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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/ 1/7 Pancréatite aigue (268) Professeur Christian LETOUBLON Avril 2003 (Mise à jour Mars 2005) Pré-Requis : Physiopathologie pancréatite aiguë Douleurs pancréatiques (séméiologie) Résumé : La pancréatite aiguë (PA) est une maladie inflammatoire aiguë du pancréas et des tissus voisins. Incidence : 50/100 000. Sa présentation clinique est extrêmement variable. Sa gravité dépend du type des lésions : la PA œdémateux (80 % des cas) est bénigne, et s’oppose à la PA nécrosante (mortalité entre 10 et 25 % selon que nécrose infectée ou non). Mots-clés : Pancréatite aiguë, lithiase biliaire, éthylisme, critères de gravité. Références : Pancréatite aiguë. Question d'internat Ch Létoublon, C Arvieux. REVUE DU PRATICIEN 1996;46:1767-1774 Exercices : 1. Diagnostic de pancréatite aigüe 1.1. Dans la forme typique, complète Le diagnostic est souvent simple : une douleur abdominale aiguë avec nausées et vomissements, dans un contexte évocateur (alcoolisme chronique ou lithiase biliaire), fait découvrir une hyperamylasémie. 1.1.1. Clinique Douleur : brutale, d'intensité croissante, souvent épigastrique, parfois irradiée en arrière. Peut survenir après un excès alimentaire. Nausées et vomissements sont très fréquents. Arrêt du transit inconstant. Hyperthermie modérée (38° - 38°5), avec tachycardie. Signes physiques abdominaux, modestes : défense modérée épigastrique, rarement diffuse. Douleur provoquée en sous-costal gauche ou dans les angles costo-vertébraux postérieurs. Parfois ballonnement + matité + iléus évoquent l'ascite pancréatique. 1.1.2. Biologie Sang : Amylasémie (>N x 3). Hyperlipasémie : +sensible +spécifique +prolongée. 1.1.3. Radiologie

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http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/ 1/7

Pancréatite aigue (268) Professeur Christian LETOUBLON

Avril 2003 (Mise à jour Mars 2005) Pré-Requis :

• Physiopathologie pancréatite aiguë • Douleurs pancréatiques (séméiologie)

Résumé : La pancréatite aiguë (PA) est une maladie inflammatoire aiguë du pancréas et des tissus voisins. Incidence : 50/100 000. Sa présentation clinique est extrêmement variable. Sa gravité dépend du type des lésions : la PA œdémateux (80 % des cas) est bénigne, et s’oppose à la PA nécrosante (mortalité entre 10 et 25 % selon que nécrose infectée ou non). Mots-clés : Pancréatite aiguë, lithiase biliaire, éthylisme, critères de gravité. Références :

• Pancréatite aiguë. Question d'internat Ch Létoublon, C Arvieux. REVUE DU PRATICIEN 1996;46:1767-1774

Exercices : 1. Diagnostic de pancréatite aigüe

1.1. Dans la forme typique, complète

Le diagnostic est souvent simple : une douleur abdominale aiguë avec nausées et vomissements, dans un contexte évocateur (alcoolisme chronique ou lithiase biliaire), fait découvrir une hyperamylasémie.

1.1.1. Clinique

• Douleur : brutale, d'intensité croissante, souvent épigastrique, parfois irradiée en

arrière. Peut survenir après un excès alimentaire. • Nausées et vomissements sont très fréquents. Arrêt du transit inconstant. • Hyperthermie modérée (38° - 38°5), avec tachycardie. • Signes physiques abdominaux, modestes : défense modérée épigastrique, rarement

diffuse. Douleur provoquée en sous-costal gauche ou dans les angles costo-vertébraux postérieurs. Parfois ballonnement + matité + iléus évoquent l'ascite pancréatique.

1.1.2. Biologie

Sang : Amylasémie (>N x 3). Hyperlipasémie : +sensible +spécifique +prolongée.

1.1.3. Radiologie

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• ASP : peu utile : anse sentinelle et iléus réflexe, parfois épanchement pleural gauche. • Echographie : peu performante, recherche surtout lithiase biliaire et gros cholédoque,

parfois œdème pancréatique et ascite. • TDM : rarement nécessaire sauf si doute diagnostic. Avec angioscannner :

o Gros pancréas œdemateux. o Infiltration péripancréatique. o Aires de non-réhaussement pancréatique.

1.2. Dans les formes incomplètes ou symptomatiques

• Signes abdominaux prédominants, évoquant péritonites par perforation (amylasémie

élevée). Ulcère perforé, sigmoïdite aiguë perforée voire appendicite aiguë perforée. Utilité de la TDM, voire de la laparotomie d'urgence en cas de doute persistant.

• Choc prédominant : évoque l’infarctus iléo-mésentérique ou du myocarde, la GEU ou la fissuration d'anévrysme de l'aorte.

• Forme sans hyperamylasémie. Rare. Utilité de la lipasémie. • Formes indolores. Rares. Seraient plus fréquentes chez le vieillard. • Formes de l'enfant et de l'adolescent. Rares. Traumas, anémie hémolytique,

anomalies congénitales pancréato-biliaires. • Formes post-opératoires ou de réanimation. Savoir les évoquer devant un choc

inexpliqué. Au total, c'est dans ces cas difficiles que la TDM prend une valeur à titre diagnostic, avec la lipase. Ailleurs, la ponction d'épanchement liquidien (péritoine ou plèvre) avec recherche d'amylase, voire la laparotomie exploratrice peuvent lever le doute. 2. Diagnostic étiologique

Il est dominé par la recherche de la lithiase biliaire et/ou de l'intoxication alcoolique qui représentent 90% des cas. Les autres étiologies sont recherchées en deuxième lieu, et le diagnostic de PA idiopathique devient exceptionnel en raison de l'efficacité des moyens de recherche de la lithiase biliaire.

2.1. Lithiase biliaire

Plus de 60 % des PA. Antécédents cliniques et surtout lithiase vésiculaire en écho (à répéter), et/ou à l’IRM. Surtout micro-lithiase. La recherche obstinée d'un sludge vésiculaire ou d'une cholestérolose sera justifiée ultérieurement (Bili-IRM, échoendoscopie, recherche de micro-cristaux de cholestérol dans la bile par CPRE).

2.2. Alcool

Pratiquement toujours alcoolisme chronique.

2.3. Origine infectieuse

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Rares. Virus ourlien chez l'enfant et entérovirus chez l'adulte.

2.4. CPRE et sphinctérotomie endoscopique

<2% des cas

2.5. Traumatismes opératoires bilio-pancréatiques

De plus en plus rare, très graves.

2.6. Après gastrectomie

PA grave par volvulus de l'anse afférente: chirurgie d’urgence.

2.7. PA ischémiques

Après collapsus sévère.

2.8. PA post-traumatiques

2.9. Hyperparathyroïdie et l'hypercalcémie

Très rare (< 0,2 %)

2.10. Hyperlipidémie

(> à 20 mmol/l)

2.11. PA d'origine tumorale

Exceptionnelle, par tumeur du canal de Wirsung.

2.12. PA et pancréas divisum

2.13. PA médicamenteuses et toxiques

L'héroïne. Oestrogènes, azathioprine et certains diurétiques. 3. Diagnostic de gravité

3.1. Définition des PA sévères

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Les PA qui s'accompagnent d'une défaillance viscérale et/ou de complications locales (nécrose, abcès, pseudo-kyste). On cherche à prévoir précocement cette gravité pour déclencher un geste actif, de réanimation, d’endoscopie ou de chirurgie, ce qui justifie l'utilisation de critères de pronostic.

3.2. Critères pronostiques et scores

• Critères cliniques isolés : seuls obésité (BMI>30) et épanchement pleural sont validés. • Scores clinico-biologiques spécifiques de la PA : Le score de Ranson (11 critères, en

48h.). Le score de Glasgow (Imrie) plus simple (8 critères), aussi efficace. • Scores généralistes type APACHE II ou IGS II, qui ont une valeur prédictive très

voisine. • Marqueurs biologiques isolés, en développement : CRP après la 48ème heure, TAP

urinaire. • Score TDM. La classification de Ranson et Balthazar s’appuie sur l'extension des

effusions ou des collections liquidiennes autour et à distance du pancréas. La mesure du réhaussement parenchymateux (% des zones pancréatiques non vascularisées) augmente son efficacité à prédire l'évolution.

4. Evolution

4.1. La guérison de l'épisode

Représente plus de 80 % des cas, correspond souvent à une pancréatite oedémateuse qui s'améliore en trois à six jours sous traitement symptomatique simple, avec disparition des douleurs, normalisation des anomalies enzymatiques. L'infiltration liquidienne peut persister plusieurs semaines, visible en TDM.

4.2. Les pancréatites sévères

Elles correspondent avant tout à des pancréatites nécrotiques. L'infection de la nécrose est présente dans la majorité des évolutions graves.

4.3. Complications systémiques

• Choc sévère, résistant à la réanimation. • Insuffisance respiratoire (due à la douleur, aux épanchements pleuraux ou abdominaux

et à l'œdème pulmonaire lésionnel). Peut imposer la ventilation assistée. • Insuffisance rénale organique (à distinguer d'un défaut de remplissage). Elle peut

nécessiter l'hémodialyse.

4.4. Autres complications

• cytostéatonécrose cutanée ou sous-cutanée avec ecchymose des flancs ou péri-

ombilicale.

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• complications neurologiques parfois précoces : troubles de vigilance, du comportement.

• complications vasculaires et ostéoarticulaires : par micro-thromboses et embols.

4.5. Complications abdominales

4.5.1. L'atteinte colique

Colon transverse et angle gauche par infiltration enzymatique. Perforation au début, sténose plus tard.

4.5.2. Hémorragies

Par ulcération artérielle au sein de la nécrose, elles sont exceptionnelles mais très graves.

4.5.3. L'infection de la nécrose

Suspectée sur signes d'infection profonde (fièvre, hyperleucocytose), de complications systémiques. Recherchée par TDM (existence de bulles dans la nécrose). Prouvée par la ponction trans-cutanée sous échographie ou TDM, avec étude bactériologique (germes digestifs). On distingue actuellement les abcès (collections purulentes bien limitées, drainées par ponction le plus souvent) de la nécrose infectée proprement dite (tissulaire et liquidienne), qui impose un drainage chirurgical dans la majorité des cas.

4.5.4. Pseudo-kystes pancréatiques

Collection de liquide pancréatique limitée par un tissu fibreux ou de granulation. Ils s'observent dans 5 à 15 % des cas, situés dans la région péri-pancréatique avant tout, parfois à distance. Douleur, nausées, vomissements, hyperamylasémie. Parfois signes de compression (dysphagie, occlusion, ictère, hypertension portale). Ailleurs asymptomatiques. Diagnostic par échographie ou TDM (1 à 20 cm). Les complications principales sont l'abcédation, l'occlusion par compression digestive, la rupture (peritonéale, intra-digestive), l'hémorragie. La régression spontanée survient dans au moins 50 % des cas, et prend plusieurs semaines. Certains traitements médicaux précoces (Somatostatine) pourraient la favoriser. Ailleurs, un traitement per-cutané ou chirurgical sera proposé de principe ou imposé par une complication. 5. Traitement

5.1. Dans la pancréatite aiguë bénigne ou œdémateuse

Le traitement est symptomatique d'une part, orientée vers l'étiologie d'autre part : - Repos digestif et surveillance pendant quelques jours - Réhydratation et sonde nasogastrique si vomissements. Le traitement de l’étiologie lithiasique biliaire peut être proposé dès les premiers jours (cholécystectectomie en absence de contre-indication, sinon sphinctérotomie endoscopique).

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5.2. Dans la PA sévère

Les indications les plus classiques de chirurgie précoce sont la rétention biliaire et l'angiocholite, une complication digestive de type perforation, une aggravation inexpliquée ou un doute diagnostique. Ailleurs elle aggrave les PA sévères. Le traitement est fait de réanimation symptomatique active avec hydratation intense pendant les trois ou quatre premiers jours, de sonde nasogastrique en cas de vomissements, du traitement actif de la douleur, d'une antibiothérapie préventive d'infection en cas de nécrose. Une sphinctérotomie endoscopique est précocement proposée d’autant plus volontiers que la PA est grave, que l'étiologie semble biliaire, et qu’il existe une rétention biliaire. Une atteinte viscérale systémique est traitée spécifiquement : oxygénothérapie ou ventilation assistée avec PEEP, amines vasopressives, épuration extra-rénale. La suspicion d'infection de la nécrose fait ponctionner les zones suspectes pour bactériologie. La nécrose infectée est le plus souvent opérée par nécrosectomie et drainages larges. Les abcès pancréatiques sont drainés chirurgicalement (laparotomie ou voie rétropéritonéale, voire vidéo-assistée) ou par voie radiologique per-cutanée. La cholécystectomie pour lithiase n’est réalisée qu’une fois que la pancréatite n’est plus active. 6. Cas clinique : traitement moderne d'une pancréatite aiguë

sévère avec infection de la nécrose

Homme de 40 ans hospitalisé pour une pancréatite aiguë éthylique. Evolution vers la suppuration de la nécrose, avec collection suppurée de l'arrière cavité des épiploons, qui est drainée par voie percutanée sous contrôle échographique ( abord lombaire gauche), permettant une évacuation d'environ un litre de pus.

Photo : TDM du pancréas :

collection suppurée de l'arrière cavité des épiploons avant drainage percutané (C. Létoublon)

Réalisation par la suite sous anesthésie générale de quatre lavages et nécrosectomies sous vidéoscopie en passant, après dilatation, par le trajet du drain mis en place sous échographie. Un gros drain est laissé en place dans l'arrière cavité des épiploons où il persiste une petite zone de nécrose en regard de l'isthme pancréatique; l'abcès a disparu. Une dernière nécrosectomie vidéo-assistée sera nécessaire pour guérir définitivement le patient.

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Photo : TDM du pancréas :

Guérison (C. Létoublon)