Peinture sur cuivre,

Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, France.D’après le catalogue D’un regard l’Autre, Musée du

Quai Branly.

Le défilé de la «Reine Amérique» au carnaval de Stuttgart, 1599.

Fondation Klassik Stiftung de Weimar.D’après le catalogue Exhibition, Musée du Quai Branly.

H. Meyer, Le jeune sauvage de saint-Ouen,Le petit Journal, gravure, novembre 1898.

D’après le catalogue Exhibition, Musée du Quai Branly.

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Au 18e siècle, par la fiction du « bon sauvage », des philosophes comme Diderot et Rousseau cherchent non seulement à critiquer la colonisation ethnocentrique des Européens en Amérique, mais aussi les idées de progrès et de raison au cœur même de l’idéologie des Lumières. Ainsi les ornements de plumes qui trônent désormais dans les cabinets de curiosités cristallisent des idées opposées. La façon de les percevoir dans notre société – qui reflète celle de percevoir les peuples amérindiens – n’est en rien uniforme, mais bien multiple et contradictoire. L’objet se rapporte à un panel d’idées qui s’ajoutent à lui comme des strates de sens supplémentaires.

Au 19e siècle, on parle de démocratisation du sauvage à travers la mise en place des exhibitions. « Le sauvage exhibé doit ressembler à l’image que l’on en a, à l’image que l’on a fabriquée, à l’image que l’Occident attend. »11

Avec la professionnalisation de l’ethnologie puis de l’anthropologie, la création du MET, en parallèle du développement et de l’affirmation de l’empire colonial, « l’Autre » passe progressivement du statut du « sauvage » à celui du « primitif » représentatif d’un état antérieur de développement dans une histoire linéaire conduisant de la sauvagerie à la civilisation. La muséographie du MET est marquée par les reconstitutions « grandeur nature » qui traduisent la nécessité de faire revivre la civilisation pour comprendre l’objet issu de celle-ci. Les parures de plumes se prêtent aux muséographies caractéristiques de l’époque : sous la forme de scènes réalistes utilisant des mannequins réalistes. La vision d’ensemble prévaut, chaque objet ne prend sens que par rapport à la totalité dans laquelle il s’inscrit12. « La forme aboutie de ce dispositif est le diorama reconstituant de manière sommaire un environnement typique.

11. Exposition : Exhibition, L’invention du sauvage. Musée

du Quai Branly

12. « Musée de l’Homme - Le Musée en projet - Le projet

architectural - Le projet de rénovation ».

[…] [Ce dernier] condense dans un espace réduit l’essence d’une culture ramenée à des objets et à des activités emblématiques »13. Ce type de présentation contribue à réduire et à simplifier les cultures exposées dans une dimension figée, proposant alors une vison erronée de celles-ci. Les parures de plumes font partie de ces « objets emblématiques » exposés ainsi. Nous avons pu constater, à travers nos recherches dans les archives, que deux des ornements étudiés étaient présents en vitrine, et qu’un objet de la même collection était exposé sur mannequin au MET. « Le mode de présentation est dans la continuité des « zoos humains », c’est-à-dire des scènes de genres reconstituées dans les cirques et les expositions universelles et coloniales dès la fin du 19e siècle. »14

13. Le moment du Quai Branly. P. Descola

14. Ibid.

Mannequins de la Galerie ethnographique du musée de l’Armée, Indiens d’Amérique du Nord, de Guyane et

du Brésil.©Musée de l’Armée

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« En cette seconde moitié du 19e siècle, l’Europe achève l’exploration des territoires sur lesquels elle commence à asseoir son emprise coloniale. C’est l’époque des grands voyages. […] Jules Crevaux en 1877, Henri Coudreau en 1888 remontent le cours des grands fleuves de Guyane. » Chargés de mission pour le MET, ils rapportent de nombreux objets pour les collections muséales. L’un des objets étudié (X377483 (MQB)) est possiblement associé à l’une de ces missions.« A cette soif de découverte qui conduit les plus aventureux dans des contrées lointaines répond, dans les métropoles, une curiosité grandissante s’appliquant à ces mondes « exotiques » que l’Europe de l’industrialisation triomphante se prépare à mettre en exploitation. Curiosité, aussi, pour ces peuples étranges par leurs langues, par leurs modes de vie, par leur culture, peuples qui fascinent et effrayent tout à la fois… […] Ces manifestations ne sont que la parfaite illustration d’une certaine conception du monde, qui organisera les rapports humains tout au long de la période coloniale : véritable mise en scène de la relation qui est désormais établie entre colonies et métropoles, entre l’Occident et le reste du monde, entre « peuples civilisés » et « peuples à civiliser ».»15

15. Association des amérindiens de Guyane française.

et Conseil régional de Guyane. Bureau du patrimoine

ethnologique., Pau:wa itiosan:bola : des Galibi à Paris en

1892. ([Guyane]: Association des amérindiens de Guyane

française : Bureau du patrimoine ethnologique, 1991).

C’est à cette époque que nous retrouvons la trace d’ornements de plumes extrêmement similaires à ceux étudiés, sur des documents photographiques. En 1882 et en 1892, les « indiens Galibi » (les Kali’na dénommés ainsi à l’époque) venant du littoral de Guyane et du Surinam sont «exhibés» au jardin d’acclimatation16. La deuxième exhibition finit de manière tragique car plusieurs personnes du groupe décèdent en raison des conditions de vie trop dures. Cet évènement est particulièrement douloureux dans la mémoire des Kali’na aujourd’hui encore.Les personnes venues en France sont photographiées par le Prince Bonaparte, anthropologiste de la fin du 19e siècle. Sur ces photos nous avons découvert que plusieurs hommes kali’na portaient, autour du cou, des parures de plumes très proches des objets que nous étudions.

16. Le jardin d’acclimatation est tout à la fois un jardin

botanique, un zoo et un parc d’attraction, accueillant

également des reconstitutions de « villages indigènes ».

Danse du Poro chez les Wayana. Crevaux, Voyage dans l’Amérique.

D’après le catalogue L’art de la Plume, Brésil, Musée d’ethnographie de Genève.

D’après Henri Coudreau, Chez nos Indiens, quatre années dans la Guyane française, 1895.

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Les ornements de plumes se composent des longues plumes blanches, puis de plusieurs rangées de plumes recoupées et superposées comme les objets étudiés.

Photographies de Roland Bonaparte, 1892.©Photothèque du musée de l’Homme.

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De nombreuses questions se posent alors. Les ornements seraient-ils donc d’origine kali’na ? Leur fonction est-elle d’être porté ainsi autour du cou ? Ces informations correspondent aux références des registres du MET, mais ne s’agit-il pas là d’une mise en scène totale ? Comme nous l’avons vu précédemment, les mises en scène sont la caractéristique principale de ces exhibitions, et il n’était pas rare que des accessoires soient échangés ou ajoutés aux groupes présentés. Le caractère même de ces photographies révèle des situations posées, théâtralisées et organisées pour correspondre à la vision que l’occident a, ou veut donner des groupes amérindiens.Néanmoins, d’autres questions subsistent : ces ornements ont-ils été ramenés des Guyanes en même temps que les personnes ? Est-il possible qu’ils aient été ramenés indépendamment lors d’autres missions ? Ou même qu’ils s’agissent d’objets du MET ? Et à l’issue de l’exhibition, que sont-ils devenus ? Ont-ils été conservés en France ?Le déclin des activités du Jardin d’acclimatation marque la fin d’une période à laquelle succèdent les premières expositions internationales et coloniales, où sont montrées dans une perspective de glorification de l’Empire, les populations et les richesses des colonies. Puis, au début du 20e siècle s’ouvre le Musée de l’Homme, « musée laboratoire », qui hérite des collections du MET, dont les objets étudiés.Le milieu des années 1920 marque un tournant par rapport à la vague primitiviste. On peut considérer que deux thématiques fondamentales vont transformer l’ethnographie : le rejet de l’exotisme et de « l’objet sauvage ». C’est aussi pendant cette période que se mettent en place les oppositions entre ethnologues et « esthètes » telles que l’on peut les observer aujourd’hui encore dans les controverses qui entourent le transfert des collections du Musée de l’Homme et le musée du Quai Branly.17

17. « Musée de l’Homme - Le Musée en projet - Le projet

L’objet parure de plumes est happé par l’imaginaire collectif occidental et est investi de cet imaginaire en retour. On peut notamment voir Jean Vilar sur la scène du Palais des Papes au Festival d’Avignon de 1959, coiffé de plumes pour jouer le rôle d’Obéron dans Le Songe d’une Nuit d’Eté. L’être magique et surnaturel vivant, selon Shakespeare, dans une forêt de la Grèce antique, s’incarne au Théâtre National Populaire dans cette grande figure emplumée.L’ornement de plumes, ici encore, n’est-il pas l’accessoire privilégié de la mise en scène de l’altérité, du mystérieux et de l’inconnu ?

architectural - Le projet de rénovation ».

Obéron (Jean Vilar), Le Songe d’une Nuit d’Eté, 1959. Photo d’Agnès Varda

En bas à droite : coiffe portée par Jean Vilar, conservée à la Maison Jean Vilar, Avignon.

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En parallèle, rappelons que la Guyane devient un département français d’outre-mer en 1946, sa dépendance à la métropole s’accroît, le chômage et les difficultés scolaires du pays ne diminuent pas pour autant. Au cours des années cinquante, des groupes nationalistes se font entendre pour critiquer cette départementalisation, s’inscrivant dans un contexte de décolonisation en Asie et en Afrique. Les préfets combattront ces nationalistes puis la loi de décentralisation les marginalisera (1982).18

Le 9 décembre 1984, « les six peuples amérindiens de Guyane, se réunirent pour la première fois de leur histoire afin de partager leurs préoccupations et proclamer leurs revendications « Nous voulons obtenir la reconnaissance de nos droits aborigènes, c’est-à-dire la reconnaissance de nos droits territoriaux, de notre droit à demeurer amérindiens et à développer nos institutions et notre culture propre. » Ce discours , prononcé par Félix Tiouka, alors président de la jeune association des Amérindiens de Guyane française, à l’occasion de son premier congrès, fit scandale auprès des autorités locales. Première prise de parole publique des Amérindiens de Guyane, cette déclaration exprimait un profond ressentiment devant l’inertie manifestée à leur égard par leur autorité de tutelle et annonçait leur volonté de se donner les moyens de revendiquer des droits qui, jusque-là, leur avaient été niés».19

Nous n’avons ici qu’ébauché l’histoire des idées, et des perceptions reliées aux ornements de plumes amazoniens dans la société occidentale. Mais ces quelques éléments nous font prendre conscience du tissu complexe de sens, d’actes et d’idéologies contradictoires qui hantent de manière plus ou

18. « Guyane française: données historiques », s. d., http://

www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/guyanefr3.htm.

19. Patrick Menget et Jean-Patrick Razon, Guyane : le

renouveau Amérindien /[responsables éditoriaux ...: Patrick

Menget, Jean-Patrick Razon]. (Paris: Survival Internat.,

2005).

moins consciente notre imaginaire actuel face à ces objets : l’œil est un produit de l’histoire reproduit par l’éducation nous rappelle Bourdieu.D’autre part, les objets que nous étudions ne reflètent-ils pas, dans leur matérialité, l’histoire traversée ? En ce sens, les altérations : l’encrassement, les bris, emmêlements, enchevêtrements, déformations des plumes, ne sont- ils pas significatifs ? N’évoquent-ils pas la complexité du parcours des ornements, marqué par une certaine violence et incompréhension ?Pour finir posons-nous la question de l’image « parure de plumes » dans le monde actuel, liée à l’image des Amérindiens. Ne reste-elle pas associée à un grand nombre de clichés, de préjugés issus des représentations mises en place depuis le 16e siècle ?

Extrait du film Sur la piste du Marsupilami, de Alain Chabat, 2012

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Au musée du Quai Branly, les collections « Amériques » constituent le fond le plus important numériquement : 100 000 objets dont 900 sont exposés, suivant un parcours organisé en deux parties : Amérique récente et actuelle, Amérique ancienne.1 Au sein de la section Amérique actuelle du parcours des collections se trouve un espace consacré aux parures de plumes amazoniennes. Les pièces présentées dans cet espace sont renouvelées régulièrement en raison de la dégradation des plumes à la lumière. Quelques pièces monumentales et particulièrement impressionnantes y sont ou ont été présentées, notamment le masque cara grande des Tapirapé, la coiffe-masque olok des Wayana ou les grandes coiffes Kayapo. D’autres ornements, principalement des coiffes, de tailles plus petites, sont également exposées, en suspension dans une vitrine commune où les différentes origines culturelles se côtoient. Dans cet espace du musée, le thème est explicitement la parure de plumes dans le monde amazonien, ce

1. « Amériques », http://www.quaibranly.fr/fr/collections/

les-collections-de-reference/ameriques.html. http://www.

quaibranly.fr/fr/collections/les-collections-de-reference/

ameriques.html

qui permet le rapprochement entre des objets de provenances socioculturelles différentes. Cela met en valeur une forme d’art commune à l’ensemble de cette région dans sa pluralité et sa diversité. Mais les pièces ne sont que très peu renseignées, seuls les cartels des grandes parures proposent un peu plus que le minimum d’informations. La section en elle-même ne fait pas l’objet d’un discours sur l’art de la plume en Amazonie.

Nous sommes ici dans une situation très représentative de ce qui caractérise le musée du Quai Branly : le choix d’accorder la primauté à l’expérience esthétique à travers une épuration de la mise en scène et de l’information visible en salle et le parti pris de considérer les objets en tant qu’œuvres d’art. A travers le filtre d’une société dont la culture artistique s’est construite autour de la peinture, le déploiement de couleurs dans l’espace des ornements de plumes trouve une résonnance toute particulière. Le visiteur pourrait y éprouver une vibration similaire à celle provoquée par un tableau de Kandinsky ou Matisse. Le choc émotionnel et la perte de repères qui caractérise l’expérience artistique est incontestable. Par la reconnaissance de codes esthétiques, les parures de plumes amazoniennes sont dotées d’une valeur artistique peu équivoque

IV. QUEL STATUT POUR LES PARURES DE PLUMES AU SEIN DES INSTITUTIONS AUJOURD’HUI ? L’EXEMPLE DU QUAI BRANLY

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dans notre société actuelle. La muséographie adoptée, dépouillant les parures des corps et les plongeant dans un univers atemporel réussit-elle la transformation et l’appropriation de ces coiffes en chef-d’œuvre d’un musée français ? Le processus d’appropriation est-il parachevé, « c’est du seul regard occidental que procède cette transformation [de l’objet en tant qu’œuvre d’art] qui appartient à l’histoire de notre sensibilité »2 ? Selon le point de vue de Nélia Dias, « l’appropriation muséale peut ainsi être considérée comme une forme de main mise sur les propriétés des objets et sur leurs attributs ; de saisie de fragments, de parties à défaut de pouvoir s’emparer de la totalité abstraite à laquelle renvoient les morceaux. [...] Traversés par le souci de sauvegarder la mémoire des cultures et des sociétés, les musées d’ethnographie sont parallèlement des institutions qui assimilent et absorbent les artefacts pour mieux vouer à l’oubli les cultures et les sociétés productrices de ces artefacts.»3 Et H.-P. Jeudy pourrait répondre ainsi : « Ce qui persiste, c’est ce fait surprenant que les Occidentaux puissent prétendre à la prise en charge des mémoires collectives, à l’échelle planétaire».4

En revanche, l’avis de P. Descola nuance ce point de vue, « avant d’être un éventuel moyen de reconnaissance, la relation esthétique est d’abord un puissant moyen de connaissance et surtout d’approfondissement des conditions de la connaissance. »5 Il ajoute encore : « Celui-ci [le visiteur], ignorant tout des significations culturelles prêtées à l’objet, n’en ressentirait pas moins la prégnance de l’intention se dessinant à travers la forme. La relation esthétique serait en

2. Le moment du Quai Branly. M. Mauzé, J. Rostkowski

3. Marc-Olivier Gonseth et al., Le musée cannibale

(Neuchâtel: Musée d’ethnographie de Neuchâtel = MEN,

2002).p. 25-27

4. Henri-Pierre Jeudy, La machinerie patrimoniale (Paris:

Sens & Tonka, 2001).

5. Le moment du Quai Branly. M. Mauzé, J. Rostkowski. P.

Descola, p.151

ce cas beaucoup moins relative qu’on veut bien le dire puisque, contournant les apparences de la variabilité sémantique, elle s’accrocherait par l’empathie à un fond comportemental commun à l’humanité. »6 et pour conclure dans le même sens : « le paradoxe est que quelque chose de la beauté chatoyante inséparable du mouvement qui lui donne sa vivacité demeure néanmoins perceptible pour le visiteur des musées lorsque les masques ne sont plus que des volumes statiques et muets aux couleurs défraîchies. »7.Mais, si nous considérons le phénomène de l’absence des signes de l’histoire que ces objets ont traversée, les questions qui se posent, et qui fournirent de nombreux débats, sont notamment celles de l’oubli du passé colonial. C’est ce que met en évidence B. de L’Estoile qui rappelle que « l’histoire des objets est constitutive de leur signification ; c’est les mutiler que de les en priver ». Ces réflexions ouvrent vers un questionnement sur la légitimité des possessions des musées et les craintes de ces derniers à ce sujet : « si les collections sont un héritage colonial, cela signifie-t-il qu’il faudra les restituer pour en finir avec ce passé qui ne veut pas passer ? » 8 Les questions autour de cette situation, et plus particulièrement autour de l’interaction entre les musées et les communautés dont proviennent les objets conservés, sont aux coeur de nombreuses réflexions du monde muséal et c’est également l’axe de réflexion qui s’est imposé à nous au cours de ce travail.

En conclusion, nous souhaitons mettre en avant une réflexion développée par K. Kukawka et J-P Fereira, qui fait particulièrement écho à notre situation : « C’est donc, une nouvelle fois mais dans un domaine resté encore quasi inexploré, une relation de domination coloniale qui se dévoile : d’un côté, ceux qui possèdent et contrôlent tant

6. Ibid.

7. Ibid. p.150

8. Ibid. B. de L’Estoile

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les biens culturels amérindiens que les propos tenus sur ces biens ; de l’autre les Amérindiens, descendants directs de celles et ceux qui ont façonné ces mêmes biens et dont est niée toute capacité d’expertise. »9

A travers cette première approche des ornements étudiés et de leur contexte, nous prenons conscience de l’importance de la dimension historique attachée à ces derniers. Ils sont aujourd’hui ancrés dans la société occidentale européenne française, témoignant de son histoire, de ses idéologies. Ils peuvent, en cela, être considérés comme patrimoine de cette société. Nous cherchons ici à mettre en évidence le fait que ces objets sont des biens patrimoniaux partagés entre deux cultures, deux sociétés. Ils sont donc un patrimoine matériel partagé et reflètent un patrimoine immatériel en partie commun, bien que fait de nombreuses contradictions et paradoxes.A l’issu du premier travail d’étude des objets, mené au sein du musée du Quai Branly, nous avons eu la chance de participer à un premier échange avec des représentants de la communauté kali’na.

9. Katia Kukawka et Jean-Paul Fereira, « Restituer le

patrimoine. état des lieux et propositions pour une action

concertée en Guyane. », in La question du patrimoine en

Guyane (Matoury: Ibis rouge, 2011).

En effet une délégation de potières, accompagnées de personnes chargées de l’inventaire du patrimoine kali’na sont venues au MQB, en octobre 2011, dans le cadre d’une consultation de poteries anciennes. Cette coïncidence a été l’occasion de montrer et de discuter des ornements de plumes étudiés avec ces personnes. L’échange a eu lieu de manière plutôt informelle, et il a surtout confirmé de nombreuses incertitudes. Les Kali’na ont d’abord identifié ces objets comme provenant d’une autre origine culturelle que la leur (en pensant à d’autres groupes amérindiens de l’intérieur de la forêt), puis, après avoir vu les photos du jardin d’acclimatation, elles ont expliquées qu’il pouvait s’agir de collier kali’na, entrainant une certaine confusion dans l’interprétation de ces propos.Mais ce que nous souhaitons retenir de cela est l’importance d’ouvrir un tel dialogue et de partager de l’information autour de ces objets. L’entretien a été filmé, afin de constituer une documentation des ornements et de l’échange. 10 Cette première rencontre, au sein de l’institution muséale, fera par la suite échos à plusieurs autres en territoire amérindien.

10. La vidéo de l’entretien se trouve sur le dvd annexe.

Ensemble de parures de plumes amazoniennes.Plateau des collections, musée du Quai Branly.

Entretien avec les représentantes kali’na, musée du Quai Branly, le 11 octobre 2012

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PARTiE ii

CoNSTAT D’éTAT

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partie ii : constat d’état

L’étude a été réalisée en plusieurs temps. Le premier s’est déroulé au musée du Quai Branly, l’ensemble des objets a été étudié au sein des ateliers de conservation-restauration à l’aide du matériel nécessaire et selon une méthode comparative. Ce travail s’est accompagnée de recherches documentaires autour du contexte d’origine. Dans un second temps l’objet du musée des Confluences a été étudié au sein des ateliers de conservation-restauration de l’ESAA et l’étude réalisée a été rattachée à la précédente toujours selon une méthode comparative. Les recherches documentaires permettaient d’autre part d’approfondir et d’ouvrir des questionnements et hypothèses. Enfin le troisième temps de travail a constitué en un voyage d’étude auprès des groupes socioculturels Kali’na et Wayana de Guyane, afin de préciser la compréhension des objets, des matériaux et techniques et du contexte. Le voyage d’étude en lui-même sera présenté dans une autre partie, mais certains aboutissements seront utilisés ici afin de proposer une analyse technologique la plus complète possible.

I. éTUDE TECHNOLOGIQUE

Corpus des objets étudiésDimensions =

Longueur du ruban de plumes x largeur maximale

Mus

ée d

u Q

uai B

ranl

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1. Structure des objets

Les objets étudiés partagent une structure très proche constituée de superpositions de rangées de plumes. Nous allons dans cette partie détailler plus précisément cette structure commune aux différents ornements.

a. Fabrication des filières de plumes

La technique d’assemblage :Tous les objets de l’étude sont constitués d’un motif de base qui se répète : une rangée de plumes liées entre elles, que l’on appellera filière.Les filières se composent d’un fil de coton qui joue le rôle de support (a), de plumes fixées dessus par le repli de leur calamus1, et d’un fil de fibre végétale (b) qui maintient les plumes de manière individuelle ou en groupe par un nœud enserrant les calamus repliés. Enfin, une résine noire est visible sur chaque nœud de fibre végétale.

Deux types de nœuds de maintien des plumes sont observés en fonction des objets, mais les deux techniques ne se mélangent pas au sein d’un même objet :A : Nœuds en croix, présents sur six des sept objets.B : Nœud simple, présent sur un objet : X377483 (MQB)

1. Calamus : voir partie II.I.2 : composition physico-chimique

de la plume.

Schéma d’une section de filière©W. E. Roth., 1924, p.124

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Vue d’une filière en loupe binoculaire.Noeuds en croix (A), vue du revers.

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partie ii : constat d’état

Les matériaux :Les objets sont composés de trois grandes familles de matériaux :-les plumes, qui représentent plus de 80% de chaque objet2

-les fibres végétales, qui représentent moins de 20% de l’objet-la résine naturelle, qui représente moins d’1% de l’objet

Les fils de coton (Gossypium barbadense) présents ici ont été réalisés à la main suivant une technique de filage au fuseau. Un document présentant cette technique chez les Amérindiens de Guyane est présent en annexe.3

Les fils qui servent de base aux filières et les liens subsidiaires4 sont principalement des fils simples (torsion en S ou en Z suivant les cas) très fins et résistants.Le travail du coton est spécifiquement féminin chez les Amérindiens du plateau des Guyanes « il est semé, entretenu, récolté et travaillé par les femmes »5. Dans le cas de ces objets, on constate que les fils réalisés sont particulièrement fins, résistants et réguliers.

2. Le matériau plume sera en partie II.I.2

3. Annexe A.II.1

4. Voir : partie II.I.1.b. Assemblage des filières

5. Damien Davy, « “Vannerie et vanniers” : approche

ethnologique d’une activité artisanale en Guyane française »

(Thèse de doctorat, [s.n.], 2007).

Les fils d’attache des plumes sont réalisés à partir d’une autre fibre végétale à l’origine non identifiée. Les caractéristiques de ces fils sont leur extrême finesse et leur grande résistance. Des recherches documentaire ainsi que le travail sur le terrain ont permis d’identifier cette fibre appelée kulaiwat en Wayana (et kulawa na na en Kali’na) ainsi que la technique de mise en œuvre à partir des feuilles de la plante du même nom. La plante kulaiwat correspondrait au Bromelia Karatas, bien qu’une incertitude subsiste à ce sujet. « Contrairement au coton, la transformation de cette plante est l’apanage des hommes. C’est la fibre à tout faire des Amérindiens »6. Pour plus de détails sur ce sujet, voir les annexes.7

Les fils de kulaiwat ont la particularité d’être enduits d’une résine noire appelée mani. Cette dernière est encore visible au niveau des nœuds formés autour des plumes. Encore une fois – cette matière n’étant pas identifiée lors du début de l’étude – c’est le travail de terrain croisé avec des sources bibliographiques qui a permis d’identifier cet élément. Le mani (Symphonia globulifera) est une résine qui a été travaillée afin d’être utilisée pour enduire les fils de kulaiwat et leur donner ainsi un caractère plus résistant, imperméable, imputrescible et plus adhérent.

6. Ibid.

7. Annexe II.1

Fil de coton

Fil de kulaiwat

Trace de mani

Vue d’une filière en loupe binoculaire.

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Aujourd’hui encore les Wayana travaillent le coton, le kulaiwat et le mani qui servent à la fabrication de divers objets. Rappelons comme D. Davy le signale dans sa thèse8 que « dans le cas de la vannerie comme pour beaucoup d’activités artisanales, l’usage de la matière première est intimement lié au genre ou au statut de l’artisan. En effet, il existe des restrictions et des interdits nombreux et variés quant au travail de certains matériaux en fonction de l’origine familiale ou du sexe de la personne qui les manipule. […] [Ces interdits] sont plus liés à la matière première employée qu’à l’activité elle-même […]. Il est donc important d’identifier précisément chacun des matériaux d’un objet artisanal. »Ainsi les éléments de base des objets étudiés sont à la fois féminins (coton) et masculins (kulaiwat et mani). En revanche la confection de l’ornement, donc le travail de plumasserie, est spécifiquement masculin.

8. Davy, « Vannerie et vanniers ».

Le procédé de fabrication d’une filière:Le calamus est replié afin de suspendre la plume par ce repli au fil de coton tendu. Le fil de kulaiwat est alors noué autour de ce calamus replié selon l’une des deux techniques présentées plus haut, pour ce travail les documents photographiques ci-dessous, révèlent l’utilisation d’une aiguille9. Le nœud en croix présente plus de rigidité car le fil est doublé. Ces techniques d’attache sont extrêmement délicates et nécessitent une grande dextérité. Le mani, légèrement adhésif, présent sur le fil permet d’éviter le relâchement des nœuds. Une autre plume est placée à côté de la première et l’opération d’attache se répète. Dans certains cas plusieurs plumes sont nouées ensemble, cela a pour effet de créer une filière très dense en plumes (les calamus couvrant alors parfois totalement le fils de coton). Dans le cas des objets étudiés, les filières inférieures sont réalisées selon cette dernière méthode, plusieurs plumes attachées ensemble. Pour les autres rangées les plumes sont toujours attachées une à une et sont espacées de quelques millimètres.10

9. Daniel Schoepf, Essai sur la plumasserie des Indiens

Kayapo, Wayana et Urubu - Brésil. (Genève: Musée

d’ethnographie, 1971).

10. Ces caractéristiques seront détaillées en partie II.I.2.a.

©D. Schoepf, 1972Un artisan Wayana confectionnant une filière de plumes. D’après l’observation des photographies, il semble que le fil d’attache des plumes soit en coton et non en kulaiwat et que les plumes ne sont pas des tectrices mais des plumes de vol (ailes ou queue), plus rigides.

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partie ii : constat d’état

Réflexion sur les techniques :L’utilisation du coton, du kulaiwat et du mani, n’est pas exclusive à un seul groupe socioculturel, nous savons par exemple que Wayana et Kali’na utilisent ces matériaux, comme peut-être d’autres groupes. En revanche certains comme les Arawak, privilégient le palmier bâche sur le coton pour la confection des fils. La technique d’assemblage, quand à elle, est-elle propre à un groupe ou commune à plusieurs ?Les questions autour des matériaux et techniques peuvent permettre l’identification d’objets par le biais de particularismes culturels.D’autre part, les objets étudiés étant anciens, il est intéressant d’essayer de les mettre en perspective avec des réalisations plus récentes. Comme le met en évidence E. Barone-Visigalli, « L’adresse technique dans la fabrication des différents objets s’allie, dans le monde amérindien de Guyane, à une profonde connaissance du monde végétal et minéral, connaissance qui subit de plus en plus d’interruption dans la transmission entre générations et qui est parfois, désormais, l’apanage de quelques rares savants dans les communautés.»11

Lors de notre étude réalisée sur le terrain, nous avons pu observer des filières de plumes confectionnées relativement récemment et nous avons constaté que les matériaux utilisés ainsi que les techniques d’assemblage étaient les mêmes que ceux décrits précédemment. Cela laisse supposer une continuité et une transmission des savoir-faire depuis l’époque de la fabrication des objets étudiés jusqu’à récemment. Il nous a semblé que plusieurs personnes travaillent encore le coton et le kulaiwat (chez les Kali’na comme chez les Wayana), mais qu’en revanche, le travail de la plume se restreint à très peu de personnes.12

11. Egle Barone-Visigalli et al., « Amaz’hommes : sciences de

l’homme et sciences de la nature en Amazonie » (Matoury:

Ibis rouge, 2010).

12. Voir partie III

Photo J.-M. Hurault,D’après Indiens de Guyane, Wayana et Wayampi de la

forêt, Grenand, 1998.

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b. Assemblage des filières Chaque objet de l’ensemble se compose de six à onze filières ordonnées et superposées. Pour les maintenir entre elles les filières, à l’origine indépendantes, ont été attachées par d’autres fils de coton, les liens subsidiaires. Ces fils relient deux ou trois filières et les maintiennent ensemble par plusieurs nœuds répartis sur leur longueur. Ces nœuds sont à l’origine essentiels pour le maintien de la disposition des filières.

Les filières et les liens subsidiaires sont enserrés à chaque extrémité du ruban par un lien de kulaiwat. Les fils ainsi regroupés se poursuivent en tressage de chaque côté de l’objet, eux-mêmes arrêtés par un lien de kulaiwat.

Fil de coton et plumes.

Fil de kulaiwat enduit de mani attachant les plumes.Fil de kulaiwat enduit de mani.

Lien subsidiaire formant des noeuds entre les filières.

Légende :

Filières enserrées par un lien de kulaiwat. Tresses des liens de coton. Arrêt par un lien de kulaiwat.Photo de l’objet 60003470 (MC)

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partie ii : constat d’état

Schéma de la structure générale des filières et des liens subsidiaires d’un ornement type

Structure générale des filières et liens subsidiaires. Et détail de l’attache des liens subsidiaires.Photo de l’objet X377483

Noeud d’un lien subsidiaire enserrant deux filières.

Lien subsidiaire

Filière

Attache d’un lien subsidiaire reliant deux filières

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2. L’utilisation de la plume

Environ une douzaine de types de plumes différents se retrouvent sur l’ensemble des objets étudiés. Chaque objet se compose d’environ six à huit types de plumes. Ces différentes plumes proviennent de six à sept espèces d’oiseaux. Cette grande variété est particulièrement remarquable au sein des ornements étudiés, de taille relativement petite.Dans le cadre de cette recherche, il était donc important de mettre en évidence le matériau plume, et à travers son étude minutieuse, de permettre par la suite des réflexions sur sa place au sein de la culture d’origine des objets.

a. Les types de plumes

Un type de plume sera caractérisé par : l’espèce de provenance des plumes, leur localisation sur l’oiseau, leur couleur ainsi que leur taille et découpe.Grâce à l’analyse de M. Cuisin13 – douze types différents ont été recensés sur les objets. Certains types de plumes sont largement présents parmi les différents ornements étudiés, d’autres en revanche ne sont que plus ponctuels. Pour plus de clarté nous avons choisi de présenter les résultats sous forme de tableau.

On remarquera que les plumes de type 1 et 2 sont présentes sur l’ensemble des objets sans exception. Ces plumes pourraient-elles être une des caractéristiques principales de ce type d’ornements ? On notera également le corpus spécifique de couleurs utilisés : jaune, rouge, bleu, noir, blanc.Le bleu étant la seule couleur qui n’est pas systématiquement présente.La présence de plumes orange sur l’objet 71.1878.14.10 (MQB) pose question sur une

13. Jacques Cuisin : Responsable technique collections au

MNHN, et spécialiste de l’identification des plumes.

éventuelle transformation ou altération de la couleur, nous reviendrons sur cet aspect plus tard.Concernant les plumes jaunes, alors que deux types sont particulièrement présents sur les objets (types 3 : ara ararauna et 4 : ramphastos vitellinus), le type 5 : ara macao n’est visible que sur l’objet X377483 (MQB). Concernant les plumes rouges, un seul des deux types s’impose largement (six objets sur sept), il s’agit du type 6 : ara chloropterus. Enfin les plumes noires se répartissent entre les types 11 : crax alector et 12 : espèce incertaine. Seul l’objet X377483 (MQB) se distingue par la présence de plumes noires de type 10 : ramphastos vitellinus.

Se dessinent également d’après ce recensement les espèces d’oiseaux utilisées14 :

Nom français Nom latinCoq Gallus gallusAra bleu Ara araraunaAra chloroptère Ara chloropterusAra rouge Ara macaoToucan Ramphastos (vitellinus,

tucanus, toco)Hocco Crax alectorAigrette Egretta (thula, garzette)Anhinga anhinga Anhinga d’Amérique

Et trois espèces possiblement présentes :

Aigrette Egretta (thula, garzette)Anhinga anhinga Anhinga d’AmériqueHarpie huppée Morphnus guianensis

Seul le coq n’est à priori pas une espèce endogène du plateau des Guyanes selon la littérature. Cet animal, qui aurait été apporté par les européens, dès le début de la conquête coloniale, est désormais élevé par des groupes amérindiens de cette région.

14. Pour plus d’information sur les espèces d’oiseaux voir

annexes II.2.

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partie ii : constat d’état

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partie ii : constat d’état

Organisation des types de plumes sur les objets :

Les objets se composent de 6 à 11 filières (numérotées par ordre croissant de la filière inférieure à la filière supérieure).Dans la plupart des cas présents les filières sont composées d’un seul type de plumes, bien que nous ayons observé quelques cas où elles en comportent deux. Dans cette situation il s’agit toujours de plumes aux dimensions similaires, mais qui se distinguent par leur couleur. L’organisation des deux types de plumes au sein d’une filière n’est pas aléatoire mais au contraire elle semble répondre à un schéma précis : premier type de plumes encadrant le second. Les proportions (quantités) de chaque type peuvent néanmoins varier.

L’étude de la disposition des filières n’est pas toujours aisée suivant les cas. En effet selon l’état d’altération des objets il est parfois très difficile de discerner la disposition originelle. Le travail sur un ensemble d’objets est devenu essentiel à cette étape, certains en relativement bon état de conservation permettaient de bien comprendre la logique interne de la structure et ainsi de s’en servir comme référence pour les comparer avec d’autres, bien plus désorganisés ou lacunaires.A travers la comparaison des différents objets, la structure commune a donc pu être mise en évidence.

Schéma d’une filière à deux types de plumes

Filière de plumes de types 6 encadrant des plumes de type 9.

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Première filière

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Schéma de la disposition des filières :

Ensemble de filières dont le nombre varie de deux à sept

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partie ii : constat d’état

Tous les objets étudiés comportent une première filière composée du type de plumes 1. Plusieurs plumes (3 à 5) sont liées par un même nœud, provoquant un effet très dense et recouvrant parfois totalement le fil de coton. Ce sont les seules plumes dont l’extrémité n’est pas recoupée, et sont donc les plus longues présentes sur les objets. La densité des plumes sur la filière varie suivant les cas. Et l’objet, X377483 (MQB), présente la particularité d’être muni de deux filières de plumes de type 1. Ce qui le rend particulièrement dense à ce niveau.

Tous les objets étudiés comportent une deuxième filière constituée des plumes de type 2 et travaillée de manière identique. Deux à quatre plumes sont liées par un même nœud.

La troisième filière se compose pour chaque objet de plumes jaunes. En revanche, le type de ces plumes est différent suivant les objets. Il s’agit soit du type 3, soit du type 4. Seul X377483 (MQB) est muni du type 5 à ce niveau. C’est à partir de cette filière que les plumes sont attachées une à une et espacées de quelques millimètres.

A ce niveau la lecture des objets est très compliquée en raison des désorganisations. Néanmoins nous constatons que dans chaque cas ce groupe de filières est toujours constituées de plumes rouges, type 6 ou 7. Celles-ci peuvent être associées à des filières de plumes jaunes de type 3. Elles sont également parfois associées à des filières de plumes bleues, type 9. C’est parmi ce groupe que peuvent être présentes les filières composées de deux types de plumes différents.

Sur chaque objet il semble que la dernière filière soit toujours celle composée de plumes noires de type 10, 11 ou 12.

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De manière générale cette structure en strates de filières de plumes peut se diviser en deux grandes catégories : les deux premières filières composées de plumes blanches et relativement longues forment une première partie de l’objet. La deuxième partie se compose du reste des filières de plumes, petites et colorées.

Nous relevons que l’objet X377483 (MQB) se distingue à plusieurs reprises du reste de l’ensemble. Or pour ce dernier, dont le numéro d’inventaire a été perdu, nous n’avons pas d’information sur sa date d’entrée dans les collections, mais une simple hypothèse sur son rattachement aux missions Coudreau et Crevaux (MET). Les différences formelles renforcent l’hypothèse que l’objet n’appartient pas à la collection 71.1878.14 (MQB). Cela pose questions sur les changements et les permanences dans les techniques et formes, mais aussi sur les causes de ces changements : époque, provenance géographique ou socioculturelle, personne confectionnant l’objet … ?

Nous remarquons en revanche, que l’objet du musée des Confluence (60003470) se distingue relativement peu de la structure générale de la collection 71.1878.14 (MQB).

Schéma de la structure en strates de filières

X377483 (MQB)

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partie ii : constat d’état

Réflexion sur les changements technologiques dans le temps

Lors de notre visite au sein des réserves du Musée des Cultures Guyanaises (MCG)15, nous avons pu observer deux ornements de plumes très similaires à l’ensemble étudié. Ces deux pièces font parties de deux collectes réalisées en 1991 et 2001. Ils sont donc relativement récents, ce qui nous a permis d’engager de rapides comparaisons formelles et technologiques avec les objets anciens étudiés.

éléments similaires au corpus : -Matériaux (plumes, coton, kulaiwat et mani).-Technique d’attache des plumes (le nœud en croix à pu être observé).-Les filières sont reliées entre elles par un fil de kulaiwat et se poursuivent en tresse. Pas d’accès permettant d’observer la présence de lien subsidiaire ou non.-Filières 1 et 2 composées des plumes de type 1 et 2. -Plumes de type 5, 9, 10.

15. Voir Partie III

éléments différents du corpus :-Le nombre total de filières est plus réduit (cinq).-Le nombre de types de plumes par objet est également réduit (cinq).-Les filières sont moins longues et moins denses en plumes.-Un type de plumes n’est pas présent dans le corpus (type multicolore).-Un tissu rouge est fixé à la base des filières.

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Le modèle de base défini précédemment se retrouve donc partiellement dans ces objets. Nous remarquons d’autre part, que les plumes de types 5 (ara macao) et de type 10 (ramphastos vittelinus), présents sur l’un des deux objets, faisaient la particularité de la pièce X377483 (MQB). Cette pièce pourrait-elle caractériser un état de transition entre les autres éléments du corpus et les objets observés au MCG ?

La présence d’une pièce de tissu rouge constitutive des ornements du MCG représente l’une des différences les plus visibles avec les objets étudiés. Les filières sont alors cousues par quelques points sur le morceau de tissu – à priori en coton armure toile – et ce dernier forme un ourlet pour venir se replier sur l’avant de l’objet, au niveau de la filière supérieure. Le tissu dissimule le travail d’attache des plumes mais il a surtout pour effet de maintenir l’objet dans le plan et d’éviter les désorganisations et emmêlements de filières. De plus, les deux extrémités de la bande de tissu sont ourlées pour recevoir une fine baguette de bois qui rigidifie l’ensemble.

Les objets étudiés étaient-ils à l’origine eux aussi munis d’une telle pièce textile ? Dans ce cas, cette dernière aurait-elle été retirée et perdue en contexte muséal ? Ou bien, aucun de ces objets n’aurait jamais été cousu ainsi sur un tissu, dans ce cas s’agit-il d’une modification de fabrication de ce type d’ornement au cours du temps ?Plusieurs questions restent en suspens, en revanche il est évident que la présence ou l’absence de cette bande de tissu joue sur la conservation des objets à long terme. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’étude de conservation (partie II, II.2.).

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partie ii : constat d’état

b. Caractéristiques physique et physico-chimique des plumes :

Les plumes se divisent en différentes catégories selon leur place et leur rôle sur l’oiseau et selon leur structure, mais ces catégories ne sont pas toujours définies de la même manière par les différents auteurs. Dans notre cas nous retenons la classification qui distingue les rémiges et rectrices – les grandes plumes rigides des ailes et de la queue (respectivement) qui servent donc au vol – des tectrices, toutes les autres plumes du corps de l’oiseau, qui possèdent des fonctions de couverture, de protection, d’isolation ou d’ornement. Dans le cas des objets étudiés, toutes les plumes présentes sont des tectrices.Pour l’étude de ce matériau nous nous basons en grande partie sur des informations et documents provenant d’un séminaire (novembre 2011) dirigé par A. Rae, conservatrice-restauratrice spécialisée en matériau plume16.

16. A. Rae : Freelance conservator, formerly Head of Organic

Artefacts Conservation at the British Museum.

Composition chimique de la plume :91% de protéines, 8% d’eau, 1% de lipides. La protéine est en grande majorité la kératine.La kératine se structure en longues chaînes de molécules composées d’amino-acides. Les variations dans le degré d’arrangement entre les molécules provoquent des zones cristallines ou amorphes, ce qui conditionne la qualité de ce matériau. Deux formes principales de kératine existent, la kératine douce, celle présente dans l’épiderme, et la kératine dure, présente notamment dans les cheveux, la fourrure et les plumes. Cette deuxième sorte se caractérise par la présence de sulfure contenant de la cystéine et sa capacité à former des ponts disulfure. Au sein de cette kératine, il existe trois catégories : alpha, beta et la kératine spécifique des plumes.La kératine de la plume est très proche de la kératine beta mais dans une forme plus complexe. Elle se compose de 30% de zone cristalline et 70% de zone amorphe et est donc peu élastique mais très flexible.

Calamus

Barbules présentes uniquement sous forme rudimentaire.

Barbes et barbules développées, crochets peu développés.

Barbes, barbules et crochets fortement développés.

Rachis

Duvet de base

Structure duveteuse

Vexile

Schéma d’une tectrice type. D’après A. Rae.

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La couleur :D’après A Dictionary of Birds, article : Coulour17

Les couleurs sont dues à la réflexion d’une partie des rayons incidents de la lumière blanche. Lorsque tous les composants de la lumière blanche sont reflétés, la plume apparaît blanche.Les couleurs des plumes peuvent être issues de la nature physique de la surface réfléchissante, elles sont dites structurelles, ou bien de certains attributs chimiques, elles sont alors appelées pigmentaires. Enfin la couleur peut résulter d’une combinaison de ces deux phénomènes.

Couleurs structurelles :Les couleurs non-iridescentes :Elles sont produites par la dispersion des ondes courtes de la lumière blanche par de très petites particules composant la kératine des barbes (dispersion de Tyndall).Si le diamètre de la particule est inférieur à la longueur d’onde de la lumière rouge, beaucoup d’ondes courtes de la lumière blanche seront réfractées et la structure apparaitra bleue. Pour ce type de plumes bleues non-iridescentes, les dispersions des particules sont en fait des cavités à l’intérieur de la kératine des barbes et ces plumes apparaissent bleues en lumière réfractée mais s’assombrissent en brun en lumière blanche du fait de l’arrière fond de mélanine.Les couleurs iridescentes :Elles changent en fonction de l’angle de vue.La structure responsable de cette irisation est celle des barbules qui sont entortillées. Cela provoque une variation de la couleur perçue en fonction de la position de l’observateur. Cette torsion s’accompagne d’une perte des crochets, ce qui réduit la force mécanique de la plume. Les irisations sont dues aux interférences dans la fine couche extérieure de la kératine des barbules.

17. Bruce Campbell, Elizabeth Lack, et British Ornithologists’

Union., A Dictionary of birds (Vermillion, S.D.: Published for

the British Ornithologists’ Union [by] Buteo Books, 1985).

Couleurs pigmentaires :Le pigment le plus commun est la mélanine, qui est synthétisée par l’oiseau. La mélanine est relativement stable, elle est insoluble dans la plupart des solvants mais peut être dissoute dans les alcalins. Elle n’a pas de bandes d’absorption caractéristiques. Elle peut être noire, brune, brun-rouge, ou jaune.Les caroténoïdes sont responsables des couleurs rouge et orange des plumes. Les oiseaux ne peuvent pas les synthétiser et ils les obtiennent par leur alimentation. Ce sont des composés organiques de carbone et d’hydrogène, ou de carbone, d’hydrogène et d’oxygène. Ils sont solubles dans les solvants organiques, se décolorent sous l’effet de la lumière et de la chaleur, et sont caractérisés par leur spectre d’absorption.

Les effets combinés :Certaines couleurs proviennent de l’action combinée de deux pigments ou plus, ou de pigments et de structure.Ainsi, dans la plupart des plumes vertes, la couche externe des barbes contient des pigments jaunes qui filtrent une partie des longueurs d’ondes courtes des rayons de la lumière blanche incidente. Sous ce filtre, des cellules dispersent les ondes courtes restantes, et ainsi les plumes apparaissent vertes. Si le filtre de pigments (jaunes) est dissout la plume devient bleue.

Dans le cas des objets étudiés, des plumes aux couleurs pigmentaires et structurelles sont présentes, néanmoins il ne figure aucune plume iridescente. En conclusion de cette partie, un tableau présente les types de couleurs en fonction des types de plumes utilisés pour les objets et leur sensibilité.

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partie ii : constat d’état

c. Le travail de la plume

Cette partie nous permet de mieux comprendre la place particulière du matériau principal de ces ornements dans leur contexte d’origine.Les publications de D. Schoepf, ont été particulièrement utiles pour la compréhension du travail de la plume au sein des basses terres d’Amazonie et plus particulièrement chez les Wayana.18

Se procurer, conserver les plumes :

Les plumes utilisées dans les parures peuvent avoir été acquises de différentes façons. Certaines espèces d’oiseaux sont chassées alors que d’autres sont domestiquées et élevées dans le village.Dans le cas présent, il est particulièrement intéressant de relever la spécificité des plumes de coq. En effet cet oiseau, aujourd’hui domestiqué par les Amérindiens, n’est pas endogène des Guyanes, il a été apporté par les Européens sur le territoire. L’utilisation de telles plumes dans les parures résulte donc déjà d’un premier échange culturel19.Les aras et les toucans peuvent être ponctuellement domestiqués et élevés en tant qu’animaux de compagnie mais ils sont également chassés. Quant au hocco, sorte de dindon sauvage, il est chassé et relativement facile d’approche.Les Amérindiens ont développé un matériel approprié aux différentes situations, par exemple des flèches spécialisées dites « flèches-

18. Daniel Schoepf, Essai sur la plumasserie des Indiens

Kayapo, Wayana et Urubu - Brésil. (Genève: Musée

d’ethnographie, 1971); Daniel Schoepf et Musée

d’ethnographie (Genève), L’art de la plume: Indiens du Brésil:

[expositions]: [Musée d’ethnographie de Genève, automne

1985 - hiver 1986 ]: [Muséum national d’histoire naturelle

de Paris, printemps - été 1986]: [catalogue] (Genève;

Paris: Musée d’ethnographie; Muséum national d’histoire

naturelle, 1985).

19. Nous reviendrons sur ce sujet dans la partie IV.

assommoirs » à extrémité émoussée, pourvue d’un arrêt qui n’endommage pas le plumage et ne fait parfois qu’étourdir l’oiseau, mais aussi des cages, volières ou basse-cours pour les espèces apprivoisées.20

A travers l’art plumassier de ces populations se dessine donc une connaissance profonde et complexe de l’avifaune locale, et de techniques de chasse et de domestication. Il apparaît que si la chasse est exclusivement réservée aux hommes l’élevage des animaux domestiques semble être le domaine des femmes.

Pour leur conservation, la littérature ainsi que les collections muséales nous apprennent que les plumes, les filières ou les parures peuvent être simplement enveloppées dans une feuille de palmier ou rangées dans des étuis, boîtes ou coffrets fabriqués spécialement à cet effet en vannerie ou en bois.

Dans sa thèse sur la vannerie D. Davy présente ces coffres et coffrets comme « les rares formes [de vanneries] uniquement utilisées par les hommes chez les Amérindiens. […] Le coffret des Wayana […] sert à stocker les plumasseries ornant le olok […] d’où son nom de olok enï, « réceptacle du olok » ».

20. Schoepf et Musée d’ethnographie (Genève), L’art de la

plume, p. 9

Olok ene wayana ouvert avec plumasserie.60x20cm©D. Davy

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Ces informations nous permettent d’une part de prendre conscience de l’aspect précieux de cette matière première et des objets qui en résultent dans leur société d’origine. Lors du voyage d’étude, un interlocuteur de la communauté Wayana21 nous présenta des ornements de plumes – conservés dans un coffre de bois – et nous précisa qu’ils étaient anciens et avaient déjà servi pour des rituels. Ces objets sont inscrits dans un circuit de transmission et nous constatons qu’une volonté de conservation s’y attache nettement.

21. Voir partie III

Sélection des espèces, couleurs et textures :

Bien que la diversité de l’avifaune dans la région des Guyanes soit très importante, l’utilisation et la sélection des espèces d’oiseaux ne sont pas conditionnées par le milieu naturel mais résultent d’un véritable choix. Un certain nombre d’espèces est fréquemment utilisé dans l’art plumassier et cela de manière transversale chez différents groupes socioculturels. Par exemple: les plumes d’aras macao, chloroptére, et des ramphastos qui sont présents sur ces objets se retrouvent sur les parures de nombreux groupes. En revanche, certaines autres espèces pourraient relever plus spécifiquement d’un groupe en particulier, et nous nous interrogeons ainsi sur les plumes de coq présentes dans ce cas.Dans un essai sur la plumasserie des indiens Kayapo, Wayana et Urubu, D. Schoepf met en évidence diverses caractéristiques propres à chacun des groupes. La comparaison avec les objets étudiés révèle des similitudes entre ceux-ci et l’art de la plume wayana que nous allons présenter dans les paragraphes suivants.L’auteur décrit le fait que la plumasserie wayana se constitue à partir de dix-huit espèces d’oiseaux et vingt-six couleurs différentes, nous constatons que les espèces et couleurs recensées sur les ornements étudiés entrent dans ce corpus. « Sur le plan du chromatisme, les créations wayana s’expriment toujours à travers de très nombreuses couleurs. On trouve très fréquemment utilisées des plumes au fondu multicolore. La quasi-totalité des couleurs fondamentales – rouges, jaune, bleu, vert, blanc, noir – est représentée dans chaque pièce, créant ainsi une impression d’exubérance et de prodigalité chromatique. »22

Bien que les couleurs conditionnent fortement la sélection, l’aspect formel de la plume n’est pas négligé pour autant. Ainsi les formes et textures

22. Daniel Schoepf, Essai sur la plumasserie des Indiens

Kayapo, Wayana et Urubu - Brésil. p. 38.

Etui en palmier renfermant des plumes d’ara73x6x4,5cm

©Musée du Quai Branly (71.1881.34.24.1)

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partie ii : constat d’état

justifient parfois le choix de certaines plumes, et prennent une véritable place dans l’esthétique proposée. Au niveau des objets que nous étudions, l’utilisation des plumes longues, très souples et duveteuses à la base de l’objet s’oppose aux autres types de plumes dont la rigidité est bien plus grande. On notera que, alors que la taille des plumes diminue depuis les filières inférieures vers les filières supérieures, les textures, elles, deviennent de plus en plus rigides.

Transformation des plumes :

Deux aspects de la plume peuvent être modifiés par les techniques amérindiennes : sa forme et sa couleur.

Concernant les transformations de couleurs, les objets que nous étudions ne sont, dans leur majeure partie, pas concernés par ces techniques. Seul l’un d’entre eux pourrait présenter des plumes dont la couleur a été transformée artificiellement, il s’agit du 71.1878.14.10 (MQB).

La teinte orange de ces plumes (type 8) est particulière car elle ne se retrouve sur aucun autre objet. Les effets de moirure, les irrégularités de couleur observées au sein d’une même plume font penser à une transformation artificielle selon J. Cuisin.Il est possible de supposer qu’un tapirage ait eu lieu sur ces plumes. « Cette technique […] se pratiquait essentiellement sur des perroquets ou des aras. Elle consistait à plumer partiellement l’oiseau, puis à frotter et appliquer sur la chair ainsi mise à vif une mixture de composition variable. Lors de la repousse les plumes qui étaient à l’origine vertes ou bleues apparaissent respectivement jaunes et rose ».23 Dans notre cas, il est possible d’imaginer que ces plumes furent à l’origine bleues, peut-être provenant de l’ara ararauna (d’autant plus que le type de petites bleues de cet oiseau (type 9) est présent sur le même objet).24

Néanmoins, il s’agit ici d’une simple hypothèse. D’autres peuvent être envisagées : cette hétérogénéité de la couleur pourrait par exemple être due à des altérations, décolorations par la lumière en lien avec la sensibilité particulière de certains pigments.

23. Schoepf et Musée d’ethnographie (Genève), L’art de la

plume, p. 13.

24. Pour plus d’information sur le tapirage, voir annexe AII-3

71.1878.14.10 (MQB)Détails

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Concernant la transformation de la forme des plumes, cette dernière est en revanche bien présente sur l’ensemble des objets étudiés et de manière systématique.La quasi-totalité des plumes a d’abord été débarrassée des quelques barbes et duvets présents à la base du rachis. Et les calamus de toutes les plumes ont été recoupés. La technique la plus visible reste l’épointage. « Il consiste à découper la partie sommitale des plumes, soit individuellement, soit collectivement lorsque les plumes sont montées en filière. S’il y a superposition de plusieurs filières, cette opération permet de délimiter clairement les divers rangs et d’accentuer ainsi le contraste chromatique de ceux-ci ».25 Lors du voyage d’étude, la discussion avec le chef coutumier d’un village Wayana, nous a confirmé que les plumes des filières sont recoupées après l’assemblage et cela à l’aide d’un ciseau. Sur les objets étudiés, seules les rangées de plumes de coq (type 1) n’ont pas subi ce type de découpe.

25. Schoepf et Musée d’ethnographie (Genève), L’art de la

plume, 14.

Concernant l’art de la plume Wayana, D. Schoepf met en évidence « la présence, non attestée dans les autres groupes étudiés, de la technique de la découpe, exploitée ici à un niveau maximal : les procédés d’épointage, d’échancrages, de taille en dents-de-scie, et de débitage en fragments de formes diverses sont appliqués. Quant à la composition d’ensemble, l’usage de cette technique se traduit par des contrastes entre les lignes naturellement souples et arrondies des plumes laissées dans leur forme première et le tracé des droites, brisées, obtenues par la découpe.»26

La comparaison entre les objets étudiés et les caractéristiques de la plumasserie wayana publiées par D. Schoepf nous permet de poursuivre l’hypoyhèse de la provenance Wayana des ornements considérés. Nous avons pour cela étudié plus précisément l’art de la plume de ce groupe et en particulier accumulé des références visuelles d’objets afin d’établir des comparaisons et de rechercher d’éventuels ornements similaires. Les éléments de cette recherche seront synthétisés en partie IV.

26. Schoepf, Essai sur la plumasserie des Indiens Kayapo,

Wayana et Urubu - Brésil., 38.

Schéma de la technique d’épointage.©D. Schoepf

Technique d’épointage.Détail de l’objet X377483 (MQB)

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partie ii : constat d’état

Cette approche du travail et de l’utilisation de la plume, nous permet de mettre en évidence des éléments que nous avions évoqués en partie I, sur les parures de plumes dans le contexte amazonien, et qui se traduisent dans ces ornements de manière plus concrète. Se dessinent :La dimension esthétique de ces objets au travers de critères colorimétriques et formels.La définition d’un style propre à un groupe.La dimension identitaire des objets au travers des sélections (espèces, plumes, couleurs) opérées.La dimension idéologique, en lien avec la mythologique et le rapport au monde.27

27. Ces différents points seront approfondis en partie IV.

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partie ii : constat d’état

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partie ii : constat d’état

A travers l’étude de conservation doivent être mis en évidence les différents types d’altérations de l’objet, leurs causes et leurs conséquences ainsi que leurs risques d’évolutions. Mais il doit également se dessiner une hiérarchie de ces altérations afin de définir les aspects les plus néfastes pour l’intégrité de l’objet.

Les objets provenant du musée du Quai Branly sont actuellement conservés en réserves, selon la méthodologie adoptée par le musée pour les objets de niveau 1 ou 2 (PPRI1 ou PPRI21). En effet, tous sont stockés à l’intérieur de grandes boîtes de polypropylène rigides, sur des plateaux constitués d’une plaque de polypropylène recouverte d’une mousse polyéthylène (Plastazote®). Plusieurs objets peuvent être répartis sur la même mousse, mais chacun doit y avoir suffisamment de place pour y être présenté à plat. Pour les maintenir, de petites bandes de non-tissé de polyéthylène (Tivek®) sont nouées à la base des tresses de coton constituant les deux extrémités de chaque objet, et parfois le long des filières également.

1. PPRI : plan de prévention des risques inondation, mis

en place et développé par le musée dont les réserves sont

sujettes à ce type de risques. Une partie de ce plan consiste

notamment à classer les objets en fonction des priorités

d’évacuation, et de conditionner ceux de niveau 1 et 2 de

façon à ce qu’ils puissent être évacuables le plus rapidement

possible.

II. ETUDE DE CONSERVATION

Réserves du MQB, boîtes de conservation contenant les objets de niveau PPRI2.

Les objets étudiés sur leur plateau de conservation.

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L’objet du musée des Confluences bénéficie d’un conditionnement indépendant. Il est placé dans une boîte de polypropylène alvéolaire (semi-rigide), sur un plateau de mousse polyéthylène (Ethafoam®) recouvert d’un papier cristal. Pour le maintenir deux petites bandes de non-tissé de polyéthylène (Tivek®) viennent se nouer autour des tresses de coton. Le couvercle est ajouré par une feuille de ployéthylène téréphtalate (Mylar®) qui permet la visibilité de l’objet mais qui crée l’inconvénient de l’exposition à la lumière si la boîte n’est pas dans un environnement noir. De manière générale les deux conditionnements (MQB et MC) sont adéquats pour ce type d’objets, même si quelques améliorations peuvent être mises en place2.

L’étude de conservation présentée ici s’axe plus particulièrement sur l’objet provenant du musée des Confluences (60003470). Comme nous l’avons précisé en introduction, cet objet a été apporté au sein des ateliers de l’ESAA, dans le cadre du travail de cinquième année, alors que les objets du MQB ont été étudiés lors d’un stage au sein de ce musée. C’est pourquoi l’étude de conservation ainsi que le traitement seront réalisés sur l’objet 60003470 (MC), mais le parallèle avec les objets du musée Quai Branly sera maintenu.

2. Voir partie V.II

Boîte de conditionnement de l’objet 60003470 (MC).

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partie ii : constat d’état

1. Le relevé des altérations en vue du traitement de conservation-restauration

Cette opération consiste à observer, localiser et classer les altérations des matériaux constitutifs de l’objet. Nous avons choisi de présenter ce classement d’abord par type d’altération, puis, pour chaque type, nous avons présenté les causes et les conséquences de l’altération et enfin les différents risques d’évolution.

La plume est le matériau principal de ces objets et c’est ce dernier que nous nous sommes particulièrement attachés à observer pour en comprendre l’évolution dans le temps et les altérations. La plume, est un matériau relativement stable chimiquement, composée principalement de kératine, protéine résistante, le temps seul n’aurait que peu d’effet dégradant. En revanche, la kératine des plumes est une source d’alimentation prisée par certains insectes dit kératophages. Dans la nature les insectes sont la principale cause de disparition d’une plume tombée de l’oiseau. La plume est, par ailleurs, particulièrement fragile au niveau de sa structure tridimensionnelle. En effet, c’est l’organisation du réseau de fines ramifications formant un tout cohérent qui est susceptible d’être altérée. En ce sens, les facteurs de dégradation des plumes les plus dangereux sont d’ordre mécanique, liés à des contraintes provoquées par diverses origines externes. On estime que les plumes présentes sur l’objet ont une origine qui pourrait remonter au 19e siècle, ou antérieure.

Conditions d’observation de l’objet :-Lumière du jour-Lumière blanche-Œil nu-Loupe binoculaire-Microscope portatif-Microscope

Repères directionnels3 :

3. Le choix d’utiliser les termes dextres/senestres est lié à

une volonté d’objectivité, car nous ne pouvons définir la

droite de la gauche sans équivoque, dans le cas d’un objet

qui peut être perçu porté ou en face à face.

Haut

Bas

Dex

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Senestre

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a. Empoussièrement/Encrassement :

Matériaux concernés : Plumes, fibres végétales, résine.Localisation : Généralisée

Observations :L’empoussièrement de l’objet est généralisé et il atteint un degré que l’on peut qualifier d’encrassement car les particules de poussière ne sont plus seulement déposées en surface mais incrustées à l’intérieur de la structure tridimensionnelle des plumes et des fibres végétales constituant les fils.

Les causes :Les causes de l’empoussièrement sont liées aux conditions environnementales de l’objet et à sa situation dans cet environnement. Certains lieux sont plus sujets à la circulation de particules de poussière. Le stockage inadapté et le manque de protection peuvent être des raisons de l’empoussièrement.Mais il pourrait avoir eu lieu premièrement en « contexte d’origine »4. Pourtant, comme nous l’avons vu dans la partie sur l’utilisation de la plume, les objets sont traités avec grand soin, mais cela n’empêche pas un certain empoussièrement lié à l’environnement de se développer. Et, d’après les observations lors du voyage d’étude, certains des objets conservés dans un village Wayana étaient très empoussiérés.Dans un second temps, l’empoussièrement s’est poursuivi en « contexte muséal »5, vraisemblablement en raison d’un manque de protection autour de l’objet.

4. « Contexte d’origine » est ici utilisé pour dénommer la

période où l’objet se trouve au sein de la communauté

d’origine. Cela comporte sa fabrication et ses utilisations.

5. « Contexte muséal » est ici utilisé de manière large pour

dénommer la période où l’objet se trouve en France, qu’il

soit possédé par des particuliers, ou qu’il se trouve au sein

de cabinets ou d’institutions muséales.Vue en loupe binoculaire

Vue en microscope.Grossissement 4x/0.10

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partie ii : constat d’état

Les conséquences :La poussière se compose de particules inertes (tels des débris minéraux et organiques divers), ainsi que des particules potentiellement actives sur le plan biologique (micro-organisme). Ces deux catégories entrainent des risques d’abrasion des matériaux de l’objet, des risques d’attaque chimique (acidité des particules), ou d’attaque biologique (substrat pour les moisissures et insectes).6

Dans notre cas l’encrassement contribue également à l’assèchement des plumes et des fibres, devenues moins souples ainsi qu’à une forte modification visuelle des couleurs des plumes. Ces conséquences présentent des risques relativement peu évolutifs pour l’objet.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :Le risque d’évolution de l’empoussièrement est aujourd’hui faible car le conditionnement de l’objet permet de pallier cela. En revanche les conséquences de l’empoussièrement continuent d’être actives tant que ce dernier sera présent.

6. Bibliothèque nationale de France, « BnF-Professionnels :

Conservation - Dépoussiérage mode d’emploi », s. d., http://

multimedia.bnf.fr/actus_conservation/cn_act_num04_

art2.htm.

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b. Bris et lacunes :

Matériaux concernés : plumes, fils de fibres végétales coton et kulaiwat.Localisation : généralisés pour les plumes, localisés pour les fils : voir schéma.

Observations :

Les plumes :De nombreuses lacunes sont présentes sur l’ensemble des plumes de l’objet. Il est possible de distinguer différents niveaux de lacunes sur la plume.

Lacune partielle d’une barbe :Cette dernière n’est pas rompue, seule la couche supérieure de la barbe est lacunaire. Cela ne forme donc pas un trou mais provoque une modification de la couleur (plus sombre ou plus claire) en raison de la perte de la partie pigmentée de la barbe.

Lacune des barbules :Cela est surtout observable à l’extrémité des plumes, les barbes sont alors dépourvues de barbules, et ne sont donc plus liées entre elles.

Vue en microscope. Grossissement 4x/0.10

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Localisé pour les fils :

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partie ii : constat d’état

Lacune au niveau des barbes :Il s’agit d’une rupture des barbes qui peut avoir lieu au sein de la plume et qui se présente alors comme un petit trou de forme plus ou moins arrondi. Il peut également s’agir d’une rupture plus importante qui entraine la perte totale d’une partie d’un vexile de plume.

Lacune au niveau du rachis :Si le rachis est rompu cela entraine la perte d’une partie de la plume alors sectionnée.

Lacune au niveau du calamus :La plume est alors totalement lacunaire.

Les fils de fibres végétales :Deux ruptures ont été observées au niveau des fils de coton et de kulaiwat composant les filières, ainsi que deux ruptures au niveau des liens subsidiaires. Dans certains cas, une partie du fil est lacunaire.1. Rupture dans la troisième filière.2. Rupture d’un fil. Correspondant éventuellement à la troisième filière3. Rupture dans l’une des filières 4 à 9 (probablement la 4). Et rupture d’un lien subsidiaire.

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Les causes :Deux causes principales sont à l’origine de ce type d’altération.Il s’agit d’une part d’une cause biologique : l’infestation. Les différents types de lacunes au niveau des plumes sont caractéristiques d’une ancienne présence d’insectes. Plusieurs types d’insectes kératophages sont susceptibles de créer de tels dommages dans les plumes. Ils s’agit d’espèces de l’orde des Lépidoptères (famille des Tinaide) en particulier Tineola bisselliella (la mite tapissière) et des Coléoptères (famille des Dermestidae).Processus de dégradation de la plume par les insectes :La première étape consiste en un grignotage de la surface des barbes qui apparaît alors perturbée, irrégulière. Bien que la structure générale reste intacte, les barbes sont fragilisées. Sous microscope on constate que les insectes ont mangé leur surface mettant à jour leur structure interne. Les barbes sont donc irrégulières et ne réfléchissent plus la lumière de manière uniforme. Ce type de dommage peut être localisé sur une petite zone ou s’étendre sur de grandes aires. Il peut aussi se présenter sous la forme de lignes traversant les barbes, dans ce cas, une section entière peut se casser en raison de sa fragilité. Lorsque une épaisseur importante de barbe est mangée, et que les insectes ont atteint le plan où sont accrochées les barbules proximales celles-ci tombent. Par contre, les barbules ne sont pas attaquées directement à la différence des barbes et rachis. La raison n’en n’est pas évidente mais il est possible que les larves préfèrent la structure spongieuse de ces derniers. Lorsque des trous apparaissent, la structure est très fragilisée et des pans entiers de vexiles peuvent se rompre. Lorsqu’une barbe est partiellement détachée, elle commence à se tordre et à s’enrouler. Les larves attaquent aussi les rachis causant des fragilités pouvant entraîner des ruptures à ce niveau.7

7. Gina Drummond, « The mending of feather vanes »,

La deuxième cause responsable des bris et lacunes est d’origine mécanique. Les manipulations et le stockage inadaptés peuvent provoquer des tensions, contraintes ou chocs au sein des plumes et des fils entraînant la rupture. La structure tridimensionnelle et naturellement fragile d’une plume la rend particulièrement sujette à ce type d’altération.Ces causes de dégradations sont probablement issues du « contexte muséal » de l’objet. Durant ce temps il est fort probable qu’il ait été sujet aux infestations, et conditions de manutentions inadaptées. En revanche, les causes de dégradation peuvent avoir débutées dans le « contexte d’origine ». Mais lors de l’étude chez les Wayana, les objets conservés sur place ne présentaient pas de trace d’infestation et très peu de bris. Les manipulations de ces derniers sont réalisées avec grand soin de même que leur stockage. Donc même si cette possibilité ne peut être écartée, elle reste à nuancer.

Les conséquences :Les bris et lacunes entraînent une fragilisation des matériaux. Cela ayant lieu à l’échelle de l’ensemble de l’objet, ce dernier devient plus difficile à manipuler car cela est susceptible d’accélérer les dégradations. Dans le cas présent on constate en effet de nouvelles pertes de matière lors de chaque manipulation. Le risque d’évolution de ces altérations est donc important.Une autre conséquence est la perte d’information, qu’il s’agisse de la perte de tout ou partie des plumes ou de la rupture de fils, qui modifie notre perception de l’objet.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :Concernant les fibres végétales les risques de nouveaux bris sont minimes. En revanche, les manipulations de l’objet dans l’état actuel provoqueront nécessairement des bris au sein des plumes, le risque est très élevé à ce niveau.

AICCM Bulletin 19, no 3–4 (1994): pp.39–59.

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partie ii : constat d’état

c. Désorganisation

Matériaux concernés : plumes, fils de fibres végétales.Localisation : généralisée

Observation :La désorganisation de l’objet peut être observée à toutes les strates, de la plus globale à la plus localisée.Les filières de plumes sont désordonnées et ne suivent plus le schéma originel. Elles se croisent, se superposent alors qu’elles sont originellement parallèles.

Les liens subsidiaires, maintenant à l’origine les filières dans un certain ordre, sont eux mêmes distendus, enroulés, et ne jouent plus leur rôle.

Les rangées de plumes s’entrecoupent, se tordent, s’emmêlent et ne sont donc plus lisibles comme telles.

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Les plumes s’orientent dans toutes les directions de l’espace et ne sont plus situées dans un même plan. Elles s’enchevêtrent également entre-elles par l’imbrication des barbes.

Les causes :Ces altérations d’origine mécanique sont liées aux manipulations et aux stockages inadaptés. Ce type d’altération révèle également une mauvaise appréhension et une mauvaise compréhension de l’objet. La désorganisation généralisée est vraisemblablement liée au « contexte muséal » et non au « contexte d’origine ». Encore une fois, lors des observations réalisées en territoire wayana, aucun objet désorganisé n’a été constaté. De plus si tel était le cas, les personnes qui les possèdent ou qui les fabriquent seraient à même de le réorganiser facilement et rapidement avant que cela n’atteigne un stade avancé, en raison de leur bonne connaissance et compréhension de l’objet. Chose qui semble avoir fait défaut en « contexte muséal ».

Les conséquences :Les tensions et contraintes8 :Les désorganisations provoquent de très fortes tensions et contraintes internes qui s’exercent même en état de stockage, lorsque l’objet est « au repos ». Dans son état d’origine l’objet est relativement plan, les contraintes se répartissent sur son revers lorsqu’il est posé à plat, et donc sur le revers de chaque plume. Aujourd’hui le manque de planéité entraîne un fort déséquilibre des tensions qui peuvent agir très fortement sur certaines plumes. Cet état prolongé risque de fragiliser la matière aux points où les contraintes internes sont les plus fortes, pouvant entraîner des torsions ou bris.Les tensions externes :D’autre part la manipulation de l’objet vient ajouter de nouvelles tensions. Dans le cas d’un objet déjà désorganisé et soumis à des contraintes internes, ces nouvelles tensions sont particulièrement dangereuses et non maîtrisables. Ce qui rend toute manipulation de l’objet très risquée.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :Ces désorganisations, par les tensions et contraintes présentes même à l’état de stockage de l’objet, et d’autant plus lors des manipulations, sont la cause principale des risques de dégradations évolutives de l’objet.

8. La tension est une force d’extension.

La notion de contrainte résulte de la considération des

forces intérieures qui naissent dans un objet lorsqu’on le

déforme.

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partie ii : constat d’état

d. Déformations

Matériaux concernés : plumes, fils de fibres végétales.Localisation : généralisées

Observation :Les plumes peuvent présenter des plis au niveau des rachis ou au sein des barbes. Les fils, en raison de fortes contraintes, peuvent également présenter de fortes déformations, c’est notamment le cas au niveau de la première filière.

Les causes :Ces altérations d’origine mécanique sont intimement liées à la désorganisation générale de l’objet, les causes en sont similaires, et les déformations résultent également de la désorganisation.

Les conséquences :Les déformations fragilisent particulièrement les plumes et peuvent, à la longue, entraîner la rupture au sein du matériau.Au niveau des fils de fibres végétales, bien que les risques de ruptures soient moins forts, les déformations, en provoquant des tensions internes, contribuent également à fragiliser les matériaux.De manière générale ce type d’altération fait aussi obstacle à la lecture et à la compréhension de l’objet.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :En raison de l’état fortement désorganisé, des tensions et contraintes internes, les déformations et plis risquent d’évoluer et de se propager. Au

niveau des zones déjà déformées, les matériaux sont particulièrement susceptibles de continuer à se dégrader, même en état de simple stockage.

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e. Modification de la couleur

Matériaux concernés : plumesLocalisation : généralisée

Observation :L’ensemble des plumes a subi des altérations de leurs couleurs d’origine.Les plumes de coq claires, à l’origine quasiment blanches, sont aujourd’hui nettement assombries et légèrement jaunies. Les plumes jaunes et rouges sont également assombries et ternies, et en partie décolorées.

Causes :La poussière est responsable de l’assombrissement et du ternissement de la couleur des plumes. La lumière est la cause principale des décolorations et du jaunissement, certains pigments sont particulièrement sensibles et altérés par les rayons (en particulier les UV), et ils peuvent également fragiliser la kératine.Cette altération, d’ordre physico-chimique, a donc débuté avant même la fabrication de l’objet, dès lors que les plumes de l’oiseau sont exposées à la lumière. En revanche, après leur fabrication, les objets portés de manière ponctuelle, sont conservés à l’abri de la lumière la plupart du temps. Mais il est possible de supposer qu’une exposition intensive de cet objet ou une conservation sans protection à la lumière soit responsable de ces dégradations.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :Les risques sont faibles, l’objet étant aujourd’hui protégé de la lumière par son conditionnement au sein des réserves. En revanche, si son exposition est envisagée, il faudra prévoir et contrôler les risques liés à la lumière afin de les limiter.

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partie ii : constat d’état

f. Oxydation

Matériaux concernés : cotonLocalisation :

Observation :A plusieurs niveaux de petites taches orangées sont visibles sur les fils de coton.

Causes :Ces taches sont liées à une réaction d’oxydation9 des fibres cellulosiques du coton. Il s’agit d’une altération d’ordre physico-chimique. Dans notre cas l’oxydation est liée à des facteurs environnementaux, en particulier l’humidité de l’air, et les rayons UV.

Conséquences :Cette réaction fragilise les fibres, ce qui peut entraîner une rupture dans le fil.

Risques d’évolution dans le contexte actuel :Aujourd’hui l’apport d’humidité dans l’air est restreint, car le milieu est relativement contrôlé. L’objet est protégé de la lumière, en particulier des UV. Le risque d’évolution des réactions d’oxydation est donc faible. En revanche, les zones déjà fortement fragilisées seront considérées

9. « Il s’agit d’une réaction au cours de laquelle un atome

ou un ion perd des électrons. Lorsque la cellulose s’oxyde,

un acide se forme, ce qui catalyse l’hydrolyse. Les impuretés

présentes dans les matériaux ou en contact avec ceux-ci

sont responsables de l’oxydation, tout comme les polluants

atmosphériques. » Vade-Mecum conservation préventive,

C2RMF, 2006

comme zones à risques.

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partie ii : constat d’état

2. Diagnostic :

La question qui se pose à l’issue de ce relevé d’altérations est celle de l’intégrité de l’objet. Autrement dit, les altérations et l’état actuel de l’objet portent-ils préjudice à son intégrité et pourquoi ? C’est ce que nous allons tenter d’analyser ici.

L’objet se trouve dans un état de grande fragilité matérielle. Comme nous l’avons vu précédemment cela est lié à sa désorganisation, aux déformations et aux bris et lacunes déjà présents au sein des matériaux. Cet état présente de véritables risques d’évolution vers de nouvelles dégradations. L’objet est donc dans un état instable, dangereux pour sa préservation. Son intégrité matérielle est particulièrement menacée à ce niveau là.

D’autre part, l’ensemble des altérations présentées ci-dessus participe d’une modification très importante de l’apparence de l’objet. L’aspect de ce dernier est modifié par l’empoussièrement, le ternissement et les lacunes des plumes d’une part, mais surtout par la désorganisation généralisée qui trouble complètement la compréhension de la forme de l’objet. Ce phénomène a notamment été à l’origine d’un minutieux travail d’identification. La forme actuelle étant tellement éloignée de la forme originelle, il est difficile de simplement comprendre la façon dont l’objet pouvait être porté ou de le rattacher à un groupe socioculturel. La désorganisation entraîne donc une confusion du sens. Mais cette confusion a également pu être à l’origine de la désorganisation, par l’incompréhension de l’objet, par de mauvaises interprétations et de mauvaises manipulations qui en découlent. Au-delà de l’instabilité matérielle, la désorganisation provoque donc une véritable instabilité de la perception du sens de l’objet. L’intégrité de l’objet en est atteinte car sa forme est complètement transformée.

L’état particulièrement empoussiéré de la pièce est à considérer différemment. Il ne présente pas de véritable danger pour la conservation matérielle et même s’il modifie la perception de l’objet (changement des teintes, assombrissement) il n’obstrue pas totalement celle-ci. En effet il reste tout à fait possible de se représenter les couleurs plus éclatantes, telles qu’elles étaient voulues lors de la création de l’ornement et donc de retrouver par la pensée une des formes qu’a eu l’objet. De plus comme nous l’avons supposé, une partie de l’empoussièrement peut être issue du contexte d’origine, de son utilisation. L’intégrité de l’objet n’est donc pas ou peu entravée par l’empoussièrement.

Comparaison avec l’ensemble du Quai Branly :La particularité de cet ensemble est l’hétérogénéité des états de conservation des pièces. Pourtant elles appartiennent à la même collection, et sont donc entrées au même moment au MET (en 1878). Il faut préciser que les types d’altérations recensés sur ces objets sont les mêmes que ceux cités précédemment, l’hétérogénéité se situant au niveau de l’avancement plus ou moins poussé de ces altérations.Ainsi nous remarquerons que, pour certains objets, l’état lacunaire des plumes, provoqué par d’anciennes infestations, est tellement élevé que l’objet ne se compose aujourd’hui quasiment que des fils et des rachis. Alors que d’autres pièces présentent un état très peu altéré, peu attaqué par les insectes, et peu désorganisé. Entre ces deux extrémités, les autres ornements se situent sur un panel de variantes. C’est la mise en regard de ces différents états qui nous a permis d’évaluer ce qui relevait de l’état d’origine et ce qui relevait d’un état altéré.Un tableau présente les états d’altérations des différents objets de manière synthétique. Puis un autre document présente ces derniers organisés de manière graduelle suivant

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l’avancement des dégradations qu’ils présentent les uns par rapport aux autres.

La catégorie des objets très altérés concerne des pièces dont plus de 40% du matériau principal, la plume, a disparu et dont un traitement de conservation-restauration devient obsolète. La catégorie intermédiaire regroupe des objets fortement dégradés et encourant des risques d’évolution mais pour lesquels un traitement peut être envisagé. Enfin la dernière catégorie présente des objets en relativement bon état, encourant peu de risques. Nous pouvons constater que l’objet 60003470 (MC), qui appartient à la catégorie intermédiaire se situe à la frontière avec les objets particulièrement altérés.

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partie ii : constat d’état

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Classement des objets en fonction de leur état d’altération général :Objet Altérations générales Stade de dégradation

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Le plus avancé

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71.1878.14.7 (MQB)

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Légende :

Forte désorganisation

Faible désorganisation

Fort empoussièrement

Faible empoussièrement

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partie ii : constat d’état

III. SYNTHèSE DE L’éTUDE DE CONSERVATION, ET RéFLEXION SUR LA QUESTION DE L’éCHANGE AVEC LES COMMUNAUTéS D’ORIGINE

L’analyse des ornements a permis de mettre en évidence leur logique interne de fabrication et leur structure, mais aussi la place et l’importance du matériau plume. Il apparaît que la composition et l’organisation de ces parures ont été pensées précisément, et qu’elles ont été construites à partir d’un modèle, qui laisse la place à des variations mais qui encadre la création. C’est à travers ces caractéristiques formelles définissant ces objets qu’émergent leurs différents sens et fonctions.Or, l’étude de conservation nous permet de comprendre à quel point ces caractéristiques sont compromises et altérées. L’objet que nous voyons aujourd’hui est très différent formellement de celui vu dans son contexte d’origine, ainsi les sens qu’il proposait (esthétique, symbolique, fonctionnel) ne sont plus ou peu accessibles, en raison des dégradations.Il est important de bien considérer que le but d’une action de restauration n’est pas de « retrouver » l’objet originel, mais plutôt de proposer un équilibre pour l’objet. Equilibre matériel d’une part, afin d’atténuer des dégradations évolutives, mais à travers cet équilibre matériel il est important de ne pas empêcher l’objet d’être perçu dans la multitude de sens qui le compose.

Il est possible de parler de dysfonctionnement car l’objet n’exprime plus certains des sens d’origine. Ce dysfonctionnement retentit également sur les fonctions actuelles de l’objet. La perte d’intégrité, et de connaissances, la fragilité, l’empêchent de jouer certains des rôles attribués à un bien patrimonial : être exposé, consulté, source de documentation, de recherche ou de mémoire.En revanche si nous replaçons l’objet dans une perspective historique, l’état actuel est le reflet des différents contextes qu’il a traversés. Nous avons pu constater que beaucoup d’altérations sont liées aux mauvaises conditions de conservation, aux manipulations inadaptées mais aussi à la mauvaise compréhension de l’objet. Ces attitudes reflètent en partie les valeurs attribuées à ces parures de plumes dans la société occidentale. Et la manière de considérer et de traiter le patrimoine d’une autre culture reflète le rapport entretenu avec celle-ci. En cela la forme et l’état d’aujourd’hui convoquent des pans de l’histoire ou de l’idéologie de notre société dans laquelle les objets sont insérés. Les choix qui sont faits sur ce type de patrimoine doivent donc prendre en compte les multiples implications qui s’y rattachent, qui les ont prédéterminés et qui en découlent.

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Le dysfonctionnement que nous souhaitons mettre en évidence ici est la disparition du lien qui unit l’objet à sa communauté d’origine ou à ses descendants. Ce lien semble avoir été brisé dès l’ «acquisition» et le transport de l’objet hors de son contexte d’origine. Autrement dit, il ne se produit pas d’échanges entre le musée et les communautés d’origine autour de ces ornements. La situation est d’autant plus paradoxale que les communautés en question, bien qu’éloignées géographiquement, sont de nationalité française, vivent dans un département français et partagent la même langue, ce que l’on pourrait supposer favorable à l’échange. C’est notamment cette situation de rupture qui a entraîné les pertes d’informations et la mauvaise compréhension des objets. De plus les choix et responsabilités sur ceux-ci ne sont pas partagés. Les considérations et valeurs en jeu autour d’eux sont donc uniquement celles mises en place par la société occidentale et les institutions muséales.Or de nombreux représentants des communautés autochtones font aujourd’hui part d’un sentiment offusqué face à cette situation. Le cas le plus visible en France est celui des têtes Maori dont la communauté a demandé la restitution. Au Canada, le boycott par les Indiens Cree de l’exposition « The Spirit Sings » (Glenbow Museum) en 1988, a été particulièrement médiatisé. « Etaient directement mise en cause les relations des autochtones avec le musée, qui n’avait pas consulté les intéressés »1. De cette action a découlé un groupe de travail, puis un rapport concernant la mise en œuvre de nouvelles pratiques muséales. Dans l’article Restituer le patrimoine, Etat des lieux et proposition pour une action concertée en Guyane2, K. Kukawka et J-P. Fereira, citent un

1. Le moment du Quai Branly (Paris: Gallimard, 2007). M.

Mauzé, J. Rostowski.

2. Katia Kukawka et Jean-Paul Fereira, « Restituer le

patrimoine. état des lieux et propositions pour une action

concertée en Guyane. », dans La question du patrimoine en

Guyane (Matoury: Ibis rouge, 2011).

extrait de l’ouvrage d’un représentant Yanomami (communauté amérindienne de l’ouest du Brésil), témoignant de sa colère lors d’une visite au musée de l’Homme : « Nous pensons qu’il est mauvais de posséder les biens d’un mort. Cela nous fait peine. […] Tant que nous sommes vivants, ils peuvent exposer nos images et nos objets dans leurs villes pour expliquer à leurs enfants notre manière de vivre et, ainsi, nous aider à protéger notre forêt. Mais exhiber de la sorte les cadavres desséchés et les objets orphelins des premiers habitants de la forêt ne peut que me rendre malheureux et me tourmenter. C’est vraiment une mauvaise chose! »3

L’article poursuit ainsi « cette position critique [envers la conservation des biens culturels], virulente, doit être entendue et comprise des professionnels des musées qui, souvent très éloignés (géographiquement et culturellement) des peuples qu’ils sont censés représenter, ne mesurent pas toujours les implications d’une présentation publique des pièces qu’ils conservent. Et la question se pose même pour la conservation de ces pièces en réserve et pour leur restauration, comme le montrent bien certaines études récentes (notamment Johnson et al., 2005). [...] Bon nombre d’institutions muséales engagent dès lors de profondes réformes internes, visant à tendre vers la « plurivocalité », une relation plus équitable avec les communautés autochtones. »Les avancées les plus visibles dans ce domaine ont lieu dans les musées du Canada (musée des Civilisations, Gatineau), des Etats-Unis (National Museum of the American Indian (NMAI), Washington D.C.), d’Australie (Musée National, Canberra, musée Victoria, Melbourne) et Nouvelle Zélande (Te Papa Tongarewa, Wellington). En effet, dans ces institutions, les réflexions engagées depuis les années 1980 sur les relations entre musées et communautés concernées ont donné naissance à de multiples initiatives, sur

3. Davi Kopenawa et Bruce Albert, La chute du ciel : paroles

d’un chaman yanomami (Paris: Plon, 2010).

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partie ii : constat d’état

le plan de la gestion et de la présentation des collections, ce qui implique également le domaine de la conservation-restauration. De nouvelles méthodes de travail sont mises en place : des consultations, négociations avec les représentants des communautés, des restitutions, des prêts d’objets pour des cérémonies, des expositions organisées totalement par les communautés, des conditions de stockage, manipulation ou expositions spécifiques, des rituels au sein des musées, et l’intégration de membres des communautés au personnel responsable des institutions. Dans un article intitulé Reflections on changes in museums and the conservation of collections from indigenous peoples4, M. Clavir met en évidence que le choix des musées de préserver les cultures des communautés autochtones en soutenant les expressions vivantes plutôt qu’en préservant la culture matérielle représente un changement conceptuel profond. Ces changements transforment la pratique quotidienne des conservateurs-restaurateurs, mais également le cadre conceptuel et éthique de cette profession. L’auteur conclut en avançant le fait que, bien que le paradigme de la conservation-restauration ne soit pas remis en cause pour les décisions relevant de la conservation des biens, l’accent doit désormais être mis sur le concept d’une équipe pluridisciplinaire – incluant des représentants des communautés d’origine au même titre que d’autres professionnels – qui partagerait les responsabilités pour les décisions de conservation.

En revanche dans l’article La fin des musées d’ethnographie ?, les auteurs mettent en évidence « une ligne de fracture assez nette entre les musées des Etats qui ont des peuples autochtones sur leur territoire et ceux des anciennes puissances

4. Miriam Clavir, « Reflections on Changes in Museums and

the Conservation of Collections from Indigenous Peoples »,

Journal of the American Institute for Conservation 35, no 2

(1996): 99–107.

coloniales européennes. »Au sein du musée des Confluences et du musée du Quai Branly des actions dans le sens de l’ouverture aux communautés ont déjà été développées. Mais ce type d’initiatives n’est encore que rarement appliqué à la conservation-restauration elle-même.D’autre part, le cas particulier des objets considérés dans cette étude, est qu’il s’agit d’un patrimoine de communautés autochtones du territoire français, et bien que l’éloignement géographique soit une barrière importante, la situation n’est-elle pas comparable à celles évoquées ci-dessus ? Et les réflexions ne devraient-elles pas tendre vers celles développées aux Etats-Unis ou au Canada, par rapport aux peuples amérindiens autochtones ? Si nous considérons le domaine de la conservation-restauration, le travail pourrait alors être envisagé dans cette optique de rapprochement et de pluridisciplinarité faisant intervenir des représentants des communautés. Il s’agit de l’axe que nous avons souhaité questionner dans cette étude, appliqué à notre cas particulier : comment la conservation-restauration de ces ornements de plumes peut-elle s’inscrire dans une dimension d’échange et de « plurivocalité » ?

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PARTiE iii

VoYAGE D’éTuDE EN GuYANE

quelles expériences pour la conservation-restauration ?

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Ce voyage doit être considéré comme une volonté de sortir du cadre du musée et des ateliers de restauration, mais il s’agit ici d’une première approche, une première prise de contact. Le temps très court consacré sur place à l’ensemble de l’étude induisant un caractère d’amorce et non de conclusion à cette expérience. Le but de ce voyage en Guyane est avant tout la rencontre avec différents interlocuteurs amérindiens, le dialogue autour des objets étudiés et de leur conservation-restauration. Trois axes de travail nous apparaissaient importants : la circulation de l’information, l’apprentissage et le recueil de témoignages autour des objets et de leur contexte, enfin, le développement d’une réflexion commune sur la conservation-restauration des pièces étudiées.

De manière concrète, le voyage a eu lieu de fin janvier à mi-février 2012, sur une durée de trois semaines. Cécile Benecchi, étudiante en cinéma et gestion de production s’est jointe au voyage afin d’aider à la documentation (notamment vidéo) et à l’organisation. L’aide précieuse de Katia Kukawka, conservatrice au musée des cultures guyanaises de Cayenne (MCG), ainsi que de Marion Trannoy, chargée de mission Sciences Humaines et Politique Culturelle au Parc Amazonien de Guyane (PAG),

m’a été extrêmement précieuse pour construire ce projet ainsi que pour le développer sur place et je les remercie tout particulièrement.Les recherches autour des objets ont permis de définir en amont deux groupes socioculturels en lien avec les objets étudiés, nous avons donc choisi de nous rendre dans une commune Kali’na, puis sur le territoire Wayana. Quelques jours passés à Cayenne ont également permis de prendre contact avec des interlocuteurs du domaine muséal, patrimonial et culturel ainsi que d’accéder aux réserves du MCG.

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Un des buts lié à ce voyage est de faire connaître le projet d’étude qui concerne le patrimoine de ces communautés, mais surtout d’échanger à propos des objets étudiés, conservés dans les musées en métropole. Il s’agit d’une action à toute petite échelle, mais l’accès à ce patrimoine, même symboliquement, est à la base d’un véritable échange entre les musées et les communautés. Et nous avons souhaité inscrire notre étude dans cette dynamique d’échanges d’informations.Le voyage et les rencontres nous ont fait prendre conscience de l’importance de l’engagement, nécessaire à cette situation d’échanges. En effet, il est désormais de notre responsabilité de mettre en place un retour du travail réalisé sur place, et plus généralement de l’étude globale. Ce retour participe à la circulation des informations, mais il est également une forme de remerciement et de respect envers les personnes ayant accepté de nous rencontrer et de nous faire partager leurs savoirs.

I. LA CIRCULATION DE L’INFORMATION

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Partie III : voyage d’étude en Guyane

Cet axe, plus détaillé, comporte des éléments qui nous ont véritablement permis d’avancer dans cette étude. La démarche adoptée a donc été celle de chercher à rencontrer des interlocuteurs spécialisés, dans le domaine coutumier, ou en tant que fabriquant ou possesseur d’ornements de plumes par exemple. Puis l’étude leur était présentée, soit en montrant des photos des différents objets conservés au MQB et au musée des Confluences, soit, dans certains cas, autour d’objets apportés par eux-mêmes. La discussion s’engageait ensuite de manière libre, mais avec quelques questions spécifiques préparées en amont. Nous avons également travaillé avec les photos des Kali’na au jardin d’acclimatation. Les impressions, témoignages, informations de l’interlocuteur, ont été recueillis par enregistrement vidéo et sonore, ou par la prise de notes.

1. Awala-Yalimapo, village Kali’na :

Les Kali’na, de la famille linguistique karib, vivent sur le littoral des trois Guyanes, et , depuis l’arrivée des colons, sont en contact depuis bientôt 500 ans avec le monde occidental. Ils constituent la population amérindienne la plus nombreuse de Guyane française comptant 3000 individus. Tous parlent le français et le créole guyanais en plus du kali’na. De plus en plus d’hommes et de femmes kali’na ont fait des études supérieures et forment une communauté d’intellectuels, le plus souvent active dans la lutte indigéniste depuis le milieu des années 80 et dans le domaine politique, représentant des partis nationaux à des élections législatives ou communales. La commune d’Awala-Yalimapo est créée en 1988, elle se situe à l’embouchure du Maroni, à l’ouest de la Guyane.1

La population est presque exclusivement amérindienne, de la communauté Kali’na. Le territoire est géré par deux entités institutionnelles ; celle de la municipalité et celle des autorités coutumières.2

1. Synthèse d’après : Damien Davy, « “Vannerie et vanniers”»

(Thèse de doctorat, [s.n.], 2007).

2. « Awala-Yalimapo », http://www.awala-yalimapo.fr/.

II. APPRENDRE, MIEUX COMPRENDRE LES OBJETS ET LEUR CONTEXTE, RECUEILLIR DES TéMOIGNAGES

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Le projet de recherche a été présenté lors du conseil de la culture, devant le maire d’Awala-Yalimapo, M. Fereira, l’adjoint au maire, M. Tiouka, les chefs coutumiers M. Thérèse et M. Williams, ainsi que d’autres agents de la mairie d’Awala-Yalimapo ou personnalités de la ville. Katia Kukawka ainsi que Thomas Mouzard, chargé de mission pour la mairie, étaient également présents.Une première discussion s’est engagée sur la provenance Kali’na de ces objets. Ce premier contact m’a confirmé le fait que très peu de personnes Kali’na pratiquaient encore l’art de la plume aujourd’hui et qu’au sein du village d’Awala-Yalimapo personne n’exerçait dans ce domaine.

Par la suite j’ai pu rencontrer le chef coutumier d’Awala, Michel Thérèse, pour un entretien.Au premier abord, M. Thérèse ne pense pas que ces objets soient d’origine Kali’na. Il justifie cela notamment par le fait que les Kali’na n’utilisent pas ce type de petites plumes, mais plutôt les grandes plumes rigides des ailes et de la queue des oiseaux. Il pense avoir déjà vu ce type d’objets lors de congrès de représentants amérindiens, mais plutôt originaires de l’Equateur ou du Venezuela selon lui. Lorsqu’il voit les photos des Kali’na au jardin d’acclimatation portant des colliers de plumes, il pense que ce type d’ornement a peut être été fabriqué spécialement pour l’occasion, en France.Il possède lui-même quelques parures de plumes, notamment une coiffe fabriquée pour lui. Les coiffes, appelées oumali en Kali’na sont portées lors de cérémonies ou de grands évènements, notamment par les chefs coutumiers.Les ornements de plumes étudiés ne sont donc pas reconnus comme Kali’na par l’autorité coutumière d’Awala.

Le chef coutumier, Michel Thérèse, portant se coiffe de plumes lors d’une cérémonie.

D’après Kali’na, une famille indienne de Guyane française, J. Silberstein

Entretien avec Mme. Fransisca Yampa

Entretien avec Mme. Fransisca YampaRosiane Tiouka (à gauche), Samia Auguste (à droite)

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Partie III : voyage d’étude en Guyane

La mairie d’Awala a engagé au début de l’année 2012 un anthropologue, Thomas Mouzard, qui travaille en tant que chargé de mission pour le projet d’inventaire du patrimoine3. Or ce dernier m’a permis d’approfondir la recherche en travaillant de manière collaborative avec l’équipe de l’inventaire du patrimoine sur la question des ornements de plumes. Une personne, Mme. Fransisca Yampa, est spécialisée dans la confection de coiffes de plumes à Galibi (village Kali’na du Surinam, sur l’autre rive du Maroni en face de Yalimapo). Nous organisons donc un entretien avec elle, grâce à l’aide de M. Raymond Malajuwara, Mlles. Samia Auguste et Rosiane Tiouka participants du projet d’inventaire. Une transcription de l’entretien avec Mme. Fransisca Yampa ainsi qu’une vidéo de l’intégralité de ce dernier sont présents en annexe4. Nous ne relèverons ici que les aspects les plus pertinents pour notre étude. Les coiffes, oumali, que fabrique Mme Fransisca sont très différentes formellement et structurellement des objets étudiés.5 Lorsque nous avons montré les photos des ornements à Mme. Fransisca Yampa, celle-ci a reconnu n’avoir jamais vu ce type d’objets auparavant. Elle reconnait néanmoins le travail des fils de coton, à la main, et le travail de l’autre fil, pour l’attache des plumes, à partir de la fibre de kulawa na na et de la résine mani. Cette fibre et cette résine semblent fréquemment utilisées. La piste de ces matériaux de fabrication a été approfondie par la suite et présentée en partie II.L’étude menée à Awala-Yalimapo n’a pas permis

3. Un chantier d’insertion débute en février 2012 qui

permettra de réaliser un inventaire participatif du patrimoine

de la commune sur vingt-quatre mois. Il sera conduit par

six personnes résidant sur son territoire. Le Musée des

cultures guyanaises et le Service régional de l’inventaire du

patrimoine culturel sont partenaires du projet porté par la

Commune et dont l’un des principaux objectifs est de former

localement les agents de la future Maison de l’Estuaire.

4.Annexe A.III - 1 et dvd annexe vidéo.

5. Pour plus d’informations, voir annexe A.III.2

d’en apprendre beaucoup plus sur les ornements étudiés. Bien que certains possèdent des parures de plumes, personne n’a semblé reconnaître ces objets en tant qu’ornement Kali’na. Et nous n’avons pas rencontré beaucoup de personnes qui nous ont dit posséder des connaissances sur ce type d’objets. Il semblerait que Mme Fransisca Yampa soit la seule personne à réaliser des ornements de plumes chez les Kali’na d’Awala-Yalimapo et de Galibi.En revanche plusieurs personnes ont reconnu, d’après photo, les matériaux utilisés pour les liens d’attache, ainsi que certains types de plumes utilisées. Ces éléments, replacés dans l’ensemble de l’enquête concernant les matériaux constitutifs ont été explicités en deuxième partie du dossier.A la question de savoir si les ornements de plumes étudiés avaient leur place dans les musées en France, mes interlocuteurs ont répondu de manière positive, considérant que pour le moment leur place était là bas, que cela permettait une meilleure conservation de ces objets, mais que peut-être par la suite ils pourraient revenir sur leur terre, si les conditions mises en place le permettent. Les jeunes du chantier de l’inventaire souhaitent aussi travailler pour cela. Un entretien avec Samia Auguste et Rosiane Tiouka, participantes au projet d’inventaire se trouve sur le dvd annexe vidéo. Voici la retranscription de leurs réponses à la question de la place des objets d’origine kali’na et amérindienne au sein des musées comme le Quai Branly ou le musée des Confluences.Samia Auguste : « Pour le moment tant mieux s’ils sont là-bas, pour les conserver jusqu’à ce que nous ayons notre Maison de l’Estuaire, pour les montrer aussi ici. Les faire revenir, peut-être, ce serait bien. »Rosiane Tiouka : « Les particuliers ont des objets, mais ils ne sont pas conservés de la même manière, et ces objets s’usent plus que s’ils sont gardés au musée. Au musée ils sont bien conservés, en vitrine, restaurés… Je pense que c’est mieux qu’ils soient conservés là-bas que chez les particuliers. »

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2. Les villages Wayana

Les Wayana, groupe de langue linguistique Karib, émergent progressivement sous ce nom au 19e siècle, résultant, dans un contexte colonial, de la coalescence de groupes et sous-groupes essentiellement de langue et de culture karib vivant dans cette région. Leurs premiers contacts directs avec les colonisateurs se sont produits dans la deuxième moitié du 18e siècle, mais ce n’est vraiment qu’au 20e qu’ils se sont intensifiés pour devenir permanents depuis trente ou quarante ans selon les régions. Les Wayana sont aujourd’hui partagés entre trois états souverains : France, Brésil et Surinam. En Guyane française, ils vivent, avec des Apalai (beaucoup moins nombreux), sur la commune de Maripasoula en une douzaine de villages répartis sur le haut cours du fleuve Maroni. En 2009, la population approchait les deux milliers d’individus. Les langues nationales (français, portugais, néerlandais) progressent, mais restent peu parlées et non écrites par les vieilles générations. En Guyane, après un long refus de la citoyenneté française par les intéressés, celle-ci a été attribuée à la demande et de façon anarchique ; elle concerne désormais la majorité de la population. Les routes étant inexistantes dans les trois régions, l’accès au pays Wayana se fait par les fleuves. Au Brésil et en Guyane, la pénétration en pays Wayana est soumise à autorisation.6

Lors de l’arrivée à Taluen et Antecume Pata, nous nous sommes adressées aux agents des antennes du Parc Amazonien de Guyane (PAG)7, qui nous ont guidés dans la recherche. Après une brève présentation du projet les agents ont laissé entendre qu’ils ne connaissaient que

6. Synthèse d’après : Françoise Grenand, Encyclopédies

palikur, wayana & wayãpi : langue, milieu et histoire 0

Langue, milieu et histoire. (Paris: éd. du Comité des Travaux

Historiques et Scientifiques [u.a.], 2009).

7. Marion Trannoy nous a guidés et recommandés en amont

auprès du Parc Amazonien de Guyane (PAG).

peu de personnes pratiquant encore l’art de la plume. La documentation en amont, et la présence de nombreux ornements de plumes Wayana relativement récents dans les collections muséales avaient laissé espérer le contraire. En raison du temps de séjour très court nous n’avons pu qu’esquisser la recherche, néanmoins les quelques rencontres furent très fructueuses.

Nous avons donc été introduits auprès du Gran Man8 de Twenké, ce dernier a accepté de nous recevoir et de nous montrer ses parures de plumes. Il ne parle pas français, nous avons donc travaillé avec l’un des membres du Parc pour la traduction. Ce travail n’est pas évident et nous n’avons pas pu aller très profondément dans la discussion.Le Gran Man possède un coffre de bois, rempli d’ornements qu’il a sorti un à un devant nous. Il a expliqué que cet ensemble de parures ou de plumes individuelles représente en fait trois coiffe-masque olok démontées. Les objets sont en bon état de conservation, ils ne semblent pas attaqués par les insectes ni les moisissures, les plumes sont stockées à plat les unes sur les autres, sans tension ou contrainte forte, seul un important empoussièrement est particulièrement visible.Parmi les différents éléments de parures de ce coffre, trois sont très similaires aux objets étudiés. Nous retrouvons la superposition d’une filière de longues plumes de coq blanches, puis des plumes blanches plus courtes, enfin plusieurs rangées de petites plumes des aras et toucans. La similitude ne fait pas de doute, d’autant plus que le Gran Man confirme les espèces d’oiseau : ara, hocco, toucan, coq… Les objets en question, en très bon état, ne souffrent d’aucune désorganisation, les rangées de plumes sont délimitées très nettement grâce au travail de découpe, l’objet est totalement plan et de forme rectangulaire. La différence principale avec les objets étudiés est la présence d’une pièce

8. Le Gran Man : correpond à une autorité coutumière.

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Partie III : voyage d’étude en Guyane

de tissu cousue à la base des filières qui permet notamment de les maintenir dans le plan et de donner de la rigidité à la pièce.Le Gran Man explique qu’il s’agit là d’une partie du olok, située plus précisément au niveau de la base de la vannerie de support, juste au dessus de la tête, et que cette pièce se nomme le pompoma.

A Antecume Pata, nous nous sommes présentées à André Cognat, fondateur de ce village. Puis nous avons pu rencontrer le chef coutumier Barbosa, accompagnées d’un agent du Parc qui réalise la traduction.Lorsque le chef observe les photos des ornements, il les reconnaît d’emblée comme Wayana. Il nous précise qu’il s’agit de l’ornement à la base du olok. Il reconnait également les plumes de coq, des différents aras et du hocco.Il nous montre ensuite l’une de ses parures de plumes. L’objet est en plusieurs parties : deux filières indépendantes et deux supports en vannerie. Il s’agit d’un hamére. Parmi les deux filières, l’une est constituée de plumes blanches, larges et très légères, il s’agit de plumes de coq. La deuxième filière est réalisée en plumes de hocco noires avec quelques plumes d’ara colorées au milieu. Les plumes sont toutes recoupées à leur extrémité, il nous explique que cette action a été réalisée au ciseau après qu’elles aient été montées en filière. J’ai la possibilité de manipuler ces filières et de les regarder de plus près, elles sont réalisées selon la même technique que les objets étudiés. La discussion s’oriente ensuite vers les techniques de travail de la fibre de kulaiwat, et de la résine mani ces éléments ont été détaillés en partie II.Au cours de la discussion nous comprenons que le chef coutumier sait réaliser des ornements de plumes, et celui qu’il nous montre a été fabriqué par lui-même. Il a appris cela auprès de son père et de son grand-père, mais aujourd’hui personne n’apprend avec lui.Enfin je lui demande s’il pense que les objets que je lui ai montrés en photo ont leur place dans les musées en France. Il répond que cela est bien

pour leur conservation et pour que l’on puisse les voir. Lui-même a pu en voir certains au musée de Cayenne. Même si ce court séjour est loin d’avoir pu répondre aux nombreuses questions autour des ornements, il est source de très nombreuses informations et d’un véritable apprentissage au travers des quelques personnes rencontrées et des quelques objets vus sur place. Il a notamment permis de renforcer la supposition de la provenance Wayana des pièces et de préciser leur fonction.

En conclusion, nous supposons donc très fortement que les objets étudiés correspondent à des pompoma, parures se situant à la base de la coiffe-masque olok, nouées sur la partie de la vannerie proche de la tête. Les objets d’études seraient alors des fragments d’une grande coiffe. Dans la partie suivante nous approfondirons la provenance et la fonction de ces objets, et nous donnerons des éléments de compréhension sur la coiffe-masque olok et le rituel du marake dans lequel elle intervient.En revanche nous tenons à faire quelques réserves concernant le recueil de témoignages. Cette dimension qui nous semble très importante dans la documentation d’un objet conservé en métropole, afin de faire entendre la polyphonie des discours possibles, n’a pu être que très insuffisamment menée. Cela est lié en partie aux situations, au fait de ne rencontrer qu’une fois, de manière plutôt informelle et intrusive des interlocuteurs qui ne savent pas s’ils peuvent avoir confiance. Nous avons constaté des refus d’être filmé ou photographié, ou bien senti la contrepartie financière nécessaire à de telles actions. Quant à la prise de notes en situation directe, elle est trop concise et synthétique pour constituer une véritable documentation.

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3. Le Musée des Cultures Guyanaises (MCG)

Après avoir rencontré la directrice du musée : Mme. Jean-Louis, et avoir été guidée par la conservatrice Katia Kukawka, j’ai eu la possibilité de travailler au sein des réserves du MCG, accompagnée de la chargée de mission Lydie Joanny. Cette dernière m’a permis d’étudier les ornements de plumes conservés au sein des réserves du musée.Il a donc été possible de consulter les objets de plumes d’origine Kali’na et Wayana. Concernant ces derniers, nous apprenons que le musée possède deux coiffes olok, mais démontées, les ornements étant éparpillés. Une vrai question que se pose le musée est le remontage de ces coiffes, et pour cela, l’intervention d’un spécialiste Wayana est envisagé.De manière générale, les objets sont en bon état de conservation. Peu d’entre eux ont été attaqués par les insectes, mais l’empoussièrement présente parfois un problème majeur, et dans certains cas ce sont les tensions liées à un conditionnement inadapté qui sont de véritables facteurs de risques.Deux pièces similaires à celles étudiées, ainsi qu’aux popoma vu chez le Gran Man de Twenké ont particulièrement retenu mon attention.9

9. Pour plus de détails sur la constitution et la comparaison

entre les objets du MCG et ceux étudiés, se reporter à la

partie II.

Un oumali kali’na conservé au MCG

Des ornements de plumes wayana conservés au MCG

Les pompoma de deux coiffes-masques olok wayana conservés au MCG

Vue des réserves externalisées du MCG

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Partie III : voyage d’étude en Guyane

Cet axe représente la véritable limite au travail réalisé. La dimension collaborative, au cœur de notre questionnement n’a pu se concrétiser et nous n’avons pas pu amorcer de véritables discussions autour de l’état de conservation des objets. En effet nous souhaitions réfléchir avec des interlocuteurs, spécialisés dans le domaine coutumier ou dans le travail de la plume par exemple, sur les caractéristiques qu’ils leur semblaient important de préserver et de montrer des objets et sur les aspects matériels à respecter. Nous aurions aimé discuter de la réorganisation, des consolidations et du nettoyage, afin de recueillir l’opinion des interlocuteurs et de la prendre en compte dans la réalisation du traitement.Mais les différentes situations rencontrées ne se prêtaient pas véritablement à un tel échange ; chez les Kali’na les objets n’étaient pas reconnus comme appartenant à leur culture, chez les Wayana, les rencontres étaient trop brèves et la barrière de la langue trop présente.Bien entendu, l’écart entre le discours du conservateur-restaurateur, déterminé par la pensée occidentale du rapport à l’objet et au patrimoine, et les considérations des communautés d’origine par rapport à des objets

de leur patrimoine est très grand. Et il s’agit d’un véritable facteur limite. Mais une telle expérience permettrait justement d’enrichir ce discours, de l’élargir ou de le remettre en cause. Et même si l’échange ne peut aboutir concrètement, il est important de tendre vers cela pour dépasser une situation dans laquelle les rapports de forces sont trop inégaux et, où l’opinion de certaines communautés n’est ni respectée ni même prise en compte. Beaucoup de communautés revendiquent aujourd’hui leur volonté de reprendre possession de leur patrimoine, comme les Kali’na avec le projet d’inventaire d’Awala-Yalimapo. C’est donc aux communautés occidentales de faire l’effort d’aller dans ce sens.Les actions mises en place dans ce contexte d’étude peuvent, certes, paraître anecdotiques. Néanmoins, il nous semble que le simple fait d’essayer de tendre vers cela, est une première étape, à petite échelle, pour en faire évoluer l’idée.

III. RéFLéCHIR à LA CONSERVATION-RESTAURATION DES OBJETS EN COMMUN AVEC DES REPRéSENTANTS DES COMMUNAUTéS

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Pour conclure, nous mettons en avant le fait qu’un bref échange s’est instauré et qu’il est désormais de notre responsabilité de le poursuivre. Nous tenons donc à concrétiser un retour de ce travail aux communautés concernées et que nous avons côtoyées.Pour finir, nous mettrons en évidence un passage de l’article Restituer le patrimoine, état des lieux et propositions pour une action concertée en Guyane :« Nous retiendrons malgré tout ce terme « restitution » dans le sens développé par Françoise Zonabend (1994) […]: l’emploi de ce terme en anthropologie désigne le nécessaire aller et retour entre le chercheur et ses interlocuteurs qui, proches ou lointains, doivent pouvoir accéder à ce qu’il est dit et écrit sur eux, et sont en droit de lui réclamer des comptes. […]C’est donc bien de restitution qu’il faut parler, dans toute démarche entreprise aujourd’hui par l’institution muséale pour se rapprocher des peuples dont elle détient des témoins matériels. Ces mêmes peuples qui demandent désormais de manière explicite à être partie prenante du discours muséal, qu’il soit tenu par des musées géographiquement éloignés d’eux (comme peuvent l’être les grands musées d’ethnographie européens) ou par des structures plus proches, implantées localement. »1

1. Katia Kukawka et Jean-Paul Feirera, « Restituer le

patrimoine. état des lieux et propositions pour une action

concertée en Guyane. », dans La question du patrimoine en

Guyane (Matoury: Ibis rouge, 2011).

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PARTiE iV

oRiGiNE ET FoNCTioNS DES

oBJETS

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Déterminer le groupe socioculturel dont proviennent les ornements étudiés est une tâche très difficile dans ce contexte. Le manque initial d’informations fiables en est une cause principale, le manque de connaissances initiales de ma part dans le domaine des cultures amérindiennes et de l’art plumassier du plateau des Guyanes en est une autre, enfin l’ancienneté des objets est la troisième cause à cette difficulté. La transformation des groupes, les phénomènes de métissages culturels et d’acculturation complexe, et le manque de connaissances historiques sont une limite à l’attribution d’objets anciens. D’autre part, et comme nous l’avons vu précédemment, les altérations des objets sont elles-mêmes des causes de leur incompréhension.1 Nous évoluons donc à travers un univers de doutes, et d’hypothèses. Ainsi nous ne souhaitons pas présenter une opinion ferme et définitive sur le sujet, mais nous proposerons et développerons l’hypothèse qui apparaît la plus plausible à notre sens. Se dessine ici une véritable question sur la limite de la conservation-restauration : comment restaurer un objet dont la provenance et les fonctions ne peuvent être totalement affirmées sans porter atteinte à son intégrité ?

1. Voir : Partie II - II.2

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Partie IV : origine et fo

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L’étude matérielle des objets nous a permis de constater une concordance stylistique entre ceux-ci et les créations wayana. Le travail développé en Guyane a également renforcé cette hypothèse. Ainsi, les planches photographiques de la double page suivante, permettent d’établir des comparaisons visuelles pour révéler la proximité formelle entre les ornements étudiés et d’autres ornements documentés et référencés Wayana.A travers ces différents éléments nous tenons à mettre en évidence la forte similitude entre les sept pièces étudiées et un ornement spécifique appartenant à la composition des coiffe-masque olok1, grandes parures rituelles d’origine Wayana. Lors des échanges avec le Gran man de Twenke et le chef coutumier d’Antecume Pata2 nous avons appris que cet élément ornemental, situé à la base du support de vannerie du olok est appelé pompoma. Dans les deux cas, notre interlocuteur a associé les photos des objets étudiés à ce pompoma. Les pistes de la documentation visuelle et de l’échange avec des représentants Wayana nous font tendre vers la même hypothèse.

1. Plus d’informations sur la coiffe-masque olok seront

développées en partie IV - III

2. Voir partie III

I. DES OBJETS D’ORIGINE WAYANA ?

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Coiffe-masque olok, Wayana, 1960-1972©Musée du Quai Branly

70.2008.41.49

Coiffe-masque olok, Wayana-ApalaiD’après le catalogue Arts of The Amazon, B.

Braun, 1995, p.9

Planche photographique : coiffe-masque olok

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Partie IV : origine et fo

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Masque de plumes, Wayana, Brésil©Musée d’ethnographie, Genève

ETHAM 034386

Coiffe-masque olok, Wayana-Apalai,Collection particulière

D’après le catalogue L’Art de la plume en Amazonie, Fondation Mona Bismarck, 2001, p.41

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A ce stade du questionnement, nous avons pris contact avec Daniel Schoepf3 afin de recueillir l’avis d’un spécialiste sur la question et nous le remercions de son attention et de son aide précieuse.4 La proposition de la provenance Wayana des sept pièces du corpus lui semble convaincante et cautionnable, de même que l’indentification de ces pièces au pompoma appelé aussi lonakan5 du olok. En revanche n’ayant pas consulté les pièces lui-même, il émet des réserves et fait des suggestions. Son propos se base sur la comparaison avec une autre pièce du musée du Quai Branly associée au corpus lors de l’étude préliminaire. (71.1934.33.510 (MQB))« Il s’agit là d’un type de couronne, très traditionnel et encore largement en usage aujourd’hui, auquel les Wayana donnent le nom de hamèré. [...] On ne peut s’empêcher de noter qu’une des caractéristiques fondamentales de l’emplumage de ce type de couronne réside dans la présence, quasi constante, des deux filières blanches de plumes de poule et (ou) plumes de coq, de forme et texture si particulières, celles là même que l’on trouve sur le pompoma de l’olok et qui en font incontestablement aussi la caractéristique. Et mon point de vue, mon argument est que le pompoma est en quelque sorte l’hamèré de l’olok. Donc aussi, qu’il n’est pas absolument impossible que, dans certains cas, l’on puisse les confondre, parce qu’ils sont quasi assimilables, un ruban de filières de pompoma et un ruban de filières de hamèré. »6

Pour conclure, nous mettons en évidence la remarque de Daniel Schoepf sur l’impossibilité d’évacuer la provenance Kali’na mentionné à l’inventaire, même si, en raison du doute subsistant, elle est jugée peu fiable.

3. Conservateur émérite au Musée d’ethnographie de

Genève, américaniste spécialiste de la culture Wayana et de

l’art de la plume du monde amazonien.

4. Voir annexe A.IV - 1 : Mail de Daniel Schoepf du 04/04/2012

5. Lonakan = celui ou celle qui est en bas, celui ou celle qui

est vers le bas.

6. Voir annexe : Mail de Daniel Schoepf du 04/04/2012

Couronne, 71.1934.33.510Musée du Quai Branly

Couronne de plumes, Wayana, Brésil, ETHAM 036953©Musée d’ethnographie, Genève

Photo de J.-M. HuraultD’après Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la

forêt, Grenand, Hurault, 1998

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Partie IV : origine et fo

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L’avis d’un autre spécialiste de l’art de la plume amazonien, Dr. Andréas Schlothauer, a également été sollicité. Ce dernier possède une base de données réunissant les collections plumassières amazoniennes de nombreux musées européens. Il a accepté de me montrer les photos qu’il possède d’ornements très similaires à ceux étudiés, comme celui présenté ci-contre, appartenant à un olok wayana recensé dans la base, et provenant d’une collection de De Goje, 1904. Nous remarquons les similitudes de types de plumes et plus particulièrement les oranges, présentent sur cet ornement comme sur le 71.1878.14.10 (MQB). La nature de ces dernières restait très incertaine lors de l’étude technologique, A. Schlothauer émet l’hypothèse qu’il s’agirait de plumes de coq-de-roche orange (Rupicola-rupicola). La disposition générale révèle le même système stratifié, en revanche nous observons qu’une des filières se compose de deux types de plumes qui alternent à plusieurs reprises, cas non-observé sur les objets étudiés. Enfin, nous constatons qu’une pièce de textile écru est présente au revers de l’objet.De nombreuses coiffes olok sont également recensées dans sa base de donnée. Beaucoup sont démontées, ou ont été montées en contexte muséal, à priori de manière incertaine. A. Schlothauer intervient alors parfois pour réorganiser les ornements sur le support de vannerie. Certains objets témoignent par ailleurs d’un aspect très inhabituel en raison des transformations subies, révélant ici encore, les réappropriations, réinterprétations exercées par l’occident au cours du temps sur ces objets.Une pièce recensée d’origine Galibi se constitue par ailleurs d’un ornement proche de ceux étudiés, et A. Schlothauer émet l’hypothèse que ce groupe fabriquaient également ce type d’ornements dans le passé.

© A. Scholthauer, base de données personnelle.Ornement Wayana, collection De Goje, 1904

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La synthèse présentant le rituel est basée sur le dossier d’inventaire du patrimoine immatériel Maraké 1:Le rituel maraké est un rituel d’initiation et d’alliance propre aux communautés amérindiennes wayana-apalai d’Amazonie. Il est constitué d’un cycle de cérémonies qui s’échelonnent sur plusieurs mois et comprennent de la musique, des danses en costume et une épreuve d’application de fourmis ou de guêpes. Le premier passage du rituel a lieu traditionnellement à la puberté et marque l’entrée dans la vie adulte. Il peut se répéter plusieurs fois pour franchir une nouvelle étape de vie. Il fortifie l’individu, consacre son appartenance au groupe et consolide la communauté. Il en va de l’identité de la communauté et, pour chaque individu, de son identité en tant que Wayana ou Apalaï. La fierté d’être Wayana, ou Apalaï, est aussi perceptible dans la splendeur des costumes, coiffes, diadèmes, brassards, danses, chants et musiques mobilisés pour cette grande fête. La préparation se déroule sur plusieurs mois (autrefois plusieurs années) pendant lesquels

1. Céline Frémaux et al., « Fiche type d’inventaire du

patrimoine culturel immatériel de la France: Rituel du

Maraké », mars 2011.

les plus jeunes font l’apprentissage des valeurs collectives, savoirs et savoir-faire détenus pas les anciens. La relation « invitants-invités » ou « tiwetkim-tuwahem » (ceux qui habitent l’endroit et ceux qui dansent) constitue l’articulation de base du rituel d’initiation. Il s’agit, fondamentalement, de renouveler des alliances qui, anciennement, embrassaient un territoire immense. La chasse et la cueillette permettront essentiellement de se procurer les matériaux pour confectionner ou réparer les ustensiles nécessaires, les masques et parures (dont la pièce principale est le olok), les instruments de musique, les lourds colliers et bracelets de perles colorées et le kunana pièce de vannerie où seront insérés les insectes à appliquer sur le corps des postulants.

II. LE RITUEL DU MARAKé

©J.-M. HuraultApplication du kunana

D’après Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la forêt, Grenand, Hurault, 1998

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Historique :Il est très probable que l’ensemble des rituels maraké et kalawu ait été fixé au temps de la coalescence des sous-groupes, c’est-à-dire à la fin du 18e ou au début du 19e siècle. Les Wayana ayant été très peu visités dans leur territoire, les observations les plus consistantes sur les deux rituels ne sont faites que par Crevaux (1878) et Coudreau (1893). Par la suite le maraké sera régulièrement observé par les visiteurs européens, depuis De Goeje jusqu’aux descriptions très complètes qu’en fit André Cognat en 1967 et Jean Hurault en 1968. Même si les descriptions historiques divergent parfois au sujet de l’ordonnancement et des significations des phases du rituel, ainsi que sur des détails matériels, on note pourtant une grande similitude d’une description à l’autre. Tous les auteurs insistent sans ambiguïté sur le passage au stade d’être humain accompli, l’épreuve des insectes venimeux en représentant la matérialisation.

©J.-M. HuraultD’après Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la

forêt, Grenand, Hurault, 1998

Extraits du documentaire : ëputop, un Marake Wayana, J.-P. Isel, septembre 2005

©Toucan production/RFO Guyane

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La coiffe-masque olok est composée d’un ensemble d’éléments associés, porté par les postulants au rituel du maraké : les tepiem qui la revêtent durant les cérémonies finales. «Sa fabrication comme son utilisation se font en suivant des séquences. Quant tous ses composants sont réunis, le masque est porté au moment culminant du rituel. […] Les spécialistes tuahem et les initiés tépiem vont porter les différents masques olok produits par eux-mêmes. Il en ressort un montage réalisé au cours d’un travail collectif entre hommes, auquel contribuent les pères des initiés en apportant des ornements de plumes en leur possession. […] Cette activité se réalise sous le regard et avec les commentaires de différentes personnes, dont celles qui vont diriger le rituel. […] Les processus s’enchaînent au fur et à mesure que les rangées de plumes sont fixées au support du masque. Pour l’efficacité du processus, tous les éléments de plumes doivent non seulement être présents, mais aussi être disposés selon un ordre déterminé. »1 Cette dernière remarque met en

1. Lucia Hussak Van Velthem, « Le Seigneur des eaux.

Fabrication et productivité d’un masque Wayana », dans Masques des Hommes, visages des Dieux regards

d’Amazonie (Paris: CNRS éd., 2011).

évidence le caractère de fragment de l’ornement isolé, la perte de sens de ce dernier lorsqu’il ne fait pas parti de l’ensemble, mais également celle de l’ensemble si un élément vient à manquer. En revanche les éléments de même type semblent interchangeables, la notion d’unique ou d’authentique et de copie n’existe pas entre eux.

L’article de Lucia Hussak Van Velthem, Le Seigneur des eaux. Fabrication d’un masque Wayana, cité précédemment, apporte un éclairage particulièrement intéressant sur la coiffe-masque olok, et nous a fortement aiguillé dans la compréhension de la place de cette parure dans le contexte culturel.2 L’auteur rappelle d’abord l’usage du masque dans les sociétés indigènes de l’Amazonie brésilienne « On est alors en droit de supposer qu’un masque agit comme réceptacle de forces et comme synthèse d’un ensemble de conventions idéologiques qu’il agrège, ce qui nourrit bien des paradoxes. Effectivement, il se matérialise moins pour régler le problème du paradoxe de l’altérité que pour le présenter et le confirmer. […] Un masque acquiert de l’expressivité et révèle sa fonction quand il est situé dans le

2. Les citations suivantes en sont extraites.

III. LA COIFFE-MASQUE OLOK

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contexte de sa chorégraphie rituelle. »L’auteur démontre par la suite que la coiffe-masque olok est l’expression de l’anatomie de Iolokimë. Celui-ci appartient à la catégorie des êtres surnaturels ipoh, associés à l’altérité même, et au sein de ces derniers à la classe des « personnes démesurées » wayanaimë, qui personnifie les différentes formes du comportement prédateur des ennemis humains et non-humains. « Leur principale caractéristique morphologique est leur anthropomorphisme : ils se déplacent en dansant et en chantant, célébrant en permanence des rituels. Parmi leurs autres particularités, ils possèdent des cheveux exceptionnellement longs ou hirsutes, ils vont nus, sans parure ou, au contraire, ils portent une multitude d’ornements attachés à leur corps, dont une peau recouverte de plumes. Ainsi les techniques de plumasserie sont-elles spécialement associées à la classe des wayanaimë. L’esthétique corporelle des ipoh est

reconnue, par les Wayana, comme étant complète […] il s’agit d’un idéal qu’il faut perpétuer au cours des rituels.»Iolokimë, le iolok monstrueux, « porte constamment une ornementation impressionnante et vit, la plupart du temps, immergé dans les eaux profondes où il danse interminablement son rituel. » Par la suite l’auteur raconte que, selon un mythe, un groupe de chasseurs Wayana s’aventurant trop près des eaux « habitées » auraient un jour été dévorés par Iolokimë s’étant immobilisés, en admiration devant l’ornementation et la beauté d’un tel être surnaturel. Un retardataire s’étant échappé retourna au village et raconta ce qu’il avait vu, et d’un commun accord avec les siens, il décida de reproduire le corps de l’être pour danser : il en résultat le masque olok.

Ensemble de masque olok, lors d’une pause du rituel Marake©E. Camargo

D’après le catalogue Brésil Indien, les arts amérindiens du Brésil, 2005

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Partie IV : origine et fo

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La description matérielle de la coiffe-masque olok ci-dessous est basée d’une part sur la fiche de collecte du MCG (n° S-H219) rédigée par Daniel Schoepf en 1971. Cette fiche très détaillée concerne un olok spécifique acquis par le musée.3 Des informations et citations provenant de l’article Le Seigneur des eaux viennent compléter l’étude matérielle. « Le masque olok est un artefact fait d’un support tressé, d’un revêtement en plumes et d’une jupe en fibres. »4

Le support en vannerie de forme cylindrique :Il est tissé à partir de fibres d’arouman, à la base de celui-ci se trouve une sorte de visière réalisée en fibres végétales souples. A son sommet, le cylindre est muni d’un arc de cercle en liane fendue. Un lien de coton à la base du cylindre permet de l’attacher sur la tête du danseur. Le support tressé se réfère de par son nom olok apoh au tronc humain (apoh). Par ailleurs les techniques de vannerie reproduisent des effets de peaux, ce qui fait référence à un autre être surnaturel serpentiforme. « Le masque exhibe alors un tronc « humain », recouvert d’une peau de serpent. »5

3. Daniel Schoepf, « Fiche de collecte d’objet, Musée des

cultures guyanaises. n°S-H219 », 1971. Voir annexe A.IV - 2.

4. Velthem, « Le Seigneur des eaux. Fabrication et

productivité d’un masque Wayana ».5. Ibid.

Le cimier emplumé :Un arc confectionné à l’aide d’une liane garnie de plumes blanches est supporté par trois tiges fixées au sommet du cylindre de vannerie (dans l’éclisse fendue). Les tiges se composent d’un morceau de liane emplumé et parfois de queues évidées de singe.Cet ensemble « constitue l’ornement de Iolokimë. […] Le cimier emplumé se retrouve seulement sur les masques des initiés célibataires et non ceux des spécialistes, des hommes mariés ou veufs. »6

Les multiples rectrices rouges d’ara macao :Elles sont fichées dans l’arc fendu au sommet de la vannerie, dans une forme rayonnante.« Elles sont associées au soleil. […] Cet attribut accroît les effets du masque, qui ne se porte jamais sous un soleil trop intense. »7

La rangée de plumes pectorales blanches de l’aigle harpie :Au sommet du cylindre de vannerie se trouve cette filière qui forme des touffes de plumes masquant la base des rectrices d’ara. Cette composante associée à la précédente (les rectrices) « figurent les cheveux de Iolokimë, d’un part hérissés et représentés sur le plan iconographique par des rectrices d’ara, et, d’autre part, frisés, aspect caractéristique retenu pour les plumes d’aigle. »8

6. Ibid.

7. Ibid.

8. Ibid.

Support de olok, musée des cultures guyanaises

Musée du Quai Branly.70.2006.6.1

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Les pendants :Des rectrices d’ara peuvent être munies d’un élément spécifique ajouté à leur extrémité. Par la présence de ces pendants, les grandes plumes se recourbent et prennent une forme arquée. Elles sont fixées sur le support en vannerie (l’une à l’avant, l’autre à l’arrière). Celles composées d’un pendant fait d’élytres de coléoptères doivent se placer dans le dos du danseur. L’autre pendant, composé d’un assemblage de plumes de divers oiseaux est suspendu à la plume se trouvant sur le devant de la coiffe.Ces pendentifs sont « les ornements d’oreilles de Iolokimë […] et possèdent d’autres significations, associées à des particularités sonores. Le pendentif frontal produit, en bougeant, un son considéré comme caractéristique du choc des immenses couteaux avec lesquels les êtres surnaturels anthropomorphes égorgent les Wayana.[…] Le second pendentif reproduit le bruit des sonnailles, agitées par l’être surnaturel lors de ses activités aquatiques.»9

9. Ibid.

Les filières de plumes.Plusieurs rubans de filières de plumes sont noués sur le cylindre de vannerie. Ces rubans se situent les uns en-dessous des autres selon un ordre précis, les plumes étant orientées verticalement. Nous ne rentrerons pas dans les détails, mais chacun correspond à un type particulier de ruban, avec des caractéristiques de plumes, et de techniques d’attache spécifiques. PHOTO« Une composition de rayures et de couleurs contrastées (imakhé), tel est l’effet recherché, représente l’objectif premier de la disposition des différentes rangées de plumes sur le support. Le revêtement de Iolokimë a cette apparence, car cet être surnaturel est doté d’une « peau emplumée et rayée », de grande valeur esthétique aux yeux des humains. Cette composition imakhé des Wayana, la plus belle et la plus précieuse à leurs yeux, contribue, non seulement comme un moyen d’identification, mais aussi comme principe d’ordonnancement et de classement de la production humaine. […] Outre les motifs de la peau d’Iolokimë, ces rayures reproduisent l’arc-en-ciel, phénomène optique considéré comme une manifestation physique de Walamuïmë, un autre être surnaturel serpentiforme. De telles rayures l’incarnent certes, tout en évoquant une spécificité générale des ipoh, les différenciant des humains à la peau lisse et unie.»10

10. Ibid.

Musée du Quai Branly.A gauche 70.2008.41.49, à droite 70.2006.30.70.

Musée du Quai Branly. 70.2008.41.49.

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Partie IV : origine et fo

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Parmi ces rubans de plumes nous mettons en évidence le pompoma, ou lonakan, situé à la base de la vannerie, au niveau de la couronne de fibres tressées. En dessous de cette pièce se trouve le dernier ruban de plumes (constitué uniquement des rectrices noires de toucan). « Tournée vers le bas, elle représente la poitrine de Iolokimë. » Selon la fiche de Daniel Schoepf, le pompoma est un élément de confection similaire au hapika ; ornement composé de filières de plumes assemblées sur un tissu rouge kamisa, et qui se place plus haut sur le cylindre de vannerie.Dans l’article de Lucia Hussak Van Velthem, nous relevons ceci : « Une autre rangée, composite (hapinka), est attachée à la base du support, mais elle est inversée. Cette dernière possède un nombre variable de rangées de plumes blanches de coq, noires de hocco, rouge d’ara, bleues et jaunes d’ara bleu cousues avec des fils de coton sur une bande de tissu compact. » Cette description correspond parfaitement aux pièces étudiées. L’auteur continue ainsi : « ces rangées soulignent la bouche et les lèvres de Iolokimë et sa dentition, les dents apparentes et saillantes indiquant sa nature de prédateur. Par ses qualités esthétiques, cette dernière, composite, est la plus complexe et la plus valorisée de toutes les rangées de plumes du masque olok. Transmise de père en fils, sa confection exige une grande habileté et l’élevage des coqs pour en prélever les plumes appropriées. » Elle revient plus précisément sur les plumes de coq : « Les plumes de coq, colorées et pointues, reconstituent la dentition de l’être surnaturel, proche de celle du poisson piranha. Comme cette volaille a été connue au contact des blancs et que ceux-ci sont considérés comme cannibales, cette caractéristique vaut pour leurs biens, leurs artefacts et leurs animaux domestiques. »Cet ensemble d’informations est d’une très grande importance dans le cadre de notre étude, il ouvre de nouvelles perspectives et en précise d’autres.

Les franges :Un ensemble de longues franges – faites à partir des fibres de l’arbre tauari teintes avec de la boue pour tracer des bandes horizontales – peuvent se trouver dans le prolongement du olok, recouvrant le corps du danseur. « Cette jupe figure les membres inférieurs de l’être surnaturel qui, parce qu’il danse, sont toujours en mouvement. Elle cache le danseur lequel, en se déplaçant, est en interaction avec le masque, tout en soufflant dans une longue trompe de bambou. Cet instrument est un complément du masque : il constitue la trachée de Iolokimë et le son qu’il produit imite le son de sa voix.»11

11. Ibid.

©J.-M. HuraultD’après Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la

forêt, Grenand, Hurault, 1998

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« Parfois, l’olok est utilisé pour d’autres festivités, notamment celles qui accompagnent le lever de deuil, il est alors monté plus simplement, sans l’arc [emplumé]. […] L’olok est monté dans des occasions précises, et à chaque fois un certain nombre d’éléments de la parure est refait à neuf (l’arc sommital et ses supports, la vannerie), alors que les filières, les plumes d’ara de la crête et les pendants d’élytre ou de plume sont précieusement conservés dans le coffret pakala. »12

Ainsi nous comprenons pourquoi les coiffes-masques olok observées dans les collections muséales ne comportaient pas toujours le cimier. D’autre part, le fait que le olok soit démonté entre chaque rituel, et que seul l’ornementation de plumes soit conservée, à l’instar des supports, nous permet de mieux comprendre la présence dans les collections de ces ornements de plumes, fragments de olok. En effet, dans le contexte d’origine ces derniers sont conservés dans des coffrets, parfois même séparément, par différents détenteurs. Ils ne sont regroupés que lors de l’assemblage du olok, donc en période rituelle. Or les collectes d’objets n’ont pas forcément eu lieu à de tels moments. Ainsi il est tout à fait possible que de nombreux ornements de plumes présents dans des collections diverses soient des fragments de olok, comme nous le supposons pour les sept objets étudiés.Mais en allant plus loin sur le statut du pompoma, nous pouvons nous demander si ces pièces ne sont réellement que des fragments, ou si elles font sens également indépendamment ? L’hypothèse de D. Schoepf ; que le pompoma correspond aussi à l’ornement utilisé pour le haméré, entraine la possibilité de la multiplicité des fonctions pour ce type d’ornements dans sa culture d’origine. Nous n’avons pour le moment pas plus d’éléments à ce sujet pour développer cette question.

12. Schoepf, « Fiche de collecte d’objet, Musée des cultures

guyanaises. n°S-H219 ».

Extraits du documentaire : ëputop, un Marake Wayana, J.-P. Isel, septembre 2005

©Toucan production/RFO Guyane

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Partie IV : origine et fo

nctions

Les différentes valeurs sont inextricablement mêlées, la valeur esthétique renvoie à la valeur symbolique qui renvoie elle-même à la valeur idéologique qui renvoie à la valeur esthétique… Toutes celles-ci se lient et se stratifient pour former un système très complexe même au sein d’un petit ornement fragmentaire.Comme nous l’avons vu précédemment, le pompoma fait signe vers un élément particulièrement précis : la bouche du monstre Iolokimë. Le symbole passe par une association formelle entre les plumes et les dents, les plumes et les lèvres. « Le masque olok résulte de la production d’une structure complexe dont l’extraordinaire charge représentative est soulignée par les détails matériels et formels. Ce masque et d’autres objets rituels wayana deviennent actifs, en adéquation avec les formes, les couleurs, les matériaux utilisés et les effets recherchés à un modèle référentiel, en l’occurrence Iolokimë. »1Dans un premier temps l’objet renvoie donc vers un être mythique. De plus, la caractéristique principale des « personnes démesurées », dont fait parti Iolokimë, est leur caractère prédateur et dangereux, dévorant

1. Velthem, « Le Seigneur des eaux. Fabrication et

productivité d’un masque Wayana ».

d’autres êtres. Ainsi la bouche aux dents longues et tranchantes apparaît comme un élément central, particulièrement symbolique de cet être, mais aussi en tant que symbole du caractère prédateur. En revanche l’élément bouche, ainsi que le reste des composants de Iolokimë, qui ont été reproduits après la vue de ce dernier par un Wayana (selon le mythe décrit précédemment) sont dotés d’une très grande charge esthétique. « Un masque est toujours, par définition, composé de rangées de plumes brillantes (ijan), à savoir en bon état. Les plumes alors utilisées doivent donc présenter les couleurs et l’aspect qu’elles ont quand elles sont prélevées sur les volatiles. Ainsi, seuls les ornements de plumes en parfait état de conservation peuvent reproduire le revêtement corporel de Iolokimë, condition nécessaire pour représenter son esthétique irréprochable et, en même temps, toute sa vigueur prédatrice. Pour cette raison, les composants des masques sont soumis à des soins redoublés et des nattes spéciales sont confectionnées pour les isoler du sol avant de procéder à leur montage. »2

2. Ibid. Les objets étaient traités avec grand soin dans leur

contexte d’origine. Nous constatons ici l’écart avec leur état

actuel.

IV. FONCTIONS ET VALEURS DES ORNEMENTS DE PLUME DANS LE CONTEXTE D’ORIGINE : DE LA COIFFE-MASQUE OLOK AU POMPOMA

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Revenons sur la question de la valeur esthétique des ornements de plumes. Comme nous l’avons vu au début de l’étude, l’art de la plume est une esthétique de l’ordre, basée sur l’identité et la distinction. Nous avons évoqué le mythe de l’origine de la couleur des oiseaux. Or nous constatons ici le rapprochement entre le monstre Iolokimë à la peau rayée, multicolore et « le principal personnage cosmique, […] l’arc-en-ciel, du temps que sous la forme d’un serpent monstrueux, il vivait au fond des eaux »3 protagoniste de ce mythe des couleurs. Ainsi l’esthétique rayée de l’ensemble des ornements de plumes présent sur la vannerie renvoit au « monstre arc-en-ciel ». Cet aspect se retrouve également au sein de chaque ornement, les rayures étant matérialisées par les filières de couleurs différentes.4 Selon l’analyse de Lévi-Strauss, les Amérindiens voient dans

3. Claude Lévi-Strauss, « L’origine de la couleur des

oiseaux », dans Comme un oiseau : [exposition, Paris, 19

juin-13 octobre 1996], Gallimard-Electa Fondation Cartier

pour l’art contemporain. (Paris, 1996).

4. Encore une fois nous constatons l’écart entre l’esthétique,

la perception de ces objets dans leur contexte d’origine, et

l’état actuel altérés (les filières désorganisées) qui ne permet

plus de comprendre celle-ci.

l’arc-en-ciel un être maléfique, et « c’est toujours par le biais de la couleur que les mythes font un lien entre l’arc-en-ciel et les oiseaux. Or c’est aussi sous ce rapport qu’ils s’opposent car l’arc-en-ciel, qui rassemble en lui toutes les couleurs passe insensiblement de l’une à l’autre, tandis que les espèces d’oiseaux par des combinaisons de couleurs propres à chacune, offrent entre elles des distinctions bien tranchées. »5. Or Lévi-Strauss met en évidence l’importance de ces différences pour que l’esprit ne se sente en proie au chaos et au doute. « Toutes les fois qu’il est question de couleurs dans les mythes, on doit s’interroger sur le type de polychromie en cause : soit que les couleurs se fondent les unes dans les autres et qu’en devenant indiscernables les passages suscitent le malaise : soit au contraire, que les couleurs franches se combinent pour former des ensembles sans équivoque qui procurent à l’esprit un sentiment de sécurité. »6 Cela nous interroge sur la coiffe-masque olok. Vu dans son ensemble l’objet présente des oppositions très tranchées et contrastées de couleurs, renforcées par la découpe géométrique des plumes. C’est également le cas lorsque l’on s’approche de certains ornements composites du masque, comme le pompoma. En revanche à ce niveau là, les oppositions semblent alterner avec des zones de transition plus douces et fondues.7 « Pour les Wayana, la perméabilité des mondes humain et non-humain est pleine de dangers qui proviennent, presque toujours, de la vision/appropriation des éléments graphiques des ipoh et de leurs artefacts. Reproduits dans les espaces sociaux, ils matérialisent la convergence entre ces mondes, tout en maintenant une distinction nécessaire : ceci constitue l’essence de l’art des objets artistiques chez les Wayana. Le masque olok est un des exemples significatifs de cette convergence.»8

5. Lévi-Strauss, « L’origine de la couleur des oiseaux ».

6. Ibid.

7. Voir : Partie II - I Etude technologique.

8. Velthem, « Le Seigneur des eaux. Fabrication et

© D. SchoepfD’après Essai sur la plumasserie des Indiens Kayapo,

Wayana et Urubu.

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Partie IV : origine et fo

nctions

Revenons à l’origine du olok : il est issu de la vision/appropriation du ipoh monstrueux. Or les êtres ipoh sont le symbole de l’altérité. La coiffe-masque olok est donc très fortement liée à cette notion. Il semble alors que l’intervention de cet objet porté en contexte rituel, au sein du village, refléterait l’intrusion d’un élément étranger, d’un « Autre » dangereux.Si l’on considère plus précisément le pompoma rappelons que les dents saillantes indiquent la nature de prédateur du monstre. Or ces dents sont symbolisées par les plumes de coq. « Comme cette volaille a été connue au contact des blancs et que ceux-ci sont considérés comme cannibales, cette caractéristique vaut pour leurs biens, leurs artefacts et leurs animaux domestiques. »9 Il est particulièrement intéressant de constater que l’utilisation des plumes de coq dans le pompoma renvoie à la rencontre avec le blanc, représentant « l’Autre », le cannibale. Dans la forme matérielle du olok, et plus particulièrement dans le pompoma résonne donc l’histoire des premières rencontres, des premiers échanges avec les occidentaux, ainsi

productivité d’un masque Wayana ».9. Ibid.

que l’imaginaire y étant associé.En sens inverse, ces ornements arrivent dans les collections occidentales à partir du 17e, 18e siècle, résultant d’autres échanges. Ils s’insèrent alors dans une représentation de l’Amérindien en tant qu’être sauvage et cannibale. L’effet miroir est assez vertigineux lorsque nous comprenons qu’au sein du olok, du pompoma se glisse la représentation de l’homme blanc en tant qu’ «Autre» dangereux et cannibale, et que ce même objet dans la culture occidentale a reflété l’amérindien également en tant qu’ «Autre» dangereux et cannibale.Ainsi un tel objet agit véritablement en miroir, reflétant au sein des deux cultures (amérindienne et occidentale), la même image inquiétante et monstrueuse de l’altérité.

Pour conclure, revenons à la situation de la coiffe-masque dans son contexte d’origine :« Les évolutions du masque olok, si elles constituent le propre de cet artefact, marquent aussi l’effort ultime des hommes pour réunir la beauté et, dans sa fabrication fidèle et précise, les éléments majeurs de sa transcendance. Par conséquent, de tels moments intentionnels permettent de mettre en œuvre dans l’espace même du village un état particulier en lien avec le monde des non-humains et la prédation surnaturelle. Un tel état est essentiel en période rituelle, et doit être continuellement maintenu sous contrôle, spécialement par des chants apaisants et par la non-contemplation directe du masque olok qui, paradoxalement, présente, représente et résume le propre de la culture wayana. »10

10. Ibid.

71.1878.14.19 (MQB)

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PARTiE V

PRoPoSiTioN DE TRAiTEMENT

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Dans un premier temps il est important de définir les buts du traitement et le résultat souhaité pour l’objet.Rappelons les attentes du musée des Confluences :« Il nous importe de retrouver la lisibilité de la pièce et de garantir du mieux possible la pérennité de cette dernière dans le temps. Si besoin proposer un conditionnement qui prend en compte le déménagement final des collections (objet qui devra être le moins mobile possible dans sa boite pour ne pas se «ré-emmêler» lors de possibles mouvements) »1

D’autre part, la problématique animant ce travail partait d’un questionnement sur l’interaction avec la communauté d’origine dans le cadre de la conservation-restauration d’une pièce conservée en institution muséale. La rencontre avec les communautés Kali’na et Wayana a permis une meilleure compréhension de l’objet, et une identification plus précise de ce dernier sur les plans matériel et immatériel. Ces éléments sont nécessaires à la réalisation d’un traitement de conservation-restauration respectant l’intégrité de l’objet. Néanmoins, le but était d’avancer dans l’échange afin de réfléchir au traitement en collaboration avec un ou des représentants de la communauté d’origine. Cette deuxième phase est loin d’avoir été mise en place dans notre cas. Ainsi, les premières questions posées reviennent à nouveau : quelle légitimité a le conservateur-restaurateur à intervenir sur un objet d’une autre culture, sans la concertation et l’accord avec des représentants de celle-ci ? Comment respecter l’intégrité d’un objet appartenant à une culture dont on ne maîtrise pas les codes ? Comment s’assurer que l’intervention ne va pas à l’encontre de l’ontologie de l’objet ?Dans le cadre de l’étude menée pour le mémoire, le travail en collaboration qui nous semble la solution la plus appropriée, n’a pu être réalisé concrètement. A ce stade, plusieurs possibilités se présentent à nous dont les deux extrêmes

1. Marie-Paule Imberti

sont : ne pas intervenir du tout, mais réfléchir aux modalités nécessaires à la mise en place d’un véritable travail collaboratif, ou bien, réaliser le traitement de conservation-restauration sur la base des connaissances approfondies de l’objet, tout en préparant un retour documentaire de l’étude et du traitement pour les communautés Kali’na et Wayana.Le choix que nous avons fait se situe entre ces deux propositions. En effet, nous avons choisi d’intervenir sur l’objet uniquement dans le but de procéder aux mesures de conservation urgentes pour limiter ses dégradations, et de permettre un état matériel stable pour sa préservation. Dans un second temps, nous réfléchirons aux possibilités et modalités d’un travail en collaboration avec un ou des représentants des communautés Wayana et Kali’na dans le cadre de la restauration2, de la préservation et de l’exposition de la pièce. Enfin, un retour vers les communautés sera mis en place en communiquant l’étude et le rapport de traitement réalisé. Rappelons que nous considérons cette solution comme un compromis. L’idéal consisterait à mener le travail en commun de bout en bout.

2. Rappelons que la déontologie de la conservation-

restauration distingue les mesures dîtes de conservation,

et de restauration. Ces dernières se rattachent à la

compréhension, la lisibilité ou l’esthétique de l’objet traité

alors que les premières se rapportent à la limitation des

dangers encourus pas les matériaux, en agissant soit de

manière curative, soit de manière préventive.

« Restoration consists of direct action carried out on

damaged or deteriorated cultural heritage with the aim of

facilitating its perception, appreciation and understanding,

while respecting as far as possible its aesthetic, historic and

physical properties.”

“Conservation consists mainly of direct action carried out

on cultural heritage with the aim of stabilising condition

and retarding further deterioration.” E.C.C.O. Professional

Guidelines.

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Partie V : propo

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I. RéFLEXION SUR LES POSSIBILITéS DE TRAITEMENT MATéRIEL

Notre choix est donc de n’aborder le traitement que sous l’angle de la conservation curative et préventive, afin de stabiliser l’état de l’objet et retarder ses dégradations futures.En partant de l’état de conservation de l’objet 60003470 (MC), nous avons déterminé les altérations les plus dangereuses et sujettes aux évolutions. Dans le tableau suivant, nous avons envisagé, pour chaque cas, les types de traitements éventuels déclinés à différents niveaux d’action. Nous retiendrons toujours le traitement le plus minimal possible.

Nous allons aborder désormais, un panel d’actions possibles sur l’objet afin que, conscients des implications de chacune d’elles, nous fassions le choix le plus adapté à la situation. Les différentes catégories de traitements et méthodes présentées ci-dessous sont issues de bases répertoriées dans la littérature du milieu de la conservation-restauration ou auprès de professionnels. Toutes les méthodes ne se valent pas et il est important de les nuancer, et de les adapter à la situation particulière de l’objet, ainsi qu’aux buts recherchés. Elles servent néanmoins de support de réflexion pour inventer la méthode la plus appropriée.

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143

Partie V : propo

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1. Le nettoyage :

Le nettoyage est une action irréversible et donc particulièrement délicate et interventionniste. Il est important de déterminer au préalable les raisons et l’effet souhaité. La première question qui se pose est donc de savoir si un nettoyage est nécessaire, souhaitable ou non, et à quel niveau ? Il faut être conscient qu’une part de l’empoussièrement ou des salissures peuvent-être liées au contexte d’origine de l’objet, et même constitutif de son identité. Il est également important de considérer que l’empoussièrement appartient aux altérations en lien avec la valeur historique de l’objet, qu’il révèle cette valeur et fournit de l’information. Il peut donc être considéré comme un élément constitutif de l’objet dans son état actuel.Il faut également être conscient des dégradations qu’un nettoyage peut causer ; en particulier dans le cas des plumes, la plus fréquente étant la désorganisation des barbes et barbules, mais des problèmes de décoloration et de fragilisation de la kératine peuvent également apparaître. Il est donc nécessaire d’estimer la juste mesure entre l’efficacité d’un nettoyage et la dégradation causée par la méthode utilisée.

Quelles sont les différentes méthodes possibles pour le nettoyage d’un objet de plumes et de fibres végétales ?Les méthodes que nous considérons ici sont basées sur celles étudiées dans le domaine des plumes, car ce matériau est majoritaire dans notre cas. En revanche le choix définitif devra nécessairement prendre en compte les autres matériaux présents et s’adapter à la situation particulière.Les différentes expériences recensées dans la littérature spécialisée mettent en évidence la nécessité de toujours débuter en retirant la poussière superficielle en essayant de toucher le moins possible aux plumes. Sans cela, les particules de poussières risquent fortement de s’insérer plus profondément à l’intérieur de la

structure tridimensionnelle de la plume.1

a. Dépoussiérage mécanique :

La méthode préconisée est celle de la micro-aspiration de la poussière superficielle à l’aide d’un aspirateur à faible intensité muni d’un micro-embout et/ou d’une gaze de protection contre l’aspiration de fragment de plume ou d’autres matériaux constitutifs. Dans le cas de plumes particulièrement fragiles, il est possible de travailler avec une gaze placée sur les plumes elles-mêmes.Dans un premier temps l’aspiration seule devrait être pratiquée dans le sens des barbes de la plume (de l’intérieur vers l’extérieur). Dans un second temps, un pinceau doux peut être utilisé pour éliminer plus de poussières (le type recommandé par Y. Huguet2 est un pinceau en éventail 100% poils naturels de mangouste3). Cette méthode est l’une des plus sûres et efficaces concernant le dépoussiérage effectué dans un cadre de conservation curative. Mais dans le cas de plumes et duvets fragiles et pulvérulents elle doit être utilisée prudemment.4 D’autres méthodes, comme l’utilisation d’éponge

1. Janet Mason et Fiona Graham, « A Review of Feather

Cleaning Techniques », in Fur Trade Legacy : The Preservation

of Organic Materials (présenté à 31st Annual Conference

of the Canadian Association for Conservation of Cultural

Property, Jasper: CAC, 2005).

2. Yveline Huguet, conservateur-restaurateur des biens

culturels en matériaux organiques, spécialiste des collections

ethnographiques et d’histoire naturelles (mammifères et

oiseaux). Diplômée du Master CRBC.

3. Yveline Huguet, « Le nettoyage et la restauration des

plumes: une sélection de méthodes », CRBC, no 29 (2011):

49-58.

4. Mason et Graham, « A Review of Feather Cleaning

Techniques ».

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chimique (Smoke Sponge® ou éponge Wishab®) ou de Groomstick® peuvent être utilisées, mais en raison de leur faible efficacité constatée dans la littérature scientifique et des contraintes induites sur les plumes, nous ne les aborderons pas ici.

b. Nettoyage aqueux :

Différentes méthodes sont régulièrement testées et documentées dans le cas des plumes. Elles mettent en jeu l’eau déminéralisée associée ou non à des détergents non-ioniques ou anioniques. L’utilisation des détergents provoque de nombreuses controverses dans la littérature sur le sujet.5 Les méthodes de mise en œuvre comprennent les bains d’immersion avec ou sans ultrasons, ou des méthodes localisées telles la vaporisation ou le tamponnage utilisés en isolant les parties traitées à l’aide de matériaux étanches et de buvards. Lorsqu’un détergeant est utilisé un rinçage à l’eau déminéralisée est nécessaire afin de retirer les résidus alcalins qui peuvent altérer les plumes6. Le séchage est dans tous les cas essentiel, il peut être pratiqué à l’aide de buvard (absorbant également la saleté) ou d’air froid contrôlé.L’avantage de ces méthodes est l’innocuité des solvants pour l’opérateur et la possibilité de remettre en forme certaines déformations.7 En revanche, l’utilisation de l’eau peut être dangereuse dans le cas de plumes anciennes car elle peut provoquer l’hydrolyse de la kératine ainsi que l’agglomération des barbes.8 Elle peut également être nuisible pour les fibres de coton oxydées, car le substrat peut s’y dissoudre. La résine constituant les objets peut également présenter des risques de dissolution en fonction

5. Ibid.

6. Huguet, « Le nettoyage et la restauration des plumes: une

sélection de méthodes ».

7. Ibid.

8. Mason et Graham, « A Review of Feather Cleaning

Techniques ».

de son ancienneté. L’eau est donc dans notre cas un solvant à utiliser de la manière la plus restreinte possible.D’autre part la mise en œuvre du procédé est extrêmement importante, car elle peut être à l’origine de dégradations. Le bain et le tamponnage sont des méthodes particulièrement dommageables dans le cas de plumes détériorées par les insectes. Le rinçage et le séchage peuvent également être cause de dégradations.Ces méthodes semblent peu adaptées au cas considéré. En effet, elles s’adressent vraisemblablement à des objets plus récents et peu dégradés. De nombreuses mises en garde envers l’utilisation de l’eau sur des plumes et fibres anciennes mettent en évidence la capacité de ce solvant à hydrolyser9 la kératine et les fibres cellulosiques.Une série de tests sur les matériaux constitutifs peut être menée afin de déterminer la réaction des matériaux à l’eau. Ces informations constitueront une base pour une meilleure connaissance de l’objet et des limites des traitements à appliquer.

c. Nettoyage par solvant non-aqueux :

Ces méthodes sont utilisées dans le cas d’encrassement gras, et dans les cas où l’eau ne peut être utilisée. Ces solvants nécessitent des protections sanitaires pour l’utilisateur. Dans le cas des ornements de plumes, plusieurs solvants sont susceptibles de retirer les huiles de lissage des plumes10 et de dissoudre les pigments

9. L’hydrolyse correspond à la décomposition d’un corps par

fixation des ions H+ et OH- provenant de la décomposition

de l’eau.

10. Le terme « huile de lissage » est utilisé pour qualifier

des sécrétions que produit la glande uropygienne (ou

uropygiale) située à la base de la queue de l’oiseau et

dont il enduit ses plumes. La composition et la fonction en

sont complexes, variant d’une espèce à l’autre, et encore

aujourd’hui mal définies scientifiquement. De la même

manière, en conservation-restauration, les conséquences

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lipochromes ou caroténoïdes11 ainsi que certaines résines.12 Certains ont la capacité de modifier la kératine, et les alcools peuvent provoquer des réactions d’estérification13 de la protéine, bien que cela soit encore peu documenté et non-prouvé scientifiquement.14 De même que dans le cas de nettoyage aqueux, les méthodes de mises en œuvre incluent les bains d’immersion ou l’application localisée avec ou sans action mécanique comme le brossage, et un rinçage nécessaire. L’utilisation de solvant particulièrement volatile peu faciliter le séchage.Ici encore, les méthodes sont particulièrement interventionnistes et à risque pour l’objet, ce qui nous incite à écarter ces possibilités. Une série de tests de réaction des matériaux à différents solvants peut néanmoins être envisagée pour une meilleure maîtrise des propriétés de l’objet.

Dans notre cas, c’est l’empoussièrement et l’encrassement généralisés qui posent la question du nettoyage. Une telle action agirait alors au niveau de la conservation préventive d’une part, pour limiter les risques d’abrasion des matériaux et d’attaques biologiques. D’autre part il s’agirait d’une action de restauration liée à des choix esthétiques ou documentaires (limiter l’occultation de couleurs ou de détails liés à l’empoussièrement).L’article Le Seigneur des eaux15, détaillant la

du retrait ou du vieillissement de ces « huiles » ne sont pas

maîtrisées, bien que des études tentent de comprendre ces

phénomènes (par exemple A. Rae).

11. Voir Partie II : Etude technologique.

12. Huguet, « Le nettoyage et la restauration des plumes:

une sélection de méthodes ».

13. Réaction au cours de laquelle un groupe alcool (OH-)

est condensé à un groupe acide carboxylique (-COOH) avec

élimination d’une molécule d’eau (H2O), ce qui forme une

liaison ester (-COOC-).

14. Mason et Graham, « A Review of Feather Cleaning

Techniques ».

15. Lucia Hussak Van Velthem, « Le Seigneur des eaux.

coiffe-masque olok met en évidence que « un masque est toujours, par définition, composé de rangées de plumes brillantes (ijan), à savoir en bon état. Les plumes alors utilisées doivent donc présenter les couleurs et l’aspect qu’elles ont quand elles sont prélevées sur les volatiles. Ainsi, seuls les ornements de plumes en parfait état de conservation peuvent reproduire le revêtement corporel de Iolokimë ». Un état empoussiéré et altéré de manière générale est donc en opposition avec cette fonction. Mais nous considérons que dans notre cas l’empoussièrement est constitutif de l’objet et qu’il témoigne de son histoire. De plus, s’agissant d’une pièce de musée et, à priori non destiné à servir à nouveau au cours de rituel, cet aspect ne sera pas privilégié au détriment des valeurs historiques. Enfin, lorsque nous avons pu observer des ornements conservés dans un coffre par le Gran Man de Twenke, ces derniers étaient empoussiérés, ce qui nous amène à penser que l’empoussièrement résulte partiellement du contexte d’origine.Dans tous les cas, nous ne souhaitons donc pas faire disparaître cet aspect. C’est pourquoi nous avons décidé d’écarter les nettoyages par solvants (aqueux et non-aqueux). En revanche, le simple dépoussiérage mécanique peut être envisagé dans le cadre d’une action de conservation préventive et dans le but d’éviter l’accumulation de poussières dans le futur.

Fabrication et productivité d’un masque Wayana », in Masques des Hommes, visages des Dieux regards

d’Amazonie (Paris: CNRS éd., 2011).

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2. Les consolidations :

Les consolidations peuvent permettre d’atténuer la fragilité des matériaux, ou de restituer une certaine cohésion mécanique à ces derniers. Il s’agit dans ce cas d’une intervention de conservation curative et préventive. Dans un second temps, les consolidations permettent une meilleure lisibilité, il s’agit alors d’une opération de restauration. Elles engagent la plupart du temps l’ajout de matériaux extérieurs à l’objet sur ce dernier. En ce sens, elles peuvent rarement être considérées comme une intervention minimale. Il est important de s’interroger sur la nécessité de consolider, le niveau d’intervention souhaité, et sur les conséquences physiques, chimiques et mécaniques de cette action sur l’objet.Dans le cas de l’ornement 60003470 (MC), les zones concernées par les consolidations sont : les fils de coton supports des filières, les fils de coton liens subsidiaires, les fils de kulaiwat ou les plumes. Dans ce dernier cas, les consolidations ne sont possibles que lorsque ces dernières ne sont pas totalement brisées, ou lorsque les fragments de plumes sont en notre possession et localisables.La question de la réversibilité des consolidations est particulièrement délicate car, bien que les adhésifs employés soient réversibles et localisables dans des conditions idéales, dans un cas concret comme celui de l’objet, la situation devient complexe. Il faut donc être particulièrement attentif à la stabilité et à la compatibilité de l’adhésif et de l’éventuel matériau de support utilisé. D’autre part, la rigidité apportée par des consolidations doit être limitée dans le cas des petites tectrices et des fils de fibres végétales souples. Enfin les correspondances de couleur, brillance et forme doivent être prises en compte.

a. Consolidation des plumes, le cas des tectrices :

Tout d’abord il est important de distinguer les zones au niveau desquelles la consolidation peut avoir lieu, soit : le calamus, le rachis ou les vexiles, car elles conditionnent des méthodes différentes.Les différentes méthodes présentées sont une base qu’il convient d’adapter, nuancer et critiquer. D’autre part de nombreuses solutions restent à découvrir dans ce domaine.

Méthode de la goutte d’adhésif :Cette méthode peut être pratiquée pour la consolidation des vexiles et des rachis fins. La mise en œuvre présentée comme la plus adaptée dans l’article de G. Drummond, est l’utilisation d’une aiguille d’entomologiste recourbée pour déposer la goutte sur les barbes.16 Mais la réversibilité et la visibilité de cette méthode est particulièrement compromise, et le risque d’amalgamer les barbes est grand. Nous considérons que cette démarche est à la limite de la déontologie de la restauration, et ne souhaitons pas la retenir dans notre cas.

Méthode du fil de Paraloïd B72® :Développée dans un article de Techné17 cette méthode consiste en la réalisation d’un fil à partir d’une bille de Paraloïd B72®, copolymère acrylique18, chauffée. Après refroidissement ce fil est placé sur la zone à consolider et réactivé à l’acétone à l’aide d’un petit pinceau ou d’une

16. Pour plus d’informations voir : Gina Drummond, « The

mending of feather vanes », AICCM Bulletin 19, no 3-4

(1994): pp.39-59.

17. Stéphanie Legrand-Longin et al., « La conservation-restauration des plumes: une nouvelle technique de consolidation », Techné, no 23 (2006): 61-64.

18. Paraloid B72®, copolymère métacrylate d’éthyle et

acrylate de méthyle, produit par Rohm & Haas Company.

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pipette. Une légère pression est ensuite exercée avec une pince pendant quelques secondes.Cette technique permet une mise en œuvre contrôlée et une intervention discrète visuellement, la résine est stable, réversible et le soutien reste souple. Elle s’applique plus particulièrement aux zones très fines comme les barbes ou les rachis fins. En revanche la visibilité et la réversibilité de cette opération au sein d’un objet complexe sont faibles. Il est également important de s’assurer de la non-sensibilité des matériaux aux solvants employés avant de l’envisager.

Méthodes de l’atèle :Ces méthodes peuvent être mises en œuvre au niveau du calamus, du rachis ou des barbes en fonction du type d’atèle et de plume. Il s’agit d’utiliser un matériau imprégné d’un adhésif venant supporter la zone totalement ou partiellement brisée. Les matériaux utilisés doivent être compatibles chimiquement et mécaniquement et les adhésifs principalement recensés pour cette méthode sont des résines acryliques et des acétates de polyvinyle.19 Selon la littérature, l’utilisation des fils de polyamide (nylon®) ou de polyester est la plus adaptée dans le cas des plumes.20 Le fil doit être imprégné de l’adhésif au préalable puis positionné sur la plume, l’adhésif est ensuite réactivé à l’aide d’une spatule chauffante ou par solvant. L’isolation des autres plumes et la mise en pression de la zone sont donc nécessaires dans ce cas. Les températures, quantités de solvant et pressions les plus faibles possibles doivent être privilégiées.Ce type de méthode présente des caractéristiques très proches de celle du fil de Paraloïd B72®, en revanche elle implique deux types de matériaux au lieu d’un, ce qui engendre plus de risques de mauvaises compatibilités mais présente l’avantage

19. Ibid.

20. Huguet, « Le nettoyage et la restauration des plumes:

une sélection de méthodes ».

d’être plus visible.

Méthode du doublage :Le doublage peut être utilisé pour une consolidation au niveau du rachis ou dans un vexile. Cette technique, qui consiste en la pose d’une bande d’un matériau de support enduite d’un adhésif au dos de la zone brisée, est plus particulièrement développée dans le mémoire de E. Enard.21 Le papier japon, le non-tissé de polyester ou la crêpeline de soie peuvent être utilisés comme matériaux de support. Ils sont au préalable enduits d’un adhésif, outre ceux cités précédemment, il peut s’agir de colles naturelles ou d’éthers de cellulose. Une fois appliqué sur la plume, le doublage doit être réactivé soit par spatule chauffante soit par solvant.Cette méthode, particulièrement visible et détectable en tant que restauration, semble néanmoins poser de réels problèmes de réversibilité, l’arrachage des barbes étant quasi-systématique lors du retrait.22

Nous considérons toutes ces méthodes comme très interventionnistes, dans le sens où l’ajout d’adhésif est systématique et parfois difficilement détectable et réversible et où la mise en œuvre engendre l’utilisation de solvants ou de chaleur pour la réactivation. Appliquées sur des petites plumes, anciennes et altérées, nous estimons que ces interventions sont particulièrement dommageables.Dans le cas de l’objet 60003470 (MC), les consolidations concerneraient les plumes partiellement brisées au niveau du rachis, calamus ou des barbes, pour lesquels le fragment risque

21. Emilie Enard, « A plumes et à poils: au coeur des

traditions andines. Conservation-restauration du poncho à

plumes du Musée des Jacobins (Auch), Pérou précolombien.

Etude comparative de différentes méthodes des plumes

cassées. » (INP, Département des restaurateurs, 2010).

22. Huguet, « Le nettoyage et la restauration des plumes:

une sélection de méthodes ».

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fortement de se désolidariser. Elles peuvent également concerner les zones fragilisées des plumes qui seraient susceptibles de se briser dans le futur. Enfin, elles pourraient s’appliquer aux fragments déjà désolidarisés et récoltés. Ce dernier cas est à la limite de la réintégration23.Il nous semble que ces traitements sont à écarter pour des raisons à la fois techniques et déontologiques. En revanche, dans le but d’éviter d’aggraver la situation, nous réfléchirons aux possibilités d’actions sur l’environnement et les manipulations de l’objet.D’autre part, nous pensons qu’il serait néanmoins possible d’envisager de protéger et de maintenir plus spécifiquement les plumes très fragiles et sur le point de se briser, de manière totalement réversible. Pour cela, nous réfléchissons à un principe « d’enveloppe » : un matériau à déterminer (papier, tissu, intissé…), adapté à la conservation, vient envelopper la plume qui risque de se briser, sans exercer de contrainte sur celle-ci et sans y être fixé. Cela permet à la fois une protection face aux chocs, la récupération et la localisation du fragment si la plume a été rompue, et le repérage rapide des zones sensibles à la vue de l’objet. Cette méthode pourrait être adaptée dans le cas d’un objet qui n’est pas destiné à l’exposition mais à la conservation en réserve, comme l’objet 60003470 (MC).

23. La réintégration utilise des plumes « neuves », le plus

proche possible des plumes d’origine (forme, courbure,

épaisseur, couleur, structure…), mais dont l’un des aspects

varie pour que l’on distingue la restauration (par exemple

la couleur). Des fragments découpés dans ces plumes sont

intégrés (en utilisant des méthodes de consolidation) aux

plumes de l’objet traité. Des variantes existent, faisant

intervenir non pas des plumes mais d’autres matériaux sur

lesquels un motif de plumes a été intégré. Ces méthodes

de restauration, nous semblent très extrêmes et même

paradoxales avec la volonté de conserver un objet

(notamment par rapport à la dimension historique). C’est

pourquoi nous n’avons pas souhaité les aborder.

Exemple sur un prototype de la protection des plumes en les enveloppant dans un papier.

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b. Consolidation des fils de cotons :

Plusieurs cas se présentent sur l’objet : les ruptures des filières et celles des liens subsidiaires. Dans le premier cas toute opération est particulièrement délicate car le fil de coton est couvert des calamus des plumes et associé au fil de kulaiwat imprégné de mani.Les méthodes de consolidation de fils peuvent parfois faire intervenir des adhésifs. Dans ce cas, les principes et limites sont très proches de ceux présentés précédemment.Une méthode est ainsi basée sur un principe de manchon : cette consolidation peut être réalisée lorsque les deux extrémités du fil rompu peuvent être mises bord à bord. Un matériau fin, souple, mais suffisamment résistant (tel le papier japon) imprégné d’adhésif est placé autour de celles-ci pour les maintenir reliées.Une autre méthode se base sur le principe du doublage : un second fil, choisi pour ses qualités proches du matériau d’origine, peut être utilisé imprégné d’un adhésif adapté, pour doubler la zone de rupture.

Mais d’autres techniques, issues de la conservation de textiles, ne font intervenir que l’aspect mécanique pour réaliser une consolidation. Il est ainsi possible d’envisager un travail avec un second fil venant doubler celui qui est rompu, mais fixé à ce dernier par des points de couture ou par de petits nœuds réalisés ponctuellement. Des restaurateurs textiles conseillent d’utiliser un fil de doublage de même nature que celui à consolider (donc en coton dans notre cas), d’une couleur proche mais plus fin pour ne pas masquer l’original. Pour relier les deux fils, un troisième très fin (de manière à ce qu’il casse en premier en cas de tension), peut venir nouer régulièrement les deux autres.Cette méthode peut être particulièrement utile lorsqu’une partie du fil brisé est fragmentaire et que la situation nécessite donc de réaliser une extension.Cette troisième méthode est totalement réversible, très facilement reconnaissable en tant que restauration, et plus facile de mise en œuvre que les deux autres. Elle sera donc largement privilégiée si nous considérons que des consolidations de fils s’imposent.

Fil d’organsin de soieFil de doublage en cotonFil original, brisé, en coton

Schéma d’une possibilité de mise en oeuvre de la consolidation des fils rompus

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3. La réorganisation/ remise en forme :

Le fait que les désorganisations, à tous les niveaux de l’objet, soient le principal facteur de risques et d’évolution des dégradations, implique de trouver une solution pour remédier à cela afin de conserver et de stabiliser l’objet. Dans ce contexte nous envisageons un travail de réorganisation des filières et des plumes. Mais ce traitement signifie une action pratiquement irréversible et modifiant fortement la perception de l’objet. Nous sommes dans un cas où la demi-mesure, l’intervention minimale n’est pas possible.Engager une réorganisation dans le cadre de la conservation curative de l’objet signifie : atténuer les tensions et contraintes, diminuer les risques de bris et déformations, stabiliser l’objet, faciliter les manipulations et le conditionnement, mais également redonner une certaine lisibilité à l’objet. Cela implique en revanche : modifier la forme actuelle, résultant des dégradations, de manière irréversible.Choisir la non-intervention signifie respecter l’état historique de l’objet, ne pas risquer la surinterprétation de la forme d’origine, ne pas risquer de nouveaux dommages en manipulant l’objet. Cela implique en revanche l’évolution des dégradations présentes et la formation de nouvelles sur le long termes, et un état où l’objet est très éloigné de sa forme et de ses sens originels.Dans une telle situation le choix est très complexe. Nous l’avons donc étudié sous un angle plus large afin de pouvoir prendre notre décision et avons inscrit cette action dans les choix de traitement de manière générale. Nous considérons alors qu’elle peut être menée dans un objectif d’équilibre pour l’objet. Equilibre matériel d’une part, mais également immatériel. Il nous semble important d’envisager une réorganisation, la plus minimale possible, qui s’attache à atténuer les tensions, mais ne cherche pas à « retrouver » la forme d’origine. En revanche une bonne connaissance et compréhension de celle-ci est nécessaire. Nous

ne chercherons donc pas à faire disparaître l’état altéré, de même que pour l’empoussièrement et les bris, l’objet continuera à témoigner des différents stades qu’il a traversés. La documentation prendra une place particulièrement importante et nécessaire. Chaque étape sera photographiée (état avant et après) et localisée. Nous privilégions par cette action de réorganisation, la préservation sur le long terme de l’objet, les valeurs et les sens qui lui sont associés dans son contexte d’origine ainsi que la valeur ethnographique. Mais nous considérons que ce choix s’équilibre avec ceux fait précédemment qui témoignent l’attachement aux valeurs historiques et d’ancienneté.

Travailler à la réorganisation de l’objet signifie manipuler les différents matériaux. Il faut donc au préalable s’assurer que l’état de ceux-ci le permet. Des tests de manipulation des plumes et des fibres ont permis de constater que l’objet conservait de manière générale suffisamment de souplesse et de résistance mécanique pour envisager ce traitement. Le travail sera dans tous les cas mené de la manière la plus douce possible, sans forcer les zones résistantes.Parmi les manières d’approcher un tel traitement, il pourrait être envisagé de travailler en atmosphère humide, en créant une chambre adaptée et contrôlée autour de l’objet. Mais il s’agit d’une approche trop risquée dans notre cas en raison des matériaux anciens potentiellement sensibles à l’eau.Nous avons donc préféré retenir une méthode sans humidification car les matériaux le permettent Le travail doit être réalisé en appliquant le minimum de contrainte possible, à l’aide de pince ou manuellement. Une légère pression répartie correctement pour stabiliser l’objet dans une nouvelle position peut être envisagée si nécessaire.Dans le cas de certaines zones particulièrement déformées, emmêlées et en tension, il est possible

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d’envisager un apport d’humidité très localisé et contrôlé si les matériaux le permettent, afin d’utiliser le pouvoir relaxant de l’eau.

4. Choix du traitement :

A l’issue de cette première réflexion, se dessine la proposition de traitement matériel que nous souhaitons mettre en place pour l’objet. Des séries de tests seront par ailleurs menées sur des échantillons avant toute décision définitive.Pour le traitement, l’objet sera placé sur un plan de travail constitué d’une mousse de polyéthylène (plastazote®) qui permet de le stabiliser par sa légère rugosité. Des épingles, plantées dans la mousse, peuvent être utilisées afin de maintenir certaines filières séparées. La plupart des opérations seront effectuées sous loupe pour un meilleur contrôle et une bonne précision.Dans un premier temps, les plumes et zones particulièrement fragiles seront sécurisées en les enveloppant dans un matériau de conservation pour les protéger (papier, intissé…). Puis le travail de réorganisation générale de l’objet pourra débuter, en procédant de manière méthodique, par le revers de l’objet pour une meilleure visibilité, et en commençant par les filières inférieures. à ce niveau, les filières et fils brisés pourront être consolidés de manière mécanique si cela est jugé nécessaire pour la conservation de l’objet. Enfin un léger dépoussiérage mécanique de l’ensemble de l’objet sera envisagé.Ce traitement, qui débutera à l’issu de la rédaction du mémoire, se limite donc aux opérations les plus minimales et réversibles possibles tout en assurant un travail de conservation curative et préventive. Il fera l’objet d’un rapport de traitement spécifique, joint par la suite au présent mémoire.

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1. Les conditions environnementales 1

La conservation préventive s’attache à agir sur l’environnement afin de prévenir et préserver l’objet de dégradations futures. Différents facteurs sont à prendre en compte pour la conservation d’un ornement de plumes, de fibres végétales et, à petite échelle, de résine. Les insectes ou la poussière sont, comme nous l’avons vu au niveau de l’état d’altération de l’objet, des facteurs de dégradation importants, et les musées mettent en place le maximum de dispositions pour palier ces derniers. D’autres facteurs doivent être particulièrement étudiés dans le cas d’un ornement de plumes.

1. « Notes de l’ICC 13/1 », mars 27, 2007, http://www.

cci-icc.gc.ca/publications/notes/13-1-fra.aspx; Bishop

Museum, « The Care of Feathers », 1996; « c2rmf - Fiches

techniques », s. d., http://www.c2rmf.fr/pages/page_

id18475_u1l2.htm.

La lumière :La lumière représente un risque particulièrement important de dégradation des matériaux organiques, elle est responsable du phénomène nommé photodégradation qui provoque, au niveau des plumes, des décolorations, mais également d’autres types d’altérations comme le jaunissement et la fragilisation de la kératine (l’irradiation, en particulier par les rayonnements de faible longueur d’onde (notamment UV), provoque des transformations dans l’agencement des atomes et molécules de matières). Les dommages que cause la lumière sont cumulatifs et irréversibles. Il est donc primordial de contrôler l’action de cette dernière par la mesure de l’éclairement (c’est-à-dire l’action du flux lumineux sur une surface, s’exprimant en lux), du rayonnement UV (ultra-violet, grandeur énergétique s’exprimant en mW par m2 ou en mW par lumen). Le contrôle de la chaleur dégagée par les sources lumineuses (rayonnement infrarouge) est également nécessaire, provoquant notamment l’assèchement des plumes et des fibres végétales.C’est l’exposition totale à la lumière qu’il est important de contrôler. Elle est égale à l’éclairement lumineux (lux) par la durée d’exposition (heures).Les plumes sont généralement classées dans la catégorie de matériaux extrêmement sensibles

II. RéFLEXION SUR LA CONSERVATION PRéVENTIVE

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à la lumière (comme les textiles), nécessitant un éclairement de 50lux maximum, l’exposition ne devant pas dépasser 15000lxh/an, et les ultraviolets devant être filtrés au maximum (les vitres et lampes doivent être couvertes de filtres absorbants les UV dont l’efficacité doit être testée au préalable et contrôlée régulièrement). Des études en cours (notamment au Getty Conservation Institute) cherchent à affiner et à déterminer plus précisément la sensibilité des plumes à la lumière.2

La température et l’humidité relative (HR) :Ces deux facteurs ne doivent pas être considérés indépendamment l’un de l’autre car ils sont liés par la relation : HR % = HA x 100/S. Soit le rapport entre la quantité de vapeur d’eau contenue dans un volume d’air à une température donnée (HA) et la quantité maximale de vapeur d’eau que peut contenir ce même volume d’air (S) à la même température, mesuré en %.Des taux d’humidité relative extrêmes, ainsi que des variations importantes en temps réduit, peuvent endommager tous les matériaux organiques. La constance du taux est donc l’élément le plus important. En dessous de 35% d’humidité relative les plumes se dessèchent rapidement, deviennent cassantes et les barbes risquent de se rompre sous faible pression. A l’inverse, le prolongement en atmosphère à haute humidité relative accélère les réactions d’hydrolyse. Pour les plumes comme les fibres végétales le taux d’humidité relative doit donc être compris entre 45% et 55%.La chaleur agit comme catalyseur de beaucoup de réactions chimiques, accélérant notamment les ruptures moléculaires. Concernant les matériaux organiques on estime que la température doit se situer entre 15° et 25°C pour une bonne conservation.Dans le cas de l’objet étudié, les matériaux ayant tendance à l’assèchement, il faut faire

2. Nous reviendrons sur les conditions d’éclairements de

l’objet dans la partie V.III Réflexion sur l’exposition.

particulièrement attention à ne pas les conserver dans une atmosphère trop sèche.

Le pH :Un environnement acide (pH 6 ou moins) risque de provoquer des ruptures chimiques de la kératine entraînant une fragilisation de la plume. Un environnement alcalin (pH 8 ou plus) est encore plus dangereux pour la structure de la plume, entraînant des ruptures au niveau des aminoacides tryptophanes. Les matériaux de conditionnement, les autres objets conservés dans un même espace confiné, les polluants de l’air et la poussière peuvent entraîner une atmosphère acide ou basique néfaste à l’objet. Le pH de l’environnement doit rester compris entre 6,5 et 7,5 pour une conservation optimale.

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2. Conditionnement/manipulations :

Le conditionnement représente un axe majeur de la conservation préventive, en particulier dans le cas des ornements de plumes, qui « souffrent » principalement de dégradations physiques et mécaniques. Les risques d’altérations associées à un conditionnement inadapté dans le cas de l’objet 60003470 sont : l’emmêlement des plumes et filières, des bris et lacunes, des déformations des matériaux, des tensions internes, des altérations chimiques des matériaux.Le conditionnement actuel3, créé lors du chantier des collections est, de manière générale, plutôt adapté à l’objet, néanmoins des améliorations peuvent être envisagées. Comme c’est déjà le cas, ce type d’objet nécessite véritablement d’être conservé dans une boîte étanche à la poussière et le protégeant des chocs.Trois axes majeurs sont à considérer pour réfléchir au conditionnement le plus adapté possible :

a. Les manipulations du support ou boîte de conditionnement :

Le format, la taille et le poids de la boîte ou du support doivent être pris en compte pour faciliter les manipulations. Cela est particulièrement important dans le cas de conditionnements de grandes tailles ou pour le cas d’objets lourds où il faut rendre ces derniers les plus pratiques possible. Dans notre cas cet aspect ne nous concerne que très peu, l’objet étant petit et léger, il sera aisé de le transporter. Néanmoins, il est important de prendre garde à ne pas superposer d’objets ou de conditionnement lourd sur ce dernier lors du stockage.Le système d’ouverture et d’accès à l’objet doit être le plus aisé possible, et le contrôle visuel doit pouvoir être effectué facilement. En ce qui concerne le cas étudié, ces conditions sont remplies. Le couvercle ajouré permet l’accès

3. Décrit dans la partie II.II Etude de conservation.

visuel, notamment lors des déplacements et manipulations.Des indications claires et précises, tel que le sens de la boîte, la fragilité du contenu ou d’autres mentions spécifiques doivent figurer sur le conditionnement si cela est nécessaire.Le maintien de l’objet à l’intérieur de son conditionnement doit être optimal afin qu’il ne se déplace pas lors des manipulations. Ce point est particulièrement important et doit être considéré très attentivement. Dans le cas étudié, l’objet est maintenu par deux petites bandes de Tiveck®, attachées au plateau de support et nouées au début de chaque tresse. Les risques liés à ce système sont d’engendrer des tensions particulièrement localisées au niveau des deux points d’attache, déjà sensibles. D’autre part, l’objet n’est pas totalement stabilisé, toute la partie centrale pouvant se mouvoir lors de choc ou manipulations brutales.

Quel autre système d’attache, de calage peut-il être envisagé ? Le plateau en lui-même, constitué d’une mousse recouverte d’un papier cristal, qui est un matériau lisse et donc glissant, pourrait être remplacé par une mousse plastazote®, légèrement rugueuse donc permettant de limiter les mouvements. Ce système a été adopté pour les objets du MQB.Un calage à l’aide de mousse ou d’autres matériaux peut difficilement être mis en place en raison de la nature souple et fragile de l’objet. Mais d’autres solutions doivent être envisagées afin de répartir les tensions, peut être à l’aide d’autres bandes de Tiveck®.

Points de fixations des bandes de Tiveck® dans le conditionnement

actuel.

Point de fixation de l’objet

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b. L’objet dans son conditionnement en état de stockage

Cette dimension implique des considérations sur le long terme. L’objet sera destiné à rester longtemps dans la position et dans les conditions choisies, qui, si elles étaient inadaptées, seraient facteur d’importantes dégrations. C’est pourquoi ce domaine nécessite de déterminer la meilleure solution, en ne faisant que peu ou pas de concessions.Tous les matériaux utilisés doivent donc être adaptés à la conservation, stable dans le temps, compatibles avec l’objet, de pH neutre et plus ou moins étanches ou sensibles aux variations climatiques selon les cas.L’objet doit être placé dans la position la moins contraignante pour lui. Dans notre cas, la position étendu, à plat, les tresses pouvant néanmoins être recourbées, est la plus adaptée, si la désorganisation est atténuée. Néanmoins si des enchevêtrements subsistent, impliquant une non-planéité du revers, il faut envisager un plateau de support très souple, s’adaptant aux déformations pour ne pas exercer de contraintes trop fortes sur les plumes. Ainsi il est possible d’imaginer un « coussin » réalisé par exemple en Tiveck® ou en intissé. Dans un tel cas, il faut s’assurer de la bonne stabilité de l’objet sur ce dernier, et de l’ensemble dans la boîte. Des tests sont nécessaires pour déterminer la meilleure solution et prendre en compte tous les paramètres de manière concrète.

c. Manipulations de l’objet

Le système de maintien doit être aisé à faire et défaire. L’objet doit être facilement préhensible et repositionnable. Actuellement le plateau sur lequel il repose peut être aisément manipulé en dehors de la boîte. En revanche la préhension et l’extraction de celui-ci pourrait être facilité par un système de languette ou d’encoches permettant de passer la main (présent sur les plateaux du MQB).En revanche, les manipulations de l’objet en lui-même sont très délicates. Elles se font de façon « instinctive » en le prenant à la base des tresses, de chaque côté du ruban de plumes. Cela crée de fortes tensions au niveau de ces deux points, d’autre part, la pesanteur agit sur l’ensemble de l’objet et plusieurs points de tensions apparaissent au niveau des jonctions entre filières et liens subsidiaires.

Coussin de Tiveck®

Schéma d’un exemple de support de l’objet dans sa boîte.

Bandes de Tiveck® pour le maintien de l’objet.

Quelques zones de tensions sous l’effet de pesanteur.

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La manipulation de l’objet en dehors du plateau peut intervenir lorsque ce dernier doit être exposé, ou pour des raisons d’observation et de contrôle.Plusieurs hypothèses et propositions doivent être testées pour déterminer la meilleure solution.Il faut envisager un soutien qui permette d’accompagner l’objet et de rester présent sous ce dernier même lors de l’exposition. Il doit donc être suffisamment discret pour n’être que peu ou pas visible. Nous pensons qu’il est possible d’envisager un support placé en-dessous de l’objet, en forme de bande ne dépassant pas ou très peu la zone emplumée, donc dissimulé à la vue. L’objet devra être manipulé en position horizontale, les mains placées sous le support.Ce dernier doit donc présenter une certaine rigidité pour ne pas s’affaisser. L’objet étant léger, un textile, intissé ou papier suffisamment rigide est-il suffisant ? Ou bien, faut-il envisager une mousse (Plastazote® par exemple) molletonnée ou non sur le dessus, pour venir soutenir l’objet ?Dans les deux cas, il est important d’adapter un système de préhension aisée du support.

Support adapté à l’objet.

Bande (Tiveck®) de maintien de l’objet sur le plateau.

Plateau de Plastazote® muni de languettes de préhension.

Boîte de conditionnement

Schéma d’un exemple de conditionnement

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III. RéFLEXION SUR L’EXPOSITION

Deux objectifs sont primordiaux pour l’exposition d’un objet :-assurer un état de conservation le plus approprié possible.-réfléchir à la cohérence entre la façon de présenter l’objet et ses sens.Nous allons donc présenter différents points à prendre en compte, et sur lesquels il faut réfléchir. Ici encore, il n’existe pas une seule solution, mais des possibilités à adapter selon les cas, à inventer et nuancer.

Les matériaux :Ils doivent être adaptés aux normes de conservation-restauration et aux propriétés de l’objet (de même que pour ceux du conditionnement). Leurs propriétés doivent également s’adapter à la fonction qu’ils seront amenés à remplir. Ils ne doivent pas « prendre le dessus » sur l’objet mais rester suffisamment discret pour mettre ce dernier le plus en valeur possible.

La lumière :L’exposition d’un objet particulièrement sensible à la lumière, comme un ornement de plumes, pose de nombreuses questions et contradictions. Le fait de montrer l’objet est un facteur de dégradation

de ce dernier, les normes définies permettent de ralentir ces dégradations mais non de les éviter.« Pour des objets extrêmement sensibles (valeur 1 et 2 sur l’échelle de la laine bleue) [les matériaux organiques, comme les plumes sont classée dans cette catégorie], les recommandations, notamment de l’ICOM, préconisent de ne pas dépasser le niveau de 50 lux pour une exposition n’excédant pas trois mois, et cela une fois tous les trois ans. C’est-à-dire un mois par an soit 250 heures. La valeur de l’exposition lumineuse sera donc de 250 heures X 50 lux soit 12 500 lux.h pour l’année. »1 Cela signifie que les temps d’exposition de l’objet sur une ou plusieurs années ainsi que la puissance de l’éclairage utilisé doivent être prévus de pair et en amont.Différents facteurs sont à prendre en compte pour l’éclairage le plus adapté à la fois à la conservation mais aussi à l’observation de l’objet en exposition :la norme de quantité de lumière est fixée à 50 lux,

1. Institut international de conservation des oeuvres

historiques et artistiques. Section française, « La

conservation des textiles anciens : journées d’études de la

SFIIC, Angers, 20-22 octobre 1994. » (Champs-sur-Marne

(29 rue de Paris, 77420): SFIIC, 1994). J.-J. Ezrati

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tous les UV doivent être filtrés, des filtres doivent donc être installés sur les vitres, lampes et vitrines. La distance entre l’objet et la source lumineuse est un élément important à déterminer. Certains types d’éclairages sont source de chaleur, ce qui peut être dangereux.-L’éclairage général du musée doit être désactivé en dehors des périodes d’ouverture ou de travail dans la zone afin de ne pas éclairer inutilement les objets sensibles.-L’environnement lumineux général du lieu dans lequel l’objet est exposé doit être pris en compte. Si la luminosité alentour est trop forte et que seule la zone de l’objet est éclairée plus faiblement, il devient difficile pour le visiteur de s’adapter et l’impression de lumière trop faible pour la bonne observation de l’objet est d’autant plus forte. Dans ce domaine le choix du musée du Quai Branly de plonger l’ensemble du plateau d’exposition dans une semi-pénombre est judicieux pour la bonne conservation des objets.-5O lux correspond à la limite la plus basse mais qui permet la distinction des couleurs, dans la théorie. En revanche, il faut prendre en compte les personnes âgées qui ont besoin de plus d’éclairement ou même les caractéristiques de l’objet : les couleurs sombres et peu contrastées étant plus difficile à distinguer.

Par rapport à tous ces éléments nous souhaitons nous pencher sur la question d’un dispositif d’éclairage dynamique dans le cas de l’objet considéré.Ce principe peut se présenter sous plusieurs formes. Il peut s’agir d’un éclairage à actionner par le public à l’aide d’un bouton : ce dernier peut déclencher un éclairage minuté ou bien permettre l’éclairage le temps que le bouton est enfoncé. Il est également possible d’imaginer un éclairage à minuterie se déclenchant lors de la détection d’un mouvement devant l’objet. Ces différentes méthodes, notamment observées dans les musées du Canada, permettent un contrôle et une diminution du temps d’éclairage de l’objet, particulièrement efficace lors des périodes de

faible fréquentation.Un tel dispositif permet de choisir de passer d’un stade non-éclairé (ou très peu), à un stade éclairé au minimum convenu (50 lux), ce qui peut permettre d’allonger le temps d’exposition. Ou bien de passer d’un stade d’éclairage minimum à un éclairement supérieur à 50 lux, pour faciliter le confort visuel, en conservant la même période d’exposition de l’objet.

La vitrine :Elle s’impose dans le cas de ce type d’objet, la poussière étant particulièrement néfaste, et les matériaux sensibles même à des souffles d’air. Le climat interne doit être contrôlé.Dans le cas de la pièce considérée il est également possible d’imaginer un dispositif de vitrine permettant de compenser les inconvénients créés par l’éclairage. Comme nous l’avons vu au Musée de la Civilisation de Québec, il pourrait être envisagé d’utiliser une vitrine-tiroir pour protéger l’objet de la lumière sans agir sur celle-ci. Le visiteur est alors invité à ouvrir ce « tiroir » pour l’observation. Il peut même être envisagé d’ajouter un système de loupe à la vitrine, pour une meilleure observation des détails, palliant la faible luminosité.En revanche nous pouvons nous demander quelle impression un tel système donne de l’objet ? A-t-il pour effet d’accentuer la valeur de documentation de la pièce au détriment de la valeur artistique ? Donne-t-il un caractère ludique ainsi qu’une interaction intéressante ou superficielle et inadaptée au message de l’exposition ?

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Pour finir nous allons réfléchir sur les différents choix de présentation de l’objet qui peuvent se présenter ainsi qu’à leurs conséquences de conservation et d’information sur l’objet. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des modes de présentation mais d’une base de réflexion.

Objet posé à plat :Cette solution apparaît comme la meilleure pour la conservation des matériaux, comme nous l’avons vu lors de l’étude du conditionnement. La vitrine doit alors être ajustée à la bonne hauteur pour permettre de surplomber l’ensemble de l’objet sans devoir se pencher trop pour en observer les détails. Le revers n’est alors pas visible, mais cela est-il important et/ou intéressant dans le cas de cet objet ? Sachant que, dans le cas de l’ornement en fonction, le revers n’était pas accessible non plus, et que la majorité des informations qu’il révèle sont également présentes à la face (sauf les détails d’attache des plumes qui ne sont accessibles que lors d’une observation très rapprochée). Dans le cas où la visibilité du revers serait néanmoins souhaitée, il reste possible d’envisager de placer l’objet sur une vitre et de munir le dispositif d’un miroir sous-jacent.Ce mode de présentation montre l’objet dans un état éloigné de celui qu’il a lorsqu’il est porté en condition rituelle dans son contexte d’origine. Néanmoins, il se rapproche de son état de conservation dans le contexte d’origine (comme nous avons pu le voir chez le Gran Man de Twenké où les objets, conservés à plat dans un coffre nous ont été présentés de la même manière).Une telle présentation donne-t-elle une forte valeur d’abstraction à cet objet ? Les valeurs esthétiques, mais aussi de documentation sur les techniques et styles sont-elles particulièrement mises en avant par ce mode d’exposition ?

Objet sur un plan légèrement incliné :Le degré d’inclinaison doit être étudié et ajusté pour que l’objet ne glisse pas, le support peut ainsi être choisi dans un matériau légèrement rugueux.Cette présentation apporte le même type d’information que la première mais donne le sens du tombé de l’objet et des plumes, ce qui peut refléter la façon dont il était porté.

Objet sur un plan vertical :Le choix de maintenir l’objet à la verticale devient complexe pour sa bonne conservation. Les tensions s’exerçant plus fortement sur sa structure, les points d’accroche, de maintien de l’objet au support doivent être particulièrement bien étudiés. Il est important de s’assurer que les matériaux peuvent résister à cet état sur le long terme.Différentes solutions peuvent néanmoins être mises en place, en se rapprochant de procédés utilisés pour les textiles. Il peut être envisagé de coudre, par quelques points, un support textile adapté, sur le revers de l’objet. Les points de couture attachant les filières sans les endommager et en répartissant les tensions. Ce textile pouvant ensuite être fixé verticalement sur un support rigide.Une autre méthode pour maintenir l’objet à la verticale de manière moins intrusive, se base sur l’utilisation de petits aimants et d’un support métallique (ces derniers pouvant être enveloppés dans un textile pour protéger l’objet). Le musée du Quai Branly développe particulièrement des systèmes de présentation sur cette base. Dans notre cas, les aimants ne seraient bien sûr pas placés directement sur l’objet (risquant de fragiliser les matériaux), mais judicieusement répartis entre les filières, permettant à celles-ci de reposer dessus lors de la présentation verticale. (Cette solution peut également s’adapter à un plan incliné.)Ce type de présentation peut avoir pour effet de montrer l’objet comme un tableau, ce qui donne une très forte connotation de valeur artistique occidentale et peut être inadapté en niant les

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valeurs d’origines. Dans un autre sens, cette solution peut permettre un aspect moins figé, ainsi que d’apprécier le tombé des plumes.

La suspension de l’objet :Cette méthode de suspension à l’aide de fils nécessite un dispositif d’attache complexe dans le cas de ce type d’ornement. Une répartition inadaptée ou un nombre insuffisant de points d’attache risquent d’entraîner de graves tensions et déformations, une fragilisation des matériaux ainsi qu’un « affaissement de l’objet » en raison de la pesanteur. Pour envisager cette méthode il faut donc que l’objet soit au préalable sécurisé sur un support (textile par exemple) lui-même suspendu. Ce qui représente une véritable intervention sur l’objet. Cette méthode reflète une volonté d’épuration, un caractère flottant donné à l’objet. La dimension esthétique est valorisée, l’objet en suspension est moins figé, l’absence du corps se fait ressentir. Néanmoins dans le cas de cet objet, les risques d’altérations sont trop importants pour envisager cela.

La mise en forme en trois dimensions de l’objet :Cette méthode qui consiste à socler ou suspendre l’objet dans une forme, s’approchant d’un état porté, présente les même contraintes de conservation, relativement lourdes, que celles présentés dans les deux points précédents.Il s’agie également de la méthode la plus « intrusive » au niveau du sens de l’objet, privilégiant les valeurs liées au contexte d’origine. Cela nécessite d’être sûr de la forme de l’objet porté. Alors que dans notre cas il ne s’agit que d’une hypothèse et que l’objet n’est qu’un fragment, cette solution a-t-elle un sens ?

En conclusion de cette approche, nous préconisons les deux premières propositions. Elles sont les plus adéquates pour une bonne conservation de l’objet, et permettent de le mettre en valeur sans surinterprétation, donc de laisser ouverts les différents sens superposés à ce dernier. Nous pensons que l’ajout de documentation à propos de sa fonction et du contexte d’origine, ainsi que sur les différents contextes ultérieurs, apporte du sens, de la réflexion, enrichit l’expérience vécue et les connaissances et est donc à valoriser.

Deux exemples de présentation verticale.

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IV. PROPOSITION POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF

Cette réflexion s’attache aux conditions à réunir et aux éléments à mettre en place pour qu’une collaboration entre un ou des représentants des communautés d’origine des objets et les conservateurs-restaurateurs et représentants des musées ait lieu. Le but de cette approche n’est pas de définir le protocole en lui-même, ce qui ne ferait que reproduire la relation de hiérarchie et d’autorité qui doit être dépassée. Le protocole de travail, les étapes, la structure et les buts du projet doivent donc eux-mêmes être définis en commun, en inventant une nouvelle manière de fonctionner. L’approche du conservateur-restaurateur doit être basée sur sa remise en question et sur la possibilité de transformer éventuellement ses conceptions et ses convictions.Nous allons donc réfléchir ici aux conditions nécessaires à la rencontre et à l’échange dans un tel cadre. La première condition est la prise de contact et l’échange. Elle implique nécessairement de se rendre au sein de la communauté pour rencontrer les interlocuteurs, apprendre, se faire connaître, présenter et expliquer le projet. Le temps est un élément crucial, la rencontre et l’échange nécessite un laps de temps irréductible. Le temps est également nécessaire pour s’adapter, transformer son discours et ses convictions. Discours qui est, dans certains cas, éloigné de

la vie et des préoccupations des communautés concernées. D’autre part, le dialogue peut-il s’instaurer de manière collective, avec l’ensemble de la communauté ou avec un ou des interlocuteurs particuliers ? Des représentants de la communauté vont-ils émerger et faire le lien avec celle-ci ?Lors de notre voyage trop bref, nous avons constaté la difficulté à instaurer le dialogue. Plusieurs éléments nous sont apparus. Avec les anciens, possédant beaucoup de connaissances sur le sujet, la barrière de la langue représentait un véritable obstacle à une bonne compréhension, même lorsqu’une personne aidait pour la traduction. Avec les jeunes la communication ne posait aucun problème, mais ces derniers nous disaient parfois ne pas en savoir assez pour nous aider. Les intellectuels possédant une double culture très forte n’étaient pas forcément disponibles.Dans tous les cas, pour la réalisation d’un tel projet, il ne nous appartient pas de choisir le ou les interlocuteurs ou représentants, mais c’est à ceux qui veulent s’impliquer de le décider. Si un groupe se forme, le projet pourra véritablement s’instaurer en s’inventant lui même.En revanche nous tenons à mettre en évidence la volonté de préserver la notion d’équilibre de partage et de compromis dans les décisions qui

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seront prises, autour d’objets issus d’une culture amérindienne mais qui ont acquis au fil du temps une véritable place dans la société occidentale, témoignant ainsi de ces deux sociétés, et concrétisant un patrimoine partagé.Un tel projet, peut-être ponctuel dans un premier temps, devrait tendre à un échange continu, s’intensifiant, et s’élargissant dans une perspective d’ouverture des institutions muséales à la collaboration avec les communautés.

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En conclusion de cette approche du traitement de conservation, nous tenons à mettre en regard les propositions établies pour l’objet du musée des Confluences, avec l’ensemble d’ornements du musée du Quai Branly. L’approche des objets de la collection 71.1878.14 peut se baser sur les mêmes considérations : la volonté de stabiliser les pièces avant tout, d’intervenir de manière minimale en conservation curative, mais aussi dans le domaine de la conservation préventive.Mais l’intérêt particulier de ces objets réside dans le fait qu’ils font sens en tant qu’ensemble, et qu’ils peuvent se compléter au niveau des sens qu’ils proposent. Ainsi les objets X377483 et 71.1878.14.19 sont en suffisamment bon état et ne nécessitent pas ou très peu d’intervention de conservation curative. Ils se rapprochent de l’aspect qu’ont pu avoir les ornements dans le contexte d’origine, reflétant ainsi les sens et fonctions associés. Par contre, les pièces 71.1878.14.10 et 71.1878.14.7 sont dans un état plus précaire, assimilable à celui de l’objet du musée des Confluences, et nécessiteraient un traitement curatif pour être stabilisées. Enfin les objets 71.1878.14.20 et 71.1878.14.21 sont dans un état de dégradation tellement avancé qu’on peut se demander s’il serait bien nécessaire d’envisager un traitement. Au contraire ces deux pièces, en l’état actuel, témoignent de la dimension historique, des différents contextes traversés, et des altérations associées. Ensembles, ces ornements restituent une vision complexe et multiple des sens leur étant liés.Si une volonté d’exposer ces pièces se dessinent, un traitement plus poussé devra, peut-être, être envisagé pour certaines. Cette démarche peut alors devenir un véritable tremplin pour le développement du dialogue et du travail collaboratif avec la communauté d’origine, non seulement dans le cadre de la conservation-restauration, mais aussi dans celui de l’exposition et du discours tenu sur les objets.

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CONCLUSION

Comme nous l’avons vu, les parures de plumes étudiées sont des supports pour penser l’altérité, dans leur contexte d’origine, mais aussi dans le contexte de la société occidentale. C’est la voie qu’elles nous ont incités à prendre au cours de cette étude. Se questionner sur cet ensemble, originaire des Amérindiens de Guyane, dans le cadre de leur conservation-restauration s’inscrit dans une réflexion sur les rapports que met en place (ou a mis en place) notre société avec celle dont sont issus les objets. Une telle approche de la conservation se mêle aux domaines ethnographique, sociologique mais aussi politique. Bien que ce dernier sujet soit délicat, force est de constater (notamment lors du voyage réalisé) que toute action par rapport au patrimoine se lie à la dimension politique, en particulier dans le contexte de revendication et d’affirmation identitaire des groupes socioculturels amérindiens de Guyane française, sur les plans régional, national et international.Face aux nombreuses interrogations suscitées par les objets étudiés et leur conservation muséale, nous avons choisi de mettre en évidence la nécessité de la rencontre, de l’échange avec les communautés pour tendre vers un travail collaboratif appliqué aux choix de conservation-restauration, mais aussi d’exposition, de gestion

ou de valorisation des collections. Se placer dans cette dimension de dialogue et de partage des responsabilités peut permettre de dépasser les paradoxes et contradictions, liés à la légitimité et à l’éthique, dans lesquels se trouvent les institutions patrimoniales et les conservateurs-restaurateurs.

Le voyage d’étude, entrepris cette année, a permis de poser une base au dialogue autour du sujet et des objets traités. Il a également permis de rencontrer des personnes avec lesquelles il pourrait être possible de poursuivre et développer l’échange à ce sujet. Le voyage nous a également fait prendre conscience des nombreux projets collaboratifs et participatifs développés, ou vers lesquels tendent les institutions patrimoniales en Guyane, mais aussi de l’écart avec la métropole à ce niveau.En revanche nous devons faire apparaître que le travail engagé dans ce sens au cours du mémoire ne se concrétise que sous forme d’amorce. Il est donc important de continuer à le développer. Dans l’idéal ce projet pourrait ainsi se poursuivre, en partenariat avec les institutions concernées, et nous souhaitons aller dans cette direction.Le traitement de conservation de l’ornement du musée des Confluences sera concrétisé à l’issu de cette recherche. Il s’attachera à stabiliser

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la pièce, ce qui implique la réorganisation des filières, tout en se concentrant sur l’intervention la plus minimale possible. Cette action permettra de pérenniser l’objet en laissant ouvertes les possibilités de développer le dialogue avec la communauté d’origine pour la réalisation d’un traitement plus poussé.

D’autre part, si cette recherche a permis de mettre en évidence une provenance Wayana des pièces étudiés, et plus particulièrement leur lien avec la coiffe-masque olok du maraké, il est important de signaler qu’un processus en vu de la demande d’inscription sur la liste de sauvegarde du patrimoine immatériel de l’Unesco de ce rituel est engagé. Ce processus, ainsi que d’autres méthodes de sauvegarde en cours de développement, révèlent l’implication de professionnels du domaine patrimonial mais surtout de la communauté. En effet, « plusieurs personnes manifestent concrètement une double volonté : celle de s’approprier les instruments de la modernité et celle de ne pas laisser perdre les connaissances et savoir-faire essentiels, au premier rang desquels se situe le maraké »1. Ainsi, le travail de mémoire réalisé peut s’inscrire dans la lignée des mesures proposées et engagées en vue de la demande d’inscription du maraké sur la liste de sauvegarde urgente de l’Unesco, notamment : « celles qui valorisent le patrimoine matériel et immatériel des communautés à l’extérieur, étant entendu que ces actions contribuent aussi à la revalorisation et la re-légitimisation en interne de ce patrimoine et de sa transmission aux nouvelles générations »2. Dans ce contexte il nous apparaît particulièrement important d’engager un « retour » de l’étude réalisée afin de la mettre à disposition des communautés, comme cela a été évoqué dans ce dossier. D’autre part, la poursuite des questions

1. Céline Frémaux et al., « Fiche type d’inventaire du

patrimoine culturel immatériel de la France: Rituel du

Maraké », mars 2011.

2. Ibid.

de travail collaboratif autour de la conservation-restauration d’objets d’origine wayana s’inscrirait également dans les démarches de sauvegarde du patrimoine immatériel de cette société.

En conclusion nous mettrons en évidence le propos de Laënnec Hurbon : « Chaque culture évolue toujours dans un rapport continuel aux autres cultures, même si, paradoxalement, chaque culture a tendance à se prendre pour toute culture. Autrement dit, l’altération de l’identité culturelle, si l’on peut ainsi parler, ou encore l’hybridité, est la condition permanente de toute culture »3, qui résonne tout particulièrement dans le cadre de notre recherche.

3. Le moment du Quai Branly (Paris: Gallimard, 2007).

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CONSERVATION-RESTAURATION

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BIBLIOGRAPHIE

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PATRIMOINE ET PEUPLES AUTOCHTONES

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GONSETH, Marc-Olivier, Jacques HAINARD, Roland KAEHR, et Musée d’ethnographie de Neuchâtel.Le musée cannibale. Neuchâtel: Musée d’ethnographie de Neuchâtel = MEN, 2002.

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Musée du quai Branly.Le dialogue des cultures : Actes des rencontres inaugurales du musée du quai Branly, 21 juin 2006. Arles: Actes sud, 2007.

PRICE, Sally, Maurice GODELIER, Geneviève LEBAUT, et Marie-Anne SICHèRE.Arts primitifs, regards civilisés. Paris: école nationale supérieure des beaux-arts, 2006.

Documents divers :

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OUVRAGES GéNéRAUX ET DIVERS

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FRAIGNEAU, Cloé.Reconnaître facilement les plumes : collecter, identifier, interpréter, conserver. Lonay (Suisse): Delachaux et Niestlé, 2007.

JEUDY, Henri-Pierre.La machinerie patrimoniale. Paris: Sens & Tonka, 2001.

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ANNExES

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3

SOMMAIRE

ANNEXES PARTIE I A.I - 1. FICHES ORNEMENTS DE PLUMES COLLECTION 71.1878.14, MQB

ANNEXES PARTIE II A.II - 1. MATéRIAUX CONSTITUTIFS DES ORNEMENTS éTUDIéS A.II - 2. FICHES OISEAUX A.II - 3. GLOSSAIRE DE LA PLUME A.II - 4. TAPIRAGE

ANNEXES PARTIE III A.III - 1. TRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC MME. FRANSISCA YAMPA A.III - 2. LES ORNEMENTS FABRIQUéS PAR MME. FRANSISCA YAMPA

ANNEXES PARTIE IV A.IV - 1. MAIL DE DANIEL SCHOEPF A.IV - 2. FICHE DE COLLECTE MUSéE DES CULTURES GUYANAISES

ANNEXE DOCUMENTATION VIDéO

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A.I -1. FICHES ORNEMENTS DE PLUMES COLLECTION 71.1878.14 MQB

ANNEXES PARTIE I

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A.II - 1. MATéRIAUX CONSTITUTIFS DES ORNEMENTS éTUDIéS

LE COTON :

Identification de la fibre de coton :Un échantillon de fibre de coton a été recueilli sur un fragment provenant de l’objet 60003470.Il a été observé sous microscope et comparé à un coton référent.1

Nous observons la caractéristique du coton : les torsions de la fibre.

Dans la cadre de cette étude, différentes sources bibliographiques ont permis de mieux comprendre le travail du coton chez les Amérindiens de Guyane2.Le coton est prélevé puis laissé sécher au soleil, il est ensuite stocké dans des paniers ajourés, à l’abri de l’humidité. Pour former un fil, le coton est peigné et débarrassé de ses impuretés, cette opération permet de rendre les fibres parallèles et de densifier l’ensemble. La masse de coton va ensuite être entortillée, de manière lâche à son extrémité puis progressivement plus serrée vers l’autre extrémité.3

1. « Fiber Reference Image Library: Cotton: Cotton fibers, bright field, 400X », s. d., https://fril.osu.

edu/index.cfm?fuseaction=col lect ions.seeItemInCol lect ion&Collect ionID=15d57ad2-9696-41f6-b706-

5070e613b0e4&ItemID=49398cb8-b3ba-4575-adfd-93db3b0d8268.

2. Walter Edmund Roth, An introductory study of the arts, crafts, and customs of the Guiana indians (Washington, D.C.: U.S.

Govt. Print. Off., 1924); Françoise Grenand et Jean-Marcel Hurault, Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la forêt

(Paris: éd. «Autrement, 1998).

3. Roth, An introductory study of the arts, crafts, and customs of the Guiana indians.

ANNEXES PARTIE II

©Fiber Reference Image LibraryFibre de coton x400

Schéma de W. E. Roth, 1924

Photo d’une fibre de coton de l’objet observée au microscope, grossissement 40x

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Le fil de coton est réalisé à l’aide d’un fuseau. Les fuseaux utilisés par les indiens de Guyane sont constitués d’une baguette de bois pointue, passée au travers d’une garde circulaire (fusaïole), souvent fabriquée en os de tapir, en carapace de tortue ou en bois et ornée de motifs. Cette fusaïole sert à donner un poids et une inertie pour conserver mouvement et torsion lors du filage. Le poids de la fusaïole conditionne l’épaisseur du fil, si elle est lourde le fil aura une grande tension mais il sera difficile de produire un fil fin.

L’écheveau de coton est enroulé autour du poignet et l’extrémité la plus fine est attachée sur le fuseau, un mouvement de rotation est imprimé à ce dernier par l’une des mains, l’autre main pressant l’extrémité du coton. Ce type de filage et le fil ainsi formé résulte de la quantité de fibres libérée, de la traction (le poids du fuseau) et de la torsion exercées. En effet, deux types de torsion sont possibles, en S ou en Z. Lorsque l’opération est terminée, le fil doit être bloqué en tension afin d’éviter qu’il ne frise ou se défasse, et doit rester ainsi pendant quelques heures pour bien se fixer.

Par la suite, il est possible d’assembler les fils ainsi formés pour en obtenir un nouveau plus épais. Les extrémités de deux fils simples sur leur fuseau sont attachées ensemble sur un troisième fuseau, plus large. La même action de filage est engagée, les deux fils se déroulent alors de leur fuseau respectif pour s’enrouler ensemble sur le troisième.Ce travail du coton donne lieu à des réalisations diverses. En fonction de l’épaisseur des fils créés ces derniers sont utilisés pour la fabrication de hamacs, de filets de pêche ou pour les ornements corporels comme dans le cas présent.

J-M. Hurault, F. et P. Grenand, 1998

Fuseau, Wayana, Guyane71.1939.25.663

© Musée du Quai Branly

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LA FIBRE VéGéTALE ET LA RéSINE :

Présence sur l’objet :Il s’agit d’un fil réalisé en fibre végétale enduit d’une résine à l’origine non-identifiée. Ce fil très fin est utilisé pour nouer la hampe repliée des plumes.

Nature de la fibre :Les recherches de terrain et bibliographiques ont permis d’en apprendre plus sur cette fibre mais une incertitude subsiste.Des personnes Kali’na et Wayana ont été interrogées quant à la nature de cette fibre. Les réponses étaient toujours identiques et sans hésitation, il s’agit du kulawa na na chez les Kali’na et du kulaiwa chez les Wayana. Ce nom de plante est ici utilisé pour désigner les fils réalisés à partir de cette dernière. Les fils présents sur les objets sont donc des fils de kulaiwat. Mais l’identification précise du kulaiwat reste pour nous incertaine.Cette information a été recoupée avec différentes sources bibliographiques.Dans l’ouvrage de W. Roth4, il est mention du kuruaua, terme correspondant et dont les techniques de travail sont les mêmes que celles décrites sur le terrain. Ce terme correspond à la plante Bromélia.Le terme kulawa est également référencé dans le dictionnaire wayapi-français de F. Grenand5, et correspond au Bromélia karatas. Enfin la thèse de D. Davy mentionne également cette plante, en recensant les différents termes utilisés dans les différentes langues de Guyane. Ainsi le Bromélia karatas correspond bien au kulaiwat chez les Wayana et au kulawa na na chez les Kali’na.6Mais d’autres sources associent le kulaiwat aux Agaves. Cette étude met en évidence la disproportion des informations, celles rapprochant le kulaiwat au Bromelia karatas sont plus nombreuses et plus rigoureuses. C’est pourquoi, tout en conservant une petite incertitude, nous considérons qu’il est plus fiable de rapprocher les fibres étudiées de celles du Bromélia karatas. En revanche nous utiliserons le terme de kulaiwat pour les désigner tout au long de l’étude car cela semble plus pertinent compte tenu de la situation.

Taxonomie 7 :

4. Ibid., 114.

5. Françoise Grenand, Dictionnaire wayãpi-français: lexique français-wayãpi : Guyane française (Peeters Publishers, 1989),

239.

6. Damien Davy, « “Vannerie et vanniers” : approche ethnologique d’une activité artisanale en Guyane française » (Thèse

de doctorat, [s.n.], 2007).

7. « SITI * Amérique du Nord », s. d., http://itis.gbif.net/pls/itisca/taxaget?p_ifx=plglt&p_lang=fr.

Règne : PlantaeSous-règne : TracheobiontaDivision : MagnoliophytaClasse : LiliopsidaSous-classe : ZingiberidaeOrdre : BromelialesFamille : BromeliaceaeGenre : BromeliaEspèce : Bromelia Karatas

Règne : PlantaeSous-règne : TracheobiontaDivision : MagnoliophytaClasse : LiliopsidaSous-classe : LiliidaeOrdre : AsparagalesFamille : AsparagaceaeGenre : Agave

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Extraction de la fibre de kulaiwat©Roth W. E., 1924

Nature de la résine :Sur les objets, la résine noire est visible au niveau des nœuds formés autour des plumes.Lors du voyage les interlocuteurs Kali’na et Wayana ont été unanimes pour qualifier cette résine de mani. D’après la thèse de D. Davy, « le mani est fabriqué à partir du latex jaune de Symphonia globulifera. […] Ce latex est bouilli puis coulé dans la tige creuse d’un bambou ou d’un bois canon (Cecropia spp.) afin de lui donner sa forme en pain. » Cette utilisation se retrouve chez les différents groupes amérindiens du plateau des Guyanes, à quelques variantes près. Certains y ajoutent de la cire d’abeille (Arawak-Lokono, Palikur), des cendres, des feuilles de coton…8 Sur le terrain nous n’avons pu confirmer cette technique de fabrication par manque d’information à ce sujet. En revanche nous avons pu observer un morceau de mani non travaillé, de forme irrégulière, de couleur grise, et un morceau travaillé, de forme cylindrique et de couleur noire.

Le travail du kulaiwat :Concernant cette technique, source bibliographique et témoignages recueillis lors du voyage concordent. Mais nous n’avons pu observer de nous même ce travail, la description en reste donc abstraite et peu précise.La description qu’en fait W. E. Roth9 correspond à celle rapportée par un interlocuteur Wayana.Une feuille est fixée par une boucle de corde attachée à un support stable. Cette boucle arrive environ au niveau de la tête de l’utilisateur. La feuille est suspendue par son extrémité la plus fine. Cette dernière est ensuite attachée autour d’un bâton rigide et maintenue en position dans la main. L’ensemble est vivement tiré vers le bas. Cette action a pour effet de déchirer la partie de la feuille externe entourant les fibres internes. Désormais des lambeaux déchirés pendent autour des fibres internes. Ils sont retirés régulièrement et jetés afin de ne conserver que les fibres internes.

8. Davy, « Vannerie et vanniers ».

9. Roth, An introductory study of the arts, crafts, and customs of the Guiana indians.

Echantillon de mani.Musée des cultures guyanaises.

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La description du kulaiwat par Daniel Schoepf dans sa fiche de collecte pour le MCG10 nous apprend que : « Les fibres de kulaiwat sont séparées en quantités égales puis roulées avec une main sur une cuisse tandis que l’autre main maintient les fibres tendues. Pour être prolongés, les brins sont joints entre eux, leurs extrémités par le même mouvement, et les cordelettes sont formées de la même manière à l’aide de deux ou trois brins. »

Le fil ainsi formé est conservé sous forme d’un écheveau. Lorsqu’un morceau va être utilisé il est enduit de la résine mani. La technique consiste à enrouler une fois le fil autour du bloc de mani et à tirer vivement, ou à frictionner le bloc sur le fil tendu. Par l’effet de chaleur provoquer la mani fond et recouvre la fibre. Cet ensemble permet d’obtenir un fil plus résistant, imperméabilisé et plus adhérent.

Ce travail d’extraction des fibres de fabrication du fil et de travail du mani est un travail traditionnellement masculin.

10. Voir annexe

©Roth W. E., 1924Fibres végétales de kulaiwat, provenance wayana.

Musée des cultures guyanaises. 91.7.141

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ANALYSE IRTF11 DE LA RéSINE :Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Laboratoire de Chimie appliquée à l’Art et à l’Archéologie.Travaux dirrigés par Céline Joliot et Cathy Vieillescases.

Un échantillon de mani provenant de Guyane a été analysé en IRTF, selon la méthode de la pastille de KBr. Un prélèvement de mani provenant d’un fragment de l’objet 60003470 (MC) a également été analysé selon la même méthode.

11. Sepctroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier

Echantillon de mani provenant de Guyane.

Fragment de plume, fil de kulaiwat et mani désolidarisé de l’objet.

Vue en loupe binoculaire

Vue au microscope du mani 4x/0.10

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RESULTATS, interprétés par Céline Joliot :

417,

051037

1090

1380

1455

163317

292850

2922

3425

Echantillon résine manil

84

86

88

90

92

94

96

98 100

%T

1282

1376

1451

1602

1733

2849

2917

Matière résineuse

30

40

50

60

70

80

%T

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 Nombre d'onde (cm-1)

L’échantillon de résine et la matière résineuse comparée dans ces deux spectres montrent à la fois des similitudes et des divergences (notamment au niveau de la bande d’hydratation).En fait la résine Manil ou Manni provenant de « Symphonia globulifera » est exsudé de l’arbre appelé latex.La matière résineuse contient les bandes caractéristiques des résines polyterpéniques végétales :C=O à 1733 cm-1C-H à 2917 / 2849Et d’autres bandes caractéristiques de l’empreinte digitale à 1451 / 1376 / 1282 des C-H

L’échantillon de résine Manil prélevé quant à lui présente des bandes caractéristiques supplémentaires compatibles avec les gommes-résines :O-H à 3425C=O à 1633 pour les gommes et 1729 pour les résinesC-H à 2922 / 2850Et d’autres bandes caractéristiques de l’empreinte digitale à 1455 / 1380 des C-H

En conclusion le matériau analysé se rattache plus à une résine polyterpénique, mais ne présente pas les bandes d’hydratations mise en évidence dans la résine native de latex standard. Peut-être du à la mise en œuvre de l’échantillon pour son utilisation.

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A.II - 2. FICHES OISEAUX

Taxonomie1 :

Nom français Nom latin Genre Famille OrdreCoq Gallus gallus Gallus Phasianidae GalliformesAra bleu Ara ararauna Ara Psittacidae PsittaciformesAra chloroptère Ara chloropterus Ara Psittacidae PsittaciformesAra rouge Ara macao Ara Psittacidae PsittaciformesToucan Ramphastos

(vitellinus, tucanus, toco)

Ramphastos Ramphastidae Piciformes

Hocco Crax alector Crax Cracidae CraciformesAigrette Egretta (thula,

garzette)Egretta Ardéidae Pélécaniformes

Anhinga anhinga Anhinga d’Amérique

Anhinga Anhingidae Suliformes

Morphnus guianensis

Harpie huppée Morphnus Accipitridae Accipitriformes

1. « SITI * Amérique du Nord ».

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COQ, Gallus gallus Ordre : GalliformesFamille : Phasianidés Taille : 50 à 55 cm

Identification : Sous-espèces : il y a cinq sous-espèces qui se caractérisent par la variation dans la taille de la crête et des barbillons ainsi que par la longueur et la couleur des plumes qui ornent le cou des mâles. Coq doré de Cochinchine : (G. g. gallus), coq doré de Birmanie : (G.g. spadiceus), coq doré du Tonkin : (G. g. jabouillei), coq doré de l’Inde : (G. g. murghi) et coq doré de Java : (G. g. bankiva).

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ARA BLEU, Ara ararauna Ordre : PsittaciformesFamille : Psittacidés Taille : 86 à 94 cm Envergure : 104 à 114 cm Longévité : 60 ans

Distribution :

Identification : Le front et les côtés de la tête jusqu’en arrière de l’œil affichent une couleur vert éclatant qui se fond en outremer brillant sur le capuchon et sur la nuque. Les parties supérieures et les couvertures alaires sont bleu-outremer brillant. Les rémiges sont bleu-violet foncé dessus, jaune doré ou brun-olive dessous selon la lumière. Le dessous des ailes est jaune. Les côtés du cou et les oreillons sont recouverts par une large tache jaune, elle-même bordée par une strie noire qui s’élargit sous les joues en formant un menton entièrement noir. Les parties inférieures sont jaune brillant avec de légères infiltrations orange ; les sous-caudales sont bleues. Le dessus de la queue est violet foncé avec des infiltrations bleu-outremer. Le dessous de la queue est jaune doré ou brun-olive selon l’éclairage. Le bec est gris sombre. La peau nue qui recouvre la cire et la face est blanche, traversée par de minces filets de plumes noires qui sont particulièrement visibles sur les lores et le haut des joues. Les iris sont jaune pâle. Les pattes sont gris sombre. Les sexes sont identiques. Les immatures ont des iris bruns.

Distribution : L’ara bleu est endémique du bassin de l’Amazone, en Amérique du Sud. Son aire de distribution déborde sur les Guyanes, le Vénézuela au sud de l’Orenoque, le nord-est du Pérou et le nord de la Bolivie. En direction du sud, elle s’arrête à la limite du Paraguay. Deux populations isolées vivent en Equateur et le nord-ouest de la Colombie. L’espèce est considérée comme monotypique (pas de sous-espèces).

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ARA CHLOROPTERE, Ara chloropterus Ordre : PsittaciformesFamille : Psittacidés Taille : 90 à 95 cm

Distribution :

Identification : Chez le mâle adulte, le front, le capuchon, les côtés du cou, la nuque et le manteau forment un bel ensemble rouge. Les couvertures moyennes, les scapulaires et les tertiaires sont vertes. Le dos, le croupion et les sus-caudales sont bleus. La queue est rouge avec une pointe bleue. Le dessous des ailes et les parties inférieures sont entièrement rouges, excepté les couvertures sous-caudales qui sont bleu-clair. La mandibule supérieure est majoritairement blanc-ivoire, sauf le bord tranchant qui est noir. La mandibule inférieure est noire. Les joues sont recouvertes d’une peau nue blanche sur lesquelles serpentent de fines lignes de plumes rouges. Les iris sont jaune pâle. Les pieds sont noirs. Les femelles sont semblables à leurs partenaires. Les immatures ont une queue plus brève et un iris brun. Ils ont parfois également un peu de jaune sur les couvertures alaires.

Distribution : L’ara chloroptère est endémique du nord et du centre de l’Amérique du Sud. Son aire de distribution est découpée en deux parties très inégales. La première partie, située à l’ouest des Andes, s’étend sur une faible superficie de l’est du Panama jusqu’au nord-ouest de la Colombie. La seconde partie, de loin la plus étendue, se situe à l’est des Andes, part de l’est de la Colombie, du Venezuela et des Guyanes et se poursuit à travers toute l’Amazonie jusqu’au sud du Parana et au Mato Grosso, au Brésil. En direction de l’ouest et du sud, elle s’étend jusqu’à l’est de l’Equateur, l’est du Pérou et de la Bolivie, le Paraguay et le nord de l’Argentine. En dépit de la grande superficie de son aire, l’espèce est considérée comme monotypique (pas de variations géographiques).

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ARA ROUGE, Ara macao Ordre : PsittaciformesFamille : Psittacidés Biométrie : Taille : 84 à 89 cm

Distribution :

Identification : Chez les adultes, la tête et une grande partie du corps sont rouge écarlate. La nuque et le haut du manteau sont rouges brillant. Les plumes du bas du manteau sont rouges avec des pointes jaunes alors que celles des scapulaires sont jaunes avec des terminaisons vertes. Le dos et les sus-caudales affichent une couleur bleu éclatant. Les couvertures inférieures sont rouges brillant, contrastant avec les couvertures moyennes qui sont jaunes avec des bordures vertes plus ou moins larges. Les couvertures primaires et l’alula sont bleus. Les rémiges sont bleues sur le dessus, vert-olive et rouges sur le dessous. Les axillaires et le dessous des ailes sont rouges. Les parties inférieures de la gorge jusqu’au ventre présentent un ensemble rouge brillant qui tranche avec les sous-caudales bleu pâle. Les rectrices centrales du dessus de la queue sont rouges avec des pointes bleu pâle. Les rectrices externes sont bleues. Le dessous de la queue est majoritairement rouge. La mandibule supérieure fortement recourbée affiche une couleur corne avec une pointe noire. La massive mandibule inférieure est entièrement noirâtre. La peau nue des lores et des joues est blanchâtre mais prend une nuance rosâtre pendant les moments d’excitation. Les iris sont jaunes. Les pattes sont noir charbonneux.

Distribution : L’ara rouge est endémique de l’Amérique Centrale et du nord de l’Amérique du Sud. En Amérique Centrale, cet oiseau est présent du sud-est du Mexique jusqu’au nord-est du Nicaragua et du Costa Rica jusqu’au Panama. Dans le nord de la Colombie, une population isolée occupe la vallée de la Magdalena. La partie principale de son aire se situe sur le continent sud-américain, couvrant toute l’Amazonie du Vénézuela et des Guyanes jusqu’à l’Equateur, le Pérou, la Bolivie. Elle s’étend à travers tout le Brésil jusqu’au nord du Mato Grosso. L’ara rouge est un oiseau des régions basses. On le trouve généralement en dessous de 500 m d’altitude, même s’il lui arrive parfois de grimper jusqu’à 1000 mètres. L’ara rouge comporte 2 sous-espèces : A.m. macao, la race nominale, (du Costa Rica jusqu’en Amérique du Sud) - A.m. cyanoptera (du sud-est du Mexique jusqu’au Belize et au Nicaragua).

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TOUCAN VITELLIN, Ramphastos vitellinus Ordre : PiciformesFamille : Ramphastidés Biométrie : Taille : 44 à 48 cm

Identification : Chez la race nominale du toucan vitellin, les parties supérieures sont entièrement noires avec un lustre brillant, y compris les ailes et la queue. La calotte, la nuque et le manteau sont également noirs. Le croupion est rouge écarlate. Les joues, la zone malaire et le menton affichent une teinte blanche. La poitrine est jaune sulfuré, bordée sur les côtés et sur le dessous par une zone blanche. La zone de transition entre la poitrine et le ventre est assurée par une bande rouge écarlate, pas aussi large que chez certaines sous-espèces. Le ventre et les flancs sont noirs, contrastant avec la zone anale et les sous-caudales rouge écarlate. Le bec, long et légèrement incurvé, est entièrement noir, excepté une irrégulière bande bleu clair à la base. La peau orbitale est bleue. L’iris est brun avec un anneau un peu plus sombre qui entoure l’œil. Les pattes et les pieds sont bleus ou gris-bleu. Il ne faut pas confondre le toucan vitellin avec le toucan ariel qui a une poitrine entièrement orange sans la moindre nuance de blanc. Ce dernier diffère également par une bande pectorale rouge nettement plus large, la plus large des 4 sous-espèces de toucan vitellin. Sa peau orbitale est rouge, et non pas bleue. La bande à la base du bec est jaune pâle et change également par rapport à celle de la race nominale.

Distribution : Le toucan vitellin est une espèce endémique d’Amérique du Sud. Son aire couvre principalement la forêt amazonienne du nord-ouest et du centre du Brésil. Elle s’étend en direction du nord jusqu’aux Guyanes et au nord-ouest du Venezuela, en direction de l’ouest jusqu’aux premiers contreforts des Andes, en Colombie, en Equateur, au Pérou et en Bolivie. La race ariel occupe une fine bande sur la côte est du Brésil, de Florianopolis à Salvador, dans les états de Santa Catarina, Sao Paulo, Rio de Janeiro, Espirito Santo et Bahia.

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HOCCO ALECTORCrax alector Ordre : GalliformesFamille : Cracidés Taille : 85 à 95 cm

Distribution :

Identification : Les hoccos alector ont un plumage presque entièrement noir brillant. Seuls le ventre, les flancs et le dessous de la base de la queue sont blancs. Chez les 2 sexes, les rectrices sont entièrement noires. Cette espèce se distingue cependant des autres oiseaux du genre Crax par sa huppe plus courte et moins fournie. Contrairement à eux, elle ne possède véritablement ni bosse ni caroncules aux environs du bec. Dans les cas les plus extrêmes, la cire est simplement gonflée. Le bec paraît plus fin et plus allongé que chez les autres hoccos. Les pattes sont grises. C’est la seule espèce du genre Crax où la femelle est presque identique au mâle. Toutefois, la crête de la première est ornée de quelques fines barres blanches, caractère qui n’est pas toujours visible sur le terrain. La race erythrognatha qui vit dans l’ouest de l’aire a une cire rouge-orange, tandis que la race nominale alector qui vit dans l’est du territoire a une cire jaune.

Distribution : Les hoccos alector sont originaires du nord-ouest de l’Amérique du Sud , de l’embouchure de l’Amazone jusqu’au sud-centre de la Colombie. Deux races sont officiellement reconnues et sont différenciées grâce à la couleur de leur cire (voir description) : C.a. erythrognatha (est de la Colombie, Vénézuela au sud du fleuve Orénoque, excepté l’extrême est) - C.a. alector (extrême est du Vénézuela, les Guyanes, le nord du Brésil au nord du fleuve Amazone).

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AIGRETTE NEIGEUSEEgretta thula Ordre : CiconiiformesFamille : Ardéidés Taille : 56 à 66 cm

Distribution :

ANHINGA D’AMERIQUEAnhinga anhinga Ordre : PélécaniformesFamille : Anhingidés Taille : 75 à 95 cm

Distribution :

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HARPIE HUPPéE, Morphnus guianensisOrdre : AccipitriformesFamille : AccipitridésTaille : 78 à 89 cm

Distribution :

Identification :Cet aigle des forêts possède une assez grande taille mais une constitution peu robuste. Ses ailes sont larges avec des extrémités franchement rondes, sa queue est très allongée. Une petite crête noire pointe en arrière de la nuque. La harpie huppée peut être observée dans plusieurs phases. Dans la phase claire qui est la plus courante, les individus ont des parties supérieures noir brunâtre. La tête, le cou, la gorge et le haut de la poitrine sont gris pâle avec une légère nuance de brun, ce qui provoque un fort contraste avec le bas de la poitrine et l’abdomen qui sont nettement blancs. Le bas des parties inférieures est parfois légèrement barré de brun. La longue queue noire porte trois larges bandes gris cendré qui sont espacées régulièrement. Harpie huppée En vol, vu du dessous, les harpies huppées présentent des lignes brunâtres sous les ailes ainsi que des barres noires et grises sur les rémiges.Dans la phase dite barrée, les adultes sont assez ressemblants à ceux de la phase précédente. Toutefois, la tête, le cou et le haut de la poitrine sont gris foncé, le reste des parties inférieures et le dessous des ailes étant blancs avec d’abondantes et de grossières barres noires. Il existe également une phase intermédiaire et une phase entièrement sombre.Les immatures ont un dessus noirâtre moucheté de blanc. La tête, le cou et le dessous sont entièrement blancs. Les lores sont gris-ardoise et la crête blanche est terminée par une pointe noire. La longue queue grisâtre porte 7 ou 8 étroites bandes sombres. Les immatures mettent plusieurs années avant d’atteindre leur plumage adulte.

Distribution :L’harpie huppée est endémique de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud. Son aire de distribution s’étend du Honduras jusqu’à l’ouest de l’Equateur, à la Bolivie, au Paraguay, au nord-est de l’Argentine et au sud-est du Brésil. Compte-tenu des latitudes fréquentées, elle est considérée comme une espèce sédentaire sur l’ensemble de son territoire. Malgré la grande superficie Harpie huppée de ce dernier, on la traite généralement comme un oiseau monotypique, c’est à dire qu’on ne la divise pas en sous-espèces.

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A.II - 3. GLOSSAIRE DE LA PLUME

D’après A Dictionary of Birds, article : Feather

Calamus : Cylindre en creux dont la partie basse est fixée à l’intérieur de la peau de l’oiseau. Partie la plus rigide de la plume. Blanc chez toutes les espèces.Rachis : Prolongement du calamus mais plus fin. Structure pleine. Il supporte les barbes.Vexille : Ensemble de barbes situées d’un côté du rachis.Barbe : Ramure supportant les barbules.Barbules : Ramification issue des barbes. Chaque barbe comporte deux types de barbules : les barbules proximales et les barbules distales dont la structure est différente afin qu’elles puissent s’accrocher entre elles par la superposition des plumes.Barbicelles ou crochets : ils sont présents sur les barbules distales. Ils s’accrochent aux barbules proximales de la barbe supérieure.Hypopène : Plume secondaire attachée à la base du rachis et souvent de taille inférieure à la plume principale et de structure duveteuse. Présent sur seulement quelques espèces.Duvet : Les barbules du duvet présentent la caractéristique d’être démunies de barbicelles, la structure des barbes est donc déliée. Le duvet peut être plus ou moins présent sur une tectrice à partir de sa base, certaines ne sont composées que de duvet.

Schéma barbes et barbules : D’après Lucas and Stettenheim, 1972, repris dans Hudon, 2005

Segment de deux barbes

Schéma de barbules

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A.II - 4. TAPIRAGE

En tant qu’élément de comparaison, d’autres objets, n’appartenant pas au corpus mais étudiés en parallèle au sein des ateliers du musée du Quai Branly ont révélé de manière plus évidente la présence de tapirage. Notamment le 71.1934.33.517.

Sur cet objet sont présentent des plumes partiellement bleues et rose, caractéristique qui n’existe pas à l’état naturel, et d’autres plumes de forme et structure similaires sont entièrement rose et jaunes. Ces indices sont particulièrement caractéristiques d’un tapirage. C’est notamment l’avis de J. Cuisin (MNHN). La forme et la structure de ces plumes permettent de supposer qu’il s’agirait de plumes d’ara ararauna bleue tapirées.Scientifiquement, cette transformation peut s’expliquer ainsi : la couleur bleue des plumes est liée à la structure physique de la kératine (pour plus de détails voir : Partie II. I. : Caractéristiques physico-chimique des plumes. Les couleurs structurales). Mais cette plume peut également comporter quelques pigments mélaniques clairs ainsi que quelques pigments caroténoïdes. L’opération de tapirage aurait pour effet de détruire partiellement ou totalement les particules physiques responsables de la couleur bleue. Ainsi lors de la repousse seuls les pigments présents au sein de la plume s’expriment. C’est pourquoi ces dernières deviennent très claires, à tendance jaune ou rose (mélanines et caroténoïdes).Il est par ailleurs possible de supposer que les couleurs très pales soient liées à un état dégradé de la plume. En effet les plumes ayant subit un tapirage pourraient être plus sensibles et sujettes aux altérations.

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A.III - 1. TRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC MME. FRANSISCA YAMPA

Galibi,Le 02 février 2012Enregistrement sonore : Samia AugusteEnregistrement vidéo : Cécile BenecchiPhotographies : Thomas MouzardMeneur d’entretien : Rosiane Tiouka et Raymond Malajuwara

Ecoute, traduction et transcription de l’entretien à la mairie d’Awala,Le 03 février 2012,Traduction : Raymond Malajuwara, Rosiane TioukaIl s’agit ici d’un texte résumé à partir de la traduction, il ne s’agit pas d’une transcription mot à mot des propos échangés.

Rosiane présente le projet à Mme. Fransisca Yampa et lui explique notre recherche sur les ornements de plumes.

F. : Les ornements de plumes sont différents en fonction de chaque groupe : Kali’na, Wayana, Tirio… Ceux de la forêt ne manquent pas d’oiseaux et donc de plumes, à la différence des Kali’na, ils peuvent donc faire tout ce qu’ils veulent.Moi par exemple, je me procure les plumes chez les gens de Galibi, qui ont chassé des oiseaux. Je les collecte petit à petit jusqu’à en faire une couronne.

Elle montre trois couronnes qu’elle a faites.L’une est réalisée avec les plumes d’ara (ara ararauna), l’autre en plumes d’aigle et la troisième en plumes de perroquet.

F. : Dernièrement j’ai vu un documentaire à la télévision sur les couronnes de plumes. Et j’ai vu d’autres façons de faire. La personne qui faisait ces couronnes les fabriquait à sa manière, il a la chance d’avoir beaucoup de plumes et peut faire ce qu’il veut.

Rosiane lui demande quelles techniques d’attache elle utilise.

F. : Les fils, parce la colle n’est pas efficace. Lorsque j’attache les plumes je serre les fils vraiment fort pour qu’elles ne bougent plus. Les couronnes que je réalise en ce moment sont pour mes petits fils. Je les fait de la même couleur pour qu’un jour, s’il y a une cérémonie ou une grande fête ils puissent les mettre. Après avoir finit les couronnes, je ferais Ang’ca (le châle traditionnel).

R. : à quel moment porte-t-on les couronnes et qui peut les porter?

ANNEXES PARTIE III

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F. : Pendant les grandes cérémonies. Les femmes et les hommes peuvent les porter.Dernièrement je me suis rendue dans un village du sud du Surinam et j’ai ramenée des flèches. Parce qu’il n’y a plus personnes qui fait ou utilise des flèches ici. Nous faisions cela avant, nos anciens utilisaient cela pour chasser.On utilisait aussi les couronnes avant, pour les grandes cérémonies Epekotono et aussi pour les cérémonies Adamolepano (pour devenir chamane).Avant, lorsque les Kali’na étaient en guerre, ils portaient les couronnes pour qu’on les reconnaissent de loin. Et le Konu (ou Gran Man ou roi) portait le plus grand.J’ai entendu pleins d’histoires. Avant les gens ne savaient pas lire ni écrire, mais ils savaient ce qu’ils faisaient.J’ai vu mon père écrire sur le bois du carbet pour compter le temps pendant lequel ma mère était enceinte, puis l’âge de l’enfant jusqu’à dix ans. Avant les grandes personnes utilisaient ces méthodes. Et depuis les blancs nous ont trouvés, emmenés, appris à écrire et à lire.

Rosiane montre à Fransisca les photos des objets conservés au Quai Branly et au musée des Confluences.R. : Avez-vous déjà vu ce genre d’objets, est-ce qu’ils sont Kali’na ? Ils sont référencés Kali’na au musée mais cela n’est pas sure.

F. : Je n’ai encore jamais vu ce genre d’objet.Ils sont fait avec les petites plumes « ichigipyo » (petites plumes des pates), de l’aigrette et du ara.

Parmis les photos elle distingue l’objet fait de plumes principalement orange.

F. : Celui-ci provient de ceux qui habitent dans la fôret. Il s’agit d’un collier, « ayenegalu ». Je pense que les autres aussi sont des colliers.Celui avec la vannerie, il peut être fait de plusieurs façons : avec les feuilles de maripa ou avec le palmier kumu. Avec le palmier kumu l’objet est parfait et tient bien sur la tête alors que le maripa est plus fragile.Les fils sont réalisés en coton travaillé à la main : « malu ».L’autre fil est réalisé en kulawa na na, qui a été travaillé avec le mani. Les zones noires sont ainsi à cause du mani, il permet de coller et que tout soit bien fixé.

Elle regarde les photos des Amérindiens au jardin d’acclimatation.

F. : J’ai entendu dernièrement une histoire sur eux qui m’a blessée. Les corps des deux personnes qui ne sont pas revenues sont toujours exposés au musée dans une vitrine de verre et les gens payent pour aller les voir, pour savoir comment étaient les amérindiens.

R. : Et pour les ornements de plumes, pensez vous que c’est une bonne chose de les exposer ?

F. : Oui c’est une bonne idée pour moi. Parce que demain si toi par exemple tu réussis dans ton travail, tu peux aller toi même les regarder dans les musées et tu peux apprendre ce que les anciens faisaient. Tu te poseras des questions, ça te fera réfléchir et tu pourras le transmettre aux autres, tu pourras leur raconter et aussi leur dire d’en faire à nouveau.Les blancs écrivent tout et c’est pour cela que leur histoire ne se perd pas.

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Moi je n’ai jamais vu ces objets, je mets mon imagination dans mes couronnes. Je les fais par rapport à ce que mes grands parents m’ont raconté. Cela fait plusieurs années que je fais ça, je ne me rappelle plus quand j’ai commencé, cela fait longtemps.

Raymond lui demande si elle pense qu’il s’agit d’une bonne idée de construire un musée ici, par et pour les Amérindiens.

F. : Justement je pensais à cela. Dernièrement j’en ai parlé au chef coutumier, je lui ais dit qu’il fallait fabriquer des choses anciennes à nouveau, comme les anciens faisaient. Et le chef coutumier pensait aussi à cela.Je pense donc que c’est une bonne idée, même si au début ce n’est pas très grand, une petite maison que l’on peut ensuite agrandir au fur et à mesure.Si l’on ne fait rien dans l’avenir, nos souvenirs vont se perdre. C’est pour cela que moi en ce moment j’ai envie de faire tout le reste et pas seulement les couronnes : les kamicha (pagne que porte les hommes lors des cérémonies) ou les apond’nanon (bracelet portés sur le biceps).J’ai dit au chef coutumier ; quand est-ce qu’on commence ? Allons essayer même si nous ne sommes que deux, trois personnes. Regarde comme les bushinenge avancent, ils ont construit leur musée, et nous ce n’est pas normal de rester comme ça.Je trouve donc ce projet important.

Raymond lui explique que c’est là le projet prévu à Awala.Il lui demande ensuite si elle peut réparer la couronne qu’elle lui a faite il y a environ sept ans, pour qu’elle ajoute de grandes plumes de ara (pour la cérémonie epekotono qui aura lieu à Galibi en septembre).Mais elle ne peut pas juste les ajouter et doit tout refaire.

Fransisca montre la couronne qui est presque terminée elle explique qu’il reste à couper les plumes du bas.Elle nous montre ensuite des plumes qu’elle garde dans des sachets.Nous lui demandons s’il y a une différence entre les coiffes pour les hommes et celles pour les femmes.Elle explique que les pompons sont différents, pour les femmes ils ont une forme plus ronde. Et les plumes sont plus courtes pour les femmes.

R. : Est-ce que vous utilisez aussi des oiseaux domestiques pour faire les couronnes ?

F. : Seulement si les plumes sont vraiment belles, car elles sont très dure à percer.

Nous comprenons donc que, pour sa technique d’attache des plumes, elle perce la hampe pour qu’elles soient bien maintenues.

Enfin nous lui demandons son âge : 77 ans.

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A.III - 2. LES ORNEMENTS FABRIQUéS PAR MME. FRANSISCA YAMPA

Nous avons d’abord rencontré la responsable de l’association Worian Uwaponaka à Galibi. Cette dame possède une parure confectionnée par Mme Fransisca Yampa, qu’elle a acceptée de nous montrer. Ensuite nous nous sommes rendus chez Mme Yampa pour recueillir son témoignage. Elle a également accepté de nous montrer les couronnes, oumali, qu’elle réalise. Les oumali que nous avons vues sont tous fabriqués sur un même modèle de base : une filière réalisée avec les rectrices ou rémiges (plumes de la queue ou des ailes) d’une ou plusieurs espèces d’oiseaux, parfois superposées, formant une filière complexe. Elles se portent nouées autour du crane, les plumes dressées vers le haut. Les hommes et les femmes peuvent revêtir ce type de parure, mais les femmes portent des plumes plus courtes que les hommes. Les plumes sont organisées de façon à ce que les plus grandes soient au milieu et qu’elles diminuent en taille de chaque côté, ou bien, une plume plus grande que toutes les autres marque le milieu.Le type même de plumes utilisé est différent des objets étudiés car ces derniers ne sont fait qu’avec les petites tectrices (plumes du corps de l’oiseau, fines et peu rigides). Cette différence est primordial pour l’effet provoqué, ainsi, une filière de plumes rigides reste dressée sur la tête, alors que les objets étudiés sont trop souples et retomberaient sur le crane s’ils étaient portés de la même manière.Ici, les plumes sont donc montées en filière par un tressage de fils de coton qui les maintiennent. Une fois l’ensemble fixé, les calamus sont recoupés pour s’arrêter net. Aucun travail de découpe sommitale des plumes n’a été observé sur les coiffes présentées. La technique d’attache des plumes est donc différente de celle des objets étudiés (décrite en partie II). En revanche, la façon d’arrêter les filières, en terminant par une tresse de chaque côté est similaire dans les deux cas.La particularité des parures de Mme. Fransisca Yampa est qu’elles sont munies de pompons. Une fois la filière terminée, ces derniers sont ajoutés sur la base des plumes, ce qui a pour effet de masquer les liens. Parfois une bande de tissu recouvre le bas de la filière, et les pompons sont alors fixés dessus. Ceux-ci sont également très présents dans la tenue traditionnelle Kali’na : le châle angica, qui est réalisé sur une base de fils et de pompons de différentes couleurs. La présence de ces derniers sur les coiffes pourrait-elle s’apparenter particulièrement à la culture Kali’na ?Lorsque nous avons montré les photos des ornements étudiés à Mme. Fransisca Yampa, celle-ci a reconnu n’avoir jamais vu ce type d’objets auparavant. Elle identifie néanmoins le travail des fils de coton, et le travail de la fibre de kulawa na na avec la résine mani, pour l’attache des plumes. Le kulawa na na et le mani semblent fréquemment utilisées dans la culture matérielle Kali’na. La piste de ces matériaux de fabrication a été approfondie en partie II et en annexe A.II - 1.Comme Mme. Fransisca Yampa nous l’a dit, elle n’a pas appris à fabriquer les couronnes auprès de quelqu’un, mais en entendant ses grands parents en parler. Elle nous dit avoir également vu des documentaires à la télévision sur d’autres ethnies pratiquant la plumasserie. Mais elle revendique le fait de travailler selon sa propre imagination. Les couronnes que nous avons pu voir semblent différentes de celles vues sur des documents d’archive de la culture Kali’na. Cette rencontre ouvre sur plusieurs questions, en quoi le travail de Mme. Fransisca Yampa révèle-t-il une création originale et personnelle ? En quoi s’inscrit-il dans une certaine tradition ou un certain style ? En quoi est-il lié à des informations extérieures ?

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A.IV - 1. MAIL DE DANIEL SCHOEPF

Versoix, le 4 avril 2012

Chère Camille,

Pour faire suite à nos courriers des 22, 26, 27, 28 et 30 mars, je m’efforce donc de répondre à quelques-unes de vos interrogations concernant la parure de plumes (No inv. 6000347 / musée des Confluences) qui est appelée à subir un traitement conservateur et fait l’objet de votre mémoire de fin d’étude à l’Ecole supérieure d’art d’Avignon, et les six pièces, plus ou moins similaires, de votre corpus de référence (Nos inv. 71.1878.14.7+10+19+20+21 et X377483 du musée du Quai Branly).

Relativement au problème d’identification (provenance, ethnie, fonction), Je n’entre pas vraiment en matière concernant une éventuelle affiliation Kalina, anciennement Galibi, de l’une ou l’autre des ces pièces. Je n’ai moi-même jamais eu en mains d’objets de plumasserie de cette provenance et les références iconographiques que je connais sont trop fragmentaires pour que je me prononce. Il convient toutefois de se rappeler que, même jugées très peu fiables ou douteuse, les mentions au registre d’inventaire, ont qualité à y subsister tant, précisément, qu’un doute subsiste. Donc ne pas évacuer totalement la connotation Kalina.

La proposition que vous avancez à savoir que les sept pièces de votre corpus sont d’origine wayana, et que chacune d’elles correspond et s’identifie de fait à l’élément ornemental inférieur de la grande coiffe-costume appelée olok, est convaincante. Elle me paraît fondée et très vraisemblablement correcte. J’y adhère pour l’essentiel des choses et la cautionne largement. Il y a cependant quelques réserves à faire, quelques précisions à suggérer, j’y reviens plus bas.

Je confirme la dénomination wayana pompoma que vous avez relevée à Twenké et à Antecume Pata pour désigner le ruban de filières de plumes constituant l’élément inférieur de l’olok. La même appellation pompoma, avec en parallèle celle, plus fréquemment employée, de lonakan (= «celui ou celle qui est en bas», «celui ou celle qui est vers le bas») m’a été donnée sur le Litani en 1991 à l’occasion de la constitution d’une collection wayana pour le Bureau du Patrimoine Ethnologique de Guyane, aujourd’hui musée des Cultures Guyanaises. J’ignore la signification profonde, étymologique, du terme «pompoma», en tout cas je ne l’ai pas retrouvée.

Venons-en aux réserves que l’on peut émettre quant à l’identification des pièces du corpus. Ces réserves découlent pour une large part du manque de lisibilité des photographies mises à disposition (manque de netteté, angle de prise de vue inadéquat, pas de systématique de positionnement), un handicap que ne redressent qu’en partie les renseignements fournis par l’examen matériel des objets. A cela s’ajoute l’existence d’une pièce (hors corpus, mais peut-être convient-il de l’y intégrer) qui à la

ANNEXES PARTIE IV

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fois illumine, fait problème, et introduit le débat, je veux parler de la couronne de plumes à support discoïdal en vannerie, No inv. 71.1934.33.510 / ex Musée de l’homme, dont la photographie figure dans votre fichier «objfiche 12 ornements de plumes». Il s’agit là d’un type de couronne, très traditionnel et encore largement en usage aujourd’hui, auquel les Wayana donnent le nom de hamèré. Voir développement plus loin

Je relève aussi que le ruban pompoma qui, dans vos séries, correspond peut-être le mieux à l’image que l’on est amené à se faire de ce type de ruban de plumes, est le No inv. X377483 du Musée Branly, une pièce qui a eu un parcours un peu chaotique (elle a perdu son No inv. d’origine) et dont on observe de surcroît que votre examen matériel la distingue de toute les autres en ce sens qu’elle seule fait montre pour le ligaturage des plumes de nœuds simples par opposition aux nœuds en croix. Qu’est-ce à dire ? Que faut-il en déduire ? Est-ce pur hasard ? Ceci signifie-t-il qu’elle est d’une autre provenance ? d’un autre âge ? d’une autre «famille» que la série 1878.14 ?

A propos de la couronne hamèré évoquée ci-dessus*. On ne peut s’empêcher de noter qu’une des caractéristiques fondamentales de l’emplumage de ce type de couronne réside dans la présence, quasi constante, des deux filières blanches de plumes de poule et (ou) plumes de coq, de forme et texture si particulières, celles là même que l’on trouve sur le pompoma de l’olok et qui en font incontestablement aussi la caractéristique. Et mon point de vue, mon argument est que le pompoma est en quelque sorte l’hamèré de l’olok. Donc aussi, qu’il n’est pas absolument impossible que, dans certains cas, l’on puisse les confondre, parce qu’ils sont quasi assimilables, un ruban de filières de pompoma et un ruban de filières de hamèré.

Au demeurant, je tiens à vous faire remarquer que l’olok dans sa partie emplumée, c’est-à-dire dans la portion correspondant au cylindre de vannerie garni des divers rangs de rubans emplumés, s’apparente en quelque sorte à un chapeau haut de forme, le ruban pompoma correspondant assez précisément à ce que l’on pourrait appelé la visière, ou mieux la garniture de la visière. Vous noterez d’ailleurs que sur l’olok, à la base du cylindre, on distingue clairement un élément en saillie, tressé en fibres végétales souples, élément qui figure et fait office de visière (comme l’anneau de vannerie de l’hamèré), les plumes courbées blanches, si spécifiques, de la filière du pompoma est fixée dessus accentuant encore cet effet. Par ailleurs, en de nombreuses circonstances, comme c’est le cas pour le danseur porteur de l’olok, le porteur d’une couronne hamèré danse en ayant le corps recouvert d’une longue «jupe» de franges d’écorce okalat, qui lui recouvre le corps du front aux genoux. *

En tout état de cause, il existe une parenté évidente, voire une filiation, entre le ruban de filières pompoma de l’olok et le ruban de filières de la couronne hamèré.

Une autre interrogation que peut susciter votre corpus découle de fait que, vu que le dit corpus comprend 6 pompoma un tel état de chose induit en quelque sorte que la collection complète devrait «logiquement» compter les six supports correspondants, soit six olok. D’où la question que je vous ai faite relativement à l’importance numérique de la collection 1878.14.

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Voilà, j’en viens brièvement maintenant à l’examen matériel de votre corpus, sur quoi porte probablement l’essentiel de votre travail, puisque aussi bien c’est ce sur quoi se fera prioritairement l’évaluation du mémoire. Vous en connaissez toute l’importance et les exigences, dont notamment la nécessité de formuler des énoncés précis, minutieux et systématiques et d’employer un vocabulaire adéquat. Seule cette systématique fait apparaître et donne à voir les réalités, les différences, les caractéristiques et suscite les questions pertinentes.

Je me permets quelques remarques, suggestions ou conseils:

- N’hésitez pas à avoir recourt au dessin technique, au croquis, au schéma pour palier les carences de la photographie. Rien ne permet mieux de donner à voir et d’expliciter les choses. Ainsi, par exemple, pour l’»assemblage des filières», une illustration de la manière dont les fils de filières se rejoignent et se «poursuivent en tressage de chaque côté « du ruban, serait la bienvenue. Bienvenu aussi un dessin technique reproduisant ce que vous appelez les fils annexes** (liens subsidiaires ?)

- Il est souhaitable que vous choisissiez une fois pour toutes le terme qui vous paraît le plus approprié pour désigner une superposition de filières, donc l’équivalent du pompoma, et que vous vous y teniez. Est-ce un ruban, un bandeau, une bande, un registre ?

- Votre tableau des types de plumes est parfait en ce sens que s’y trouvent répétées à chaque fois les rubriques que vous avez choisi d’y introduire. Un tableau ou simplement une liste équivalente reprenant, un par un, chacune des caractéristiques essentielles de vos 7 objets de référence est proprement indispensable. Aujourd’hui par exemple, je ne suis pas à même de savoir quel est le ruban qui comprend 6 filières et celui qui en compte 11, quelle est la nature de l’altération des plumes ou filières (froissée, pliée, tordue, décolorée, sale, dématérialisée, piquée, trouée, etc) du ruban un tel par rapport à tel autre.

- Remarques ou corrections de détail****: n’employez pas le terme «ensemble» comme vous le faites, il induit le plus souvent à la confusion. Ce n’est pas tant l»’organisation» des filières que plutôt la position, la disposition, la répartition. Pour la plumasserie, la technique est dite technique de la découpe, il n’est pas sûr que les expressions plume «sectionnée», plume «recoupée» soient très appropriées.

* Vous trouverez des photographies d’hamèré dans Indiens de Guyane (photos de Jean Hurault), Editions Autrement. Paris 1998, pages 171 et 179, mais ce ne sont pas les plus illustratives.** Un terme peu évocateur, peu adéquat. Employez éventuellement le terme «lien subsidiaire».*** Concerne en particulier votre fichier «(présentation)»

Voilà, je reste à votre disposition pour d’éventuelles nouvelles questions ou relecture finale, et vous adresse mes meilleures salutations,

Daniel [email protected]

PS. Je vous remets également ce texte sous forme de document window attaché. Veuillez avoir l›amabilité de me transmettre vos coordonnées

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A.IV - 2. FICHE DE COLLECTE MUSéE DES CULTURES GUYANAISES

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