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Nymphes de Thrips du blé, au printemps, dans un chaume de blé - Cliché R. Coutin/OPIE Les Thysanoptères, de leur nom scientifique 1 , constituent, parmi les insectes, un de ces ordres mineurs que l’on connaît peu, voire pas du tout, – et même un « ordre oublié » tant sont peu nombreux les ento- mologistes qui s’intéressent à eux. Il est vrai que ces insectes sont pe- tits (1 à 2 mm pour la plupart) et difficiles à observer, à capturer et à dé- terminer. Pourtant, à la belle saison, les « bêtes d’orage » forment souvent des essaims spectaculaires au-dessus des champs de blé et, c’est moins agréable, nous piquent et se posent sur notre œil… On les connaît aussi par le diagnostic porté sur une plante ornementale dé- périssante : « traitez contre les thrips ! ». Les agriculteurs, horticul- teurs et arboriculteurs en redoutent plusieurs espèces phytophages, dangereuses par leurs dégâts directs et indirects (viroses, déprécia- tions des végétaux piqués, souillures…). 1 Thysanoptère veut dire, d’après deux racines grecques, « à ailes frangées », alors que thrips est une désignation savante (Linné a créé le genre en 1758) passée dans le langage courant en anglais et en fran- çais qui signifie, toujours en grec, « ver qui ronge le bois », sans doute du fait que les premiers spéci- mens décrits avaient été trouvés sur des brindilles de bois mort. Pour les germanophones, ce sont les Blasenfüler – pieds à ampoules – à rapprocher d’une dénomination obsolète : Physapodes ; ils sont éga- lement dénommés Fransenflügler (à ailes frangées). 2 Appelé souvent pulville, terme à réserver à un organe pair, et fautivement « ampoule ». Plusieurs micro- hyménoptères et microlépidoptères ont aussi les ailes frangées, ainsi que des Coléoptères (Ptiliidés, par ex.) et l’arolium est loin d’être l’apanage des thrips. 3 Connus du Trias, les Thysanoptères comptent actuellement environ 5 600 espèces. 4 Dans beaucoup de textes (un peu anciens), il est indiqué faussement que le thrips gratte, râpe ou dilacère la surface du végétal. Insectes 29 n°143 - 2006 (4) Caractéristiques générales Les thrips ont été longtemps clas- sés parmi les Hémiptères (pu- naises) avant que Haliday, en 1836, propose (ce ne sera pas ad- mis immédiatement) de nommer Thysanoptères un groupe assez homogène d’insectes ptérygotes à métamorphoses incomplètes ca- ractérisés par leur cône buccal tout à fait original, leurs ailes frangées de soies et la présence d’un aro- lium membraneux 2 à l’extrémité des tarses. Le groupe 3 comporte deux sous-ordres, les Térébrants (la femelle possède un ovipositeur perforant) et les Tubulifères (ovi- positeur tubulaire). Chez les Thysanoptères, larves et adultes, seule la mandibule gauche est bien développée, sa symétrique ayant régressé au stade embryon- naire. Clypéus et labre, fusionnés, forment un entonnoir (« cône buc- cal » ou « cône gnathal ») ouvert vers le bas et d’où sortent trois sty- lets. Le mandibulaire est de section circulaire et pointu à son extrémité apicale. Les stylets maxillaires, beaucoup plus longs, ont une sec- tion en forme de C et, juxtaposés, forment un canal d’aspiration. Hypopharynx, pompe salivaires et pharyngienne, glandes salivaires (une paire dorsale et une paire ven- trale) complètent leur appareil buc- cal piqueur-suçeur. Posé sur un or- gane végétal, le thrips perfore 4 chaque cellule (du parenchyme de Par Alain Fraval . Les thrips

Par Alain Fraval. Les thrips - inra.fr · Nymphes de Thrips du blé, au printemps, dans un chaume de blé - Cliché R. Coutin/OPIE Les Thysanoptères, de leur nom scientifique1, constituent,

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Nymphes de Thrips du blé, au printemps, dans un chaume de blé - Cliché R. Coutin/OPIE

Les Thysanoptères, de leur nom scientifique 1, constituent, parmi lesinsectes, un de ces ordres mineurs que l’on connaît peu, voire pas dutout, – et même un « ordre oublié » tant sont peu nombreux les ento-mologistes qui s’intéressent à eux. Il est vrai que ces insectes sont pe-tits (1 à 2 mm pour la plupart) et difficiles à observer, à capturer et à dé-terminer. Pourtant, à la belle saison, les « bêtes d’orage » formentsouvent des essaims spectaculaires au-dessus des champs de blé et,c’est moins agréable, nous piquent et se posent sur notre œil… On lesconnaît aussi par le diagnostic porté sur une plante ornementale dé-périssante : « traitez contre les thrips ! ». Les agriculteurs, horticul-teurs et arboriculteurs en redoutent plusieurs espèces phytophages,dangereuses par leurs dégâts directs et indirects (viroses, déprécia-tions des végétaux piqués, souillures…).

1 Thysanoptère veut dire, d’après deux racines grecques, « à ailes frangées », alors que thrips est unedésignation savante (Linné a créé le genre en 1758) passée dans le langage courant en anglais et en fran-çais qui signifie, toujours en grec, « ver qui ronge le bois », sans doute du fait que les premiers spéci-mens décrits avaient été trouvés sur des brindilles de bois mort. Pour les germanophones, ce sont lesBlasenfüler – pieds à ampoules – à rapprocher d’une dénomination obsolète : Physapodes ; ils sont éga-lement dénommés Fransenflügler (à ailes frangées).

2 Appelé souvent pulville, terme à réserver à un organe pair, et fautivement « ampoule ». Plusieurs micro-hyménoptères et microlépidoptères ont aussi les ailes frangées, ainsi que des Coléoptères (Ptiliidés, parex.) et l’arolium est loin d’être l’apanage des thrips.3 Connus du Trias, les Thysanoptères comptent actuellement environ 5 600 espèces.4 Dans beaucoup de textes (un peu anciens), il est indiqué faussement que le thrips gratte, râpe ou dilacère lasurface du végétal.

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■ Caractéristiques généralesLes thrips ont été longtemps clas-sés parmi les Hémiptères (pu-naises) avant que Haliday, en1836, propose (ce ne sera pas ad-mis immédiatement) de nommerThysanoptères un groupe assezhomogène d’insectes ptérygotes àmétamorphoses incomplètes ca-ractérisés par leur cône buccal tout

à fait original, leurs ailes frangéesde soies et la présence d’un aro-lium membraneux 2 à l’extrémitédes tarses. Le groupe 3 comportedeux sous-ordres, les Térébrants

(la femelle possède un ovipositeurperforant) et les Tubulifères (ovi-positeur tubulaire).Chez les Thysanoptères, larves etadultes, seule la mandibule gaucheest bien développée, sa symétriqueayant régressé au stade embryon-naire. Clypéus et labre, fusionnés,forment un entonnoir (« cône buc-cal» ou «cône gnathal») ouvertvers le bas et d’où sortent trois sty-lets. Le mandibulaire est de sectioncirculaire et pointu à son extrémitéapicale. Les stylets maxillaires,beaucoup plus longs, ont une sec-tion en forme de C et, juxtaposés,forment un canal d’aspiration.Hypopharynx, pompe salivaires etpharyngienne, glandes salivaires(une paire dorsale et une paire ven-trale) complètent leur appareil buc-cal piqueur-suçeur. Posé sur un or-gane végétal, le thrips perfore 4

chaque cellule (du parenchyme de

Par Alain Fraval .

Les thrips

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pour un taxon d’une telle impor-tance agronomique. La raison enest, outre les difficultés d’étudedues à la petite taille des animauxdéjà évoquée, la coexistence, ausein d’une espèce de formes, demodes de vie, de capacités de dis-persion et d’utilisation de res-sources alimentaires diverses, dedangerosité pour les cultures… trèsdifférents. Ainsi, au sein d’unemême espèce, les individus peu-vent varier beaucoup par la taille etla forme (des différences à la signi-fication souvent obscure), ce qui a

la feuille, par ex.) et la vide ; ce quiexplique l'aspect fréquent dessymptômes de leurs attaques, as-pect plombé ou argenté de la sur-face du végétal, la cellule vidées'étant remplie d'air. Le mode de développement desthrips est intermédiaire entre ceuxdes hétérométaboles et des holomé-taboles. L’œuf, gros et transparent,est réniforme chez les Térébrants etellipsoïde chez les Tubulifères ; cer-taines espèces sont ovo-vivipares.Suivent deux stades larvaires, où l’ali-mentation (avec les pièces buccalesdécrites ci-dessus) est très active,puis deux (Térébrants) ou trois(Tubulifères) stades « nymphaux »mobiles (mais peu agiles) caractéri-sés par la présence de fourreauxalaires et par l’absence de pièces buc-cales fonctionnelles. La vie « nym-phale » est brève – quelques jours - ;elle se déroule à l’air libre, dans un co-con (la soie est secrétée par les tubesde Malpighi) ou dans le sol (jusqu’à -40 cm). Certains thrips sont facultati-vement ou obligatoirement parthé-nogénétiques (le mâle n’est pasconnu) – cas du Thrips du tabac. LesTérébrants (même carnivores) pon-dent sous l’épiderme de végétaux, lesTubulifères déposent leurs œufs à lasurface du végétal.

■ Des insectes très polymorphesLes travaux récents sur les thripsont corrigé plusieurs erreurs touten laissant bien trop d’inconnues

Aptinothrips rufus, un thrips aptère très cosmopolite Cliché J. W. Dooley, United States Departmentof Agriculture à www.insectimages.org

Dissection des pièces buccales d’un thrips mdg et smdg : mandibule et stylet mandibu-laire gauches ; mdd : mandibule droite atro-phiée ; mx : plaques maxillaires ; pmx :palpes maxillaires ; smx : stylets maxillaires.D’après A. Ramel

Thrips du tabac (à gauche) et Thrips califor-nien (à droite) adultesCliché A. N. Sparks, Jr., université de Géorgie àwww.insectimages.org

Le développement du Thrips de l’olivier : 1 : œuf ; 2 : larve I ; 3 : larve II ; 4 : pronymphe ;5 : nymphe (avec fourreaux alaires développés) ;6 : imago femelle noir brillant (le mâle est trèssemblable)In Arambourg, Entomologie oléicole, d’aprèsMelis, 1930.

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Tête de Thrips du tabac, vue de faceant : antenne ; œ :œil composé ; cl : clypéus ;eph : épipharynx ; mx : maxille ; pmx : palpemaxillaire ; plm : palpe labial.D’après L. Bonnemaison

Thrips combattantsLes mâles du Thrips californien se battent –pour une femelle – avec force mouvementsd’abdomen. Certains Thripidés ont ce genrede manières, mais en groupe : ils formentun « lek » (sorte d'aire de parade collecti-ve) pour accueillir les dames thrips…Les larves d’Acanthothrips nodicornis (fungi-vore européen) écartent leurs congénères àcoups de cornes (tubercules frontaux). Chez plusieurs espèces de thrips gallicolesde l’acacia (en Australie), il existe des « sol-dats » aptères et aux capacités reproduc-tives réduites, assignés à la défense de lacolonie contre des kleptoparasites (d’autresthrips). Une découverte surprenante qui aétendu le domaine de l’eusocialité chez lesinsectes.

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conduit les taxinomistes à décriredes espèces distinctes, qu’il faut re-grouper. Les outils modernes de labiologie moléculaire devraient ai-der beaucoup les thysanoptéro-logues. Nous examinerons, briève-ment, quelques aspects de cepolymorphisme étonnant.Les ailes des Térébrants diffèrent decelles des Tubulifères par la pré-sence de nervures longitudinales etde microtriches ; les manuels ajou-tent qu’elles sont disposées en toitau repos chez les premiers, à platchez les seconds – ce qui est un bienmauvais critère, car on rencontre denombreux intermédiaires et excep-tions… Chez les Mérothripidés, lesmâles sont aptères et les femelles ai-lées ou aptères. La longueur du jouret la densité de la population déter-minent, chez Thrips nigropilosus, quia été étudié expérimentalement, laproportion de femelles brachyptèreset macroptères 5. Chez d’autres es-pèces, la dégradation de la ressource

alimentaire induit la production demacroptères dans une populationmajoritairement microptère. Le po-lymorphisme alaire est sans douteune adaptation favorisant l’opportu-nisme alimentaire mais… les thripsn’ont pas besoin d’ailes pour se dis-perser très efficacement etAptinothrips rufus, un thrips des gra-minées, est une des espèces d’in-sectes les plus largement réparties(et depuis longtemps) sur la surfacedu Globe – or il est aptère. Lesthrips, pour peu qu’ils se mettent enbonne position, sont facilement em-portés par le vent. Les thrips sont plus ou moins colo-rés, dans une gamme allant dujaune pâle au noir en passant parles rouges et les bruns. La teintepeut varier, pour une même es-pèce, en fonction de la températuredurant les stades préimaginaux,mais aussi selon des facteurs héré-ditaires. Et la température peut in-fluer sur la taille, indépendam-ment, comme c’est le cas chez leThrips du tabac…

■ Les thrips et les plantesEn dépit de leur statut de rava-geurs (dangereux), les thrips gar-dent beaucoup de mystère surleur(s) régimes alimentaires etleurs variations intraspécifiques.La plupart des Térébrants sont phy-tophages, se nourrissant aux dépensde plantes vertes. Plus de la moitiédes Tubulifères sont des myco-phages. Ceci dit, on ne dispose trèssouvent que de données inexploi-tables, l’« hôte » désigné étant laplante sur laquelle le spécimen a ététrouvé… Pour la plupart des quelque60 espèces du genre Thripsconnues des États-Unis, le site deponte est inconnu. Quelques es-pèces (de diverses familles) sontuniquement prédatrices ; beaucoupde phytophages sont à l’occasionprédateurs entomophages et acari-phages, ainsi le banal Thrips du ta-bac. Et le Thrips des céréales, aliasBête d’orage, délaisse le blé qui sedessèche pour piquer les animauxhoméothermes, dont l’homme…L’entomologiste agricole est bien

5 Microptère, brachyptère, macroptère désignentrespectivement une espèce ou un individu à ailes trèsréduites (vestigiales), courtes ou grandes (normales).

Thrips du tabac (en haut) et Thrips descéréales ou Bête d'orage (en bas) - Dessins R. Préchac

Fondatrice et fille "soldat" de l'espèce euso-ciale Kladothrips morrisi, un Thrips austra-lien de l'acacia - Cliché Laurence Mound

embarrassé pour décrire la gammed’hôtes d’un thrips, entre plantes oùpondre, plantes capables d'éleverquelques larves, plantes relais visi-tées entre deux « bons hôtes » etinoculées avec un virus… Certainespopulations de thrips polyphagessont spécialisées sur une espèce vé-gétale : c’est le cas du Thrips califor-nien, qui en Nouvelle-Zélande (où ilest implanté depuis 1934) ne s’estdéveloppé que sur Bryophyllum, jus-qu’à une nouvelle introduction, en1992 d’une souche morphologique-ment identique mais « normale-ment » polyphage. Certaines es-pèces sont monophages, mais surdes hôtes botaniquement très éloi-gnés selon les populations - Viciacracca et Pinus spp. pour Apterothripsapteri respectivement au nord et ausud de l’Europe, par exemple.Parmi les ravageurs (tableau), les250 espèces du genre Liothrips sontdes phyllophages inféodés – en gé-néral - à une seule plante ; à signa-ler aussi le Thrips du lin, inféodé àcette plante. La plupart des thrips

Thrips mondialisésLes Romains ne pouvaient se passer d’oi-gnons et ont transporté ces bulbes partoutoù leurs légions sont allées – et avec eux, leThrips de l’oignon. En Australie, 60 espècesde Thysanoptères des graminées sont arri-vées d’une façon ou d’une autre, parfoisdans des graines. L’avion a accéléré la dis-persion des thrips. Les années 1980 ont étécelles de la conquête du monde par leThrips du palmier, tandis que la décenniesuivante aura été celle du ravageur horti-cole nord-américain Echinothrips america-nus. Deux thrips (abondants et polyphages)sont résolument casaniers : Thrips obscura-tus, de Nouvelle-Zélande, et T. imaginis,d’Australie, ne se sont jamais installés dansle territoire d’en face, en dépit de très nom-breux transports.

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sont des « multi-spécialistes » ex-primant en outre un grand poly-morphisme, portant sur la taille, lavitesse de développement, le lieude nymphose… tant entre popula-tions qu’au sein des populations. De nombreux thrips sont flori-coles et pollinivores (ils immobili-sent le grain de pollen avant de lepiquer et le vider). Chacun netransporte que quelques grainsmais comme ils sont fréquem-ment très nombreux, ils jouent unrôle important dans la pollinisa-tion. Leur importance est malconnue, les botanistes les considé-rant plutôt comme des consom-mateurs peu spécialisés et qu'ils

négligent de recenser.Plusieurs thrips induisent (par leurprise de nourriture) la formation degalles. Celles-ci hébergent des colo-nies de taille variable, de quelquesindividus à plus de 100 000, où co-habitent souvent deux espèces,l’une étant kleptoparasite.

■ Les thrips et leurs virusOn connaît la Maladie bronzée dela tomate 6 depuis le début du XXe

siècle mais ce n’est qu’au cours de

6 Son sigle TSWV signifie Tomato spotted wilt virus. En France, cette virose est transmise par le Thrips califor-nien et par le Thrips du tabac. Elle affecte (taches et nécroses) toutes les parties aériennes de plusieurs cen-taines d’espèces végétales, mono- et dicotylédones ; elle est mortelle pour les jeunes plants. Il n’y a pas demoyens de lutte efficaces, hormis l’exclusion des thrips (sous serre). On connaît une dizaine de topsovirosessur diverses cultures florales et légumières (dont l’arachide) ; la plus inquiétante en France est la maladie destaches nécrotiques des Impatiens (INSV), dont le vecteur est le Thrips californien.

Dégâts de Thrips du tabac sur folioles deluzerne. Les cellules vidées prennent unecoloration grisâtre ; on remarque aussi lestaches noires dues aux excrémentsCliché R. Coutin/OPIE

Dégâts du Thrips du tabac sur feuille detomate - Cliché R. Coutin/OPIE

Thrips californienCliché Mark S. Hoddle

Thrips du pêcherCliché Laurence Mound

Thrips du lin et des céréalesCliché Laurence Mound

Thrips du palmier© J. Marie Metz - Agricultural research service

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Dégâts sur pois du Thrips du pois. Onremarque les nécroses sur les gousses et surles feuilles - Cliché R. Coutin/OPIE

Thrips des serresCliché Mark S. Hoddle

Dégât du Thrips du palmier sur aubergine© J. Guyot/INRA Pointe-à-Pitre

Thrips des Aracées et des BalsaminacéesCliché Lance S. Osborne

la dernière décennie que le groupedes phytovirus associés aux thripsa été reconnu. Les topsovirus sontdes Bunyaviridés pathogènes pourles plantes et transmis (unique-ment) par des Thysanoptères. Levirus est acquis (il suffit d’un repasde 30 min) par une jeune larve etréinoculé, après multiplicationdans les glandes salivaires, parl’adulte. Là aussi, on constate, sansen connaître les raisons, de trèsgrandes différences de capacitévectrice entre individus et entrepopulations.

■ Les ennemis des thripsEn nature, on a repéré divers pré-dateurs (chrysopes, coccinelles,punaises, sphégiens et… d’autresthrips) ainsi que des parasites(Nématodes) et parasitoïdes(Hyménoptères Eulophidés, sur-tout). La lutte biologique fait appel àdes lâchers inondatifs d’Acariensprédateurs des genres Amblyseius(mangeurs de larves qui patrouillentsur les feuilles) et Hyposapis (qui vi-vent au sol et se nourrissent desthrips qui se laissent tomber pour senymphoser). Ces traitements, effi-caces en serre, sont souvent complé-tés par des introductions deNématodes (comme Steinernema fel-tiae) et/ou des lâchers d’Orius laevi-gatus (ou de deux autres espèces : O. majusculus et O. insidiosus),Hémiptères Anthocoridés préda-teurs. Contre le Thrips des Aracéeset des Balsaminacées, trop gros pourles auxiliaires classiques, il faut avoirrecours à Franklinothrips vespiformis– un Thysanoptère prédateur – ré-cemment commercialisé, associé auLion des pucerons, Chrysoperla car-nea (Névroptère Chrysopidé).

■ Les thrips et nousEn 1996, La Havane demandait àl'ONU d'enquêter sur des informa-tions selon lesquelles un avion pul-vérisateur avait introduit sur l'îleun insecte censé ruiner l’économieagricole de Cuba, le Thrips du pal-mier. Cette allégation n’a jamaisreçu le moindre élément depreuve. En revanche, la mauvaise

réputation des thrips dans les hôpi-taux est justifiée : ils entrent enmasse dans les détecteurs de fu-mée, on ignore pourquoi, et aler-tent les pompiers. Des invasionsde locaux domestiques ont eu lieu(en Australie, notamment) et l’on adéjà signalé les piqûres qu’ils infli-gent et les larmes qu’ils font couler.Jamais photographiés (ni collec-tionnés) par les amateurs, jamaischoisis comme emblème, jamaisinvoqués dans des expressions, lesthrips ne sont pas totalement « in-utiles » : ils ont sans doute un rôledans la pollinisation 7, sont la pro-vende d’oiseaux et de lézards,Liothrips urichi a été utilisé avecsuccès aux îles Fidji pour com-battre Clidemia hirta, plante enva-hissante,… mais leur statut lemieux reconnu est celui de rava-geurs. Leur nuisibilité tient moinsà des réductions de rendement, dufait des ponctions opérées sur lesplantes cultivées et des topsovirustransmis, qu’à la dépréciation desrécoltes. Attaqués par les thrips,les légumes, grains et plantes or-nementales, envahis de plages« plombées » ou nécrosées etconstellés des fèces noirs des in-sectes perdent leur valeur mar-chande. Suspectées d’abriter des

7 Et même parfois un rôle capital. Ainsi c’est grâceà Taeniothrips ericae qu’on peut élever des moutonssur les îles Féroé : ce thrips y est en effet le pollinisa-teur de la callune, en l’absence des Lépidoptères etdes Apoïdes qui assurent ailleurs ce service.

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thrips voyageurs, les exportationssont bloquées en douane. Si, en cultures abritées, on em-ploie des programmes de lutte in-tégrée adaptés faisant une grandeplace aux auxiliaires entomo-phages, dans la plupart des situa-tions agricoles et arboricoles, oncontinue à traiter chimiquementces ravageurs sans se soucier desparticularités des populations res-ponsables des dégâts – elles sont,on l’a souligné, très variables etdifficiles à apprécier.

Un vaste, difficile et donc beau su-jet de recherche qu'offrent ces mi-nuscules insectes assez tordus. r

Thrips importants en Europe occidentale

Nom commun Espèce Famille Observations Fiche HYPPZr Térébrants

Thrips californien ou Thrips Apparu à la toute fin des années 1980des petits fruits (au Canada)

Frankliniella occidentalis ThripidésVecteur du TSWV et de l’INSV

oui

Thrips du tabac et de l’oignon

Thrips tabaci Thripidés Vecteur du TSWV oui

Thrips des céréalesBête d’orage

Limothrips cerealium Thripidésoui

Thrips des céréales L. denticornis Thripidés ouThrips du pêcher Thrips meridionalis Thripidés ouiThrips du glaïeul Taeniothrips simplex Thripidés Introduit en 1945Thrips du pois Frankliniella robusta

(Kakothrips robustus)Thripidés oui

Thrips des serres Heliothrips haemorrhoidalis ThripidésThrips du lin Thrips linarius ThripidésThrips du lin et des céréales Thrips angusticeps ThripidésThrips du palmierou Thrips du melon

Thrips palmi Thripidés Apparu en 1996

Thrips des Aracées et des Balsaminacées

Echinothrips americanus Æolothripidés Apparu en 1998

r Tubulifères

Thrips de l’olivier, Barban Liothrips oleae Phloeothripidés ouiThrips du blé Haplothrips tritici Phloeothripidés oui

Ailleurs dans le monde, sévissent notamment Scirtothrips aurantii (Thripidés, agrumes), Diarthropthrips coffeae (Thripidés, caféier), Taeniothripsinconsequens (Thripidés, arboriculture fruitière), Heterothrips azaleae (Thripidés, Azalées), Caliothrips sp. et Frankliniella sp. (Thripidés, cotonnier),Gynaikothrips ficorum (Phloeothripidés, Ficus).

Pour en savoir plus

• Alford D.V., 1994. Atlas en couleurs desravageurs des végétaux d’ornement. INRAÉditions, 464 p.

• Bonnemaison L., 1961. Les ennemis ani-maux des plantes cultivées et des forêts. SEP,Paris, t. 1, 605 p. (pp. 346-366).

• Bournier A., 1983. Les Thrips. Biologie,importance agronomique. INRA, 128 p.

• Pesson P., 1951. Les Thrips. In P.P. Grassé :Traité de Zoologie, t. X(II), 1805-1869.Larve de Thrips du blé hivernant dans un

chaume de blé - Cliché R. Coutin/OPIE

Thripobius semiluteus (Hyménoptère, Eulophidé) est un endoparasite du Thrips des serres utilisé en lutte biologique - Cliché Mark S. Hoddle

Thrips de l'olivier - Dessin R. Préchac