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Ce second volet consacré aux conférences dans l’art comme acte artistique s’attachera plus spécialement aux moyens et aux sujets de la transmission, quel- les que soient les pratiques : arts plastiques, performance, workshop, théâtre, cinéma. L’accent sera mis sur la parole et le geste ou l’image qui l’accompagnent. Nous examinerons des situations où la parole et l’action prennent forme au sein de concepts, de projets et de dispositifs artistiques. Dans ces prati- ques, il revient à l’artiste de mettre en œuvre des principes pédagogiques et de rejouer l’expérimentation autrement. C’est, animées de forces contrai- res, que les dynamiques de la transmission et ses conditions jouent à tra- vers la détermination de la parole. Ici se dessine un jeu de positions sym- boliques et physiques où le maître – l’artiste ici – repense sa maîtrise et son autorité tandis que l’élève – comme spectateur – perçoit les siennes. Nous reviendrons par ailleurs sur les enseignements dans le domaine artistique pour comprendre que ceux-ci ont souvent été « personnalisés » au cours du XX e siècle. En effet, loin de supprimer la « parole » du maître, les grandes écoles d’art, telles le Bauhaus, le Black Mountain College en affirment même la prégnance et la reconduction à travers de nombreuses expériences et les écrits associés. Si, nous le verrons, la conférence-performance est bien une action dans laquelle la présence et le corps de l’artiste sont centraux, le langage et plus particulièrement l’énonciation est capitale – il s’agit bien ici d’allier gestes, images à cette parole en se réappropriant les formes discursives : lectures, visites guidées, allocutions inaugurales, digressions poétiques dans lesquel- les la parole et la figure de l’expert sont personnifiées par l’artiste même. La conférence performative évoque un monument à la mémoire d’un genre délaissé (discours d’éloquence, discours historiques, leçons, morales, etc.). Elle creuse un écart entre parole et image, texte et représentation, bref constitue un autre rapport à l’art et un ensemble de dérives qui soutien- nent toujours une réflexion sur le langage, ses codes, ses signes, ses sens. Si le langage est utilisé pour transmettre du savoir et est un « outil expressif des idées », nous chercherons à comprendre le choix des mots et les contextes de leur utilisation pour exprimer ce savoir. Quels gestes interviennent pour accompagner et se lier aux paroles ? Quelles images leur sont associées également ? Enfin, qu’est-ce qui se transmet vraiment alors ?

Page d'accueil - Musée de la Chasse et de la Nature - Ce second … · 2019-11-27 · Université Paris 8 Art et transmission : de la parole à l’acte, de l’anonyme à l’individu,

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Page 1: Page d'accueil - Musée de la Chasse et de la Nature - Ce second … · 2019-11-27 · Université Paris 8 Art et transmission : de la parole à l’acte, de l’anonyme à l’individu,

Ce second volet consacré aux conférences dans l’art comme acte artistique s’attachera plus spécialement aux moyens et aux sujets de la transmission, quel-les que soient les pratiques : arts plastiques, performance, workshop, théâtre, cinéma. L’accent sera mis sur la parole et le geste ou l’image qui l’accompagnent.

Nous examinerons des situations où la parole et l’action prennent forme au sein de concepts, de projets et de dispositifs artistiques. Dans ces prati-ques, il revient à l’artiste de mettre en œuvre des principes pédagogiques et de rejouer l’expérimentation autrement. C’est, animées de forces contrai-res, que les dynamiques de la transmission et ses conditions jouent à tra-vers la détermination de la parole. Ici se dessine un jeu de positions sym-boliques et physiques où le maître – l’artiste ici – repense sa maîtrise et son autorité tandis que l’élève – comme spectateur – perçoit les siennes. Nous reviendrons par ailleurs sur les enseignements dans le domaine artistique pour comprendre que ceux-ci ont souvent été « personnalisés » au cours du XXe siècle. En effet, loin de supprimer la « parole » du maître, les grandes écoles d’art, telles le Bauhaus, le Black Mountain College en affirment même la prégnance et la reconduction à travers de nombreuses expériences et les écrits associés.

Si, nous le verrons, la conférence-performance est bien une action dans laquelle la présence et le corps de l’artiste sont centraux, le langage et plus particulièrement l’énonciation est capitale – il s’agit bien ici d’allier gestes, images à cette parole en se réappropriant les formes discursives : lectures, visites guidées, allocutions inaugurales, digressions poétiques dans lesquel-les la parole et la figure de l’expert sont personnifiées par l’artiste même. La conférence performative évoque un monument à la mémoire d’un genre délaissé (discours d’éloquence, discours historiques, leçons, morales, etc.). Elle creuse un écart entre parole et image, texte et représentation, bref constitue un autre rapport à l’art et un ensemble de dérives qui soutien-nent toujours une réflexion sur le langage, ses codes, ses signes, ses sens. Si le langage est utilisé pour transmettre du savoir et est un « outil expressif des idées », nous chercherons à comprendre le choix des mots et les contextes de leur utilisation pour exprimer ce savoir. Quels gestes interviennent pour accompagner et se lier aux paroles ? Quelles images leur sont associées également ? Enfin, qu’est-ce qui se transmet vraiment alors ?

Page 2: Page d'accueil - Musée de la Chasse et de la Nature - Ce second … · 2019-11-27 · Université Paris 8 Art et transmission : de la parole à l’acte, de l’anonyme à l’individu,

9h30 - Ouverture et introduction Christophe Viart et Sandrine Morsillo, Université Paris 1

Modérateur : Benjamin Sabatier, Université Paris 1

10h00 -Anne Creissels,Université Lille 3

Conférence-performance : La délivrance des Sibylles

Comment le savoir se transmet-il ? Sait-on ce que l’on transmet (concept, affect, idéologie…) ? Quel savoir ? Les liens entre des champs a priori distincts se tissent, obligeant à revoir certaines catégories, comme art et connaissance. Spectatrices, spectateurs d’une conférence-performan-ce, sommes-nous face à une mise en scène artistique ou impliqué·e·s dans un rituel social de transmission ? Ces questions en soulèvent d’autres : Qu’est-ce que le savoir fait au corps ? Qu’est-ce que le corps fait au savoir ? Le savoir a-t-il un corps ?

10h25 -Dirk Dehouck,ARBA ESA, Bruxelles

Comment dire ? Ou : d’un enseigne-ment qui ne serait pas du semblant

Les linguistes nous apprirent à distin-guer la parole du langage et de la langue. Jouant de ce mot, lalangue, Lacan montra qu’elle mettait en jeu l’inconscient et le rapport de l’être parlant à son existence. Partant de la distinction entre le « dire » et le « dit » comme principe de division du champ pédagogique et de la transmission de l’art en un versant épistémologique et un versant éthique, nous interrogerons les enjeux d’une parole à l’œuvre lorsque vient s’y loger le souci de la transmission – de l’art – et de la création.

10h50 - Pause______________

11h10 -Maria Stavrinaki, Université Paris 1

Être maître : approches pédagogi-ques au Bauhaus

Il s’agira d’étudier les continuités et les tensions entre les modèles d’un enseigne-ment « total » au sein du Bauhaus dans les différents moments de son histoire : le modèle d’un mimétisme circulaire, fondé sur le charisme et l’empathie, cultivé par Johannes Itten ; le modèle prothétique d’un Moholy-Nagy ; enfin, le modèle d’une formation libre adopté par Paul Klee. À travers ces modèles d’enseignement, il sera question de procédés formels, de structures politiques et de conceptions de l’histoire.

11h35 -Manon Côté, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Artiste enseignant ou enseignant artiste ?

Les concepts « enseignant-artiste » ou « artiste-enseignant » occupent une place centrale dans notre recherche. Cette dou-ble identité peut causer une tension dans la définition de l’identité professionnelle. Pour un enseignant-artiste, il importe plutôt de poursuivre une pratique artisti-que en y intégrant des étudiants, alors que pour l’artiste, il conceptualise son œuvre en étant le seul impliqué. Ainsi, nous en-tendons étudier comment l’artiste noue un lien avec son œuvre et la réception du public, par opposition à l’enseignant-ar-tiste, qui crée d’abord le lien avec ses étu-diants, ensuite avec l’œuvre et finalement le public.

12h00 -Florence Jou, Université Paris 1, poète

Conférence-performance : La maté-rialisation d’une conversation

Dans le cadre de ce colloque, Florence Jou propose d’enquêter sur sa propre recher-che, qu’elle conduit actuellement au sein d’une thèse en arts plastiques qui articule théorie et pratique. Sur scène, elle va ex-poser un des modes de transmission du processus artistique : la matérialisation d’une conversation.

12h30 - Questions

12h45 - Pause déjeuner

______________

Modératrice : Marie-Noëlle Semet, Université Paris 1

14h00 - Jean-Philippe Convert, artiste, Bruxelles

Conférence-performance : Comment transmettre les étincelles ?

De nos jours, parfois, on ne voit plus le jour. On marche sur des écrans, et les autoroutes numériques tentent de faire disparaître les chemins de traverse par des flux d’images. De ces flux naît un océan. On va essayer de se poser sur une rive de cet océan et de l’observer comme un grand miroir brisé dont le plus infime éclat reflète l’image d’une surface indivise. Ces éclats sont des étincelles narratives, des sortes d’espace moderne.

14h30 -Michelle Debat, Université Paris 8

Art et transmission : de la parole à l’acte, de l’anonyme à l’individu, à propos des Situations de Tino Sehgal

Transmettre : cela suppose d’être à la fois ensemble et séparé, ensemble dans un es-pace, séparé dans le temps – ce qui répond à la place d’une œuvre et de son specta-teur. Transmettre : cela suppose du savoir et du désir – ce qui s’approche de l’identité de l’artiste. Transmettre : cela suppose un faire s’actualisant dans l’expérience (ce que l’on peut nommer performance) – ce qui correspond à certaines propositions artistiques. Transmettre : cela suppose enfin l’un et l’autre en latence de proximi-té, en mise en condition de réception, en préparation à l’échange immédiat ou loin-tain, ce qui préside aux potentiels d’une œuvre d’art. Alors transmettre, en faisant de la parole de l’un, un acte de « prise de corps » pour l’autre, c’est penser l’art com-me embrayeur de nouvelles matérialités, autant sociales que politiques. C’est dé-hiérarchiser, pour un temps aussi minime soit-il, la relation artiste/spectateur, c’est redonner à l’anonyme sa place d’individu dans le champ même de l’art.

14h55 -José Moure, Université Paris 1

Quand les films de fiction donnent une leçon de cinéma

Nombreux sont les films de fiction sur et autour du cinéma. Parmi ces œuvres, cer-taines ne se contentent pas de citer le ciné-ma ou de reconstituer des tournages réels ou fictifs, elles proposent au spectateur une leçon de cinéma, lui transmettant, par la voix, le geste et l’image, une idée en acte du cinéma, celle que défendent leurs metteurs en scène. À partir des exemples de La Nuit américaine (1973) de François

Truffaut, du Dernier Nabab (1976) d’Elia Kazan et d’Au travers des oliviers (1994) d’Abbas Kiarostami, il s’agira d’analyser les processus fictionnels et performatifs à travers lesquels le film de fiction peut devenir le lieu d’une pédagogie appliquée du geste cinématographique. 15h20 - Pause

______________

15h40 -Knut Ebeling, Kunsthochschule, Berlin

La loge de Lacan. Pourquoi les enseignements ont-ils besoin des images ?

Une grande partie des enseignements sont aujourd’hui enregistrés en vidéo et accessibles en ligne et inversement des conférences-vidéos sont utilisées dans l’enseignement académique. Pourquoi a-t-on besoin de l’image pour enseigner ce qui est dit ? Pourquoi cette importance de l’image enseignante ? Que désire-t-on voir et percevoir dans ces images de cours et d’enseignant ? Ces questions seront mises en cause par un pionnier de l’en-registrement des séances académiques intitulées Télévision de Jacques Lacan en 1973.

16h05 -De l’absence de Robert Cantarella, comédien-metteur en scène, à sa représentation par la voix rapportée avec Stéphanie Kamidian, Université Paris 1

Transmission et présence de la voix (à partir de la conférence Faire le Gilles)

« La voix est un organe de sens. C’est d’abord par la sensation de la voix que j’ai eu l’idée de répéter les cours de Deleuze. De la voix intime de l’acteur à la parole, il

faut se laisser porter par cette voix. Faire qu’entre la voix intérieure et la parole, la pensée surgisse comme un combustible. Avec Deleuze, on a la sensation que “ça” se pense en même temps que “ça” se dit ; c’est ce que je tente de transmettre en co-piant ces cours. »

16h30 -Frédérique Lecerf, Jean-Marc Leveratto et Olivier Goetz, artistes

Conférence-performance : L’éloge de l’âne ou l’âne banquier

Entre exposé et performance-dégusta-tion de crottes d’âne en or, l’éloge de l’âne pourrait être le moyen de questionner l’or-dre établi avec les facettes incarnées par le trio Frédérique Lecerf l’artiste rebelle, l’artiste bonnet d’âne qui transforme l’or en excrément, Jean-Marc Leveratto, le so-ciologue ami des artistes et Olivier Goetz, le spectateur faux naïf.

17h00 -Laurent Derobert, CNRS GREGAM, Université Avignon, mathématicien

Conférence-performance : Abrégé d’algèbre existentielle

Traduire des émotions, des pensées et des doutes en équations, conjectures et théo-rèmes. L’algèbre est la restauration de ce qui a été brisé. L’exploration des champs des mathématiques agit avec un forma-lisme qui nous aide à réfléchir très près de la subjectivité humaine, qui nous permet de nous vivre non pas comme des corps, mais comme des ondes.

17h30 - Questions

17h45 - Conclusion Diane Watteau, Université Paris 1