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68 e Congrès de la Société franc ¸ aise de médecine interne, Saint-Malo, 12–14 décembre 2013 / La Revue de médecine interne 34S (2013) A80–A180 A115 b Ophtalmologie, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, Paris, France Introduction.– Les corticoïdes induisent souvent cataracte et glau- come chronique. La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) reste peu connue des prescripteurs de stéroïdes. Patients et méthodes.– Nous rapportons un cas de CRSC secondaire à une corticothérapie. Observation.– Un homme de 45 ans, camerounais aux antécédents d’hépatite C et hypertension artérielle, était sous corticoïdes à 1 mg/kg par jour et cyclophosphamide pour une granulomatose éosinophilique avec polyangéite avec atteinte pulmonaire, sinu- sienne et digestive. À 2 mois, sous prednisone à 0,6 mg/kg par jour sans rechute, il présentait une baisse d’acuité visuelle (BAV) rapi- dement progressive en 3 semaines : 2,5/10 Parinaud 14 à gauche et 10/10 Parinaud 2 à droite. L’examen à la lampe à fente était normal. Le fond d’œil, normal à droite, retrouvait à gauche une bulle de décollement séreux rétinien (DSR) soulevant la macula. L’OCT maculaire confirmait le DSR maculaire isolé à gauche, qui était également bien visible en autofluorescence à la lumière rouge. L’angiographie à la fluorescéine montrait : à gauche, un point de fuite situé en dehors de la bulle ; à droite, une diffusion extravasculaire responsable d’un DSR minime asymptomatique. La décroissance de la corticothérapie était accélérée et, un mois plus tard, le patient présentait déjà une amélioration avec une acuité visuelle à 4/10 Parinaud 6 à gauche et une diminution de la bulle de DSR au fond d’œil et en OCT. Discussion.– La CRSC, rare, touche plus fréquemment les hommes jeunes caucasiens. Elle se manifeste par un flou visuel ou des méta- morphopsies indolores et unilatérales d’apparition aiguë, avec une BAV variable. L’hypercorticisme endogène ou exogène (quelle que soit la galénique) est un facteur de risque majeur. La CRSC chez les patients sous corticoïdes, de prévalence inconnue et avec une prédominance masculine moins marquée, est volontiers bilatérale, atypique, sévère, multifocale et d’évolution récidivante ou chro- nique. Cette pathologie s’explique par des zones de DSR maculaires à partir de points de fuite entre les rétines neurosensorielle et pigmentaire, par anomalies de l’épithélium pigmentaire et de la vascularisation choroïdienne, favorisées par les corticoïdes. Le diagnostic, parfois évoqué au fond d’œil, nécessite une OCT et une angiographie à la fluorescéine. L’autofluorescence peut avoir une valeur pronostique. L’arrêt des corticoïdes, ou une forte réduction des doses, est pri- mordiale, pouvant nécessiter l’ajout d’un immunosuppresseur ou d’une biothérapie. L’évolution est généralement favorable avec une récupération visuelle et une résorption du liquide en 1 à 4 mois, les récidives étant possibles. La poursuite des stéroïdes est associée à un risque d’aggravation, de bilatéralisation et de chronicisation, pouvant entraîner des séquelles (BAV permanente, dyschromatop- sie, sensibilité aux contrastes altérée). Dans les formes persistantes, surtout si la poursuite de la corticothérapie est indispensable, la photocoagulation focale au laser et la photothérapie dynamique peuvent accélérer la récupération et diminuer le risque de récidive. Les formes ophtalmologiques de maladies inflammatoires (uvéite postérieure, choroïdopathie lupique...) font partie des diagnos- tics différentiels. Ainsi, tout symptôme ophtalmologique chez ces patients sous stéroïdes pour une pathologie systémique nécessite une consultation spécialisée, et toute aggravation d’un tableau oph- talmologique sous corticoïdes doit faire considérer le diagnostic de CRSC. En effet, un mauvais diagnostic peut engager le pronostic visuel par mauvaise manipulation des stéroïdes, en aggravant une CRSC ou en laissant évoluer une manifestation oculaire inflamma- toire. Enfin, en cas d’antécédent de CRSC, l’usage de corticoïdes doit être évité ou imposer un suivi ophtalmologique régulier. Conclusion.– La CRSC, complication rare mais potentiellement inva- lidante des corticoïdes, mérite d’être connue. La difficulté réside dans la volonté de contrôler la maladie systémique sans engager le pronostic visuel. Pour en savoir plus Nicholson B, et al. Surv Ophtalmol 2013;58(2):103–26. Khairallah M, et al. Ocul Immunol Inflamm 2012;20(2):76–85. Ross A. Curr Opin Ophtalmol 2011;22(3):166–73. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.10.197 CA075 Pancréatite aiguë secondaire au télaprevir F. Francois a , S. Lechtman a , B. Baldin b , J.-G. Fuzibet a , E. Rosenthal a , P.-Y. Jeandel a a Médecine interne, centre hospitalier universitaire, Nice, France b Centre de pharmacovigilance, centre hospitalier universitaire, Nice, France Introduction.– Le télaprevir, inhibiteur de la sérine protéase NS3-4A, a permis d’améliorer la réponse virologique des patients atteints d’hépatite C (VHC), de génotype 1, en association avec le peginter- féron alpha et la ribavirine. Si certains effets secondaires cutanés ou hématologiques sont classiques, l’atteinte pancréatique n’a que rarement été rapportée. Cas clinique.– Un patient âgé de 56 ans, alcoolique sevré depuis 6 mois, est hospitalisé pour douleur abdominale. Son principal antécédent est une co-infection VIH et VHC. Son infection VIH est traitée par abacavir, lamivudine, atazanavir et ritonavir, sans modification thérapeutique récente. Sa charge virale est indétec- table et son taux de CD4 à 210/mm 3 . Il ne prend aucun autre médicament ni autre toxique. L’infection par le VHC de géno- type 1 connue depuis 2006, a déjà été traitée par ribavirine et peginterféron 5 ans auparavant. Suite à une réactivation du VHC, un traitement associant télaprévir, ribavirine et peginterféron est instauré. Deux mois plus tard, le patient présente une dou- leur abdominale aiguë, fébrile, associée à une lipase à 240 U/l, avec au scanner une infiltration de la graisse péri-pancréatique et une coulée de nécrose, signant une pancréatite aiguë baltha- zar D. Parallèlement on note une réaction cutanée urticarienne diffuse, une pancytopénie caractérisée par une anémie normo- cytaire arégénérative à 7,9 g/dL, une leucopénie à 2100/mm 3 (1600/mm 3 polynucléaires neutrophiles, 900/mm 3 lymphocytes) et une thrombopénie à 137 000/mm 3 témoignant d’une toxicité cutané et hématologique. Le bilan étiologique lithiasique, néo- plasique, infectieux et immunologique étant négatif, une enquête de pharmacovigilance a permis d’incriminer le télaprevir dans la survenue de cette pancréatite. À noter qu’il n’est pas décrit d’interaction médicamenteuse entre le télaprévir et ses autres trai- tements anti-rétroviraux. Celui-ci est donc arrêté, de même que la ribavirine et le peginterféron. L’évolution a été favorable en 10 jours à la fois sur les plans pancréatique, cutané, et hématologique. À deux mois de l’arrêt du traitement, la charge virale VHC reste néga- tive. Discussion.– Les effets secondaires du télaprevir qu’ils soient cuta- nés, avec des atteintes parfois graves comme le DRESS syndrome, et/ou hématologiques, le plus souvent sous la forme d’anémies, sont fréquents et bien décrits dans la littérature. Concernant la toxicité pancréatique, seuls deux cas ont été rapportés dans la lit- térature et 5 cas au centre de pharmacovigilance national franc ¸ ais. Plusieurs critères présents dans ces trois cas cliniques nous font fortement évoquer la responsabilité du télaprevir dans ces pan- créatites, notamment la disparition des symptômes à l’arrêt du traitement ainsi que leur réapparition lors de la réintroduction du traitement chez les cas précédemment rapportés. Un argument supplémentaire associant la pancréatite de notre patient au téla- previr est la présence concomitante d’autres effets secondaires, mieux connus, régressant conjointement à la pancréatite à l’arrêt du traitement. Conclusion.– Le télaprevir est susceptible d’entraîner des effets secondaires graves parmi lesquels des pancréatites aiguës. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.10.198

Pancréatite aiguë secondaire au télaprevir

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68e Congrès de la Société francaise de médecine interne, Saint-Malo, 12–14 décembre 2013 / La Revue de médecine interne 34S (2013) A80–A180 A115

b Ophtalmologie, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce,Paris, France

Introduction.– Les corticoïdes induisent souvent cataracte et glau-come chronique. La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC)reste peu connue des prescripteurs de stéroïdes.Patients et méthodes.– Nous rapportons un cas de CRSC secondaireà une corticothérapie.Observation.– Un homme de 45 ans, camerounais aux antécédentsd’hépatite C et hypertension artérielle, était sous corticoïdes à1 mg/kg par jour et cyclophosphamide pour une granulomatoseéosinophilique avec polyangéite avec atteinte pulmonaire, sinu-sienne et digestive. À 2 mois, sous prednisone à 0,6 mg/kg par joursans rechute, il présentait une baisse d’acuité visuelle (BAV) rapi-dement progressive en 3 semaines : 2,5/10 Parinaud 14 à gaucheet 10/10 Parinaud 2 à droite. L’examen à la lampe à fente étaitnormal. Le fond d’œil, normal à droite, retrouvait à gauche unebulle de décollement séreux rétinien (DSR) soulevant la macula.L’OCT maculaire confirmait le DSR maculaire isolé à gauche, quiétait également bien visible en autofluorescence à la lumièrerouge. L’angiographie à la fluorescéine montrait : à gauche, unpoint de fuite situé en dehors de la bulle ; à droite, une diffusionextravasculaire responsable d’un DSR minime asymptomatique. Ladécroissance de la corticothérapie était accélérée et, un mois plustard, le patient présentait déjà une amélioration avec une acuitévisuelle à 4/10 Parinaud 6 à gauche et une diminution de la bulle deDSR au fond d’œil et en OCT.Discussion.– La CRSC, rare, touche plus fréquemment les hommesjeunes caucasiens. Elle se manifeste par un flou visuel ou des méta-morphopsies indolores et unilatérales d’apparition aiguë, avec uneBAV variable. L’hypercorticisme endogène ou exogène (quelle quesoit la galénique) est un facteur de risque majeur. La CRSC chezles patients sous corticoïdes, de prévalence inconnue et avec uneprédominance masculine moins marquée, est volontiers bilatérale,atypique, sévère, multifocale et d’évolution récidivante ou chro-nique.Cette pathologie s’explique par des zones de DSR maculaires à partirde points de fuite entre les rétines neurosensorielle et pigmentaire,par anomalies de l’épithélium pigmentaire et de la vascularisationchoroïdienne, favorisées par les corticoïdes.Le diagnostic, parfois évoqué au fond d’œil, nécessite une OCT etune angiographie à la fluorescéine. L’autofluorescence peut avoirune valeur pronostique.L’arrêt des corticoïdes, ou une forte réduction des doses, est pri-mordiale, pouvant nécessiter l’ajout d’un immunosuppresseur oud’une biothérapie. L’évolution est généralement favorable avec unerécupération visuelle et une résorption du liquide en 1 à 4 mois, lesrécidives étant possibles. La poursuite des stéroïdes est associéeà un risque d’aggravation, de bilatéralisation et de chronicisation,pouvant entraîner des séquelles (BAV permanente, dyschromatop-sie, sensibilité aux contrastes altérée). Dans les formes persistantes,surtout si la poursuite de la corticothérapie est indispensable, laphotocoagulation focale au laser et la photothérapie dynamiquepeuvent accélérer la récupération et diminuer le risque de récidive.Les formes ophtalmologiques de maladies inflammatoires (uvéitepostérieure, choroïdopathie lupique. . .) font partie des diagnos-tics différentiels. Ainsi, tout symptôme ophtalmologique chez cespatients sous stéroïdes pour une pathologie systémique nécessiteune consultation spécialisée, et toute aggravation d’un tableau oph-talmologique sous corticoïdes doit faire considérer le diagnostic deCRSC. En effet, un mauvais diagnostic peut engager le pronosticvisuel par mauvaise manipulation des stéroïdes, en aggravant uneCRSC ou en laissant évoluer une manifestation oculaire inflamma-toire. Enfin, en cas d’antécédent de CRSC, l’usage de corticoïdes doitêtre évité ou imposer un suivi ophtalmologique régulier.Conclusion.– La CRSC, complication rare mais potentiellement inva-lidante des corticoïdes, mérite d’être connue. La difficulté résidedans la volonté de contrôler la maladie systémique sans engager lepronostic visuel.

Pour en savoir plusNicholson B, et al. Surv Ophtalmol 2013;58(2):103–26.Khairallah M, et al. Ocul Immunol Inflamm 2012;20(2):76–85.Ross A. Curr Opin Ophtalmol 2011;22(3):166–73.

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.10.197

CA075Pancréatite aiguë secondaire autélaprevirF. Francois a, S. Lechtman a, B. Baldin b,J.-G. Fuzibet a, E. Rosenthal a, P.-Y. Jeandel a

a Médecine interne, centre hospitalier universitaire, Nice, Franceb Centre de pharmacovigilance, centre hospitalier universitaire, Nice,France

Introduction.– Le télaprevir, inhibiteur de la sérine protéase NS3-4A,a permis d’améliorer la réponse virologique des patients atteintsd’hépatite C (VHC), de génotype 1, en association avec le peginter-féron alpha et la ribavirine. Si certains effets secondaires cutanésou hématologiques sont classiques, l’atteinte pancréatique n’a querarement été rapportée.Cas clinique.– Un patient âgé de 56 ans, alcoolique sevré depuis6 mois, est hospitalisé pour douleur abdominale. Son principalantécédent est une co-infection VIH et VHC. Son infection VIHest traitée par abacavir, lamivudine, atazanavir et ritonavir, sansmodification thérapeutique récente. Sa charge virale est indétec-table et son taux de CD4 à 210/mm3. Il ne prend aucun autremédicament ni autre toxique. L’infection par le VHC de géno-type 1 connue depuis 2006, a déjà été traitée par ribavirine etpeginterféron 5 ans auparavant. Suite à une réactivation du VHC,un traitement associant télaprévir, ribavirine et peginterféronest instauré. Deux mois plus tard, le patient présente une dou-leur abdominale aiguë, fébrile, associée à une lipase à 240 U/l,avec au scanner une infiltration de la graisse péri-pancréatiqueet une coulée de nécrose, signant une pancréatite aiguë baltha-zar D. Parallèlement on note une réaction cutanée urticariennediffuse, une pancytopénie caractérisée par une anémie normo-cytaire arégénérative à 7,9 g/dL, une leucopénie à 2100/mm3

(1600/mm3 polynucléaires neutrophiles, 900/mm3 lymphocytes)et une thrombopénie à 137 000/mm3 témoignant d’une toxicitécutané et hématologique. Le bilan étiologique lithiasique, néo-plasique, infectieux et immunologique étant négatif, une enquêtede pharmacovigilance a permis d’incriminer le télaprevir dansla survenue de cette pancréatite. À noter qu’il n’est pas décritd’interaction médicamenteuse entre le télaprévir et ses autres trai-tements anti-rétroviraux. Celui-ci est donc arrêté, de même que laribavirine et le peginterféron. L’évolution a été favorable en 10 joursà la fois sur les plans pancréatique, cutané, et hématologique. Àdeux mois de l’arrêt du traitement, la charge virale VHC reste néga-tive.Discussion.– Les effets secondaires du télaprevir qu’ils soient cuta-nés, avec des atteintes parfois graves comme le DRESS syndrome,et/ou hématologiques, le plus souvent sous la forme d’anémies,sont fréquents et bien décrits dans la littérature. Concernant latoxicité pancréatique, seuls deux cas ont été rapportés dans la lit-térature et 5 cas au centre de pharmacovigilance national francais.Plusieurs critères présents dans ces trois cas cliniques nous fontfortement évoquer la responsabilité du télaprevir dans ces pan-créatites, notamment la disparition des symptômes à l’arrêt dutraitement ainsi que leur réapparition lors de la réintroduction dutraitement chez les cas précédemment rapportés. Un argumentsupplémentaire associant la pancréatite de notre patient au téla-previr est la présence concomitante d’autres effets secondaires,mieux connus, régressant conjointement à la pancréatite à l’arrêtdu traitement.Conclusion.– Le télaprevir est susceptible d’entraîner des effetssecondaires graves parmi lesquels des pancréatites aiguës.

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.10.198