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SUPPLÉMENT MINES ÉNERGIE N°623 JANVIER 2017 Photothèque EDF. Shutterstock/Kichigin ÉVÉNEMENT 4 x 20 ans : l’anniversaire du syndicalisme CGT spécifique aux cadres de l’énergie OUVERTURE DU CAPITAL DE RTE Privatisation à marche forcée

OUVERTURE DU CAPITAL DE RTE - energict-cgt.fr

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supplément mines énergie n°623 janvier 2017

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ÉVÉNEMENT4 x 20 ans : l’anniversaire du syndicalisme CGT spécifique aux cadres de l’énergie

OUVERTURE DU CAPITAL DE RTEPrivatisation à marche forcée

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Depuis sa création, la CGT ambitionne de transformer les rapports sociaux, ce qui, dès le début, posait la ques-tion du rapport de force entre syndicat et patronat. Cela ne pouvait basculer en notre faveur que si la CGT devenait le syndicat de tout le salariat, y compris de l’encadrement. Car, longtemps considérés comme de simples auxiliaires patronaux, les encadrants étaient de fait, exclus du champ syndical. Il a fallu attendre juin 1937, alors qu’elle tenait son 15ème congrès, pour que la clairvoyante FNME-CGT décide, sous l’impulsion de Marcel Paul, la création du GNC qui lui-même donnera ensuite naissance à l’Ufict.Il y a 80 ans naissait donc la spécificité qui devait permettre l’unité de tous les travailleurs. Un anniversaire que toute la fédération et son Ufict ne manqueront pas de fêter tant les populations ingénieurs, cadres et techniciennes, par leur nombre, ont pris une part prépondérante dans le salariat.Entre urgence climatique et pression économique (comme on peut hélas le constater à CGG), la transition énergé-tique, qui doit permettre de limiter les émissions de CO2, cherche son chemin au milieu d’un marché de l’électricité totalement désordonné. Engie, suivant en cela la politique européenne, a décidé de s’engager massivement dans les énergies renouvelables, considérant ces dernières comme une valeur refuge. Voilà comment, sous prétexte d’investis-sements lourds et d’objectifs climatiques vertueux, l’entre-prise a justifié son dernier plan social…Vous pourrez lire en détail tout cela dans votre encart Options de janvier, qui ouvre une nouvelle année 2017 que nous vous souhaitons riche en rencontres, en découvertes et en luttes gagnantes.

3 ÉVÉNEMENT80 ans de syndicalisme entre la CGT et les cadres Dialogue entre Sébastien Menesplier et Priscille Cortet

6 OUVERTURE DU CAPITAL DE RTEPrivatisation à marche forcée

8 REVENDICATIFChargés d’affaires : une mobilisation payante

10 LOI TRAVAILContre-attaque intersyndicale

12 réforme du marché européen de l’énergieVers une énergie propre ?

14 stratégie engieAccélérer la transition énergétique, anticiper et former

16 cggLe mur de la dette

SOMMAIRE ÉDITORIALoptions n°623 / janvier 2017

Ufict-CGT Mines-Energie263, rue de Paris - 93516 Montreuil [email protected]

Rédacteur en chef : Jean-Paul RignacConception graphique : Juliette AmariatMaquettiste : Juliette Amariat

Dépôt légal : 2ème trimestre 2001 - BobignyCommission paritaire n°0112S08090 du 18 janvier 2007

Photogravure et impression : SIEP Zone d’Activités - 77590 Bois-Le-Roi

Ont participé à ce numéro Eric Thiébaut, Philippe Franchelli, Dominique Loret, Christophe Aime, Pascal Lacroix, Philippe Lattaud, Jean-Paul Rignac, Valérie Gonçalves, Eric Buttazzoni.

Eric ThiébautSecrétaire général de l’Ufict CGT mines énergie

80 ans de spécificité

2 / Options n°623 janvier 2017

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événement

un anniversaire à ne pas manquer !

Être l’organisation syndicale qui unit tous les salarié-es… Une ambition posée très tôt dans l’histoire et dans les statuts de la CGT. Rien de plus normal pour un syndicat qui, dès sa création, s’est donné pour objectif de transfor-

mer les rapports sociaux en s’appuyant sur les salariés eux-mêmes.

Rassembler dans la CGT tous les salariés Mais, déjà à cette époque, comment rassembler tous le monde, y compris les cadres, les ingénieurs et tous ceux qui exerçaient des fonctions à responsabilité dans le travail… alors que la CGT était d’abord une organisation ouvrière ? Décider une telle orientation et la mettre en œuvre furent la preuve d’une grande clairvoyance et le résultat de nombreux efforts d’imagination de la part des militants et dirigeants syndicaux de cette époque. Mais cette clairvoyance et cette imagination ont aussi été confrontées, tout au long de notre histoire, aux profondes mutations du salariat et à celles des entreprises. La classe ouvrière s’est transformée, de nouvelles catégories ont surgi ou se sont développées. Employé-es, technicien-nes, ingénieur-es, cadres, chercheurs-ses… constituent désormais une proportion importante du salariat. Leur poids et leur rôle au sein des entreprises et établisse-ments sont incontournables pour transformer le travail et les rapports qui le régissent.

Un syndicalisme spécifique, en convergence avec les autres catégoriesTrès vite, d’autres forces ne s’y sont pas trompées. La création de la CGC, devenue CFE-CGC1… et sa progres-sion aujourd’hui en tant que syndicat catégoriel, montre s’il en était besoin, combien ce terrain est disputé, depuis 1 Confédération Française de l’Encadrement-Confédération Générale des Cadres

toujours, sur le plan syndical. La CGT des IEG a été historiquement novatrice au sein de toute la CGT, pour inventer et mettre en place un syndicalisme spécifique, permettant à nos catégories de s’organiser, de s’exprimer et de revendiquer elles-mêmes, tout en restant convergentes avec les autres catégories. Fait révélateur, le congrès de 1937 prend deux décisions qui marqueront la suite de notre histoire. D’abord, la revendication d’un Statut National pour tous les travail-leurs des industries électriques et gazières, de l’agent d’exécution au cadre supérieur. Et la création du GNC (Groupement National des Cadres) qui deviendra bien plus tard notre Ufict mines-énergie rassemblant aussi le secteur atomique et celui des mines. Durant toute l’année 2017, différentes initiatives se-ront organisées et chaque numéro d’Options zoomera quelques moments choisis de ces 4x20 ans d’histoire. n

1937-2017 : 4 x 20 ans de syndicalisme CGT spécifique à l’encadrement et à la maîtrise dans les IEG puis dans l’ensemble des industries. L’Ufict et la Fédération CGT mines énergie souhaitent faire de cet anniversaire une réflexion féconde pour le syndicalisme d’aujourd’hui.

Options n° 623 janvier 2017 / 3

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4 /Options n° 623 janvier 2017

événement

80 ans De sYnDiCaLisme CGT maiTrise eT CaDres

Options : L’Ufict fête cette année les 80 ans du syn-dicalisme CGT de l’encadrement. Comment la fédé-ration et l’UFICT envisagent-elles cet anniversaire ?

Sébastien : Cela concerne toute notre Fédération. En 1937, le congrès de la Fédération CGT de l’Eclairage et des Forces Motrices décida, sous l’impulsion de Marcel Paul, de mettre en place un syndicalisme CGT propre à l’encadrement, pour lui permettre de se retrouver dans la construction et l’expression des revendications.Héritière de cette Fédération, la Fédération CGT Mines et Energie est également héritière de la décision du congrès réuni en 1937.Comme elle l’était à cette époque, cette question demeure aujourd’hui essentielle pour le rapport de forces et pour l’intérêt de toute la CGT. Ainsi, ce 80ème anniversaire fera l’objet de différentes initiatives comme un colloque orga-nisé par l’IHSME et une présentation dans les travaux

du 6ème Congrès de la Fédération du 9 au 14 avril 2017 à Nantes.

Priscille : L’Ufict organisera également une initiative à Lyon, début juin. C’est là que le congrès fédéral de 1937 décida la création d’une organisation pour l’encadrement : le GNC (Groupement National des Cadres), devenu ensuite l’Ufict. Cette initiative sera un moment de fête mais aussi de réflexions et d’échanges. Ce 80ème anniversaire doit aussi mettre en évidence com-ment, au fil du temps, la CGT a eu à cœur d’adapter ses pratiques et son organisation au salariat tel qu’il est. La CGT du secteur de l’énergie fut un précurseur en ce qui concerne l’encadrement, en décidant, très tôt, la mise en place d’une structuration syndicale spécifique. Celle-ci a été conçue pour accueillir et organiser les syndiqués de l’encadrement et de la maîtrise, afin qu’ils soient pleine-ment acteurs et décideurs de leurs revendications et de

Sébastien Menesplier, secrétaire général adjoint de la FNME et Priscille Cortet, secrétaire générale de l’Ufict Mines Energie

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Options n°623 janvier 2017 / 5

80 ans De sYnDiCaLisme CGT maiTrise eT CaDres

leurs actions. Cette question est toujours d’actualité, dans les conditions d’aujourd’hui. Justement, les conditions qui, à l’époque, ont conduit à mettre en place un syndicalisme spécifique à l’enca-drement, puis par la suite aux techniciens et agents de maîtrise, sont-elles les mêmes aujourd’hui ?

Sébastien : Au lendemain du Front Populaire, puis pen-dant la longue période de l’après-guerre, les ouvriers dominaient en nombre la production, le transport et la distribution de l’électricité et du gaz. Ils formaient une classe homogène qui a toujours joué un rôle historique dans la Direction de la CGT. Le choix de créer un syndicalisme spécifique était réfléchi sur l’idée de nécessairement « se serrer les coudes » pour répondre aux défis du développement de l’électricité et du gaz.

Peu à peu, compte tenu des évolutions des entreprises et des organisations du travail, compte tenu des muta-tions de tout le salariat, cette idée a fait place à l’objectif affirmé d’une CGT de tous les salariés, et qui se donne les moyens pour cela. L’activité spécifique en direction des ingénieurs, cadres, chercheurs, techniciens et agents de maîtrise en fait partie. C’est ce que vient encore de rappeler le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, lors de la ren-contre du 20 novembre dernier sur le thème « La CGT de tous les salariés ».

Et la CGT et son organisation spécifique Ugict ont encore beaucoup à réfléchir sur ce qui change dans le travail, dans l’exercice des responsabilités de l’encadrement et de la maitrise, en particulier avec le développement des nouvelles technologies.

Priscille : En effet, cette question fut au cœur de notre dernier Congrès Ufict de 2015. Le meilleur moyen de sai-sir ce qui change dans le travail des salariés c’est d’être avec eux et de leur permettre de s’exprimer sur leur tra-vail. Ne sont-ils pas les meilleurs experts ? Nos campagnes en direction des chargés d’affaires ou « managers pro » participent de cette démarche. Comme le souligne Sébastien, si les conditions du salariat ne sont plus les mêmes qu’en 1937, celles d’aujourd’hui confortent la nécessité d’une CGT qui se donne les moyens d’être celle de tous les salariés. Or, il faut bien le constater, trop de déserts syndicaux ont vu le jour dans

nos industries, compte tenu des bouleversements de nos entreprises ces dernières années, en particulier là où tra-vaillent de nombreux ingénieurs, cadres et techniciens. Dans le même temps, les derniers résultats des élections dans les IEG nous offrent des exemples de réussite dans ces catégories, même s’ils ont été encore insuffisants pour enrayer totalement un recul de la CGT.

Le déploiement vers ces catégories est-elle de la seule responsabilité des organisations de l’Ufict ?

Sébastien : C’est naturellement d’abord de leur responsa-bilité et celle de tous militants qui sont parmi ces catégo-ries. Mais pour être efficace, c’est de la responsabilité de toute la CGT de construire une stratégie de déploiement qui s’adresse à l’ensemble des salariés, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle. Pour ce faire, il est nécessaire d’aborder ces questions dans les directions de syndicats comme dans la direction fédérale.Aussi, la CGT doit mobiliser tous ses militants et mettre les moyens syndicaux nécessaires pour se déployer dans les secteurs où nous sommes peu présents, voire absents.

Priscille : L’existence d’un syndicalisme spécifique qui se déploie et se structure dans l’encadrement et la maîtrise, concerne en effet toute la CGT. Notre Ufict est riche d’outils et d’initiatives qui sont à la disposition de toute la CGT. L’important est que nos catégories puissent s’identifier et se syndiquer dans une organisation CGT qui leur est dédiée : une CGT de l’encadrement et de la maîtrise. Les organisations Ufict servent à cela. n

C’est de la responsabilité de toute la CGT de construire une stratégie de déploiement qui s’adresse à l’ensemble des salariés Sébastien Menesplier, secrétaire général adjoint de la FNME

Notre Ufict est riche d’outils et d’initiatives qui sont à la disposition de toute la CGT

Priscille Cortet, secrétaire générale de l’Ufict Mines Energie

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6 /Options n°623 janvier 2017

ouverture du capital de RTE

privatisation à marche forcéeAprès avoir beaucoup écrit, informé, alerté à tous les niveaux l’ensemble des parties prenantes, les militants CGT, syndiqués, salariés ont aussi beaucoup agi, au niveau des IRP, dans les lieux décisions (Conseil d’Administration d’EDF, Conseil de Surveillance de RTE), sur le terrain par la mobilisation, la grève, les pétitions... Tout ceci a indéniablement pesé sur les choix, avec une répartition du capital où EDF reste majoritaire, et en évitant des investisseurs privés et/ou étrangers. Mais personne n’est dupe : le schéma actuel n’est qu’une première étape !

Les étapes de ce processus de privatisation de RTE se poursuivent dans la plus grande discrétion : le gouvernement et EDF ne veulent surtout pas inquiéter les salariés de RTE et les citoyens. Car, cette vente est bien une opération purement fi-

nancière pour EDF, sans aucune connotation industrielle, et qui n’a aucun intérêt pour RTE. L’Etat doit assumer ses responsabilités car ce sont bien les gouvernements successifs qui ont été à la manœuvre de la désastreuse déréglementation du secteur électrique.

Un montage financier type LBO qui endette encore un peu plus l’ensemble Co-entre-prise-RTEMis en œuvre d’ici la fin du 1er semestre 2017, le caractère 100 % Public affiché de cette solution n’est qu’apparence puisque CNP Assurances est détenu à 21,8 % par des in-vestisseurs institutionnels et individuels (c’est à dire des

investisseurs privés). L’ouverture du capital telle qu’elle est proposée préserve, à court terme, l’illusion du 100% Public, et il y a bien une dose d’actionnariat privé qui rentre de fait au capital de RTE, même si chaque acteur est à majorité publique. L’opération capitalistique met donc RTE sur la voie de la privatisation. Il est à noter à ce sujet que la principale Ministre de Tutelle, Mme Royal, ne s’est pas encore exprimée sur ce début de privatisation des autoroutes de l’électricité, alors qu’elle s’exprime avec vigueur contre les concessions privées des autoroutes françaises !De plus, le découpage du capital de RTE anticipe les pré-mices d’une vente future « par appartement » du capital de RTE.EDF, avec l’appui du gouvernement, se prive ainsi de revenus réguliers (dividendes de RTE) pour une opé-ration financière immédiate. Cerise sur le gâteau, pour dégager encore plus de cash, EDF a décidé d’endetter la holding à hauteur de 2,8 Md€ par une opération qui

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cDc/cnprteco-entreprise

Endettement : 2,8 Md€50,1%

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Options n°623 janvier 2017 / 7

s’apparente à un achat par endettement partiel (LBO), ce qui généralement a des conséquences désastreuses pour l’entreprise achetée. La première conséquence sera une dégradation de la notation financière de RTE, alors que c’était le dogme à maintenir mais qui devient brusquement quantité négligeable !!! Cela va augmenter de facto le montant des frais financiers de RTE. Il faudra en conséquence aller chercher des économies sur d’autres postes… Budgets d’exploitation, personnel et achats (donc salariés de nos fournisseurs) vont donc être mis sous pression et subir un second coup de rabot, après celui imposé par le Turpe 5. Et si on y ajoute la volonté de « battre le tarif » que cer-tains portent (c’est-à-dire faire mieux que le Turpe pour gonfler les résultats de l’entreprise), ce sont le service public et ses usagers qui vont être maltraités !De plus, la revalorisation de la part de RTE dans les actifs dédiés au démantèlement futur des centrales nucléaires, fait avec la complicité active du gouvernement qui a modifié un décret dans l’urgence, permet à EDF de récupérer encore quelques centaines de millions d’euros supplémentaires.

D’autres étapes dans cette ouverture du capitalSi toute la mécanique a déjà été réalisée en décembre 2016 (co-entreprise, consultation des organes de gouver-nance, décret sur les actifs dédiés), la consultation des IRP d’EDF et de RTE est en cours : l’accord validé lors du CA d’EDF (sans les voix de tous les administrateurs salariés qui ont voté contre), doit être présenté dans les CCE d’EDF et de RTE. C’est au premier semestre 2017 qu’aura lieu la vente de 49,9 % de la co-entreprise à CDC/CNP par EDF et le deu-xième semestre 2017 verra une nouvelle certification de RTE par la CRE et la Commission Européenne.

Un Pacte très favorable aux actionnaires…Ce pacte lie EDF avec CDP/CNP pour gérer la co-entre-prise et prendre les décisions financières. Il donne ainsi la possibilité de prélever des dividendes exceptionnels, en plus des dividendes habituels de 60 % du résultat de RTE (ce qui est déjà supérieur aux prélèvements des entre-prises du Cac 40). Il prépare donc bien le terrain pour piller RTE… et comme la CRE refuse de limiter la prise de dividende, devinez qui va payer la note ?Ce pacte réduit aussi les capacités de contrôle de l’État, puisque dans le conseil de surveillance de RTE, l’État passe de 4 à 2 membres au profit des actionnaires qui passent de 4 à 6 membres.Le spectre de la privatisation est d’autant plus réel qu’il existe, à plusieurs niveaux, d’autres pactes d’actionnaires qui peuvent changer à tout moment.

L’avenir moyen et long terme de RTE n’est en rien assuré. Déjà, à court terme, RTE commence à subir par anti-cipation la politique de dividendes qui pourrait être instaurée, notamment au titre de la « survalorisation » de l’entreprise à l’occasion de cette cession partielle du capital.Et après cinq ans, l’ouverture du capital de la co-entre-prise à des investisseurs privés est possible : EDF et le duo CDC/CNP ne s’interdisent rien (surtout ils ne s’inter-disent pas de détourner la loi et la volonté du législateur qui oblige RTE à rester public).Trop d’hypocrisie et de mensonges entourent ce projet qui est une suite « logique » des choix imposés par les directives européennes. Après les séparations comp-tables, administrative et industrielle, cela se termine aujourd’hui par une séparation capitalistique. C’est la seconde mort de l’Entreprise Verticalement Intégrée ! Il n’y a aucune perspective d’investissement industriel sur l’infrastructure stratégique que représente le Réseau Public de Transport et ses salariés. Ainsi, ceux qui évoquent au sujet de RTE « une gouver-nance nouvelle afin d’accompagner durablement sa stratégie d’investissement » mentent effrontément car ce n’est qu’une opération purement financière. Et cette réalité est « augmentée » au travers du montage retenu, de type « LBO ». C’est aussi l’enclenchement d’un processus destructeur, car cela pourrait donner, rapidement, des idées concer-nant Enedis, filiale qui intéresse régions et métropoles…

La CGT résolument opposée à l’ouverture du capital de RTE, propose de poursuivre l’actionCette ouverture du capital peut conduire à l’ouverture des vannes de la privatisation et du reniement du service public. Les financiers et les libéraux de tous bords seront satisfaits : le service public, les usagers, les agents de RTE et les sous-traitants n’auront plus qu’à payer la note. Il faut donc, dès maintenant, que nous proposions un projet alternatif, rassembleur, pour mobiliser rapidement les salariés et la population, suite à cette première étape en cours de finalisation. Les étapes futures dépendront de l’engagement que nous saurons mettre au regard des risques, mais aussi des opportunités que nous porterons, avec la menace que la phase ultime bascule du « côté obscur de la force », et entraine la privatisation et la gestion purement financière d’une infrastructure stratégique et d’un opérateur de Service public. n

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Options : Une action de grève pour que l’entreprise respecte ses engagements envers ses clients, ce n’est pas banal… Comment en est-on arrivé là ? Bernard : Je pense qu’on en est arrivé là car il y a une mauvaise organisation au sein de la région Pays de Loire. Il manque du personnel dans les bases d’exploitation électricité (nos exploitants sur les réseaux) et il n’y a aucun contact entre services : c’est chacun pour soi…

Options : Bernard, vous qui n’êtes pas syndiqué, comment avez-vous apprécié l’engagement de la CGT à vos côtés ? Bernard : J’ai trouvé l’engagement de la CGT très professionnel, je trouve dommage que les autres syndicats n’en fassent pas de même !

Options : Les chargés d’affaires de votre service se sont particulièrement mobilisés. Comment les décisions se prenaient-elles pour conduire cette action ? Naima : Les décisions se prenaient collectivement. On se réunissait et un vote à l’unanimité se faisait pour chaque décision, notamment lors de la décision de faire grève.

Options : Les chargés d’affaires esti-ment-ils que cette action a été payante ? Naima : Pour les chargés d’affaires, cette action a été en partie payante. On attend de voir les engagements de notre direc-

tion… On a réussi collectivement à faire entendre notre mécontentement sur nos conditions de travail, et on espère que celles-ci vont s’améliorer.

Options : D’autres sujets mériteraient-ils une action syndicale, même si c’est sous d’autres formes ? Condition de travail, rémunération… ? Bernard : Oui, car il y a des inégalités au sein du service alors que tout le monde a les mêmes problématiques. Mais la hiérarchie n’en tient pas compte (primes, heures supplémentaires....). Il manque des compétences dans nos services, il n’y a personne pour accom-pagner les chargés d’affaires dans la réalisation de leurs dossiers, il n’y a pas de tuteur pour les nouveaux arrivants, la charge de travail est trop importante, il y a certaines règles qui ne sont pas respectées. Naima : Comme l’a indiqué mon collègue, il y a d’autres inégalités au sein du service : les chargés d’affaires manquent de formation et d’accompa-gnement pour évoluer et s’assurer du respect des règles et travailler en sécu-rité. Et dans ce métier, il y a très peu de perspectives d’évolution.

8 /Options n°623 janvier 2017

chargés d’affaires

chargés d’affaires une mobilisation payante15 novembre 2016 : les chargés d’affaires d’Enedis engagent un mouvement de grève sur l’ensemble des pays de Loire. Celui-ci, largement suivi, durera plus de deux semaines. La principale revendication : la qualité du service public. Retour sur cette action et ses résultats.

Stéphane

Palisse,

Délégué

syndical

et secrétaire général de

l’Ufict CGT Loire Atlantique

a posé quelques questions

pour Options à Naima Eljayi

et Bernard*, tous deux char-

gés d’affaires. Naima, syndi-

quée Ufict, a participé à

l‘animation du mouvement

de grève au sein de son

agence. Bernard n’est pas

syndiqué mais s’est mobilisé

lors de cette action.

* le prénom a été modifié

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Options n°623 janvier 2017 / 9

LA CAMPAGNE INGÉNIERIE À ENEDIS-GRDF UNE DÉMARCHE DE PROXIMITÉ !À reproduire sur d’autres familles métiers

Dès 2014, l’Ufict est partie d’un constat assez simple concernant ces populations qui repré-sentent près de 30% de la population du collège Maîtrise à la distribution.

Ils avaient des revendications, ils les exprimaient depuis de nombreuses années… mais de façon non coordon-nées. Il fallait donc coordonner et impulser ces revendi-cations.

Mettre en mouvement le corps militant L’Ufict s’est donc appuyée sur des mouvements en cours pour commencer à informer l’ensemble du pays. Autour de sa branche techniciens-nes, agents de maîtrise le chantier a été lancé. Un quatre pages intitulé « Chargés d’affaires, prenez la parole ! » tiré de rencontres avec les chargés d’affaires et chargés d’études, à destination des syndicats CGT et Ufict-CGT, a été le déclencheur de la campagne. Mais le plus important, alors, était de mettre en mouve-ment le corps militant, avec l’appui du secteur distribu-tion de notre fédération, sur les revendications de cette population, partout dans le pays, pour montrer l’élan donné à la campagne.

Un tour de France… en dix moisIl aura fallu dix mois pour boucler ce tour de France, mais cela a été la clé de la réussite : un véritable engoue-ment a vu le jour et surtout un réseau s’est construit. C’est en tout plus de 90 rencontres entre les syndicats locaux et les agents des Ingénieries qui se sont tenues. Un travail exceptionnel de militants, riche de « clés USB » pleines de revendications, sorties tout droit du terrain sur : qualifications et reconnaissances professionnelles, conditions de travail, organisation du travail avec les structures de proximité, identification de la charge de travail, débats sur la complexité des dossiers, le niveau d’expérience et de compétences requises, la formation, le tutorat, les emplois nécessaires… La CGT a ainsi obtenu une concertation nationale à Enedis et une autre à GrDF pour ces populations. La crédibilité de notre démarche a permis une revalorisa-tion de ces métiers de façon homogène sur l’ensemble du pays, mais aussi à certains endroits, l’obtention de revendications locales grâce à l’élan et au partage de données échangées, tout au long du processus. Et ce n’est pas fini…

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10 /Options n°623 janvier 2017

loi travail

contre-attaque intersyndicale La CGT accompagnée d’autres syndicats qui se sont opposés à la loi Travail, viennent

d’éditer un quatre pages à destination des salariés. Son but : mettre en débat avec eux

nos propositions revendicatives et continuer à lutter contre la loi Travail.

Il s’agit de revendiquer des droits nouveaux pour toutes et tous, en replaçant le droit à un travail choisi, décent, les droits des salarié-es, la protection de leur intégrité physique et psy-chique au centre des enjeux sociaux.

Car la loi Travail promulguée cet été, en force, va accentuer ces pressions sur les salarié-es déjà fortement touché-es par la précarité (et en particulier les femmes et les jeunes), en généralisant le dumping social entre entreprises du même secteur et en s’attaquant au temps de travail.

Ce document est organisé en différents pavés sur : hiérarchie des normes et principes de faveur pour une négociation collective d’acquisition rémunération : pour une réelle reconnaissance du travail ! réduire le temps de travail pour tous et toutes : tra-vailler moins, travailler mieux, travailler tous et toutes ! travail et formation chômage le travail, c’est la santé ?

démocratie sociale emploi et jeunes

Cet outil intersyndical doit permettre de poursuivre une opposition déterminée et la plus unitaire possible, à son application et recueillir les propositions qui seront faites lors des débats organisés dans les territoires. Pour l’Ile de France CGT-FO-FSU-Solidaires et l’UNEF, l’UNL, et la FIDL organisent un grand meeting pour l’abrogation de la loi El Khomri le lundi 30 janvier à 18 h au gymnase Japy à Paris.Tout ceci aboutira à une restitution nationale début février 2017.

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Options n°623 janvier 2017 / 11

Options a sélectionné deux de ces thèmes dans ce numéro :

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12 /Options n°623 janvier 2017

Réforme du marché Européen de l’énergie

L’ensemble des textes qui forment ce paquet « Énergie propre pour tous les Européens » doit encore être

approuvé par les Etats-membres, le conseil et le Parlement européen en 2017. Les propositions législatives portent sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’organi-sation du marché de l’électricité, la sécurité d’approvisionnement élec-trique et les règles de gouvernance pour l’union de l’énergie. Ce paquet fixe deux objectifs chiffrés pour 2030 : une réduction de la consommation d’électricité de 30% par rapport à 1990 et un objectif de 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie des pays de l’Union Européenne (UE).

Les émissions de CO2 et les transports absents du paysage ! Concernant l’objectif sur les énergies renouvelables, certains ont regretté qu’il ne soit pas accompagné d’une répartition pays par pays : à cet égard, relevons d’abord que l’absence de référence aux objectifs de l’accord de Paris, qui ambitionne de limiter le réchauffement à 2°C, pose un grave problème. C’est sur cette base que l’UE aurait dû fixer des objectifs par pays en matière d’énergie. Tout se

passe comme s’il fallait éviter que soit mise en accusation l’Allemagne : le pays de l’UE le plus dangereux pour le climat si on considère le volume de ses émissions de CO2 (9,2 tonnes de CO2 par habitant et par an !). En avril 2014, son Ministre de l’éner-gie, Sigmar Gabriel parlait « d’échec écologique et économique ». La France, quant à elle, a des émissions de CO2 inférieures de 40 % à la moyenne européenne.Même impasse sur les transports, pourtant première source d’émis-sions de CO2 en Europe, eux aussi absents du volet efficacité énergé-tique, tout comme la promotion de transports en commun alternatifs à la voiture et à l’avion.

Cap maintenu sur les énergies renouvelables Les objectifs d’énergies renouve-lables en Europe ont conduit à la création de surcapacités massives de production d’électricité alors que, du fait de la crise, la consommation baissait par ailleurs. Cela a amené les entreprises historiques du secteur à déclasser de nombreux actifs « classiques » thermiques (des moyens de production non sub-ventionnés). Cela a aussi eu comme conséquences de tirer les prix vers le bas sur les marchés de l’électricité, de fragiliser la sécurité d’approvision-nement, ainsi que la suppression de

milliers d’emplois. Si la commission remet en cause la priorité réservée aux sources renouvelables en matière d’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité, tant pour le raccordement que pour l’exploita-tion, le projet prévoit le maintien des mécanismes de soutiens aux renou-velables, payés aujourd’hui par tous les consommateurs, même les plus pauvres.Ainsi, pendant que les prix de gros d’électricité s’effondrent jusqu’à 25 €/MWh, le consommateur voit sa facture augmenter régulièrement du fait du poids des subventions aux énergies renouvelables. En France, les subventions payées par le consommateur final sont passées de 3 €/MWh en 2002 à 27 €/MWh au 1er janvier 2016. En Allemagne ces subventions atteignent 70 € !

La fin de la protection du consommateur avec la fin des tarifs réglementés de venteDans le même temps la commission proclame que : « L’élimination pro-gressive de la réglementation des prix sera encouragée » et, dans une attitude de déni, nous ressort la fable que : « La fixation de prix basée sur le marché améliorera le fonctionnement du marché intérieur ».

La Commission européenne a dévoilé le 30 novembre dernier une réforme du marché de l’énergie qu’elle souhaite voir en place après 2020 : le paquet « Énergie propre pour tous les Européens ». La CGT propose d’autres orientations dont une agence européenne de l’énergie.

vers une énergie propre ?

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Le projet propose également « que les États membres mettent fin aux tarifs réglementés de vente, sauf pour les tarifs sociaux », mais précise « temporai-rement ». Les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz restent un caillou dans la chaussure pour les inconditionnels de la libérali-sation. Ces tarifs sont un rempart protecteur pour les consommateurs face à la jungle de la concurrence et à une forte augmentation des prix. Ils restent encore aujourd’hui un instrument de politique sociale car ils peuvent être fixés par l’Etat à des niveaux ne reflétant pas les coûts comptables réels et cela dans un but de protection du consommateur. Très récemment, l’Observatoire National de la Précarité Energétique révélait qu’une augmentation de 10 % du prix de l’énergie ferait basculer

423 235 ménages supplémentaires en situation de précarité énergétique. Nous devrons être vent debout et à l’initiative pour faire perdurer ces tarifs et pour que les gouvernements français s’opposent à ces remises en cause et refusent ces logiques.

La CGT propose une agence européenne de l’énergie pour une coopération énergétiqueAucun bilan de la déréglementation du secteur énergétique n’a été tiré. Pourtant, depuis plus de vingt ans, alors qu’on nous a rabâchés que la concurrence ferait baisser les prix… c’est l’inverse qui s’est produit ! Pour la CGT, l’Europe de l’énergie doit être beaucoup plus ambitieuse en matière industrielle, environne-mentale et sociale. Il nous faut faire grandir l’idée qu’il faut passer de l’Europe de la concurrence à l’Europe de la coopération énergétique. La France doit être à l’offensive pour que l’Europe se dote d’une politique industrielle répondant à des objectifs de progrès humain et écologique, car c’est l’échelon européen qui est

le plus pertinent pour introduire des clauses sociales et environnemen-tales dans les échanges internatio-naux.En ce sens, la création d’une agence européenne de l’énergie permettrait d’associer sécurité d’approvisionne-

ment et des réseaux, indépendance à long terme avec des objectifs com-muns comme la réduction des Gaz à Effet de Serre (GES), la recherche, les réseaux, le droit à l’énergie…. Sans opposer les énergies entre elles, il faut utiliser la diversité des situations au plan européen concer-nant les sources d’énergie possibles : nucléaire en France, charbon en Pologne... et prendre en compte le niveau de maturité des différentes technologies (coût, stockage de l’élec-tricité, stockage du CO2) à la lumière de trois critères : l’impact social, environnemental et économique. Plus que jamais, l’énergie n’est pas et ne doit pas devenir une marchan-dise comme les autres, en se vendant au plus offrant d’un bout à l’autre de l’Europe, au grès des cours de la bourse qui sont sujets à toutes

les spéculations : il en va du succès contre le réchauffement qui est loin d’être acquis si on continue sur le chemin actuel tracé par l’Europe... n

Les émissions de CO2 allemandes = 1,6 fois celles de la France

ECHEC DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES De 1990 à 2000, sur le territoire actuel de l’UE, les émissions de gaz à effet de serre par unité d’énergie consommée* ont baissé de 13,7 %. De 2004 à 2014, durant la mise en application de la politique européenne de réduction des émissions de GES, elles n’ont diminué que de 7,2 %, soit près de deux fois moins !En faisant le choix de la promotion obligatoire des énergies renouvelables (700 Md € ont été investis de 2004 à 2014 (1/2 en solaire et ¼ en éolien), l’Europe a confondu objectifs et moyens : ceci a conduit à un échec puisque les émis-sions de GES ont moins diminué que par le passé !Le reste du monde a refusé ce travers et par l’Accord de Paris réserve à chaque état le choix des moyens : l’Europe doit faire de même.

* dans cette étude disponible sur www.geopolitique-electricite.fr le charbon, par unité d’énergie produite, émet 30 % de plus de gaz à effet de serre que le pétrole et deux fois plus que le gaz naturel.

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Stratégie Engie

accélérer la transition énergétique, anticiper et formerLa nouvelle Directrice Générale d’Engie impulse, depuis début 2016, un changement de stratégie brutal pour une mise en œuvre rapide : « changer le Groupe en trois ans », c’est-à-dire pour fin 2018. Au bout d’un an de présentations, interpellations en comités d’entreprise et de groupe, la CGT d’Engie clarifie les ressorts de cette stratégie...

L’axe stratégique prin-cipal est de devenir un énergéticien sans CO2, c’est-à-dire en se développant essen-

tiellement sur les énergies renou-velables – hydroélectricité, solaire et éolien, biogaz et gaz de synthèse – et surtout en prenant le tournant de l’énergie décentralisée : réseaux intelligents, outils digitaux, mobilité verte, efficacité énergétique.Cette dimension est évidemment essentielle, et si cette inflexion forte mais tardive est la bienvenue, il faut comprendre que le moteur est tout autre : les ventes d’énergies sont aujourd’hui faites sur un marché totalement désordonné, où les prix font du yo-yo. Et pour ce qui est de l’électricité, ces prix plongent (sans doute pour plusieurs années), rendant beaucoup moins rentable l’activité, poule aux œufs d’or des années 2000. La stratégie sous-ja-cente de Mme Kocher est de quitter les activités de marché trop risquées selon elle. Cela confirme les analyses et les luttes de la CGT des trente dernières années pour s’opposer à la déréglementation des marchés de l’énergie.

Réduire le risque de marché…En conséquence, réduire le risque de marché comporte deux volets : céder des activités soumises à prix de mar-ché (pétrole, gaz, kWh électrique…) d’une part, baisser les coûts fixes d’autre part.Engie a ainsi vendu début 2016 toutes les centrales électriques aux USA, et est en train de céder l’acti-vité Exploration-Production et les centrales électriques en Europe de l’Est. Elle réfléchit à céder l’activité de négoce de gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi qu’à se désengager du nucléaire, y compris en Belgique.Pour certaines activités que le Groupe souhaite garder, mais qui sont soumises à un prix de marché, comme par exemple l’hydroélectrici-té, il s’agit plutôt de baisser les coûts fixes pour soutenir une baisse des prix de vente sans perdre d’argent. Ainsi, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) qui possède et exploite les barrages au fil de l’eau sur le Rhône, subit une réorganisation drastique, contrée par un mouve-ment social d’ampleur à l’automne dernier. De même, Exploration Production International (EPI), dans l’attente d’une vente, est restructu-rée avec une diminution de 50% du personnel (hors plateformes).

… pour se concentrer sur les activités subventionnées ou réguléesAinsi, Engie cherche à échapper à un marché qui ne fonctionne pas et se réfugie… dans les activités régulées (monopoles de fait gérés par l’Etat) ou les activités subventionnées (les énergies renouvelables). Cette stra-tégie confirme de façon éclatante ce que la CGT a porté et porte toujours : l’énergie n’est pas une marchandise comme les autres et nécessite une gestion publique, à plus forte raison en période de forts changements.Reste que si le renouvelable cumule le fait d’être subventionné et d’être une énergie d’avenir, pour ce qui est du régulé, il s’agit juste d’une « valeur refuge » temporaire :

premièrement car les réseaux sont étroitement liés à la production d’énergie centralisée (électricité) ou fossile (gaz), et que leur utilisation péricliterait si le décentralisé pro-gressait fortement ;

deuxièmement, car le régulé n’ap-porte qu’une sécurité financière rela-tive : certes les prix ne sont pas des prix de marché, mais ils sont soumis à contrôle et validation de l’adminis-tration. A ce titre ils peuvent subir des à-coups tout aussi brutaux que ceux du marché.

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Il serait donc plus juste de penser que la direction d’Engie considère ces activités régulées (réseaux, stoc-kages, terminaux) comme des « tiroirs caisses », rapportant des dividendes importants et pouvant être cédés dans le futur si nécessaire.

Pour la CGT, il faut accélérer la transition énergétique…Les représentants CGT ont non seulement approuvé l’accélération prônée par la direction d’Engie sur la transition énergétique, mais l’ont même anticipée. Dès 2011, la CGT avait ainsi interpellé M. Mestrallet, PDG de l’époque, sur l’investisse-ment dans la transition énergétique alors que le Groupe n’avait d’yeux que pour la production électrique centralisée, avec le rachat d’Inter-national Power (IP), champion des centrales à charbon, tant décriées aujourd’hui…Et même si le budget d’investisse-ment est réorienté depuis 2016 pour partie vers les énergies décentra-lisées, pour la CGT il reste encore beaucoup à faire, en particulier sur la recherche et les services climatiques et thermiques.

… tout en conservant les activités historiquesPar contre, dès leur annonce en février 2016, la CGT a dénoncé tous les projets de cessions d’activités historiques : production électrique thermique et nucléaire, explora-tion-production, GNL : des activités nécessaires à la réponse aux besoins pendant encore des années. Car s’il ne faut pas rater le train des énergies nouvelles, celles-ci ne remplaceraient les moyens historiques (il faut parler au conditionnel car rien n’est sûr en la matière)… que dans 20 ou 30 ans. Il n’y a donc pas d’urgence à s’en dé-faire. D’autant plus que ces activités sont effectuées par des salariés dont les compétences seront utilisables pour la transition elle-même. Par exemple, se séparer des géologues de l’exploration-production aujourd’hui est absurde, alors que le Groupe veut

développer fortement l’activité de géothermie…Quant à l’argument de la direction qui pointe un besoin de financement justifiant les cessions, les élus CGT ont fait le calcul que le plan d’inves-tissement était largement auto finan-çable… pour autant qu’on diminue les dividendes !

Sur le plan social : anticiper et formerLa CGT a donc revendiqué non seu-lement un développement industriel, mais aussi le maintien des activités historiques, avec un plan de forma-tion adossé à une gestion prévision-nelle des emplois et des compétences (Gpec).Devant le manque d’effets produits par l’accord Gpec européen, devant

l’absence de plans de formation, en particulier pour les salariés des services climatiques et thermiques, censés pourtant porter une part importante du développement futur (efficacité énergétique, offres territo-riales…), la CGT a poussé pour une négociation européenne d’un accord social.Cet accord propose un dispositif plus contraignant sur la Gpec et la formation, en particulier une forma-tion qualifiante pour deux tiers du personnel chaque année, plus de 50% des formations sur des compétences métiers (et non sur une adaptation au poste ou des habilitations), un contrôle sur les salariés sans for-mation pendant plusieurs années. Il contient également un dispositif plancher groupe pour favoriser la

mobilité volontaire, peu développée dans le Groupe – en particulier hors IEG.Enfin, l’accord porte l’engagement de maintenir les garanties sociales en cas de réorganisations et transferts d’activités. Pour cela, il est prévu un diagnostic social obligatoire préalable à l’opération, permettant de mesurer les écarts de garanties, suivi d’une négociation pour les compenser.

Une CGT à l’initiativeLoin d’être « à la traine » des chan-gements, comme voudraient le faire croire les employeurs, la CGT a montré qu’elle souhaitait anticiper au plus tôt les évolutions industrielles, profiter de ces évolutions pour faire évoluer les compétences des salariés et leur offrir par la même occasion,

non seulement, un maintien de leur emploi, mais une évolution de carrière.Force est de constater que c’est plutôt la direction d’Engie qui a eu un gros retard à l’allumage, il y a sept ans, et qui, aujourd’hui, veut aller plus vite que la musique. Il y a matière, durant les vingt ans qui viennent, à mettre en place une utilisation des nouvelles technolo-gies pour répondre aux besoins de manière moins polluante et moins productrice de CO2. Il y a du temps également pour que ces évolutions se fassent en douceur et progressi-vement et non pas au détriment des salariés de l’énergie. n

Anticiper les évolutions industrielles pour faire évoluer les compétences et les carrières

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CGG

le mur de la detteLa situation de CGG, sous-traitant d’activités géophysiques essentiellement pour le secteur pétrolier et gazier, à l’image de tout le secteur ne s’améliore pas (cf. article précédent Engie/EPI). C’est tout juste si les dirigeants concèdent un « frémissement », mais qui ne suffit pas à remplir le carnet de commande : la situation de CGG reste plus que précaire…

Après un Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui porte bien mal son nom puisqu’il a vu fondre les effectifs de CGG dans le monde de 11 000 à 6 000 en plusieurs étapes, dont près de 1 500 aujourd’hui en France (Nantes et Massy)

(voir Options n° 612 de décembre 2015), la dette actuelle accumulée représente plus de deux ans de chiffre d’af-faire ! Les remboursements d’emprunts grimpent à 16% du chiffre d’affaire et à l’horizon 2019, d’autres emprunts arri-veront à échéance que CGG ne pourra plus rembourser.

Restructuration financière mais à quel prix ? Une restructuration financière est engagée pour assurer la pérennité de l’entreprise dont la CGT et la CFDT locales redoutent les conditions. Quel devenir de l’ensemble des activités de CGG et des emplois qui pourraient être imposés par d’éventuels investisseurs ? Elles demandent donc un rééchelonnement, et même une abrogation partielle de la dette. Lors d’une délégation au Ministère

de l’Industrie le 9 janvier, appuyée par des salariés, promesse a été faite de réexaminer le dossier et de se revoir… dans un mois.De leur côté, les fédérations maritimes CGT et CFDT ont été reçues au Ministère le 21 décembre 2016 pour exiger le maintien des bateaux CGG sous pavillon français. En effet, après l’arrêt des bateaux CGG opérés par Louis Dreyfus Armateurs, leur redémarrage est prévu… sous pavillon norvégien, ce qui a entrainé une mobilisation du personnel.Les qualifications des salariés de CGG, comme celle des agents d’Engie/EPI, sont reconnues. Qu’adviendra-t-il si on laisse le secteur des sciences géophysiques disparaitre du paysage technique français ? A l’heure de la transition énergétique, n’y-a-t-il pas de possibilités de redéployer ces salariés hautement qualifiés vers la géothermie, le stockage du CO2, le stockage de l’énergie ? La CGT et son Ufict vont continuer à suivre de près ce dossier… n

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