23
FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE 47 RUE DE BABYLONE 75007 PARIS - 01 53 63 37 70 SEPT 08 Mensuel Surface approx. (cm²) : 3813 Page 1/23 JEANTET 3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes citations Oser rinnovation PAR ANDRE-YVES PORTNOFF Deuxjournees de debats sur le theme de /'innovation ont ete orga- nisees, les 26 et 27 septembre 2007, a Margaux, en Gironde, par Oseo, etablissement public destine a financer et accompagner I'inno- vation dans les petites et moyennes entreprises (PME) francaises, et par le conseil regional d'Aquitaine. Ces « Entretiens de Margaux », esquisse d'un « Davos de I'innovation », se tiendront a nouveau en 2009; Us visent a dynamiser et transformer rinnovation en France, en mobilisant les octeurs phares en ce domoine: les PME. Andre-Yves Portnoff, qui a participe a cet echange entre 200 per- sonnalites venues du monde entier, propose, dans ce numero de rentree, un dossier special situant les enseignements des Entretiens de Margaux 2007 dans la perspective des evenements intervenus depuis et de differents travaux recents. Outre les articles de Jean- Paul Colin, Edgar Morin, Herve Serieyx et Jean-Francois Zobrist, Andre-Yves Portnoff presente id les principaux elements a retenir pour la France mais aussi I'Europe. L'heure est grave, affirme-t-il, diagnostiquant un cruel deficit d'in- novation technique et organisationnelle. Les consequences econo- miques et sociales pourraient se reveler de plus en plus lourdes, faute d'investissement suffisant des grands groupes et de vision de long terme en matiere industrielle. II est plus qu'urgent de creer un contexte permettant aux PME d'exprimer et valoriser leur innova- tion, de croitre pour prendre la re/eve de grands groupes vieillissants. Cela passe par la suppression des nombreux blocages existants, par des methodes de management d'inspiration plus humoniste, par plus de partenariats et, plus generalement, par une veritable revolution culturelle rampant avec un jacobinisme excess! fet un cartesianisme reducteur, revolution qui tarde a voir lejour en France, comme dans I'Union europeenne. S.D. • i. Directeur d'etudes, groupe Futuribles, et membre du comite de redaction de Futuribles.

Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 1/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Oser rinnovationPAR ANDRE-YVES PORTNOFF

Deuxjournees de debats sur le theme de /'innovation ont ete orga-nisees, les 26 et 27 septembre 2007, a Margaux, en Gironde, parOseo, etablissement public destine a financer et accompagner I'inno-vation dans les petites et moyennes entreprises (PME) francaises, etpar le conseil regional d'Aquitaine. Ces « Entretiens de Margaux »,esquisse d'un « Davos de I'innovation », se tiendront a nouveau en2009; Us visent a dynamiser et transformer rinnovation en France,en mobilisant les octeurs phares en ce domoine: les PME.

Andre-Yves Portnoff, qui a participe a cet echange entre 200 per-sonnalites venues du monde entier, propose, dans ce numero derentree, un dossier special situant les enseignements des Entretiensde Margaux 2007 dans la perspective des evenements intervenusdepuis et de differents travaux recents. Outre les articles de Jean-Paul Colin, Edgar Morin, Herve Serieyx et Jean-Francois Zobrist,Andre-Yves Portnoff presente id les principaux elements a retenirpour la France mais aussi I'Europe.

L'heure est grave, affirme-t-il, diagnostiquant un cruel deficit d'in-novation technique et organisationnelle. Les consequences econo-miques et sociales pourraient se reveler de plus en plus lourdes,faute d'investissement suffisant des grands groupes et de vision delong terme en matiere industrielle. II est plus qu'urgent de creer uncontexte permettant aux PME d'exprimer et valoriser leur innova-tion, de croitre pour prendre la re/eve de grands groupes vieillissants.Cela passe par la suppression des nombreux blocages existants, pardes methodes de management d'inspiration plus humoniste, par plusde partenariats et, plus generalement, par une veritable revolutionculturelle rampant avec un jacobinisme excess! fet un cartesianismereducteur, revolution qui tarde a voir lejour en France, comme dansI'Union europeenne. S.D. •

i. Directeur d'etudes, groupe Futuribles, et membre du comite de redaction de Futuribles.

Page 2: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 2/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Linnovation comme art de la transition« Si on s'assoit derrière les mêmes machines que les Chinois, on est

foutu. Il faut innover et la clef de l'innovation est dans nos entreprises.Notre chance est de disposer d'un personnel formidable, et nous avons lafarouche volonté de participer à la dynamique économique de la régionAquitaine. » Cette profession de foi d'un petit entrepreneur aquitain traduitbien les conclusions des aoc acteurs de l'innovation réunies lors des Entre-tiens de Margaux des 26-27 septembre 2007 et résumées en « 10 comman-dements ». L'industriel en question, Claude Marquet, n'est pas engagé dansun secteur dit de haute technologie. Il fabrique, avec ses 50 employés,2 ooo pantoufles par jour à Villars, en Dordogne, un village de 350 âmes.Héritier d'une entreprise familiale créée en 1924, Claude Marquet n'a pasattendu une crise pour innover en technique, et surtout dans son organisa-tion des machines et des hommes. Il professe qu'« il n'y a pas d'entrepriseperformante sans salariés heureux » et que le client final achète non plus« notre sueur » mais notre écoute, « notre volonté créatrice et les fruits denos neurones ». Un bon résumé de l'économie de l'immatériel...

L'innovation n'est pas que techniqueClaude Marquet, comme quèlques autres entrepreneurs résistants aux

tentations de démission, a compris que l'Europe a pour choix de laissersombrer son niveau de vie ou de produire plus de valeur en innovant davan-tage et en mobilisant mieux son intelligence collective. L'ancien Premierministre finlandais, Esko Aho 2, a répété à Margaux qu'il est « très impor-tant que nous comprenions que l'innovation n'est pas la même chose quel'invention ou la R&D (recherche-développement) » : celle-ci « transformel'argent en connaissances, alors que l'innovation transforme les connais-sances en argent et [...] dans certains cas en bien-être ». Jean Therme, direc-teur de la Technologie au CEA (Commissariat à l'énergie atomique), en atiré une conséquences trop oubliée : ceux qui exploitent les connaissancespour en faire du développement économique par l'innovation peuvent fortbien ne pas être dans le pays qui a financé les recherches amont. Si l'Europen'est pas assez favorable aux innovateurs, ses recherches vont profiter à sesconcurrents étrangers.

L'innovation est une idée plus ou moins nouvelle, conduite jusqu'à sonutilisation effective dans la société. Définition impliquant que l'idée doit êtreà la fois techniquement réalisable, c'est-à-dire conforme aux lois de la na-ture, et « sociétalement » applicable. En France, Martin Kirsch, haut commis-saire aux Solidarités actives contre la pauvreté, propose une belle formule :« l'innovation, c'est avant tout l'art de la transition ». C'est bien pourquoi lesujet est si dramatiquement vital. Innover, c'est changer pour demeurer

2. Également président du Sita, fonds national finlandais pour la recherche et le développe-ment, et auteur d'un rapport d'experts européens : Créer une Europe innovante. Bruxelles :Commission européenne, 2006.

Page 3: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 3/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

ES 10 COMMANDEMENTS OE M

1) Promouvoir la mise en réseau, le 6) Simplifier et accélérer les processuspartenariat, l'association d'entreprises d'accompagnement de l'innovation.et la mobilité des acteurs. ?) Jouef œ||ect(f ; ^^ et fespon.

2) L'échelon de pertinence des acteurs sabilité indispensables des acteurs dansde l'innovation doit être la proximité la chaîne de l'innovation.régionale couplée à des réseaux élargis g) gn p|gœ de$ out||s e{ de$

3) Intégrer le triple résultat (écono- critères d'évaluation des hommes, desmique, social, environnemental) dans procédures et des structures, cohérentsles gouvernances territoriales et dans avec les objectifs

4) Privilégier l'approche par système du développement durable.dans l'enseignement comme dans le MM[e ^ m ^ ^ ,

management. nmentation afin de sortir des cadres5) Raisonner mondialement et pro- contraignants (marchés publics, codemouvoir des écosystèmes compétitifs, du Travail...).

viable dans un contexte en mutation. La question de l'innovation se confondaujourd'hui, pour les territoires, les entreprises, les citoyens, avec celle de lasurvie dans un monde en mutation constante, sujet à des évolutions nonlinéaires, à des surprises brutales propres aux systèmes complexes.

Un déficit d'innovationLe diagnostic sur notre capacité à innover s'avère donc vital. Daniele

Blondel3 a résumé la situation : « La France n'est pas à un rang convenableen Europe ». Le tableau de bord européen 2006 de l'innovation (TBEI ouHIS) lui donne raison. La France occupe le ioe rang en Europe, loin derrièreles pays Scandinaves, la Suède menant devant le Japon et les États-Unis 4.S'agissant de l'innovation des entreprises, la France recule au 14e rang euro-péen. Les alertes se sont succédé depuis 20 ans 5. Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi 6 indiquaient tout début 2005 que « depuis 1995, la part de

3. Professeur éménte à l'université de Paris IX-Dauphme Cf son intervention au colloque« Réussir les pôles de compétitivité avec les PME innovantes », de l'ANDESE (Associationnationale des docteurs es sciences economiques) / Oséo / MEDEF (Mouvement des entreprisesde France). Pans, 6 décembre 20074 « Convergence des performances en matière d'innovation dans TUE » (Union européenne).Communique de presse, IP/o8/234, 14 février 2008 (Bruxelles)5 PORTNOFF André-Yves « Innovation pour une nuit du 4 août ' » Futunbles, n° 306, mars2005, pp 5-20.

6 In Désmdustnalisation, délocalisations. Pans La documentation Française (rapport duConseil d'analyse économique [CAE] n° 55), 2005

Page 4: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 4/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

la France sur le marche des hautes technologies recule de 8 % par an, avecun decrochage net depuis 1'an 2000 ».

L'Europe dans son ensemble reste en position de faiblesse par rapport ases concurrents majeurs, a la traine d'apres le TBEI 2007 en matiere de re-cherche des entreprises, et en recul pour les exportations de hautes techno-logies. Au niveau sectoriel, les Etats-Unis ont ravi a 1'Europe son leadershipen matiere pharmaceutique. Dans les nanotechnologies, les entreprises in-vestissent moins que le secteur public en Europe, presque deux fois plusaux Etats-Unis, trois fois plus au Japon 7. Aussi, personne n'a fait d'auto-satisfaction a Margaux.

L'occasion manquee du numeriqueSe succedent egalement les rapports donnant de mauvaises notes a la

France en matiere de technologies de 1'information : le classement annueldu Forum economique mondial et de 1'Insead (Institut europeen d'adminis-tration des affaires) place la France au 23e rang sur 127 pays et au i7e pourses entreprises 8. La France est i4e pour 1'acces des menages a Internet dans1'UE 9, avec plus de cinq ans de retard sur 1'Allemagne, et 45 % des Frangaisne se sont jamais connectes a Internet en 2007 I0.

L'electronique grand public est 1'un des secteurs qui se developpent leplus ; il sera sans doute parmi les plus porteurs de croissance et d'emploisdans les decennies a venir, pour lui et les autres branches. Or les grandsgroupes europeens, hors quelques exceptions remarquables comme Nokia,ont passe la main aux Americains et aux Asiatiques, et jouent au mieux unrole d'equipementiers. La position de la France est typique : malgre 1'excel-lence de ses informaticiens, il n'y a aucun Francais parmi les 15 premiersediteurs de logiciels ni parmi les leaders mondiaux des ordinateurs. Cela adeux consequences. Le deficit de la balance commerciale francaise est passede 4 a 12 milliards d'euros entre 2000 et 2007 pour les TIC (technologiesde 1'information et de la communication) dont quatre milliards pour 1'elec-tromque grand public, toute relance de consommation 1'aggrave done. D'autrepart, comment transformer en produits innovants les connaissances pro-duites dans ces domames par 1'Europe, aux frais des contribuables, s'il n'ya pas de societes europeennes ayant la possibilite ou la volonte d'assumerle risque d'innover dans le secteur ? Il faudrait que se developpent de nou-veaux champions en Europe. C'est la que le bat blesse.

7 PAJAK Manna, PESCIA Dimitn Les Nanotechnologies Analyse comparative de I'etat actuel desefforts mstitutionnels en Allemagne, en Europe et dans k reste du monde. Pans • ADIT, rapport de1'ambassade de France en Allemagne, 15 jum 2007.8 MIA Irene et DUTTA Soumitra The Global Information Technology Report 2006-2007.Geneve . World Economic Forum, 2007, chapitre 11, p n

9 SMIHILY Maria. « Utilisation d'Internet en 2007 » Donnees en bref, Eurostat, n° 23/2007.

10. BIGOT Regis, CROUTTE Patricia La Diffusion des technologies de 1'mformation dans lasociete francaise Pans CREDOC (Centre de recherche pour 1'etude et 1'observation des condi-tions de vie), 2007

Page 5: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 5/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

PRIX NOBEL ET TURING :A QUI PROFITERA LA CR^ATIVITE EUROP^ENNE ?

Le prix Nobel de physique 2007 a cou-ronne Albert Pert, du CNRS (Centre na-tional de la recherche scientifique), etson collegue allemand Peter Grunbergpour la decouverte, en 1988, de lamagnetoresistance geante. BravoI'Europe ! Mais c'est IBM qui a trouveune application de masse en 1997 dansles teles de lecture de disques durs, cequi a permis de centupler la densitede stockage de donnees. Cette perceeeuropeenne en nanotechnologie cree

plus d'emplois americams et asiatiquesque d'emplois europeens.

Joseph Sifakis (directeur de rechercheCNRS, Grenoble) vient de recevoir leprix Turing. Encore bravo I'Europe ! C'estle premier Francais amsi distingue de-puis 1966. Mais de quel cote de I'Atlan-tique ses travaux seront-ils le mieuxconvertis en innovations, richesses,emplois ?

A.-Y.P.

Un tissu industriel qui ne se renouvelle pasDans leur rapport sur les petites et moyennes entreprises (PME), base de

beaucoup de discussions a Margaux, Jean-Paul Betbeze et Christian Saint-Etienne ont souligne que les « elephants », les grandes entreprises euro-peennes, particulierement en France, grandissent par croissance externemais suppriment des emplois par l'externalisation et les rationalisations deleurs activites ". Us « ont detruit 263 ooo emplois entre 1985 et 2000, cesont les unites de moins de 500 salaries qui ont cree pres de 1,8 milliond'emplois ». Ces elephants poursuivent une course a la productivite dontHenry Mintzberg a denonce 1'effet destructeur I2, ils n'innovent pas assezpour se ressourcer et vont etre de moins en moins comperitifs sur le rnar-che mondial.

Aux Etats-Unis, les PME sont a 1'origine de 60 % a 80 % des creationsnertes d'emplois dans les annees 1990 et de la totalite pour 1'annee 2004,selon la Small Business Administration, mais une partie de ces PME gran-dissent assez pour renouveler le tissu industriel et devenir des elephantsinnovants. En Europe, les gazelles, ces PME a forte croissance, moins nom-breuses, sont bloquees avant de prendre le relais des elephants fossilises.Les mammouths ecrasent bien plus les gazelles que les prix ! Ils surviventmais restent rarement des leaders mondiaux. L'Europe compte deux fois moinsde tres grandes entreprises par habitant que les Etats-Unis ou le Japon '3.

n. BETBEZE Jean-Paul, SAINT-ETIENNE Christian Une strategic PME pour la France. Pans :La documentation Fran$aise (rapport du CAE n° 61), 2006.

12. MINTZBERG Henry. How Productivity Killed American Enterprise. Article en ligne a1'adresse Internet www.henrymmtzberg com/pdf/productivity2oo8 pdf.

13 Etude sur les i ooo plus grands acteurs pnves mondiaux en R&D du Department of Tradeand Industry bntanmque, 2005.

Page 6: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 6/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Les gazelles sont, parmi les PME ayant sont dans le top 5 % ou 10 % de leursoit entre 20 et 500 salariés dans une population en termes de croissance (duacception large, soit entre 20 et 250 sa- chiffre d'affaires ou du nombre d'em-lariés dans une conception plus étroite, ployés), soit ont un chiffre d'affairescelles qui ont la croissance la plus rapide qui croît de plus de 10 % ou 20 °/o par

TTT le en"epri

^Zentre 2 et SO p o a y 5ubst|tuer œ|u| q(J| œns|ste

On nommera donc gazelles les PME qui à croître de plus de 45 % en quatre anssoit croissent, pendant la période élu- (au lieu de 10 % par an) ou de plus dediée, deux ou trois fois plus vite que 100 °/o en quatre ans (au lieu de 20 °/ocelles du même secteur d'activité, soit par an).

Extrait de BETBEZE Jean-Paul, SAINT-ETIENNE Christian Une strategie PME pour la France ParisLa documentation Française (rapport du CAE n° 61), 2006, pp 8-9

Laurent Cohen-Tanugi évoque le « décrochage européen I4 » marqué dansles secteurs d'avenir.

Jean-Pierre Letarrre (Ernst & Young) dénonce le médiocre indice de renou-vellement de l'économie française : « 60 % des 100 premiers groupes amé-ricains se sont créés après 1976, ID % seulement des zoo premiers français ».Le Comité Richelieu, association française des PME innovantes, élargit leproblème : entre 1980 et 2003, les PME européennes ont été sept foismoins nombreuses que leurs homologues américaines à devenir des leadersmondiaux I5.

La mutation numériquea rajeuni l'industrie... américaine

L'Europe a manqué l'occasion saisie aux États-Unis et dans d'autres paysde faire jouer aux petites entreprises et aux entreprises nouvelles un rôleplus grand dans le système d'innovation. « C'est une fenêtre d'opportunités,a déploré à Margaux Jean Guinetl6, que les États-Unis ont très bien exploitéeà partir du milieu des années 1990 [...] : la R&D des grandes entreprises a

14 En annexe du rapport d'étape de la mission « L'Europe dans la mondialisation », 15 janvier2008, en ligne à l'adresse Internet www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/ANNEXES_is_ianvier.pdf.

15 Étude du CAE sur les i DOO plus grandes entreprises mondiales (2003), citee par le ComitéRichelieu in Accès des PME innovantes aux marchés publics (Pans, mars 2007)

16 Chef de l'unité des examens par pays à la Direction de la science, de la technologie et del'industrie de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Page 7: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 7/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

diminue aux Etats-Ums entre 1995 et 2000 au moment de 1'adaptation de1'economic amencaine a la globalisation. Ce mouvement de baisse a ete plusque compense par 1'emergence d'une nouvelle generation d'entreprises. Letissu industnel europeen n'a en particulier que mediocrement exploite larevolution numerique pour rajeunir » Demba Diallo I7 a constate que surles 20 premieres capitalisations, deux relevent du secteur TIC en France,sept aux Etats-Ums, dont cmq ont moms de 40 ans ; n des pnncipalessocietes du numerique americain l8 ont ete creees il y a moms de 33 ans, apart Intel qui a 40 ans, et Tun de leurs fondateurs avait moms de 30 anspour neuf d'entre elles.

Jean-Paul Betbeze et Christian Samt-Etienne montrent le role crucial desgazelles, les PME a forte croissance — environ 5 % des 400 ooo PME fran-caises Ces quelque 20 ooo entreprises ont a elles seules cree, au cours dela periode 1993-2003, 52 % des i 115 ooo emplois generes par 1'ensembledes petites et moyennes societes en France.

La moitie de la creation d'emploi depend done de la vitalite des gazelles.La resilience du tissu industnel aussi « les performances de ces farneusesgazelles sont relativement mdependantes de la conjoncture », car «les inno-vations les rendent beaucoup moms sensibles aux aleas de la conjoncture '9 ».En temoigne Hugues Soupans, d'Hologram Industries . « II y a deux ans,j'ai perdu un client qui faisait quatre millions d'euros (sur un chiffre d'af-faires de 18 millions). Comme nous etions dans une dynamique de crois-sance, notre chiffre d'affaires n'a recule que de 10 % ou 12 % et ma renta-bilite a ete encore de 12 % avant impots »

Malheureusement, les PME francaises, a taille egale, sont nettement momsnombreuses a mnover que leurs homologues allemandes ou amencames 20.Elles sont aussi moms nombreuses a meriter le nom de gazelles. Jean-Pierre Letartre le confirme « sept ans apres leur creation, les entreprisesfrancaises ne parviennent a accroitre leurs effectifs que de 7 % en moyenne,centre 22 % en Allemagne et... 126 % aux Etats-Ums ! »

Selon lui, «les entreprises francaises, generalement moms rentables, ontun taux de marge infeneur d'un tiers a celui des entreprises amencaines,anglaises ou allemandes. Les entreprises qui emploient de 250 a i ooo sala-ries sont deux fois plus nombreuses au Royaume-Um et trois fois plus enAllemagne 4 ooo societes de 250 a i ooo salaries dans 1'Hexagone, centre8 ooo outre-Manche et 10 600 en Allemagne » II rejoint 1'affirmation de

17 DIALLO Demba « Comment des start up deviennent des grands groupes mondiaux, le casde Google » Vie ej sciences economiques, n° 176-177, decembre 2007

18 II s'agit d'Amazon, Apple, Cisco Dell, eBay, Intel, Google, Microsoft, Oracle, Sun et Yahoo1,qui ont toutes en commun plus de 10 ooo employes, plus de 20 milliards de dollars US decapitalisation boursiere et d'avoir realise des innovations majeures dans leur domame19 PICART Claude « Les gazelles en France » In BETBEZE Jean-Paul, SAINT-ETIENNEChristian Op at pp 77 124

20 Statistiques en href, n° 12/2004, Eurostat (in BETBEZE Jean-Paul, SAINT-ETIENNE ChristianOp at, pp 13 14)

Page 8: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 8/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Jean-Paul Betbeze et Christian Saint-Etienne : « il manque en France 1'equi-valent de 10 ooo entreprises de 300 salaries. Imaginons ces trois millionsd'emplois nouveaux : nos problemes economiques, sociaux et financiers dis-paraissent. » En efFet, rencherit Jean-Pierre Letartre, « quand nous mettonsen place des mesures pour faciliter le developpement de nos entreprises,nous agissons sur moitie moins que le Royaume-Uni et rAllemagne ».

Les facteurs de blocage des PME innovantesSi les grosses PME sont presque condamnees en France a plafonner ou

se faire avaler, ce n'est pas par manque d'ambition, mais parce que croitreau-dela du « plafond de verre » est particulierement difficile et dangereux :«les gazelles francaises entrent plus rapidement dans des groupes que leursconsceurs etrangeres parce que 1'interet pour leur createur de poursuivreFaventure est singulierement plus risque, et moins interessant. [...]: la tailleoptimale des gazelles francaises libres est plus faible qu'ailleurs parce queles conditions comparees de rendement et de risque qui leur sont offertesne sont pas propices a leur developpement 2I ». L'absorption des grossesgazelles ne serait pas dramatique si 1'acheteur n'etait souvent pas europeenet si la creativite de 1'ex-gazelle ne se trouvait generalement perdue. L'etudede 50 entreprises de differents pays absorbees entre 1991 et 1998 22 de-montre que leurs chercheurs ont vu leur creativite descendre au niveau decelle du groupe acquereur.

La mefiance freine la croissanceLes commandes sont plus importantes, plus saines comme apport finan-

cier, que toutes les aides a 1'innovation qui incitent a la chasse aux subven-tions, repete Francois Bourdoncle, le createur d'Exalead, principal moteurde recherche francais. Mais de multiples temoignages sont venus confirmera Margaux qu'il est plus difficile en France que hors de 1'Hexagone, pour lespetites entreprises innovantes francaises, de convaincre des acheteurs pu-blics ou prives de prendre le risque de choisir une solution novatrice et unfournisseur repute fragile. Thierry Gaiffe, a la tete d'lxsea et president duComite Richelieu, le confirme : « Pendant deux ans j'ai vendu partout ailleursqu'en France. Aux Pays-Bas, en Norvege, a Singapour. Il m'a fallu atteindreune taille critique pour que les acheteurs en France commencent a me faireconfiance. J'ai vendu a la Marine americaine avant que la Marine francaisem'accepte comme fournisseur. » Exalead, Hog (essaimage reussi de 1'INRIA,Institut national de recherche en informatique et en automatique), EricBantegnie (fondateur d'Esterel Technologies) temoignent dans le memesens...

21 BETBEZE Jean-Paul, SAINT-ETIENNE Christian Op cit, p 27

22 KAPOOR Rahul, LIM Kwanghui « The Impact of Acquisitions on the Innovation Perfor-mance of Inventors at Semiconductor Companies » Academy of Management Journal, vol 50,n° 5, 2007.

Page 9: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 9/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Selon Pascal Iris, directeur d'Armines, «tant que les procedures internesdes grands groupes mettront face a des PME technologiques des acheteursjuges sur le seul indicateur de faire baisser les prix, lammer les marges »,les petites entreprises auront bien du mal a se developper Cette situationtraduit, selon Eric Bantegnie, 1'affaiblissement des directions de recherchedes grands groupes 23 « Dans les poles de competmvite, nos mterlocuteursrelevent des directions de R&D et cela se passe tres bien » mais ensuite,« les relations avec les grands groupes francais durent des annees, des gensnous ecoutent, prennent des notes Les centres de decision en mformatiquesont souvent aux Etats-Unis, ce qui rend bien difficile de vendre en France »a]oute Francois Bourdoncle.

Mains de portenariats qu'en AllemagneUne enquete d'Ernst & Young aupres d'entrepreneurs de differents pays 24

denonce « I'lnsuffisance de solidante entre les entreprises [francaises] entreles moyennes ou entre les petites, les moyennes et les grandes », par rap-port a ce qui se pratique dans d'autres pays « Cela nous a etc souvent dit parles Allemands » rapporte Jean-Pierre Letartre Hugues Soupans deplore que« les grands groupes francais ne proposent pas aux PME francaises de colla-borer » notamment a rexportation, alors qu'il a pu conclure « un accord extra-ordinaire de cooperation avec une tres grosse entrepnse allemande » Depetites entreprises subissent egalement la mefiance de laboratoires publics

A 1'mverse, Joseph Sifakis (CNRS Grenoble) observe que de grandes entre-prises francaises se sentent plus rassurees de travailler avec de grands centresde recherche amencams qu'avec les « petits » laboratoires gaulois. EtLaurent Kott, directeur general d'INRIA-Transfert, de deplorer que les orga-nismes de recherche soient souvent consideres comme des concurrents parles directions R&D de grandes entreprises La France est, avec la Grece, lepays d'Europe ou la mefiance envers le procham est la plus developpee 2?.

Une aide de I'Etat plus importante pour les plus grosLes grands groupes profitent, dans la majorite des pays, de 1'essentiel de

la manne publique de soutien a la R&D pnvee. En France, en 2002, lesPME de moms de 250 salaries ne recevaient que 9 % de ces soutiens, contreplus de 50 % en Finlande, en Espagne ou au Danemark 2(5. Les moms de500 salaries reahsaient en 2004 un quart de Feffort pnve de R&D et rece-

23 Intervention au colloque « Reussir les poles de competitivite avec les PME mnovantes »Op at24 LAmbitton de grandir Paroles d'entrepreneurs Pans Ernst & Young / MEDEF, 200625 Voir les enquetes Valeurs des Europeens 1981 1990 et 1999 et plus recemment, « Lesjeunesses face a leur avenir » Enquete Fondapol / Institut Kairos 200826 GRAY Anme (directnce de 1 innovation a Oseo) « Liberer la croissance des PME par 1'm-novation » Vie <sj sciences economiques, n° 176-177, decembre 2007, pp 173 179

Page 10: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 10/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

valent moins de 20 % des aides 70 % des aides allaient aux plus de i ooosalariés qui réalisaient a peine plus de 50 % de la dépense privée Les entre-prises de moins de 10 personnes ont ete sur certains points pénalisées parl'administration française, dénonce Manuel Gea, président de Centrale-Santé 2y et fondateur de Bio-Modelmg Systems

Une table ronde a regretté 28 que les pôles de compétitivité « serventprincipalement à financer le système public de la recherche avec d'ailleursdes lenteurs rédhibitoires dans la mise a disposition des fonds, en particulierpour des PME, parfois aussi étouffées par les grands groupes » En 2007,« 75 % des financements des pôles de compétitivité sont allés à de grossesentreprises, déplore le Comite Richelieu, et non aux 5 ooo PME impliquées,très minoritaires dans les instances de gouvernance et à la tête des projets ».

Pour ces PME, moins aidées que les grandes entreprises, « l'accès au mar-ché financier est relativement plus difficile » observent Jean-Paul Betbèze etChristian Saint-Etienne Pire, elles financent les liquidités de leurs grosclients mauvais payeurs C'est un problème dans nombre de pays maîs enFrance, pour être payé par un donneur d'ordre public, un fournisseur doitattendre 22,4 jours de plus qu'en Allemagne, 20 jours de plus s'il travaillepour le privé 29 C'est un handicap très lourd Pascal Labrue (Intrum fusntia)évalue à 125 ooo euros l'économie de mobilisation financière réalisée parune société de 45 millions de chiffre d'affaires payée un jour plus tôt.Manuel Gea élargit le problème à celui des règlements des aides freinés eteffectués avec des retards, qui font que les PME innovantes « financent letrain de vie de l'Etat » II serait intéressant d'évaluer le nombre de PMEmises en faillite par l'Etat mauvais payeur.

Linnovation par les valeursA Margaux s'est dégagée aussi la volonté d'innover pour créer plus de

valeur, pas seulement financière, pour l'ensemble des parties prenantes,dans une vision mondiale de developpement durable « II faut retrouver lesens du progrès et de la croissance en y intégrant, bien entendu, les valeurshumanistes et le progrès social » a propose Alam Rousset, président de larégion Aquitaine Maîs, a-t-il précisé, au lieu de croire que pour maintenirnos systèmes sociaux, la seule solution, c'est d'augmenter la fiscalité, quepour diminuer le chômage, il faut répartir le travail, il s'agit d'innover, en « in-tégrant le respect de cette planète et des hommes qui y vivent, [de mettre]de la valeur dans la production de valeur ».

27 Groupe de reflexion et action au sem de l'Association des Centraliens

28 BARBIER Jean Yves Synthèse du colloque « Reussir les pôles de competitivite avec lesPME innovantes », en ligne a I adresse Internet http //observatoirepc org/fileadmin/user_upload/Ressources/Colloque_Andese_Medef_Oseo pdf29 Economie Growth Masks Poor Paiment European Payment Index Stockholm IntrumJustifia printemps 2007

Page 11: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 11/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Les contraintes sont aussi des occasions génératrices de croissance. « ll fau-d'mnovation qui peuvent permettre de drait recalculer les coûts et les béné-créer de la valeur, si on les considère fices en prenant en compte ces effets-dé façon positive Philippe Aghion l'a là. » On se souvient qu'un pays commerappelé à Margaux, à propos du rap- le Japon a profité de la contrainte duport remis par l'économiste Nicholas premier choc pétrolier pour moderm-Stern sur l'économie du changement ser considérablement son appareil declimatique au gouvernement bntan- production, ce qui lui a donné unnique en octobre 2006 1. Philippe avantage compétitif considérable À laAghion estime que l'évaluation des même époque, la majorité des acteurscoûts et des bénéfices des actions européens ont réagi de façon néga-nécessaires pour réduire les émissions live, essayant de reduire les contraintesde C02 ne prend pas en compte « les d'économie d'énergie proposées pareffets de croissance endogène » les organismes régulateurs. C'est une

erreur à ne pas répéter, maîs cela exigeAinsi, une taxe sur les émissions de une vision à moyen terme.C02 induirait des innovations propres A.-Y.P

1 The Stern Review. The Economies of Climate Change Londres Her Majesty "Freasury, 2006

Des entrepreneurs innovent l'entreprisePlusieurs témoignages ont démontré justement qu'une vision humaniste

de l'homme et du monde pouvait conduire à des succès industriels durables,même dans l'écosystème actuel. Remarquable est, de ce point de vue, laréussite de la Favi, un fondeur de laiton de 550 salariés qui affiche une ex-cellente forme financière depuis un quart de siècle alors que ses confrèressous-traitants comme lui de l'automobile se portent mal dans l'ensemble.Une réussite économique fondée sur l'idée que l'homme est bon et sur lasuppression de tout contrôle taylorien 3°. Son exemple et quèlques autresdémontrent que l'on ne peut raisonner sur la croissance de façon seulementmacroéconomique. Les options des opérateurs de terrain en matière demanagement et de stratégie déterminent la qualité des interactions entrepersonnes, donc l'intelligence collective, et la qualité des interactions entreacteurs de la société, base du capital relationnel des organisations 3I. Or lediagnostic pour la France est que ces interactions sont assez médiocresdans et entre entreprises hexagonales, ce qui va de pair avec le niveau deméfiance mutuelle.

Selon Thomas Philippon, « la mauvaise qualité des relations de travailconstitue le frein le plus massif au dynamisme de l'économie française. [...]

30. Voir l'article de Jean-François Zobrist, directeur de la Favi, en page 37 de ce numéro

31. Voir notamment PORTNOFF André-Yves (avec LAMBLIN Véronique) « Le capital réel desorganisations ». Futunbks, n° 288, juillet-août 2003, pp. 43-62.

Page 12: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 12/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

D'un point de vue statistique, les relations sociales semblent exphquer laquasi-totalite des mauvaises performances franchises 32. » II montre que lesFran£ais accordent plus d'importance au travail que la mapnte des Euro-peens ; s'lls travaillent si peu, souhaitent partir tot a la retraite, c'est qu'ilsrejettent un cadre juge trop hierarchique, ou Ton a peu de chances de mon-ter au sommet, ou le salane se sent moms hbre de decider que dans tousles autres pays europeens 33 Les managers eux-memes jugent mediocres lesrelations sociales dans 1'entrepnse 34 Ces particularites persistantes du ma-nagement a la francaise coutent, affirme Thomas Philippon, plusieurs pointsde produit inteneur brut au pays.

L'innovation par I'intelligence de terrainUn indicateur de la qualite du management est le turn-over, revelateur de

1'attractivite d'une organisation vis-a-vis de son personnel et des personnesqu'elle souhaite embaucher. Un cas exemplaire est celui de SAS Institute,cite depuis 10 ans par Fortune parmi les 100 entrepnses amencaines « ou ilfait bon travailler » SAS, un geant du logiciel, enregistre 4 % de departsvolontaires de personnel au lieu de 20 %, la moyenne du secteur aux Eitars-Unis Les frais de recrutement et d'mtegration representant 1'equivalent d'unan de salaire, SAS epargne done 16 % de masse salariale par an et, surtout,conserve 16 % de competences, d'experiences et de relations

N'en deplaise a Robert Reich 35, il est crucial d'etre artractif pour tous lestalents, y compris ceux de professionnels pretendument non intellecruels.La Favi le demontre en France, tout comme, dans le commerce, le qua-tneme distnbuteur amencam, Costco, qui obtient des performances econo-miques tres supeneures a celles de son concurrent direct, Wal-Mart, tout enpayant et assurant bien mieux ses employes. D'ou un turn-over infeneur de15 %3<5 et une progression de 7 % des ventes en janvier 2008 alors que cellesde Wal-Mart stagnaient aux Etats-Ums, dans le contexte de la cnse des sub-primes 37 Dans un secteur comme la secunte des biens et des personnes, oule personnel est la majonte du temps chez les clients, Michel Meunier (Vigi-mark Surete) a su reduire un turn-over de 20 %, qui coutait 20 ooo eurospar salane partant (un million d'euros par an). Grace a un recrutement tresselectif, suivi d'un programme d'accueil et de formation centre sur la secu-nte mais aussi la deontologie du metier, et a un systeme de tutorat, le turn-over est tombe en deux ans a 2,3 %, soit une economic de n % sur la massesalariale

32 PHILIPPON Thomas Le Capitahsme d'hentiers Pans Seuil(LaRepubliquedesidees),2oo7

33 Selon la World Values Survey (WVS), 1999, pour la France

34 Cf les derniers 1MD World Competitiveness Yearbook Lausanne IMD (Institute for Mana-gement Development) et Global Competitiveness Report Geneve World Economic Forum

35 REICH Robert L'Economie mondialisee Pans Dunod, 1997, p 104 (ed ongmale The Workof Nations New York Alfred A Knopf, Inc 1991) Voir encadre en page 41 de ce numero

36 HOLMES Stanley ZELLNER Wendy « The Costco Way » Business Week, 12 avril 2004

37 NORA Dominique « Costco, "1'Ikea" de 1'epicene » Blog Westside Stories, 12 fevner 2008

Page 13: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 13/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Cohésion de l'entreprise et solidaritéQue faire lorsque l'on est à la tête d'une laiterie familiale fondée en 1945

dans une région où les politiques successives ont décide que l'on ne produi-rait plus de lait5 Dans un métier aux conditions de travail difficiles et auxrémunérations modestes, on innove, répond Emmanuel Vassenerx, patrondes Laiteries de Saint Denis-de-1'Hôtel (LSDH), 190 millions de chiffre d'af-faires avec 400 salariés, 130 emplois crées en xo ans et un cashflow (flux detrésorerie) croissant Son père avait eu le courage de passer du métier delaitier à celui de conditionneur de tous liquides alimentaires Maîs « nousserons toujours confrontés a des concurrents moins chers si nous n'appor-tons pas constamment plus de valeur ajoutée » Aussi Emmanuel Vassenerxa-t-il voulu transformer LSDH en une force de proposition de formulesnouvelles de jus de fruits, de « boissons bien-être » pour les grands produc-teurs et la distribution

Outre cette innovation sur les produits et le métier de son entreprise, cejeune patron a décidé d'innover côté ressources humaines, en donnant unsens pas seulement financier au travail dans son entreprise D'où un projetchoisi en commun d'aide au tiers-monde, financé par l'entreprise et sonpersonnel, par du temps et de l'argent, sous la forme d'un partenariat avecAgrisud, association de lutte contre la pauvrete 3* LSDH et son personnelont patronné une action de diversification maraîchère dans un village cam-bodgien Le twrn-overest passe, chez LSDH, de plus de 20 % en 2000 à moinsde 5 % en 2006 Pas seulement grâce a cette mobilisation philanthropique,également grâce a un ensemble d'efforts, depuis le recrutement, l'accueil,la formation, jusqu'à une grande attention aux problèmes de managementde proximite « N'oublions pas que les salaries sont nos meilleurs recruteursNous allons vers une bataille des compétences Construire et maintenir unefierté d'appartenance va devenir un atout vital », prévient Emmanuel Vassenerx

A Margaux, Philippe du Mesnil, président-directeur général de CevaSanté Animale, 300 millions d'euros de chiffre d'affaires et i 800 salariés,a explique pourquoi cette entreprise aquitaine de produits vétérinaires in-vestit en Afrique contre la maladie du sommeil c'est d'une part pour satis-faire ses actionnaires anglo-saxons, d'autre part pour répondre à une forteattente de ses jeunes cadres « des gens qui ont 30 ans et qui considèrentque leur entreprise est responsable [ ] Quand on se bat contre de grandesmultinationales, pour convaincre des jeunes cadres brillants de venir cheznous, il faut des arguments »

Grandir par les alliancesL'une des conclusions des Entretiens de Margaux est qu'il faut favoriser

les partenariats pour permettre aux petites entreprises d'atteindre collecti-vement une taille critique par synergie d'effet reseau Des démonstrations

38 Voir notamment BARATIER Jacques L Entreprise contre la pauvrete La derniere chance duliberalisme Pans Autrement, 2005

Page 14: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 14/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

existent dans tous les metiers. Leirios ?9 construit un reseau de collabora-tion avec de petites societes de services informatiques de 200 ou 300 per-sonnes, qui veulent se differencier, conscientes qu'il est vital pour elles d'ap-porter plus de valeur a leurs clients. Avec ces PME, constate Laurent Py, ondecide en quelques jours, il y a de vrais enrichissements mutuels, meme sion se trouve en partie concurrents potentiels. Des reseaux se formalisent,comme le groupe TVI (Techniques vehicules industriels), bati par 33 ateliersd'entrerien des poids lourds, 673 employes au total, qui assure a ses membresde la formation au management et negocie pour eux les commandes depieces detachees. Les partenaires font ainsi le poids face a deux concurrentsaussi gros chacun qu'eux tous reunis. De meme, 38 cabinets d'audit et exper-tise comptable implantes dans 66 villes de France, sont restes independantsmais ont construit avec leurs 700 employes un « lieu d'echanges profes-sionnels et humains » et un label commun, Synerga.

Innover pour revivifier les centres-villeLa chute des couts de transaction entrainee par le numerique et Internet

favorise la formation de grappes d'entreprises financierement indepen-dantes, mais jouant sur leurs complementarites pour construire des synergieset creer plus de valeur avec moins d'investissement et des risques partages.La vraie taille n'est plus definie par le perimetre juridique et physique derentreprise mais par celui de ses partenariats. Les deux applications les plusremarquables ont etc reussies par Wal-Mart et Dell a leurs debuts 4°. Wal-Mart a oblige ses fournisseurs et prestataires a mettre en commun des in-formations 4 I; lui-meme leur apportait le detail de ses ventes quotidiennes,pour que les articles soient produits en flux tendu, en reduisant pour touset naturellement pour lui, stocks, delais, immobilisations financieres.

Ce modele d'orchestration des synergies amont-aval est transposable danstous les secteurs. Ainsi, de petits commerces d'une region decidant de creer,comme le groupe TVI, une structure commune d'achat, beneficieraient deprix proches de ceux obtenus par la grande distribution. Il y a la une occasionunique, confirme le consultant Xavier Dalloz, de faire revivre des centres-ville en valorisant les relations de proximite. Encore faut-il qu'il existe unevolonte de collaboration.

Chaque annee, quelque 400 ooo offres d'emploi a temps partiel ne sontpas pourvues en France 42. Selon 37 % des PME interrogees par Oseo en

39. Produit d'un essaimage en 2003 du Laboratoire informatique (CNRS / INRIA) de 1'univer-site de Franche-Comte.40. DALLOZ Xavier et PORTNOFF Andre-Yves. « L'e-novabon des entrepnses » Futunbles,n° 266, juillet-aout 2001, pp. 41-60.

41. « The Wal-Mart Empire: A Simple Formula and Unstoppable Growth ». Philadelphia :Knowledge@Wharton (Wharton School, University of Pennsylvania), 9 avnl 200342 Selon le CJD (Centre des jeunes dingeants) et la FFGE (Federation fran^aise des groupe-ments d'employeurs).

Page 15: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 15/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

2005, la mise en ceuvre d'un projet mnovant passait par 1'embauche de col-laborateurs qualifies Get obstacle pourrait etre tres souvent leve par unesolution mutualisant des talents partages les groupements d'employeurs(GE) Leur succes est patent mais ils ne sont pas encore assez connus desPME ni suffisamment mis en avant Herve Seneyx exphque que ces struc-tures d'embauches a temps partiel pourraient creer 100 ooo emplois si ellesse repandaient45

Le CJD, qui souhent beaucoup la diffusion des GE, promeut d'autresformes de collaboration par des missions hors d'Europe Au retour d'unvoyage d'etude en Chine, cmq PME partagent depuis 2006 une structurede soutien animee a Shanghai par une consultante chmoise quadnlmgueAinsi ces entrepreneurs des quatre coins de la France se retrouvent-ils auxantipodes, malgre des metiers tres differents.

Un ecosysteme favorable a I'innovation

Un courage durableToutes ces initiatives seraient encore plus efficaces dans un environne-

ment plus favorable a 1'innovation, ce qui passe par un engagement du poh-tique Christian Samt-Etienne a resume 1'un des problemes francais voireeuropeens faute de diagnostic partage, on ne met pas assez de moyens caron n'y croit pas vraiment Le Pays basque espagnol offre un exemple remar-quable de reussite, en partant, comme 1'a rappele Jaime del Castello Her-mosa 44, d'une situation de crise profonde dans les annees 1980 La reus-site de cette demarche consensuelle a « imphque une grande continuiteavec une capacite de partenanat, le gouvernement basque a toujours temoi-gne d'une grande humilite pour ecouter les besoms des entrepreneurs »,essentiellement de petites entreprises en 1'occurrence

La volonte se trouve aussi dans la duree dans le modele finlandais evo-que tout au long des travaux de Margaux La Fmlande s'etait donne, en 1981,10 ans pour doubler un effort de R&D qui n'etait que de i % du PIB 45 Elle1'a fait et en 1991, Esko Aho, devenu Premier mmistre, a mamtenu cet m-vesnssement en pleine crise, malgre une decroissance economique de 7 %Une tenacite possible seulement grace a une vision et une conviction parta-gees Mais consensus ne signifie pas collusion. Esko Aho estime que 1'Eu-rope n'a pas construit un espace assez concurrentiel. « On n'a pas encorecompns en Europe que la creation de marches est la clef [ ] pour 1'mnova-non. Nous avons liberalise en particulier le marche des telecommunications

43 Voir son article en page 43 de ce numero

44 President de 1'Infyde (Informacion y Desarrollo S L) et professeur d'economie

45 Cf AFFRST (Association franco finlandaise pour la recherche scientifique et technique),

Page 16: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 16/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

[...] et cela s'est fait a 1'encontre de la volonte de la direction de Nokia. » II fautdu courage pour ouvrir la concurrence face a des champions nationaux...

Cette derniere remarque pose la question d'une option strategique claire,comprise et partagee. Si Ton croit vraiment que 1'Europe doit rajeunir sontissu d'entreprises en favorisant la croissance d'entreprises innovantes, unerupture claire s'impose avec la politique menee depuis des decennies, enparticulier en France, favorisant les grands groupes, du ruineux Plan Calcula la defunte Agence pour 1'innovation industrielle.

Concentrer les ressources sur les PME innovantes ?Le budget frangais des soutiens a 1'innovation est fortement remonte ces

derniers mois et des mesures positives sont en cours, pour compenser enpartie la frilosite des banques. Oseo a atteint un niveau record d'interven-tion au debut de 2008. L'apport du credit d'impot recherche (CIR, aide fis-cale destinee a encourager les efforts des entreprises en faveur de la R&D)va doubler, passant, grace aux dernieres modifications, a plus de trois mil-liards d'euros sur 1'exercice 2007, le double par la suite selon certains. Mais« la France reste 1'un des derniers pays ou Ton demande aux PME de rem-bourser les aides a 1'innovation dont elles beneficient» note Thierry Gaiffe 46,qui reclame la fin de certe exception francaise. D'autant que ces aides de-duites des depenses en R&D dans le calcul du credit d'impot sont « consi-derees en comptabilite comme des dettes, ce qui penalise 1'entreprise ». LeComite Richelieu suggere que la loi de modernisation de 1'economic (LME)etende a toutes les PME la mesure permettant la restitution immediate ducredit d'impot.

L'association France Biotech critique les modifications apportees au CIRdesormais calcule surtout sur le volume et non plus 1'accroissement annueldes efforts de recherche : 80 % du CIR profiteraient, selon elle, aux entre-prises de plus de 250 employes, contre 50 % auparavant, avec « des effetsnegatifs de grande ampleur notamment sur les PME les plus jeunes et lesplus dynamiques » 47, qui augmentent leur investissement en recherche.Est-il raisonnable de continuer a apporter la majorite de 1'aide publique auxgrosses entreprises, au lieu de concentrer les trop rares ressources de 1'Etatla ou elles auront des effets de levier majeurs ?

II y a desormais un large consensus en France et dans plusieurs payseuropeens sur la necessite de ne plus priver les PME europeennes de 1'undes ressorts de la croissance de leurs homologues americaines : un acces fa-cilite aux marches publics, qui representent quelque i 500 milliards d'euros

46. GAIFFE Thierry. « Credit d'impot recherche, une reforme favorable aux PME » Les Echos,12 decembre 2007

47. « L'unpact de la reforme du credit d'impot recherche (CIR) sur les PME innovantes » Pans •France Biotech, 4 avril 2008 ; et MAMOU Yves. « La reforme du credit d'impot recherche pe-nalise les PME ». Le Monde, 6 avril 2008

Page 17: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 17/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

par an en Europe *8 Grace a 1'ensemble du dispositif complexe du SmallBusiness Act (SEA), cree aux Etats-Ums en 1953 et amende depuis, les PMEamencames auraient benefkie en contrats directs de 22,8 % des contratspublics americams en 2006, soit 77,7 milliards de dollars US, plus 65 mil-liards en sous-traitance 49 Le departement de la Defense americam est 1'undes orgamsmes les plus ouverts aux offres des petites entrepnses Les PMEfrancaises auraient accede a 12 % des marches publics en 2006 II vaudraitmieux dishnguer, dans les statistiques, PME independantes et filiales degrands groupes La position de la Commission europeenne, longtemps hos-tile a un SBA europeen, semble evoluer, mais a abouti en jum 2008 a uneproposition jugee — avec raison — decevante par le Comite Richelieu

Un probleme culturel

Innover les formations

Laurent Kott previent avec raison que Ton « ne peut favoriser 1'innovationsi Ton n'est pas soi-meme mnovant » Les Entretiens ont fait ressortir lanecessite de developper dans recosysteme certains facteurs culturels, lapensee complexe au premier chef, qui s'oppose a un modele mentalconstamment critique a Margaux, celui qui fait croire que la complexite segouverne au centre, en un mot, que tout en France doit se decider a Pans« II faut en fimr avec le jacobimsme » martele Alain Rousset Mais c'est des1'ecole primaire qu'il convient d'agir, et 1'Education nanonale tout entieredoit transmettre un autre mode de pensee et d'action, non seulement par lecontenu des cours, mais aussi par les methodes pedagogiques et le fonc-honnement des etablissements, premier exemple de vie sociale donne auxeleves.

Le partenariat devrait etre promu par des projets conduits en comrnun,faisant cooperer les eleves mais aussi des enseignants de differentes disci-plines II faudrait imphquer les personnels administrates, des eleves de dif-ferents niveaux, ce qui pose des problemes administrates, note Anne-ManeBoutin, presidente de 1'APCI (Agence pour la promotion de la creationmdustnelle), qui preconise de mixer les approches dites mtellectuelles,techniques, artishques, en melant dans des formations de futurs ingenieurs,gestionnaires, designers , chacun pourra approfondir son domaine tout enapprenant a interagir avec les aurres. Et Corinne Jouanny, d'Altran, de preco-mser 1'embauche de profils hybrides « dans mon equipe, un grand meca-nicien du solide, piamste de jazz hors pair, fait de la modelisahon ».

48 Le premier livre blanc du Comite Richelieu sur le sujet date de janvier 2003 Voir aussi« Aide au financement de la R&D 10 recommandahons pour plus d efficacite » PansMEDEF, Comite Richelieu 13 mai 2008

49 The Small Business Economy for Data Year 2006 A Report to the President Washington, D CU S Government Printing Office decembre 2007, p 53

Page 18: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 18/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

» ;t «ru i ; MCI a nal ̂

Laurent Py, président-directeur général temps à spécifier, tous les IS jours onde Leinos, veut que l'entreprise mfor- sort un nouveau produit, on travaillematique, 30 personnes actuellement, par itérations successives avec un bilansoit « rapide » par sa croissance (le toutes les deux semaines : cela va ouchiffre d'affaires est passé de 600 000 ne va pas, on tranche, cela impliqueeuros en 2006 au million en 2007), une culture de l'erreur, de l'expénmen-mais aussi par ses pratiques de travail, talion qui seule permet de traiter laDepuis 2006, il a mis en place des me- complexité. L'objectif, c'est de faciliterthodes de développement dites agiles1, l'implémentation ; supprimer tous lestransposition aux logiciels des principes 15 jours quèlques milliers de lignes de« leon » de Toyota 2. Une rupture cultu- code dans un programme est pourrelie pour d'anciens chercheurs « ce nous une victoire ! »n'est pas cartésien, on passe peu de A.-Y.P.

1 Un « Agile Manifeste » ou « Manifeste for Agile Software Development » a été publié par17 personnalités en 2001, voir le site Internet http //agilemanifesto org Cf « Manifeste agile »W/kipedia, http //fr wikipedia org/wiki/Mamfeste Agile2 MONVIUE Alexis « La philosophie Toyota, modele du logiciel libre i » Agoravox, 11 mai 2007

L'École comme l'enseignement supérieur et l'organisation de la re-cherche publique opposent encore une résistance désuète aux collabora-tions interdisciplinaires. Il faudrait, insiste Anne-Marie Boutin, enseigner àobserver, ce qui apprend aussi la modestie. Le design français doit beaucoupde ses succès récents à l'observation du terrain et des utilisateurs. Si les hié-rarchies françaises s'inspiraient de cet exemple, un grand progrès seraitaccompli dans un pays où le message de Michel Crozier reste valable 20 ansaprès son énoncé 5° !

Xavier Kergall, fondateur du Salon des entrepreneurs, trouve « affli-geant » ce que révèle un récent rapport sur les manuels de sciences écono-miques dans le secondaire, qui ne parlent que de macroéconomie, jamaisde PME 5I. Jean-Pierre Letartre, d'Ernst & Young, compare le nombre dechaires destinées à l'entreprenariat des deux côtés de l'Atlantique : 400 auxÉtats-Unis, 100 en Europe. Mais si l'entrepreneur n'est pas assez valorisédans la société européenne, l'enseignant aussi se trouve trop bas dansl'échelle des valeurs sociétales. Esko Aho rappelle que les pays nordiques, etparticulièrement la Finlande, ont toujours beaucoup investi dans l'éduca-tion. En Finlande, la profession d'enseignant est très valorisée et attire lesmeilleurs étudiants.

50 CROZIER Michel. L'Entreprise à l'écoute. Paris : Interéditions, 198951 Voir aussi GUESNERIE Roger (rapporteur). Rapport au ministere dè l'Éducation nationale dcla mission d'audit des manuels et programmes dc sciences économiques et sociales du lycée Parisministère de l'Éducation nationale, juin 2008

Page 19: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 19/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Innover administration et reglementation« Nous avons besom de stimulations pour prendre des nsques car I'mno-

vation constitue tou]ours un risque. C'est ce qui manque en Europe », selonEsko Aho. Philippe Aghion 52 temoigne de 1'existence aux Etats-Ums d'une« vraie culture de la seconde chance, et ce, depuis le systeme d'education »qu'il oppose au systeme francais « ou nous passons des concours et notrerang de sortie a Polytechmque, Normale Sup ou a 1'ENA [Ecole nationaled'admimstration] determine toute notre vie. II est demande : "a quel rangest-il sorh ?" II n'y a pas de culture en France de la deuxieme chance. Celase reflete egalement dans nos systemes de failhte. Pour inciter a la prise densques, il faut que les gens sachent qu'ils peuvent rebondir.» Si«les banquesne pretent pas suffisamment aux entreprises mnovantes » en France, c'estaussi, estime Philippe Aghion, parce que la legislation sur les failhtes ne lesprotege pas assez. II faudrait, recommande Charles Wessner 53, « un sys-teme de faillite clement».

C'est dans tous les domaines qu'il faut revoir les regies pour reduire lescontraintes sanctionnant les prises de risque Thomas Chaudron, presidentdu CJD, preconise un droit a 1'experimentation, qui donnerait un cadre le-gal aux ecarts expenmentaux pns avec la reglementation, dans 1'entreprisecomme dans 1'administration Martin Hirsch a montre que 1'experimenta-tion aide a introduire de mamere graduee et evaluee 1'innovation, dans un« monde ou le scepticisme domine » « Face a un blocage, nous faisons unegrande loi et trois ans apres nous demandons a la Cour des comptes d'ex-pliquer pourquoi cela a coute cher et n'a pas fonchonne Entre-temps, [...] ladeuxieme annee, nous avons deja fait une loi nouvelle qui s'appliquera unan apres la sortie du rapport » U experimentation par essais et erreurs sup-pose un climat assez peu conflictuel pour que 1'on puisse reconnaitre etanalyser les erreurs constatees, sans qu'elles soient exploitees de fa^on mal-veillante ou partisane.

Une administration plus agileII arrive que le syndrome de la meflance vide de leur interet les mesures

votees par le Parlement. Plusieurs intervenants, dont Jean-Pierre Letartre,ont denonce des situations ou « de bonnes mesures passent par les fourchescaudmes de radmimstration qui, imaginant des cas de fraude, les rend map-plicables ou mmteressantes ». Il faudrait en France une seule pohnque natio-nale d'innovation defrnie par le pohnque et respectee par les administrations.

52 Coauteur notamment de Mondiahsation les atouts de la France et de Les Leviers de la crois-sancc franfaise Pans La documentation Fran^aise (rapports du CAE, respectivement n° 71 etn" 72), 2007

53 Directeur de la technologic, 1'innovation et Pentreprenanat a la National Academy ofSciences amencame Cf conference maugurale de « Tremplm recherche » Pans Senat, 12fevner 2008

Page 20: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 20/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

Le soup$on conjugue avec le modele de 1'ordre centralisateur multiplieles controles et les etapes des prises de decision. D'ou une lenteur totale-ment depassee vu la complexite du contexte mondial. La dilution des res-ponsabilites, la complication des circuits de decision construisent un cou-teux immobilisme. Mikel Landabaso 54 observe qu'on arrive a des blocagesinstitutionnels avec souvent « 40 personnes autour de la table » au lieu de« 10 personnes et un responsable ». Jacques Lewiner 55 a effectue une de-monstration consternante: tel chercheur courageux desirant creer une entre-prise pour exploiter un portefeuille de brevets avait besoin, en avril 2005,des signatures de trois organismes publics et les attendait encore en sep-tembre 2007, alors que la moitie des brevets etaient depasses. Occasiongachee. Pour intervenir a temps dans des blocages comme celui-la, poursaisir des opportunites, faut-il un ombudsman (mediateur) de 1'innovationn'ayant de compte a rendre qu'au Premier ministre ou au President ?

Les strates des processus de decision sont trop nombreuses 5fi et AlainRousset a repete que le doublonnage des fonctions entre national et regionalengendre beaucoup trop de lenteur : « Je reclame le droit de me tromper,mais je veux que le temps de la decision publique soit divise par deux outrois. » Au-dela de la « destruction du jacobinisme », il s'agit de rapprocherles decisions du terrain pour que les realties soient mieux prises en compte,pour ne pas gacher la creativite des acteurs, pour accelerer les decisions,selon le vieux principe de subsidiarite.

Grondir et continuer a innoverA quoi servirait-il de bouleverser 1'ecosysteme europeen pour accelerer la

croissance des PME innovantes, pour permettre que certaines deviennentde nouveaux grands groupes, si 1'on accepte qu'a partir d'une certaine taillela capacite d'innovation s'effondre ? Comme le montre Jean-Paul Colin 57, ily a une tendance naturelle qui alourdit les entreprises quand elles grandissent.Deja dans les annees 1970, Georges Chavannes, a la tete de rentreprise demoteurs electriques Leroy Sommer, preconisait de limiter les etablissementsa quelque 500 personnes, et au Japon, Taiyo, une PME sous-traitante, com-mencait a pratiquer le bunsha : management par division cellulaire et for-mation de societes sceurs tres autonomes ne depassant pas le demi-millierd'employes pour rester creatives. Ces modeles meritent d'etre revisites,compte tenu de 1'arrivee d'Internet et des techniques dites collaboratives.Une grande enrreprise peut s'organiser en reseau d'unites largement auto-

54. Chef adjoint de 1'unite espagnole REGIO a la Commission europeenne, specialiste des bestpractices en Europe dans les poles de competitivite.55. Directeur scientifique honoraire, ficole supeneure de physique et de chimie industnellesde Pans (ESPCI).56. BARBIER Jean-Yves. Synthese du colloque « Reussir [ ) » Op. at

57. Voir son article en page 33 de ce numero.

Page 21: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 21/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

nomes coordonnees par un centre assurant la coherence globale et veillantaux synergies.

Developper les capitaux patientsPour autant, rester innovant tout en grandissant depend de 1'attitude des

actionnaires. Des entrepreneurs ont rapporte qu'ils ont refuse d'aller cher-cher des fonds en Bourse pour ne pas devoir consacrer plus de temps a lagestion des actionnaires qu'a celle de leur entreprise et ses marches. L'ex-treme financiarisation de 1'economie explique la frilosite de nombre de grandsgroupes soucieux de maxirniser les profits immediats et d'atteindre le fa-meux rendement de 15 % par an, incompatible avec un effort soutenu enrecherche, formation et avec la prise de risque de 1'innovation de rupture.Les meilleurs managers ont alors les mains liees. Aussi Jean-Pierre Denis a-t-il rappele qu'il faut « travailler sur cette belle notion de capital patient, surlequel nous avons encore beaucoup de progres a faire dans notre pays ».

II n'y a pas de solution unique. On constate que les entreprises patrimo-niales peuvent etre tres innovantes, dans la mesure ou les families ont unevision de long terme. Par ailleurs, les cooperatives ouvrieres, comme 1'ex-plique Thierry Jeantet (encadre ci-dessous), et les societes dont le personnelcontrole une partie importante du capital, sont aussi en situation d'investir

CAPITAL PATIENT, LES REPONSES DE L'ECONOMIE SOCIALE

Des entreprises peuvent se reveler par-ticuherement viables sur le plan eco-nomique avec des salaries pour por-teurs de parts sociales: en 10 ans, lesSCOP (societes cooperatives ouvrieres)sont passees en France, de 1 300 apresque 1 600. Leurs 35 300 salaries(+ 22 % en 10 ans) produisent chacun92 000 euros de chiffre d'affaires(+ 22 %) et 43 000 euros de valeurajoutee (+ 30 %) Les mutuelles d'as-surance representent 50 % du marchede I'assurance automobile et de I'ha-bitat familial.., les banques coopera-tives representent plus de 30 % de leurmarche. Plus generalement, coopera-tives, mutuelles, associations et fon-dations realisent pres de 12 °/o du pro-duit national brut.

Ces organisations relevant de recono-mie sociale se reclament toutes, mal-gre leur diversite, des prmcipes de

hbre initiative collective, d'egahte (« unmembre, une voix »), de juste reparti-tion de la valeur produite, d'mdivisibi-lite au moms partielle des fondspropres, de solidante, de promotion deI'individu, d'mdependance vis-a-vis despouvoirs publics Ces caractenstiquesn'apportent-elles pasjustement des so-lutions pour developper I'mnovation ?

II y a dans I'entreprise de I'economiesociale un projet qui prime ou se sub-stitue au seul desir de rentabihsationfmanciere, desir actuellement marquepar une impatience braquee sur le courtterme, antmomique de I'mnovation.Pour conduire a bien un projet, I'adhe-sion active des hommes, des acteurs estindispensable. L'univers capitahste lui-meme reconnaft aujourd'hui que I'en-treprise a besom d'apports non seule-ment financiers mais aussi humams. Lacooperation des hommes, de leur mtel-

Page 22: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 22/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

ligence au service d'un projet démo-cratiquement décidé et défini, est plusen cohérence avec les principes et lesvaleurs de l'économie sociale qu'avecla maximisation à court terme des pro-fits financiers des actionnaires. Ainsil'économie sociale, sans toujours s'enrendre suffisamment compte, se trouveen accord avec les exigences d'une éco-nomie des idées et des intelligencespour le XXIe siècle, dont les deux brasseraient projets et capital humain.L'économie sociale pourrait devenir lefer de lance d'une économie durable enallant elle-même dans l'action pratiquejusqu'au bout de ses principes et règles.

Construire l'entreprise démocratique dedemain passe par la création de liensentre les différents partenaires sansles enfermer dans des cases, salariés,consommateurs, actionnaires, fournis-seurs..., en les transformant en alliés,pour défendre une « efficacité plu-rielle » débordant l'approche financière.

L'efficacité à terme exige une équitédans la répartition des dividendesentre tous ceux qui apportent quelquechose à l'entreprise, qu'il s'agisse d'ap-ports financiers, matériels, d'intelli-gence ou d'énergie. Ce n'est pas unhasard si des dirigeants notammentfrançais et québécois ont, lors des ren-contres du Mont-Blanc, début no-vembre 2007, décidé de soutenir lacréation d'une chaire internationale deslogiciels libres, et si ce sommet étaitcentré sur les réponses de l'économiesociale aux défis énergétiques dans lemonde. Dans ces deux cas, la conver-gence entre acteurs coopératifs, mu-tualistes ou associatifs, et exigencesde développement « intelligent », du-rable et mtégratif, est apparue claire-ment. L'avenir est dans des entreprisesà propriété partagée, partageant éga-lement l'exercice des responsabilitéset la valeur produite !

Thierry Jeontet '

1 Directeur général d'Euresa, groupement économique européen de mutuelles d'assurance,président de l'Association des rencontres du Mont-Blanc qui rassemble des entrepreneurs del'économie sociale, coopératifs, mutualistes ou associatifs de tous les continents, auteur de Éco-nomie sociale, la solidarité au défi de l'efficacité (Paris La documentation Francaise, 2005) etL'Économie sociale, une alternative au capitalisme (Pans Economica, 2008).

dans le long terme et de mobiliser au mieux leur intelligence collective. Lacoopérative ouvrière basque espagnole Irizar est un bel exemple de réussiteavec une organisation hiérarchique plate 58. Le fabricant et fournisseur enagroproduits De Sangosse, basé à Agen, 460 collaborateurs et 234 millionsd'euros de chiffre d'affaires en 2007, démontre par sa rapide croissance quel'on peut combiner les deux formules, coopérative et patrimoniale.

Il faut aussi développer des formules d'intéressement et trouver des capi-taux « patients » parce qu'intéressés au développement du territoire. AlainRousset a évoqué à plusieurs reprises le problème des fonds propres. « Tropde créativité et de compétences sont récupérées par les fonds de pensionanglo-saxons » constatait-il déjà en 2006 59. Pourquoi, suggère-t-il, ne pas

58 KETELS Christian In JOHNSTON Sarah Jane. « Why the European Content Matters ».Harvard Business School Workmg Knowledge, 3 juin 2002.

59. À l'Université d'été des systèmes productifs locaux, dustcrs et pôles de compétitivité(Bordeaux, 11-13 septembre 2006)

Page 23: Oser rinnovation - Thierry Jeantet...3802496100502/GTG/MJP Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutes

FUTURIBLES ANALYSE ET PROSPECTIVE47 RUE DE BABYLONE75007 PARIS - 01 53 63 37 70

SEPT 08Mensuel

Surface approx. (cm²) : 3813

Page 23/23

JEANTET3802496100502/GTG/MJP

Eléments de recherche : L'ECONOMIE SOCIALE, UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME : livre de Thierry Jeantet, Ed.Economica, toutescitations

orienter vers les entreprises, en modifiant les mecanismes fiscaux, une par-tie des i ooo milliards d'euros de 1'assurance vie qui ne profitent pratique-ment pas au developpement des societes ?

Jean Therme (CEA) a rappele utilement qu'il n'y a pas, comme alterna-tive, « que le modele americain [...] base sur un systeme financier qui prendle controle des entreprises, dont le seul objectif est de couper les couts pouraugmenter les benefices ». En face de ce modele qui entraine une chute dela recherche, « les Asiatiques investissent massivement avec des visionsindustrielles a long terme. [...] Regardez comment ils gerent leur R&D. Cesont eux qui gagneront demain. » Des societes qui preferent conquerir desparts de marche en limitant leurs marges plutot que de maximiser celles-cisont bien placees pour gagner. Pourquoi 1'Europe ne choisirait-elle pas cemodele pour son tissu industriel de demain ?

Le defi majeur pour 1'innovation n'est-il pas de construire de nouveauxtypes d'entreprises, d'economie ? Le succes d'une telle tentative en Europeest-il rendu improbable par les blocages existants ? « Ecoutons Heraclite,recommande Edgar Morin 6o : "si ru ne cherches pas 1'inespere, tu ne letrouveras pas !" » L'innovation consiste justement a rendre possible ce quisemblait improbable voire impossible.

60. MORIN Edgar. « Vers 1'abime ? » Le Monde, ier Janvier 2003, et Vers I'abime ? Paris :L'Herne, 2007, p. 14 (voir 1'analyse de cet ouvrage par Pierre F. Gonod, a paraitre dansFuturibles, n° 345, octobre 2008 [NDLR])