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N° 7119 — DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021 QUoTidiEn naTionaL d’inforMaTion fondé LE 28 MarS 1990 – iSSn 1111-0115. PriX : aLgériE 20 da, franCE 1 EUro www.jeune-independant.net [email protected] Saïd Chanegriha : ‘‘L’ANP EST DEVENUE UNE RÉFÉRENCE MONDIALE’’ La ManifESTaTion La PLUS réPriMéE dE L’HiSToirE Page 4 17 OCTOBRE 1961, LA FOLIE D’UN ETAT RACISTE Statut d'observateur d'Israël à l'UA LE DOSSIER SOUMIS AU PROCHAIN SOMMET Page 24 l Tebboune décrète une minute de silence l Macron évoque des «Crimes inexcusables» l L’historien Mohammed Harbi : «Un massacre d’Etat» l Le 17 octobre 1961 vu par Kateb Yacine l Pour que nul n’oublie le massacre parisien Pages 2, 3 et 4

Page 24 La ManifEsTaTion La PLUs réPriMéE dE L’HisToirE 17

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N° 7119 — DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021

QUoTidiEn naTionaL d’inforMaTion fondé LE 28 Mars 1990 – issn 1111-0115. Prix : aLgériE 20 da, franCE 1 EUro

www.jeune-independant.net [email protected]

Saïd Chanegriha :

‘‘L’ANP EST DEVENUEUNE RÉFÉRENCE MONDIALE’’

La ManifEsTaTion La PLUs réPriMéE dE L’HisToirE

Page 4

17 OCTOBRE 1961, LA FOLIED’UN ETAT RACISTE

Statut d'observateur d'Israëlà l'UA

LE DOSSIER SOUMISAU PROCHAIN SOMMET

Page 24

l Tebboune décrète une minutede silence l Macron évoque des «Crimesinexcusables»l L’historien Mohammed Harbi : «Un massacre d’Etat»l Le 17 octobre 1961 vu par KatebYacinel Pour que nul n’oublie le massacreparisien

Pages 2, 3 et 4

NATIONALE

LE JEUNE INDÉPENDANT # 7119 DU DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021

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A tout seigneur, tout honneur, EdithPiaf, Léo Ferré, Charles Azna-vour, Jean Ferrat, Claude Nouga-rou donnent au ballet des Bateaux

Mouches des allures d’escapades “lune demiel». Slalomant entre rive gauche-rive droi-te, Paris by Seine déroule son «storytelling».Les guides touristiques accrédités auprès del’Office de tourisme de la mégalopole pari-sienne font œuvre d’histoire et de mémoire.Et tous azimuts. Tout y est. Histoire d’abord :comment, à partir de l’île de la Cité, puis del’île Saint-Louis, «baris» s’est construite etcomment, chemin faisant, elle a tissé, sa toilearchitecturale, une singularité patrimonialedevenue un corpus académique pour lesécoles d’architecture du monde entier. La «Mecque» des touristes en quête d’esca-pades à multiples facettes raconte tout. Elleouvre ses pages «Lumières» – cafés litté-raires, Quartier latin et ses maisons d’édition,Comédie française, Théâtre de l’Odéon,Opéra, Louvre, Institut Pasteur – et nerechigne pas à étaler ses épisodes sombres : laCommune, Jean Valjean et les Misérables, lafamine, la peine capitale, la livraison de Parisau III Reich, l’antisémitisme, le Vél’d’Hiv’,Drancy, «Paris ! Paris outragé ! Paris brisé 1Paris martyrisé ! mais paris libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concoursdes armées de la France», dixit le général deGaulle. Aux touristes venus se détendre etenrichir leur «capital savoir et culture généra-le», Paris raconte tout. Tout ? Pas tout à fait.Le Paris sanglant de la soirée du 17 octobre1961 brille par son absence dans la narrationde la «Ville Lumière» et la «capitale desdroits de l’homme». De la «Journée portéedisparue», les «guides historiens» embarquéspar la société «Bateaux Mouches» pour éclai-rer la lanterne des touristes n’en soufflent pasle moindre mot. Au rythme des croisièresentre le Champ de Mars/Tour Eiffel et d’Aus-terlitz, la Seine se raconate avec force détailsmais se garde d’évoquer les dizaines etdizaines de corps d’Algériens jetés, depuis lesponts de Saint-Michel, Neuilly, Bezons. Entémoigne, pour l’Histoire et la postérité, uncliché omniprésent sur la Toile, un graffiti encinq mots qui, clandestinement, avait barioléun des quais de la Seine : «Ici, on noie lesAlgériens» ! De Google à Yahoo en passantpar AOL et le chinois Baidu, les principauxmoteurs de recherche déploient le visuel sousles yeux de l’internaute à la moindre requête«17 octobre 1961».Soixante ans après les faits, l’autre 17 octobre— «Le 17 octobre des Algériens» pourreprendre le titre du livre de Marcel et Paulet-te Péju - souffre toujours d’une chape deplomb multiforme : médiatique, mémorielleet politique. Il y a soixante ans jour pour jour,par une nuit parisienne pluvieuse, les Algé-riens de Paris et ses banlieues subissent –dans leur chair — «derniers feux de la foliecoloniale», selon la formule de Gilles Mance-ron, l’un des historiens qui, depuis le débutdes années quatre-vingt-dix, n’en finissentpas de bousculer la chape de plomb qui pèsesur la «journée portée disparue». C’était cinqmois avant les accords d’Evian et le cessez-le-feu.

LE TON MARTIAL PAPON

Le 6 octobre 1961, le préfet de police, Mauri-ce Papon, signe un communiqué avec une

sémantique au ton martial. Adressé à l’en-semble des rédactions, le texte est rédigé àl’encre de la mise en garde. «Il est conseilléde la façon la plus pressante aux travailleursalgériens de s’abstenir de circuler la nuit dansles rue de Paris et de la banlieue parisienne de20h30 à 5h30 du matin». De surcroît, Paponet sa police recommandent «très vivement»aux Algériens de «circuler isolément, lespetits groupes risquant de paraître suspectsaux rondes et patrouilles de police». Last butnot least, «les débits de boissons tenus et fré-quentés par des français musulmans doiventfermer chaque jour à 19 heures». Représentéeen France par la Fédération de France du FLN(FF-FLN) – la «7eme Wilaya», selon la for-mule imagée de Ali Haroun —, la directionde la révolution ne l’entend pas de cetteoreille. «C’est inacceptable», réagit-elle à lamesure du couvre-feu. La FF-FLN appelle àmanifester dans les rues de Paris. Pour avoirlu et relu les documents de la Fédération deFrance, pour avoir discuté avec nombre deses responsables, le journaliste et éditeurRenaud de Rochebrune et l’historien Benja-min Stora soulignent à grand trait la motiva-tion de la FF-FLN. La manifestation dansParis était dirigée «contre cette mesure atten-tatoire à la liberté fondamentale d’aller etvenir, mais surtout discriminatoire et pourtout dire raciste». Dans leur livre «La guerre d’Algérie vue parles Algériens» (Paris, Denoël 2016), deRochebrune et Stora remettent en perspectivela manifestation du 17 octobre 1961 et la revi-sitent au miroir des manifestations du 11décembre 1961. «Entre décembre 1960 etoctobre 1961, à Alger et à Paris, les +massesalgériennes+, comme on disait volontiers àl’époque, vont faire irruption sur le devant dela scène, et +faire+ l’Histoire. Dans les deuxcapitales, de la métropole coloniale et del’Algérie encore française, ce sont lesouvriers et les étudiants, les sans-droits et leschômeurs qui vont tenter de s’emparer ducentre de ces grandes villes d’où ils sontexclus. Prendre possession des espaces cita-dins, pour les Algériens, ce n’est pas anodin,c’est déjà accéder à une forme de modernité,vouloir peser sur les décisions politiques, uti-liser les villes comme des caisses de résonan-ce pour faire valoir sa cause et ses frustra-tions. Cela marque aussi une date car, alors, larévolution est de retour dans les centresurbains où, sauf exception comme dans leConstantinois en août 1955 puis dans la

capitale fin 1956, début 1957, elle était peuprésente au début de la guerre et encoremoins depuis la fin de la bataille d’Alger».

DES MANIFESTANTS PACIFIQUESET DISCIPLINÉS

La décision de la Fédération de France duFLN d’en appeler à la mobilisation pacifiquede la rue a effrayé les autorités. Le ministre del’Intérieur Roger Frey et le préfet de policedécrètent une alerte sécuritaire sans précé-dent. CRS, gendarmes et policiers des Ren-seignements généraux se déploient en grandnombre aux portes de Paris, sur les ponts quitraversent la Seine, aux grands carrefours etsur les grandes artères haussmanniennes. LaFF-FLN fait montre d’un sens remarquablede l’organisation et apporte la preuve qu’ellejouit d’une écoute auprès de l’immigration.Émises via les militants, les instructions de laFédération de France sont respectées à lalettre. Disciplinés, les manifestants se sontprêtés de bonne grâce aux fouilles des organi-sateurs FLN. Venus des bidonvilles de l’ouestet du nord-ouest parisiens – Nanterre, Leval-lois, Genvilliers – mais aussi de la Seine-Saint-Denis, les manifestent convergent sur-tout sur les Grands Boulevards – côté métroBonne Nouvelle et le cinéma le Grand Rex –avant de marcher vers l’Opéra et traverser laSeine en direction du Quartier latin et du bou-levard Saint-Germain. Singularité de cettemanifestation – les photos en attestent —, onne relève ni slogans, ni banderoles, ni dra-peaux. Les 20.000 à 30.000 marcheurs –40.000 à en croire la Fédération de France –manifestent pacifiquement. «L’action de laFédération de France du FLN, au cœur deParis, frappe l’opinion française qui voit,brusquement, la ville vivre une situation deguerre, notent de Rochebrune et Stora. Per-mettant à la presse internationale de témoi-gner de ce combat des Algériens pour leurliberté, cette manifestation de masse montrela puissance d’engagement des immigrés auxcôtés du FLN. Et leur maturité politique, caraucun manifestant n’est armé». Onze jours après avoir atterri dans les rédac-tions, le communiqué au ton martial de Mau-rice Papon se traduit à l’épreuve du terrain.Une répression en règle s’abat sur les mani-festants dès le début de soirée. Des rafalesd’armes automatiques se font entendre dansles secteurs des boulevards Poissonnière,Bonne-Nouvelle et Montmartre.

Des victimes sont signalées. Chargés sansménagement, des manifestants se réfugient àl’intérieur des stations de métro. Ils sont rat-trapés par les forces de polices qui ne lésinentpas sur la matraque. Tout au long de la nuit,les 9e et 10e arrondissements se transformenten lieu de rafles massives. Répression oblige,le palais des Sports de Paris change de voca-tion. Programmé depuis des mois pour abriter unconcert du chanteur et musicien américainRay Charles, le lieu a fait l’objet d’une réqui-sition et sans autre forme de procès. Il sera,des semaines durant, un lieu de détention desmanifestants raflés dans Paris et sa banlieue.Cette «nuit portée disparue» verra l’entrée enlice des «harkis à Paris» comme le racontera,plus tard, la journaliste Paulette Péju, épousede Marcel Péju, compagnon de Jean-PaulSartre, secrétaire des «Temps modernes» etsignataire du «Manifeste des 121» sur le droità l’insoumission dans la guerre d’Algérie.A l’heure des bilans pour les besoins –contraints – de la communication officielle,Préfecture de Police et ministère de l’Inté-rieur parlent de deux morts, soixante-quatreblessés et 11 538 arrestations. Dans la fouléede la répression, la Fédération de France duFLN évoque 200 morts et 400 disparus. Plustard, à l’heure de la sortie en France de sonlivre «La 7e Wilaya. La guerre du FLN enFrance» (Paris, Le Seuil 1986), Ali Haroun,membre du Comité fédéral de la Fédérationde France dira : «La Fédération a été dansl’incapacité de fixer le nombre (des victimes)de manière précise, d’autant que, parmi leséléments recensés +disparus+, il devait setrouver nécessairement des militants transfé-rés en Algérie et dont on ne retrouve plus latrace. Cependant, la synthèse des rapportsmilitants sur le cas précis des tués, le 17octobre et les jours suivants, par balles,matraquages, noyades et autres moyens, per-met de les chiffrer approximativement à 200et les blessés à 2300». Résolument engagéeen faveur de l’indépendance algérienne, «LesTemps modernes» – revue animée par le trioSartre- Claude Lanzmann et Péju – avait citéà l’époque une autre estimation officieuse del’Inspection générale de la police, un organerattaché au ministère de l’Intérieur : 140morts. Dans «La Bataille de Paris, 17 octobre 1961»(Paris, Le Seuil 1991) – livre qui a faitrejaillir la tragédie dans le débat médiatique—, le chercheur Jean-Luc Einaudi avait parléde 150 morts avant de réviser le bilan à lahausse (200 morts). Auteurs d’un travail aca-démique fondateur et très documenté sur lesujet – «Paris 1961/ Algerians, State Terrordans Memory» (Oxford University Press2006), les historiens britanniques Jim Houseet Neil Mac Master livreront une estimationde l’ordre d’une «centaine». Mais, au-delà de cet indicateur, le travail desdeux anglo-saxons aura le mérite de soulignerla «terreur d’Etat» de la France coloniale àl’heure et de la répression sanglante du 17octobre 1961. Et de la situer au miroir derépressions urbaines qui ont marqué l’Histoi-re. «Le 17 octobre des Algériens» (dixit Mar-cel et Paulette Péju) a été la répression «laplus violente et la plus meurtrière qu’aitjamais subie une manifestation de rue désar-mée dans toute l’histoire contemporaine del’Europe occidentale».

S. Raouf

LA MANIFESTATION LA PLUS RÉPRIMÉE DE L’HISTOIRE

17 OCTOBRE 1961, LA FOLIE

D’UN ETAT RACISTEQu’il pleuve ou qu’il vente, la «Ville-Lumière» ne rompt jamais avec son exercice de prédilection : captiver et tenir en haleine

la trentaine/quarantaine de millions de touristes qui, bon an, mal an, déambulent entre les deux rives de la Seine.Au rythme des croisières des Bateaux Mouches, la ville des «démons et des anges» bat le rappel de tout ce qu’elle compte

comme séducteurs pour se raconter et se portraiturer avec cette art de la narration dont elle s’enorgueillit.

NATIONALE

LE JEUNE INDÉPENDANT # 7119 DU DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021

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LE PALAIS de la Culture et des ArtsMohamed Boudiaf abritera durant plus dedeux semaines des activités culturellesd’un haut niveau. Plusieurs universitaires,des écrivains et des artistes entreront enaction à partir de demain, 17 octobre, pourcélébrer le 60eme anniversaire de laculture algérienne migrante. Au programme de cette importantemanifestation, l’évocation des massacresperpétrés par la police française contredes algériens qui étaient sortis manifesterpacifiquement un certain soir du 17octobres 1961 à Paris. En parallèle de cette commémoration pources massacres qui continuent encored’endeuiller tout le peuple algérien, unséminaire national portant sur le thème dela littérature algérienne migrante seraorganisé. En sus de ce séminaire, des

expositions de livres, des spectaclesthéâtraux, la projection de films et desconférences ayant pour unique thèmeessentiel sur l’histoire algérienne sont aumenu. Ainsi, plusieurs hommes de lettres, deschercheurs et des historiens ont été invitéspour célébrer cet événement. On notera laprésence du recteur de l’université BadjiMokhtar, Manaa Mohamed, et deplusieurs universitaires provenant desquatre coins du pays, entrer autreConstantine, Alger, Batna, Tébessa, TiziOuzou, Skikda ; Oum-El-Bouaghi, Jijel etM’sila. Le professeur Mohamed Sari, del’université d’Alger, animera uneconférence portant sur le sujet «Lalittérature du livre, les migrants algérienset la révolution algérienne». Le professeurAli Khalif, de l’université d’Annaba

abordera «La littérature migrante et ladiplomatie culturelle» qui sera suivi parune autre conférence animée par leprofesseur Abdallah Hamadi et qui seraconsacré au philosophe et écrivainmigrant algérien, Mohand Tazerouf.Egalement sera présent le journaliste etécrivain Hmida Ayachi qui abordera unecommunication sur «Mohamed Boudia etGhassan Kanafani : deux facettes d’unemême révolution». Le professeur Fayçal El Ahmar, universitéde Jijel, abordera également un thème sur«la migration littéraire algérienne etl’apparition de l’imaginationscientifique». La mémoire de MalekBenabi, l’illustre penseur algérien, seraprésente à travers une communicationintitulée «La littérature migrantealgérienne via l’expérience de Malek

Benabi» et qui sera animée par leprofesseur Tarek Tabet, de l’université deBatna.Le professeur Kamilia Bechiri, del’université de Skikda développera quantà elle une conférence sur l’œuvre deKamel Daoud «Meursault contre- enquête: une écriture de la reconnaissance». Par ailleurs, et jusqu’au 1er novembreprochain, le Cours de la Révolutionabritera une grande exposition de livresavec la participation de plusieurs éditeurset auteurs. Aussi, il est prévul’organisation de plusieurs soiréesmusicales en tous genres, malouf, chaabi,pop et autres. Tout cela, pour que nuln’oublie le 17 octobre 1961, le jour où laFrance coloniale avait assassiné plusieursdizaines d’algériens innocents.

Nabil Chaoui

Pour que nul n’oublie le massacre parisien

C hronologiquement, le pro-pos de Mohammed Harbiavait devancé la prise de

position d’Emmanuel Macron.Dans une interview au Monde,l’historien algérien a appelé le pré-sident français à reconnaître qu’un«massacre d’Etat» avait été com-mis par les forces de police le 17octobre 1961 à Paris. Publiés, vendredi après-midi à13h21 sur le site web du journal, lespropos du plus fécond des histo-riens algériens ont été recueillis parle quotidien du soir à la veille du60e anniversaire de la répressionsanglante du 17 octobre 1961. A la question de savoir ce «quedevrait dire Macron» à l’occasionde l’anniversaire du «massacre»,Harbi s’est fendu d’une réponse enphase avec les tribunes libres et lesprises de positions qu’ils avaientsignées au gré de l’actualité. «Il faudrait qu’il reconnaisse lemassacre d’Etat. On ne peut paséviter cela. Il faut reconnaître lachose. Il y a d’autres problèmes quibarrent la route à celui qui, en Fran-ce, veut se livrer à ce travail dereconnaissance», allusion au chan-tier mémoriel lancé par le plusjeune des présidents de la Ve Répu-blique. Premier locataire de l’Elysée néeaprès la fin de la guerre d’Algérie,Emmanuel Macron avait confié 24juillet 2020 à l’historien BenjaminStora une mission sur «la mémoirede la colonisation et de la guerred’Algérie» en vue de «favoriser laréconciliation entre les peuplesfrançais et algérien», selon lestermes de l’Elysée. Six mois plustard, l’historien remettait un rapportau Président français. Selon Harbi,le travail de reconnaissance dupassé colonial de la France – lareconnaissance du «massacre»d’octobre 1961 en est un – est loind’être aisé. «Un des obstacles» qui«barrent la route à celui qui, enFrance, veut se livrer à ce travail dereconnaissance» vient précisément«des tenants du parti nostalgique». Sans s’y attarder, l’historien fait

allusion à ceux, politiques, acteursde la société française et intellec-tuels et autres nostalgiques del»’Algérie française», qui n’enfinissent pas de faire jouer à laguerre d’Algérie les prolongations. «Je ne sais pas si Macron trouverala solution» pour surmonter lesécueils et blocages dressés par le«parti nostalgique». Visiblement, les propos de Moham-med Harbi au Monde ont dû êtrerecueillis, au plus tard, la veille.Jeudi, les médias avaient annoncéune visite d’Emmanuel Macron aupont de Bezons (Hauts-de-Seine),là, où, voici soixante ans, des Algé-riens avaient été réprimés etnombre d’entre eux jetés dans leseaux glaciales de la Seine, selon lestémoignages d’acteurs. Comme l’avait fait son prédéces-seur François Hollande en 2011 àAsnières, Macron est allé participéà une cérémonie presque similaire à

Bezons. Le temps de déposer unegerbe de fleurs aux couleurs trico-

lores en hommage aux victimes dela répression, le chef de l’Elysée «a

reconnu les faits», indique un com-muniqué de la Présidence française: les crimes commis cette nuit-làsous l’autorité de Maurice Paponsont inexcusables pour la Répu-blique». Et l’Elysée de poursuivreen mettant des mots sur le déplace-ment de Macron dans, un lieu deslieux témoins de la nuit sanglante :«La répression fut brutale, violente,sanglante. Près de 12.000 algériensfurent arrêtés et transférés dans descentres de tri au stade Pierre-de-Coubertin, au Palais des sports etdans d’autres lieux. Outre de nom-breux blessés, plusieurs dizainesfurent tués, leurs corps jetés dans laSeine. De nombreuses familles n’ontjamais retrouvé la dépouille deleurs proches, disparus cette nuit-là. Le président de la Républiquerend hommage à la mémoire detoutes les victimes». «La Franceregarde toute son histoire avec luci-dité et reconnaît les responsabilitésclairement établies. Elle le doitd’abord et avant tout à elle-même, àtoutes celles et ceux que la guerred’Algérie et son cortège de crimescommis de tous côtés ont meurtrisdans leur chair et dans leur âme».

S. Raouf

MACRON ÉVOQUE DES «CRIMES INEXCUSABLES»

L’HISTORIEN MOHAMMED HARBI :«UN MASSACRE D’ETAT»

«Crimes inexcusables pour la République» aux yeux de Macron, les faits du 17 octobre 1961 sont un «massacre d’Etat»pour Mohammed Harbi.

DEUX années avant de tirer sa révérence et vingt-six ans après la «journée portée disparue», KatebYacine avait interpellé le peuple français et épingléson silence pesant sur la répression sanglante du 17octobre 1961. Avec des accents de «lettre ouverte», l’auteur de«Nedjma» qui a vécu, adolescent, la répression du8 mai 1945 a rédigé ces dix-huit vers intitulés«Dans la gueule du loup». En réunissant la matière pour les besoins de «LaGuerre d’Algérie vue par les Algériens», Renaudde Rochebrune et Benjamin Stora sont tombés surcette «qacida» sortie des tripes tel un cri révolté.Elle a été publiée en 1987 dans un ouvrage éditépar l’Amicale des Algériens en Europe. Choix pertinent, Stora et de Rochebrune ont jugéutile d’en faire un exergue pour le chapitre 4«Alger-Paris : les Algériens sont dans la rue».

Peuple français, tu as tout vuOui, tout vu de tes propres yeux.Tu as vu notre sang coulerTu as vu la policeAssommer les manifestantsEt les jeter dans la Seine.La Seine rougissanteN’a pas cessé les jours suivantsDe vomir à la faceDu peuple de la CommuneCes corps martyrisésQui rappelaient aux ParisiensLeurs propres révolutionsLeur propre résistance.Peuple français, tu as tout vuOui, tout vu de tes propres yeux.Et maintenant vas-tu parler ?Et maintenant vas-tu te taire ?

Le 17 octobre 1961 vu par Kateb Yacine

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LE GÉNÉRAL de Corps d’Armée, SaïdChanegriha, Chef d’Etat-major de l’Arméenationale populaire (ANP) a salué hiersamedi à Alger, la «participation distin-guée» des membres de la formation mili-taire des Forces Terrestres ayant participéà l’exercice tactique antiterroriste conjointen Russie, soulignant que cette participa-tion reflète «incontestablement» la réputa-tion dont jouit l’ANP au niveau internatio-nal, indique un communiqué du ministèrede la Défense nationale.Le Général de Corps d’Armée a présidésamedi au siège du Ministère de la Défen-se nationale, une cérémonie en l’honneurdes membres de la formation militaire desForces Terrestres ayant participé à l’exer-cice tactique antiterroriste conjoint exécutédu 30 septembre au 12 octobre 2021 enFédération de Russie, précise le communi-qué. La cérémonie s’est déroulée en présencedes Commandants de Forces, de la Gen-darmerie nationale et du Commandant dela 1ère Région militaire, ainsi que duContrôleur général de l’Armée, des Chefsde départements, des Directeurs et desChefs de services du ministère de laDéfense nationale et de l’Etat-major del’ANP.Lors de cette cérémonie, le Général deCorps d’Armée a tenu, dans son allocutionprononcée devant l’assistance, à présenterses félicitations pour les «efforts louablesqu’ils ont fournis avec détermination etloyauté, faisant honneur à eux-mêmeset à l’ANP et l’Algérie, ainsi que pour

l’honorable image qu’ils ont véhiculée parleur participation distinguée», souligne lamême source. «Il m’est très agréable devous rencontrer aujourd’hui, suite à votreretour de votre participation dans l’exécu-tion de l’exercice antiterroriste conjointavec l’Armée Russe, intitulé: +Exercicetactique de lutte antiterroriste des forcesterrestres pour l’année 2021+, qui s’estdéroulé au sud de la Fédération de Russie,du 30 septembre au 12 octobre 2021», aaffirmé le chef d’Etat-major de l’ANP.«Je vous présente, en cette heureuse occa-sion, mes vives félicitations, pour lesefforts incommensurables que vous avezfournis avec détermination et loyauté, fai-sant honneur à vous-même et honorantl’ANP et l’Algérie, en faisant preuve,durant votre participation à cet exercice,d’un haut niveau de disponibilité au com-bat et une grande capacité de maitrise del’emploi des différentes armes et tech-niques utilisées dans la lutte antiterroris-te», a-t-il ajouté.«La prestigieuse image que vous avezvéhiculée par cette participation distinguéereflète incontestablement la réputationdont jouit l’ANP au niveau international,notamment à travers son expérience leaderdans le domaine de la lutte antiterroriste,qui est devenue désormais une référencemondiale et un exemple à suivre», a relevéle Général de Corps d’Armée.Il a rappelé que «ces résultats satisfaisantsne sont pas fortuits, mais sont plutôt lefruit de grands sacrifices, consentis par nosvaillants hommes durant de longues

années de lutte. Des sacrifices qui ont per-mis à l’ANP et aux services de sécuritéd’acquérir une expérience exceptionnelleen matière de lutte antiterroriste antisub-versive».«A cet effet, je vous invite tous à serecueillir à la mémoire des Chouhada dudevoir national, qui se sont sacrifiés corpset âmes pour préserver le caractère répu-blicain de l’Etat et qui ont réussi, grâce àleur détermination et leur volonté à touteépreuve, à vaincre le terrorisme barbare età faire échouer ses projets obscurantistes.Comme il m’est opportun de vous inviter àméditer sur l’objectif de leurs sacrifices,afin de poursuivre les efforts laborieux,pour préserver ces acquis opérationnelsréalisés au prix fort», a ajouté le chefd’Etat-major de l’ANP.Il a fait savoir, également, que «la stabilitéet la sécurité dont jouit aujourd’hui notrepays, sont des acquis qui n’ont pas été réa-lisés sans peine, ils sont le fruit d’unevision globale du concept de sécurité,adoptée par le Haut Commandement del’ANP, conformément aux orientationsjudicieuses de Monsieur le Président de laRépublique, Chef Suprême des ForcesArmées, Ministre de la Défense nationale,et de tout ce que cette vision porte entermes de stratégie profonde et de clair-voyance, dont l’application persévérante etréussie a garanti au peuple algérien sontdroit à vivre en toute sécurité et stabilité, eta confirmé à tous, l’attachement del’ANP, digne héritière de l’Armée de Libé-ration Nationale, à assumer ses lourdes et

honorables responsabilités, conformémentaux missions institutionnelles qui lui sontassignées».De son côté, le Général-Major AmmarAthamnia, Commandant des Forces Ter-restres a souligné que «les objectifs tracéset escomptés de l’exécution de cet exerciceont été atteints grâce à la discipline, lesérieux et la rigueur qui ont caractérisé lacomposante de nos Forces Terrestres, rele-vant de l’Infanterie et des Troupes Spé-ciales, et grâce aussi à leur détermination àmettre en avant leurs capacités reflétantainsi la réputation méritée de la compéten-ce du combattant algérien, et à exécuter lesmissions assignées avec efficacité et pro-fessionnalisme».«Cette étape phare servira, sans nul doute,d’une motivation pour nos différentes for-mations au sein de l’ANP afin de consentirdavantage d’efforts laborieux et faire deleur mieux pour présenter honorablementnos Forces Armées et notre pays dans lesdiverses activités de la coopération militai-re», a-t-il ajouté.«Pour conclure, je tiens, Monsieur leGénéral de Corps d’Armée, à présenter lesplus sincères expressions de remercie-ments et d’estime pour avoir présidé cettecérémonie dont les valeurs symboliqueseffectives et morales sont manifestementimportantes pour les cadres et les person-nels de nos Forces Armées suite à leur par-ticipation positive à cet exercice tactiqueconjoint», a indiqué le Général-MajorAmmar Athamnia.

M. D.

SAÏD CHANEGRIHA :

«L’ANP est devenue une référence mondiale»

«Au nom de Dieu Clément etMiséricordieux , Prière et paixsur Son messager,

Chères concitoyennes, chersconcitoyens,Nous commémorerons, demain,l’anniversaire des manifestationsdu 17 octobre 1961, qui nous rap-pelle les exactions coloniales cri-minelles commises, en ce sinistrejour, contre les enfants du peuplealgérien. Des exactions qui révè-lent l’horreur des massacresabjects et des crimes contre l’hu-manité qui resteront gravés dansla mémoire collective.Les martyrs de ces abominablesmassacres ont rejoint, avec bra-voure et honneur, leurs frères quise sont sacrifiés à travers lesrésistances populaires et durant laglorieuse Guerre de libérationnationale. Leurs sacrificesdemeureront une référence étin-celante témoignant de l’attache-ment des enfants de la commu-nauté à la patrie et d’une des épo-pées de la lutte du peuple algé-rien au fil des époques pourdéfendre notre terre bénie etl’identité de la nation et consa-crer son unité. Alors que nous commémoronscette étape phare de l’histoire denotre glorieuse Révolution, nousnous recueillons avec déférence à

la mémoire de nos vaillants chou-hada qui ont écrit avec courage etbravoure, il y a soixante ans, unepage mémorable dans la défensede l’honneur de la nation, tradui-sant l’attachement à la liberté et àla dignité. Et nous nousrecueillons avec autant de défé-rence à la mémoire de tous leschouhada de notre patrie tout aulong des étapes de la résistance etde la lutte.A la mémoire de leurs âmesbénies, je réaffirme notre souciferme de traiter les dossiers del’Histoire et de la Mémoire, sanscomplaisances, ni compromis-sions et avec le sens aigu des res-ponsabilités que requiert le traite-ment impartial et intègre, loin desengouements et de la prédomi-nance de la pensée colonialistearrogante sur des lobbies inca-pables de s’affranchir eux-mêmes de leur extrémisme

chronique. Qu’il soit clair pourtous que le vaillant peuple algé-rien, fier des racines séculaires desa Nation, avance dignement àpas sûrs, déterminé et uni plusque jamais, sur la voie de l’édifi-cation d’une l’Algérie souverai-ne... Une Algérie démocratique,immunisée, forte de ses institu-tions et déterminée à honorer sesengagements et à jouer pleine-ment son rôle au service de la sta-bilité et de la sécurité dans larégion tout en contribuant aunoble effort de coexistence et decoopération, aux niveaux régio-nal et international.

Chères concitoyennes, chersconcitoyens,Il me plait, à cette occasion, dedire toute l’importance que nousaccordons à notre communauté àl’étranger, partie intégrante denotre tissu national. J’appelle à

établir des passerelles de commu-nication afin de lui permettred’adhérer aux efforts consentispour la réalisation des engage-ments que nous avons tenusdevant notre peuple...Dans ce contexte, je m’intéressede très près à la prise en chargeoptimale des préoccupations denotre communauté et à la protec-tion de ses intérêts. Nos centresdiplomatiques et consulaires sontappelés à développer leursméthodes de travail, en termesd’interaction avec les membresde la communauté, par desméthodes modernes de gestionconsulaire, aux fins d’atténuer lessouffrances de nos concitoyensétablis à l’étranger.Je saisis cette occasion poursaluer, hautement, leurs positionsnationalistes honorables affi-chées à maintes reprises, à tra-vers des sursauts de solidaritéexemplaires en tempsd’épreuves. C’est normal, lors-qu’on sait que le sang de nosvaleureux Chouhada et moudja-hidine coule dans leurs veines.Je voudrais, également, inviterles Algériennes et Algériens àadhérer au processus d’édifica-tion d’une ère prometteuse, oùn’auront point de place les défai-tistes, les ennemis du mériteet de la compétence et tous ceux

habitués à rebuter les détermina-tions et freiner lesinitiatives...ceux-là qui se plai-sent à perpétuer les pratiques etconspirations de la Issaba pourentraver la relance de l’économienationale et contester la volontédes nationalistes fidèles qui veu-lent libérer la société de leurpillage des richesses du pays parl’escroquerie, le vol et le gas-pillage...Ceux-là même que j’aitoujours avertis de sévir d’unemain de fer par la force de laloi...quels châtiments auront-ils...L’Algérie, déterminée et résolueà couper les tentacules de cetteIssaba pernicieuse et à en démas-quer les plans malveillants deblocage et de défaitisme,accueillera à bras grands ouvertstous ses enfants de la communau-té nationale établis à l’étranger.Elle en valorisera les capacités etles compétences et les invitera àapporter leur contribution au pro-jet de relance économique de laNation, en ouvrant toutes lesperspectives au génie des généra-tions montantes tant à l’intérieurqu’à l’extérieur, et ce pour par-achever la marche initiée par lesvaillants Chouhada, par fidélité àleur serment.

Vive l’Algérie libreet souveraine.

Gloire à nos martyrs.

JOURNÉE NATIONALE DE L’IMMIGRATION

Message du président de la RépubliqueAbdelmadjid Tebboune

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a adressé samedi un message à l’occasion de la Journée nationalede l’immigration marquant le 60e anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961. Voici le texte intégral.

CONTRIBUTION

LE JEUNE INDÉPENDANT # 7119 DU DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021

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Par Kamel Meziti*

C ontrairement aux deuxgrandes fêtes cano-niques que sont lesdeux Aïd, le Mawlid

est sujet depuis des siècles àcontroverse quant à sa «validité»théologique : certains docteurs dela loi rigoristes l’a considérantcomme une innovation blâmable,quand d’autres voient dans cettecélébration une innovationlouable et une opportunité pourméditer sur la vie du Prophète etredoubler d’actes charitables surles pas de l’«exemple vertueux»incarné par Muhammad. L’évo-cation la plus ancienne du Maw-lid, sans pour autant parler decélébration, nous renvoie au lieubéni (la Maison du Prophète) quiouvre ses portes au public chaquelundi du mois de Rabi al-awwal. Selon les historiens du VIIesiècle, le jour du Mawlid ennaba-wi, traditionnellement les fidèlesne s’adonnent à aucune activitécommerciale et s’empressent devisiter le lieu de naissance duProphète. Ce jour-là, la Kâ’ba estouverte au public et visitée. Ceséléments sont confirmés dès leVIIIe siècle par Ibn Battûta,lequel mentionne la distribution,en ce jour, de nourriture sousforme d’offrande (sadaqat) auxdescendants du Prophète ainsiqu’à tous les habitants de LaMecque. A l’instar de Noël, célé-brant l’anniversaire de la Nativi-té, le Mawlid ennabawi n’ajamais été célébré de son époque,ni par ses compagnons, ni par lesmusulmans sunnites des premierssiècles. Du fait qu’elle n’a pas étéréglée par la Tradition, cette fêterevêt plutôt le caractère d’unesolennité civile avec un ancragepopulaire fort.

UN ANCRAGE HISTORIQUE,MAIS AUSSI POLITIQUE

Il est établi, en effet, selon lessources historiographiques isla-miques, que le Mawlid est célé-bré bien plus tard au début duVIIe siècle de l’Hégire (XIIIesiècle après J.-C.) par le prince de‘Irbil, surnommé Al-Moudhaffar. C’est sous le règne de ce vassalde Saladin que le Mawlid prendvéritablement ses traits sunnites.Il est à la fois une cérémonie offi-cielle et une fête populaire quiattire les visiteurs de Mossoul, deNisâbîn et de Bagdad, car le prin-ce l’organise avec l’appui descercles mystiques locaux. Cesont ces derniers qui l’ouvrent,probablement sous influencechrétienne, avec une processionde cierges. Elle se prolonge, tarddans la nuit, par un concert spiri-tuel. La fête est aussi l’occasion deraffermir l’autorité du prince quidistribue des cadeaux aux digni-taires religieux et aux descen-dants du Prophète (shurafâ’).Cependant, des traces antérieuresde cette célébration existent dansla tradition chiite, notammentsous la dynastie des Fatimides.C’est en effet dans l’Égypte fati-mide du XIe siècle que naît la tra-dition de commémorer la nais-sance du Prophète.Il s’agit d’une fête palatine desti-née exclusivement à l’élite reli-gieuse et politico-militaire. Elleprésente d’emblée des spécifici-tés qui la distinguent du futurMawlid sunnite introduit sous ladynastie ayyûbide fondée plustard par Saladin en 1171. Chez les Fatimides, le Mawlidprophétique n’est qu’un parmiles six autres fêtés et qui formentle système de la vénération de la

Maison du Prophète (Ahl al-Bayt) : le Prophète, son cousin etgendre ‘Alî, sa fille Fâtima, sesdeux petits-fils Hassan et Hus-sein, ainsi que le souverain enexercice (qui descend lui aussi de‘Alî, ascendance dont il tire salégitimité) ; les sunnites ayyu-bides ne conservent que l’anni-versaire du Prophète Muham-mad. C’est aussi sous la dynastie ayyu-bide que le Mawlid ennabawi esttransformé en festival populairenocturne, contrairement aux us etcoutumes chiites (célébration dejour destinée à l’élite).La coutume royale de distribuerdes cadeaux aux oulémas(savants en religion) ainsi qu’auxdescendants de la Maison du Pro-phète est pérennisée. Cet usagené en Égypte s’étend alors pro-gressivement à l’ensemble del’empire ayyûbide (à Mossoul, àAlep et à Irbil, entre 1150 et1200), avant d’atteindre l’Occi-dent musulman (Maghreb etEspagne) puis le sous-continentindien. C’est notamment dans l’Occidentmusulman post-almohade (finXIIIe siècle) que le Mawlid est leplus investi par les pouvoirs enplace. Multipliant les arrangementsgénéalogiques pour se rattacheraux Ahl al-Bayt (famille du Pro-phète), les dynasties ‘azafides(Ceuta), mérinides (Fès), nas-rides (Grenade), ziyyânides(Tlemcen) et hafsides (Tunis)installent un véritable culte poli-tique au Prophète, érigé en ins-tance garante de leur légitimité.Cette célébration revientquelques siècles plus tard enforce sous l’Empire ottoman oùen 1910, le Mawlid obtient le sta-tut officiel de fête nationale.

UN ANCRAGE POPULAIREET SOCIOCULTUREL

Les péripéties historiques decette célébration n’enlèvent rienà son ancrage populaire et socio-culturel dans l’ensemble de l’èremusulmane. Sans être à propre-ment dire une fête religieuse, leMawlid ennabawi est surtout unmoment intense de partage et deconvivialité durant lequel lesmusulmans rendent hommage àleur Prophète. Le Mawlid n’estpas reconnu par de nombreuxmusulmans comme faisant partieintégrante de la religion, maisplutôt comme étant une traditionpopulaire de la vie musulmane.Pour autant, les fidèles procèdentdepuis des siècles à la commé-moration de la naissance du Mes-sager de l’islam, dans presquetous les pays du monde. L’événe-ment, pour eux, est de taille, c’estl’occasion précieuse, naturelle-ment, d’évoquer la vie et le com-portement de celui qu’ils consi-dèrent comme «le modèle devertu par excellence». Dans la plupart des États musul-mans, le jour du Mawlid estaujourd’hui férié. Les médias luiconsacrent une large couverture(chants sacrés, exégèse cora-nique…) ; c’est aussi souventl’occasion pour les téléspecta-teurs, notamment en Algérie, derevoir Le Message (A-’Rissâla),film culte que tous les musul-mans connaissent bien. La veillede cet événement sont tradition-nellement organisés des concoursde psalmodie du Coran (tajwîd)et l’imam saisit aussi cette occa-sion pour rappeler la Sira (bio-graphie) prophétique. Les mos-quées sont pleines et les parentsen profitent parfois pour circon-cire leurs garçons.

La diffusion au cours des sièclesde la célébration du Mawlidsemble en corrélation étroiteavec le rayonnement du soufis-me, pour lequel la référence mys-tique au Prophète Muhammadconstitue un élément central.C’est par le biais des confréries(turuq, sg. tarîqat) que la diffu-sion du Mawlid et son intégrationdans les pratiques cultuellespopulaires s’opèrent avec succès. Il est à préciser que l’évocation,l’exaltation et l’amour du Pro-phète sont autant de thèmes aucœur même de cette célébration.C’est la fonction par essence denombreux panégyriques dédiés àla naissance du ProphèteMuhammad, sa vie, ses mérites,ses miracles, ses vertus. La litté-rature islamique au sujet de celuiqui a été «envoyé comme miséri-corde pour l’Univers», selon lestermes mêmes du Coran, estriche à cet égard. Al-Burda (LeManteau), poème édifiant com-posé par le grand poète al-Busîrî,au XIIIe siècle, est l’une desœuvres majeures fréquemmentchantée encore de nos jours lorsdu Mawlid. D’une manière générale, nom-breux sont les musulmans quiprofitent de cette occasion pourrenouveler leur pacte, leur amouret leur vision à l’égard du Pro-phète Muhammad et de sa Sunna.Ils n’oublient pas que l’amour deDieu et de son Prophète sont inti-mement liés. Et que la meilleuremanière d’obtenir l’agrément deDieu passe par le cheminementsur la voie tracée par Son dernierMessager.

* Historien et auteur de notam-ment Les Fêtes de Dieu, Yahweh,Allah (collectif, Bayard) et Mis-sion Djihad (Les Points sur les I)

LE MAWLID ENNABAWI, CÉLÉBRATIONSOCIALE ANCRÉE DANS LA UMMA

Le Mawlid ennabawi, fête musulmane non canonique, commémore la naissance du Prophète Muhammad. Elle se célèbre le douzièmejour de Rabi al-awwal (littéralement, en arabe, «le premier printemps»), troisième mois du calendrier musulman, correspondant

cette année au 19 octobre. Dénommée aussi «Aid al Mouled» au Maghreb et en Afrique, «Mawlid an Nabi», «Milad an-Nabi» en Égypte,«Mevlid Kandili» en Turquie ou encore «Gamou» au Sénégal, cette fête est célébrée dans toutes les communautés musulmanes

du monde, aussi bien sunnites que chiites.

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Alger 24° 18°Oran 24° 7°Constantine 27° 15°Ouargla 27° 13°

Maximales MinimalesN° 7119 — DIMANCHE 17 OCTOBRE 2021

HORAIRES DESPRIÈRES

A N N A B AFadjr Dohr Açr Maghrib I c h a

05:05 12:14 15:23 17:50 19:13

O U A R G L AFadjr Dohr Açr Maghrib I c h a

05:15 12:24 15:37 18:04 19:23

C H L E FFadjr Dohr Açr Maghrib I c h a

05:30 12:40 15:49 18:16 19:39

M O S T A G A N E MFadjr Dohr Açr Maghrib I c h a

05:35 12:45 15:54 18:21 19:44

O R A NFadjr Dohr Açr Maghrib I c h a

05:38 12:48 15:58 18:24 19:47

C O N S T A N T I N EFadjr Dohr Açr Maghrib Icha

05:09 12:19 15:28 17:55 19:18

A L G E RFadjr Dohr Açr Maghrib Icha

05:24 12:33 15:42 18:09 19:32

SUPERCOUPED’ALGÉRIEDE HANDBALL une premièrepour la JS SaouraLA JS SAOURA a décroché untrophée historique en remportant laSupercoupe d’Algérie de handball(messieurs) face à la JSE Skikdasur le score de 23-22 (mi-temps :12-11) vendredi au Palais dessports d’Oran.Cette victoire a été le fruit de ladétermination des «Canaris» duSud, qui vient consacrer quatresaisons seulement de présenceparmi l’élite, a déclaré à l’APS,l’entraineur de la JSS, LyesBestandji. «Nous avons jouécontre le tenant du titre, en d’autreterme, c’est la JSE Skikda qui étaitle favori pour décrocher le trophée.Cela nous a, en quelque sorte, aidé,dans la mesure où on a joué avecmoins de pression», a commentéd’emblée le driver de la JSS.Et comme tout le monde dans leclub était persuadé que l’occasionest propice pour écrire en lettresd’or l’histoire de ce club dans lejeu à sept algérien en disputant unepremière finale dans son palmarès,les protégés de Bestandji ontabordé la partie avec une meilleuredétermination, comme l’attestel’avance, maigre soit-elle, qu’ilsont pris à l’issue de la premièremi-temps.Cette victoire, qui s’est dessinéedans les dernières secondes de larencontre, devrait constituer unemotivation supplémentaire pour lesgars de Béchar avant leurparticipation, dans une dizaine dejours, à la coupe arabe des clubsprévue à Hammamet (Tunisie).Mais leur coach se veut réaliste :«Ce sera une première expériencepour notre équipe sur la scèneinternationale. La mission ne serapas du tout facile, car nous allonsaffronter des gros bras du handballarabe, tels que les Qataris d’AlWakra, ou les Tunisiens del’Espérance de Tunis. Ajouter àcela, nous n’avons que troissemaines de préparation, ce quicompliquera davantage nosaffaires. Cela dit, nous allons nousdonner à fond pour bienreprésenter le handball algérien»,s’est-il engagé.Pour sa part, l’entraineur dufinaliste malheureux, enl’occurrence, Farouk Dehili, s’estdit «fier» de ses protégés malgré ladéfaite. «La JSE Skikda est le seulclub de l’élite peut être qui possèdeun effectif composéessentiellement des joueurs du cru.Pour ce match, nous avons lancédans le bain plusieurs jeunes aprèsle départ de nos meilleurs joueursdont des internationaux. Malgrécela, nous aurions pu gagner,surtout que la partie s’est jouée surdes détails», a-t-il regretté.Les poulains de Dehili aurontl’occasion de se racheter dansquelques jours, puisqu’ils sontconcernés eux aussi par la coupearabe des clubs. Un challenge quis’annonce néanmoins, aux yeux dece technicien, «très difficile».

R. S.

LE SECTEUR du bâtiment et des travauxpublics est identifié comme secteur expor-table. Avec un savoir-faire acquis dans la réa-lisation de vastes programmes de construc-tion, les entreprises algériennes du secteur duBTPH peuvent bien partir à la conquête desmarchés extérieurs. Une stratégie nationalede promotion des exportations de servicesdevrait cependant être mise en place. Dans une analyse publiée dans le derniernuméro de la revue d’information éditée parla Caisse nationale du logement, le conseillerdu directeur général de la caisse, SaâdaneKadri, estime que le savoir-faire capitalisépar les entreprises algériennes en matière deconception et de réalisation d’ouvrages estcertainement exportable. Il a cependant souligné la nécessité de mettreen place les conditions nécessaires pour l’ac-compagnement et l’encouragement desexportateurs de services du BTPH. «Lesentreprises algériennes du secteur du BTPHdisposent, sans nul doute, d’une large expé-rience acquise à travers la réalisation desvastes programmes de construction lancéspar les pouvoirs publics depuis plusieursdécennies», a affirmé cet expert, lequel a noté

les conditions à réunir pour aller sur des mar-chés extérieurs. L’entreprise doit d’abord réa-liser un diagnostic de l’entreprise «pour éva-luer ses forces et ses faiblesses et mesurer sonaptitude à aller sur des marchés extérieurs».Si le diagnostic «ne révèle pas de faiblessesmajeures», une stratégie d’exportation est àélaborer par l’entreprise, a-t-il souligné. Une stratégie qui devra tenir compte, a-t-ilprécisé, de plusieurs aspects et intégrer plu-sieurs paramètres tels que l’étude des mar-chés des pays ciblés, l’évaluation des risquesdu marché ciblé, l’étude de la concurrence, lamaîtrise des réglementations relatives auxpassations de marchés en Algérie et dans lespays ciblés ainsi que la maîtrise des régle-mentations bancaires dans les pays ciblés etune bonne connaissance des moyens de paie-ment internationaux. Le rôle des pouvoirs publics a également étésouligné par M. Kadri, et ce à travers la miseen place d’un dispositif spécifique d’encou-ragement, de promotion et de soutien, y com-pris financier, des exportateurs de services.Il est aussi question de créer un environne-ment favorable au développement de cesexportations, notamment le plan du cadre

réglementaire, des incitatifs financiers et fis-caux, de la facilitation des formalités et pro-cédures, ainsi que de l’accompagnement desexportateurs. C’est dans ce sens que l’expert suggère d’en-gager un débat sur cette thématique de l’ex-portation des services du BTPH et des ser-vices connexes. Le conseiller du DG de la CNL a, parailleurs, affirmé que les exportations des ser-vices BTPH ont augmenté de 83% en 2020.Elles avaient alors atteint 310 millions dedollars. Il a cependant noté que l’intervention d’en-treprises de travaux algériennes sur des mar-chés extérieurs peut paraître difficile, et cecompte tenu de la réglementation actuellerégissant, notamment, les mouvements trans-frontaliers des équipements et engins de tra-vaux, l’installation temporaire d’une structu-re de l’entreprise détentrice d’un marché detravaux à l’étranger ainsi que les dispositifsde contrôle des changes qui ne tiennent pastoujours compte des spécificités de la réalisa-tion de marchés de travaux à l’étranger.

Lilia Aït Akli

leS entreprISeS du btpH ont acquIS une expérIence

Un savoir-faire exportable,selon les experts

P our de nombreux obser-vateurs, l’adhésion d’unrégime d’apartheid et

annexionniste de Tel Aviv àl’UA, même à titre d’observa-teur, est incompatible avec lesprofondes convictions despeuples africains, qui sont enco-re des millions à avoir subi lesaffres du colonialisme, de larépression sauvage, du déni desdroits les plus élémentaires del’être humain et du racisme leplus abject. Exactement commeles subit encore, en ces tempsmodernes, le peuple palestinien,atteint dans sa chair et dans sesterres.L’octroi de ce statut de membreobservateur serait un acte contra-dictoire avec l’esprit même desprincipes de l’UA, des luttes deces peuples pour leur émancipa-tion et leur liberté. Le ministre algérien des Affairesétrangères, Ramtane Lamamra,ne s’est pas trompé quand il asoulevé, il y a déjà des mois, cetétat de fait, montrant l’inanité decette décision inique prise par leprésident de la Commission del’UA, Moussa Faki, sans concer-tation ni débats. Aujourd’hui,cette question sera finalementsoumise au prochain sommet des

présidents et chefs d’Etats afri-cains, prévu en février 2022 dansla capitale éthiopienne, Addis-Abeba.«Le débat qui a duré plusieursheures entre les ministres afri-cains des Affaires étrangères surla question controversée de l’oc-troi, par Moussa Faki, du statutd’observateur à l’entité sioniste amis en exergue la profonde divi-sion entre les Etats membres del’UA», a révélé Lamamra à l’is-sue du débat sur ladite question.Le chef de la diplomatie algé-rienne a souligné que plusieurspays qui se sont opposés àcette décision du président de la

commission, aussi bien regret-table que dangereuse, y comprisl’Algérie, ont défendu l’intérêtsuprême de l’UA, qui résidedans l’union et l’unité de sespeuples.Il a expliqué qu’il était «regret-table que la proposition du Nige-ria, élaborée avec l’Algérie, ten-dant à restaurer immédiatementle statu quo, n’ait pas été accep-tée par une minorité activistereprésentée par le Maroc etquelques-uns de ses prochesalliés, dont la République démo-cratique du Congo (RDC), qui aassuré une présidence particuliè-rement partiale de la séance».

«Les ministres du courant majo-ritaire, qui ont conscience que lacrise institutionnelle engendréepar la décision irresponsable deMoussa Faki tend à rendre irré-versible la division du Continent,ont accepté de soumettre la ques-tion au sommet des chefs d’Etatde l’Union africaine, prévu aumois de février prochain», a-t-ilajouté.«Les plaidoiries de l’Afrique deSud et de la République arabesahraouie démocratique (RASD)en faveur de la juste cause dupeuple palestinien ont misopportunément en perspectivel’atteinte grave portée par ladécision de Moussa Faki aupatrimoine historique de lutte del’Afrique contre le colonialismeet l’apartheid», relève le chef dela diplomatie algérienne.Il faudra donc attendre févrierprochain pour que cette«bombe» sioniste ne soit désa-morcée car porteuse non seule-ment de déflagration aucœur d’une institution continen-tale, traditionnellement soudée etsolidaire sur des questions inter-nationales majeures, mais aussid’un risque de fracture qui fragi-liserait davantage encore l’UA.

Mohamed Kouini

Statut d’obServateur d’ISraël à l’ua

LE DOSSIER SOUMISAU PROCHAIN SOMMET

L’entité sioniste s’invite dans les débats africains. La question de l’octroi du statut d’observateur à Israëlau sein de l’Union africaine continue de susciter des controverses et provoque des divisions importantes

au sein de cette organisation panafricaine. La raison de cette situation de blocage est due à la fortepression du Maroc et de quelques pays alliés à l’entité sioniste, comme la République démocratique

du Congo, lesquels veulent à tout prix défendre l’indéfendable.