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1 PANORAMA DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE 2019 DROIT DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION Par Maître Jérôme GRANDMAIRE – Avocat SELARL LEGABAT EDITO Après 20 années d’exercice comme Avocat au sein de la SCP EVELYNE NABA & ASSOCIES, d’abord comme collaborateur puis comme associé, j’ai pris la décision en 2019, avec Catherine MAULER et François PALES, de créer une nouvelle structure, la SELARL LEGABAT, afin de relever de nouveaux défis. Longtemps attiré par l’Université (au sein de laquelle j’ai enseigné comme Chargé de travaux dirigés) avant d’embrasser la profession d’Avocat, j’ai entrepris, par l’intermédiaire du réseau d’affaires LinkedIn, de commenter et d’échanger sur les décisions de jurisprudence en rapport avec le droit de la construction et de l’assurance construction. Je m’y suis attelé durant toute l’année 2019. En 2020, puisque l’heure est aux bonnes résolutions, je poursuivrais ma démarche, en la faisant évoluer, avec la production non seulement de simples « posts » mais également d’articles, et l’ambition de tenir trimestriellement une revue de jurisprudence. En attendant, je livre ci-après, rassemblés en compilation, avec un sommaire simplifié, les commentaires que les décisions de la Cour de cassation m’ont inspiré tout au long de 2019. En espérant qu’ils pourront être utiles aux uns et susciter le débat avec d’autres. Bonne année à tous.

PANORAMA DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE 2019 DOIT DE … · ARTICLE 1792-7 DU CODE CIVIL – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21361)

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PANORAMA DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE 2019 DROIT DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ASSURANCE

CONSTRUCTION

Par Maître Jérôme GRANDMAIRE – Avocat SELARL LEGABAT

EDITO Après 20 années d’exercice comme Avocat au sein de la SCP EVELYNE NABA & ASSOCIES, d’abord comme collaborateur puis comme associé, j’ai pris la décision en 2019, avec Catherine MAULER et François PALES, de créer une nouvelle structure, la SELARL LEGABAT, afin de relever de nouveaux défis. Longtemps attiré par l’Université (au sein de laquelle j’ai enseigné comme Chargé de travaux dirigés) avant d’embrasser la profession d’Avocat, j’ai entrepris, par l’intermédiaire du réseau d’affaires LinkedIn, de commenter et d’échanger sur les décisions de jurisprudence en rapport avec le droit de la construction et de l’assurance construction. Je m’y suis attelé durant toute l’année 2019. En 2020, puisque l’heure est aux bonnes résolutions, je poursuivrais ma démarche, en la faisant évoluer, avec la production non seulement de simples « posts » mais également d’articles, et l’ambition de tenir trimestriellement une revue de jurisprudence. En attendant, je livre ci-après, rassemblés en compilation, avec un sommaire simplifié, les commentaires que les décisions de la Cour de cassation m’ont inspiré tout au long de 2019. En espérant qu’ils pourront être utiles aux uns et susciter le débat avec d’autres. Bonne année à tous.

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SOMMAIRE RECEPTION (pages 6 à 11) RECEPTION PAR LOT - Cour de cassation arrêt du 30 janvier 2019 - 3ème chambre civile (pourvois 18-10197 et 18-10699) – Publié au bulletin RÉCEPTION CONTRADICTOIRE – CONDITIONS - Cour de cassation arrêt du 7 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-12221) – Publié au bulletin CLAUSE DU CONTRAT D’ASSURANCE SUR LA RÉCEPTION – RECEPTION TACITE - OPPOSABILITE AUX TIERS LÉSÉS - Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12410) – Publié au bulletin RÉCEPTION TACITE – CONDITIONS – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-13734) – Publié au bulletin NOTION DE RÉCEPTION TACITE – APPLICATION - ERREMENTS DE LA COUR DE CASSATION – Cour de Cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (18-10412) – Non publié au bulletin

ASSURANCES (pages 12 à 29)

POLICE RC (Responsabilité Civile) - CLAUSE D’EXCLUSION - PRESTATION DE L’ASSURE - Cour de cassation arrêt du 14 février 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-11101) – Non publié au bulletin POLICE RC - CLAUSE D’EXCLUSION NON FORMELLE ET LIMITEE - PRESTATION DE L’ASSURÉ – Cour de cassation arrêt du 13 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-14817) – Non publié au bulletin POLICE RC - CLAUSE D’EXCLUSION – PRESTATION DE L’ASSURE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21361) – Non publié au bulletin POLICE RC - EXCLUSION DES DOMMAGES SUBIS PAR LES TRAVAUX ET OUVRAGE DE L'ASSURE (VALIDITE) - Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-22033) - Non publié au bulletin POLICE RC – OPPOSABILITE D’UNE EXCLUSION - Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17058) – Non publié au bulletin ASSURANCE - CONDITIONS D’APPLICATION DE L’ARTICLE L 121-17 DU CODE DES ASSURANCES – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-13371) – Publié au bulletin ASSURANCE - CLAUSE LIMITATIVE DE GARANTIES - OBLIGATION DE CONSEIL DE L’ASSUREUR (LIMITE) – Cour de cassation arrêt du 17 janvier 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 17-26750) – Non publié au bulletin ASSURANCE - GARANTIE EFFONDREMENT EN COURS DE CHANTIER - ASSURANCE DE CHOSE (OUI) – Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12739) – Non publié au bulletin

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POLICE MAF - MISSION NON DECLAREE - CONSEQUENCE : ABSENCE DE GARANTIE (OUI) – Cour de cassation arrêt du 27 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 17-28872) – Publié au bulletin ACTIVITE DECLAREE – NOTION – Cour de cassation arrêt du 8 novembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 17-24488) – Publié au bulletin ACTION DIRECTE – MARCHE PUBLIC – CONSEQUENCES – Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21931) – Non publié au bulletin ACTION DIRECTE – MARCHE PUBLIC – CONSEQUENCES – Cour de cassation arrêt du 11 décembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-25441) – Publié au bulletin ASSURANCE GENIE CIVILE – CLAUSE LIMITANT LES GARANTIES A L’ATTEINTE A LA SOLIDITE (OUI) – DELIMITATION DES OUVRAGES DE GENIE CIVIL GARANTIS PAR LA POLICE (OUI) - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21931) – Non publié au bulletin RESILIATION DU CONTRAT POUR NON PAIEMENT DE PRIME – APPLICATION DE LA GARANTIE SUBSEQUENTE – Cour de cassation arrêt du 12 décembre 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-12762) – Publié au bulletin GARANTIE DECENNALE – CONTENU – PREJUDICE IMMATERIEL – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-20181) – Non publié au bulletin

PRESCRIPTION (pages 30 à 40)

PRESCRIPTION BIENNALE - OBLIGATION DE L’ASSUREUR - CHARGE DE LA PREUVE – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 2ème chambre civile (18-13938) – Publié au bulletin PRESCRIPTION BIENNALE INOPPOSABLE - PRESCRIPTION DE DROIT COMMUN (NON) - Cour de cassation arrêt du 21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-28021) – Publié au bulletin PRESCRIPTION – EFFET ERGA OMNES – HABILITATION DU SYNDIC - Cour de Cassation arrêt du 21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-28021) – Publié au bulletin ARTICLE 2239 DU CODE CIVIL - SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION (NON) – Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvois 18-19611 et 18-20550) – Publié au bulletin DELAI DE FORCLUSION - ARTICLE 1648 ALINEA 2 DU CODE CIVIL- INTERRUPTION - NON INTERVERSION – Cour de cassation arrêt du 11 juillet 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17856) – Publié au bulletin DELAI DE PRECRIPTION – ARTICLE L 110-4 DU CODE DE COMMERCE – Cour de cassation arrêt du 6 novembre 2019 – 1ère chambre civile (pourvoi 18-21481) – Non publié au bulletin PRESCRIPTION/FORCLUSION – SUSPENSION – DEMANDE D’EXPERTISE – Cour de cassation

arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-15833) – Non publié au

bulletin

PRESCRIPTION/FORCLUSION – SUSPENSION – DEMANDE D’EXPERTISE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17138) – Non publié au bulletin

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PROCEDURE (pages 41 à 42)

PROCEDURE - PEREMPTION ET DILIGENCES EN EXPERTISE - Cour de cassation arrêt du 11 avril 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-14223) – Publié au bulletin RAPPORT D'EXPERTISE EMANANT D'UNE PARTIE - VALEUR PROBANTE – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-16262) – Non publié au bulletin RAPPORT D'EXPERTISE EMANANT D'UNE PARTIE - VALEUR PROBANTE – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-12687) - Non publié au bulletin

DECENNALE (pages 43 à 49)

DOMMAGE DÉCENNALE - APPRÉCIATION STRICTE – EXEMPLE - Cour de cassation arrêt du

21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-30947) – Non publié au bulletin

NORMES PARASISMIQUES - GARANTIE DECENNALE – Cour de cassation arrêt du 19

septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-16986) – Publié au bulletin

DOMMAGE ESTHETIQUE – GARANTIE DECECENNALE (NON) – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19353) – Non publié au bulletin ELEMENT D'EQUIPEMENT - IMPROPRIETE A DESTINATION – Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-18318) – Non publié au bulletin ARCHITECTE-MISSION LIMITEE AU PERMIS DE CONSTRUIRE - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 16-23509) – Publié au bulletin GARANTIE DECENNALE – PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19121) – Non publié au bulletin

CONSTRUCTION HORS GARANTIE DECENNALE (pages 50 à 60) GARANTIE DECENNALE EXPIREE – FAUTE DOLOSIVE (NOTION) – ARTICLE 1147 ANTERIEUR A L’ORDONNANCE DU 10 FEVRIER 2016 – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19476) – Non publié au bulletin EXCLUSION DE L’IN SOLIDUM - Cour de Cassation arrêt du 14 février 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-26403) – Publié au bulletin LEVÉE DES RÉSERVES (SÉVÉRITÉ À L’ÉGARD DU MAÎTRE D’ŒUVRE) - PRUDENCE AUX

MAÎTRES D’ŒUVRE – Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi

18-12020) - Non publié au bulletin

ARCHITECTE - CLAUSE DE SAISINE PREALABLE DU CONSEIL DE L'ORDRE AVANT TOUTE PROCEDURE JUDICIAIRE (PORTEE) – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-15286) – Publié au bulletin VEFA - CLAUSE RELATIVE AU RETARD DE LIVRAISON – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-14212) – Publié au bulletin REPARATION INTEGRALE DU PREJUDICE – Cour de cassation arrêt du 16 mai 2019 – 3ème chambre (pourvoi 18-14.477) – Non publié au bulletin DECOMPTE ET VICES APPARENTS – RECEPTION – MARCHE PUBLIC – Conseil d’Etat arrêt du 12 juin 2019 – pourvoi 420031

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PERSONNE MORALE - PREJUDICE MORALE – Cour de cassation arrêt du 20 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12714) – Non publié au bulletin CO RESPONSABLE - OBLIGATION POUR LE TOUT – Cour de cassation arrêt du 13 juin 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 17-29034) – Non publié au bulletin ARTICLE 1792-7 DU CODE CIVIL – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21361) – Non publié au bulletin CLAUSE ABUSIVE – APPRECIATION DE LA QUALITE DE MAITRE D’OUVRAGE NON PROFESSIONNEL – Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-23259) – Publié au bulletin

DOMMAGES OUVRAGE (pages 61 à 63) POLICE DOMMAGES OUVRAGE - ARTICLE L 121-12 DU CODE DES ASSURANCES – Cour de cassation arrêt du 11 juillet 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17433) - Publié au bulletin ASSURANCE DOMMAGES-OUVRAGE - ARTICLE L 242-1 DU CODE DES ASSURANCES - SANCTIONS FIXEES LIMITATIVEMENT – Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-11103) – Non publié au bulletin

DIAGNOSTIC (pages 64 à 65) ERREUR DE DIAGNOSTIC ET CLAUSE EXONERATOIRE DES VICES CACHÉS – Cour de cassation arrêt du 21 mars 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-11.826) – Non publié au bulletin VENTE - DIAGNOSTIQUEUR - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-23251) – Publié au bulletin

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RECEPTION RECEPTION PAR LOT - Cour de cassation arrêt du 30 janvier 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-10197 et 18-10699) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que, pour dire la responsabilité de M.X engage sur le seul fondement contractuel…l’arrêt retient que la réception tacite par l’entrée dans les lieux ou la prise de possession et le paiement du prix des travaux de construction de l’ouvrage exige la preuve que le Maître de l’ouvrage a affirmé sa volonté non équivoque de le recevoir… Qu’en statuant ainsi, alors que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception et que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et de sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : La Cour de cassation, par cet arrêt, rappelle le principe selon lequel la prise de possession et le paiement de l’intégralité des travaux valent présomption de réception tacite. Elle admet par ailleurs une nouvelle fois, implicitement mais nécessairement, la possibilité d'une réception partielle par lot. Observations : Même si la réception partielle par lot est admise désormais communément par la Cour de cassation, cela ne peut pas manquer d’interroger, alors même que l’article 1792-6 du code civil définit la réception comme l’acte par lequel le Maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage (et non déclare accepter tout ou partie de l’ouvrage). Par ailleurs, une fois admise la position de la Haute Cour, des interrogations surgissent. Par exemple, dans le cadre d’une réception tacite, comment détermine-t-on la prise de possession (qui constitue l’un des critères de la réception tacite) d'un simple lot ? Il est aisé d'appréhender la notion de prise de possession d'un ouvrage, beaucoup moins de comprendre celle de prise de possession d'un lot (comment prend-t-on possession du lot peinture…). De surcroît, une fois un tel principe de réception par lot retenu, de nouvelles difficultés sont susceptibles de surgir

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Par exemple : La date de la réception peut-elle être différente selon les intervenants ? L'assureur dommages ouvrage devra-t-il se préoccuper de récupérer plusieurs PV de réception avec des dates distinctes ? Le Maître d'œuvre pourra-t-il se retrouver concerné par plusieurs dates de réception ? La garantie de parfait achèvement d'un an se rapportant à un lot commencera-t-elle à courir alors même que l'ouvrage dans son ensemble n'est pas réceptionné ? Et quid si des interventions au titre de deux lots concourent à un même désordre, alors qu'ils ont été réceptionnés à des dates distinctes ? L’action pourra-t-elle être prescrite à l’égard de l’un et pas de l’autre ? Autant de questions sans réelles réponses à ce jour.

RÉCEPTION CONTRADICTOIRE – CONDITIONS - Cour de cassation arrêt du 7 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-12221) – Publié au bulletin La décision : « Attendu qu’ayant relevé…que l’entreprise avait été convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception…et par une télécopie du même jour…, la cour d’appel, qui a retenu à bon droit que la réception prononcée en présence du maître de l’ouvrage et du maître d’œuvre, alors que l’entrepreneur avait été valablement convoqué, était contradictoire, a légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI) Explication : Piqure de rappel opérée par la Cour de cassation, face à une erreur communément admise. Point n’est besoin de la présence de l’entreprise aux opérations de réception pour que la réception contradictoire soit prononcée. Il suffit qu’elle ait été régulièrement convoquée. Conseil pratique : A l’attention de l’entreprise : ne jamais faire le choix de la politique de la « chaise vide ». Cela ne contrecarre en rien le prononcé en bonne et due forme de la réception.

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Il est donc préférable d’être présent, et à réception du PV transmis par le maître d’ouvrage, de faire valoir ses observations par écrit. CLAUSE DU CONTRAT D’ASSURANCE SUR LA RÉCEPTION – RECEPTION TACITE - OPPOSABILITE AUX TIERS LÉSÉS - Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12410) – Publié au bulletin La décision : « Attendu…qu’ayant relevé que la clause contractuelle (prévue au contrat d’assurances Thelem) relative à la réception était valable et opposable à la victime, la cour d’appel en a exactement déduit que, les conditions d’une réception tacite, au sens de la clause du contrat, n’étant pas remplies, la société Thelem assurances n’était pas tenue de garantir les désordres » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt très « audacieux », la Cour de cassation approuve une cour d'appel d'avoir déclaré "valable et opposable à la victime" une clause contractuelle relative à la réception. Ce qui est étonnant, c'est qu'il s'agit non d’une clause du contrat d’entreprise entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur, mais d’une clause du contrat d’assurances, dans les relations contractuelles entre l’entreprise et son assureur. Ainsi, la définition même de la réception tacite retenue en l’espèce par le contrat d'assurance peut-elle apparemment être opposée à la victime par l’assureur et permettre le cas échéant à cet assureur (celui du responsable) d'échapper à la mobilisation de ses garanties. En effet, en fonction de la définition donnée à la notion de réception tacite, un ouvrage pourra être considéré comme réceptionné ou non, avec toutes les conséquences que cela emporte en termes de garantie. En l’espèce, le contrat prévoyait que la réception non écrite et tacite ne pouvait intervenir qu’avec la prise de possession de l’ouvrage mais également en l’absence de réclamation sur une période significative (soit la négation même de toute réception tacite avec réserves). Conseil pratique : Conseils aux assurés/intervenants à l’acte de construire : bien se préoccuper des clauses relatives à la réception que peuvent intégrer leur contrat d’assurance afin de parfaitement apprécier leur risque propre.

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Conseils aux Maître d’ouvrage et assureurs dommages ouvrage : si nécessaire, sur des opérations importantes, bien se préoccuper de faire une lecture attentive des contrats d’assurance des intervenants à l’acte de construire, notamment concernant la définition de la réception, afin d’apprécier la portée desdites définitions sur leurs éventuels recours à terme. RÉCEPTION TACITE – CONDITIONS – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-13734) – Publié au bulletin La décision : « Vu l’article 1792-6 du code civil ; Attendu qu’en vertu de ce texte, la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de le recevoir avec ou sans réserve ; Attendu que…Monsieur et Madame Y …ont après expertise assigné le mandataire liquidateur de la société Ovalise et de la société AVIVA en indemnisation de leur préjudice ; Attendu que, pour rejeter ces demandes, l’arrêt retient qu’une réception tacite peut être retenue si la preuve est rapportée d’une volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter l’ouvrage sans réserve ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence (voir déjà l’arrêt du 24 novembre 2016 en ce sens et celui plus récent du 30 janvier 2019) au terme de laquelle la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de le recevoir, avec ou sans réserve. Il s’agit d’un arrêt de cassation, avec la présence d’un « chapeau » énonçant le principe juridique dont la Haute Cour retient l’existence. Observations : Reste à savoir s’il faut nécessairement exiger, pour retenir une réception tacite, le paiement de la totalité des travaux. Le 30 janvier 2019, par un arrêt analysé par ailleurs ci-avant, la Cour de cassation avait visé le terme de « paiement intégral des travaux ».

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La notion d’intégralité n’est pas reprise en l’espèce. Etant précisé que par son arrêt du 24 novembre 2016, la Cour de cassation n’avait retenu que la nécessité du règlement de la « quasi-totalité » des travaux. Le débat reste donc ouvert. Par ailleurs, il ne s’agit, selon les termes mêmes employés par la Cour de cassation, que d’une présomption. Il parait donc possible de la combattre (la présomption n’étant pas a priori irréfragable). NOTION DE RÉCEPTION TACITE – APPLICATION - ERREMENTS DE LA COUR DE CASSATION – Cour de Cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (18-10412) – Non publié au bulletin La décision : « Mais attendu qu’ayant relevé que l’allégation d’un abandon de chantier et, de manière concomitante, la contestation systématique et continue de la qualité des travaux par le maître d’ouvrage, qui faisait douter de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, étaient un obstacle à une réception tacite, la cour d’appel,…, a légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation se montre peu inspirée sur la question de la réception tacite. La haute Cour a rappelé récemment (voir ci-avant) que la prise de possession et le paiement du marché constituaient les deux critères principaux d’appréciation de la réception tacite, critères dont la réunion fait présumer l’existence d’une réception tacite. Devant être rappelé que rien ne s’oppose à ce qu’une réception tacite soit prononcée avec réserves. En l’espèce, la Haute Cour considère qu’un abandon de chantier, couplé à la critique des travaux de l’entreprise par le maître d’ouvrage, autorisait la cour d’appel à ne pas prononcer une réception tacite. Il y a là erreur, car ce seul constat ne pouvait pas être suffisant. Lors d’un abandon de chantier, un maître d’ouvrage doit pouvoir réceptionner avec réserves les travaux de l’entreprise.

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En l’espèce, la Haute Cour aurait donc pu retenir une réception tacite avec réserves. L’abandon de chantier de l’entreprise et la critique des travaux par le maître d’ouvrage n’auraient pas dû faire obstacle à ce que soit retenue une réception tacite avec réserves. Portée : L’arrêt n’étant pas l’objet d’une publication au bulletin de la Cour de cassation, il faut cependant espérer qu’il constitue un simple arrêt d’espèce, à la portée mesurée (surtout eu égard aux autres décisions rendues en 2019 par la Cour de cassation sur cette question)

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ASSURANCES POLICE RC (Responsabilité Civile) - CLAUSE D’EXCLUSION - PRESTATION DE L’ASSURE - Cour de cassation arrêt du 14 février 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-11101) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l’article L 113-1 du code des assurances ; … Attendu que pour condamner les sociétés MMA à garantir, au titre de la police « responsabilité civile des entreprises du bâtiment », la société Antunes pour les condamnations mises à) sa charge, l’arrêt retient que la clause d’exclusion stipulée à l’article8-15 des conventions spéciales aux termes de laquelle le contrat ne couvre pas le coût de la réfection des travaux, de la mise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés qui ont été à l’origine des dommages contredit, en les vidant de leur substance, les stipulations de l’article 5-2 de la police aux termes duquel l’assureur garantir l’assuré pour les dommages matériels causés au maître de l’ouvrage lorsque ces dommages ont pour effet générateur une malfaçon dans les travaux exécutés et qu’ils surviennent après l’achèvement des travaux ; Qu’en statuant ainsi, alors que cette clause, claire et précise, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des malfaçons affectant les ouvrages ou travaux, est formelle et limitée, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : La Cour de cassation juge ici que la clause de la police RC (Responsabilité Civile) après réception, qui exclut (en simplifiant) le coût de la réfection des travaux réalisés par l’assuré (clause usuelle qui se retrouve dans la quasi-totalité des contrats RC sauf extension de garantie permettant finalement de couvrir de telles demandes), est bien formelle et limitée et ne vide pas la garantie prévue au contrat de sa substance. POLICE RC - CLAUSE D’EXCLUSION NON FORMELLE ET LIMITEE - PRESTATION DE L’ASSURÉ – Cour de cassation arrêt du 13 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-14817) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l’article L 113-1 du code des assurances ; Attendu que l’assureur répond des conséquences de fautes de l’assuré, sauf clause d’exclusion formelle et limitée contenue dans la police ;

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Attendu que, pour rejeter les demandes de l’association Eco-constructeurs de Vendreuvre et des maîtres d’ouvrage contre la MAAF, prise en sa qualité d’assureur responsabilité civile, l’arrêt retient que l’article 13 des conditions générales du contrat d’assurances « Multipro » souscrit auprès d’elle, qui exclut les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent, est claire, formelle, limitée et qu’elle laisse dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers ; QU’en statuant ainsi, alors que la clause précitée, susceptible d’interprétation, n’était pas formelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : En parfaite contradiction avec la décision précédente, la Cour de cassation considère ici qu’une une clause d’une police RC excluant des garanties, dans l’esprit, la prestation de l’assuré, comme étant non formelle et limitée, car trop sujette à interprétation. Après l’arrêt du 14 février 2019, ci-dessus évoqué, la Cour de cassation revient à ses errements, en refusant de valider ce type de clauses (voir dans le même sens l’arrêt du 27 octobre 2016 – pourvoi 15-23841 ou celui du 5 janvier 2017 – pourvoi 15-26089). Rien dans les moyens ne permet d’appréhender les raisons pour lesquelles la clause litigieuse était prétendument sujette à interprétation. POLICE RC - CLAUSE D’EXCLUSION – PRESTATION DE L’ASSURE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (18-21361) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 : Attendu que, pour rejeter les demandes formées par la société H…à l’encontre de la société AXA France au titre de la responsabilité contractuelle de droit commune, l’arrêt retient que la société F est responsable puisqu’il résulte de l’expertise judiciaire qu’elle a mal conçu et mal réalisé les travaux commandés, que cette responsabilité est garantie par la société AXA France aux termes d’un contrat d’assurance responsabilité civile de l’entreprise, que les conditions particulières du contrat stipulent l’exclusions de 33 dommages dont en page 11 : article 4.28 : le prix du travail effectué et/ou produit livré par l’assuré et/ou ses sous-traitants, article 4.29 : les frais engagés pour réparer, parachever ou refaire le travail, remplacer tout ou partie du produit, que la somme versée par la société H à son assuré et dont elle réclame le remboursement comprend les avaries ainsi que les frais d’analyse, de transport et d’entreposage, que ces quatre dépenses correspondent exactement aux dommages précisément exclus de la garantie du par AXA France, ce qui justifie la demande de mise hors de cause formée par celle-ci ;

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Qu’en statuant ainsi, alors que les dommages résultant du fonctionnement défectueux de l’ouvrage ou de l’équipement livré par la société F n’entraient pas dans le champ des exclusions stipulées aux articles 4.28 et 4.29 des conditions particulières, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la Haute Cour valide (ou plutôt ne sanctionne pas alors qu’elle y est confrontée) le type de clauses déjà évoqué ci-avant, tout en relevant néanmoins dans le cas d’espèce, que la Cour d’appel s’est fourvoyée en en faisant application aux chefs de demandes présentés (frais d’analyse et de transport notamment). POLICE RC - EXCLUSION DES DOMMAGES SUBIS PAR LES TRAVAUX ET OUVRAGE DE L'ASSURE (VALIDITE) - Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-22033) - Non publié au bulletin La décision : « Mais attendu qu'ayant relevé que l'assurance garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité que pouvait encourir l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice des activités professionnelles mentionnées aux conditions particulières du contrat, à l'exclusion des dommages matériels subis par les travaux, ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés par l'assuré, par les objets fournis et mis en œuvre par lui, ainsi que les frais et dépenses engagées pour la réparation de ces dommages, retenu que ces exclusions étaient définies de manière claire et précise et ne vidaient pas la garantie de sa substance et constaté que les dommages subis par le maître de l'ouvrage, objet d'indemnisations mises à la charge de l'assuré, concernaient des ouvrages que l'assuré devait réaliser en vertu des conventions souscrites, soit directement, soit en recourant à des sous-traitants, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que l'assureur pouvait dénier sa garantie » (REJET DU POURVOI) Explication : Dans le prolongement de l’arrêt du 19 septembre 2019 ci-dessus (et du 14 février 2019), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a de nouveau considéré comme claire et précise la clause d'exclusion se rapportant aux dommages subis par les travaux, ouvrages ou parties d'ouvrage exécutés par l'assuré. Elle a ainsi rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel qui avait mis hors de cause l'assureur. Le fait que les travaux aient par ailleurs en l'espèce été sous-traités par l'assuré (s’agissait-il dès lors vraiment d’une prestation exécutée par l’assuré) n'a pas eu de conséquences sur la décision de la Haute Cour.

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Portée des différentes décisions rendues en 2019 sur cette question : Il reste difficile de cerner la position de la Cour de cassation sur les clauses classiques en RC dites d’exclusion de la prestation de l’assuré. La Haute Cour « souffle le chaud et le froid », même si la tendance en 2019 reste plutôt à la validation desdites clauses (trois décisions favorables ci-avant contre une défavorable). La jurisprudence n’étant pas totalement stabilisée, les assureurs sont prévenus : en cas de pourvoi en cassation, l’issue du contentieux demeure aléatoire (avec néanmoins des chances assez importantes de succès). Il est regrettable cependant que la lecture attentive des arrêts rendus par la Cour de cassation ne conduise pas à dégager des critères qui permettraient de comprendre les raisons pour lesquelles les clauses sont tantôt validées, tantôt rejetées. L’insécurité juridique continue donc de sévir en la matière. POLICE RC – OPPOSABILITE D’UNE EXCLUSION - Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17058) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que Madame L. fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société SMA à l’indemniser en sa qualité d’assureur de la société Cotebat et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ; Mais attendu qu’ayant retenu qu’en produisant au maître de l’ouvrage son attestation d’assurance comportant les mêmes références que les conditions particulières et les conditions générales, la société Cotebat avait manifesté sa volonté de souscrire cette police avec toutes ses conditions d’application, notamment les clauses d’exclusion et de limitation de garantie contenues dans les conditions générales, la cour d’appel a pu en déduire…que la SMA était bien fondée à opposer l’exclusion de garantie concernant les dommages affectant les ouvrages exécutés par son assuré et a légalement justifié sa décision de ce chef » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation se prononce sur les conditions dans lesquelles une exclusion peut être opposée au tiers lésé. Concernant les exclusions prévues aux CG (Conditions Générales), la Cour de cassation a souvent dû rappeler que des CP (Conditions Particulières) non signées, même si elles renvoyaient à des conditions générales comprenant l’exclusion en discussion, ne faisaient pas la démonstration de la connaissance par l’assuré de l’exclusion prévue aux CG.

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Cela contraint les assureurs à se préoccuper de pouvoir produire en justice des CP signées. Ici, la Haute Cour accepte néanmoins de tenir le raisonnement suivant : l’attestation d’assurance produite visait un numéro de CG qui était le même que celui porté aux CG et mentionné aux CP (CP non signées) ; ladite attestation était produite par l’assuré ; ainsi, selon la Cour de cassation, l’assuré avait nécessairement manifesté son intention de souscrire à l’ensemble des termes prévus aux CG. Ainsi, à défaut de CP signées renvoyant aux CG comportant l’exclusion, l’assureur peut-il se « raccrocher » à une simple attestation d’assurance, si cette attestation vise les CG et si cette attestation a été produite par l’assuré ce qui constitue le signe de sa volonté manifeste de se soumettre aux CG. Ou comment l’assuré se retrouve finalement « trahi » par l’attestation d’assurances qu’il a produite. Autrement dit encore : Face à une exclusion légitime, l’absence de signature des CP sauve l’assuré (l’assureur ne pouvant échapper alors à ses garanties faute de pouvoir opposer l’exclusion) mais la production d’une attestation d’assurances visant les CG, attestation produite par l’assuré, sauve au contraire l’assureur (l’assureur pouvant à nouveau opposer l’exclusion en prétendant que l’assuré a nécessairement adhéré aux CG). A chacun sa « bouée ». On peut citer comme autre « bouée » pour l’assureur (non pour une exclusion cette fois mais pour la question de l’application des plafonds de garantie), le fait que des CG (produites par l’assuré et dont il se prévalait) renvoient aux CP concernant le montant des plafonds de garantie. L’assuré ne contestant pas avoir reçu les CG, qui renvoyaient aux CP, la Cour de cassation a jugé dans un tel cas d’espèce que les CP, même non signées, pouvaient lui être appliquées au titre des plafonds de garantie. ASSURANCE - CONDITIONS D’APPLICATION DE L’ARTICLE L 121-17 DU CODE DES ASSURANCES – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-13371) – Publié au bulletin La décision : « Vu l’article L 121-17 du code des assurances,

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Attendu que ce texte, issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dispose en son premier alinéa que, sauf dans le cas visé à l'article L. 121-16, les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement de cet immeuble, qu'il précise ensuite que toute clause contraire dans les contrats d'assurance est atteinte d'une nullité d'ordre public et prévoit, en son troisième alinéa, qu'un arrêté du maire prescrit les mesures de remise en état susmentionnées, dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au maire par l'assureur ou l'assuré ; Attendu, d'abord, qu'il ressort des travaux préparatoires et de l'insertion de ces dispositions dans le Titre II du Livre premier du code des assurances que le législateur a entendu les rendre applicables à l'ensemble des assurances de dommages ; Attendu, ensuite, que les termes mêmes de l'article susvisé conduisent à retenir que l'étendue de l'obligation d'affectation des indemnités d'assurance édictée par le premier alinéa est limitée au montant de ces indemnités nécessaire à la réalisation des mesures de remises en état prescrites, conformément au troisième, par un arrêté du maire ; Qu'il s'en déduit que pour obtenir la restitution de l'indemnité qu'il a versée, l'assureur doit établir que l'assuré n'a pas affecté celle-ci à la réalisation des mesures de remises en état définies par un arrêté du maire intervenu dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article susvisé ; Attendu que pour condamner M. S... à payer à l'assureur la somme de 76 933 euros incluant celle de 66 933 euros qu'il avait reçue au titre de l'indemnisation du premier sinistre, l'arrêt retient qu'il ne justifie pas avoir affecté, conformément aux dispositions de l'article L. 121-17 du code des assurances, l'indemnité d'assurance perçue à la remise en état effective de l'immeuble sinistré, que ce paiement de 66 933 euros est donc indu et que c'est à juste titre que le premier juge a estimé que M. S... devait restituer cette somme en application de l'article 1235 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; Qu'en statuant ainsi, sans constater que les travaux de remise en état que l'assureur reprochait à M. S... de ne pas avoir fait accomplir au moyen de l'indemnité versée au titre du premier sinistre avaient été prescrits par un arrêté intervenu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 121-17 du code des assurances, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Par un arrêt de la deuxième chambre civile du 18 avril 2019, la Cour de cassation revient sur les conditions d’application de l’article L 121-17 du code des assurances.

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Tout d’abord elle énonce clairement que cet article est applicable à l’ensemble des assurances de dommages, en ce compris donc les polices dommages ouvrages (confirmant une jurisprudence déjà établie). Puis, par un raisonnement surprenant, elle prétend que l’étendue de l’obligation d’affecter l’indemnité (à la reprise de l’ouvrage) est limitée au seul montant des mesures de remise en état prescrites par un arrêté du maire, tel que prévu au 3ème alinéa de cet article, arrêté qui doit intervenir dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au maire par l’assureur ou l’assuré. Réflexions : Il était loin d’être évident que l’alinéa 1 et 3 de l’article L 121-17 soient aussi étroitement liés. Cet arrêt va susciter à mon sens des questions : En matière d’assurance dommages ouvrage, l’assureur devra-t-il notifier le sinistre au maire et espérer une réaction dudit maire (ce qui n’aurait aucun sens) ? Le contenu de l’arrêté du maire et les conséquences à en tirer, même en matière de CAT NAT, vont également générer des interrogations. Cet arrêt de la Cour de cassation est destiné à son rapport annuel et nul doute donc qu’il est important et qu’il faudra être attentif à l’analyse qui en sera faite par la Haute Cour elle-même. ASSURANCE - CLAUSE LIMITATIVE DE GARANTIES - OBLIGATION DE CONSEIL DE L’ASSUREUR (LIMITE) – Cour de cassation arrêt du 17 janvier 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 17-26750) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que M. Z. et Mme Y. font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité de l'assureur, alors, selon le moyen …qu'il appartient à l'assureur, professionnel, de prouver qu'il a correctement exécuté son obligation de conseil et qu'il a ainsi expliqué aux assurés la portée des clauses d'exclusion de garantie, en vérifiant au préalable leurs besoins ; …

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Mais attendu qu'ayant constaté que M. Z. avait pris connaissance des conditions générales et particulières de la police lors de la souscription du contrat, que la clause litigieuse apportait une définition claire des limites de la garantie puis relevé que M. Z. et Mme Y. ne prouvaient pas avoir porté à la connaissance de l'assureur l'existence d'une collection de pièces en or et argent et qu'ils ne pouvaient reprocher à l'assureur de ne pas leur avoir conseillé d'assurer ces objets de valeur, ce qui aurait eu pour conséquence une augmentation de la prime et des sujétions particulières de sécurité du logement, la cour d'appel, faisant ressortir que l'absence de souscription de la garantie « objets de valeur » procédait d'un choix effectué en toute connaissance de cause, a pu en déduire que l'assureur n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil » (REJET DU POURVOI) Explication : Pour qu’un assuré puisse se prévaloir du défaut de conseil de son assureur face à une clause limitative de garantie, encore faut-il pour l’assuré prouver qu’il a porté à la connaissance de l’assureur des faits qui auraient pu lui permettre de remplir ledit devoir de conseil (ici la possession d’objets précieux). Réflexion et conseil : Le devoir de conseil d’un assureur peut être mis en avant par un assuré face à une clause limitative de garantie. L’assuré reproche alors à l’assureur de ne pas avoir attiré son attention sur les conséquences qu’une telle clause pourrait avoir à son égard. Cela doit inciter les assureurs à faire preuve de « pédagogie » dans la présentation qu’ils font à l’assuré de leurs exclusions ou de leurs limites de garantie. Néanmoins, si l’assuré peut se placer sur ce terrain du défaut de conseil pour tenter d’échapper à une non garantie le cas échéant certaine, encore faut-il qu’il démontre qu’il a informé l’assureur de tel ou tel fait qui aurait dû inciter ledit assureur à exercer son devoir de conseil. Il s’agit là d’un juste équilibre entre les devoirs de chacun dans les relations assureur/assuré.

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ASSURANCE - GARANTIE EFFONDREMENT EN COURS DE CHANTIER - ASSURANCE DE CHOSE (OUI) – Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12739) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que c'est sans violer le principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu qu'était seule susceptible d'être appelée l'assurance garantissant les dommages en cours de chantier, notamment en cas d'effondrement, laquelle était une assurance de chose, qui, garantissant au bénéfice exclusif de la société Créabois MB les dommages matériels subis en raison de l'effondrement de l'ouvrage avant réception, n'autorisait pas M. Y... à exercer l'action directe contre l'assureur » (REJET DU POURVOI) Explication : Par un arrêt du 4 avril 2019, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence au terme de laquelle, lorsque la garantie effondrement en cours de chantier a été souscrite par une entreprise et lorsqu'elle constitue une assurance de chose, l'action directe exercée par le Maître d'ouvrage contre l'assureur de cette entreprise n'est pas recevable (l’action directe se conçoit en effet contre un assureur de responsabilité). Conseil : Il est donc important pour le Maître d'ouvrage de vérifier le cas échéant, avant la signature du marché avec l’entreprise, si la garantie d'assurance de l'entrepreneur "effondrement avant réception" bénéficie ou non au seul entrepreneur. En tout état de cause, même si la clause litigieuse est qualifiée d'assurance de chose, au bénéfice le cas échéant du seul entrepreneur, et s'il y a carence de l'entrepreneur à mobiliser une telle garantie, demeure alors envisageable pour le maître de l’ouvrage, la voie non de l’action directe contre l’assureur, mais celle de l'action oblique tirée de l'article 1341-1 du code civil (« lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à sa personne »). POLICE MAF - MISSION NON DECLAREE - CONSEQUENCE : ABSENCE DE GARANTIE (OUI) – Cour de cassation arrêt du 27 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 17-28872) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que l'ASL et M. V. font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées à l'encontre de la MAF ; …

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Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance faisait obligation à l'adhérent de fournir à l'assureur la déclaration de l'ensemble des missions constituant son activité professionnelle, mentionnait que la déclaration de chaque mission renseignait l'assureur sur son étendue, sur l'identité de l'opération, sur le montant des travaux des honoraires, permettait à l'assureur d'apprécier le risque qu'il prenait en charge et constituait une condition de la garantie pour chaque mission et que l'article 5.22 disposait que toute omission ou déclaration inexacte d'une mission constituant l'activité professionnelle de la part de l'adhérent de bonne foi n'entraînait pas la nullité de l'assurance, mais, conformément à l'article L. 113-9 du code des assurance donnait droit à l'assureur, si elle était constatée après sinistre, de réduire l'indemnité en proportion des cotisations payées par rapport aux cotisations qui auraient été dues pour cette mission, si elle avait été complètement et exactement déclarée, et qu'en cas d'absence de déclaration, la réduction proportionnelle équivalait à une absence de garantie, la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas contesté que M. V... s'était abstenu de déclarer le chantier du Château de la Chaussade à son assureur, de sorte qu'il n'avait payé aucune cotisation pour ce risque, en a exactement déduit, sans dénaturation du contrat, que, dans une telle hypothèse, la réduction proportionnelle équivalait à une absence de garantie, selon une disposition, qui était conforme à la règle posée par l‘article L. 113-9 du code des assurances et qui ne constituait ni une exclusion ni une déchéance de garantie » (REJET DU POURVOI) Explication : La Cour de cassation examine la question relative aux conséquences de l'absence de déclaration d'une mission par un architecte, auprès de son assureur. Par référence aux termes précis de la police, elle considère dans cette espèce, qu'en application de l'article L 113-9 du code des assurances (Règle Proportionnelle dite RP), la MAF est en droit d'opposer à un architecte qui n'a pas déclaré une mission, une absence totale de garantie. Réflexions : La MAF s’est employée depuis plusieurs années à faire en sorte que les termes de sa police puissent conduire à une non garantie totale, même sur le terrain de la règle proportionnelle (RP) de l’article L 113-9 du code des assurances, et ce dans le cas d’une non déclaration de mission (la police impose en effet de déclarer chaque mission et si l’architecte omet une mission, l’application de la RP conduit selon la Cour à une non garantie totale). Une analyse fine des articles L 113-8 et L 113-9 du code des assurances serait nécessaire, mais à mon sens, la Haute Cour est très éloignée ici de l'esprit de l'article L 113-9 du code des assurances. Ce que déclare finalement l'architecte à son assureur, après une régularisation annuelle, c'est toujours un ensemble de missions.

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Ainsi, concernant l’application de la RP de l’article L 113-9 du code des assurances, il est tout à fait artificiel de raisonner mission par mission, comme a souhaité l’imposer la MAF et comme le fait la Cour de cassation en l’espèce. La jurisprudence de la Haute Cour est donc à mon sens critiquable. Conseil pratique : Pour les maîtres d’ouvrage et assureurs dommages ouvrage : toujours exiger des maîtres d’œuvre assurés auprès de la MAF (et des autres) une attestation spécifique concernant l’opération de construction envisagée. ACTIVITE DECLAREE – NOTION – Cour de cassation arrêt du 8 novembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 17-24488) – Publié au bulletin La décision : « Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 juin 2017), que la société Avilia,…, assurée en responsabilité civile et décennale auprès de la société Thelem assurances, a réalisé des travaux d'étanchéité horizontale dans plusieurs chantiers ; que, des désordres liés à l'infiltration d'eau étant apparus, la société Avilia a assigné en garantie la société Thelem assurances ; Attendu que la société Avilia fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande… Mais attendu qu'ayant retenu que la société Avilia avait souscrit une police garantissant ses responsabilités civile et décennale en déclarant l'activité n° 10 « Etanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon » et constaté qu'elle ne contestait pas avoir mis en oeuvre un procédé d'étanchéité Moplas sbs et non un procédé Paralon, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se prévaloir de la garantie de la société Thelem, peu important que les deux procédés eussent trait à l'étanchéité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI) Explication : La Cour de cassation rejette par cette décision le pourvoi formé, en approuvant la Cour d’appel d’avoir écarté la garantie de l’assureur, l’assuré ayant déclaré une activité d’étanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par un procédé, alors qu’un autre procédé a été utilisé dans l’affaire litigieuse. Portée : Après s’être montrée longtemps restrictive dans sa « compréhension » de l’activité garantie, la Cour de cassation change de cap.

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L’activité s’entend désormais d’une activité mais également d’une activité réalisée selon tel ou tel procédé. Le glissement s’opère donc doucement du défaut d’activité (ici étanchéité sur supports horizontaux) vers le défaut afférent aux conditions d’exercice de l’activité (étanchéité sur supports horizontaux seulement selon un certain type de procédé). ACTION DIRECTE – MARCHE PUBLIC – CONSEQUENCES – Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21931) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir soulevée contre toute demande de l'établissement public dirigée contre elle en sa qualité d'assureur de la société Eparco ; Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que, si l'article L. 124-3 du code des assurances accordait au tiers lésé un droit d'action à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable d'un dommage, la question de la responsabilité de la société Eparco relevait de la compétence exclusive de la juridiction administrative, la cour d'appel en a exactement déduit que la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa devait être rejetée et qu'il devait être sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif saisi en application de l'article 49 du code de procédure civile » (REJET) « Attendu que toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; Attendu que, pour poser une question préjudicielle à la juridiction administrative sur la prescription de l'action de l'établissement public contre la société Eparco et surseoir à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'établissement public contre la société Axa, l'arrêt retient que l'appréciation de l'acquisition éventuelle de la prescription de l'action directe contre l'assureur suppose préalablement tranchée la question de la prescription de l'action contre l'assuré et que cette question relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative ; Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire, seul compétent pour statuer sur l'action directe de la victime à l'encontre de l'assureur du responsable, est compétent pour statuer sur la prescription de cette action, quand bien même le juge administratif serait seul compétent pour statuer au fond sur la responsabilité de l'assuré, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION)

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Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle une jurisprudence constante, à savoir que l’examen de la responsabilité d’un locateur d’ouvrage dans le cadre d’un marché public relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative. Cet arrêt est riche d’enseignements cependant à plusieurs titres. Il confirme tout d’abord que le juge judiciaire, confronté à une demande présentée contre l’assureur au titre de l’action directe, doit surseoir à statuer, dans l’attente de l’issue de la procédure devant les juridictions administratives, sur la question de la responsabilité de l’assuré. Il précise ensuite cependant, que pour autant, le juge judiciaire peut tout à fait immédiatement se prononcer sur la question de l’éventuelle prescription de l’action directe exercée par la victime contre l’assureur du responsable, prescription qui relève de la compétence exclusive des juridictions judiciaires. Portée : Dans le cadre du procès judiciaire où s’exerce l’action directe, l’assureur doit solliciter un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure au fond devant les juridictions administratives. Mais il peut tout à fait, s’il dispose de cet argument, tenter d’échapper immédiatement à l’action, en faisant valoir que ladite action à son encontre est prescrite. Sur ce point, le juge judiciaire n’a pas à surseoir à statuer - ce qu’il fait pourtant souvent - d’où l’intérêt de cet arrêt. ACTION DIRECTE – MARCHE PUBLIC – CONSEQUENCES – Cour de cassation arrêt du 11 décembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-25441) – Publié au bulletin La décision : Par cet arrêt, dans le prolongement du précédent du 21 novembre 2019, la Cour de cassation rappelle que l’examen de la responsabilité d’un locateur d’ouvrage dans le cadre d’un marché public relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative. Précision : Cet arrêt parait apporter une précision : il faut attendre, pour le juge judiciaire, que le juge administratif se soit prononcé sur la responsabilité de l’assuré (voir l’arrêt ci-avant), pour pouvoir ensuite examiner l’action directe du tiers lésé contre l’assureur de responsabilité, sauf néanmoins reconnaissance par ledit assureur de la responsabilité de son assuré.

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ASSURANCE GENIE CIVILE – CLAUSE LIMITANT LES GARANTIES A L’ATTEINTE A LA SOLIDITE (OUI) – DELIMITATION DES OUVRAGES DE GENIE CIVIL GARANTIS PAR LA POLICE (OUI) - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21931) – Non publié au bulletin La décision : Vu l'article L. 241-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 8 juin 2005 ; Attendu que, selon ce texte, l'assurance obligatoire couvre toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1792 et suivants du code civil, à propos de travaux de bâtiment ; Attendu que pour dire que, en vertu de la police de "responsabilité décennale génie civil" dite "Genidec", la société Axa garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'entreprise Eparco a contribué, y compris si cet ouvrage présente des désordres qui le rendent impropre à sa destination, l'arrêt retient que tous les travaux qui constituent un ouvrage relèvent de la garantie décennale s'ils présentent de tels désordres, quand bien même il s'agirait de travaux de génie civil, de sorte que la clause limitative de garantie incluse dans le contrat d'assurance se heurte aux dispositions de l'article A. 243-1 du code des assurances et de ses annexes visant de manière exhaustive les exclusions de garantie; Qu'en statuant ainsi, alors que les travaux de génie civil ne sont pas couverts par l'assurance de construction obligatoire, de sorte qu'est valable la clause de définition du risque par laquelle l'assureur précise que le contrat n'a pas pour objet de garantir les dommages qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la construction faisait appel aux techniques des travaux de bâtiment, a violé le texte susvisé ; … Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis; Attendu que, pour juger que les travaux réalisés par la société Eparco relevaient de l'activité déclarée au titre de la police Genidec, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société avait bien déclaré son activité de fabricant et de travaux de génie civil conformément à l'article 6 du chapitre "délimitation des ouvrages génie civil" de l'annexe au contrat intégrant les ouvrages relatifs au captage, à la distribution et l'assainissement, à l'irrigation et à l'assèchement, que les travaux de génie civil litigieux se rapportaient à la fourniture et à l'installation d'une fosse septique et des éléments nécessaires à son fonctionnement et qu'ils correspondaient donc à l'activité déclarée ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 3 de la police "Genidec" prévoit que l'assurée bénéficie des garanties pour "les activités relatives à des ouvrages de génie civil : VRD collectifs, tels que définis à l'article 7 de l'annexe délimitation des ouvrages de génie civil", lequel ne mentionne pas les stations d'épuration, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette stipulation, a violé le principe susvisé » (CASSATION)

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Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme qu’en matière d’assurances RCD (Responsabilité Civile Décennale) génie civile, assurance non obligatoire, l’assureur a la faculté de limiter ses garanties à l’atteinte à la solidité, en excluant l’impropriété à destination. Elle confirme par ailleurs que lorsque la police d’assurance prévoit une délimitation des ouvrages de génie civil qui sont seuls garantis, les juges ne sauraient dénaturer cette délimitation, en étendant les garanties prévues à d’autres ouvrages. Conseils pratiques : Cette limitation à la seule atteinte à la solidité se retrouve fréquemment et doit inciter les maîtres d'ouvrage à être vigilants au moment de la passation des marchés (en vérifiant les conditions d’assurances des entreprises pressenties). Les assurés doivent par ailleurs avoir conscience de cette limitation et des risques qu’elle leur fait prendre, pour le cas échéant négocier une extension à l’impropriété à destination, si les risques sont trop grands. Il est impératif pour l’assuré qu’il vérifie par ailleurs que les travaux qu’il réalise correspondent bien le cas échéant à la liste des ouvrages de génie civil garantis telle que prévue à la police. RESILIATION DU CONTRAT POUR NON PAIEMENT DE PRIME – APPLICATION DE LA GARANTIE SUBSEQUENTE – Cour de cassation arrêt du 12 décembre 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-12762) – Publié au bulletin La décision : « Attendu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances, qui ne peuvent être modifiées par convention en application de l'article L. 111-2 du même code, que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres ; Que l'article L. 113-3 de ce code qui fixe les modalités dans lesquelles la garantie peut être suspendue et le contrat résilié en cas de non-paiement des primes ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 124-5 du code des assurances lorsque le fait engageant la responsabilité de l'assuré survient à une date à laquelle la garantie était en vigueur, peu important que la première réclamation n'ait été effectuée qu'après la résiliation du contrat, dans le délai de garantie subséquente ;

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Qu'ayant exactement relevé que l'article L. 124-5 du code des assurances étant d'ordre public, la clause de la police d'assurance selon laquelle la disposition de ce texte concernant la garantie pendant le délai subséquent n'était pas applicable en cas de résiliation pour non-paiement de la prime, était illicite et devait être réputée non-écrite, puis constaté que le fait dommageable était survenu le 17 avril 2007, que la résiliation du contrat d'assurances pour non-paiement de la prime, qui avait donné lieu à une vaine mise en demeure du 12 décembre 2007, était intervenue le 21 mai 2008 suivant lettre recommandée faite à cette date et que la première réclamation, formalisée par la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, était intervenue le 3 septembre 2010, dans le délai de cinq ans de la résiliation de ce contrat, la cour d'appel…en a à bon droit déduit que la garantie de la société Swiss Life était due » (REJET DU POURVOI) Explication : L’article L 124-5 du code des assurances ne peut pas être modifié par convention des parties. La garantie déclenchée par la réclamation couvre donc l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur, entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration. La police ne peut prévoir que la réclamation faite ainsi dans le délai de la subséquente, ne mobilisera pas les garanties, en cas de résiliation spécifique pour non-paiement de prime. GARANTIE DECENNALE – CONTENU – PREJUDICE IMMATERIEL – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-20181) – Non publié au bulletin La décision : « Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances ; Attendu que, pour condamner la société SMABTP, in solidum avec la société Building services, à payer à Mme M... une certain somme au titre des pertes locatives, l'arrêt retient qu'au titre de la garantie décennale, le constructeur est tenu de prendre en charge la réparation des dommages matériels et immatériels consécutifs aux désordres relevant de l'article 1792 du code civil et que, s'agissant d'une garantie légale, l'assureur décennal de la société Buiding services est tenu de garantie les dommages immatériels ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulations contraires, non invoquées en l'espèce, aux dommages immatériels, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (CASSATION)

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Explication : La Cour de cassation rappelle par cet arrêt une évidence depuis fort longtemps : l’assurance obligatoire rattachée à la garantie décennale ne couvre, sauf clause particulière du contrat d’assurances, que le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage (article L 241-1 et A 243-1 du code des assurances). Pour les dommages immatériels, il faut donc une garantie spécifique qui ne ressort pas de l’assurance obligatoire. Pour l’avoir méconnu ici, la cour d’appel est sanctionnée par la Cour de cassation. Conseil pratique : Les garanties d’assurances au titre des préjudices immatériels (consécutifs à des dommages de nature décennale) ne relèvent pas de l’assurance obligatoire. Dans le cadre d’une expertise judiciaire, il faut donc toujours s’interroger, en cas de préjudices immatériels envisageables (ou allégués), sur l’identité de l’assureur de l’éventuel responsable susceptible donc d’être concerné à terme par de telles demandes. Souvent, en effet, n’a été mis en cause au stade du référé, que l’assureur du responsable au moment de la DOC (déclaration d’ouverture de chantier). Il faut donc s’assurer que la police souscrite auprès de cet assureur n’a pas entre-temps été résiliée (car les polices sur le volet RC pour les préjudices immatériels sont en base réclamation la plupart du temps). Toutes ces questions doivent être appréhendées dès l’expertise judiciaire pour permettre la mise en cause de tous les assureurs susceptibles d’être concernés, en interrompant ainsi tous les délais de prescription. Une fois lesdits assureurs en cause, il faut s’assurer de la communication de leur police, pour appréhender ensuite l’étendue de leurs garanties, mais également leurs plafonds d’assurances. Tout cela permet à chacun d’apprécier sereinement son risque et d’ajuster sa stratégie judiciaire. Rappel : Parfois, les parties ne se posent pas les questions précitées, entretenues dans l’illusion qu’elles ne se posent pas, en l’absence de préjudices immatériels. Mais attention, des préjudices matériels cachent parfois des préjudices en fait immatériels.

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Une jurisprudence constante considère en effet que la construction d’un bâtiment tampon ou provisoire ne s’analyse pas en un préjudice matériel, si son seul objet est d’éviter des préjudices immatériels. Il en est de même des surcoûts de travaux, surcoûts exposés pour éviter des préjudices immatériels (tels les surcoûts pour travaux de nuit pour éviter des pertes d’exploitation). Dès lors, il faut être vigilant sur la mise en cause des assureurs concernés par les préjudices immatériels, même si apparemment aucun préjudice immatériel ne parait réclamé en première analyse.

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PRESCRIPTION

PRESCRIPTION BIENNALE - OBLIGATION DE L’ASSUREUR - CHARGE DE LA PREUVE – Cour de cassation arrêt du 18 avril 2019 – 2ème chambre civile (18-13938) – Publié au bulletin La décision : « Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article L 114-1 et l'article R. 112-1, dans sa rédaction applicable au litige, du code des assurances ; Attendu qu'aux termes du dernier texte les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance ; qu'il incombe à l'assureur de prouver qu'il a satisfait à ces dispositions, dont l'inobservation est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par le deuxième texte ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. N. et Mme E. ont acquis le 22 octobre 2013 un immeuble assuré auprès de la société MACIF Sud-Ouest Pyrénées (l'assureur) ; que, soutenant que cet immeuble était affecté de fissures qui avaient été aggravées par un phénomène de sécheresse visé par un arrêté du 11 juillet 2012 portant reconnaissance d'un état de catastrophe naturelle, ils ont assigné l'assureur en indemnisation de ce sinistre qui avait été déclaré le 26 février 2013 par les vendeurs de l'immeuble ; que l'assureur leur a opposé la prescription de leur action ; Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite, l'action de M. N. et Mme E., l'arrêt retient que, s'ils se prévalent du non-respect par l'assureur de l'article R. 112-1 du code des assurances, ils ne produisent pas la police souscrite et qu'ainsi la cour d'appel n'est pas en mesure de vérifier la conformité ou non-conformité de celle-ci à ces dispositions ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne va pas se « réconcilier » avec les assureurs concernant les conditions dans lesquelles opposer la prescription biennale tirée de l’article L 114-1 du code des assurances Elle retient en effet qu’il incombe à l’assureur de prouver qu’il a satisfait à l’obligation qui lui a été faite de rappeler certaines dispositions de la partie législative du code des assurances en rapport avec cette prescription. A partir du moment où l’on considère qu’il s’agit d’une obligation de l’assureur d’informer son assuré, il n’est pas inadapté que ce soit sur l’assureur que pèse la charge de la preuve qu’il a accompli son obligation. Cependant, les assureurs auraient tout intérêt à anticiper la portée de cette décision.

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Conseil : Il y a nécessité pour l’assureur de conserver copie des conditions générales informant l’assuré sur la question de la prescription biennale et surtout il y a nécessité pour l’assureur d’être en mesure de démontrer que ces conditions générales ont bien été transmises à l’assuré, par mention par exemple desdites conditions générales, aux conditions particulières. Ces dernières devront par ailleurs être signées. A défaut, il est à craindre que cette jurisprudence de la Cour de cassation sur la charge de la preuve ne constitue une nouvelle brèche, rendant inapplicable, dans de nombreux cas, la prescription biennale de l’article L 114-1 du code des assurances (et ce malgré la mise à jour des polices pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le fondement de l’article R 112-1 du code des assurances). PRESCRIPTION BIENNALE INOPPOSABLE - PRESCRIPTION DE DROIT COMMUN (NON) - Cour de cassation arrêt du 21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-28021) – Publié au bulletin La décision : « Attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun et relevé que, par délibération du 14 décembre 2013, le syndicat des copropriétaires avait habilité son syndic à agir au titre des désordres affectant les seuils des portes-fenêtres, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande formée de ce chef contre les assureurs dommages-ouvrage était recevable » (REJET DU POURVOI) Explication : La Cour de cassation retient que la prescription de droit commun ne peut être opposée par l’assureur à son assuré, pour palier le caractère irrecevable de la prescription tirée de l’article L 114-1 du code des assurances, du fait du non-respect de l’article R 112-1 du même code. Réflexions : L’action de l’assuré contre son assureur serait-elle dès lors imprescriptible ? C’est ce que laisse penser la Cour de cassation car, lorsque la prescription courte de deux ans de l’article L 114-1 du code des assurances est jugée inopposable à l’assuré, la prescription de droit commun ne prend pas pour autant le relai.

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Il est néanmoins loisible de penser que cette question se posera de moins en moins, les assureurs ayant fini par adapter leurs polices d’assurances aux nouvelles contraintes posées par la Cour de cassation. Il leur restera cependant à réussir à démontrer avoir satisfait aux exigences de l’article R 112-1 du code des assurances et de la Cour de cassation puisque c’est sur eux que pèse la charge d’une telle preuve (voir l’arrêt ci-avant). PRESCRIPTION – EFFET ERGA OMNES – HABILITATION DU SYNDIC - Cour de Cassation arrêt du 21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-28021) – Publié au bulletin La décision : « Vu l'article 2270, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 55 du décret du 17 mars 1967 ; Attendu que, pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires au titre du désordre affectant les seuils des portes-fenêtres contre la société Axa et la condamner à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient que l'habilitation initiale, donnée au syndic le 13 avril 2002, ne faisait pas état de ce désordre, mais que la résolution votée lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2013, réitérant la première habilitation et la complétant, avait permis de régulariser postérieurement la procédure diligentée par le syndicat des copropriétaires ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la régularisation de l'habilitation du syndic était intervenue avant l'expiration du délai décennal pour agir sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; … Vu les articles 2244 et 2270 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ; Attendu que, pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires au titre du désordre affectant les seuils des portes-fenêtres contre le Gan et la société Allianz et les condamner à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient que l'effet interruptif de l'assignation en référé délivrée par le syndicat des copropriétaires aux assureurs dommages-ouvrage et de l'assignation en extension des mesures d'instruction délivrée par ceux-ci aux intervenants à la construction et à leurs assureurs, lesquelles tendent aux mêmes fins et au même but, doit s'étendre à toutes les parties assignées en extension des opérations d'expertise ;

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Qu'en statuant ainsi, alors que, pour être interruptive de prescription, l'assignation doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire et que celle délivrée par l'assureur dommages-ouvrage aux intervenants à la construction et à leurs assureurs n'est pas interruptive de prescription au profit du maître de l'ouvrage qui n'a assigné en référé expertise que l'assureur dommages-ouvrage, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (CASSATION) Explication : Cet arrêt est riche à plusieurs titres : - La Cour de cassation rappelle d’abord que l'habilitation du syndic doit bien intervenir antérieurement à l'expiration du délai de la garantie décennale. - Sous l'empire de l'ancien article 2244 du code civil, la Cour de cassation maintient ensuite l'absence d'effet interruptif « erga omnes » des délais de prescription. Réflexion : Concernant le premier enseignement de cette décision, il reste à déterminer ce qu’il en adviendra avec la réforme intervenue à ce titre en 2019 (réforme concernant la portée du défaut d’habilitation). Conseil : En matière de prescription, eu égard à la position actuelle de la Cour de cassation (absence d’effet « erga omnes » des actes interruptifs) et en tout état de cause, pour éviter toute mauvaise surprise : il faut interrompre pour soi-même et ne jamais compter sur les autres. Conseil supplémentaire : En référé, il faut toujours être à l’origine des mises en cause concernant les parties contre lesquelles on a intérêt de voir interrompre la prescription. A défaut, il faut être vigilant sur les délais de prescription et ne pas hésiter à introduire une action au fond interruptive en sollicitant un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise. La précaution a un coût (celui de l’introduction en référé ou au fond d’une action ou celui des éventuelles demandes à terme au titre des frais irrépétibles si les mis en cause au fond ne sont finalement pas responsables) mais il n’est rien à côté du coût de la prescription de son recours contre la partie qui s’avèrera peut-être être la responsable du sinistre.

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ARTICLE 2239 DU CODE CIVIL - SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION (NON) – Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19611 et 18-20550) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que, pour juger recevable la demande en nullité du contrat, l'arrêt retient qu'il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription, prévue par l'article 2239 du code civil, et que l'expertise sollicitée en référé est utile à l'appréciation de la demande en nullité du contrat, les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction ; Qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'expertise en référé sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons ne tendait pas au même but que la demande d'annulation du contrat de construction, de sorte que la mesure d'instruction ordonnée n'a pas suspendu la prescription de l'action en annulation du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication et réflexions : Une nouvelle fois, la Cour de cassation poursuit son travail de "destruction" de l'article 2239 du code civil concernant l'utilité que pouvait revêtir la suspension de la prescription prévue à cet article, suspension déclenchée lorsqu'il est fait droit à une mesure d'instruction avant tout procès. Alors que les termes de cet article sont très généraux, la Cour de cassation, par un arrêt de principe et de cassation, décide que la prescription de l'action introduite au fond, dans le prolongement de l'expertise, en annulation du contrat et subsidiairement en résolution ou réparation des désordres, n’a pas été interrompu par l’assignation initiale en référé. Elle considère en effet que la demande d'expertise en référé n'a porté que sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons et que cela ne traduit pas le même but que la demande ultérieure présentée en annulation du contrat de construction (alors même que la Cour d'appel avait pourtant mis en exergue que l'expertise judiciaire avait été utile à l'appréciation de la demande en nullité). Cette position apparait sévère et elle va contraindre les demandeurs à une expertise à une grande vigilance sur le contenu de leur assignation et la finalité qu'ils associent à la demande qu'ils présentent, et ce dès le stade du référé.

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DELAI DE FORCLUSION - ARTICLE 1648 ALINEA 2 DU CODE CIVIL- INTERRUPTION - NON INTERVERSION – Cour de cassation arrêt du 11 juillet 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17856) – Publié au bulletin La décision : « Vu l'article 1648 du code civil, dans sa version applicable au litige ; … Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion invoquée par la société Berim et la SCI et les condamner à payer certaines sommes à M. et Mme P., l'arrêt retient que la livraison de la maison a eu lieu le 14 décembre 2007, avec réserves, que M. et Mme P. ont assigné en référé le vendeur dans le délai de l'article 1648, alinéa 2, du code civil pour les vices et non-conformités apparents, que l'ordonnance du 11 mars 2008 a reconnu le droit de M. et Mme P... d'obtenir réparation des désordres énumérés, que les droits constatés par une décision de justice se prescrivent par le délai de dix années à compter de celle-ci, que l'ordonnance de référé a eu un effet non seulement interruptif de forclusion, mais également interversif du délai qui a été à son tour interrompu par l'assignation en référé-expertise, de sorte que l'action intentée par M. et Mme P. est recevable ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'à la suite de l'ordonnance de référé du 11 mars 2008 ayant interrompu le délai de forclusion courant depuis la livraison de la maison le 14 décembre 2007, un nouveau délai d'un an avait couru à compter de cette interruption, lui-même interrompu par l'ordonnance de référé du 3 mars 2009 ordonnant une expertise, décision à compter de laquelle un nouveau délai d'un an avait couru, de sorte qu'en n'assignant au fond le vendeur en l'état futur d'achèvement que le 15 juillet 2011, soit plus d'un an après l'ordonnance du 3 mars 2009, M. et Mme P. étaient irrecevables comme forclos en leur action, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : S'agissant des délais de forclusion prévus à l’article 1648 du code civil, la jurisprudence faisait avant une distinction. Une fois le délai interrompu, concernant l’alinéa 1 et s’agissant du bref délai de l'action en garantie des vices cachés (avant que le délai ne soit fixé à deux ans), la Cour de cassation considérait qu'il y avait lieu à interversion dudit délai et qu'une fois interrompu, c'était le délai de droit commun (souvent de 10 ans) qui commençait alors à courir.

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Concernant l'alinéa 2 et le délai de forclusion d'un an pour les vices ou défauts de conformité apparents, il était au contraire jugé qu'il n'y avait pas lieu à interversion, le nouveau délai commençant à courir après l'interruption restant de 1 an. Par cet arrêt du 11 juillet 2019, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence concernant l'alinéa 2. Il n'y a pas lieu à interversion. Il pourrait désormais en être de même concernant l'action en garantie des vices cachés, puisqu'un délai précis de deux ans a été substitué au bref délai. L'interversion se justifie donc moins (avant, la notion de bref délai étant sujette à appréciation subjective, il pouvait apparaître opportun une fois le bref délai une première fois interrompu de lui substituer le délai objectif de droit commun). Le fait que la Cour de cassation se prononce au visa de l'article 1648 sans distinguer ses alinéas est peut-être un indice en ce sens. Il lui appartiendra un jour, lorsque cela lui sera directement soumis, de répondre à cette question. DELAI DE PRECRIPTION – ARTICLE L 110-4 DU CODE DE COMMERCE – Cour de cassation arrêt du 6 novembre 2019 – 1ère chambre civile (pourvoi 18-21481) – Non publié au bulletin La décision : « Vu les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 20 décembre 2009, M. K... (l'acquéreur) a acquis auprès d'un particulier un véhicule d'occasion de marque Mercedes-Benz (le fabricant), qui avait été vendu neuf, le 20 décembre 2005, par la société Savib 36 (SAS),concessionnaire de la marque (le revendeur) ; que le véhicule ayant subi une panne le 30 avril 2011 et une expertise ayant conclu à un vice de fabrication du moteur nécessitant son remplacement, M. K... a, le 17 février 2012, assigné le revendeur en réparation de son préjudice, sur le fondement de la garantie des vices cachés, puis, le 8 juillet 2013, a appelé en intervention forcée le fabricant ; que le revendeur a demandé à être garanti par ce dernier ;

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Attendu que, pour déclarer non prescrite la demande formée contre le fabricant, l'arrêt retient que, si le point de départ du délai de prescription de droit commun de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce court, à l'égard du revendeur, à compter de la date de la vente initiale intervenue, soit à compter du 20 décembre 2005, la date de la vente initiale ne peut être opposée au sous-acquéreur lorsque celui-ci agit à l'encontre du vendeur initial ou de son assureur ; qu'il en déduit que l'acquéreur, ayant agi en garantie des vices cachés dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, et mis en cause le fabricant, par assignation du 8 juillet 2013, son action contre ce dernier est recevable comme la demande de garantie formée contre celui-ci par le revendeur ; Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de la prescription extinctive prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce, modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dans lequel est enfermée l'action en garantie des vices cachés, avait couru à compter de la vente initiale, intervenue le 20 décembre 2005 et qu'en application des dispositions transitoires de cette loi, ce délai avait expiré le 19 juin 2013, de sorte que le fabricant ayant été assigné le 8 juillet 2013, la prescription était acquise à cette date, ce qui rendait irrecevables les demandes dirigées contre celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la 1ère chambre civile confirme la jurisprudence qui est la sienne, avec la chambre commerciale de la Cour de cassation, jurisprudence au terme de laquelle l’action en garantie des vices cachés est enfermée selon elle dans un double délai :

- Délai de forclusion de deux ans à compter de la connaissance du vice. - Délai de prescription de cinq ans à compter de la vente conclue.

Précision importante : Cette jurisprudence n’est pas celle de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation qui le 6 décembre 2018 a précisé de son côté au contraire que la prescription de l’action de l’entrepreneur contre le fabricant court à compter de l’assignation délivrée contre l’entrepreneur (et non à compter de la vente). Dans l’attente d’une intervention de l’assemblée plénière, il parait opportun de s’en tenir à la jurisprudence la plus stricte (celle de la première chambre et de la chambre commerciale). Sauf à prendre le risque de s’exposer à la prescription de son action, en fonction de la chambre de la Cour de cassation qui aura à connaître de son litige.

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PRESCRIPTION/FORCLUSION – SUSPENSION – DEMANDE D’EXPERTISE – Cour de cassation

arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-15833) – Non publié au

bulletin

La décision :

« Vu les articles 2239 et 2241 du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Axa au paiement de différentes sommes au syndicat

des copropriétaires et aux copropriétaires, l'arrêt retient que, si leur action contre la société

Axa devait être exercée avant le 17 juillet 2013, elle n'était pas prescrite à la date de

l'assignation au fond de la société d'assurance, le délai de prescription ayant été suspendu

entre la date de l'ordonnance de référé étendant l'expertise judiciaire à la société d'assurance

et la fin du délai de six mois suivant le dépôt du rapport d'expertise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour être interruptive de prescription, une demande en

justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire et que la suspension de

la prescription résultant de la mise en œuvre d'une mesure d'instruction n'est pas applicable

au délai de forclusion de la garantie décennale, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

(CASSATION)

Explication :

Au visa des articles 2239 et 2241 du code civil, la Cour de cassation rappelle :

- Que pour être interruptive de prescription l’action doit être dirigée contre celui

contre lequel on veut empêcher de prescrire (rappel de l’absence d’effet « erga

omnes » d’une assignation).

- Que la suspension du délai de prescription par la mise en œuvre d’une mesure

d’expertise n’est pas applicable au délai de forclusion.

Précisions :

Concernant l’effet « erga omnes », il faut relever à titre d’exemple que le Maître d’ouvrage

ne profite pas des actes interruptifs délivrés par l’assureur dommages ouvrage notamment

(Cour de cassation 21 mars 2019).

Il faut rappeler également que la jurisprudence a déjà jugé qu’assigner un assureur au titre

d’une police n’emporte pas interruption de la prescription à son égard s’agissant d’une

autre police (Cour de cassation 29 mars 2018).

Concernant la suspension du délai de prescription qui ne s’étend pas au délai de forclusion,

la Cour de cassation maintient le raisonnement qu’elle tenait avant l’introduction de la

suspension du délai par un référé expertise.

Cependant, ce faisant, elle prive cette suspension de son intérêt le plus important, qui était

d’interrompre le délai de la garantie décennale.

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En effet, ce délai est un délai de forclusion et non de prescription.

L’introduction de ce nouveau cas de suspension avait pour objet, notamment dans le

domaine de la construction, d’éviter que des actions ne se retrouvent prescrites notamment

du fait de la longueur des opérations d’expertise.

Force est de constater que l’objectif n’est pas atteint et que la Cour de cassation, souvent

audacieuse lorsqu’il ne le faudrait pas, ne l’a pas été alors que c’eut été opportun.

Conseils pratiques :

- Toujours préférer être à l’initiative des mises en cause en référé (cela interrompt la

prescription alors que si d’autres le font, cela sera sans incidence).

- Toujours assigner en ordonnance commune un assureur déjà présent en une autre

qualité, et ce même s’il intervient déjà sur une autre police et même s’il accepte

d’intervenir volontairement à l’expertise.

Car attention, l’intervention volontaire n’a pas d’effet interruptif, ainsi que l’a déjà

jugé la Cour de cassation.

- Ne pas hésiter à assigner au fond dans l’attente du dépôt du rapport pour sécuriser

ses recours.

PRESCRIPTION/FORCLUSION – SUSPENSION – DEMANDE D’EXPERTISE – Cour de cassation

arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17138) – Non publié au

bulletin

La décision :

« Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février

2016, et 2262 ancien du code civil ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action en responsabilité contractuelle de M. et Mme

B. contre les architectes pour les défauts d'isolation thermique, l'arrêt retient que cette

action se prescrit par trente ans en application de l'article 2262 du code civil et que ce délai

n'est pas écoulé depuis l'exécution des missions de maîtrise d'œuvre confiées à M. C. et M. E.

;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité contractuelle contre les

constructeurs pour les désordres affectant un ouvrage se prescrit par dix ans à compter de la

réception et que M. C... et M. E... contestaient que les défauts d'isolation thermique eussent

été mentionnés dans un acte interruptif de prescription délivré dans le délai décennal, la cour

d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés » (CASSATION)

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Explication :

L’action en responsabilité contre un constructeur après réception, hors responsabilité

civile décennale, se prescrit par dix ans à compter de la réception, l’article 1792-4-3 du

code civil (qui vise la réception et le délai de dix pour les actions contre les constructeurs)

prévalant les textes de droit commun.

La décision a également le mérite de rappeler que l’acte n’a un effet interruptif que pour les

désordres mentionnés dans l’assignation.

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PROCEDURE

PROCEDURE - PEREMPTION ET DILIGENCES EN EXPERTISE - Cour de cassation arrêt du 11 avril 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-14223) – Publié au bulletin La décision : « Vu l'article 386 du code de procédure civile ; Attendu que l'instance en référé prenant fin avec la désignation de l'expert et l'instance au fond n'étant pas la continuation de l'instance en référé, les diligences accomplies à l'occasion des opérations d'expertise, dès lors qu'elles ne font pas partie de l'instance au fond, ne sont pas susceptibles d'interrompre le délai de péremption » (CASSATION) Explication : Il s’agit d’un rappel par la Cour de cassation du principe selon lequel les diligences accomplies lors d'une expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés ne sont pas susceptibles d'interrompre le délai de péremption de la procédure au fond introduite dans le cadre du même litige. Réflexion : Il s'agit d'une lecture "stricte" de l'article 386 du CPC. Pour autant, dans l'esprit, n'y a-t-il pas une volonté de poursuivre à terme une procédure au fond que l'on a introduit en se référant à une expertise judiciaire en cours, lorsque l'on adresse un dire à l'Expert judiciaire. A l'évidence, la réponse est affirmative. Mais la Cour de cassation s'en tient à une interprétation littérale du texte et invite ainsi indirectement les parties à solliciter immédiatement un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise lorsqu'elles assignent au fond. Conseil pratique : Ne pas jamais laisser une instance au fond pendante alors que l’expertise est en cours, sans solliciter un sursis à statuer. Contrairement aux idées reçues, deux années sans diligences peuvent passer très vite et réduire à néant l’interruption de prescription que le demandeur avait provoquée en assignant au fond souvent avant le terme de l’expertise.

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RAPPORT D'EXPERTISE DE L'UNE DES PARTIES - VALEUR PROBANTE – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-16262) – Non publié au bulletin La décision : "Attendu que pour se prononcer comme il le fait, l'arrêt écarte la force probante du rapport établi non contradictoirement...en retenant que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce...versée au débat, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'avait également été versé aux débats un rapport du cabinet E, mandaté par l'assureur, la Cour d'appel a violé le texte susvisé (a.16 du CPC)" (CASSATION) Explication : Par un arrêt du 23 mai 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur la valeur probante d'un rapport non contradictoire émanant de l'une des parties. Portée : A lire entre les lignes, la Cour de cassation ne reproche pas à la Cour d'appel d'avoir écarté un rapport non contradictoire mais de l'avoir fait, alors qu'elle disposait également d'éléments émanant de l'autre partie et qu'elle était donc en mesure de trancher. Ce qui parait signifier, par une sorte de raisonnement a contrario, qu'une juridiction ne peut se fonder exclusivement sur un rapport non contradictoire. RAPPORT D'EXPERTISE EMANANT D'UNE PARTIE - VALEUR PROBANTE – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 18-12687) - Non publié au bulletin La décision : « Qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise non judiciaire réalisé à la demande de l'assureur pour retenir l'existence d'une fausse déclaration sur la cause du sinistre, sans constater que ce rapport était corroboré par d'autres éléments de preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Dans le prolongement de l’arrêt précédent du 23 mai, la Cour de cassation retient à nouveau qu'un juge ne peut se fonder sur un rapport d’expertise non judiciaire réalisé à la demande d’une partie (ici l’assureur) sans constater que ce rapport est corroboré par d’autres éléments de preuve. Un simple rapport unilatéral et non contradictoire ne suffit donc pas.

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DECENNALE

DOMMAGE DÉCENNALE - APPRÉCIATION STRICTE – EXEMPLE - Cour de cassation arrêt du 21 mars 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-30947) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que la société Raimond fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes au syndicat des copropriétaires en réparation des désordres et en indemnisation d'un préjudice esthétique ; Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, sans dénaturation du rapport d'expertise, que les désordres se manifestaient par des traces de couleur noirâtre et des auréoles sur les murs extérieurs de l'immeuble et qu'aucune infiltration à l'intérieur des appartements ni aucune corrosion ou dégradation du béton n'avait été constatée lors des opérations d'expertise menées plus de dix ans après la réception ni n'avait été dénoncée par le syndicat des copropriétaires dans le délai d'épreuve, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt du 21 mars 2019, la Cour de cassation approuve une Cour d’appel d’avoir écarté le caractère décennal des désordres en présence de traces noirâtres et d’auréoles sur les murs de l’immeuble, aucune infiltration n’ayant été constaté dans le délai de dix ans et aucune trace de corrosion ou dégradation du béton n’ayant été relevées Portée : La décision est intéressante car sa lecture met en exergue que l’expert judiciaire avait relevé de nombreuses non conformités. La Cour de cassation approuve cependant la Cour d’appel pour son appréciation stricte du caractère décennal d’un désordre, toute non-conformité n’étant pas susceptible de constituer un dommage dit de nature décennale. C’est une saine lecture des articles 1792 et suivants du code civil. Mais l’entreprise se retrouve alors dans cette hypothèse seule tenue au titre de sa responsabilité contractuelle (qui suppose néanmoins la démonstration de sa faute). Ce qui met en exergue qu’à défaut de garanties complémentaires, l’assuré et l’assureur peuvent se retrouver à envisager en expertise judiciaire voire au fond des stratégies diamétralement opposées

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NORMES PARASISMIQUES - GARANTIE DECENNALE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-16986) – Publié au bulletin La décision : « Attendu qu'ayant relevé que le décret du 14 mai 1991, modifié par celui du 13 septembre 2000 rendait les normes parasismiques applicables aux modifications importantes des structures des bâtiments existants et constaté que les travaux réalisés par la SCI avaient apporté de telles modifications, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que ces normes devaient s'appliquer, a légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI)

Explication : Le décret du 14 mai 1991 modifié par celui du 13 septembre 2000 rend les normes parasismiques applicables aux modifications importantes des structures des bâtiments. Après avoir constaté en l’espèce que la Cour d’appel avait relevé de telles modifications importantes, la Cour de cassation l’approuve d’avoir retenu en l’espèce le caractère décennal des désordres. Ainsi, si des travaux sur existant contribuent à une modification importante des structures du bâtiment, ils se doivent de respecter les règles parasismiques. Rappel : Comme pour toutes les règles de sécurité (notamment celles également relatives aux normes incendie), la survenance du sinistre n’est pas exigée par la Cour de cassation pour retenir le caractère décennale (Cour de cassation du 7 octobre 2009 notamment). Le non-respect des normes incendie comme des normes sismiques et la non-conformité que ce non-respect génère peut conduire à voir retenu le caractère décennal alors même que le sinistre ne se sera pas produit. Car intrinsèquement, le risque de destruction du bâtiment en cas d’incendie ou de tremblement de terre constitue déjà un dommage (le cas échéant de nature décennale). Il faut rappeler également que la situation s’apprécie au regard de la norme en vigueur à la délivrance du permis de construire. Enfin, il faut rappeler encore que la Cour de cassation a récemment paru considérer (arrêt du 5 juillet 2018 notamment) qu’il n’y avait pas d’automaticité cependant et qu’il fallait donc démontrer pour le demandeur en quoi l’atteinte à la norme parasismique portait atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendait impropre à sa destination (longtemps la Cour de cassation a paru automatiquement faire d’une non-conformité en matière de sécurité un désordre de nature décennale).

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DOMMAGE ESTHETIQUE – GARANTIE DECECENNALE (NON) – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19353) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que la société Amis Plouescat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives aux désordres affectant les façades ; Mais attendu qu'ayant relevé que les fissures infiltrantes avaient donné lieu à indemnisation du maître de l'ouvrage et retenu que les fissures non infiltrantes, les décollements de peinture et la dégradation du ragréage n'affectaient ni l'étanchéité ni la solidité de l'immeuble et que, si l'état extérieur de celui-ci portait atteinte à l'image de l'hôtel, il ne le rendait pas impropre à sa destination en l'absence de toute menace pour la classification de l'hôtel, de caractère particulier de l'immeuble ou de protection du site dans lequel il était implanté, la cour d'appel en a souverainement déduit que les désordres hors fissures infiltrantes n'étaient pas de nature à permettre la mise en jeu de la garantie décennale et que la demande de la société Amis Plouescat formée sur ce fondement devait être rejetée » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt du 19 septembre 2019, la Cour de cassation a rendu une décision intéressante en rapport avec les dommages dits de nature esthétique et leur articulation avec la garantie décennale des constructeurs. Dans le prolongement de l'arrêt de principe qu'elle avait rendu le 4 avril 2013, la Cour de cassation confirme qu'un dommage de nature esthétique peut, à certaines conditions, être retenu comme rendant l'ouvrage impropre à sa destination. Elle semble néanmoins assouplir les conditions qu'elle avait préalablement posées pour accueillir, comme étant de nature décennale, un tel dommage, approuvant la Cour d'appel de ne s'être s'interrogée que sur la situation particulière de l'immeuble. Dans la présente affaire, la Cour de cassation, s'agissant d'un hôtel, approuve la Cour d'appel d'avoir déduit des faits, qu'il n'y avait pas en l'espèce impropriété à destination, la présence de fissures de nature non infiltrante n'étant pas à même de faire perdre à l'hôtel sa classification d'hôtel 3 étoiles. Complément : Pour une analyse exhaustive, rendez-vous sur le site legabat.com

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ELEMENT D'EQUIPEMENT - IMPROPRIETE A DESTINATION – Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-18318) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que, pour rejeter les demandes au titre des désordres affectant l'installation de ventilation, l'arrêt retient que le rapport d'expertise n'établit pas que le démontage ou le remplacement des installations ne pourrait pas s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert de l'ouvrage principal et que cette installation ne peut pour ces motifs être regardée constituant les éléments d'équipement mentionnés à l'article 1792-2 du code civil ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les désordres affectant l'installation de ventilation ne rendaient pas l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu'un élément d'équipement, mis en œuvre lors de la réalisation d'un ouvrage, qu'il soit dissociable ou non de cet ouvrage, relève de la garantie décennale lorsque le désordre qui l'affecte rend l'ouvrage impropre à sa destination. Il s'agit d'un rappel d'une jurisprudence bien établie, mais néanmoins souvent mise à mal (par confusion entre les articles 1792 et 1792-2 alinéa 1 du code civil). ARCHITECTE-MISSION LIMITEE AU PERMIS DE CONSTRUIRE - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 16-23509) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité décennale et de le condamner, in solidum avec MM. N. et D. à payer à la SCI la somme de 625 000 euros et de retenir sa responsabilité à concurrence de 25 % ; Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que M. A. auteur du projet architectural et chargé d'établir les documents du permis de construire, devait proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol, la cour d'appel, qui a constaté que la mauvaise qualité des remblais, mis en œuvre avant son intervention, était la cause exclusive des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que M. A. engageait sa responsabilité décennale » (REJET DU POURVOI)

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Explication : Par cet arrêt du 21 novembre 2019, la Cour de cassation fait preuve de sévérité à l'égard d'un architecte en charge du dépôt d'un permis de construire. Des désordres apparaissent après réception avec le soulèvement du sol du fait du remblais mis en œuvre par le Maître d'ouvrage. Dans cette affaire, sont intervenus après le dépôt du permis, un maître d'œuvre, un intervenant en charge de l'étude des fondations et un autre en charge de la réalisation des fondations. La Cour d'appel retient pourtant la responsabilité de l'architecte en charge du dépôt du permis. Elle le condamne avec les autres intervenants au titre de la garantie décennale. Si une présomption de responsabilité s'applique aux locateurs d'ouvrage sur un tel fondement, la Cour de cassation a rappelé qu'il n'en demeurait pas moins que les désordres devaient être imputables au locateur d'ouvrage pour que la présomption s'applique. Compte tenu ici de la mission limitée de l'architecte, on pouvait imaginer que ce dernier échappe à la présomption. La Haute Cour considère au contraire que l'architecte était tenu de proposer un projet "réalisable". Il est clair qu'une telle obligation expose alors très largement l'architecte sur le fondement de la garantie décennale. Conseil pratique : Il appartient aux maîtres d’œuvre d’être extrêmement vigilants à la lecture de cette décision. Il serait opportun qu’ils adaptent leur contrat de louage d’ouvrage pour bien préciser leurs obligations lors de la réalisation d’une mission aussi limitée. GARANTIE DECENNALE – PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19121) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que la société LJS fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de démolition et de reconstruction des immeubles ;

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Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation de l'étude acoustique de la société Acoustique France, que la démolition et la reconstruction des immeubles n'étaient pas préconisées par l'expert, que le caractère filant des planchers n'était pas établi et que, si la pose de doublages sur le mur de refend provoquait une perte de surface importante, celle-ci constituait un préjudice indemnisable et retenu que la démolition et la reconstruction des immeubles n'avaient pas lieu d'être ordonnées lorsqu'il existait des solutions techniques alternatives de nature à remédier aux désordres, qu'elles constituaient une mesure disproportionnée au regard de la nature et de l'ampleur des désordres et qu'elles n'étaient justifiées par aucune expertise technique, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la demande de la société LJS en démolition et reconstruction des immeubles devait être rejetée » (REJET DU POURVOI)

Explication : Dans le prolongement d’un précédent arrêt (Cour de cassation du 21 juin 2018) qui concernait les normes PMR (Personne à Mobilité Réduite), la Cour de cassation se refuse à la démolition reconstruction d’un immeuble alors que d’autres solutions étaient envisageables. En l’espèce, résoudre la difficulté acoustique, au-delà d’une démolition reconstruction pouvait s’envisager avec des doublages. Lesdits doublages provoquaient une perte de surface importante mais cela constituait un préjudice indemnisable et dès lors, la démolition reconstruction ne pouvait s’analyser que comme disproportionnée au regard de la nature et de l’ampleur des désordres. Précisions et analyses : Le principe de proportionnalité commence à trouver sa place en droit de la construction, après avoir été introduit dans le cadre de la responsabilité contractuelle au terme de l’article 1221 du code civil. Il y est dit : « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». D’ailleurs, la réforme à venir du droit de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle envisage également l’instauration d’un tel principe avec une balance entre le coût d’une solution pour un responsable et son intérêt pour la victime. La Haute Cour, en cas de disproportion entre la mesure envisagée et la nature et l’ampleur des désordres, et s’il existe une mesure alternative et constituant un préjudice indemnisable, semble privilégier la mesure alternative.

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Cet arrêt est intéressant car il y a là un principe (celui de proportionnalité) et l’évocation de quelques critères d’appréciation. Reste désormais à être attentif aux nouvelles décisions à venir. En expertise judiciaire, lorsque l’expert judiciaire ou le demandeur envisagent une démolition reconstruction (voire une solution très maximaliste), il faut donc systématiquement imposer le chiffrage, lorsque cela est possible, d’une solution alternative moins contraignante et donc moins-disante, car ensuite, seul le juge pourra trancher entre les deux solutions :

- Après avoir évaluer la disproportion entre la réparation envisagée et la nature et l’ampleur des désordres.

- Après avoir estimé que la mesure alternative présentée, même si elle présente des inconvénients, peut être retenue, lesdits inconvénients constituant des préjudices indemnisables.

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CONSTRUCTION HORS GARANTIE DECENNALE GARANTIE DECENNALE EXPIREE – FAUTE DOLOSIVE (NOTION) – ARTICLE 1147 ANTERIEUR A L’ORDONNANCE DU 10 FEVRIER 2016 – Cour de cassation arrêt du 5 décembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-19476) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; Attendu que, pour condamner M. J. à payer à M. E. et Mme U. certaines sommes en réparation de leurs préjudices, l'arrêt retient que le non-respect des règles du DTU suffit à caractériser la faute dolosive de M. J. ; Qu'en statuant ainsi, alors que le non-respect d'une norme de construction ne suffit pas à caractériser la faute dolosive qui suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la Haute Cour précise la notion de « faute dolosive » susceptible de permettre de contourner l’expiration de la garantie décennale. Elle précise qu’elle suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude ». Elle conclut que le non-respect d’une norme de construction ne permet donc pas intrinsèquement de caractériser une faute dolosive. Portée : Même avec la réforme de la prescription du 17 juin 2008, démontrer l’existence d’une faute dolosive peut s’avérer utile en ce que cela permet de s’affranchir du délai de la garantie décennale des constructeurs. Le délai de prescription alors applicable à l’action contre le constructeur, en cas de faute dolosive, n’est plus comme par le passé de trente ans. Il est désormais de 5 ans à compter de la découverte du dommage, sans pouvoir excéder 20 ans à compter de la conclusion du contrat (articles 2224 et 2232 du code civil). Même si le délai s’est retrouvé réduit avec la réforme du 17 juin 2008, le maître d’ouvrage dispose ainsi toujours, en cas de faute dolosive, d’une action qui perdure au-delà des dix ans après la réception.

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Encore lui faut-il démontrer une volonté délibérée et consciente du constructeur de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude. EXCLUSION DE L’IN SOLIDUM - Cour de Cassation arrêt du 14 février 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi 17-26403) – Publié au bulletin La décision : « Attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'imprécision des termes de la clause G 6.3.1 des conditions générales du contrat d'architecte, intitulée "Responsabilité et assurance professionnelle de l'architecte", rendait nécessaire, que l'application de cette clause, qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables, n'était pas limitée à la responsabilité solidaire, qu'elle ne visait "qu'en particulier", la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle s'appliquait également à la responsabilité in solidum » (REJET DU POURVOI) Explication : La Cour de cassation confirme ici la révolution amorcée dans un arrêt du 19 mars 2013, où elle avait autorisé dans les contrats, les clauses excluant la charge de l'in solidum, tout en limitant leur validité aux cas de responsabilité civile professionnelle, hors l'application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil. Réflexions : Avec cette nouvelle décision, la Cour de cassation a "peut-être" franchi un pas supplémentaire. En effet, la clause paraissait ici fort mal rédigée. Elle semblait exclure que l'architecte puisse être tenu au-delà de sa propre part de responsabilité, même dans le cadre de l'application des articles 1792 et suivants du code civil (ce que n’a jamais admis expressément la Cour de cassation). Même si, dans le cas soumis à la cour d'appel en l’espèce, il s'agissait de désordres survenus avant réception, il est étonnant que la Cour de cassation ait "implicitement" donné son "assentiment" à une clause ainsi rédigée. Il eut été envisageable que, sans tenir compte du cas d’espèce, la Cour de cassation sanctionne une telle clause, et ce du fait de son périmètre d’application plus étendue que celui autorisé jusqu’alors par elle. En ne souhaitant pas sanctionner de manière générale la clause, elle laisse à penser qu’elle se serait appliquée, même en cas de recherche de la responsabilité de l'architecte, sur le fondement de la garantie décennale.

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Fort heureusement à ce jour, la Cour de cassation n’a jamais franchi expressément un tel cap. Conséquences pratiques : Il appartient aux maitres d’ouvrage d’être prudents au moment de contracter avec un maître d’œuvre, en portant toute son attention sur l’existence de telle clause dans le contrat de maîtrise d’œuvre. Car ces clauses peuvent priver le maître d’ouvrage d’un recours si l’entreprise est par ailleurs défaillante et sans garantie d’assurances. L’assureur dommages ouvrage, susceptible d’être tenu au-delà des cas de responsabilité civile décennale (par exemple avant réception ou en cas de réserve à la réception), aura tout intérêt également à vérifier si le contrat du maître d’œuvre de l’opération qu’il assure comprend une telle clause. Il en va de l’appréciation de son risque. LEVÉE DES RÉSERVES (SÉVÉRITÉ À L’ÉGARD DU MAÎTRE D’ŒUVRE) - PRUDENCE AUX

MAÎTRES D’ŒUVRE – Cour de cassation arrêt du 4 avril 2019 - 3ème chambre civile (pourvoi

18-12020) - Non publié au bulletin

La décision : « Attendu que la société BERIM fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la SCI des condamnations prononcées au titre du préjudice de jouissance et du préjudice résultant du retard dans la livraison de l'immeuble ; Mais attendu qu'ayant relevé que la société BERIM avait pour mission d'établir la liste détaillée des travaux d'achèvement, de finition ou de réfection propres à chaque corps d'état et le calendrier d'exécution de ces travaux et de s'assurer par des visites fréquentes de leur exécution en conformité avec ce calendrier, qu'il lui appartenait de prendre toutes les mesures nécessaires en cas de carence des entreprises, qu'elle avait mis en demeure deux entreprises de terminer les travaux postérieurement à la date prévue pour la livraison de l'immeuble et à la convocation de Mme Q... pour cette livraison et qu'elle ne démontrait pas avoir fait appel de manière diligente à d'autres entreprises après l'ouverture des procédures collectives concernant les deux constructeurs concernés, retenu que la société BERIM ne rapportait pas la preuve que l'absence d'intervention des entreprises pour reprendre les désordres était motivée par le défaut de paiement du solde des marchés par la SCI et constaté qu'il était produit de nombreux courriers de celle-ci à la société BERIM pour obtenir la levée des réserves, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision » (REJET DU POURVOI)

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Explication : Par un arrêt du 4 avril 2019, la Cour de cassation se montre extrêmement sévère à l’égard du maître d’œuvre pour rejeter son pourvoi contre l’arrêt l’ayant condamné à garantir le maître d’ouvrage des préjudices de jouissance et de retard concernant lesquels le maître d’ouvrage avait été condamné. Ce qui est inquiétant, c’est qu’à la lecture de l’arrêt et des moyens du pourvoi, on relève que le maître d’œuvre s’était employé à tenter d’obtenir des levées de réserves face pourtant à des entreprises finalement tombées pour certaines en liquidation judiciaire. Par sa mansuétude à son égard, la Haute Cour déresponsabilise à mon sens le maître d’ouvrage dont le rôle est également important dans la levée des réserves (il dispose notamment des retenues de garanties ou cautions). Portée : Fort heureusement, peut-être n’est-ce pas là une tendance car l’arrêt n’est pas destiné à être publié. Les maîtres d’œuvre sont néanmoins invités à être prudents et extrêmement diligents et rigoureux au titre de la levée des réserves et ce dans l’attente d’éventuels éclaircissements jurisprudentiels à venir. ARCHITECTE - CLAUSE DE SAISINE PREALABLE DU CONSEIL DE L'ORDRE AVANT TOUTE PROCEDURE JUDICIAIRE (PORTEE) – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-15286) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que, pour dire que l'action à l'égard de la société Aedifi est irrecevable, l'arrêt retient que le contrat d'architecte comporte une clause G 10 selon laquelle « En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire », que M. H... et Mme L... ne justifient pas avoir mis en œuvre la procédure organisée par cette clause préalablement à la présentation de leur demande d'expertise, que le défaut de mise en oeuvre d'une procédure contractuelle de conciliation préalable à une action judiciaire avant la saisine de la juridiction du premier degré ne peut être régularisé en cause d'appel et que faute pour M. H... et Mme L... d'avoir saisi pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant la présentation de leur demande contre la société Aedifi en première instance, cette demande ainsi que celles qui sont formées en cause d'appel sont irrecevables ;

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Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si l'action, exercée postérieurement à la réception de l'ouvrage, en réparation de désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination, n'était pas fondée sur l'article 1792 du code civil, ce qui rendait inapplicable la clause litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme la jurisprudence issue d'une précédente décision du 29 novembre 2017. Elle considère que la clause de saisine préalable pour avis du conseil de l'ordre régional des architectes, avant toute procédure judiciaire, est licite et opposable aux maîtres d'ouvrage lorsqu'elle est insérée dans un contrat de maîtrise d'œuvre. Pour rappel, à défaut de se conformer à cette clause, l'action du maître d'ouvrage est irrecevable et la situation ne peut pas être régularisée en cours de procédure. La Cour de cassation précise cependant que la portée de cette clause connait au moins une limite. Elle ne peut trouver application lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Pour ne pas avoir recherché, au besoin d'office, si l'action du demandeur était fondée sur la garantie décennale, l'arrêt de la Cour d'appel qui avait retenu l'irrecevabilité est donc cassé. VEFA - CLAUSE RELATIVE AU RETARD DE LIVRAISON – Cour de cassation arrêt du 23 mai 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-14212) – Publié au bulletin « Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 janvier 2018), que la société civile immobilière de construction vente Marseille 9e boulevard de la Fabrique (la SCCV) a vendu en l'état futur d'achèvement à M. et Mme N. un appartement et deux boxes ; que la livraison , prévue au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, est intervenue le 26 janvier 2010 ; que M. et Mme N. ont, après expertise, assigné la SCCV en indemnisation des préjudices résultant du retard de livraison ;

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Attendu que, pour déclarer abusive et, en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV et M. et Mme N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison», en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et, en conséquence, condamner la SCCV à payer à M. et Mme N. la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt retient que la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente, et qu'elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés et, à ce titre, doit être réputée non écrite ; Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION)

Explication : Cet arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2019 devrait satisfaire les promoteurs en VEFA en ce qu’il leur est très favorable sur la question des délais de livraison. REPARATION INTEGRALE DU PREJUDICE – Cour de cassation arrêt du 16 mai 2019 – 3ème chambre (pourvoi 18-14477) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ; …

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Attendu que, pour condamner M. U. à payer à M. A. la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en considération de l'investissement réalisé par M. A. de l'absence, depuis l'exécution des travaux de réhabilitation, d'inondation ayant atteint le rez-de-chaussée de l'immeuble, du caractère non pérenne de l'indisponibilité du logement du rez-de-chaussée en cas de crue centennale et de la persistance du risque d'inondation en cas de crue exceptionnelle, la cour est en mesure d'indemniser le préjudice effectivement réparable à hauteur de la somme de 7 500 euros qui sera allouée à M. A. à titre de dommages-intérêts ; Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. A. subissait un préjudice consistant à ne pas être à l'abri d'une inondation du rez-de-chaussée de l'immeuble, en cas de crue comparable à celle de 1927, sans s'expliquer sur le coût des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt non destiné à être publié, la Cour de cassation revient sur la notion de réparation intégrale du préjudice. Et elle fait preuve d'un grand rigorisme. Dans un cas d'espèce où la Cour d'Appel semblait avoir fait une appréciation réaliste du préjudice subi par la victime, elle reproche aux juges du fond de ne pas s'être prononcés sur le coût des travaux nécessaires pour mettre l'immeuble hors d'eau face à une "crue centennale". Elle casse donc l'arrêt par référence notamment au principe de la réparation intégrale du préjudice. Ledit principe, bien exploité, peut donc encore faire le "bonheur" de bien des demandeurs... Même si les nouvelles dispositions du code civil sur le principe de proportionnalité, déjà appliquées selon des arrêts déjà cités ci-avant, devraient tempérer cela.

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DECOMPTE ET VICES APPARENTS – RECEPTION – MARCHE PUBLIC – Conseil d’Etat arrêt du 12 juin 2019 – pourvoi 420031 La décision : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. Ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard. Il résulte de ce qui précède que le maître de l'ouvrage qui n'a pas émis de réserves concernant des désordres apparents lors de la réception ne peut pas, sauf si des stipulations contractuelles le prévoient, inscrire dans le décompte général du marché des sommes visant à procéder à leur réparation. Dès lors, en jugeant que la réception sans réserve des travaux était, par elle-même, sans incidence sur la possibilité, pour SNCF Réseau, de porter au décompte général du marché des sommes destinées à réaliser des travaux de reprise du positionnement des rails pour un montant de 2,7 millions d'euros, ainsi que des réfactions pour remises en conformité pour un montant de 332 668 euros, sans avoir recherché ni si les vices étaient apparents lors de la réception, ni si une clause contractuelle permettait de déroger à ce principe, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit » (ANNULATION) Explication : Attention, en cas de vice apparent à la réception, et si la réception intervient sans réserve, le Maître d’ouvrage se trouve ensuite dans l’incapacité de faire valoir, dans le cadre du décompte général définitif de fin de travaux, le coût des travaux de remise en état en rapport avec un tel vice apparent. Il n’y a donc pas de cession de rattrapage.

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PERSONNE MORALE - PREJUDICE MORALE – Cour de cassation arrêt du 20 juin 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-12714) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ; Attendu que, pour rejeter la demande de la SCI en réparation de son préjudice moral, l'arrêt retient qu'étant une personne morale, la SCI ne peut pas invoquer un tel préjudice ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'une société est en droit d'obtenir réparation du préjudice moral qu'elle subit, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés » (CASSATION) Explication : Par un arrêt du 20 juin 2019, la Cour de cassation confirme le principe qu'une personne morale est en droit de solliciter la réparation de son préjudice moral, c'est à dire celui qui l'affecte dans ses "sentiments". Peut-être sera-t-il temps un jour que la Haute Cour précise les sentiments susceptibles d'affecter une personne morale, afin que l'on puisse mesurer l'étendue de ce principe, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne "coule" pas de source. Car à ce jour, les arrêts en la matière sont pour le moins elliptiques. CO RESPONSABLE - OBLIGATION POUR LE TOUT – Cour de cassation arrêt du 13 juin 2019 – 2ème chambre civile (pourvoi 17-29034) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l'article 1641 du code civil, ensemble le principe selon lequel chacun des coresponsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité ; Attendu que pour dire n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme L. et M. S. et de la société Suravenir formées à l'encontre de la société Sorenti et de son assureur, la société Groupama, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt, après avoir relevé que la responsabilité du fabricant et de l’importateur est solidairement engagée en raison de la défectuosité du produit acheté neuf en 2004, se borne à énoncer qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes formées sur ce fondement, dès lors qu'il est fait droit à la demande formée sur celui de la responsabilité du fait du produit défectueux ;

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Qu'en se déterminant ainsi, alors que Mme L. et M. S. et la société Suravenir avaient intérêt à agir contre chacun des coresponsables du dommage et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Sorenti, en sa qualité de vendeur, n'avait pas engagé sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés, en application de l'article 1641 du code civil et si son assureur, la société Groupama, ne devait pas sa garantie à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale » (CASSATION) Explication : La Cour de cassation rappelle ici ce qui semblait être une évidence. Celui qui a concouru à un préjudice subi par la victime est tenu pour le tout. Même si la nature de la dette de responsabilité est juridiquement différente. Il n’y a pas de hiérarchie ou de subsidiarité. La victime peut rechercher le fabricant et l’importateur du fait d’un produit défectueux. Mais elle peut également dans un même temps rechercher son vendeur au titre de la garantie des vices cachés. L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé pour avoir méconnu cette évidence (évidence souvent niée également en expertise et en procédure par les vendeurs qui prétendent échapper à toute responsabilité dès lors que le vice du produit et la responsabilité du fabricant sont retenus). ARTICLE 1792-7 DU CODE CIVIL – Cour de cassation arrêt du 19 septembre 2018 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-21361) – Non publié au bulletin La décision : « Attendu que la société Helvetia assurances et la société NJS Faramia font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées à l'encontre de la société Axa France au titre de la responsabilité décennale ; Mais attendu qu'ayant relevé que la société NJS Faramia avait confié à la société Franck Siri les travaux du lot 1 « production frigorifique et plancher chauffant », que l'expert avait conclu à une sous-estimation de la puissance frigorifique à installer et à une installation non réalisée dans les règles de l'art et que ce marché avait abouti à une installation d'équipement dans le bâtiment frigorifique, la cour d'appel a pu en déduire que cette installation ne constituait pas un ouvrage puisqu'elle servait exclusivement pour entreposer les marchandises surgelées et a légalement justifié sa décision de ce chef » (REJET DU POURVOI)

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Explication : Par un arrêt du 19 septembre 2019, la Cour de cassation illustre ce que peut être selon elle l'élément d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive serait de permettre d'exercer une activité professionnelle dans l'ouvrage (article 1792-7 du code civil). Cette qualification est importante car de tels éléments d'équipement ne relèvent pas des articles 1792 à 1792-4 du code civil. Dans le cas d'espèce donc, est considérée comme tel et comme ne relevant pas de la garantie décennale, l'installation d'un équipement de production frigorifique dans un bâtiment lui-même frigorifique, dont l'objet unique était d'entreposer des marchandises surgelées pour une société spécialisée dans le transport frigorifique de denrées alimentaires. Il faut néanmoins relever que cet arrêt ne sera pas publié au bulletin. CLAUSE ABUSIVE – APPRECIATION DE LA QUALITE DE MAITRE D’OUVRAGE NON PROFESSIONNEL – Cour de cassation arrêt du 7 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-23259) – Publié au bulletin La décision : « Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la SCI avait pour objet social l'investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d'immeubles dont elle avait fait l'acquisition, qu'elle était donc un professionnel de l'immobilier, mais que cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'œuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la SCI n'était intervenue au contrat litigieux qu'en qualité de maître de l'ouvrage non professionnel, de sorte qu'elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation retient qu’une SCI dont l’objet est l’investissement et la gestion de l’immobilier, n’a pas pour autant la qualité de professionnel de la construction, que dès lors la clause contenue dans le contrat qu’elle a passé avec l’architecte peut être qualifiée de clause abusive au sens des dispositions du code de la consommation.

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DOMMAGES OUVRAGE POLICE DOMMAGES OUVRAGE - ARTICLE L 121-12 DU CODE DES ASSURANCES – Cour de cassation arrêt du 11 juillet 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-17433) - Publié au bulletin La décision : « Vu l'article L 121-12 du code des assurances et l'annexe II B 4° à l'article A. 243-1 du même code ; … Attendu que, pour rejeter l'exception de subrogation et condamner la MAF à payer à Mme D. différentes sommes à titre d'indemnisation des désordres, l'arrêt retient que la MAF n'avait évoqué les dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances dans aucune des lettres notifiant à l'assurée son refus de garantie, de sorte que, n'ayant pas attiré l'attention de son assurée sur son recours subrogatoire, elle ne saurait reprocher à celle-ci de l'avoir empêchée d'exercer ce recours ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie n'est pas tenu de rappeler à l'assuré, quand il lui notifie son refus de garantie, la position qu'il prend en ce qui concerne l'exercice du droit de subrogation, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (CASSATION) Explication : L'arrêt du 11 juillet 2019 de la Cour de cassation est assez elliptique. Il semble que la MAF, assureur dommages ouvrage, ait opposé au propriétaire l'article L 121-12 du code des assurances (déchéance de garantie quand la subrogation ne peut plus s'exercer du fait de l'assuré). La MAF avait en effet pris une position de non garantie sur une déclaration de sinistre intervenue avant le délai de forclusion décennale, avant d'être assignée apparemment seule en référé, au-delà de la garantie décennale. Elle n'était donc plus en mesure, après avoir payé le cas échéant, d'exercer un recours subrogatoire. La Cour d'appel avait rejeté l'opposition développée par la MAF sur le fondement de l'article L 121-12, en relevant que cet article du code des assurances n'avait été repris dans aucun courrier de l'assureur.

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La cassation intervient, l'assureur n'étant pas tenu, selon la Haute Cour, de rappeler à l'assuré la position qu'il prend, en ce qui concerne l'exercice du droit de subrogation. Ainsi, lorsque l’assureur rejette ses garanties sur ce fondement, il n’a pas d’obligation de le porter nécessairement à l’attention de son assuré. ASSURANCE DOMMAGES-OUVRAGE - ARTICLE L 242-1 DU CODE DES ASSURANCES - SANCTIONS FIXEES LIMITATIVEMENT – Cour de cassation arrêt du 17 octobre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-11103) – Non publié au bulletin La décision : « Vu l'article L. 242-1 du code des assurances ; Attendu que, pour condamner in solidum la société SMA à payer à M. F... la somme de 78 398,50 euros au titre des préjudices immatériels et à garantir la CGI BAT et la société Axa France IARD à hauteur de cette somme, l'arrêt retient que les dommages immatériels peuvent être mis à la charge de l'assureur dommages-ouvrage s'ils découlent d'une faute de celui-ci, notamment à défaut d'offre d'indemnisation de nature à mettre fin aux désordres et que, en l'espèce, la société Sagena ne justifie pas avoir proposé une indemnité destinée au paiement des travaux de réparation des dommages ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 242-1 du code des assurances fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l'assureur dommages-ouvrage à ses obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (CASSATION) Explication : Par cet arrêt du 17 octobre 2019, la Cour de cassation, au visa de l'article L 242-1 du code des assurances et par un arrêt de cassation, censure un arrêt de Cour d'Appel pour avoir accueilli les demandes de condamnation dirigées contre l'assureur dommages ouvrage, au titre des préjudices immatériels, étant reproché à l'assureur d'avoir commis une faute en ne faisant pas une offre d'indemnisation de nature à mettre fin aux désordres. La Haute Cour considère qu'en statuant ainsi, alors que l'article L 242-1 du code des assurances fixe limitativement les sanctions applicables à l'assureur DO, la Cour d'appel a violé le texte susvisé. Pourtant, la Cour d'Appel s'était appuyée sur les arrêts de la Cour de cassation du 24 mai 2006 et du 11 février 2009 ayant condamné dans cette situation l'assureur dommages ouvrage à raison de sa faute contractuelle.

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Portée et précisions : Est-ce là un nouveau revirement de jurisprudence (amorcé par un arrêt du 14 septembre 2017) et le retour à l'ancienne jurisprudence avec une appréciation plus stricte et limitée des sanctions susceptibles d'être retenues contre l'assureur dommage ? La décision n'est pas l'objet d'une publication au bulletin et il faut demeurer attentif aux arrêts à venir. Car deux courants contraires paraissent actuellement s’opposer dans les dernières décisions rendues par la Cour de cassation.

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DIAGNOSTIC ERREUR DE DIAGNOSTIC ET CLAUSE EXONERATOIRE DES VICES CACHÉS – Cour de cassation arrêt du 21 mars 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-11826) – Non publié au bulletin La décision : « Mais attendu qu'ayant relevé qu'à la suite de l'apparition d'insectes volants dans la maison et craignant une éventuelle infestation par les termites, M. L... avait consulté trois entreprises de traitement des charpentes, que ses doutes avaient pu être levés par la consultation ultérieure de France diagnostics puis de M. Y..., affirmant qu'il ne s'agissait pas de termites, et que la présence d'un enduit de rebouchage constaté par l'expert sur le montant de la porte des WC et sur la baguette de bois recouvrant l'encadrement de la porte ne démontrait ni que le vendeur ait eu connaissance de la présence de termites, ni qu'il ait eu l'intention de maquiller les attaques et retenu souverainement que la mauvaise foi du vendeur n'était pas rapportée et exactement que la délivrance d'un diagnostic erroné établi par un professionnel n'écartait pas la clause exonératoire des vices cachés mentionnés à l'acte de vente, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que la demande fondée sur la garantie des vices cachés devait être rejetée » (REJET DU POURVOI) Explication : En l’absence de preuve de la mauvaise foi du vendeur d’un immeuble, la délivrance d’un diagnostic erroné établi par un professionnel n’écarte pas la clause exonératoire des vices cachés tel que prévue à l’acte de vente. La position de la Cour de cassation n’est guère critiquable car l’existence d’un diagnostic erroné ne fait pas la démonstration de ce que le vendeur était conscient du caractère erroné du diagnostic. VENTE - DIAGNOSTIQUEUR - Cour de cassation arrêt du 21 novembre 2019 – 3ème chambre civile (pourvoi 18-23251) – Publié au bulletin La décision : « Attendu que M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer M. G... responsable de la seule perte de chance et de limiter leur indemnisation, alors, selon le moyen, que, lorsque le diagnostic prévu au 6° de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et se révèle erroné, le coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée dans ce diagnostic constitue un préjudice certain dont le diagnostiqueur doit réparation ;

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Qu'en jugeant que le préjudice subi par les époux U. du fait de l'information erronée du diagnostic sur la qualité énergétique du bien était seulement une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et non pas le coût de l'isolation nécessaire pour satisfaire à la performance énergétique annoncée, la cour d'appel a violé les articles L 271-4 du code de la construction et de l'habitation et 1382, devenu 1240, du code civil ; Mais attendu que, selon le II de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, le DPE mentionné au 6° de ce texte n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative ; qu'ayant retenu que M. G... avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission à l'origine d'une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente » (REJET DU POURVOI) Explication : Par cet arrêt, la Cour de cassation retient que le DPE (diagnostic de performance énergétique) mentionné à l'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative. Dès lors, une erreur commise dans l'élaboration de ce diagnostic ne conduit pas le diagnostiqueur à être tenu du coût de l'isolation à entreprendre pour mettre le bien immobilier en conformité avec le DPE. Le diagnostiqueur fautif, dans une telle hypothèse, ne peut être tenu qu'au titre de la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente. Portée : La jurisprudence distingue le diagnostic DPE d’autres diagnostics tel celui amiante ou insecte xylophage. Le DPE n’a qu’une valeur informative et dès lors, le dommage résultant de ce défaut d’information ne peut être réparé que sur le terrain de la perte d’une chance. Pour les autres diagnostics, a contrario, la lecture de l’arrêt laisse à penser que la Cour de cassation maintient la réparation intégrale du préjudice constitué selon elle par les travaux à réaliser. Pourtant, de tels diagnostics ont également une valeur informative. La distinction de la Cour de cassation est donc subtile. A suivre…