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p ACTUALITÉ le snesu MENSUEL DU SYNDICAT NATIONAL DE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - N ˚653 MARS 2017 MONDES UNIVERSITAIRES Présidentielle 2017 : les programmes pour l’enseignement supérieur et la recherche (partie 1) DOSSIER CULTURE ENTRETIEN Mission IE-CSEE à Ankara Roland Gori Sortir de l’université managériale Comue : bienvenue au royaume d’Ubu Jules Falquet, « Guerre de basse intensité contre les femmes ? »

P 01 Couv 653 653 - SNESUP-FSU · ce numéro, vous trouverez quatre suppléments : – les « propositions du SNESUP-FSU pour le développe-ment du service public de l’enseignement

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pACTUALITÉ

le snesuM E N S U E L D U S Y N D I C A T N A T I O N A L D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 6 5 3 M A R S 2 0 1 7

MONDES UNIVERSITAIRES

Présidentielle 2017 :les programmes pour l’enseignementsupérieur et la recherche (partie 1)

D O S S I E R

CULTUREENTRETIEN

Mission IE-CSEE à Ankara Roland GoriSortir de l’universitémanagériale

Comue : bienvenueau royaume d’Ubu

Jules Falquet,« Guerre de basse intensitécontre les femmes ? »

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M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 653 M A R S 2017

ACTUALITÉ 5• PPCR : le décret

statutaire desenseignants-chercheursrevu par le ministèreet la… CPU

• Formation :« Compétences » etUniversité : quelquesrappels historiques

VOIX DES ÉTABLISSEMENTS 8

MÉTIER 17• Chantier travail

de la FSU : des réservesd’énergie, des réservesd’alternatives pourl’action syndicale :le travail en débat !

• Sécurité sociale :un avenir menacé

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« Les jours heureux »

DOSSIER 9Présidentielle 2017 : les programmes pour l’ESR (partie 1) En raison des multiples rebondissements de l’ac-tualité politique, l’enseignement supérieur et larecherche ne sont pas encore un thème inscrit dansla campagne présidentielle de 2017. Mais tous lescandidats ont un chapitre de leur programme consa-cré au développement de la recherche et de l’en-seignement supérieur. Dans ce dossier, nous avons comparé ceux de Fran-çois Fillon, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine LePen et interviewé un conseiller ESR de chacune deleurs équipes de campagne. Comme le parti de la can-didate de l’extrême droite défend des thèses quenous combattons avec les autres syndicats de la FSU,comme sa progression est également très préoccu-pante, nous lui avons accordé une place particu-lière. Il nous a paru en effet nécessaire d’étudier sespropositions tout en lui adjoignant un décryptage quipermet de dénoncer la réalité de l’exercice du pou-voir lorsque des membres de ce parti y accèdent,comme cela a déjà été le cas au niveau local. Les programmes de Nathalie Arthaud, de NicolasDupont-Aignan, de Benoît Hamon, d’EmmanuelMacron et de Philippe Poutou, qui ne sont pas encoretous connus au moment où nous bouclons ce dossier,seront étudiés dans le numéro d’avril. Quant auxpropositions du SNESUP-FSU, elles sont annexéesdans un supplément à ce dossier.

Notre société est l’otage d’une oligarchiequi impose à tous nos concitoyens les doctrines

du néolibéralisme : la finance libéralisée (qui

éloigne les capitaux de l’économie réelle et qui

nous a conduits à la crise de 2008), le libre-

échange (qui permet aux capitalistes d’investir

là où les impositions sociales, environnemen-

tales et financières sont les plus faibles), l’aus-

térité salariale (qui transfère la valeur vers les

dividendes des actionnaires) et les contre-

réformes fiscales (qui permettent aux plus riches

de payer moins d’impôts). Pour cela, nos oli-

garques doivent déconstruire le programme du Conseil

national de la Résistance (CNR) élaboré par l’Union des

résistants, des partis politiques et des syndicats en lutte

contre l’occupant nazi pour instituer un État social après

la Libération. Comme le rappelle l’économiste Christophe

Rameau dans le film Les Jours heureux, de Gille Perret (*) »,

les politiques néolibérales s’attaquent aux quatre piliers de

l’État social : la protection et la sécurité sociale, le Code du

travail, les services publics, les politiques de redistribution,

de soutien à l’activité et à l’emploi. Si aujourd’hui, comme

l’a revendiqué le milliardaire Warren Buffett, « la lutte des

classes existe et c’est nous qui l’avons gagnée », relevons

l’« Appel des résistants aux jeunes générations », lancé le

8 mars 2004 par treize personnalités de la Résistance.

Comme ils nous y enjoignent, indignons-nous, résistons et

recréons une société plus juste, plus libre et plus solidaire.

Nous, universitaires, avons une responsabilité, et nous

devons y prendre toute notre part, parce que

nous sommes touchés dans nos missions et nos

pratiques par l’austérité organisée et la mise

en concurrence de tous contre tous, parce que

nous travaillons avec la jeunesse de notre

pays et parce que nous construisons des

connaissances qui permettent de penser des

alternatives au néolibéralisme.

L’accord de libre-échange CETA (qui concerne

l’éducation et l’ESR) a été adopté par les députés

européens, opposons-nous à sa ratification

ainsi qu’à celle du TAFTA.

Comme il l’avait fait en 2012, et parce que la situation de

l’ESR s’est encore détériorée depuis, le SNESUP propose

une rupture profonde et des mesures immédiates pour

qu’adviennent des jours heureux dans nos établissements,

pour nos collègues, nos étudiants et nos concitoyens. Avec

ce numéro, vous trouverez quatre suppléments :

– les « propositions du SNESUP-FSU pour le développe-

ment du service public de l’enseignement supérieur et de

la recherche » ;

– « Contre la précarisation des travailleurs scientifiques –

Pour la science et le progrès humain » ;

– Former des maîtres : « La formation des enseignants

toujours en question(s) » ;

– pour notre congrès d’orientation : le rapport d’activité de

la direction nationale et les motions de nos tendances.

(*) Du nom du programme du CNR.

Hervé Christofol,secrétaire général

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MONDES UNIVERSITAIRES 19• IUT : dix ans après

la loi LRU, oùen sommes-nous ?

• Comue : bienvenueau royaume d’Ubu(1/2)

ENTRETIEN 21• Roland Gori

Sortir de l’universitémanagériale

CULTURE 23

• Jules Falquet« Guerre de basseintensité contreles femmes ? »

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4ÉPHÉMÉRIDE MISSION IE-CSEE À ANKARA

Retour de Turquie

Les 27 et 28 février, le SNESUP-FSU a participé à une mission du Comitésyndical européen de l’éducation (CSEE) à Ankara, en soutien au syndicat

de l’éducation Egitim-sen et à la Confédération des syndicats de fonctionnaires(KESK) : de nombreux membres de ces organisations et de leurs directionsnationales et locales ont été radiés de la fonction publique depuis latentative de coup d’État du juillet 2016 ; la secrétaire générale d’Egitim-sen,Sakine Eren Yılmaz, est aujourd’hui réfugiée en Allemagne. Des rencontresont été organisées avec des ambassades – Allemagne, Danemark, France,Pays-Bas – et avec la délégation de l’Unicef – la Turquie accueille plus de2,8 millions de réfugiés, dont plus de 1 million d’enfants.Parmi les 146 124 universitaires de Turquie, 7 809 ont été radiés(*), soitplus de 5 %. Ils en ont été informés par la publication sur le site du gou-vernement de décrets-lois (permis par l’état d’urgence) accompagnés delistes sur lesquelles figurent leurs noms. Ces collègues perdent leurs revenusainsi que tout accès aux emplois publics. Trouver un travail dans le secteurprivé devient alors extrêmement difficile ; en effet, leur situation de personnelradié est rendue publique et la peur règne. Leurs passeports sont confisquéset parfois ceux de membres de leur famille. Cent jours après leur radiation,ils perdent tout droit à la Sécurité sociale et à sa branche santé. L’ensembledu secteur de l’enseignement est victime de la répression : environ 33 000 per-sonnes radiées sur 852 000 enseignants (près de 4 %). La purge toucheencore davantage la justice, la police et l’armée. Les journaux constituentune autre cible majeure.Le 16 avril 2017, les citoyens turcs seront appelés à s’exprimer par référendumsur des amendements de la Constitution légalisant un régime de type dic-tatorial où, dans les mains du président de la République, qui pourra resterchef de parti, seront concentrés le pouvoir exécutif (nomination des vice-présidents et des ministres – le poste de Premier ministre est supprimé –,nomination des hauts fonctionnaires et des recteurs d’université, droit d’ins-taurer l’état d’urgence, seul et sans contrôle parlementaire, etc.) et descompétences législatives et judiciaires majeures.Egitim-sen et la KESK appellent au développement des relations entre l’Europe et la Turquie, de personne à personne et d’organisation à orga -nisation. De nombreuses missions syndicales européennes en Turquiesont programmées d’ici au référendum du 16 avril, dont celle des confé -dérations françaises. l

Marc Delepouve, responsable du secteur International

(*) Chiffres de l’Ambassade de France.

M E N S U E LD U S Y N D I C A TN A T I O N A L D EL ’ E N S E I G N E M E N TS U P É R I E U RSNESUP-FSU78, rue du Faubourg-Saint-Denis,75010 Paris - Tél. : 01 44 79 96 10Internet : www.snesup.frDirecteur de la publication : Hervé ChristofolCoordination des publications : Pascal MaillardRédaction exécutive :Laurence Favier, Claudine Kahane, Michel Maric,Isabelle de Mecquenem, Marc Neveu, Christophe Pébarthe, Christophe VoilliotSecrétariat de rédaction :Catherine Maupu, Latifa RochdiTél. : 01 44 79 96 23Iconographie : Sophie-Gaëlle MartinCPPAP : 0121 S 07698ISSN : 0245 9663Conception et réalisation : C.A.G., ParisImpression :SIPE, 10 ter, rue J.-J. Rousseau, 91350 GrignyRégie publicitaire :Com d’habitude publicité,Clotilde Poitevin. Tél. : 05 55 24 14 [email protected] au numéro : 0,90 € • Abonnement : 12 €/anSuppléments à ce numéro : 20 p. Congrès (motions etrapport d’activité) ; 8 p. Propositions du SNESUP ; 8 p. Jour-née du 15 mars (précarité) ; 4 p. Grilles de carrières.le

snes

u14 MARSSecrétariat national SNESUP-FSU.15 MARSJournée mondiale contre la précarité dans l’ESR.15 ET 16 MARSStage FSU – Europe et politique migratoire.16 MARSCommission administrative SNESUP-FSU.16 ET 17 MARS• Journées intersyndicales femmes.• Rue 2017.19 MARSMarche pour la justice et la dignité.21 MARSCneser – Commission permanente.21 ET 22 MARSConseil délibératif fédéral national (CDFN).22 MARSCneser accréditations – Bourgogne Franche-Comté.23 MARS• Stage FSU – Fiscalité.• Conseil supérieur de l’éducation (CSE).• Secrétariat national SNESUP-FSU.• Réunions des secteurs Communication et Recherche.28 MARSBureau national du SNESUP-FSU.29 MARSJournée universités fusionnées – Bilan et mode d’action.29 ET 30 MARSStage FSU – Formation de délégué.e.s du personneldans les instances d’action sociale.30 MARS• Journée de mobilisation pour les retraites.• Réunion des secteurs Service public et Vie syndicale.3 AVRILBureau délibératif fédéral national (BDFN).4 AVRILSecrétariat national SNESUP-FSU.5 AVRILRéunion du secteur Situation des personnels.6 AVRILCommission administrative SNESUP-FSU.11 AVRILSecrétariat national SNESUP-FSU.13 AVRILRéunion du secteur Formations.

Illustration de couverture © Eigenes Werk/Wikimedia Commons

Conférence de presse, en présencedes membres du CSEE et du président

d’Egitim-sen, Kamuran Karaca(2e à partir de la gauche).

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PARCOURS PROFESSIONNELS, CARRIÈRES ET RÉMUNÉRATIONS (PPCR)

Le décret statutaire des enseignants-chercheursrevu par le ministère et… la CPU

Le protocole de revalorisation des carrières PPCR demandait de modifier le décretstatutaire des enseignants-chercheurs. Le ministère en a profité pour introduirede nouvelles dispositions relatives au statut des MCF stagiaires, aux modalitésdérogatoires de recrutement des enseignants-chercheurs, aux commissionsde réformes départementales relatives à la protection sociale des fonctionnaires.

La consultation du Comité techniquedes enseignants de statut universitaire

(CTU), le 20 février, qui siégeait pour lapremière fois depuis deux ans alors queses statuts imposent au ministère de leréunir deux fois par an, avait pour objectifpremier la transposition du protocolePPCR (Parcours profes-sionnels, carrières etrémunérations) aux corpsdes enseignants-cher-cheurs. Le ministère acependant mis à profit leréexamen du décretstatutaire pour introduirediverses dispositions sansrapport aucun avec lanégociation PPCR. Malgrénotre demande de disso-ciation, ces deux voletsn’ont pas fait l’objet devotes distincts en CTU.C’est pourquoi le CTU a démarré par unedéclaration liminaire unanime des organi-sations syndicales (OS) membres ducomité invoquant la convocation tardivedu CTU, accompagnée d’un tempscontracté à l’extrême de consultations ausein des OS des documents à l’étude.Cette déclaration dénonce l’absence dedialogue social, le mépris du ministèrevis-à-vis des instances représen-tatives des personnels et sonallégeance à la CPU (instancereprésentative des seuls

présidents d’université), qui aura large-ment tenue la plume.Les élus SNESUP-FSU du CTU ontdéfendu 42 amendements et 6 motions(www.snesup.fr/rubrique/instances-nationales-de-representat ion-du-personnel-ctu-ctmesr-chsctmesr).

REVALORISATIONDES CARRIÈRESET RÉMUNÉRATIONS Concernant les corps decatégorie A+ de l’ensei-gnement supérieur et dela recherche, le SNESUP-FSU a porté l’exigence demesures indiciaires signi -ficatives permettant de - rat traper l’écart de25 000 euros de salairemoyen annuel par rap-

port aux quatre autres corps d’État(Cour des comptes 2015), malgré leplus haut niveau de diplomation etl’entrée en carrière la plus tardive(douze années de formation post-bac en moyenne, post-doctorats

➔ par Heidi Charvin , Françoise Papa , Philippe Aubry et Hervé Christofol

◗◗◗

tNos élus ont défendule rôle du CNU face

à l’extension ducontournement de ses

missions par recrutementdirect des établissementssans examen des dossiers

de qualification.

s

inclus), en actant notamment la recon-naissance du doctorat dans les grilles sala-riales. La création d’un échelon en hors-échelle B (HEB) pour les MCF et les PR2constitue une très faible avancée, 39 %des MCF sont toujours en classe normaleau moment de leur départ en retraite, dont26 % qui restent bloqués en fin de carrièreau 9e et dernier échelon de cette classe(données 2015).C’est pourquoi nos élus ont demandéque la création d’un échelon exception-nel à la fin de la hors-classe (donc contin-genté) des MCF soit transformée en cellede simple 7e échelon, la réduction de ladurée des échelons à trois ans pour lesMCF et PU, et enfin que la mise en œuvredes avancements de carrière s’effectuesur l’exercice 2017 et non sur 2018,comme rédigé. Ces amendements, éga-

Le SNESUP appelle le ministère à prendre des mesures pour augmenterle recrutement des femmes.

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lement proposés par d’autres OS, ont étévotés à l’unanimité.Au cours du CTU, une négociation s’estengagée entre le SNESUP-FSU et le minis-tère pour que la demande de décontin-gentement de l’accès des MCF à la HEBsoit portée par le secrétariat d’État à l’ESRdans le cadre des négociations intermi-nistérielles, notamment vis-à-vis des minis-tères du Budget et de la Fonctionpublique. Consciente de l’importance dela création d’un 7e échelon, véritable mar-queur de la reconnaissance du doctorat,dans un contexte où nombre de MCFsont bloqués dans le corps des MCU, liéà la diminution des postes PU (transfor-mation en postes MCF, gels…), à la mul-tiplication des voies exceptionnelles d’ac-cès à ce corps (pour les CR1, DR2, hautsfonctionnaires, chercheurs étrangers ou deretour de l’étranger, etc.) et à l’entrée tar-dive en fonction (33,4 ans en moyenne),la FSU a décidé de répartir ses votes en3 POUR et 1 ABS., faisant le pari qu’unvote globalement favorable du CTU per-mettrait de peser plus efficacement sur lesarbitrages interministériels à venir.

L’OPPOSITION AUX NOUVELLES BRÈCHES DANS LE STATUTNos élus ont combattu la disposition quiconditionne le recrutement d’un ensei-gnant-chercheur à l’avis favorable du hautfonctionnaire de défense et de sécuritéministériel de tutelle dès lors qu’il estsusceptible d’effectuer ses recherches ausein d’un laboratoire ZRR (zone à régimerestrictif), dont la liste est tenue secrète.Ils ont défendu le rôle du CNU face à l’ex-tension du contournement de ses mis-sions par recrutement direct des établis-sements sans examen des dossiers dequalification, et à l’élargissement des pro-cédures de contournement de la qualifi-cation et de la HDR pour devenir profes-seur aux MCF ayant exercé des mandatsfonctionnels. Notamment, ils se sont oppo-sés à la voie de recrutement spécifiquepour les enseignants-chercheurs investisdans la gouvernance (à destination quasi

exclusive des VP non statutaires ou char-gés de mission MCU ou CR et proposée àl’initiative de la CPU), actant que lesprimes de fonction, devenues exorbi-tantes, et que les décharges de servicecouvrent largement leur investissementlocal. L’obtention de CRCT hors quota,pour réinsertion dans les missions de base,serait une mesure plus juste et équitable.En opposition à la CPU, ils ont obtenu lasuppression de l’entretien auprès du direc-teur de composante, qui aurait été préalableau traitement des mutations prioritaires parle Conseil académique, et ont garanti lareprésentation des enseignants-chercheursdans les commissions de réforme départe-mentales par deux enseignants-chercheursdésignés par les membres du comité tech-nique d’établissement.Dans le cadre de la réévaluation des disci-plines dérogatoires sur la parité relativefemme-homme (40 %) dans les comitésde sélection, le constat est qu’après trois ansde mise en application, le pourcentage desfemmes recrutées professeures des univer-sités dans ces disciplines varie peu. Le SNE-SUP-FSU appelle donc le MENESR àprendre des mesures plus drastiques pouraugmenter le recrutement des femmes dansle plus haut corps universitaire.

LE SNESUP-FSU A PRÉSENTÉ DES MOTIONS APPELANT À UNRÉÉQUILIBRAGE DES CONDITIONSDE TRAVAIL SÉVÈREMENT DÉGRADÉESEnfin, conscient, après trois ans de pra-tique, que le décret statutaire enseignants-chercheurs comporte des failles qui ampli-fient la dégradation des conditions de travailopérées avec la loi LRU, le SNESUP-FSU,par ses motions, appelle : à l’optionnalisa-tion du suivi de carrière et à la suppressionde la modulation de service, véritables

outils de gestion managériale dénaturéepour des présidents d’université de moinsen moins régulés dans leurs missions parl’institution étatique (www.snesup.fr/article/lettre-ouverte-au-president-de-la-conference-des-presidentes-duniversite-regressions) ; àla suppression des mesures dérogatoires àla qualification par le CNU ; à la mise enapplication de la reconnaissance du doc-torat, conformément à la loi ESR 2013, dansles grilles salariales de la fonction publiqueet du privé (comme le rappelle l’OPECST) ;au remboursement des frais de transportdans l’exercice des missions hors du lieu derésidence administrative et l’inclusion de ladurée de transport dans les heures de ser-vice statutaire ; à la prise en compte pro-portionnelle dans les opérations de gestionde carrière (évaluations CNU, HCERES,recrutement…) des décharges de service, etce tant au niveau des enseignements qu’auniveau de la recherche. Nos motions onttoutes recueilli la majorité des votes.Enfin, le SNESUP-FSU a demandé que leCTU soit réuni deux fois par an en groupede travail avec le ministère pour réfléchir surles conditions d’exercice du métier d’en-seignant-chercheur, ce afin d’aboutir àmoyen terme à des propositions de cadragelégislatif tirant vers le haut la profession.En conclusion, au sein des courtes margesde manœuvre des négociations avec leministère lors de ce CTU, si d’autres orga-nisations syndicales ont axé leur prioritésur la suppression de l’entretien préalableaux mutations prioritaires (rapprochementde conjoint, handicap) ou sur l’obligationde formation des MCF stagiaires, le SNE-SUP-FSU a priorisé la revalorisation dessalaires et des retraites MCF et par là mêmeune meilleure reconnaissance du doctoratet du haut niveau de qualification desenseignants-chercheurs. l

◗◗◗ EXAMEN DE PROJETS DE MODIFICATION PAR LE CTMESRLe 21 février, le Comité technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche(CTMESR) examinait les projets de modifications statutaires et indiciaires de nombreuxautres corps de l’ESR destinés essentiellement à la mise en œuvre des revalorisations de car-rières. Les enseignants du supérieur n’en étaient pas moins concernés :– certains enseignants-chercheurs (Muséum, EHESS, EPHE, École des chartes, École française d’Ex-trême-Orient, astronomes et physiciens) pour l’intégration dans leur statut particulier des mesuresde carrière discutée la veille au CTU ;– enseignants-chercheurs de médecine générale ;– professeurs de l’Ensam.Nous avons déposé des amendements sur les carrières similaires à ceux défendus la veille enCTU pour les enseignants-chercheurs et un autre pour fusionner la 2e et la 1re classe en méde-cine générale. Nous avons défendu le besoin d’une reconnaissance du doctorat par un indicesommital des corps concernés à la HEC. À la demande de la délégation FSU, le ministère a confirméson engagement de porter au niveau interministériel le décontingentement de la HEB pour lesmaîtres de conférences et assimilés.La déclaration de la FSU fut de plus l’occasion de pointer la faiblesse du régime indemnitairedes enseignants-chercheurs comme celle du taux de l’heure complémentaire à l’université, etde réclamer des engagements visant à résoudre ces incohérences de politique de rémunération.

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À la place d’un échelonexceptionnel à la fin de la hors-classe, un simple 7e échelon.

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FORMATION

« Compétences » et Université :quelques rappels historiques

Dès la fin des années 1950, la notion de « compétence » apparaît, remettanten cause l’adéquation entre la formation dispensée au sein de l’École etde l’Université et les besoins exprimés par les entreprises, dans une sociétésoumise aux lois du capitalisme libéral.

Au cours des années 1950-1960, desélites dont le noyau est constitué de

militants chrétiens (cadres d’entreprise,représentants des fractions modernistesdu patronat, de hauts fonctionnaires,syndicalistes, universitaires, hommespolitiques) pensent que la formationpermanente peut être un puissantfacteur de mobilisation des individuspour augmenter la productivité et paci-fier les rapports de travail en passantdes compromis acceptables par lesdirections. En même temps, elles élabo-rent la notion de « compétence » dontune première définition est donnée dès1958 par Raymond Vatier, ingénieurchez Renault : « La compétence est laconjonction heureuse de ces troistermes : connaissances, aptitudes,bonne volonté. » Il distingue ainsi lesregistres d’une trilogie promise à unbel avenir par le patronat des années1980 : savoirs, savoir-faire, savoir-être.Au même moment se développent desdiscours critiques sur l’École et l’Uni-versité, accusées d’être incapables deprendre en compte les véritables« besoins » des entreprises et d’assurerl’égalité des chances. Et l’idée émergeque c’est par la formation permanenteque l’École et l’Université seront réfor-mées. Du point de vue de ces réfor-mateurs, la construction de relationsétroites avec les milieux économiques,l’alternance entre travail et études, l’éva-luation de la « valeur des formations »par la mesure de l ’efficacité desméthodes pédagogiques sont autantd’outils pour changer l’Université. Cespropositions sont en phase avec lesidées diffusées au même moment pardes instances internationales commel’Unesco qui, en 1972, publie un rap-port intitulé « Apprendre à être ». Celui-ci prône la déconnexion entre niveaude formation, niveau d’emploi et rému-nération ; il recommande la rupturedu lien entre formation et certificationet préconise l’accroissement du rôle

des entreprises dans la formation initiale de manière à ce que les ensei-gnements soient adaptés « aussi judi-cieusement que possible aux besoinsde l’économie ».L’épisode de mai-juin 1968 agit commecatalyseur et permet l’émergence, sur lascène publique, des problèmes de for-mation. Ceux-ci sont l’objet de négo-ciations entre patronat et syndicats desalariés qui débouchent sur la signaturede l’accord national inter-professionnel du 9 juillet1970. Faits significatifs :les syndicats d’enseignantsn’y sont pas conviés et lepréambule de l’accordcomporte une vigoureusecritique du système édu-catif. En arrimant la for-mation continue au Codedu travail et en l’opposant à l’École, laloi Delors de juillet 1971 rompt avec leshéritages militants orientés vers le déve-loppement de la culture et de lacitoyenneté. Quand, en 1970, le ministrede l’Éducation nationale Olivier Gui-chard crée une nouvelle direction char-gée de la formation continue, il enconfie la responsabilité à… RaymondVatier. Il explique alors aux universi-taires qu’en participant à la formationprofessionnelle continue ils entrent surun marché concurrentiel et que celasuppose qu’ils acceptent « le principe

d’un renouvel-lement radicalde leurs habi-tudes, de leursstructures, deleurs méthodeset du contenude certains deleurs enseigne-ments ». En réa-

lité, la formation est au cœur d’un pro-jet politique : celui de la « nouvellesociété » dont l’enjeu est de changerles rapports sociaux en remplaçant laconfrontation par la recherche de com-promis tout en demeurant dans unesociété soumise aux lois du capitalismelibéral. Cette vision entre alors en réso-nance avec la montée en puissance,dans le monde patronal, de ceuxqui revendiquent une place éminente

dans la direction desaffaires de la nation.En définitive, les promo-teurs de la formation ontréussi à imposer unereprésentation du mondesocial qui n’est même plusdiscutée : la mise en rela-tion de la formation et del’emploi, avec les implica-

tions que cela suppose pour le sys-tème éducatif. Or, poser comme évi-dente la correspondance entre les« compétences » acquises par les jeuneset les « besoins » exprimés par lesemployeurs et mesurer la qualité decette adéquation à l’aune de l’insertionprofessionnelle des diplômés revient àmettre en équivalence des champs aussidifférents que l’éducation, la formation,la qualification et l’emploi, et à nierque c’est dans l’entreprise, et non àl’université, que se définit et s’utilise laforce de travail. l

➔ par Guy Brucy , professeur en sciences de l’éducation, université de Picardie Jules-Verne, SNUEP-FSU

tL’idée émerge que

c’est par la formationpermanente que

l’École et l’Universitéseront réformées.

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L’École et l’Université, accusées d’êtreincapables de prendre en compteles véritables « besoins » des entreprises.

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« Vivons-nous les derniersjours de Paris-Sud ? »

Le 16 janvier dernier s’esttenue à Orsay une AG

intersyndicale sur le thème de« Vivons-nous les derniersjours de Paris-Sud ? », appeléepar la quasi-totalité des syn-dicats de personnels repré-sentés à l’université (FSU,SUD-Éducation, CGT, SNPTES,FO, UNSA-Éducation). Unemotion y avait été votée, puisportée en délégation et lue à

la réunion des conseils de l’université qui avait eu lieule même jour.Cette réunion avait pour objet d’être juste un pointd’information sur le document « Position et proposi-tions de Paris-Sud dans la construction de Paris-Saclay »(1). En fin de réunion, la présidence a essayé defaire voter l’approbation de son exposé en tant queposition officielle de Paris-Sud mais une partie desélus, soutenus par la motion, ont obtenu le report dece vote(2). Le point central de l’exposé est le projet dedeux cercles à l’intérieur de la Comue. Le cercle inté-rieur, constitué des « excellents », serait porteur du pro-jet IDEX et deviendrait d’ici une dizaine d’annéesl’université Paris-Saclay. Le deuxième cercle (les « pasassez excellents », et Polytechnique trop indépen-dante) ne serait que dans la Comue Paris-Saclay. Lorsde cette présentation, la présidente a affirmé à plu-sieurs reprises que Paris-Sud était indivisible. Pour Évryet Versailles, il lui semblait qu’en l’état ces universitésne remplissaient pas les critères pour entrer dans lepremier cercle mais qu’éventuellement certaines par-ties pourraient y être intégrées (par exemple le Géno-pole). Mais ce distinguo subtil entre les chanceuxd’avoir un « pied dedans » et l’exclusion des parties« non excellentes », perçu de plus en plus largementcomme une dénaturation des missions fondamentalesdes universités, menace aussi Paris-Sud.Les points de la motion expriment l’inquiétude par rap-port à cette menace, par exemple :– un statut universitaire d’EPSCP pour Paris-Saclay, dontles missions premières restent la création et la trans-mission de la connaissance, la formation, avec unfonctionnement démocratique ;– qu’aucune composante de Paris-Sud ne soit écartée ;– préservation des statuts des personnels ;– refus de la séparation entre licence et master.Le texte intégral de la motion est consultable sur lesite du SNESUP avec le déroulé des événements quil’ont précédée. l

Conseil syndical d’établissement, structure de

coordination des sections SNESUP de l’université Paris-Sud

(1) La présidente en a présenté les grandes lignes devantla Cour des comptes (pages 443 à 448 du rapport annuelparu en février).(2) Finalement, le projet a été adopté le 27 février par le CA,où la présidente dispose d’une « majorité acquise ».

Quelle violence ? Quelledémocratie ?Le CA du 14 février der-

nier devait voter lesquotas imposés en mas-ter. Un groupe d’étudiantsdécida d’occuper laséance pour montrer sonopposition à la nouvelleloi. Le président de l’UFC, Jacques Bahi, non présent dansla salle, appela les forces de l’ordre. Pour la troisième foisen quatre mois ! La police, entrée en nombre dans l’en-ceinte de la Maison de l’université, procéda à une arres-tation musclée des 19 jeunes (16 étudiants.e.s, 1 lycéenneet 2 sympathisants). Dix-sept furent mis en garde à vuedurant 24 heures et 2 durant 48 heures. Alors qu’ilssont menacés du conseil de discipline car accusés deséquestration et de violence, plusieurs plaintes ont étédéposées contre eux. Un nouveau CA fut programméune dizaine de jours plus tard au rectorat. Ces événe-ments ont ému de nombreux collègues, d’autant que lacommunication du président, absent du CA, n’a cessé dediffuser des mensonges. Les soutiens au président pleu-vent, des directeurs de composante à la CPU, dénonçantla violence et le déni de démocratie. De violence il n’yen a pas eu de la part des étudiants, la majorité desmembres du CA présents en ont témoigné. Quant à ladémocratie, de laquelle parle-t-on lorsque des décisionsarrivent au CA et sont votées sans réelle discussionalors que la grande majorité des membres de la com-munauté n’en a pas entendu parler ? l

Sylvie Bepoix, section locale du SNESUP-FSU

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Présidentielle 2017 :

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Compte tenu de l’importance de nos missions pour la formation de nos concitoyens, la réductiondu chômage, l’élévation du niveau de qualification et l’émancipation de notre jeunesse,

le vivre-ensemble, la lutte contre les inégalités, pour la construction et la diffusion de connaissancespermettant de relever les défis sociétaux, environnementaux, scientifiques et culturels, tous

les responsables politiques français affichent l’ambition de développer l’enseignement supérieuret la recherche (ESR). Mais les orientations, les moyens et les objectifs de ce développement divergent

fortement d’un candidat à l’autre. Si, en raison des multiples rebondissements de l’actualitépolitique, l’enseignement supérieur et la recherche ne sont pas encore un thème inscrit dans

la campagne présidentielle de 2017, tous les candidats ont un chapitre de leur programmeconsacré au développement de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Dans ce dossier, nous avons comparé ceux de François Fillon, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen et interviewé un conseiller ESR de chacune de leurs équipes de campagne.

Comme le parti de la candidate de l’extrême droite défend des thèses que nous combattons avec les autres syndicats de la FSU, comme sa progression est également très préoccupante, nous lui

avons accordé une place particulière. Il nous a paru en effet nécessaire d’étudier ses propositionstout en lui adjoignant un décryptage qui permet de dénoncer la réalité de l’exercice du pouvoir

lorsque des membres de ce parti y accèdent, comme cela a déjà été le cas au niveau local.Les programmes de Nathalie Arthaud, de Nicolas Dupont-Aignan, de Benoît Hamon,

d’Emmanuel Macron et de Philippe Poutou, qui ne sont pas encore tous connus au momentoù nous bouclons ce dossier, seront étudiés dans le numéro d’avril. Quant aux propositions

du SNESUP-FSU, elles sont annexées dans un supplément à ce dossier.

Présidentielle 2017 : les programmes pourl’enseignement supérieur et la recherche (partie 1)

‘ Dossier coordonné par Hervé Christofol et la rédaction

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L e programme pour l’enseignementsupérieur et la recherche (ESR) de Jean-

Luc Mélenchon a été mis en ligne le2 mars 2016 sous la forme d’un livret thé-matique* de 24 pages. Une quinzaine delivrets de « L’Avenir en commun » sont dis-ponibles et une trentaine sont en prépa-ration, dont l’un est intitulé « Pour uneéducation publique, laïque et gratuite ».Un processus collaboratif avec une parti-cipation, entre autres, de syndicalistes aprésidé à l’élaboration du livret, coordonnépar deux docteurs et une maîtresse deconférences.Le programme part d’un constat sansconcession de la situation de l’ESR : le savoirest « en danger ». Politique austéritaire,logique destructrice du financement parappels à projets, développement de la pré-carité, de la bureaucratie et de la souffranceau travail, dégradation des conditionsd’études : l’analyse est très proche de cellequi est faite par le SNESUP-FSU. Le projetest ambitieux et radical :« Refonder l’enseigne-ment supérieur et larecherche ». Il s’en donneles moyens avec un effortR&D porté à 3 % du PIBd’ici à 2022 dont 1,5 %pour le secteur public,soit un doublement dubudget de l ’ESR en

cinq ans. Le crédit d’impôts recherche (CIR)est supprimé, de même que l’Agence natio-

nale de la recherche (ANR)et le Haut Conseil de l’éva-luation de la recherche et del’enseignement supérieur(HCERES).Contre les logiques de priva-tisation et de territorialisation,le rôle de l’État est réaffirmé :il prend en charge la gratuitéde l’université, recrute a

minima 5 000 personnels en trois ans, lanceun plan de titularisation des précaires, sup-prime les primes au mérite et augmente lepoint d’indice de 7 %. Sont programméesde multiples mesures visant à asseoir unvéritable cadre national pour l’université :suppression des Comue, moratoire sur lesfusions et référendum des personnels surles fusion réalisées, intégration des grandesécoles aux universités, cadre national desdiplômes, indépendance statutaire des ensei-gnants-chercheurs (EC), Cneser et CNU« rénovés et démocratisés ».Le programme de Jean-Luc Mélenchon sesingularise également par la suppressionde la qualification et la mise en place d’unrecrutement national par le CNU : « Le recru-tement passera par un concours avec unephase d’admissibilité sur dossier et des audi-tions nationales pour l’admission. » Exit lescomités de sélection. Le service des ECsera abaissé à 160 HETD, celui des PRAGet PRCE à 300. Les EC seraient formés àl’enseignement pendant leur thèse. Quantà la formation des enseignants du primaireet du secondaire, elle se ferait par des mas-ters d’enseignement accessibles surconcours en fin de licence. Un statutd’élève-fonctionnaire serait créé. Des pré-recrutements dès le deuxième cycle enfonction de champs disciplinaires priori-taires sont envisagés. La diffusion du savoir est au cœur du pro-gramme des Insoumis : « L’accès ouvert etgratuit aux publications universitaires etscientifiques sera généralisé. » En outre seraitmise en place une mission spécifique pourchaque université : créer une « universitépopulaire » avec des cours libres assuréspar des EC dans le cadre de leur service.Ces universités populaires devraient favo-riser une réflexion citoyenne sur l’usagedes savoirs. l

*avenirencommun.fr/livret-de-lenseignement-de-recherche.

« Le choix du savoir, des moyenspour chercher et étudier » - Jean-Luc Mélenchon

Le projet de Jean-Luc Mélenchon pour l’ESR est solide. La rupture proposée passe par

l’abrogation des lois LRU et Fioraso et par un financement de l’enseignement supérieur et

de la recherche à la hauteur des ambitions affichées.

‘ par Pascal Maillard , secrétaire national

Politique austéritaire, logique destructricedu financement par appels à projets...le savoir « en danger ».

tUne analyse de la

situation de l’ESR très

proche de celle qui est

faite par le SNESUP-FSU.

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IERVers toujours plus d’autonomie et

de mise en concurrence - François Fillon

Sélection et augmentation des frais d’inscription à l'université, baisse des emplois

de fonctionnaires, développement de la recherche par appels à projets, mise en

concurrence des établissements : le programme du candidat Les Républicains est

ouvertement néolibéral.

‘ par Hervé Christofol , secrétaire général

Le programme du candidat François Fillon,disponible sur son site*, est connu depuis

la campagne des primaires de la droite etdu centre à laquelle il a participé à l’automne2016 et qu’il a remportée. Même si, à la suitede l’affaire Penelope, ce candidat semblemoins soutenu par son camp politique, ilfaut rappeler qu’il connaît bien l’enseigne-ment supérieur et la recherche et qu’à cetitre, même en cas de changement de can-didat, son hypothétique successeur ne devraitpas infléchir radicalementles orientations politiquesdans ce domaine. Il a été,en effet, par deux foisministre de l’Éducationnationale et en tant quePremier ministre sous laprésidence de Nicolas Sar-kozy, il a fait voter, auxcôtés de Valérie Pécresse,la loi relative aux libertéset responsabilités des uni-versités (LRU) dès le moisd’août 2007. Cette loi a été une réformeemblématique qui a été revendiquée commeune réussite par ce gouvernement. PourFrançois Fillon, la loi LRU n’est qu’une étapequi devra être poursuivie vers davantaged’autonomie et de mise en concurrence desétablissements. L’objectif est d’achever le tra-vail de déstructuration de l’ESR déjà à l’œuvrevisant à organiser celui-ci en deux divisions :une division internationale, pour former desuniversités de recherche, et une autre natio-nale, destinée à être une agence de moyensau service du tissu économique local. Pourle candidat de la droite, les fonctionnairesne sont pas enclins à prendre des risquesen matière de projet, ils doivent donc êtrecontraints par un financement à l’acte et pro-gressivement remplacés par des contractuelsmoins indépendants et davantage soumis àla pression hiérarchique. Il propose d’allerau-delà de la modulation des services desenseignants-chercheurs, en modulant lessalaires en fonction des missions et de l’at-teinte des objectifs. Avec François Fillon, laFrance suivrait non seulement les traces de

Margaret Thatcher sur leplan économique maiselle suivrait également laligne de l’administrationde Stephen Harper qui, auCanada, durant ses man-dats, a transformé lesorganismes de rechercheen agences de moyens auservice des entreprises pri-vées, quand ils n’ont pastout simplement été sup-primés. Les objectifs de

l’enseignement supérieur peuvent-ils seréduire à fournir des jeunes employables à

En matière d’éducation, le Frontnational prétend qu’il est possible de

faire mieux en termes de performances avecmoins de moyens. Les questions relativesà un rétablissement de l’autorité, à un retourà l’apprentissage dès 14 ans et à celle del’instauration d’une sélection à l’université

figurent parmi les mesures clés. Peu informé des travaux relatifsaux inégalités scolaires et uni-versitaires, le programme du FN,à travers des orientations contradictoires,vise à atteindre une cible politiquementhétérogène. Il est focalisé sur la compétition

tPour François Fillon,

la loi LRU n’est

qu’une étape qui

devra être poursuivie

vers davantage

d’autonomie.

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Second tour de la présidentiellede 2007.

FN et ESR : entre autoritarismeet démagogie - Marine Le Pen

Sélection et bourses au mérite, place et moyens des grandes

écoles,… les «  144 grandes mesures  » du programme

de Marine Le Pen se déclinent, pour l’ESR, en des termes

darwinistes, traditionnels à l’extrême droite.

‘ par Michel Maric , membre du Bureau national

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court terme et des innovations prêtes à l’em-ploi pour les entreprises privées ? Le SNE-SUP-FSU combattra cette vision « adéqua-tionniste » et mercantile de l’ESR reposantsur la destruction des statuts et des conditionsde travail des personnels. l

*www.fillon2017.fr/projet/enseignement-superieur-recherche.

M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 653 M A R S 2017

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IER économique et scientifique inscrite dans le

cadre de la concurrence néolibérale et desclassements internationaux. Il souhaite déve-lopper les bourses au mérite et renforcer lesystème dual grandes écoles et universitéqui reproduit les inégalités sociales etaccorde les dotations les plus importantesaux formations accueillant des étudiantssélectionnés sur leurs livrets scolaires. Alorsque le système des classes préparatoiresaux grandes écoles (CPGE) et des grandesécoles, surdoté en ressources publiques, neforme plus que très peu de diplômés auservice de l’État, le FN entend « développerconjointement » les systèmes d’enseignementsupérieur public et privé. En matière derecherche, il affirme à la fois vouloir orga-niser son pilotage via son asservissementaux intérêts économiques nationaux et déter-miner à l’issue de la convocation d’« étatsgénéraux de la recherche » les grandsdomaines prioritaires de recherche sur les-quels les investissements les plus massifsdevront être portés.

En outre, comme le relève Marc Delepouve,« des points sont habilement contournés telsque celui du choix des personnalités exté-rieures ou de l’affectation des primes… Lesfinalités d’émancipation, d’esprit critique, demeilleure compréhension du monde et d’ex-ploration ou d’élargissement du champ desalternatives, sont absentes »(*).Enfin, si ce programme affiche une volontéde « respect des traditionnelles libertés uni-versitaires auxquelles personnels et étudiantssont très attachés », il se propose, dans lemême temps, d’imposer une modulationde service aux enseignants-chercheurs enfonction d’une évaluation individuelle assu-rée par le CNU. l

(*) La VRS, n° 407, hiver 2016.

tLe FN souhaite piloter la recherche

via son asservissement aux

intérêts économiques nationaux.

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�� « Marine 2017,au nom du peuple » :du brun sous le masque !

Pour dévoiler le vrai visage du FN, Il faut s'employerà dissiper les écrans de fumée qui contribuent àla banalisation d'un parti pas comme les autres.Nous sommes tous concernés. En 2017, sous le masquede Marine le Pen, il y a toujours du brun.

H ier, à côté d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), il y a peu au cœur des terres

brunies du Vaucluse, les réunions de l’Ob-servatoire national intersyndical des poli-tiques et des pratiques municipales de l’ex-trême droite s’enchaînent. Si les méthodesdiffèrent – de la municipalité « vitrine » deSteeve Briois aux pires outrances ethniciséesde Robert Ménard –, c’est pour mieux tenircompte de la sociologie de son électorat(cf. « Trois sociologies électorales du FN »,Joël Gombin)*. La stratégie de banalisationet de dissimulation de Marine Le Pen nedoit pas faire illusion. Les témoignagesaffluent et éclairent les diverses approchestactiques de l’extrême droite qui jongle avecla préférence nationale, la mise au ban defonctionnaires territoriaux et de représen-tants syndicaux, les clien-télismes, la stigmatisationraciste et les attaques despopulations les plus fra-giles. Pour dévoiler sonvrai visage, il faut plongerau cœur des pratiquesd’un parti pas comme lesautres, opportunémentcaméléon, surfant sur lesattentes de citoyens désabusés, usés par lacrise économique, sociale et politique.Le nombre de voix record aux derniers scru-tins régionaux (6,8 millions de voix) et desintentions de vote, estimées entre 25 et 28 %au premier tour de l’élection présidentielle,donnent la mesure de l’ancrage du vote seportant sur le Front national. Nous sommesaussi touchés. Parmi les 27 % d’intentionsde vote pour Marine Le Pen, 7 points cor-respondent aux votes de fonctionnaires.Dans la fonction publique hospitalière, prèsde 40 % des catégories C envisagent devoter à l’extrême droite, un peu moins de10 % dans le corps enseignant… Tous n’ad-hèrent pas aux idées de l’extrême droite.Par ailleurs, il faut s’employer à dissiper lesécrans de fumée pour révéler l’envers dudécor au risque de voir surgir, dans une

période de grande confusion politique, ungroupe d’une quarantaine de députés dansla prochaine législature. Les programmes,aussi lissés soient-ils, ne laissent aucun doutesur leur dangereuse cohérence.En septembre dernier, les « 100 propositionspour l’École et l’Université de demain » ducollectif Racine ont été dévoilées en pré-sence de Marine Le Pen : retour au calculmental, à la seule méthode syllabique pourapprendre à lire, orientation précoce en 5e

ou apprentissage à 14 ans… En proposantla « spécialisation directe, tout en incitantles étudiants les plus performants à opterpour des bicursus » dès le début de lalicence, en privilégiant les filières desgrandes écoles, le Front national avanceune conception duale, réactionnaire et éli-

tiste de l’enseignementsupérieur, replié sur lui-même et caporalisé. Letout noyé dans des pro-positions particulièrementfloues. On est loin du pla-giat de nos positions syn-dicales ripolinées à la pré-férence nationale. Les choix qui guident les

144 mesures du programme de Marine LePen constituent les ferments des piresrégressions pour le pays et nos concitoyens.Au détour de propositions sur l’École,« contrôl[er] la compatibilité avec les valeursde la République des enseignements dis-pensés dans les établissements privés horscontrat » est un moyen de garder un œil surles écoles musulmanes. Sous couvert d’unsupposé féminisme, la proposition pour« défendre le droit des femmes » est ramenéeà « lutter contre l’islamisme qui fait reculerleurs libertés fondamentales ». Les fonde-ments de l’extrême droite restent les mêmes.En 2017, sous le masque de Marine Le Pen,il y a toujours du brun. l

* frama.link/fsu, www.monde-diplomatique.fr/2015/12/GOMBIN/54357.

tLe Front national avance

une conception duale,

réactionnaire et élitiste de

l’enseignement supérieur...

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‘ par Stéphane Tassel , secrétaire national FSU

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Jean-Luc Mélenchon François Fillon Marine Le Pen

COUP D’ŒIL

Programmes comparésdes candidats

Nous avons comparé les programmes des candidats en utilisant

la grille de lecture de l’appel du SNESUP-FSU pour une rupture profonde

et des mesures immédiates (supplément joint) : soit, les missions

de formation, de recherche et les politiques d’administration des établissements ;

les objectifs de recrutement ou de revalorisation des personnels,

les conditions d’accueil des étudiants et les mesures budgétaires.

‘ par Hervé Christofol , secrétaire général, et Christophe Pébarthe, membre du BN

◗ Remise en cause de l’autonomie des établissements mais pas laconcurrence. ◗ Maintien de la dualité universités-grandes écoles. ◗ Première mission de l’enseignement supérieur : former en français aux compétences nécessaires au tissu socio-économique.◗ Renforcer l’attractivité de l’Université, la place desétablissements français dans les classements internationaux et l’intérêt porté par les meilleurschercheurs étrangers.

◗ Maintien du cadrage national des diplômes.◗ Chaque établissement aura la charge de trouver un stage à chaque étudiant.e.◗ Défendre la langue française.◗ Lancer un grand plan national de création de filières universitairesdes métiers d’art dans nos territoires.

◗ Accès de droit à tout bachelier.◗ Passer d’une sélection par l’échec à une sélection au mérite. ◗ Refuser le tirage au sort commemoyen de sélection.◗ Défendre le modèled’enseignement supérieur français. ◗ Relever le numerus clausus d’accèsaux études de santé.

Nécessité de l’investissement dans la recherche mais dans le cadre descontraintes budgétaires.

Première mission : accroître lesconnaissances scientifiques, une dimension fondamentale dudéveloppement humain, pourcomprendre et agir ; transmettre auplus grand nombre un savoir critique. Origine de l’émancipation humaine,l’Université doit relever du servicepublic. De plus, la production et la diffusion de connaissancesscientifiques doit permettre de résoudre la crise écologique et sociale.

Seconde mission : transmettre un savoir en mouvement au plusgrand nombre, ce qui implique un enseignement solidaire de la recherche et une offre d’égalesqualifications pour toutes et tous.L’université doit aussi être le lieu de validation des acquis et desqualifications tout au long de la vie.

◗ Abandon du dispositif APB et inscription directe par lesbacheliers satisfaisant les conditionsde diplôme éventuelles. Pour lutter contre l’échec, la duréede la formation en licence serarendue flexible, entre 2,5 et 4,5 ans.◗ Meilleure reconnaissance dans les conventions collectives des qualifications universitaires,notamment le doctorat.◗ Gratuité de l’université.◗ Monopole de la reconnaissancedes grades par l’État français via les concours de recrutement de la fonction publique et des conventions collectives.

◗ Liberté et indépendance des chercheurs et des enseignants-chercheurs, garanties par les statutsnationaux et par des financementspérennes.◗ Libérer la recherche fondamentalede l’utilité par des subventionsimportantes.

L’autonomie, la concurrence entreétablissements et entre équipes sont les moyens pour atteindre l’excellencedans la recherche et dans la formation.Un nouveau paysage universitaire endécoulerait : une dizaine de pôlesuniversitaires développant unerecherche de niveau mondial et desuniversités dans les villes moyennespour le niveau licence et l’insertionprofessionnelle des étudiant.e.s.

◗ Régionalisation de la totalité del’enseignement professionnel. Objectif : doubler le nombred’apprentis dans le supérieur en cinq ans.◗ Développement de l’insertionprofessionnelle en licence.◗ Accès sélectif à toutes les formationsLMD pour contrôler les flux et garantirune adéquation entre l’offre de formation et les besoins des entreprises.

Sélection généralisée au niveau du master et dès l’accès à la premièreannée de la licence. Les bacheliersprofessionnels auraient vocation à ne pas poursuivre leurs études, sinon 50 000 d’entre eux en STS. Les futurs bacheliers technologiques et généraux choisiraient dès le lycéedes disciplines qui les prépareraientaux études universitaires. Les résultatsaux épreuves de ces disciplines vaudraient accès aux filièresuniversitaires qui en préciseraient les prérequis.

◗ Assurer des financements aux meilleures équipes, les plusdynamiques.◗ Relancer l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Missions et rôlesde l’ESR

Politiques deformations LMD

Démocratisationde l’accès àl’ESR(adaptation,orientation,sélection)

Politiques de recherche

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Des « états généraux de la recherche »mis en place en début de mandatpermettront de déterminer les grandsdomaines prioritaires de recherche surlesquels les investissements les plusmassifs seront faits, en particulier dansles secteurs clés pour la compétitivité del’économie et de l’industrie française.

◗ Les évaluations quinquennales des laboratoires seront rendues trèsrigoureuses pour définir le montant du renouvellement des aides.◗ L’Agence nationale de la recherche(ANR) sera confortée.

L’enseignement supérieur est dispensépar de multiples acteurs, tant publicsque privés. Cette diversité est unerichesse qu’il faut conserver.◗ Créer un grand service public nationalde l’enseignement supérieur, enfavorisant l’émergence d’universitésplus démocratiques et recentrées surleurs vraies missions, et en assurant unmeilleur respect des étudiants et despersonnels. ◗ Élargir la composition duconseil d’administration (CA) de chaqueuniversité (entre quarante et cinquantemembres) et instituer la représentationproportionnelle.

◗ Établir un rapprochement entre lesgrandes écoles et la recherche sansremettre en cause le système françaisdes grandes écoles qui constitue la basemême de l’élitisme républicain.

◗ Rétrocession de la masse salariale à l’État.

◗ Organisation d’une vasteconcertation sur les conditions de travail et sur les primes.◗ Dégel et revalorisation du pointd’indice pour les fonctionnaires. ◗ Préservation du statut de la fonctionpublique.◗ Établissement à deux jours du délaide carence pour le paiement desindemnités journalières d’assurancemaladie.◗ Défiscalisation des heuressupplémentaires et maintien de leurmajoration.

◗ Respecter les traditionnelles libertésuniversitaires.◗ Remplacer les comités de sélectionpar des commissions de spécialistes.◗ Moduler les services des enseignants-chercheurs d’après les évaluationsindividuelles faites par le Conseilnational des universités (CNU).◗ Attirer les meilleurs chercheursétrangers.◗ Reconvertir les chercheurs n’ayantrien publié pendant une période àdéterminer selon les disciplines.

Ni les entreprises du CAC 40, ni deshiérarques politiques régionaux, ni dessuper-managers universitaires nedoivent décider des fronts de sciences àdévelopper pour répondre aux enjeuxsociaux et écologiques. Il faut instituerdes structures représentant les citoyenset les chercheurs à cet effet.

◗ Suppression de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et desinvestissements d’avenir. ◗ Reversement de ces dotations sousforme de crédits de fonctionnementrécurrents, en moyenne 12,50 k€ paragent titulaire.

Le président de l’établissement sera unchercheur ou enseignant-chercheur enposte dans cet établissement, désigné enleur sein par les membres élus du conseild’administration, sans intervention despersonnalités extérieures ni du pouvoirpolitique. Il ne sera plus un employeur niun recruteur de ses collègues : la logiquedu statut de fonctionnaire prévaudra. Tous les postes à responsabilité,désormais révocables, seront associés àun organe délibératif, dont les membresélus désigneront en leur sein le titulairedu poste. Tous les mandats exécutifsseront non renouvelables et nedonneront plus lieu à prime.

◗ Moratoire sur toutes lesréorganisations et remise à plat de tousles regroupements imposés.◗ Instituer une structure démocratique,l’Université nationale (UN), dont leCneser et le CNU rénovés seront les deuxorganes délibératifs.

◗ Abrogation des lois LRU et Fioraso.L’évaluation, lorsqu’elle doit avoir lieu,prendra en compte la spécificité desorganismes (recherche plus ou moinsfinalisée) et des disciplines.

◗ Titularisation de tous les précairesdont les missions correspondent à desbesoins permanents.◗ 15 000 créations de postes de maîtresde conférences en trois ans.◗ Création de 5 000 postes en trois anspour les organismes de recherche.◗ Augmentation immédiate de 8 % de lavaleur du point d’indice dans toute lafonction publique et indexation dessalaires des non-titulaires sur ceux desfonctionnaires de niveau équivalent.◗ Suppression de toutes les primes(RIFSEEP, PES, PEDR) au mérite.

Les recrutements dans les corps de rangA passeront obligatoirement par le CNUet seront conditionnés à l’obtentiond’une HDR, et ce dans toutes lesdisciplines.◗ Abaissement du service d’enseignementde référence à 160 heures TD, avec unservice maximum en cas de vacation, etd’heures complémentaires à 192 heures TD.◗ Décharge de 40 % pour les nouveauxenseignants-chercheurs lors de leurannée de stage.◗ Abaissement du service des PRAG-PRCE de 384 à 300 heures TD.

Des « bonus dotations » pourraient profiteraux laboratoires dont l’activité departenariat avec les entreprises atteindraitun seuil de 40 % de leur activité.

◗ Poursuite d’une politique de recherchesur projets (ANR et PIA) et d’une logiqued’évaluation externalisée desétablissements.

Une gouvernance forte autour d’unprésident qui a la maîtrise du budget, de sa masse salariale et de la gestion desemplois et qui est assisté d’un conseild’administration resserré de vingt à trentemembres. De plus, il devrait être possibled’élire un président non universitaire etd’assurer une plus grande participationdes milieux économiques au conseild’administration.

Les regroupements structurels imposés parla loi ESR de 2013 alourdissent lagouvernance au détriment des projets.

Le contrôle budgétaire et l’évaluation desétablissements sont la contrepartie de leurautonomie. Ils reposent sur troiscomposantes : formation et insertionprofessionnelle, recherche, gestion. En casde non-atteinte des objectifs : baisse dessubventions à l’établissement.

◗ Modulation des salaires en fonction del’enseignement, de la recherche et de lapart apportée à l’accompagnement et àl’insertion professionnelle des étudiants.◗ Les salaires des maîtres de conférencesdébutants seront revalorisés.

Les statuts sont un frein à la mobilité. Lesétablissements devraient pouvoir « choisirleurs enseignants, leurs fonctionnaires et contractuels et gérer ensuite leurcarrière ». Mais « afin de garantir la qualité de la personne nommée pour la première fois aux fonctions de maîtrede conférences ou de professeur,l’université devrait recueillir un avisfavorable d’une autorité indépendante :le Haut Conseil de l’évaluation pourraitdonc voir ses compétences élargies à cet effet ».

Pilotage de larecherche(H2020, ODD,Stratégie despécialisationintelligente,entreprises)

Financementspérennes/AAP(ANR, PIA)

Gouvernance,collégialité etdémocratieuniversitaire

Regroupements,Comue

RCE/LRUautonomie

Conditions de travail,emplois, salaires

Statuts etobligationsstatutaires

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Pouvez-vous vous présenter et expliciter, le cas échéant, votre

contribution à l’élaboration du programme de votre candidat ?

Charlotte Girard : Je suis enseignante-chercheuse en droit public àl’université Paris Nanterre. J’ai contribué à la fondation du Parti de

gauche en 2008 après être sortie du Parti socialiste. J’aicoordonné l’équipe de La France insoumise qui a élaborénotre base programmatique et qui est à l’origine du texte« L’Avenir en commun » publié en décembre 2016.

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M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 653 M A R S 2017

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RJean-Luc Mélenchon François Fillon Marine Le Pen

◗ Développer massivement l’alternance(contrat d’apprentissage, contrat deprofessionnalisation) dans l’artisanat,le secteur public et privé et rendre laformation professionnelle plus efficace,moins opaque et moins coûteuse.

La propriété des bâtimentsuniversitaires, que la loi LRU s’efforcede céder aux universités, sera rendueà l’État.

Elle pourrait être une filière dedébouchés pour les chercheurs nonpubliants.

◗ Revaloriser les bourses au mérite.◗ Accorder aux étudiants françaisune priorité d’accès aux logementsétudiants.

Les droits d’inscription resterontmodiques et ils devront continuer à êtrefixés par l’État pour assurer l’égalité.

◗ Augmentation de 30 % du budgetpublic de la recherche (pour le porter à1 % du PIB).◗ Rééquilibrage de l’aide financière del’État au profit des universités.

◗ Relance des études doctorales, avecaccroissement du nombre de contratsdoctoraux et rétablissement des« missions d’enseignement » pour lesdoctorants (50 heures de service annuel,de droit, sur demande du doctorant).◗ Formations initiale et continue desenseignants du secondaire et duprimaire à l’université, sur le principedu prérecrutement. Les mastersprofessionnels d’enseignement serontaccessibles sur concours dès la fin dela licence, avec un statut d’élève-fonctionnaire stagiaire.

◗ Lancement d’un grand plan pourl’immobilier, incluant la construction delaboratoires, d’amphithéâtres et de lieuxde vie sociale, citoyenne et étudiante.

◗ Abolition du CIR et allocation de sonenveloppe budgétaire (5,5 Md€) aufinancement de l’ESR public.◗ Institution d’un grand pôle éditorialpublic misant sur l’accès ouvert auxpublications, dont une revue-phareadossée aux archives ouvertes pourmettre en avant le meilleur de larecherche francophone.◗ Obligation de déposer les articles ausein d’archives ouvertes.

◗ Mise en chantier de 15 000 logementssociaux étudiants par an.◗ Allocation de 800 € par mois pour unedurée totale de trois ans pourl’autonomie pour les jeunes de plus de18 ans engagés dans une formation.

◗ Gratuité de l’enseignement supérieurpublic.◗ Droit à la reprise d’études, à laformation continue et aux études enalternance.◗ Égalité des dépenses publiques pourtous les étudiants (à l’université etdans les grandes écoles).

Porter à 3 % du PIB l’effort public et privéde R&D. Objectif : atteindre en fin demandature un investissement de 1,5 %du PIB dans le secteur de la recherchepublique, soit 32 Md€.

Les formations en apprentissage et enalternance devront être développées,notamment concernant celles desenseignants des 1er et 2nd degrés.

Les établissements devront devenirpropriétaires de leurs bâtiments afin de leslouer quand ils ne sont pas utilisés.

Les unités de valorisation de la recherche(SATT) seront privatisées et leur directionsera confiée à des « entrepreneurs » quipourront prendre des parts en capital dansles start-up créées à partir des innovations.

◗ Les bourses attribuées au mérite devrontêtre plus nombreuses et les établissementsauront à « inventer des moyens d’aiderles étudiants qui en ont le plus besoin ».

Relèvement progressif des droitsd’inscription de 184 € jusqu’à 500 € enlicence pour atteindre des montants plusélevés encore en master (exemple des1 850 € de l’École centrale).

◗ Revalorisation du traitement desmaîtres de conférences débutants. ◗ Amplification des programmesd’investissements d’avenir.◗ Encouragement par incitation fiscaledes investissements du secteur privé.

Formationsdoctorales,initiales etcontinues

Immobilier ESR

Valorisation dela recherche

Vie étudiante

Fraisd’inscription

Mesuresbudgétaires

Le choc des modèles universitairesInterview Charlotte Girard (programme de Jean-Luc Mélechon) / Cyril Nourissat (programme de François Fillon)

Gilles Lebreton (programme de Marine Le Pen)

Si le renforcement de l'attractivité de l'Université est un objectif revendiqué par nos trois

interlocuteurs, conscients que celle-ci a constitué depuis trop longtemps le parent pauvre

du modèle français d'enseignement et de recherche, l'autonomie découlant de la loi LRU

forme le critère discriminant des programmes évoqués.

‘ propos recueillis par

Isabelle de Mecquenem

Cyril Nourissat : Professeur agrégé des facultés dedroit en 2001, en poste à l’université Jean-Moulin(Lyon 3, dont j’ai été VP entre 2007 et 2011), j’ai par-ticipé, dès 2013, aux travaux du groupe en charge de l’Éducation natio-nale et de l’Enseignement supérieur mis en place par François Fillon.

Gilles Lebreton : J’ai rencontré Marine Le Pen en 2011, parl’intermédiaire d’une relation commune qui m’a mis en contact ��

avec Florian Philippot, alors inconnu. Très rapidement, Marine LePen m’a demandé de devenir son conseiller pour l’enseignementsupérieur, ce que j’ai accepté. J’ai donc eu la responsabilité d’élaborerson programme pour l’enseignement supérieur à l’occasion de l’élec-tion présidentielle de 2012. Près de 100 % de ce qui a été proposéà l’époque s’inspirait de mon travail. Par la suite, le collectif Racines’est créé pour approfondir l’ensemble de notre réflexion sur l’en-seignement en vue de l’élection présidentielle de 2017. Il a remis,en octobre 2016, 100 propositions à Marine Le Pen, dont une dizaineconcerne l’enseignement supérieur. Étant vice-président de ce collectif,j’y ai œuvré particulièrement pour inspirer cette partie-là.

En tant qu’universitaire, quels sont les arguments clés du

programme de votre candidat(e) pour l’enseignement supérieur

auxquels vous avez été le plus sensible et pour quelles raisons ?

C. G. : L’autonomie des universités découlant de la LRU,dont l’approfondissement est dans les programmes depresque tous les candidats (PS, Macron, LR), signe ledésengagement de l’État dans l’ESR et dans l’Université

en particulier. C’est une erreur colossale qui a fragilisé l’ensembledu système d’ESR public. Cette logique d’autonomie et de territoria-lisation, au-delà des difficultés financières induites, alimente aussiune grave crise de la démocratie universitaire, rompant le pacte deconfiance entre les personnels et l’institution.

Pour redonner une place centrale à l’Université,voici les cinq mesures essentielles dans le pro-gramme de La France insoumise : ◗ Créer une seule structure souple et démocratiquequi coiffera les universités actuelles et sera lagarante de l’indépendance statutaire des ensei-gnants-chercheurs, du cadre national des diplômeset de l’équité de traitement entre tous les territoiresde la République en matière d’ESR.◗ Rendre l’Université attractive, c’est lui donnerune place importante dans les débats essentielssur les liens sciences-société que pose l’émer-gence de nouvelles technologies (OGM, nano-particules, etc.) et, dans ce but, développer defaçon systématique des universités populairesouvertes à tous.◗ Engager un plan de recrutement massif de l’en-

semble des personnels des universités. Revaloriser les salaires etabaisser le service des enseignants-chercheurs à 160 hTD pour leurassurer des conditions de travail correctes.◗ Augmenter l’investissement public dans l’Université de sorte à lerendre équivalent entre universités, classes préparatoires et grandesécoles. Un grand plan pour la rénovation du bâti universitaire ainsique la construction de logements étudiants (15 000 par an) serontengagés.◗ Assurer la réussite des étudiants à l’université par le versementd’une allocation d’autonomie versée sous condition de ressourceset d’inscription dans une formation diplômante pendant une duréede trois ans.

C. N. : Le programme de François Fillon repose surla conviction que l’enseignement supérieur et larecherche sont des atouts déterminants du rayonne-

ment de notre pays. Étudiants, enseignants-chercheurs et chercheurssont au cœur du projet de François Fillon qui vise à faire de laFrance la première puissance européenne, dans les dix ans, enmatière d’enseignement supérieur et de recherche. Pour chacun deces trois axes, je retiendrai quelques éléments clés. ◗ Concernant les étudiants : revaloriser et développer les formations

t« Créer une seule

structure souple etdémocratique qui

coiffera les universitésactuelles et sera

la garante de l’équitéde traitement entretous les territoiresde la République

en matière d’ESR. »

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supérieures professionnalisantes (BTS, DUT, nouvelles filières àbac+3 de type bachelor) et revoir le contenu des formations pourprendre en compte l’évolution des métiers à l’ère du numérique.Mais aussi, augmenter fortement le nombre de formations par lavoie de l’alternance. Enfin, laisser la liberté aux universités de créerdes filières d’excellence, de définir et demettre en œuvre elles-mêmes les règlesd’admission en master, et encourager ledoctorat. ◗ Concernant les enseignants-chercheurs,redonner de l’attractivité aux carrières, cequi passe notamment par une revalorisationde l’entrée dans la carrière. Par ailleurs,systématiser l’évaluation par les pairs enl’associant à un dispositif incitatif de pro-gression dans la carrière. ◗ Concernant les universités, l’enjeu estde leur donner l’autonomie pédagogiqueet budgétaire qu’elles n’ont pas encore.Cela passe surtout par le fait de laisseraux établissements la liberté de choisirleur structure, leurs partenaires, en sim-plifiant le dispositif législatif, en assouplis-sant le recours au statut de « grand établissement », plus généralementen reconnaissant la possibilité de déroger aux règles générales etd’expérimenter des dispositifs de gouvernance nouveaux. Celasuppose ensuite d’augmenter le financement de l’enseignementsupérieur en retrouvant le niveau de PIB qu’il a pu connaître en2012 et qui était proche de la moyenne OCDE, ce qui implique,outre l’effort de l’État, la recherche du soutien du secteur privé etle développement des ressources propres. Enfin, et concernant larecherche elle-même, par exemple redonner à l’ANR les moyensde financer des projets à caractère original et innovant et apporterune nouvelle impulsion aux investissements d’avenir, encouragerl’entrepreneuriat.

G. L. : Ce qui me séduit le plus dans le programme pour l’en-seignement supérieur de Marine Le Pen, c’est la philosophie

républicaine qui l’anime et qu’on peut résumer comme suit : l’Uni-versité est un service public et non une entreprise. Cette idée-forcen’était pas forcément partagée par Jean-MarieLe Pen, mais Marine Le Pen l’a imposée spon-tanément et c’est probablement pourquoi ellem’a choisi pour en tirer toutes les consé-quences : maintien des droits d’inscription àun niveau permettant à tous d’accéder à l’uni-versité, exonération pour les boursiers, reva-lorisation des bourses (sociales et au mérite),retour à l’État de la gestion de la masse sala-riale des fonctionnaires (enseignants ou non)des universités, démocratisation des conseilsd’administration des universités ainsi que del’élection de leurs présidents, cadrage nationalpour les diplômes, etc. Je précise en outreque l’enseignement supérieur doit continuerà participer au rayonnement du pays : c’est pourquoi il continueraà accueillir des étudiants étrangers, en particulier francophones. Etbien entendu, dans le cadre de ce que Marine Le Pen appelle « l’Étatstratège », l’aide à l’innovation et à la recherche constituera l’unedes priorités nationales. l

Retrouvez l’intégralité des interviews sur snesup.fr

t« Ce qui me séduit

le plus, c’estla philosophie

républicaine quianime ce programme :

l’Université estun service public et

non une entreprise. »

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t« Étudiants,enseignants-chercheurs et

chercheurs sontau cœur du projetde F. Fillon qui viseà faire de la France

la première puissanceeuropéenne,

dans les dix ans,en matière d’ESR. »

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réformes, recherche et syn-dicalisme, avaient commeconsignes de dégager descontroverses. N’y a-t-il pasun risque de se faire ins-trumenter par le néolibé-ralisme en se focalisantsur le travail ? Commenttransformer des expé-riences singulières en mou-vements collectifs ? Commenttransformer des résultats derecherches en revendicationssyndicales ?Le travail en CHSCT a étéidentifié comme le front, par-fois violent des deux côtés,où les représentants du per-

sonnel portent l’analyse dutravail réel (micro) et mon-trent aux directions les effetsdes réformes qu’ils mettenten œuvre (macro). Commentne pas s’épuiser dans le tra-vail syndical ?La table ronde, qui rassem-blait notamment les secrétairesgénéraux de plusieurs syndi-cats de la FSU, a permis demettre en visibilité plusieursbelles expériences syndicales,telle cette remontée de 2 800témoignages spontanés d’en-

CHANTIER TRAVAIL DE LA FSU

Des réserves d’énergie, des réserves d’alternativespour l’action syndicale : le travail en débat !

Le séminaire « Le travail en débat. Les 10 ans du chantiertravail » de l’Institut de recherches de la FSU, qui s’esttenu les 1er et 2 février 2017, a été l’occasion de « mettreen évidence les questions vives » sur les thèmesdu travail syndical, de la santé au travail et des CHSCT,des réformes, et sur la recherche et le syndicalisme,à travers des ateliers et des tables rondes.

sait les 1er et 2 février 2017pour ses 10 ans. Chacun aaccompagné les travaux duchantier, chacun a tenu à pré-ciser qu’il était aussi syndi-qué, le second rappelant lescoopérations entre chercheurset syndicalistes pendant lesannées 1970, notamment au-tour d’Alain Wisner. Le tra-vail serait-il devenu affaire despécialiste depuis ?Le chantier, selon une « lé-gende urbaine » a été lancé àla suite d’une interpellationde l’Institut par Christine Cas-tejon, ergologue : « Est-ce quela FSU s’intéresse au travail ? »

Dix ans après, la questionreste posée ! Pendant qu’étaitprésenté le livre Syndicaliste :c’est quoi ce travail ? Militer àla FSU, sortait un tract inter-syndical « C’est quoi ce tra-vail ? ». Le livre analyse l’acti-vité (syndicale), le tract parled’emploi. Alors, c’est quoi letravail ? L’emploi ? L’activité ?La question fait toujours dé-bat à la FSU…Les quatre ateliers du sémi-naire, travail syndical, santéau travail et CHSCT, travail et

«Des réserves d’énergie »,c’est l’expression uti-lisée par Yves Clot

pour qualifier tout ce queles travailleurs « gardent surl’estomac » quand ils n’ontpas la possibilité de faire untravail de qualité dans lequelils puissent se reconnaître,et qui peut finir par attenterà leur santé. Pour le cher-cheur en clinique de l’activi-té, les syndicats devraient seporter à la rencontre de cet-te énergie pour construire« un rapport de forces plutôtque des rapports » pour lecombat syndical. Halte auverbalisme, place aux débatssur l’activité.Yves Schwarz, philosophe er-gologue, évoque, quant à lui,« des réserves d’alternatives »inhérentes au travail commeactivité humaine. Le travailest le lieu d’intenses débatsde normes où se pose laquestion des finalités de lavie sociale. C’est en se frot-tant aux controverses sur letravail que l’on peut élaborerdes alternatives. L’enjeu pourles syndicats est de toujourstenir les deux bouts « micro »– l’activité – et « macro » – lesrevendications syndicales.Ces deux chercheurs étaientinvités en tant que « témoins »dans le séminaire que lechantier « Travail et syndica-lisme » de l’Institut de re-cherches de la FSU organi-

EXTRAIT DE L’INTERVENTION D’HERVÉ CHRISTOFOL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, LORS DES 10 ANS DU CHANTIER TRAVAIL DE LA FSU

« Dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), les réformesqui s’imposent à nous depuis quinze ans, la massification de l’ac-cès aux études supérieures ont considérablement modifié nosconditions de travail et nos missions. Aujourd’hui, l’injonction àl’excellence, à l’innovation et à l’usage du numérique isole, démo-tive et détruit les collectifs.Il est impératif de  transformer la colère qui isole et lescroyances dans le salut individuel en combat collectif pourconstruire les nécessaires rapports de forces, seuls à mêmed’imposer des alternatives. Échanger sur l’intensification et lesdifficultés d’exercice de nos activités est un bon moyen pour

étayer nos revendications syndicales et construire des actions.Ce chantier travail, à travers ces différentes formes d’intervention,peut y contribuer et le SNESUP-FSU compte s’y investir pourconstruire et diffuser des savoirs sur notre activité, partager lesconnaissances des collègues du 1er et 2nd degré, relier nos différentesinterventions syndicales  (CHSCT, instances locale et nationale,formations, animation des sections locales…). C’est en articulantnos mandats syndicaux nationaux aux attentes concrètes du ter-rain que nous donnons du sens à l’action syndicale et que nous sus-citerons l’engagement des collègues dans un syndicalisme detransformation sociale. »

seignants de 400 écoles auSNUIPP, qui ont permis depeser dans les négociationsau ministère.Le représentant de la CGT aexpliqué comment la Confé-dération avait avancé sur letravail, « parler du travail,c’est déjà commencer à agir »,rejoignant en cela le repré-sentant de Solidaires qui étaitintervenu le premier jour.« Il n’y a pas de possibilité d’un“vivre – ensemble démocra-tique” tant que les femmes etles hommes devront produireleur existence sous le jougd’un système socio-techniquesupposant, pour cause de ren-tabilité financière, une dé-réalisation de leur activité detravail » (Jacques Duraffourg,2007)(*). « Ce n’est qu’un dé-but, le débat continue » (YvesBaunay, 2017)… l

(*) « Le travail nié, le travail relégué, le travail dévalorisé…mais le travail incontournable »,Nouveaux Regards, n° 37-38,2007, dossier élaboré par lechantier Travail.

tLe travail est le lieu d’intenses

débats de normes où se pose la questiondes finalités de la vie sociale.

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➔ par Christine Eisenbeis, membre du chantier « Travail et syndicalisme » de l’Institut de recherches de la FSU

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Dans le dernier budget,Marisol Touraine a

annoncé la fin du « trou de laSécu ». Mais la ministre jouesur la confusion entre l’as-surance maladie et la globa-lité des quatre branches dela Sécurité sociale (SS)(1).

UNE LOI DE FINANCEMENT AU RABAISSi, en 2017, le déficit de laSécurité sociale a été ramenéà 2,6 mill iards d’euros(Mds€), c’est dû à une cou-pe drastique de 4,1 Mds€

d’économies s’ajoutant aux3,7 Mds€ de 2016.Cela met en cause la qualitédes soins et la santé des pa-tients : en 2017, les hôpitauxperdent 847 millions d’euros(M€) – 690 M€ en 2016. Mê-me leurs directeurs s’en alar-ment : vente de patrimoine,transfert de missions au pri-vé, réduction d’effectifs, plusde précaires et d’intérimairesinfirmiers et médicaux, ma-nagement inhumain, burn-out, suicides, baisse de qua-lité des soins.Cela va de pair avec les al-légements de cotisations so-ciales des entreprises (1 Md€

en 2016).Le Parlement a aussi écartédes mesures favorables auxbesoins sociaux ou aux fi-nances de la SS : arrêt desfranchises médicales, me-sures contre les déserts mé-dicaux, halte aux dépasse-ments d’honoraires(2), fixationmieux encadrée du prix desmédicaments.

REMBOURSEMENTS ALTÉRÉSLe gouvernement affiche fiè-rement une diminution du« reste à charge » des assuréssociaux. C’est faux au vu desseuls remboursements del’assurance maladie obliga-toire (AMO)(3), celle dont toutle monde bénéficie, finan-cée par les cotisations pa-tronales et salariales. Le taux« moyen » de remboursementde 70 % est bien une moyen-ne entre les remboursementsà 100 % des soins liés auxALD(4) et ceux à taux infé-rieurs des soins courants. LaCour des comptes a reconnuun moindre accès aux soins

assurée par les mutuelles etles assurances », étendant ain-si à toute la France ce quiexiste déjà en Alsace-Moselle.Comme 95 % de la popula-tion cotise à l’une des 500complémentaires existantes,un même dossier est traitédeux fois, par la Sécurité so-ciale et par la mutuelle dupatient, soit 6,5 Mds€ de sur-coûts ; cela représente 4 %des remboursements annuelsde la SS (150 Mds€), et 19 %

de ceux des complémentaires(32 Mds€).Cette idée a irrité les mutua-listes. Pour Thierry Beaudet(FNMF)(8), cette « utopie »peut accumuler les déficits,« fragiliser » et « déséquili-brer » le système. Il appelle à« sortir d’une économie sur-administrée » et refuse« l’idée que l’État peut seulrépondre aux défis de notresystème de santé ».Pour Jean-Paul Benoît(FMF)(9), cette idée est « sim-pliste » et il faut approfondir ledébat en vue de « proposi-tions sérieuses à commencerpar une maîtrise des tarifs et

SÉCURITÉ SOCIALE

Un avenir menacé

La santé et la protection sociale sont des préoccupations essentielles. Le vote, fin 2016, de la loi de financement de la Sécurité socialeet les propositions des candidats de droite alertent sur l’avenir de notre système de santé et de protection sociale.

➔ par Jean Amar, membre du collectif Retraité.e.s

de l’organisation du systèmesanitaire ». Pour lui, « une Sé-cu à 100 % sans parler destarifs opposables n’a pas desens ».L’idée d’une prise en chargeintégrale par la Sécurité so-ciale interroge le devenir desmutuelles et de leurs agents.Frédéric Pierru(10) leur propo-se de se recentrer sur leurscentres de santé, sur des ac-tions d’accessibilité aux soins,d’action sociale et de pré-vention, aujourd’hui sacri-fiées. Cela pourrait répondreau désarroi des militants mu-tualistes face à l’émergencede mastodonte « mutualistes »– telle Harmonie Mutuelle,rejointe par la MGEN – quis’alignent sur les pratiquesdes assureurs(11) et se gèrentcomme des entreprises.À son Congrès du Mans(2016), la FSU a réaffirmé« l’urgence à reconquérir unsystème de santé universel dehaut niveau pour toutes ettous ». Cela suppose de mo-biliser des recettes supplé-mentaires. Un sujet de débatdans la campagne de la pré-sidentielle. l

(1) Vieillesse, famille, accidentdu travail et maladie.(2) Dans le cadre des missionsde service public.(3) Sans intervention d’une mutuelle ou d’une assurance privée.(4) Affections de longue durée.(5) Ancien chef du service diabétologie au CHU Pitié-Sal-pêtrière.(6) Pneumologue au CHU deBrest, lanceuse d’alerte sur leMediator.(7) Respectivement directeur del’Assistance publique-Hôpitauxde Paris (AP-HP) et économis-te de la santé et signataire de lapétition citée plus haut. Cetteproposition est reprise par Jean-Luc Mélenchon.(8) Fédération nationale de laMutualité française.(9) Fédération des mutuelles deFrance.(10) Chargé de recherche auCentre universitaire de re-cherches administratives et poli-tiques de Picardie.(11) Aujourd’hui, l’État a déjàréférencé comme opérateurs decomplémentaires santé des as-surances privées comme Axa.

(bucco-dentaires…), pas seu-lement pour les pluspauvres.

DES IDÉES DANS LE DÉBATLe projet initial de Fran-çois Fillon de limiter l’AMOaux seuls remboursementsdes frais liés aux maladiesgraves (hôpital et ALD) et delaisser la prise en charge dessoins courants à l’AMC a aler-té sur l’avenir de la Sécuritésociale.

André Grimaldi(5) et IrèneFrachon(6) ont été à l’initiati-ve, fin 2016, d’une pétitionau futur président de la Ré-publique en vue de « ga-rantir le niveau actuel deremboursement des soins »[curatifs et préventifs] dès lorsqu’ils sont justifiés et que lestraitements prescrits ont uneefficacité démontrée ».Dans Le Monde, Martin Hirschet Didier Tabureau(7) ont pro-posé une « assurance maladieuniverselle » étendue à « l’en-semble des dépenses de santé »en incluant dans la SS « lacouverture complémentaireaujourd’hui essentiellement

tLa Cour des comptes a reconnu

un moindre accès aux soins (bucco-dentaires…),pas seulement pour les plus pauvres.

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Dix ans après la loi LRU, où en sommes-nous ?

La réunion nationale SNESUP-FSU IUT qui s’est tenue le 27 janvier 2017a permis de faire un état des lieux de la situation dans les IUT et d’élaborerdes pistes de réflexion et d’action.

‘ par l’équipe d’animation IUT du SNESUP-FSU

Les dix ans passés ont vu se succéderla loi LRU (2007) et, dans sa conti-

nuité, la loi Fioraso (2013). Une desconséquences a été la perte du fléchagedes moyens humains et financiers auxIUT permis par l’article L713-9. Leséquipes présidentielles d’alors ontaccepté, avec plus ou moins d’enthou-siasme, les responsabilités et compé-tences élargies (RCE), sans en avoir lesmoyens, sans en mesurer les impacts.Les structures de l’enseignement supé-rieur et de la recherche (ESR) se sontprofondément modifiées, avec l’appari-tion de mastodontes (universités fusion-nées, grands établissements, Comue).Dans ces structures, les IUT sont, selonles cas, fusionnés, organisés en « collé-giums » ou en pôles, éclatés ou confinés.Les budgets propres intégrés (BPI) etcontrats d’objectifs et de moyens (COM),outils de gestion de la pénurie portéepar l’Assemblée des directeurs d’IUT(Adiut) pour remplacer l’article L713-9,ne sont majoritairement pas utilisés, alorsmême qu’il s’agit de décrets ! Les direc-tions des IUT sont alors soumises au« dialogue de gestion » des équipes pré-sidentielles de leur université, avecinjonction de trouver des ressourcespropres, gestion plus proche duNew Public Management que d’uneréflexion politique basée sur des choixcollégiaux. Dans ce contexte, les témoi-gnages des syndiqué.e.s dans les IUTsont intéressants en ce qu’ils traduisentdes difficultés grandissantes à assumerles missions d’enseignement et derecherche. Le délitementprogressif de l’espritd’équipe pédagogique s’ac-compagne d’une détériora-tion de la qualité de vie autravail. Les structures et lespersonnels les plus fragiliséssont les premiers à en souf-frir, notamment pour ce quiconcerne les sites délocali-sés et les enseignant.e.s-chercheur/euse.s dans uneuniversité hors de leur dis-cipline. Pour assurer les

heures, on augmente le nombre de vaca-taires et de contractuel.le.s, variablesd’ajustement qui n’assurent pas pourautant les tâches collectives. Ces der-nières n’étant pas toujours suffisammentreconnues dans les carrières, certain.e.sles refusent, augmentant la tension entrecollègues.Sur la formation technologique deniveaux II et III de qualification, là oùle Medef est très sou-vent à la manœuvredans la réflexion surl’enseignement supé-rieur y comprispublic, nous dénon-çons le laisser-faire duMENESR. En effet, onvoit se concrétiser lesvelléités d’expérimentation de bachelors,terme renvoyant à des formations denature radicalement différente, du BPS(brevet professionnel supérieur) à lalicence de technologie ou à la formationd’assistant ingénieur, nouvelles forma-tions toutes nées dans les écolespubliques ou privées, sans que les uni-versités soient audibles dans ce qu’ellesoffrent déjà et ont à offrir. L’Adiut etl’Unpiut (Union nationale des présidentsd’IUT) ont, quant à elles, proposé un« label », un parcours dit « sécurisé » per-mettant à un.e étudiant.e de premièreannée de DUT d’être assuré.e d’intégrerune licence professionnelle organiséedans les IUT. Le projet de licence universitaire detechnologie doit être impérativement

mis en avant. Cette formation répondraitaux besoins des entreprises d’un niveaude qualification généraliste au niveaubac+3. Elle permettrait d’atteindre l’ob-jectif de la Stranes (Stratégie nationalede l’enseignement supérieur) de 60 %d’une classe d’âge diplômée à ce niveaude formation et répondrait au besoinde professionnalisation des étudiant.e.sen licence. La formation tout au long

de la vie (FTLV) doitaussi être question-née, tant le risque estgrand de perdre devue l’objectif initial,en ne se concentrantque sur les subsidesqu’elle peut apporteret/ou en la transfor-

mant en « marché des compétences »aux règles dictées par les seules entre-prises pour leurs besoins à court terme.Le succès de cette réunion montre l’at-tachement des personnels au systèmeIUT, aux formations de qualité adaptéesà des étudiant.e.s attiré.e.s à la fois parla technologie et par le caractère uni-versitaire des enseignements. Les IUTsont essentiels à l’ESR, à la promotionsociale, à la démocratisation de l’en-seignement supérieur et à une réparti-tion équilibrée des établissements surle territoire..Le futur congrès du SNESUP-FSU seral’occasion d’approfondir la réflexion surun cycle technologique universitaire auniveau licence et au-delà, y compris danssa version FTLV, et aussi de s’engager

dans la mise en place d’ou-tils de communication etd’aide aux personnels pouraméliorer la connaissancepar les CNU, CAP… des spé-cificités des conditions detravail en IUT.Inscrivez-vous à forum-iut :list.snesup.fr/mailman/listinfo/ forum-iut. l

tLe MEDEF est très souvent

à la manœuvre.Nous dénonçons le laisser-faire

du MENESR.

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L’IUT, une structure qui a sa place dans l’ESR(ici, IUT de Mulhouse).

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Bienvenue au royaume d’Ubu (1/2)

De regroupements en Comue, les établissements deviennent des mastodontes,véritables « usines à gaz » au fonctionnement des plus nébuleux.

Dénoncées par votre syndicat préférédepuis leur apparition dans la loi

dite « Fioraso » de juillet 2013 commedes superstructures technocratiques sansintérêt réel pour les coopérations entreétablissements d’enseignement supé-rieur, dix-huit communautés d’univer-sités et établissements (Comue) ont étécréées. Avec des compositions trèsdiverses, des étendues géographiquespouvant parfois aller jusqu’à plus de400 kilomètres, toutes ont en commund’avoir un fonctionnement opaque etantidémocratique, avec des conseils oùles membres élus (directement ou indi-rectement) sont en minorité systéma-tique (lire mensuel Le Snesup n° 638).Un petit tour d’horizon sur le fonction-nement de ces « usines à gaz » univer-sitaires permet, après réponse des res-ponsables des sections syndicalesconcernées, de dégager une typologie(très subjective !) grossière. Les retoursayant été nombreux et très intéressants,il n’a pas été possible de les synthétiserdans une seule page. Aussi cet articlen’aborde-t-il pas toutes les Comue pourlesquelles nous avons eu des infor -mations. Il sera complété par un articleultérieur.

LES COMUE BÉNITES-MAUDITESLes Comue université de Lyon et uni-versité Lille Nord de France ont en com-mun de compter un Institut catholiquecomme membre associé pour la pre-mière ou à part entière pour la seconde,dont la présence à ce niveau dans lecas lillois a été justifiée (entre autresbonnes raisons) par le supplément dechances que cela donnait dans la courseà l’IDEX : une forme de bénédiction ?Mais les auteurs de leurs statuts ontnégligé de respecter la réglementationen vigueur. Résultat : des recours ontété portés, des élections annulées par-tiellement en raison de l’irrégularité desstatuts dans les deux cas. Afin de pallierl’impossibilité de refaire des électionstant que les statuts ne sont pas rectifiés,des tirages au sort ont été organisés parles recteurs pour désigner coûte quecoûte des membres dans les conseils…Difficile de départager ces Comue pour

attribuer la palme de l’absurdité ! Lejury d’attribution de l’IDEX (4e round)en a-t-il tenu compte pour faire sonchoix entre leurs deux projets concur-rents ? Cela pourrait faire sourire, maisen l’occurrence, descentaines de millionsd’euros d’argent publicsont gérés par cesstructures administrati-vement aberrantes : laComue nordiste s’est vuattribuer, en janvier2017, les RCE et la ges-tion des personnels del’ÉSPÉ qui y ont ététransférés, et la Comuede Lyon, qui vient devoir annuler plusieurs délibérations(datant de la période de transition duPRES à la Comue) sur des conventionsfinancières de montants considérables,devra gérer celles relatives à l’IDEX…

UNE COMUE D’INTÉRÊTS BIEN COMPRISLa Comue université Grenoble-Alpes(à ne pas confondre avec la nouvelleuniversité fusionnée Grenoble-Alpes !)présente un très joli cas de cumul desmandats : l’ex-président de Grenoble 1avant la fusion est devenu : a) président

du CAc de l’université fusionnée,b) président de la Comue, c) présidentdu projet IDEX (lequel se nomme aussiuniversité Grenoble-Alpes, pour fairesimple). La Comue joue un rôle clé enmatière de recherche grâce à ses com-posantes « pôles de recherche » : ges-tion et attribution de moyens sur appelsà projets, définition des profils depostes d’enseignants-chercheurs, inter-vention dans la composition des comi-tés de sélection… Les batailles syndi-cales ont permis d’obtenir que cespôles de recherche soient dotés deconseils élus, mais cela n’aide pas dutout les nombreux élus du SNESUP-FSU à y voir plus clair dans le « quifait quoi et dans quel ordre », notam-ment en matière de prospective et deprofils de postes, de définition desappels à projets entre Comue (CAc etCA), université (CAc et CA) et les comi-tés ad hoc, autodéfinis et très restreintsqui brassent les millions de l’IDEX sousforme d’une avalanche d’appels à pro-jets (quatorze lancés en moins d’un an(cf. www.communaute-univ-grenoble-alpes.fr) dans tous les domaines d’ac-

t ivité – recherche,pédagogie, internatio-nal, bourses de docto-rat, de master, vie étu-diante…). À noter quele premier appel à pro-jets de l’IDEX concer-nant la recherche s’estconclu par un sérieuxproblème de fonction-nement et d’éthique,puisqu’au mépris dece qu’il a lui-même

inscrit dans le règlement de l’appel àprojets, le comité de sélection (Comexdans le « jargonex » local) a retenuparmi les sept projets lauréats (qui separtagent la modique somme de11,9 millions d’euros) un projet portépar un membre dudit Comex (et quiplus est, scientifiquement proche dutriple président mentionné plus haut !).Au prochain épisode, nous aborderonsles Comue mort-nées, celles en fissionrapide, celles visibles depuis la Lune,et les Comue pour faire semblant. l

‘ par Claire Bornais , secrétaire nationale, et Hervé Christofol , secrétaire général, coresponsables du secteur Vie syndicale

tToutes ont en

commun d’avoir unfonctionnement opaque

et antidémocratique, avecdes conseils où les membres

élus sont en minoritésystématique.

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Fonctionnement ubuesque(Véritable Portrait de MonsieurUbu, Alfred Jarry, 1896)…

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Le monde universitaire vit une crise sansprécédent, qui affecte les fondementsmêmes et les finalités de l’activité uni-versitaire normée par l’idée de vérité.Malheureusement, cette crise s’inscritdans une crise plus globale, écono-mique, sociale, politique certainement,au point d’estomper le profond malaiseque vivent les universitaires, perçuscomme des privilégiés exerçant unmétier de vocation. L’économicisme a-t-il réussi à détruire « les coalitions de

cerveaux », comme disait Kant à proposde l’Université, qui s’efforcent de pen-ser l’homme et le monde de façon désin-téressée ?Vous vous souvenez de cette phrase extra-ordinaire de Keynes : « Nous serions capablesd’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils nenous rapportent pas de dividendes » ? Insi-dieusement, depuis plus de vingt ans cettephrase est devenue la maxime des gestion-naires d’une Université managériale, uneUniversité gouvernée par la nécessité de la« production » scientifique attestée par des« publications » dans des revues à fortimpact factor (c’est-à-dire des revues de« marque »). Chaque mot compte, et ceuxque je souligne montrent que les formes du

spectacle. Ne compte que ce qui est visibleet reconnu par un réseau d’hégémonie cul-turelle qui s’est parfaitement acclimaté auxconditions d’une rationalité pratico-formelle,c’est-à-dire, pour reprendre les types derationalité de Max Weber, les modes de rai-sonnement des affaires et du droit : « Com-bien ça rapporte ? » « Est-ce que c’estconforme aux procédures formelles ? » Ducoup, ces dispositifs d’évaluation devien-nent, au-delà de leur plus ou moins grandevalidité, des rituels de notre manière deciviliser les mœurs. Cette civilisation desmœurs est celle de la religion du marché,résumée dans une formule rabâchée jus-qu’à la nausée : « Publier ou périr » !Cette façon de réduire la valeur à ce quirapporte en se voyant reconnu par une« marque », produit de la servitude volon-taire et de la soumission sociale librementconsentie. Ces dispositifs évaluent le degréd’insertion et d’allégeance à des réseauxd’hégémonie culturelle dont la rhétoriquede transparence et d’objectivité se révèlebien souvent un discours de légitimation etde propagande. Pour légitimer les discours,l’interconnexion des réseaux de pouvoirtient lieu, bien souvent, de preuve. C’estainsi que, dans ce domaine comme dansd’autres, la fiabilité (accord inter-juges)tient lieu de validité (pertinence des résul-tats). Il serait bien trop long de développerici les causes et les conséquences désas-treuses de cette manière de faire qui aconduit, en décembre 2013, un prix Nobelde physique à déclarer au Guardian : « Jene sais pas si aujourd’hui j’aurais été encorerecruté à l’Université, je ne suis pas suffi-samment productif ! »Cette sélection des savoirs et de leurs« experts » a des conséquences plus oumoins grandes selon les disciplines, péna-lisant sans conteste les « humanités » ettoutes les régions de la connaissance endépendance du langage, toutes celles qui neseraient pas suffisamment utiles ou dontles résultats se révèlent difficiles à traduireen termes de « machines ». Le philosopheJean-François Lyotard avait anticipé, dès1979, cette recomposition des savoirs et de

savoir, les modalités de leurs évaluationsdoivent aujourd’hui satisfaire aux critèresde la société de la consommation et du

ENTRETIEN AVEC Roland GoriPsychanalyste et professeur émérite de psychologie

et de psychopathologie clinique à l’université Aix-Marseille

Initiateur, en 2009, du mouvement L’Appel des appels, afin dese « constituer en collectif national pour résister à la destruction volontaire

et systématique de tout ce qui tisse le lien social », Roland Gorinous livre une analyse lucide et sans appel du monde universitaire actuel.

t« Ne compte que ce qui est

visible et reconnu par un réseaud’hégémonie culturelle qui

s’est parfaitement acclimatéaux conditions d’une rationalité

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Roland Gori

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leur hiérarchie en fonction de leur « tra-duisibilité » en langage de machine. C’estainsi que la liberté et la disputatio revendi-quées naguère par les universitaires a faitplace, aujourd’hui, à la nécessité des algo-rithmes et des procédures.

Aujourd’hui, des voix comme la vôtres’élèvent pour dénoncer le modèle néo-libéral de l’économie de la connais-sance, les détournements de l’évaluationscientifique, la pression concurrentiellesur les laboratoires et le formatage insi-dieux qui en résulte. Ce grand contre-récit critique sur la gouvernance desuniversités donne des outils d’analyse etde résistance aux acteurs qui se débat-tent contre des modes d’organisationqui les détournent constamment de leurtravail essentiel. Néanmoins, ce contre-discours semble ne pas suffire pouraffirmer, revendiquer et défendre lesprincipes consubstantiels à l’Univer-sité, comme le principe absolu de laliberté académique. Pour quelles rai-sons selon vous ?Il y a plusieurs raisons qui surdéterminent lemaintien de cette Université managérialequi menace les conditions traditionnellesde création et de pensée libre. La première,terriblement banale, procède de la servi-tude volontaire des universitaires qui rêventde devenir les experts décideurs de la hié-rarchie des valeurs, si possible celles quiles servent. La deuxième, plus systémique etpolitique, réside dans la violence des insti-tutions qui incarnent cette « vision dumonde » et actent cette hégémonie culturelle,au sens de Gramsci. Ce pouvoir cultureldevient dominant lorsqu’à la manière de lapensée TINA, les collègues sont convaincusqu’il n’y a pas d’autres alternatives. Enfin, laculture dans laquelle nous évoluons privi-

légie le non-narratif sur le narratif, le prag-matisme et l’utilitarisme anglo-saxon sur lerécit et le dialogue, les techniques sur l’ex-périence sensible, le globish sur la biodi-versité des langues. L’adversaire est difficileà combattre lorsque l’on aaffaire à un système culturel.Un dernier mot, tout n’étaitpas idyllique avant ces nou-velles formes sociales d’éva-luation, tout n’est pas à reje-ter dans ce qu’elles ontapporté. Là, comme dansd’autres domaines, i lconvient de renouer avec la pensée cri-tique, de favoriser la « créolisation » dessavoirs, de se servir du pouvoir formidabledes nouvelles technologies et des réseauxmondiaux sans devoir prononcer une obso-lescence de l’homme et des humanités.

À l’abri des composantes et des labora-toires se développe une violence quis’exerce entre individus, comme si des« dominants » auto-institués ciblaientdes «  récalcitrants  » réduits à leurscaractéristiques et travers personnels,avec pour projet de les éliminer morale-ment et physiquement. Les protectionsstatutaires, la hiérarchie universitaire,mais aussi le soft power des régulationscollégiales, des procédures démocra-tiques de prise de décision se sont-ilseffacés au profit d’une pathologie ins-titutionnelle dont les établissementseux-mêmes semblent s’accommoder sousl’étiquette d’autonomie ?Absolument. Les universités ressemblent àleurs époques. La nôtre est celle des vio-lences de la technique et du droit qui, deleurs fonctions initiales d’émancipation, ten-dent à devenir aujourd’hui des « camisoleslogiques » surveillant, contrôlant et normali-sant les individus, avec la complicité des« tyranneaux » dont parlait La Boétie. C’estpour cela que les fonctions d’« expertise » senourrissent des passions tristes de la haine,du ressentiment et de l’humiliation, du moins

lorsqu’elles ne s’inscrivent pasdans un champ d’expériencesdialoguées et partagées.Le problème est politique,chaque société a l’Universitéqu’elle mérite, et aujourd’huiplus que jamais la porosité etla liquidité des institutions fontqu’elles sont traversées par

l ’éthique de nos manières de vivreensemble. Le techno-pouvoir, quasi totali-taire, ne concerne pas que les universités, ilœuvre dans tous les domaines sociaux. Faceau taylorisme généralisé qui hante le mondedu travail, dont celui de la recherche et del’enseignement, il conviendrait de restituerà nos actes professionnels une dimension deliberté, d’« œuvre », ou du moins de ne pasl’empêcher. La question est politique, nousdevrions nous en rappeler. On se souvientde la mise en garde d’Alexis de Tocqueville :« Il est, en effet, difficile de concevoir com-ment des hommes qui ont entièrementrenoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisirceux qui doivent les conduire ; et l’on ne ferapoint croire qu’un gouvernement libéral,énergique et sage, puisse jamais sortir dessuffrages d’un peuple de serviteurs. »(*) l

Propos recueillis par

Isabelle de Mecquenem

(*) Alexis de Tocqueville, De la démocratieen Amérique (1840), tome II, GF Flammarion,Paris, 1981, p. 388.

t« Le problème estpolitique, chaque

société a l’Universitéqu’elle mérite. »

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Algorithmes etprocédures ont prisla place de la libertéet de la disputatio(ici, Une disputation,Johann vonArmssheim, gravuresur bois, 1483).

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Son dernier ouvrage paru :Un monde sans esprit. La fabrique des terrorismes,Les Liens qui libèrent, 2017.

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P ax neoliberalia est bien sûr un titre iro-nique, une antiphrase. Cette paix oxymo-

rique est une guerre permanente, de basseintensité, « cet état paradoxal et instable danslequel nous nous trouvons aujourd’hui ». Lelivre prend la suite d’un ouvrage paru en2008 : De gré ou de force. Les femmes dans lamondialisation (La Dispute, Paris). L’hypo-thèse de ce second essai est de montrer quela violence contre les femmes joue un rôle cen-tral dans « la réorganisation néolibérale de lacoercition » et qu’il existe des continuitésfrappantes entre violence de paix et violencede guerre. Jules Falquet, maîtresse de confé-rences à Paris 7 et féministe engagée, a vécuplusieurs années dans des pays d’Amériquelatine où elle a pu étudier les modalités etl’évolution de ces coercitions dont les femmessont les victimes. L’ouvrage présente quatreanalyses contextualisées, « à partir de frag-ments de réalités historico-géographiqueshétérogènes » mais reliés entre eux par unecommune « interpénétration croissante dedifférentes dynamiques de violence et deguerre » : étude de la violence domestique auSalvador dans ses rapports avec la torture ; analyse de l’insti-tution du service militaire en Turquie, reprise d’une très bellepréface au livre de Pinar Selek, Devenir homme en rampant(L’Harmattan, 2014) ; étude de l’effroyable rationalité des fémi-nicides de Ciudad Juarez au Mexique, analysés comme mélangede violence « privée » et « publique » ; étude enfin des exactionsinfligées aux Indiennes et Métisses guatémaltèques et de leurcombat pour « visibiliser » les violences dont elles ont été vic-times. Le livre s’achève par la traduction d’un poème boule-versant de l’écrivaine et poète hondurienne Melissa Cardoza,écrit à la mémoire de l’activiste environnementaliste indienneBerta Cáceres, son amie assassinée le 3 mars 2016.Si nous avons fait le choix de nous intéresser au premier cha-pitre, c’est qu’il a un statut particulier dans l’ouvrage. Seul texteancien, « censuré » de la thèse de Jules Falquet, « Guerre debasse intensité contre les femmes ? » porte sur la violencedomestique comme torture, à partir de l’exemple du Salvador.

L’hypothèse de cette étude est audacieuse etradicale. Prenant appui sur une observationde Mercedes Cañas, une féministe salvado-rienne qui avait remarqué « que certainsmaris/compagnons frappaient leurs femmesde manière à ne pas laisser de traces, commedes tortionnaires expérimentés », la socio-logue fait la démonstration de la proximitédes méthodes et des effets psycho-dyna-miques entre la violence domestique et la tor-ture politique : lieu clos, espace de non-droit, position d’isolement matériel, moral etsocial, déstabilisation psychologique,« impuissance apprise » (« le fait de ne pluspouvoir/vouloir/savoir répondre aux actesviolents »), nature propre des violences, etc. La convocation des travaux de Christine Del-phy permet ensuite à Jules Falquet deconstruire une analyse de la dimension poli-tique de la violence domestique : « Le contextede la violence contre les femmes, bien loind’être naturel, est organisé par une concep-tion globale du droit. » Même si certaineslégislations sont protectrices, l’édifice juridiquepatriarcal constitue la sphère privée comme

espace de non-droit. La dernière partie de cette étude, qui rap-pelle que les techniques de « guerre de basse intensité » ontété développées à partir des pratiques de l’OAS avant d’être« exportées » en Amérique du Sud, établit un lien fort entre lesphénomènes en apparence privés et les fonctionnementscollectifs et publics. Jules Falquet montre alors comment destechniques de guerre psychosociales exercent un contrôle descorps et des esprits, fabriquent la passivité individuelle et col-lective ou concourent encore à « extorquer aux femmesd’importantes quantités de travail gratuit ».L’essai de Jules Falquet n’est pas de ceux, techniques etvolumineux, qui pourraient décourager les lecteurs pressésou les collègues qui ne sont pas des spécialistes de sociolo-gie. D’une écriture élégante et précise, s’appuyant sur de nom-breux témoignages, ses 170 pages se lisent facilement, pournotre plus grande instruction. Ce livre nécessaire parle denotre présent, mais aussi d’un futur très inquiétant. l

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Jules Falquet, Pax neoliberalia,Perspectives féministes

sur (la réorganisation de) la violence, Éditions iXe, 2016.

Jules Falquet

SOCIOLOGIE

« Guerre de basse intensité contre les femmes ? »En ce mois où se tient la Journée internationale des droits des femmes,en une période aussi où les conservatismes gagnent du terrain–  remise en cause du droit à l’avortement dans plusieurs payseuropéens et aux États-Unis, dépénalisation des violences conjugalesen Russie –, la rédaction a estimé important de rendre compte del’ouvrage de Jules Falquet, Pax neoliberalia, sous-titré Perspectivesféministes sur (la réorganisation de) la violence. La sociologue,spécialiste des pays d’Amérique latine, pose avec acuité la questiondes différentes formes de violence contre les femmes, dans leursrapports avec les logiques de classe et de race.

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‘ par Pascal Maillard, secrétaire national