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1 Mémoire présenté le 29 mai 2013 pour l’obtention du Diplôme de l’Institut des Actuaires Par : Romain SPEISSER Sujet : Evaluation du risque de pandémie et construction de deux modèles internes partiels en assurance de personnes dans le cadre de Solvabilité II Confidentialité : NON OUI (Durée : 1 an 2 ans) Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus Membre présents du jury de l’Institut des Actuaires Entreprise : Nom : Mazars Actuariat Signature : Membres présents du jury de la filière Directeur de mémoire en entreprise : Nom : Grégory BOUTIER Signature : Invité : Nom : Signature : Autorisation de publication et de mise en ligne sur un site de diffusion de documents actuariels (après expiration de l’éventuel délai de confidentialité) Signature du responsable entreprise Secrétariat Signature du candidat Bibliothèque :

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Mémoire présenté le 29 mai 2013

pour l’obtention du Diplôme de l’Institut des Actuaires

Par : Romain SPEISSER Sujet :

Evaluation du risque de pandémie et construction de deux modèles internes partiels en assurance de personnes dans le cadre de Solvabilité II

Confidentialité : ���� NON � OUI (Durée : � 1 an � 2 ans)

Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus Membre présents du jury de l’Institut des Actuaires

Entreprise :

Nom : Mazars Actuariat Signature : Membres présents du jury de la filière

Directeur de mémoire en entreprise :

Nom : Grégory BOUTIER

Signature : Invité : Nom : Signature : Autorisation de publication et de

mise en ligne sur un site de diffusion de documents actuariels (après expiration de l’éventuel délai de confidentialité)

Signature du responsable entreprise

Secrétariat Signature du candidat Bibliothèque :

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Evaluation du risque de pandémie et construction de deux modèles internes partiels en assurance de personnes dans le cadre de Solvabilité II

« I had a little bird,

Its name was Enza.

I opened the window,

And in-flu-enza. »

Comptine de 1918, Etats-Unis

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Résumé

Mots-clés : risque catastrophe, risque de pandémie, assurance de personnes, SCR Vie CAT, SCR Santé CAT Pandémie, modèle interne partiel, modèle actuariel sur données historiques, taux de surmortalité, impact par âge et par sexe d’une pandémie, modèle épidémiologique, simulation d’épidémie, graphe aléatoire de Bernoulli, modèle SEIR stochastique.

Une pandémie désigne littéralement une maladie qui affecte « le peuple tout entier ». De part son ampleur, un assureur vie ou un assureur de personnes ne peut se permettre d’ignorer ce risque, même s’il est particulièrement difficile à évaluer.

La réforme réglementaire européenne connue sous le nom de Solvabilité II instaure un Capital Requis de Solvabilité (SCR, « Solvency Capital Requirement ») suffisant en théorie pour absorber un choc qui surviendrait une fois tous les 200 ans. Il peut se calculer soit par le biais d’une formule standard, soit par le biais d’un modèle interne complet ou partiel. Dans la cartographie des risques de la formule standard, le risque de pandémie apparaît dans deux sous-modules : le SCR Vie CAT et le SCR Santé CAT Pandémie. Dans la formule standard, le SCR Vie CAT résulte d’un choc instantané de surmortalité de 1,5 ‰, tandis que le SCR Santé CAT Pandémie retient 0,075 ‰ de l’exposition aux garanties invalidité et 40 % de l’exposition aux garanties frais d’hospitalisation et frais de soin.

Afin de construire un modèle interne partiel pour le risque de pandémie, il est nécessaire de le conceptualiser sous ses aspects biologiques, sanitaires et historiques. Or il apparaît que seule la grippe possède le potentiel pour déclencher un phénomène étendu et foudroyant. Si la virulence n’entre pas en compte dans la définition d’une pandémie, la grippe espagnole de 1918 (40 à 50 millions de morts) nous rappelle qu’une telle catastrophe peut être dévastatrice. Mais l’impact n’est pas pour autant uniforme sur l’ensemble de la population, y compris la population infectée, les principaux facteurs discriminants étant l’âge de la population concernée, sa vulnérabilité face à la maladie, son emplacement géographique, ainsi que l’éventuel effet d’anti-sélection observé chez la population assurée.

Deux grandes catégories de modèles existent pour évaluer l’impact d’une pandémie : les modèles actuariels, basés sur données historiques, et les modèles épidémiologiques, qui simulent la propagation de la maladie. Dans ce mémoire, nous présentons un modèle de chaque type que nous modifions et adaptons pour construire deux modèles internes partiels distincts pour le risque de pandémie pour un portefeuille fictif en assurance de personnes.

Afin de toujours mieux appréhender le risque de pandémie, il nous semble qu’un axe de recherche future consiste à éclairer le lien entre la fréquence de survenance et la sévérité d’une pandémie, et de les relier si possible à la structure de la population. Il faudrait également que le régulateur publie des taux d’atteinte et de sévérité par âge, afin que l’ensemble de la place utilise les mêmes données, et qu’il propose une approche par scénarios correspondant aux différents types de pandémies déjà rencontrées.

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Summary

Key-words : catastrophic risk, pandemic risk, life and health insurance, SCR Life CAT, SCR Health CAT Pandemic, partial internal model, actuarial model based on historical data, excess mortality rate, pandemic impact by age and sex, epidemiological model, epidemic simulation, random Bernoulli graph, stochastic SEIR model.

The word « pandemic » literally stands for a disease that spreads among the entire people. Because of its scope, a life or a health insurer cannot rule out this risk, even if it is notoriously difficult to assess.

The new European regulatory reform known as Solvency II puts in place a Solvency Capital Requirement (SCR) that is theoretically sufficient to absorb a 1-in-200 year shock (i.e. a shock that would occur once in 200 years). The SCR can be computed either through a standard formula based on a detailed risk cartography divided in modules and sub-modules, or through a partial or complete internal model. In the Solvency II risk mapping, the pandemic risk appears in two sub-modules: the SCR Life CAT and the SCR Health CAT Pandemic. The standard formula states that the SCR Life CAT should result from an instantaneous excess mortality shock of 1.5 ‰, whereas the SCR Health CAT Pandemic retains 0.075‰ of the income protection pandemic exposure and 40% of the best estimate of amounts payable in relation to medical expense insurance in case of medical outpatient treatment and hospitalization.

In order to build a partial internal model for the pandemic risk, a conceptual work has to be done on its biological, sanitarian and historical aspects. It appears that only the influenza virus can trigger a widespread and lightning phenomenon. If the deadly impact is not part of the definition, the 1918 Spanish influenza pandemic (40 to 50 million deaths) reminds us that such a disaster can be extremely devastating. However, the impact does not uniformly apply to the whole population, including the infected population, and the main factors that matter here are the age of the population, its vulnerability, its geographical location and the possible anti-selection effect that can be observed among insured people.

Two main model types exist to assess the impact of a pandemic, namely actuarial models, based on historical data, and epidemiological models which simulate the spread of the disease. In this dissertation thesis, we introduce a model of each type that we alter and adapt to build two distinctive partial internal models for the pandemic risk for a fictive health insurance portfolio.

In order to better assess the pandemic risk, a further axis of research seems to analyze the relation between the frequency and the severity of a pandemic, and to link them to the structure of a population and its age distribution. The regulator should also release infection and severity rates by age, since they should apply indistinctively to all insurance companies, and propose a scenario-based approach corresponding to the different types of pandemics we have encountered so far.

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Note de synthèse

Une pandémie désigne littéralement une maladie qui affecte « le peuple tout entier ». De part l’ampleur qu’elle peut prendre, tant du point de vue géographique que du point de vue de sa violence, un assureur vie ou un assureur de personnes ne peut se permettre d’ignorer ce risque. Mais celui-ci est particulièrement difficile à évaluer en raison du faible nombre de données disponibles et des nombreuses inconnues qui subsistent quand à la forme que pourrait prendre la prochaine pandémie.

Le cadre réglementaire actuel des assureurs français prévoit un certain nombre de règles en vue de garantir leur solvabilité, avec notamment la mise en place de réserves destinées à absorber les chocs de sinistralité ou les événements imprévus impactant le résultat de l’assureur. Ces règles se fondent sur un système de ratios fixes appliqués aux primes ou à la charge sinistre, et ne tiennent donc compte ni des particularités de l’assureur et de ses risques réellement encourus, ni du risque de pandémie de manière spécifique.

La réforme réglementaire européenne connue sous le nom de Solvabilité II tente de remédier à cette situation. Parmi de nombreuses mesures, dont des exigences qualitatives visant à renforcer la gouvernance et le contrôle des risques, elle instaure un Capital Requis de Solvabilité (SCR, « Solvency Capital Requirement ») suffisant en théorie pour absorber un choc qui surviendrait une fois tous les 200 ans. Il peut se calculer soit par le biais d’une formule standard fondée sur une cartographie des risques détaillée en modules et sous-modules, soit par le biais d’un modèle interne prenant en compte l’exposition et la gestion spécifique de chaque assureur. La méthode intermédiaire, consistant à développer un modèle interne partiel pour un risque ou une catégorie de risques définie, est également autorisée dans la mesure où elle constitue un premier pas vers le modèle interne complet. Malgré la difficulté de la tâche, les compagnies d’assurance sont incitées à développer des modèles internes, considérés comme de véritables outils de gestion et de décision.

Dans la cartographie des risques de la formule standard de Solvabilité II, le risque de pandémie apparaît dans deux sous-modules : le SCR Vie CAT et le SCR Santé CAT Pandémie. La formule standard pose que le SCR Vie CAT doit être égal à la perte de fonds propres qui serait associée à une augmentation de 15 points de base des taux de mortalité utilisés pour le calcul des provisions techniques. Une simplification de ce calcul est proposée, et consiste à appliquer un choc instantané de surmortalité de 1,5 ‰ aux capitaux sous risque correspondant aux garanties décès. La formule standard du SCR Santé CAT Pandémie consiste à retenir 0,075 ‰ de l’exposition aux garanties invalidité et 40 % de l’exposition aux garanties frais d’hospitalisation et frais de soin, en considérant qu’en cas de pandémie, 1% des personnes seraient hospitalisées et que 20 % iraient consulter un médecin pour un traitement médical (et que donc les 79 % restant n’engageraient aucune démarche particulière).

Il apparaît cependant que l’approche de la formule standard manque de cohérence, en se fondant notamment sur deux scénarios complètement distincts pour les garanties vie et santé, sans aucune interaction entre les deux. Le calibrage du choc appliqué aux garanties

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invalidité nous semble également particulièrement sujet à caution, si bien que nous considérons qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas opportun de considérer qu’une pandémie puisse avoir un impact sur les garanties invalidité.

Afin de construire un modèle interne partiel pour le risque de pandémie, il est nécessaire de le conceptualiser sous ses aspects biologiques, sanitaires et historiques. Nous pouvons dégager trois caractéristiques de la pandémie, à savoir qu’il s’agit d’un phénomène étendu, foudroyant et à l’impact exceptionnel mais pas nécessairement virulent. Mais si plusieurs maladies peuvent être à l’origine d’épidémies de grande ampleur, seule la grippe constitue une véritable menace à l’échelle planétaire, notamment en raison de sa période de contagiosité débutant avant l’apparition des symptômes, ce qui lui donne un temps d’avance pour se propager avant d’être détectée. L’historique des dernières pandémies, toutes d’origine grippale, semble confirmer ce fait, tout en démontrant la virulence extrême qui peut en résulter, à l’image de la grippe espagnole de 1918 restée dans les annales comme étant la pire pandémie de l’histoire, et qui aurait été à l’origine de 40 à 50 millions de morts.

Si la portée d’une pandémie est mondiale, son impact n’est pas pour autant uniforme sur l’ensemble de la population, y compris la population infectée. Certains développeront des complications pouvant entraîner jusqu’à la mort, tandis que d’autres en ressentiront à peine les symptômes. Cette considération est à prendre en compte du point du vue de l’assureur, même s’il est délicat de le faire a priori en raison du faible nombre de données. Les principaux facteurs intervenants sont l’âge de la population concernée, sa vulnérabilité face à la maladie (étant entendue comme son état de santé général, qui peut favoriser l’apparition de complications) et son emplacement géographique, car la qualité des infrastructures sanitaires d’un pays et la facilité d’accès aux soins peuvent sensiblement atténuer l’impact d’une pandémie, de même que le niveau de préparation du pays et la rapidité avec laquelle il pourra y réagir. L’éventuel effet d’anti-sélection observé chez la population assurée, lorsque celle-ci présente un taux de mortalité significativement inférieur à la population générale (comme c’est souvent le cas pour les contrats individuels), est également à prendre en compte.

Deux grandes catégories de modèles existent pour évaluer l’impact d’une pandémie : les modèles actuariels, basés sur données historiques, et les modèles épidémiologiques, qui simulent la propagation de la maladie. Dans ce mémoire, nous présentons un modèle de chaque type que nous modifions et adaptons pour construire deux modèles internes partiels distincts pour le risque de pandémie pour un portefeuille fictif en assurance de personnes.

Le premier modèle interne partiel se base sur les données historiques de mortalité enregistrées aux Etats-Unis au cours des quatre pandémies majeures du XXe siècle (1918, 1957, 1968 et 1978), et permet de calculer le SCR Vie CAT. Il modélise de manière séparée la fréquence et la sévérité des pandémies, composantes considérées comme indépendantes. La première étape consiste à déterminer, pour chaque pandémie précitée, le taux de surmortalité engendrée dans la population générale, et ce par catégorie d’âge. Pour cela, nous observons au cas par cas la mortalité due à la grippe afin de déterminer d’une part le nombre d’années

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durant lesquelles les vagues successives de grippe se sont fait ressentir, et d’autre part afin de choisir un estimateur de la mortalité que l’on aurait observée en cas d’absence de pandémie. Cette démarche est nécessaire pour bien prendre en compte l’effet de chaque pandémie pour chaque catégorie d’âge. Par exemple, certaines catégories d’âge ne sont pas ou peu touchées par une pandémie donnée, ou ne le sont que pendant une année, alors que pour d’autres catégories d’âge, les effets de la même pandémie pourront se faire observer pendant plusieurs années. Le choix de l’estimateur de la mortalité que l’on aurait observée en l’absence de pandémie est important, puisque l’on observe globalement une tendance à la baisse de la mortalité grippale, tendance qu’il faut prendre en compte. Par exemple, si le taux de mortalité grippale de 1919 est plus faible que celui de 1917, l’impact de la pandémie en 1918 sera plus important si on le compare à la moyenne des taux de 1917 et 1919 plutôt que par rapport à l’année 1917 uniquement. Le modèle de base sur lequel nous nous appuyons n’adopte pas cette approche détaillée, si bien qu’il en résulte certaines incohérences et sous-estimations.

La seconde étape consiste à ajuster une courbe de sévérité. Nous faisons d’abord l’hypothèse qu’une pandémie est davantage susceptible d’avoir un impact de mortalité proportionnel plutôt qu’absolu. En effet, le taux de mortalité est aujourd’hui bien moindre qu’au début du XXe siècle, ce qui traduit l’amélioration de l’état de santé général et des conditions sanitaires, et il n’est pas irréaliste de penser que l’impact d’une nouvelle pandémie en soit réduit d’autant. Par ailleurs, afin d’améliorer l’ajustement, nous construisons un point fictif qui traduit le pire scénario possible, à savoir une pandémie similaire à celle de 1918 qui se produirait aujourd’hui. La difficulté de l’ajustement réside dans le choix des quantiles de sévérité attribué à chaque pandémie. Ce choix est à mettre en relation avec le modèle de fréquence retenu, sachant que selon les sources utilisées, la probabilité annuelle de survenance d’une pandémie varie entre 2,3 % et 7,4 %. La dernière étape consiste à prendre le quantile de 99,5 % correspondant à une pandémie bicentenaire et à pondérer notre résultat pour prendre en compte l’éventuel effet d’anti-sélection de la population assurée par rapport à la population générale.

Ce modèle possède l’avantage de se fonder sur des données réellement observées, et s’affranchit donc d’estimations ou de scénarios prédictifs forcément arbitraires et hasardeux. Mais d’un autre côté, le faible nombre de données et leur fiabilité pas forcément avérée, ainsi que la grande part d’arbitraire qui intervient, présentent un inconvénient certain. Appliqué à notre portefeuille fictif, ce modèle interne partiel réduit de moitié le SCR Vie CAT par rapport à la formule standard. Les différentes sensibilités effectuées mettent en avant le poids largement prépondérant de la pandémie de 1918, ce qui souligne l’importance de prendre en compte son impact de manière précise. Le modèle met également en évidence l’importance de distinguer l’impact par âge. Contrairement à la pandémie de 1918, qui a eu un impact très significatif sur les jeunes adultes, les pandémies qui suivirent – et donc les plus récentes – ont majoritairement touché les personnes âgées.

Notre second modèle interne partiel se fonde sur un modèle épidémiologique stochastique SEIR [Susceptibles – Exposés (latents) – Infectés (et infectieux) – Retirés (rétablis ou décédés)], et simule la propagation temporelle d’une épidémie parmi la

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population. Il permet de calculer le SCR Vie CAT et le SCR Santé CAT Pandémie. La première étape consiste à générer un graphe de Bernoulli, simulant ainsi de manière aléatoire les contacts sociaux dans une population fermée. En introduisant un individu infecté ex nihilo, la maladie va se propager parmi la population, les individus en état Infecté (et infectieux) transmettant la maladie de manière aléatoire aux individus Susceptibles avec lesquels ils ont établi un contact social. S’il n’y a pas de contact social, ou si l’individu infecté se rétablit avant d’avoir pu transmettre le virus, l’arbre de transmission s’arrête. En supposant que la durée pendant laquelle une personne est infectée reflète la gravité de son cas, et en utilisant deux jeux différents d’estimations par âge et par vulnérabilité de l’impact de la pandémie, on peut dénombrer le nombre d’individus qui auront besoin d’une consultation médicale, qui seront hospitalisés, et qui décèderont, ainsi que le nombre total de jours d’incapacité temporaire de travail. Simulant de la sorte un grand nombre de pandémies infectant en moyenne 30 % ou 35 % de la population (d’après les scénarios élevés que l’on trouve dans la littérature), on obtient la distribution empirique des complications précitées. En prenant enfin les quantiles 99,5 % et en ajustant à nouveau nos résultats pour prendre en compte la spécificité de notre portefeuille assuré par rapport à la population générale, on obtient le SCR Santé CAT Pandémie.

La difficulté de ce modèle réside dans le fait qu’il nous faut « contourner » deux hypothèses fondamentales du modèle de base : l’homogénéité de la population et sa mixité totale. Outre l’inconvénient technique (population restreinte et temps de calcul), ce modèle fait intervenir une grande part d’arbitraire et repose sur des estimations qu’il est impossible de vérifier. Il permet néanmoins de mettre en avant l’impact quasi-nul sur les garanties incapacités si celles-ci sont assorties d’une franchise adéquate (par exemple 15 jours), et de souligner l’importance de la vulnérabilité de la population.

Afin de toujours mieux appréhender le risque de pandémie, il nous semble qu’un axe de recherche future consiste à éclairer le lien entre la fréquence de survenance et la sévérité d’une pandémie, car rien ne dit que ces deux composantes sont indépendantes. Il conviendrait également de relier si possible ces composantes à la structure de la population et à sa pyramide des âges. Pour permettre la construction de modèles internes cohérents chez l’ensemble des assureurs, il faudrait également que le régulateur publie des taux d’atteinte et de sévérité par âge (qui sont des facteurs exogènes) afin que l’ensemble de la place utilise les mêmes données. Il pourrait également être judicieux de proposer une approche par scénarios, l’un correspondant par exemple à une pandémie du type de celle de 1918 (impact significatif sur les jeunes adultes), et l’autre à une pandémie de type plus récent (touchant majoritairement les personnes âgées).

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Abstract

The word « pandemic » literally stands for a disease that spreads among the entire people. Because of its geological scope, and because of the severe consequences it can trigger, a life or a health insurer cannot rule out this risk. However, because of the lack of available data and the numerous unanswered questions that persist about what the next pandemic will look like, it is notoriously difficult to assess this risk.

The current regulatory framework of French insurers sets up rules aimed at protecting their solvency, with for example, the existence of reserves allowing insurers to absorb claim shocks or unexpected events that negatively impact their bottom line. These rules are based on a fixed-ratio system applied to premiums or claims. For that reason, they do not account for any particularity of the insurance company or its risks, and do not tackle the pandemic risk specifically.

The new European regulatory reform known as Solvency II tries to offer a solution. Among many measures, such as qualitative requirements aimed at strengthening governance and risk control, it puts in place a Solvency Capital Requirement (SCR) that is theoretically sufficient to absorb a 1-in-200 year shock (i.e. a shock that would occur once in 200 years). The SCR can be computed either through a standard formula based on a detailed risk cartography divided in modules and sub-modules, or through an internal model that accounts for the specific exposure and management of each firm. The intermediate method consisting in developing a partial internal model for a specific risk or group of risks is also allowed insofar as it is a first step towards a complete internal model. Though how difficult a task it is, insurance companies are encouraged to develop internal models, which are regarded as true management and decision tools.

In the Solvency II risk mapping, the pandemic risk appears in two sub-modules: the SCR Life CAT and the SCR Health CAT Pandemic. The standard formula states that the SCR Life CAT should be equal to the change in the net value of assets minus liabilities resulting from an absolute increase of 1.5‰ in the rate of policyholders dying over the following year. A simplification of this formula is proposed. It consists in applying an instantaneous mortality shock of 1.5‰ to the capital at risk corresponding to policies where the payment of benefits is contingent on mortality. The standard formula for the SCR Health CAT Pandemic retains 0.075‰ of the income protection pandemic exposure and 40% of the best estimate of amounts payable in relation to medical expense insurance in case of medical outpatient treatment and hospitalization, considering that in an event of a pandemic, 1% of the people would require an hospitalization, and 20% a consultation with a general practitioner (and consequently 79% would not seek any formal medical care).

It appears however that the standard formula approach lacks consistency, namely insofar as it is based on two completely different scenarios for life and health businesses, without allowing any interaction between the two. Besides, in our view, the calibration of the shock applied to the income protection exposure is questionable. Considering the scientific

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researches done so far, we believe that it is not appropriate for the pandemic risk to encompass income protection expenses, which should therefore be ruled out of the SCR Health CAT Pandemic.

In order to build a partial internal model for the pandemic risk, a conceptual work has to be done on its biological, sanitarian and historical aspects. We can infer three main characteristics of a pandemic, namely a widespread and lightning phenomenon, with an exceptional impact which is not necessarily deadly. Several diseases can trigger a large-scale epidemic, but it appears that only the influenza virus poses a true global threat, especially because of its proportion of asymptomatic infections (meaning that a person who hasn’t develop any symptom yet can still transmit the disease) that gives the disease an early advantage to spread before being detected. History shows indeed that recent pandemics are all due to the influenza virus, and that the toll can be extreme, as shown by the 1918 Spanish influenza pandemic which is still remembered as the worst pandemic – and possibly disaster – in history with 40 to 50 million deaths.

By definition, a pandemic is worldwide, but it does not mean that its impact applies uniformly to the whole population, including the infected population. Following the disease, some people will develop complications that can lead to death, while other people will barely feel anything. An insurer should take this fact into account, even if it is very difficult to do so a priori, due to the lack of data. The main factors that matter here are the age of the population, its vulnerability (meaning its general health condition, which can contribute to the apparition of complications) and its geographical location, since the quality of the medical infrastructures of a country and the easy access to the health care system it provides can dampen down the impact of a pandemic, as well as its preparation level and the speed it can react with. The possible anti-selection effect that can be observed among insured populations when they show a mortality rate significantly lower than the general population (as often seen for individual contracts) should also be taken into account.

Two main model types exist to assess the impact of a pandemic, namely actuarial models, based on historical data, and epidemiological models which simulate the spread of the disease. In this dissertation thesis, we introduce a model of each type that we then alter and adapt to build two distinctive partial internal models for the pandemic risk for a fictive health insurance portfolio.

The first partial internal model is based on historical mortality data in the US during the four main pandemics that took place during the 20th century (1918, 1957, 1968 and 1978), and enables us to compute the SCR Life CAT. It models separately the frequency and the severity of pandemics which are viewed as independent. The first step is to determine, for each mentioned pandemic, the general population excess mortality rate by age. For that purpose, we closely look case by case at the influenza mortality to define, on the one hand, the number of years during which the successive influenza waves took place, and on the other hand, an estimator of the mortality that would have been observed in the absence of

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pandemic. This method is necessary to fully take into account the effect of each pandemic for each age category. For instance, some age categories are not or little impacted by some given pandemics, or are only impacted during one year, whereas for other age categories, the impact of the same pandemic can last for several years. The choice of the estimator of the mortality that would have been observed in the absence of pandemic is also important since we globally observe a downward trend in the influenza mortality that we have to take into account. For example, if the influenza mortality rate is lower in 1919 than in 1917, the 1918 pandemic impact will be higher if compared to the mean of the 1917 and 1919 rates than if compared to the sole 1917 rate. The initial model we base ours on does not adopt such a detailed approach, and consequently shows some incoherencies and underestimations.

The second step is to adjust a severity curve. We first assume that the pandemic impact on mortality is more likely to be proportional than absolute. Indeed, the mortality rate is nowadays much lower than in the beginning of the 20th century, which accounts for the improvement of general health state and sanitary conditions, and it is not unrealistic to think that the impact of a future pandemic will be accordingly lower. Besides, in order to improve the adjustment, we build a fictive point representing the worse possible scenario, namely a pandemic similar to the one of 1918 that would occur today. The main hardship of the adjustment lies in the choice of the severity percentiles attributed to each pandemic. That choice is to be related to the frequency model, knowing that according to sources, the annual probability of occurrence of a pandemic varies from 2.3% to 7.4%. The last step consists in selecting the 99.5% percentile level corresponding to a 1-in-200 year pandemic, and to weight our results to account for the possible anti-selection effect of our insured population compared to the general population.

This model has the advantage to be based on observed historical data and do not contain predictive estimations or scenarios that are necessarily rash and arbitrary. But on the other hand, the few numbers of data and their arguable reliability, as well as the significant arbitrary part that comes into play, are as many drawbacks. When applied to our fictive portfolio, our partial internal model reduces the SCR Life CAT by half compared to the standard formula. The sensibility analysis that we performed showed that the 1918 pandemic largely outweighs the others, which underlines how important it is to precisely assess its impact. The model also points out how important it is to distinguish the impact by age. Unlike the 1918 pandemic, which had a huge impact on young adults, the following – and thus the most recent – pandemics have mainly impacted the elderly.

Our second partial internal model is based on a stochastic SEIR epidemiological model [Susceptible – Exposed – Infected (and infectious) – Retired (cured or dead)] and simulates the time propagation of an epidemic among a population. It allows us to compute the SCR Life CAT and the SCR Health CAT Pandemic. The first step consists in generating a Bernoulli graph that will simulate random social contacts among a closed population. By inserting ex nihilo an infected person, the disease will spread among the population since the people in the Infected (and infectious) state will randomly transmit the disease to Susceptible people they have built social contacts with. If there is no social contact or if the infected

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individual is cured before he can transmit the disease, the transmission tree stops. By assuming that the length during which an individual is infected fairly represents how bad his case is, and by using two estimation sets for the distribution of the impact by age and vulnerability, we can count how many people will need a medical consultation, an hospitalization or will pass away, as well as the total number of days of temporary disability that the insurer will have to pay. By simulating a huge number of such pandemics infecting on average 30% or 35% of the population (based on the highest scenarios found in literature), we obtain the empirical distributions of the mentioned complications. Finally, by taking the 99.5% percentile and adjusting again our results to account for the specificity of our insured population compared to the general population, we obtain the SCR Health CAT Pandemic.

The hardship inherent to this model lies in the fact that we have to “bypass” two fundamental hypothesis of the initial model, namely a homogeneous and completely mixing population. On top of the technical drawbacks (relatively small population and large computing time), the arbitrary part of this model is significant and it is based on estimations that cannot be checked. It underlines nonetheless the negligible impact on the temporary disability lines provided they are accompanied with adequate exemptions (for example 15 days), and the importance of the vulnerability of the population.

In order to better assess the pandemic risk, a further axis of research seems to analyze the relation between the frequency and the severity of a pandemic, for there is no reason why those two components should be independent. If possible, it would also be interesting to link them to the structure of a population and its age distribution. In order to make internal models consistent among insurers, the regulator should also release infection and severity rates by age, since they are exogenous factors that should apply indistinctively to all insurance companies. Finally, it would be valuable for the regulator to propose an approach based on scenarios. For example, a scenario could correspond to a pandemic of a type similar to the one of 1918 (with a significant impact on young adults), and another one could correspond to more recent types of pandemics, where the elderly were mainly affected.

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Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement Grégory Boutier pour m’avoir permis d’intégrer Mazars Actuariat dans les meilleures conditions, et pour m’avoir guidé tout au long de l’élaboration et de la rédaction de ce mémoire. Un grand merci également à Alice Thou pour sa disponibilité et ses conseils qui m’ont grandement éclairé dans mes choix. Merci à Thameur Zghal pour ses nombreuses précisions, et enfin merci à toute l’équipe de Mazars Actuariat pour avoir contribué à ce que mon stage se déroule pour le mieux.

Je tiens à remercier chaleureusement M. Indjehagopian, dont la passion communicative a éveillé mon intérêt pour la filière Essec-Actuariat, et qui m’a permis de l’intégrer avec un an d’avance par rapport à ce que j’avais envisagé.

Merci à Olivier Lopez, mon tuteur à l’Isup, pour avoir instantanément accepté de me suivre, ainsi que pour ses conseils et son suivi.

Merci à MM. Groendyke et Welch, qui on bien voulu m’éclairer sur certains aspects de leur travaux, et dont les explications et conseils ont été précieux.

Merci à Marie Chabrat, interne en médecine, pour son aide bienvenue au sujet de l’Encéphalite léthargique.

Merci enfin à toutes les personnes qui m’ont soutenu durant ces mois de travail, et en particulier à mes parents, sans qui il m’aurait été impossible de finaliser ce mémoire depuis Singapour.

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Sommaire

RESUME ............................................................................................................................................................... 4 SUMMARY ........................................................................................................................................................... 5 NOTE DE SYNTHESE ............................................................................................................................................. 6 ABSTRACT ......................................................................................................................................................... 10 REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................... 14 SOMMAIRE ........................................................................................................................................................ 15

INTRODUCTION ............................................................................................................................................... 18

PARTIE I : CONTEXTE, EVOLUTION ET ENJEUX DU CADRE R EGLEMENTAIRE LIE A LA SOLVABILITE ................................................................................................................................................... 20

CHAPITRE 1 : CONTEXTE ET ENJEUX DU CADRE REGLEMENTAIRE LIE A LA SOLVABILITE .................................. 21 Section 1.1. Etat des lieux de la réglementation actuelle ............................................................................. 21

1.1.1. Le paradigme de Solvabilité I .......................................................................................................................... 21 1.1.2. Quelle prise en compte du risque de pandémie sous Solvabilité I ? ................................................................. 23 1.1.3. Les limites de Solvabilité I............................................................................................................................... 24

Section 1.2. La révolution Solvabilité II ....................................................................................................... 25 1.2.1. Pilier I : Exigences quantitatives ...................................................................................................................... 25 1.2.2. Pilier II : Exigences qualitatives et supervision ............................................................................................... 27 1.2.3. Pilier III : Information et discipline de marché ................................................................................................ 28 1.2.4. Le calendrier de la réforme à l’été 2012........................................................................................................... 28

CHAPITRE 2 : QUELLE PRISE EN COMPTE DU RISQUE DE PANDEMIE SOUS SOLVABILITE II ? .............................. 28 Section 2.1. Synoptique des garanties et risques concernés ......................................................................... 29

2.1.1. Au passif .......................................................................................................................................................... 29 2.1.2. A l’actif ............................................................................................................................................................ 30

Section 2.2. Quelle prise en compte dans la mesure de solvabilité ? ........................................................... 31 2.2.1. SCR Vie CAT .................................................................................................................................................. 31 2.2.2. SCR Santé CAT Pandémie .............................................................................................................................. 32

Section 2.3. Limites et critique de la réglementation actuelle ...................................................................... 33 2.3.1. Une approche trop rigide et peu cohérente ? .................................................................................................... 33 2.3.2. Quelle menace sur les garanties invalidité ? .................................................................................................... 33

PARTIE II : CONCEPTUALISATION DU RISQUE DE PANDEMIE ....................................................... 35

CHAPITRE 1 : CARACTERISTIQUES ET EVALUATION DU RISQUE DE PANDEMIE ................................................... 36 Section 1.1. Tentative de définition .............................................................................................................. 36

1.1.1. Un phénomène étendu ...................................................................................................................................... 36 1.1.2. Un phénomène foudroyant ............................................................................................................................... 37 1.1.3. Un phénomène à l’impact exceptionnel mais pas nécessairement virulent ...................................................... 38

Section 1.2. Caractéristiques de la grippe ................................................................................................... 39 1.2.1. Pourquoi se concentrer sur la grippe ? ............................................................................................................. 39 1.2.2. Les données biologiques .................................................................................................................................. 41 1.2.3. Le développement de la maladie à l’échelle individuelle ................................................................................. 41 1.2.4. Le développement de la maladie à l’échelle globale ........................................................................................ 43 1.2.5. Traitement, immunité et vaccination ................................................................................................................ 43

Section 1.3. Historique des pandémies grippales ......................................................................................... 44 1.3.1. Premières pandémies et fréquence ................................................................................................................... 44 1.3.2. 1918-1919 : la grippe espagnole A (H1N1) ..................................................................................................... 45 1.3.3. 1957-1958 : la grippe asiatique A (H2N2) ....................................................................................................... 46 1.3.4. 1968-1969 : la grippe de Hong-Kong A (H3N2) ............................................................................................. 47 1.3.5. 2009 : la grippe A (H1N1) ............................................................................................................................... 47

Section 1.4. Conceptualisation de la gravité d’une pandémie du point de vue de l’assureur ...................... 49 1.4.1. La spécificité du portefeuille assuré ................................................................................................................. 49 1.4.2. Qu’en est-il de la menace H5N1 ? ................................................................................................................... 50

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CHAPITRE 2 : LES MODELES ACTUARIELS SUR DONNEES HISTORIQUES .............................................................. 52 Section 2.1. Présentation générale ............................................................................................................... 52 Section 2.2. L’évaluation par modélisation du nombre de décès ................................................................. 53

2.2.1. Estimation de la fréquence ............................................................................................................................... 53 2.2.2. Modélisation de la sévérité .............................................................................................................................. 53

CHAPITRE 3 : LES MODELES DE TYPE EPIDEMIOLOGIQUE................................................................................... 58 Section 3.1. Présentation générale ............................................................................................................... 58

3.1.1. De la complexité des modèles .......................................................................................................................... 58 3.1.2. Les modèles individus-centrés ......................................................................................................................... 59

Section 3.2. Classification des modèles existants ......................................................................................... 59 3.2.1. Les modèles compartimentaux ......................................................................................................................... 60 3.2.2. Tableau récapitulatif ........................................................................................................................................ 60

Section 3.3. Le modèle SEIR déterministe .................................................................................................... 62 3.3.1. Présentation ...................................................................................................................................................... 62 3.3.2. Taille finale d’une épidémie ............................................................................................................................ 64

Section 3.4. Le modèle SEIR stochastique de Groendyke & al. ................................................................... 64 3.4.1. Génération d’un graphe aléatoire de Bernoulli (ou graphe d’Erdös- Rényi) .................................................... 65 3.4.2. Simulation SEIR .............................................................................................................................................. 65 3.4.3. Résultat de la simulation .................................................................................................................................. 66 3.4.4. Calcul de R0 ..................................................................................................................................................... 67 3.4.5. Calcul de la taille finale ................................................................................................................................... 67

PARTIE III – CONSTRUCTION DE DEUX MODELES INTERNES PARTIELS EN ASSURANCE DE PERSONNES ....................................................................................................................................................... 68

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU PORTEFEUILLE ET CALCUL DU SCR AVEC LA FORMULE STANDARD ............... 69 Section 1.1. Présentation du portefeuille concerné ...................................................................................... 69

1.1.1. Répartition par âge et par sexe ......................................................................................................................... 69 1.1.2. La garantie décès ............................................................................................................................................. 69 1.1.3. La garantie incapacité ...................................................................................................................................... 70 1.1.4. La garantie invalidité ....................................................................................................................................... 70 1.1.5. La garantie frais de santé ................................................................................................................................. 70 1.1.6. Tableau de synthèse (hors garantie frais de santé) ........................................................................................... 71

Section 1.2. Calcul du SCR Vie CAT avec la formule standard ................................................................... 71 Section 1.3. Calcul du SCR Santé CAT Pandémie avec la formule standard ............................................... 71

CHAPITRE 2 : UTILISATION DU MODELE ACTUARIEL SUR DONNEES HISTORIQUES POUR LA CONSTRUCTION D’UN

MODELE INTERNE PARTIEL ................................................................................................................................. 72 Section 2.1. Revue critique et adaptation du modèle .................................................................................... 72

2.1.1. Point sur les données utilisées .......................................................................................................................... 72 2.1.2. Prise en compte de la distribution par âge et par sexe du portefeuille .............................................................. 73

Section 2.2. Schéma du modèle interne ........................................................................................................ 74 Section 2.3. Estimation de la surmortalité liée aux pandémies .................................................................... 76

2.3.1. Observations générales .................................................................................................................................... 76 2.3.2. Années d’impact et taux de mortalité que l’on aurait observé en l’absence de pandémie ................................ 78 2.3.3. Taux de surmortalité générale due aux pandémies ........................................................................................... 82

Section 2.4. Modélisation de la fréquence et ajustement d’une courbe de sévérité...................................... 84 2.4.1. Augmentation relative du taux de mortalité due à la pandémie ....................................................................... 84 2.4.2. Modélisation de la fréquence ........................................................................................................................... 85 2.4.3. Choix des quantiles .......................................................................................................................................... 85 2.4.4. Ajustement à une courbe de sévérité ................................................................................................................ 86

Section 2.5. Prise en compte de la mortalité assurée par rapport à la mortalité générale .......................... 87 Section 2.6. Calcul du SCR Vie CAT ............................................................................................................ 88 Section 2.7. Résultats du modèle et sensibilités ............................................................................................ 89

2.7.1. Rappel des résultats.......................................................................................................................................... 89 2.7.2. Comparaison des résultats ................................................................................................................................ 89 2.7.3. Sensibilité à la fréquence et au choix des quantiles.......................................................................................... 90 2.7.4. Sensibilité à la répartition par âge .................................................................................................................... 92

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Section 2.8. Avantages et limites du modèle ................................................................................................. 93 2.8.1. Avantages du modèle ....................................................................................................................................... 93 2.8.2. Limites du modèle ........................................................................................................................................... 93

CHAPITRE 3 : UTILISATION DU MODELE SEIR STOCHASTIQUE POUR LA CONSTRUCTION D’UN MODELE INTERNE

PARTIEL ............................................................................................................................................................. 94 Section 3.1. Schéma du modèle .................................................................................................................... 94 Section 3.2. Hypothèses et scénarios pris en compte ................................................................................... 96

3.2.1. Taille finale ...................................................................................................................................................... 96 3.2.2. Répartition des cas par âge............................................................................................................................... 96 3.2.3. Répartition de la population à risque................................................................................................................ 97 3.2.4. Répartition de la virulence de l’impact sanitaire .............................................................................................. 97

Section 3.3. Calcul des probabilités ............................................................................................................. 98 3.3.1. Formalisation ................................................................................................................................................... 98 3.3.2. Calcul de P(Cj | M) ........................................................................................................................................... 99

Section 3.4. Calibrage temporel de TI ........................................................................................................ 100 Section 3.5. Calcul du taux de reproduction de base R0............................................................................. 102 Section 3.6. Choix de β ............................................................................................................................... 103 Section 3.7. Choix de p ............................................................................................................................... 104 Section 3.8. Simulations de type Monte-Carlo et impact sanitaire de la pandémie ................................... 106 Section 3.9. L’estimation de la fréquence ................................................................................................... 106 Section 3.10. Prise en compte de la spécificité du portefeuille .................................................................. 106

3.10.1. Démarche générale....................................................................................................................................... 106 3.10.2. Calcul du ratio pour notre portefeuille ......................................................................................................... 107

Section 3.11. Résultats et sensibilités ......................................................................................................... 109 3.11.1. Scénario Z = 30 % et hypothèse principale de répartition des cas par âge ................................................... 109 3.11.2. Scénario Z = 30 % et hypothèse alternative de répartition des cas par âge .................................................. 113 3.11.3. Scénario Z = 35 % et hypothèse principale de répartition des cas par âge ................................................... 115 3.11.4. Scénario Z = 35 % et hypothèse alternative de répartition des cas par âge .................................................. 116 3.11.5. Commentaires .............................................................................................................................................. 118

Section 3.12. Avantages et limites du modèle ............................................................................................. 119 3.12.1. Avantages du modèle ................................................................................................................................... 119 3.12.2. Limites du modèle........................................................................................................................................ 119

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ............................................................................................................ 120

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 122

ANNEXE ............................................................................................................................................................ 125

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INTRODUCTION

Le terme « catastrophe » nous vient du grec katastrophế, formé des particules katá (« vers le bas ») et strophế (« tour »). Évoquant l’image de l’effondrement d’une tour, il fait référence à un phénomène brutal et extrêmement dommageable. Les risques catastrophes sont très diversifiés, dans leur nature et leur provenance. On distingue généralement les catastrophes naturelles, du type tempête, inondation, tsunami, tremblement de terre, glissement de terrain, éruption volcanique, etc., et les catastrophes technologiques, comme une rupture de barrage, un affaissement minier ou un accident nucléaire, pouvant être d’origine accidentelle ou terroriste. Mais quel qu’il soit, le risque catastrophe revêt intrinsèquement d’une double difficulté : d’une part, son ampleur exceptionnelle rend ses conséquences particulièrement difficiles à évaluer, et d’autre part, sa survenance rare, voire très rare, ne nous permet pas toujours de réunir les données suffisantes qui nous permettraient de le prévoir avec une relative certitude, même si la compréhension scientifique toujours accrue de ces phénomènes nous permet progressivement, sinon de nous en prémunir, du moins de nous y préparer de manière toujours plus efficace.

Les experts s’accordent à dire que les pandémies ont toujours existé depuis les premières civilisations, et qu’après celles bien observées du XXe et du début du XXIe siècle, d’autres pandémies auront lieu. Ces événements sont donc attendus, mais restent imprévisibles, puisqu’il nous est impossible en l’état actuel de nos connaissances de prédire la date des prochaines pandémies et la forme qu’elles prendront. Or, au vu des données historiques, et notamment de la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919, le risque de pandémie fait généralement consensus pour être considéré, si l’on excepte les guerres mondiales, comme le risque le plus impactant en termes de vie humaines (Milliman, 2006). En effet, la pandémie, du grec pân (« tout ») et dễmos (« peuple »), désigne littéralement une maladie affectant « le peuple tout entier ». C’est sans doute la dimension instantanée et planétaire de ce phénomène qui, à la différence des autres risques catastrophes, lui confère son aspect terrifiant. La pandémie se propage dans un laps de temps très court, n’épargnant aucune région du globe ou presque, ce qui a pour effet de réduire à néant les effets de diversification géographique très importants dans le cas de catastrophes, notamment pour les réassureurs. Lors de l’ouverture de la conférence sur le risque de pandémie tenue chez le réassureur SCOR à Paris les 9 et 10 juillet 2012, Denis Kessler, Président et Directeur Général du groupe, a d’ailleurs confessé que le risque de pandémie représentait de son point de vue la principale menace à craindre, devant les grands tremblements de terre de Tokyo et de Los Angeles, eux aussi attendus, mais localisés.

Si une pandémie avait lieu demain, celle-ci aurait de nombreuses répercussions économiques, sanitaires et sociales difficiles à évaluer. De nombreux pays aux degrés de vulnérabilité, de préparation et de capacité d’action divers seraient affectés. Une partie de l’humanité, peut-être la majorité, serait progressivement touchée, dans des proportions différentes selon les caractéristiques régionales et sociales des populations concernées. Les personnes infectées seraient plus ou moins sévèrement atteintes, certains ne présentant pas le moindre symptôme, lorsque d’autres subiraient de graves complications ou décèderaient.

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Pour les acteurs du monde de l’assurance, les garanties vie et dommages corporels seraient directement impactées, et les conséquences seraient diverses en fonction des filtres définissant la composition de la population assurée (comme l’âge, le lieu géographique ou la catégorie socioprofessionnelle). Mais les compagnies souffriraient probablement également de répercussions indirectes plus ou moins sévères, telles qu’une érosion de la valeur des actifs, un absentéisme possiblement significatif, ou encore un risque de crédit accru. Afin de préserver leur solvabilité et de limiter le risque de faillite en cas de catastrophe, et notamment en cas de pandémie, la réglementation des assureurs prévoit un certain nombre de mesures. Pour être véritablement efficaces, celles-ci doivent prendre en compte la spécificité de chacun, sa propre exposition aux risques, et surtout s’assurer que les compagnies mettront en œuvre les moyens nécessaires pour évaluer au mieux leurs risques et s’y préparer.

Ce mémoire a pour ambition, en capitalisant sur les travaux antérieurs, de faire l’état des lieux critique des connaissances et des pratiques sur ce point, et de proposer une alternative pour une meilleure appréhension de ce risque par les acteurs du monde de l’assurance. Pour ce faire, nous ferons dans un premier temps l’état des lieux du contexte réglementaire actuel ainsi que de son évolution prochaine avec la mise en place programmée de Solvabilité II. Nous verrons de quelle manière le risque de pandémie y est abordé et les mesures qui sont instaurées pour y faire face. Nous relèverons alors les incohérences et le manque d’adaptabilité de ce cadre, ce qui nous incitera à engager une réflexion pour remédier à ce point. Pour ce faire, nous nous attèlerons dans une deuxième partie à une étude approfondie du risque de pandémie, aussi bien sur le plan biologique et épidémiologique qu’historique, ce qui nous amènera à établir une clarification conceptuelle de ses conséquences. Nous pourrons alors effectuer une étude comparative des modélisations utilisées pour évaluer les impacts d’une pandémie, aussi bien en assurance qu’en épidémiologie. Enfin, nous adapterons respectivement un modèle de type actuariel et un modèle de type épidémiologique qui auront été précédemment présentés afin de construire deux modèles internes partiels pour un portefeuille fictif en assurance de personnes.

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Partie I : Contexte, évolution et enjeux du cadre réglementaire lié à la

solvabilité

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Afin de limiter les risques d’insolvabilité et de faillite des assureurs de manière générale, et plus particulièrement en cas de catastrophe et de pandémie, la réglementation édicte un certain nombre de règles à respecter. Dans cette partie, nous décrirons dans un premier temps celles actuellement en vigueur et verrons en quoi elles ne sont pas adaptées aux profils de risque respectifs des différents acteurs, notamment pour les risques de catastrophe et de pandémie. Nous examinerons ensuite en quoi l’évolution prochaine du cadre réglementaire tente de remédier à cette situation, avec la mise en place progressive de Solvabilité II. Si nous analyserons en détail les mesures spécifiquement liées à notre problématique, nous conclurons cette partie par une approche critique mettant en évidence les limites et les incohérences qui persistent encore de notre point de vue.

Chapitre 1 : Contexte et enjeux du cadre réglementa ire lié à la solvabilité

Les exigences actuellement en vigueur ayant pour objectif de garantir au maximum la solvabilité des compagnies d’assurance, en particulier lors des phénomènes catastrophiques, sont connues sous le nom de Solvabilité I. A la date de rédaction de ce mémoire, il est prévu qu’elles restent en vigueur jusqu’au 31 décembre 2013.

Nous évoquerons dans ce chapitre le paradigme, ainsi que les principales lignes de cette réglementation, en nous concentrant particulièrement sur la prise en compte du risque de pandémie. Nous mettrons en évidence les lacunes et insuffisances globales qui ont amené le régulateur à engager une réflexion d’envergure afin de mettre en place un système plus cohérent.

Section 1.1. Etat des lieux de la réglementation ac tuelle

1.1.1. Le paradigme de Solvabilité I

Depuis les années soixante-dix, et davantage encore durant la décennie suivante, les différentes instances européennes en vigueur ont œuvré à l’instauration et au développement de règles communes de marché, dans le but de mettre en place in fine un marché unique de biens, de services et de capitaux. Il était donc nécessaire, dans ce cadre-là, de définir une règlementation commune qui en garantirait le bon fonctionnement, tout en s’assurant que les différentes réglementations nationales qui continuent de prévaloir n’entraînent pas de distorsion de la concurrence sur le marché européen.

C’est dans cet esprit-là, et pour protéger les intérêts des assurés, que furent adoptées au long de la décennie soixante-dix des règles de solvabilité communes, communément appelées « Solvabilité I », à destination des sociétés d’assurance, des mutuelles et des instituts de

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prévoyance européens. Ces règles visent à limiter le risque d’insolvabilité, c’est-à-dire à éviter que l’entreprise ne se retrouve, à court ou à long terme, dans une situation où ses actifs ne recouvrent plus ses engagements (ou passifs) contractés à l’égard de tiers et notamment de ses assurés, et donc à limiter par là-même le risque de faillite, définit comme étant la situation dans laquelle se trouve une entreprise n’étant plus en mesure de payer ses engagements lorsque ceux-ci deviennent exigibles, c’est-à-dire lorsque vient le temps de les payer effectivement. Ces mesures peuvent se répartir en trois « piliers » que nous allons présenter succinctement : les provisions techniques, la représentation des engagements réglementés et la marge de solvabilité.

1.1.1.1. Les provisions techniques

Les entreprises d’assurance doivent réglementairement calculer et enregistrer un certain nombre de provisions techniques détaillées par le législateur selon leurs activités, et qui constituent autant de dettes à leurs passifs. Ces montants doivent être suffisants pour le règlement intégral des engagements de la compagnie vis-à-vis de ses assurés, de ses entreprises réassurées et de ses bénéficiaires de contrat, dès lors qu’une sortie probable de ressources est envisagée.

En raison de l’inversion du cycle de production caractéristique du secteur de l’assurance, les montants reconnus dans le cadre de ces provisions sont évalués par des techniques actuarielles utilisant des estimations et des hypothèses prudentes, de sorte que les montants provisionnés se révèlent in fine supérieurs aux ressources effectivement dépensées pour régler un engagement donné, et cela d’une manière raisonnablement certaine, limitant ainsi le risque d’insolvabilité et de faillite.

1.1.1.2. La représentation des engagements réglementés

Après l’évaluation prudente des engagements évoquée ci-dessus, il convient de s’assurer que l’entreprise sera effectivement en mesure de mobiliser ses actifs afin de payer ses dettes lorsque celles-ci deviendront exigibles. Pour cela, le régulateur contraint les assureurs à couvrir leurs engagements réglementés (les provisions techniques, les dettes privilégiées envers les organismes étatiques et le personnel, ainsi que la réserve de capitalisation) par des placements répondant à certains critères permettant de les considérer comme sûrs, liquides et rentables. Ces règles permettent de limiter les 5 principaux risques auxquels sont soumis les actifs selon le tableau ci-dessous :

Risque considéré Règle

Marché Limitation par catégorie

Signature Critères d'admissibilité, dispersion par émetteur

Liquidité Critères d'admissibilité, limitation par catégorie

Taux Réserve de capitalisation

Change Principe de congruence des devises

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1.1.1.3. La Marge de Solvabilité Réglementaire (MSR) et le Fonds Minimum de Garantie

Les assureurs disposent ainsi d’actifs de bonne qualité couvrant leurs provisions prudemment estimées. Mais rien ne peut garantir absolument que ces actifs en leur possession seront suffisants pour régler tous leurs engagements. Cela devient particulièrement vrai en cas de sinistralité exceptionnelle que l’on ne peut raisonnablement intégrer dans le calcul des provisions. Il faut donc prévoir la détention d’une réserve supplémentaire pouvant servir de « matelas » en cas de provisions insuffisantes.

Ainsi, le régulateur exige que les assureurs disposent d’une marge de solvabilité, c’est-à-dire d’un montant minimal de ressources disponibles, pour pouvoir faire face aux aléas importants de sinistralité. En aucun cas cette marge ne peut être inférieure au fonds minimum de garantie. Pour les sociétés non-vie, l’article R334-5 du Code des Assurances stipule que « l'exigence minimale de marge de solvabilité est déterminée, soit par rapport au montant annuel des primes ou cotisations, soit par rapport à la charge moyenne annuelle des sinistres », tandis que pour les sociétés vie, l’article R334-14 indique que ce montant se calcule « à partir, suivant le cas, des provisions techniques et des capitaux sous risque, des primes ou cotisations et des sinistres ».

Dans les deux cas, Solvabilité I repose sur un principe de ratio fixe, avec une contrainte de montant minimal et une prise en compte de la réassurance pour un maximum de 50% (c’est-à-dire que deux entreprises ayant un portefeuille et des engagements totalement identiques mais dont l’une est totalement réassurée, tandis que l’autre n’est réassurée qu’à hauteur de 50%, ont la même exigence de marge de solvabilité).

1.1.2. Quelle prise en compte du risque de pandémie sous Solvabilité I ?

La cartographie des risques qui sous-tend implicitement le cadre réglementaire de Solvabilité I n’identifie pas de manière explicite le risque de catastrophe. De facto, la marge de solvabilité précédemment évoquée et destinée à absorber les chocs exceptionnels de sinistralité est la seule mesure permettant de limiter l’impact d’une catastrophe, et a fortiori d’une pandémie, sur la solvabilité d’un assureur.

La seule évocation du risque de pandémie qui est faite dans le Code des Assurances concerne le tableau B de l’état réglementaire C9 de l’Article Annexe A344-10, destiné à synthétiser l’effet de la couverture de réassurance d’une compagnie en cas d’événements défavorables simulés. A chaque date de clôture, les entreprises doivent renseigner leur charge de sinistre brute et nette de réassurance en cas d’ « événement majeur "épidémie" », sachant ici qu’ « il s’agit d’un scénario défavorable de type épidémie utilisé par l’entreprise pour établir et analyser son programme de réassurance ».

Nous voyons que d’une part, les règles instaurées par le régulateur concernant le risque épidémique visent uniquement le programme de réassurance et sont principalement à titre indicatif et non contraignantes, et que d’autre part, la simulation de l’événement majeur

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"épidémie" est laissé à la libre appréciation de chacun, sans aucune précision ni pratique standard établie, chacun étant amené à documenter son propre scénario. Dans une étude datée de 2009 (Aon, 2009), le courtier en réassurance Aon Benfield fait d’ailleurs part de la difficulté des cédantes à estimer leurs charges nettes de réassurance en cas d’événement majeur « Epidémie », notamment en raison de l’absence d’indications sur les hypothèses à utiliser pour calibrer cet événement.

1.1.3. Les limites de Solvabilité I

Si la règlementation connue sous le nom de Solvabilité I a prouvé son efficacité avec une formule simple et des sources de prudence normatives (pas d’actualisation en assurance non-vie, taux d’escompte prudent en assurance-vie, etc.), il n’est pas moins vrai qu’elle ne correspond plus à la réalité actuelle du marché et des pratiques de la profession, et qu’elle achoppe notamment sur les points suivants :

1. Elle présente une cartographie des risques désuète, pour ne pas dire inexistante, par rapport aux pratiques actuelles (ex : pas de limitation par émetteur pour les valeurs émises par un Etat de l’OCDE pour la représentation des engagements réglementés).

2. Elle ne comporte aucune exigence ni aucune surveillance pour toutes les problématiques liées au contrôle interne.

3. Sa formule de la MSR est normative, simplificatrice et unique, et elle est imposée à tous les acteurs sans distinction, quelles que soient leurs activités.

4. Il en résulte une absence de prise en compte de la spécificité du secteur, de la branche ou des risques propres à la société, ainsi que de sa politique de gestion. Ainsi, Solvabilité I pénalise les entreprises qui sur-provisionnent, contrairement à celles qui sous-provisionnent ou qui sous-tarifient.

5. Plus globalement, la vision de Solvabilité I est rétrospective, c’est-à-dire qu’elle se base uniquement sur le passé, sans tenir compte de ce qu’il pourrait se passer dans le futur (pas de vision prédictive).

6. La prise en compte de la réassurance et des techniques d’atténuation du risque est inadéquate. Il n’y a par ailleurs aucune distinction entre assureur et réassureur.

7. Elle n’est pas harmonisée au niveau européen et crée des distorsions de concurrence avec les acteurs bancaires qui ont déjà revu leurs règles de solvabilité avec le système de Bâle II.

En particulier, l’absence de prise en compte du risque de catastrophe et de pandémie rend d’autant plus prégnantes les limites que nous venons d’évoquer, notamment au sujet de la solvabilité et du montant à mettre en réserve.

Pour remédier à cette situation, les instances européennes ont entrepris une réforme d’envergure, usuellement dénommée Solvabilité II, qui amorce une véritable révolution dans le monde de l’assurance.

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Section 1.2. La révolution Solvabilité II

Présentée par la directive d’avril 2009, puis précisée par 5 études quantitatives d’impact (QIS, « Quantitative Impact Studies ») ainsi que par de nombreux documents de consultation (CP, « Consultation Paper »), la réforme connue sous le nom de Solvabilité II est censée entrer pleinement en vigueur le 1er janvier 2014.

On la décompose couramment en 3 piliers, composés chacun de plusieurs « briques ». La réforme peut être synthétisée dans le tableau suivant :

1.2.1. Pilier I : Exigences quantitatives

Le premier pilier de Solvabilité II vise à définir les normes quantitatives et techniques de calcul des actifs, des provisions et des fonds propres des entreprises d’assurance dans l’optique d’un bilan prudentiel. La ligne directrice est celle consistant à être le plus proche possible de la Juste Valeur, définie comme étant le montant pour lequel deux parties non contraintes et informées accepteraient de s’échanger un actif ou un passif dans des conditions normales de marché et de concurrence.

Ce pilier instaure également une exigence de fonds propres destinés à assurer la solvabilité de l’assureur, notamment en cas de sinistralité exceptionnelle. On distingue :

- le Capital Minimum Requis (MCR, « Minimum Capital Requirement »), montant minimal de fonds propres en dessous duquel les preneurs et les bénéficiaires seraient exposés à un risque inacceptable si l’entreprise était autorisée à poursuivre son activité,

- le Capital Requis de Solvabilité (SCR, « Solvency Capital Requirement »), capital destiné à couvrir les risques auquel l’assureur est exposé afin d’assurer sa solvabilité.

Pilier IExigences quantitatives

Pilier IIExigences qualitatives et

supervision

Pilier IIIInformation et discipline de

marchéDéfinition et évaluation des provisions techniques

GouvernanceCommunication financière au public et au superviseur

Eligibilité et évaluation des actifs

Contrôle interne Transparence

Définition des risques et dépendances

Identification et gestion des risques internes, ORSA

Harmonisation des référentiels comptables et prudentiels

Exigence de marge de solvabilité (SCR et MCR)

Renforcement, organisation et harmonisation du contrôle

Modalité de calcul (formule standard, modèle interne)

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1.2.1.1. MCR

Le MCR est calculé selon une fonction simple et linéaire des variables suivantes : provisions techniques, primes souscrites, capital sous risque, impôts différés et dépenses administratives, déduction faite de la réassurance. Cette fonction est calibrée de manière à ce que le MCR définisse un montant de fonds propres qui serait consommé par des événements inattendus dont la probabilité d’occurrence est de 15 % sur un an.

1.2.1.2. SCR

Le SCR est quant à lui calculé de manière à définir un montant de fonds propres qui serait consommé par des événements inattendus dont la probabilité d’occurrence est de 0,5 % à horizon un an, c’est-à-dire survenant une fois tous les 200 ans.

Pour le calcul, une formule standard générale a été proposée par le régulateur, avec des simplifications possibles. L’approche « formule standard » consiste à utiliser une cartographie des risques bien précise, articulée en modules et sous-modules, certains sous-modules étant encore eux-mêmes subdivisés. On part alors des ramifications les plus fines pour calculer le SCR correspondant, puis, en agrégeant progressivement ces montants par le biais de matrices de corrélation, on remonte les ramifications pour aboutir au SCR final :

Le SCR des sous-modules se détermine en prenant la différence entre le montant des fonds propres à la date de calcul et le montant des fonds propres après application d’un choc instantané correspondant au sous-module et dont la probabilité de réalisation à horizon un an est de 0,5 %, comme illustré par le schéma ci-dessous :

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La formule standard proposée par le régulateur est relativement conservatrice, et même si, à l’inverse de ce qui est proposé dans Solvabilité I, elle permet de capter l’exposition aux risques représentés précédemment, elle échoue à prendre en compte toutes les spécificités d’une compagnie d’assurance et de ses portefeuilles, ainsi que l’interaction entre les risques auxquels elle est exposée. Par conséquent, les entreprises sont incitées à développer des modèles internes complets adaptés au plus près des risques réellement encourus par l’assureur, et permettant, en tenant compte de tous les facteurs qui pourraient influer sur sa solvabilité, de calculer la distribution de la situation nette de l’entreprise à horizon un an. Il suffit ensuite, pour obtenir le SCR exigé par le régulateur, d’actualiser le montant des fonds propres qui permettrait d’éviter une ruine à horizon un an dans 99,5 % des cas.

Naturellement, la construction d’un modèle interne complet est une tâche de grande envergure que peu d’acteurs peuvent mettre en œuvre. Le régulateur a donc prévu une solution intermédiaire entre la formule standard et le modèle interne complet, qui consiste à modéliser par le biais d’un modèle interne partiel certains modules ou sous-modules de la formule standard, notamment ceux résidant au cœur de l’activité d’un assureur donné. Cette solution, qui ne doit être envisagée que de manière temporaire en attendant la mise en place d’un modèle interne complet, permet, pour un coût relativement restreint, de déterminer un SCR davantage en adéquation avec le profil de risque de l’assureur, et en pratique souvent inférieur à celui donné par la formule standard.

1.2.2. Pilier II : Exigences qualitatives et superv ision

Le deuxième pilier fixe les normes qualitatives de gouvernance interne et de suivi des risques, et établit la manière dont l’autorité de marché exerce sa surveillance. Reposant sur le principe selon lequel une gestion rigoureuse permet de limiter les risques plus efficacement que des règles normatives, le deuxième pilier met l’accent sur le contrôle des risques de manière systématique par un organe interne et indépendant, et sur la création d’outils de gestion opérationnelle et stratégique utilisables et utilisés en pratique.

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1.2.3. Pilier III : Information et discipline de ma rché

Le troisième pilier édicte les règles que devront respecter les compagnies d’assurance vis-à-vis de l’information financière qu’elles communiquent au marché d’une part et aux autorités de contrôle d’autre part, et ce dans un souci de transparence et d’harmonisation des référentiels utilisés.

1.2.4. Le calendrier de la réforme à l’été 2012

Initialement fixée au 1er novembre 2012, la date d’entrée en vigueur de Solvabilité II a depuis été repoussée. Le 16 mai 2012, la Commission Européenne a adopté un projet de directive qui reporte la date de transposition de Solvabilité II. Le nouveau calendrier qui a été décidé s’établit comme suit :

- 22 octobre 2012 : date théorique du vote en séance plénière par le Parlement européen de la version définitive d’Omnibus II, la directive qui modifie Solvabilité II.

- 30 juin 2013 : date limite de la transposition de Solvabilité II dans les différents droits nationaux.

- 1er Janvier 2014 : abrogation de Solvabilité I et pleine application du régime prudentiel de Solvabilité II.

Cependant, avec le retard accumulé, et en attendant que les réunions tripartites entre la Commission Européenne, le Parlement et le Conseil de l’Union ne débouchent sur la version définitive d’Omnibus II, certains prédisent déjà que la date effective ne devrait pas intervenir avant 2015 ou 2016. L’inconnue subsiste également au titre de la période transitoire entre les deux cadres réglementaires, et l’on ne sait pas encore s’il y aura une ou plusieurs années de transition, ou si les assureurs devront publier directement leurs comptes selon la nouvelle directive.

Chapitre 2 : Quelle prise en compte du risque de pandémie sous Solvabilité II ?

Maintenant que nous avons présenté le contexte et les enjeux du cadre réglementaire lié à la solvabilité, nous allons nous concentrer dans ce chapitre sur la manière dont Solvabilité II aborde de manière spécifique le risque de pandémie. Dans un premier temps, il nous semble utile de rappeler dans quelle mesure un assureur peut être impacté par une pandémie. Nous verrons ensuite quelles sont les dispositions concrètes de Solvabilité II vis-à-vis du risque de pandémie, notamment en ce qui concerne la formule standard du SCR, avant de terminer par les lacunes qui persistent encore de notre point de vue dans la réglementation.

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Section 2.1. Synoptique des garanties et risques co ncernés

2.1.1. Au passif

De manière évidente, une pandémie impacte en premier lieu le passif d’un assureur.

2.1.1.1. Les garanties décès

La garantie décès permet le versement d’un capital ou d’une rente à un bénéficiaire en cas de décès de l’assuré avant le terme du contrat. La garantie peut courir sur une durée limitée à une ou plusieurs années (temporaire décès), ou peut courir jusqu’au décès de l’assuré (garantie vie entière).

En cas de pandémie, un certain nombre d’assurés décèderaient plus tôt que tarifé, et l’assureur devrait donc payer immédiatement des montants qu’il n’avait pas prévu de payer ou qu’il avait prévu de payer plus tard.

2.1.1.2. Les garanties en cas de vie

Si l’assuré est toujours vivant à une certaine date, les garanties en cas de vie permettent le versement d’un capital ou d’une rente viagère (c’est-à-dire jusqu’au décès de l’assuré). En provoquant prématurément le décès de certains assurés, les pandémies impactent cette garantie de manière « positive », puisque l’assureur ne paye pas - ou paye moins longtemps - des sommes qu’il avait prévu de payer.

2.1.1.3. La garantie frais médicaux

Cette garantie permet le remboursement total ou partiel des frais médicaux occasionnés à la suite d’une maladie ou d’un accident, que ce soit des frais de consultation médicale chez un médecin, des frais d’achat de médicaments, ou des frais d’hospitalisation. Cette garantie est naturellement fortement impactée en cas de pandémie.

2.1.1.4. La garantie incapacité temporaire de travail

En cas d’incapacité temporaire partielle ou totale d’exercer une activité professionnelle suite à une maladie ou à un accident, une indemnité journalière forfaitaire est versée en compensation. Elle peut être payable dès le premier jour ou intervenir après une période de franchise, tandis que le montant de l’indemnité peut dépendre du salaire ou du

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manque à gagner de l’assuré. En cas de pandémie, certains assurés malades ne peuvent se rendre à leur travail et bénéficient donc de cette garantie.

2.1.1.5. Les garanties invalidité

En cas d’invalidité, c’est-à-dire en cas de réduction partielle ou totale de certaines aptitudes consécutivement à une maladie ou à un accident, l’assuré couvert par cette garantie reçoit un capital ou une rente d’invalidité. En cas de pandémie, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure cette garantie serait impactée, puisque cela suppose l’action d’une maladie invalidante contagieuse, de laquelle certaines personnes ne guériraient pas, sans pour autant y succomber.

2.1.1.6. Les garanties en assurance dommages

A priori, la survenance d’une pandémie n’aurait que peu d’impact sur les garanties en assurance dommages. Lors de la conférence SCOR sur le risque de pandémie en juillet 2012, l’éventuel impact sur les garanties en assurance automobile a été évoqué, sans qu’un consensus ne se dégage parmi les intervenants. Si certains considéraient qu’en cas de pandémie, les individus limiteraient leurs déplacements, provoquant une baisse du trafic et donc du nombre d’accidents, d’autres redoutaient qu’un effet de panique ne provoque un afflux important de voyageurs cherchant à quitter les grandes villes, augmentant par là-même les risques d’accident. Cependant, nous observerons que certaines caractéristiques du risque de pandémie nous amèneront à être circonspects vis-à-vis du second scénario, qui nous semble plus proche d’une vision apocalyptique populaire sans véritable fondement.

2.1.2. A l’actif

2.1.2.1. Le risque de marché

Sans rentrer dans la science-fiction, il est toutefois probable qu’une pandémie aurait un impact important sur les marchés financiers, notamment en raison du choc psychologique. Les investisseurs afficheraient certainement une aversion au risque, les valeurs refuge et le secteur pharmaceutique et médical surperformeraient, tandis que les indices des pays les plus touchés chuteraient probablement de manière significative. Si l’impact dépendrait bien sûr de la gravité de la pandémie, le risque systémique d’une réaction en chaîne ne peut être exclu, avec une augmentation soudaine des retraits entraînant une crise de liquidité, des arbitrages entre les unités de compte et les valeurs en euros, et enfin des rachats massifs en épargne et en assurance des emprunteurs en cas de crise immobilière.

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2.1.2.2. Le risque de crédit

Tous les événements que nous venons de décrire menaceraient bien sûr la solvabilité des entreprises et des acteurs financiers, ce qui pourrait engendrer des faillites et un risque de crédit accru pour les assureurs. Les entreprises de réassurance notamment sont particulièrement vigilantes vis-à-vis du risque de pandémie qui constitue l’une des principales menaces auxquelles elles font face. Il va de soi que l’éventuelle faillite d’un réassureur aurait des répercussions significatives sur l’ensemble du secteur de l’assurance de par le monde.

2.1.2.3. Le risque opérationnel

En sus des personnes malades, il est probable que de nombreux individus s’absenteraient de leur travail en cas de pandémie, limitant ainsi leurs contacts sociaux de manière préventive. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS/WHO, 2009) estime que l’absentéisme de la population active pourrait atteindre jusqu’à 40 % au sommet de la pandémie, tandis qu’en France, l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS, 2005) attend entre 40 % et 50 %, contre 15 % à 35 % pour l’étude américaine de Meltzer et al. (Meltzer, Cox, & Fukuda, 1999). Comme les autres entreprises, les assureurs seraient concernés et subiraient une baisse de productivité. Les entreprises ayant un grand nombre de collaborateurs seraient également susceptibles d’accuser des décès parmi leurs effectifs, y compris parmi leurs directions. Cependant, comme le note Corlosquet-Habart (Corlosquet-Habart, 2010), les entreprises disposent en général de plans de continuité d’activité qui leur permettent de maintenir un fonctionnement « altéré », limitant ainsi leur exposition au risque opérationnel lié à l’absentéisme.

Section 2.2. Quelle prise en compte dans la mesure de solvabilité ?

Dans la formule standard de Solvabilité II, le risque de pandémie est pris en compte de manière explicite dans deux sous-modules : les SCR Vie CAT et SCR Santé CAT Pandémie.

2.2.1. SCR Vie CAT

Les mesures de niveau II énoncent que le SCR Vie CAT doit être égal à la perte de fonds propres qui serait associée à une augmentation de 15 points de base des taux de mortalité utilisés pour le calcul des provisions techniques et reflétant la mortalité estimée des assurés sur les 12 prochains mois.

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Si l’application de la formule standard se révèle trop compliquée pour un assureur, et si la nature, l’ampleur et la complexité de ses risques le permettent, celui-ci est autorisé à utiliser la simplification suivante :

��� ��� �� 1,5 ‰ � ������� ���� ������

où le Capital sous risque comprend tous les engagements dépendant de la mortalité et est calculé comme suit :

������� ���� ������ ����� �����é� � ��������� ������ ��������é� ���!������ "��� #�������

Le choc de 1,5 ‰ a été calibré d’après un modèle épidémiologique sophistiqué de Swiss Re (Swiss Re, 2007) qui évalue la surmortalité engendrée par une pandémie bicentenaire comprise entre 1,0 ‰ et 1,5 ‰ dans les pays développés et pour une population dont la répartition par âge reflète celle d’un portefeuille assuré.

2.2.2. SCR Santé CAT Pandémie

Les mesures de niveau II divisent le SCR Santé CAT en trois composantes :

- la composante Accident de masse ; - la composante Accident de « concentration » ; - la composante Pandémie.

Cette dernière se calcule comme suit :

��� ����é �� ���$é��� 0,075 ‰ � # � 0,4 � (

où E est l’exposition de l’assureur aux garanties invalidité et F l’exposition aux garanties frais d’hospitalisation et frais de soin, en considérant qu’en cas de pandémie, 1% des personnes seraient hospitalisées et que 20 % iraient consulter un médecin pour un traitement médical (et que donc les 79 % restant n’engageraient aucune démarche particulière).

Le choc de 0,075 ‰ se fonde sur une étude de Vilensky (Vilensky J. , 2008) sur l’épidémie d’encéphalite léthargique (EL), aussi connue sous le nom de maladie du sommeil européenne, qui sévit en Europe et dans le monde de 1915 à 1930, et qui infecta, d’après cette étude, plus d’un million de personnes, tuant la moitié d’entre elles. Ces estimations ne sont cependant pas étayées, et il est difficile de les relier avec d’autres chiffres également mentionnés dans cette étude, selon lesquels la maladie atteignit ses pics d’incidence dans le monde en 1920 et 1924 avec 10 000 cas par an (soit au minimum 100 ans pour atteindre le million de cas) et aurait entraîné le décès dans 15 % des cas (soit 150 000 morts, et non 500 000). Quoi qu’il en soit, pour calibrer le choc de la formule standard, le régulateur a retenu le chiffre d’un million de cas entre 1915 et 1930, et a fait l’hypothèse qu’ils pouvaient survenir en une seule année. La population étant estimée à l’époque à 2 milliards d’individus, l’incidence de la maladie est donc de 0,5 ‰ à horizon un an, chiffre qui est ensuite ramené à 0,3 ‰ pour prendre en compte l’âge moyen des assurés, du fait que, selon Malzberg (Malzberg, 1929), près de la moitié des individus touchés par la maladie étaient âgés de moins

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de 20 ans, et appartenaient donc à une catégorie de personnes peu susceptibles de bénéficier d’une couverture invalidité. Puis, en se fondant sur d’autres chiffres de Vilensky selon lesquels 85 % des personnes infectées ne meurent pas et 34 % des survivants développent une invalidité chronique (sans préciser si celle-ci était partielle ou totale), le régulateur arrive à un choc de 0,3 ‰ * 85 % * 34 % = 0,087 ‰, ramené à 0,075 ‰ pour refléter l’impact de l’évolution de la médecine.

Section 2.3. Limites et critique de la réglementati on actuelle

2.3.1. Une approche trop rigide et peu cohérente ?

L’approche globale du risque de pandémie par le régulateur prête à commentaire. On peut en effet relever la propension à fractionner les différents impacts d’une pandémie, ce qui ne permet pas forcément de l’appréhender en intégralité. Les garanties vie et santé sont traitées séparément, si bien que ce sont deux scénarios pandémiques totalement différents qui sont pris en compte, sans aucune interaction. Or il serait judicieux ne serait-ce que de s’interroger sur les éventuels liens et compensations entre ces deux garanties, puisque si une pandémie sévère survenait, il n’est pas certain que beaucoup de personnes soient concernées par les garanties invalidité, la maladie pouvant être de nature mortelle plutôt qu’invalidante.

2.3.2. Quelle menace sur les garanties invalidité ?

Il nous apparaît opportun d’analyser plus en avant la menace que fait peser le risque de pandémie sur les garanties invalidité. Nous avons vu que le régulateur prenait en compte ce risque en se fondant sur l’épidémie d’encéphalite léthargique survenue durant la première partie du XXe siècle. Or depuis son apparition, l’origine de cette maladie est toujours restée inconnue, si bien que le terme a en fait été utilisé pour diagnostiquer des cas présentant un grand nombre de symptômes divers.

Rappelons par ailleurs les points suivants :

- Le scénario pris en compte dans Solvabilité II se fonde sur une seule étude, laquelle rend uniquement compte des cas passés. Or les estimations énoncées diffèrent largement de celles d’autres études. Dans une étude datée de 2012, Dourmashkin et al. (Dourmashkin, Dunn, Castano, & McCall, 2012) parlent de 500 000 personnes infectées par l’encéphalite léthargique durant sa période épidémique. Depuis, cette maladie n’a provoqué aucune autre épidémie, et seuls quelques cas sporadiques continuent à être observés aujourd’hui.

- L’un des grands débats autour de cette maladie est de déterminer si l’encéphalite léthargique est liée au virus de la grippe. Le pic de cette maladie ayant été observé peu de temps après la grande pandémie de 1918-1919, les scientifiques ont longtemps considéré qu’il existait un lien direct entre les deux, et que l’encéphalite léthargique était contagieuse.

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Plusieurs arguments appuient cette thèse, le principal étant qu’une grande proportion des jeunes enfants atteints d’encéphalite léthargique avaient été préalablement infectés par le virus de la grippe. Mais cette catégorie d’âge a été très touchée par la pandémie grippale de manière générale (ce qui met à mal le lien de causalité supposé), et ce sont précisément ces individus qui ont été exclus lors du calcul par le régulateur du choc à appliquer pour le SCR Santé CAT Pandémie. De plus, le fait est que de nombreux arguments appuient également le contraire de cette thèse (chronologie et localisation géographique des cas de grippe et d’encéphalite léthargique qui ne cadrent pas, absence de traces de virus de la grippe chez les malades, etc.).

- Dans un article publié sur le site « The Sophie Cameron Trust » (Vilensky J. ), Vilensky précise lui-même que contrairement à la grippe, l’encéphalite léthargique n’est pas très contagieuse. Si Stallybrass (Stallybrass, 2003) confirme que la plupart des individus atteints étaient âgés de moins de 20 ans, la rareté des transmissions interhumaines a été relevée dans tous les pays et dans toutes les flambées épidémiques (Dourmashkin, 1997).

- Des études récentes, dont (Dale, et al., 2004), suggèrent que l’encéphalite léthargique appartient à la classe des maladies auto-immunes résultant d’infections streptococciques. Mais si ces études ne présentent que des indices indirects, la nouvelle étude de Dourmashkin et al. (Dourmashkin, Dunn, Castano, & McCall, 2012) présente des indices forts et directs qui accréditent l’hypothèse selon laquelle cette maladie résulterait d’un entérovirus. Les entérovirus sont des virus résistants vivant dans le tube digestif et qui persistent longtemps dans les milieux extérieurs, notamment dans l’eau du robinet, l’eau de mer ou le sol. Ils se propagent principalement par contamination fécale-orale par le biais des eaux usées, si bien que leur diffusion se trouve fortement limitée en cas de mesures d’hygiène collective et individuelle. Au lendemain de la première guerre mondiale, il est clair que ces conditions n’étaient pas réunies, ce qui a très probablement favorisé l’épidémie d’encéphalite léthargique observée à cette période.

Dans l’étude sur laquelle s’appuie le régulateur pour définir le choc sur les garanties invalidité, Vilensky met en avant la nécessité de continuer à étudier cette mystérieuse maladie afin de mieux la comprendre. Mais il ne s’avance pas sur ce qu’il pourrait se passer si cette maladie venait à refaire surface, et sous quelle forme une telle chose pourrait se produire. A la lumière de ce que nous venons d’exposer, il nous semble que les hypothèses retenues par le régulateur sont peu raisonnables, notamment la comptabilisation sur une année de cas qui sont survenus sur une période d’au minimum 15 ans, et dont l’estimation est semble-t-il surévaluée. L’existence d’une maladie invalidante très contagieuse ne nous paraît pas suffisamment étayée ni avérée, et il ne nous semble pas qu’une pandémie, telle que nous allons la définir, puisse impacter significativement les garanties invalidité. En attendant que la communauté scientifique ne se penche davantage sur la contemporanéité de cette menace, nous avons choisi de ne pas la prendre en compte dans la construction de notre modèle interne partiel traitant du SCR Santé CAT Pandémie.

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Partie II : Conceptualisation du risque de pandémie

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Nous avons vu au cours de la partie précédente que l’approche du risque de pandémie dans la nouvelle réglementation Solvabilité II ne nous semblait pas totalement adaptée. Aussi les assureurs sont-ils incités à construire leurs propres modèles internes partiels, mieux adaptés à leur véritable exposition au risque. Pour ce faire, il nous paraît nécessaire d’effectuer au préalable une clarification conceptuelle du risque de pandémie, démarche indispensable pour nous permettre de mieux le comprendre et donc de mieux l’évaluer.

Dans cette partie, nous nous consacrerons d’abord à l’analyse du risque de pandémie sous ses aspects biologiques, sanitaires et historiques. Nous dresserons ensuite un inventaire des différentes modélisations pratiquées et exposerons leurs avantages et leurs inconvénients dans la perspective de l’évaluation de ce risque pour un assureur. Nous présenterons en particulier deux modèles de type respectivement actuariels et épidémiologiques, qui nous servirons dans le cadre de la construction de deux modèles internes partiels distincts.

Chapitre 1 : Caractéristiques et évaluation du risq ue de pandémie

Section 1.1. Tentative de définition

Le terme « pandémie » est formé des particules grecques pân (« tout ») et dễmos (« peuple »), désignant littéralement une maladie affectant « le peuple tout entier ». S’il semble impossible de donner une définition précise et quantifiée de ce phénomène, la pandémie peut se décrire succinctement comme étant une épidémie de grande ampleur. Autrement dit, on parle de pandémie lorsqu’une maladie contagieuse se développe au point de toucher une large zone géographique, affectant une proportion exceptionnellement élevée de la population.

Pour évaluer l’impact d’une pandémie du point de vue de l’assureur, il nous paraît nécessaire de dégager plus en avant un certain nombre de ses caractéristiques afin d’établir notre propre définition de ce phénomène.

1.1.1. Un phénomène étendu

La pandémie se distingue de l’endémie, qui se réfère à la présence habituelle d’une maladie se propageant dans une zone géographique possiblement étendue mais spécifique, suite à une donnée ou à une évolution environnementale. Par exemple, la présence d’un moustique tropical dangereux dans certaines zones géographiques bien identifiées est responsable des endémies du paludisme ou du chikungunya. Une endémie n’est cependant pas susceptible de se propager dans l’espace de façon rapide et imprévisible, et n’entre donc pas dans le cadre de notre définition de la pandémie.

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D’autre part, nous pouvons nous interroger sur l’ampleur à partir de laquelle une épidémie sera considérée comme une pandémie. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit six phases de développement d’une pandémie virale, qui se distinguent par le mode de transmission du virus et l’ampleur du phénomène. La phase maximale, correspondant à une situation dite de pandémie, est atteinte lorsqu’un même virus, ayant développé la capacité de se transmettre durablement d’humain à humain, provoque des flambées épidémiques de grande ampleur à l’échelon communautaire dans au moins deux pays d’une même région géographique de l’OMS, et dans au moins un autre pays d’une autre région (OMS).

Conformément à ce que nous venons d’exposer, nous nous intéresserons dans ce mémoire aux pandémies, c’est-à-dire aux épidémies ayant, au moins potentiellement, la possibilité et la capacité de s’étendre à l’ensemble de la planète.

1.1.2. Un phénomène foudroyant

Si le critère de l’étendue comme composante de la définition d’une pandémie est assez consensuel, celui de la vitesse de développement est en revanche davantage matière à débat. Celui-ci peut être rapide ou très rapide (de l’ordre de la semaine ou du mois) dans le cas d’une maladie infectieuse. Mais l’OMS utilise également le terme de pandémie pour évoquer le Syndrome de l’Immunodéficience Acquise (SIDA) et le phénomène de l’obésité, quand bien même le développement de ces phénomènes est lent et relativement prévisible du fait de leur mode de transmission ou de propagation, d’autant que ceux-ci résultent en partie de phénomènes comportementaux. Le SCR de Solvabilité II étant calculé à horizon un an, ces maladies ne rentrent pas dans la catégorie de celles qui nous intéressent ici, et doivent donc être abordées différemment par l’assureur, par exemple par le biais des provisions techniques.

Il apparaît que la vitesse potentielle de développement d’une épidémie est liée au mode d’apparition et à son type de transmission. La pandémie peut être liée à une bactérie ou à un virus, elle peut faire suite à une mutation génétique d’une maladie préexistante possiblement dérivée d’une maladie animale, ou encore peut-il s’agir d’une maladie inconnue jusqu’alors, par exemple dans le cas d’une attaque bioterroriste. Quoiqu’il en soit, pour qu’une maladie ait le potentiel de déclencher une pandémie, il faut que celle-ci résulte d’un choc nouveau et rapide, ce qui implique qu’aucune immunité préexistante n’existe parmi la population, et que donc l’ensemble de celle-ci soit susceptible d’être infectée. La question de la transmission mérite également d’être posée. Celle-ci peut se faire par contact interpersonnel, par contact avec d’autres organismes vivants ou morts (animaux notamment, tels que moustiques ou rats), par inhalation de substance propagée dans l’air, ou encore par absorption de substances contaminées. Au Moyen-âge, l’eau contaminée était par exemple à l’origine de nombreuses épidémies. Dans le cas du SIDA, la contamination se fait par contact de liquides corporels, c’est-à-dire dans des circonstances comportementales spécifiques contre lesquelles on peut se prémunir dès lors qu’elles sont connues.

Il est communément admis par les membres de la communauté scientifique qu’étant donné les conditions sanitaires actuelles et la vigilance accrue des organismes de surveillance,

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seule une maladie dont la transmission se ferait par contact interhumain aurait le potentiel de s’étendre rapidement à l’échelle mondiale. C’est un élément que nous prendrons en compte lors de la modélisation épidémiologique de la maladie en simulant les contacts sociaux au sein d’une population.

1.1.3. Un phénomène à l’impact exceptionnel mais pa s nécessairement virulent

La généralisation d’une épidémie à l’échelle mondiale engendre bien évidemment une augmentation rapide et drastique du nombre de malades, provoquant d’importantes perturbations économiques et sociales, ainsi qu’une forte demande en soins pouvant amener à la saturation des services de santé et hospitaliers.

Pour traiter de son impact, on distingue généralement deux taux :

- le taux d’attaque, qui rapporte le nombre de personnes infectées à la population totale,

- le taux de létalité, qui rapporte le nombre de décès au nombre de personnes infectées, mesurant ainsi la virulence de la maladie,

- le taux de surmortalité, qui rapporte le nombre total de décès dus à la pandémie (et donc en excès de ceux qu’on aurait observés en l’absence de pandémie) sur la population totale, et qui est donc le produit des deux taux précédents.

Notons qu’à l’image du taux de létalité, on peut aussi définir un taux de complication en prenant en compte non plus les décès mais les personnes développant des complications. Il est également judicieux d’introduire la distinction entre la population totale et la population susceptible, cette dernière désignant spécifiquement les personnes non immunisées contre la maladie et qui peuvent donc potentiellement se faire infecter. Contrairement au cas où un virus déjà connu réapparaîtrait après plusieurs années d’inactivité, il n’y aurait pas d’immunité préexistante dans le cas de l’apparition ex nihilo d’une nouvelle maladie. La population susceptible serait alors strictement équivalente à la population totale.

Un consensus semble néanmoins se dégager sur le fait que la virulence n’est pas un critère de définition d’une pandémie. En effet, si le taux d’attaque d’une pandémie est par définition significatif, elle n’est pas nécessairement virulente et peut très bien n’engendrer qu’un nombre restreint de complications ou de décès. Or ceux-ci auront un impact majeur sur les répercussions et les coûts finaux de la pandémie, que ce soit pour la société en général ou pour les assureurs.

Pour déclencher une pandémie, un organisme pathogène doit donc remplir un certain nombre de conditions. Etant donné que les scientifiques ne cessent de découvrir sans cesse de nouveaux virus transmissibles aux humains (Woolhouse, Hower, Gaunt, Reilly, Chase-Topping, & Savill, 2008), il n’est pas à exclure qu’une pandémie future soit provoquée par un agent pathogène jusqu’alors inconnu. Mais parmi les virus connus, il en est un qui mobilise particulièrement toute la vigilance des spécialistes et qui représente la plus grande menace en

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termes de risque de pandémie. Il s’agit du virus de la grippe, que nous allons maintenant étudier plus en détail.

Section 1.2. Caractéristiques de la grippe

1.2.1. Pourquoi se concentrer sur la grippe ?

Diverses maladies ou infections ont été à l’origine d’épidémies, parfois de grande ampleur et plus ou moins virulentes, comme la pneumonie atypique, qui se caractérise par un SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère), la peste (responsable d’une pandémie au XIVe siècle en Europe), ou des maladies consécutives à l’absorption de substance contaminée (aliments, eau, voire air pour la légionellose). Mais ces agents pathogènes ne possèdent pas tous un potentiel pandémique puisqu’ils n’ont pas forcément la capacité de se transmettre par voie interhumaine. Ainsi, la maladie du charbon, maladie infectieuse aiguë plus connue sous son nom anglo-saxon d’ « anthrax », n’est pas considérée par l’OMS comme suffisamment infectieuse pour constituer une menace de pandémie. Le virus EBOLA, responsable d’une fièvre hémorragique très virulente, se transmet quant à lui par contact direct avec le sang, les liquides corporels et les tissus des personnes ou animaux infectés, vivants ou morts. Mais puisqu’il tue en masse et rapidement (avec un taux de létalité pouvant atteindre les 100%), son potentiel de propagation est relativement réduit, et une épidémie peut être rapidement circonscrite par une réaction rapide des autorités sanitaires et par le biais de mises en quarantaine.

Le cas du SRAS (et de la variole, mais cette dernière menace est considérée comme éradiquée depuis la fin des années soixante-dix et les campagnes de vaccination massive de l’OMS (Geoffard, 2012)) est plus épineux. Il s’agit bien ici d’une maladie infectieuse à transmission interhumaine fréquente, et de plus extrêmement virulente. Mais elle est caractérisée par l’absence d’infectiosité pré-symptomatique, c’est-à-dire que la phase infectieuse débute plusieurs jours après l’apparition des symptômes. Ainsi, on peut facilement endiguer sa propagation en prenant en charge le malade dès l’apparition des premiers symptômes, comme illustré sur le schéma suivant (Hollingsworth, 2012) :

T=0 T= 4 jours T = 10 jours

Contamination

Phase possible d’intervention

Infectiosité

Symptômes

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Pour qu’un agent pathogène ait le potentiel de déclencher une pandémie, il doit donc remplir certaines conditions, notamment en termes d’infectiosité pré-symptomatique et de potentiel de diffusion, que l’on peut quantifier par le taux de reproduction R0, défini comme l’espérance du nombre de contacts infectieux qu’une personne contaminée aura avec des personnes susceptibles (c’est-à-dire saines et non immunisées). Or comme nous le verrons plus en détail, la grippe présente une infectiosité pré-symptomatique (et même asymptomatique) significative, ce qui lui confère un potentiel pandémique lorsque R0 est élevé, comme illustré sur le schéma en anglais ci-dessous (Hollingsworth, 2012), où « Smallpox » désigne en français la variole :

Enfin, la grippe est une menace récurrente et de grande ampleur. Selon l’OMS, la grippe saisonnière classique provoque chaque année dans le monde entre 3 et 5 millions de cas graves (250 000 à 500 000 décès) et affaiblit les personnes atteintes, ce qui constitue un facteur de risque aggravant pour une éventuelle grippe pandémique qui lui succéderait, comme cela a pu être le cas en 2009. De plus, le virus de la grippe est un virus qui mute et qui s’adapte facilement et rapidement, ce qui le rend difficile à contrecarrer. Certaines souches sont d’origine animale, et peuvent être transportées sur de longues distances par des oiseaux sauvages.

Si l’on excepte les guerres mondiales, la pandémie grippale est considérée par les scientifiques et par le marché comme le risque le plus impactant en termes de vie humaines pouvant déclencher la garantie liée aux obligations indexées sur la (sur)mortalité (Milliman, 2006). Voilà pourquoi nous nous concentrerons exclusivement sur cette menace dans la suite de notre mémoire.

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1.2.2. Les données biologiques

La grippe est une maladie infectieuse et contagieuse causée par un virus (du latin « virus », qui signifie « poison »). Le virus grippal est un virus à ARN, c’est-à-dire qu’il utilise l’Acide Ribonucléique comme matériel génétique. Du fait de leur mode de fonctionnement biologique, que l’on ne détaillera pas ici, les virus à ARN présentent des taux de mutation très élevés selon leur type : A, B ou C.

Les virus de type C infectent plusieurs espèces. Ils sont relativement fréquents mais peu pathogènes pour les humains chez qui ils n’engendrent que des cas sporadiques. De composition stable, ces virus ne mutent que rarement et sont donc faciles à combattre. Ils ne constituent pas une menace pour la santé publique.

Les virus de type B ne concernent presque exclusivement que les êtres humains et provoquent des flambées épidémiques localisées mineures ou moyennes, affectant notamment les jeunes enfants. Selon l’Institut Pasteur, ce type de virus mute fréquemment par un mécanisme de glissement antigénique qui produit une nouvelle variante du virus très proche de la précédente et contre laquelle un organisme déjà immunisé restera protégé.

Les virus de type A sont les plus fréquents et les plus virulents. Ils affectent aussi bien les humains que de nombreux animaux. Ils sont répartis en différents sous-types nommés selon la nature des protéines HA (Hémagglutinine) et NA (Neuraminidase) dont ils sont constitués. A ce jour, 16 protéines HA et 9 protéines NA différentes ont été identifiées, ce qui donne un potentiel de 144 virus différents, dont les fameux H1N1 et H5N1. Les virus de type A mutent fréquemment. En plus du mécanisme de glissement antigénique, ils évoluent selon un phénomène appelé cassure, qui donne naissance à un nouveau virus inexistant jusqu’alors et totalement différent du précédent. Ce sont ces nouveaux virus qui, souvent d’origine animale, mutent brutalement en une forme transmissible d’humain à humain pouvant dès lors se propager rapidement sur plusieurs continents, tirant avantage de la vulnérabilité de la population non immunisée. Ces virus donnent lieu à des épidémies saisonnières plus ou moins virulentes et sont à l’origine des pandémies grippales.

Le virus de la grippe présente une contagiosité importante avec un taux d’attaque de 30% à 60%, ainsi qu’une morbidité importante pouvant atteindre de 25% à 50% lors d’une pandémie.

1.2.3. Le développement de la maladie à l’échelle i ndividuelle

La première phase de développement de la maladie à l’échelle individuelle est celle de la contamination. Lorsque l’on est dans une phase de pandémie, elle s’effectue d’humain à humain, principalement par l’intermédiaire de gouttelettes provenant de voies aériennes (toux, éternuement, postillons), mais également par contact avec des objets contaminés par un sujet déjà infecté suivi d’auto-inoculation des muqueuses (nez, yeux, bouche). La transmission du

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virus est d’autant plus favorisée que les sujets vivent dans une zone densément peuplée et interagissent entre eux lors de contacts sociaux.

Une fois la personne infectée, le virus entre en période d’incubation pendant 1 à 2 jours. S’ensuit la phase de contagion, qui débute 24h avant l’apparition des symptômes (Ministère de la Santé, 2009), et dure jusqu’à 5 jours pour un adulte et 10 jours pour un enfant ou une personne vulnérable. Les symptômes apparaissent ensuite, différant sensiblement d’un individu à l’autre en fonction de son état de santé et de la souche concernée. Dans 30 % à 50 % des cas, la personne infectée est même asymptomatique, c’est-à-dire qu’elle ne présente aucun symptôme particulier, bien qu’elle reste contagieuse et continue de véhiculer la maladie, d’autant plus qu’elle ignore son état et qu’elle ne prend donc aucune précaution particulière.

Schéma récapitulatif du développement de la maladie à l’échelle individuelle :

T=0 T=1 à T=2 T=5 à T=10

Apparition des Fin de la maladie symptômes Contamination

C’est cette période de contagion de 24h avant l’apparition des symptômes qui donne en quelque sorte un temps d’avance au virus et lui permet de se propager rapidement et facilement, d’autant que les premiers symptômes sont typiquement d’une faible intensité. A contrario, nous avons vu que dans le cas du SRAS, les symptômes apparaissaient avant la phase de contagion, rendant beaucoup plus aisé le contrôle de la propagation de la maladie, d’autant que les symptômes sont très vite sévères. Ainsi, seuls les personnels de santé sont véritablement exposés au SRAS lorsqu’ils sont en contact avec une personne malade, le reste de la population étant à l’abri d’une contamination à grande échelle.

Dans sa forme classique, la grippe s’attaque principalement aux voies respiratoires (nez, gorge, bronches) et plus rarement aux poumons. Les symptômes font apparaître des maux de tête, une forte fièvre, des douleurs musculaires, une toux sèche, une gorge irritée, une rhinite (irritation et inflammation des cavités nasales), ainsi qu’une sensation générale de fatigue et de malaise. La plupart des sujets guérissent sans traitement médical en une à deux semaines. Dans certains cas, des complications sont observées et la grippe peut entraîner des surinfections bactériennes broncho-pulmonaires, des complications neurologiques, des pathologies graves comme la pneumonie, et peut provoquer la mort.

INCUBATION PHASE DE CONTAGION

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1.2.4. Le développement de la maladie à l’échelle g lobale

A l’image de la grippe saisonnière qui circule en permanence à l’échelle globale mais avec des pics hivernaux dus au froid et à l’humidité, le virus de la grippe agit au cours du temps selon différentes vagues dont les caractéristiques et les conséquences peuvent différer au cours du temps, le déroulement de l’une influant généralement celui de la suivante, notamment en raison des mutations rapides du virus et de la vulnérabilité accrue de la population touchée par la vague précédente. Ainsi, l’OMS explique que la pandémie de 1918 a démarré sous une forme bénigne, avant de revenir, moins de six mois après, sous une forme beaucoup plus létale. Celle de 1957 a répété le même schéma, mais de manière moins dévastatrice. La pandémie de 1968, quant à elle, fut relativement bénigne au début, avec des cas sporadiques avant la première vague, et resta bénigne au cours de la seconde vague dans la plupart des pays.

Selon les experts, les pandémies grippales se propagent habituellement en 2 à 3 vagues espacées de 3 à 9 mois, chacune durant de 6 à 8 semaines (Corlosquet-Habart, 2010). On voit donc que la durée totale d’une pandémie peut dépasser 12 mois, ce à quoi il faudra être prudent au moment d’évaluer l’impact des pandémies passées, notamment celle de 1918.

1.2.5. Traitement, immunité et vaccination

On peut distinguer deux catégories de traitement contre la grippe. D’une part, les antiviraux classiques, qui peuvent prévenir l’infection ou, si elle a déjà eu lieu, réduire la durée des symptômes de quelques jours. Ils sont en général peu coûteux mais peuvent entraîner de graves effets secondaires ainsi qu’une résistance des virus. D’autre part, on trouve les antiviraux inhibiteurs de neuraminidase tels que le Relenza® ou le Tamiflu®, qui ont moins d’effets secondaires et n’entraînent qu’une faible résistance des virus, mais qui sont plus onéreux.

L’immunité contre le virus de la grippe s’obtient quant à elle de deux manières. La première, l’immunité naturelle, s’acquiert après avoir été infecté par le virus, mais est sensible au type et sous-type de virus subi, et est donc très spécifique. La seconde est l’immunité acquise grâce à l’injection d’un vaccin. Elle est efficace pendant 9 à 12 mois et réduit de 60 % à 90 % la morbidité due à la grippe ainsi que la mortalité de 70 % à 80 % (Institut Pasteur, 2009). Si l’efficacité du vaccin dépend de l’âge et de la vulnérabilité du sujet, il est primordial qu’il corresponde au type et sous-type de virus effectivement en circulation. Ainsi, les mutations fréquentes des virus grippaux requièrent d’ajuster chaque année, voire plusieurs fois par année, la composition des vaccins afin qu’ils soient opérants. Cette exigence a amené l’OMS à mettre en place un réseau de surveillance de la grippe afin de suivre son évolution en temps réel et d’identifier rapidement les souches de virus en activité pour pouvoir s’en prémunir.Il faut ainsi en moyenne entre 4 et 6 mois pour mettre au point un vaccin efficace, sans compter les difficultés logistiques de distribution et d’inoculation, si bien que le recours

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à la vaccination n’est que d’une faible efficacité en début de pandémie et que la vaccination n’impacte pas réellement le cours global d’une pandémie (Potter, 2001).

Section 1.3. Historique des pandémies grippales

Il est difficile de dresser un historique exhaustif des pandémies grippales passées, d’une part en raison de l’absence de définition précise du terme, et d’autre part en raison du manque de données fiables. Ce n’est en effet qu’en 1933 que le virus de la grippe fut isolé chez l’homme et que les cas purent dès lors être confirmés cliniquement. Mais les tests de diagnostic ne sont pas effectués de manière régulière et la grippe est rarement enregistrée comme étant la cause d’un décès s’il survient en raison d’une infection bactérienne secondaire ou d’une complication (Simonsen, 1999).

Dans cette section, nous effectuerons une courte revue de la littérature recensant les pandémies passées, puis nous analyserons plus en détail les quatre dernières pandémies recensées par l’OMS, à savoir celles de 1918, 1957, 1968 et 2009.

1.3.1. Premières pandémies et fréquence

Si Hippocrate décrivait déjà en 412 avant JC ce qui ressemblait à une sévère épidémie, les scientifiques s’accordent en général sur le fait que la première véritable pandémie eut lieu en 1580, lorsqu’une épidémie de grippe en Asie s’étendit au reste du monde en quelque mois. Plusieurs auteurs, tels (Lazzari & Stöhr, 2004) ou (Linfoot, 2007) reprennent le chiffre de 31 pandémies grippales depuis celle de 1580, auxquelles il conviendrait d’ajouter la dernière de 2009. En retenant donc 32 pandémies sur les quelques 430 dernières années, on arrive à une fréquence annuelle de 7,4 %.

(Ghendon, 1994) quant à lui, dénombre 8 pandémies grippales au cours des XVIIIe et XIXe siècles, auxquelles il ajoute 5 pandémies pour le XXe siècle (1918, 1946, 1957, 1968 et 1977). On obtient ainsi 13 pandémies sur 3 siècles, ou encore 14 pandémies sur 310 ans en incluant la dernière de 2009, soit une fréquence annuelle d’environ 4,5 %. Les estimations de (Swiss Re, 2007), qui retient entre 10 et 13 pandémies grippales sur les 300 dernières années sans inclure celle de 2009, aboutissent à un taux similaire.

L’OMS reconnait quant à elle 4 pandémies grippales depuis 1900, survenues en 1918, 1957, 1968 et 2009, soit une fréquence annuelle de 3,6 %.

Si (Potter, 2001) reconnait que l’épidémie grippale de 1510 était probablement une pandémie, il recense plutôt celles de 1580, 1729, 1781, 1830, 1898, 1918, 1957, 1968 et 1977, soit 9 pandémies. Avec celle de 2009, nous avons donc 10 pandémies sur les quelques 430 dernières années, soit une fréquence annuelle de 2,3 %.

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Par ailleurs, la période de retour des pandémies grippales semble relativement stable depuis le XVIIIe siècle, et il n’y a aucun indice permettant de penser que leur fréquence est en augmentation, malgré les conditions environnementales récentes qui pourraient en favoriser l’apparition (augmentation des réservoirs animaliers, généralisation des migrations de par le monde), étant entendu que l’évolution de la médecine serait a contrario plutôt de nature à les retarder.

1.3.2. 1918-1919 : la grippe espagnole A (H1N1)

La grippe espagnole de 1918 est restée dans les annales comme étant la pire pandémie jamais enregistrée. On estime qu’environ un tiers de la population mondiale fut affectée, avec un taux de morbidité estimé entre 50 et 70 %. La grippe fut extrêmement meurtrière, provoquant selon les estimations entre 20 et 100 millions de morts, avec un consensus qui semble actuellement se dessiner autour de 40 à 50 millions de victimes ( (Taubenberger & Morens, 2006), (Flahault, 2008)). La population de l’époque s’élevant à 1,75 milliards d’individus, le taux de mortalité du virus serait donc de l’ordre de 7 à 9 %, tandis que le taux de surmortalité engendrée par cette pandémie se situerait entre 2 et 3 %.

Comme illustré par la figure ci-dessous, la pandémie de grippe espagnole s’est propagée de manière exceptionnellement rapide en 3 vagues sur une durée totale de 12 mois environ, et ce simultanément en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. La première eut lieu au printemps 1918, principalement en Europe et aux Etats-Unis, et était relativement faible, avec un taux de mortalité légèrement supérieur à la normale. La deuxième vague de Septembre à Novembre 1918 fut extrêmement sévère et se propagea rapidement dans le monde entier. La troisième vague intervint au début de l’année 1919 avec une sévérité intermédiaire. S’il n’est pas étonnant que la seconde vague fut la plus meurtrière, comme c’est généralement le cas, la rapidité avec laquelle celle-ci s’est propagée interpelle, et il n’est pas exclu que le virus ait muté simultanément en plusieurs endroits du globe.

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Si l’origine de la pandémie demeure encore floue, les scientifiques considèrent que le virus qui en est à l’origine et qui lui a conféré son exceptionnelle virulence serait une sorte d’ancêtre génétique des virus actuellement en circulation. Contrairement aux deux autres pandémies du XXe siècle (1957 et 1968), où des virus déjà connus de l’homme dans une version antérieure acquirent un ou plusieurs gènes qui leur permirent de se propager largement parmi la population, il s’agissait en 1918 d’un virus d’origine aviaire encore inconnu chez les humains. Des expérimentations récentes sur la reconstitution du virus de 1918 à partir de prélèvements sur des cadavres font néanmoins état de résultats montrant que certains types de vaccins seraient aujourd’hui efficaces pour s’en prémunir (Tumpey, et al., 2005).

Un autre fait particulièrement marquant de cette pandémie fut la répartition par âge des décès. Alors que traditionnellement, celle-ci forme une courbe en « U », c’est-à-dire que les catégories d’âge les plus touchées sont les enfants et les personnes âgées, la courbe de la pandémie de 1918 présente une forme en « W », signe que la classe intermédiaire des 20-40 ans était également très impactée. Cette composante est d’ailleurs encore plus marquée si l’on prend en compte le taux de létalité, c’est-à-dire lorsque l’on ajuste les décès par le taux d’infection.

Ce pic de surmortalité dans la tranche des jeunes adultes peut s’expliquer en partie par un phénomène d’acquisition sélective d’une certaine immunité contre les virus mortels. Les personnes âgées avaient été en effet exposées à la précédente pandémie de 1889, ce qui leur a semble-t-il permis de mieux résister aux effets de celle de 1918.

1.3.3. 1957-1958 : la grippe asiatique A (H2N2)

La grippe asiatique de 1957-1958 fut causée par un virus de type H2N2 d’origine aviaire provenant d’un réassortiment génétique, c’est-à-dire que du matériel génétique a été échangé avec des virus grippaux déjà connus de l’homme, ce qui a atténué sa virulence.

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Apparue pour la première fois en Chine dans la province de Guizhou, la maladie s’est ensuite propagée à travers le monde pour atteindre les Etats-Unis en juin 1957.

Les estimations divergent quant au nombre de morts, les chiffres avancés donnant une fourchette de 1 à 4 millions de morts sur une population mondiale de 2,8 milliards d’habitants, soit un taux de surmortalité de l’ordre de 0,1 %. Son taux de létalité quant à lui était de l’ordre de 0,4 %.

1.3.4. 1968-1969 : la grippe de Hong-Kong A (H3N2)

La grippe de Hong-Kong a été causée par un virus de type H3N2 qui a évolué à partir de la souche H2N2 responsable de la grippe asiatique. Apparu en Chine en 1968, le virus s’est propagé au reste du monde en quelques mois. Si les taux de mortalité les plus élevés furent enregistrés en Europe et au Canada, la grippe de Hong-Kong fut responsable de 1 à 2 millions de morts sur une population totale de 3,6 milliards d’habitants, soit un taux de surmortalité de l’ordre de 0,04 %. Son taux de létalité était similaire à celui de la grippe asiatique, de l’ordre de 0,4 %.

1.3.5. 2009 : la grippe A (H1N1)

En mars-avril 2009 apparut au Mexique un nouveau virus grippal issu d’un réassortiment de différents virus d’origine aviaire, porcine et humaine. Il n’avait jamais été observé tel quel auparavant, ni chez l’homme, ni chez l’animal. Très vite, le virus se propagea et le 11 juin 2009, l’OMS reconnut la survenance de la première pandémie du XXIe siècle. Officiellement, celle-ci dura jusqu’au 10 août 2010, engendrant 18 500 décès dans le monde, dont 312 en France. S’il fut peu meurtrier, le virus H1N1 avait la faculté de circuler très vite, avec un taux d’attaque de 22 % à 33 % contre 5 % à 15 % pour la grippe saisonnière.

Cependant, les chiffres officiels ne prennent en compte que les décès confirmés par des analyses en laboratoire, sous-estimant nettement l’impact réel puisque les décès des personnes sans accès aux soins ont été ignorés, et que la présence du virus ne peut pas toujours être décelée après le décès du malade. Selon une nouvelle étude publiée en 2012 (Dawood, Iuliano, Reed, & Meltzer, 2012), la pandémie de 2009 aurait en réalité été à l’origine de 284 500 morts, soit 15 fois plus que le chiffre officiel de l’OMS. Nous observons donc qu’aujourd’hui encore, l’évaluation de la gravité de la pandémie de 2009 est toujours sujette à débat. Cela n’est pas sans rappeler les réactions de certains au moment de la pandémie, comme le professeur Bernard Debré pour qui la grippe A H1N1 fut avant tout une « grippette » instrumentalisée à des fins politiques. Rappelons également que les recommandations de l’OMS pour favoriser les campagnes de vaccination étaient jugées trop zélées par certains, éveillant des soupçons de lobbying de groupes pharmaceutiques que le directeur de l’OMS a dû réfuter lui-même dans une lettre ouverte. En juillet 2009, la France a commandé 94 millions de doses de vaccins pour un coût de 842 millions d’euros, avant de

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réduire sa commande de 50 millions de doses en janvier 2010. Au final, moins de 8 % des Français se sont fait vaccinés et environ 40 millions de doses sont restées en surplus, ce qui n’a pas manqué de susciter de nombreuses polémiques politiques, économiques et sociales, mais aussi médicales puisque les campagnes de vaccination ont exposé des millions de personnes à des effets secondaires pas totalement connus en raison de la brièveté de la phase de tests cliniques et de la rapidité avec laquelle le vaccin a été produit (Corlosquet-Habart, 2010).

1.3.5.1. Impact par âge de la pandémie de 2009

Plusieurs observateurs ne manquent pas de relever que contrairement aux grippes saisonnières qui s’attaquent surtout aux personnes âgées dont l’espérance de vie n’est que de quelques mois ou de quelques années, les décès causés par la pandémie de 2009 ont touché des populations beaucoup plus jeunes, ce qui amène à considérer un impact en termes d’années de vie perdues beaucoup plus significatif.

Aux Etats-Unis, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) a repris les travaux de (Reed, et al., 2009) pour estimer le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès dus à la pandémie sur le sol états-unien par catégorie d’âge, dont voici les résultats :

Rappelons que si le taux d’attaque calcule les proportions des cas de grippe parmi la population globale, les taux d’hospitalisation et de létalité se rapportent aux nombres de cas observés.

1.3.5.2. Cas particulier du Mexique

S’il est communément admis que la pandémie a débuté au Mexique, il est notable que c’est aussi dans ce pays qu’elle semble avoir été la plus virulente. En 2011, une étude (Charu, et al., 2011) rapporte que dans ce pays, la pandémie a engendré 11,1 morts pour 100 000

0- 17 18 - 64 65 + Total

Population approximative 80 M 187 M 40 M 307 M

Cas (en millions) 20 M 35 M 6 M 61 M

Taux d'attaque 25,0% 18,7% 15,2% 19,9%

Hospitalisations 87 000 160 000 27 000 274 000

Taux d'hospitalisation 0,44% 0,46% 0,45% 0,45%

Décès 1 280 9 570 1 620 12 470

Taux de létalité 0,006% 0,027% 0,027% 0,020%

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personnes. Les adultes de 20 à 59 ans furent les plus touchés, suivis par les enfants de 5 à 19 ans. L’étude note également une hausse de la mortalité des personnes âgées sur l’année qui suivit, sans pouvoir confirmer ni infirmer si celle-ci était directement liée à la pandémie. Mais les chercheurs ne parviennent toujours pas à expliquer pourquoi le virus fut plus mortel au Mexique que dans les autres pays. Certains pensent que le virus apparut originellement fut le plus mortel, avant de muter en une version atténuée, bien que les virologues ne constatent pas d’évolution significative dans la composition du virus. Le phénomène pourrait aussi être lié à d’autres facteurs, comme la présence de bactéries pneumocoques ayant aggravé la mortalité, ou une offre de soins intensifs inadaptée et trop peu efficace.

Section 1.4. Conceptualisation de la gravité d’une pandémie du point de vue de l’assureur

Nous avons vu qu’une pandémie ne pouvait s’envisager que d’un point de vue global. Mais tous les assureurs ne seront pas exposés aux mêmes conséquences en fonction des spécificités de leurs portefeuilles d’assurés.

1.4.1. La spécificité du portefeuille assuré

1.4.1.1. La distribution par âge

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, les pandémies observées par le passé présentent différentes formes de courbes d’impact par âge, selon les classes d’âge qui sont prioritairement touchées. La répartition par âge du portefeuille assuré aura donc un impact sur les conséquences subies, même s’il est très difficile de les prévoir puisque l’on ne connait pas à l’avance la forme de la courbe. Mais une pandémie à l’impact en « W », c’est-à-dire touchant fortement la catégorie des jeunes adultes, engendrerait assurément un coût beaucoup plus important pour les assureurs.

1.4.1.2. La vulnérabilité de la population

La sévérité d’une pandémie est d’autant plus forte que la population touchée y est vulnérable. Si, au fil des années, certaines populations ont pu développer des résistances contre certaines souches de virus grippaux, d’autres populations peuvent être particulièrement vulnérables. En dehors de l’âge, la vulnérabilité est notamment liée à l’état de santé (les personnes atteintes de maladies chroniques ou immunodéprimées, ou celles dont la vulnérabilité est accrue après une grippe saisonnière), à l’activité professionnelle (les professionnels de la santé sont davantage exposés) ou à certaines conditions particulières comme la grossesse ou des fragilités génétiques.

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1.4.1.3. La sous-mortalité éventuelle de la population assurée

En fonction des portefeuilles considérés, la population assurée présente généralement une sous-mortalité par rapport à la population totale. Ce phénomène peut s’expliquer par les principaux facteurs suivants (Society of Actuaries, 2007) :

- Le processus de souscription des contrats. Lorsqu’il comporte une sélection médicale, les personnes jugées à risque peuvent en être exclues, baissant la mortalité du portefeuille.

- Le facteur socio-économique, suivant lequel les assurés sont issus d’une catégorie sociale plus élevé que la moyenne, ne serait-ce que parce qu’ils ont les moyens d’acheter des produits d’assurance. Ces personnes ont ainsi accès à des soins de meilleure qualité.

- Le niveau d’éducation, suivant lequel les assurés ont un niveau d’étude supérieur à la moyenne et sont donc plus informés et plus sensibilisés aux problématiques liées à la santé.

La prépondérance de ces facteurs peut varier notamment selon que les contrats sont de types individuels ou collectifs, ces-derniers présentant généralement une sous-mortalité moins marquée que les premiers du fait d’une plus grande mixité dans la population assurée.

1.4.1.4. Le critère géographique

La capacité des pays touchés à faire face à la menace détermine en partie la gravité d’une pandémie. La facilité d’accès et la qualité des soins proposés, la capacité des infrastructures à absorber l’afflux de patients infectés, mais aussi la vigilance (réseaux de surveillance en temps réel) et la réactivité des autorités publiques (campagnes de sensibilisation et de communication, campagnes de vaccinations) sont autant de facteurs réduisant la gravité d’une pandémie. L’impact d’une pandémie sur les portefeuilles assurés différera donc largement suivant leur localisation géographique, et notamment en fonction du degré de développement des régions concernées.

1.4.2. Qu’en est-il de la menace H5N1 ?

Bien que l’on ne sache pas, à l’heure actuelle, si un tel scénario est biologiquement et épidémiologiquement possible, le virus aviaire H5N1 demeure, selon l’OMS, un virus grippal qui serait potentiellement capable d’engendrer une pandémie, car il continue de circuler à grande échelle dans certaines populations de volailles, et car la plupart des êtres humains ne sont probablement pas immunisés contre ce virus hautement pathogène.

Transmis pour la première fois à l’homme à Hong-Kong en 1997 lors d’une épizootie affectant la volaille, la décimation de populations entières de volaille semblait alors l'avoir définitivement éliminé, jusqu’à ce qu’il refasse surface chez ces mêmes animaux en décembre

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2003 en Corée, puis en Thaïlande, en Chine et au Vietnam. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’absence à cette période de réponse politique globale a permis au virus de se transmettre de la volaille aux oiseaux sauvages. Il s’en suivit que la grippe aviaire se répandit largement dans le reste du monde, à tel point qu’à la fin du l’année 2005, l’ensemble de la planète était touchée, provoquant des millions d’infection chez les oiseaux et des centaines de cas chez les humains, dont de nombreux décès.

A l’heure actuelle, le virus H5N1 ne se transmet qu’exceptionnellement à l’homme. Si des cas sporadiques de transmission interhumaine ont été observés, l’immense majorité des cas résulte jusqu’à présent d’une contamination de l’homme par exposition directe ou indirecte à des volailles infectées, vivantes ou mortes, ou à des environnements contaminés. Au 10 août 2012, l'OMS, cité par www.baudelet.net, recense 608 personnes infectées depuis début 2003, tandis que 359 d'entre elles sont décédées. Le taux de létalité chez l’homme du virus H5N1 se monte donc à un taux effrayant de près de 60 %.

Aujourd’hui, le scénario qui préoccupe les spécialistes est celui d’une possible adaptation du virus à l’homme, qui lui permettrait de se propager par voie interhumaine. L’étude sur la reconstitution du virus de 1918 (Tumpey, et al., 2005) tend à démontrer que l’origine de cette grippe était aviaire, apportant une caution supplémentaire aux hypothèses selon lesquelles un virus provenant d’une souche non-humaine puisse interagir avec le virus de la grippe humaine. Il faut cependant noter qu’à l’époque, le mode d’organisation traditionnel des élevages mettait en contact direct et continuel les oiseaux de basse-cour, les porcs et les humains. Les premiers, souvent des canards, servaient de réservoir naturel et exposaient les porcs à un assaut continuel de virus aviaires. Le porc, proche de l’homme d’un point de vue génétique, aurait ainsi pu transmettre la souche définitive de la grippe espagnole à l’homme.

Puisque le virus de 1918 a acquis la transmissibilité interhumaine, et étant donné la forte capacité du virus A à muter, nous ne pouvons pas écarter définitivement la menace H5N1, d’autant que l’on commence tout juste à comprendre les mécanismes moléculaires permettant à un virus animal de muter en une souche transmissible d’humain à humain (Taubenberger & Morens, 2009). Plusieurs facteurs semble néanmoins atténuer le spectre d’une pandémie de type H5N1 :

- Le foyer éventuel naîtrait probablement en milieux rural, or il est relativement aisé de contenir ce type de zone par des mesures sanitaires, à la différence des zones densément peuplées.

- La forte virulence du virus H5N1 semble provenir du fait qu’il s’incruste profondément dans l’appareil respiratoire et les poumons, ce qui de fait rend sa transmission interhumaine plus difficile. Il est donc probable que s’il s’adaptait de manière à se transmettre aisément d’humain à humain, il perdrait par là-même de sa virulence (Flahault, 2008).

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- Le développement individuel de la maladie due au H5N1 est très rapide, ce qui est un frein mécanique à sa propagation. En effet, si les individus infectés meurent rapidement, ils ont moins le temps de contaminer d’autres personnes.

La virulence du H5N1 a malgré tout marqué les esprits et le spectre d’une pandémie virulente a resurgi en 2009, lors du déclenchement de la pandémie H1N1. Mais cette expérience montre également qu’il ne faut pas céder à la vision apocalyptique populaire, quand bien même cette menace ne peut, pour l’heure, être totalement écartée.

Chapitre 2 : Les modèles actuariels sur données historiques

Le chapitre 1 a clairement mis en évidence la difficulté d’évaluer les conséquences d’une pandémie qui dépendent d’un grand nombre de facteurs. D’une part, les données dont nous disposons ne sont pas toujours globales ni uniformisées, et si les décès sont en général souvent pris en considération, il est encore plus difficile d’avoir des données fiables sur les autres impacts d’une pandémie (frais de soins, d’hospitalisation, etc.). D’autre part, s’il est unanimement admis que la pandémie de 1918-1919 fut la plus dévastatrice jamais survenue, les mutations environnementales récentes déjà évoquées précédemment rendent extrêmement ardue toute tentative visant à déterminer dans quelle mesure il est possible qu’une pandémie d’une telle ampleur se reproduise.

Section 2.1. Présentation générale

De nombreux modèles existent pour modéliser et évaluer l’impact d’une épidémie ou d’une pandémie de grippe. Ils peuvent se répartir en deux grandes catégories : les modèles de type actuariel sur données historiques, et les modèles de type épidémiologique. D’une manière générale, chacun privilégie une vision de la maladie et aboutit à une évaluation selon un objectif spécifique. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons au premier type de modèles, qui évaluent la surmortalité due aux pandémies passées avant de l’ajuster à une courbe de sévérité permettant de déterminer le quantile de sévérité d’une pandémie.

La première approche consiste à évaluer la surmortalité via une modélisation du taux de mortalité. Ces modèles font en général intervenir un modèle de taux de mortalité « classique » stochastique (tel que le modèle de Gompertz-Makeham, un modèle de type Lee-Carter ou log-Poisson, ou encore un processus de « retour à la moyenne ») que l’on modifie de manière à ce qu’il prenne en compte la mortalité spécifique liée aux catastrophes, et en l’occurrence aux pandémies. Les composantes de mortalité « hors catastrophe » et « avec catastrophe » sont ensuite calibrées sur des données historiques. Le lecteur intéressé pourra se référer à (Guette, 2010) qui a traité en détail cette approche.

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Nous allons pour notre part présenter maintenant en détail un modèle adoptant une approche différente qui consiste à évaluer directement le nombre de décès supplémentaires dus aux pandémies passées. C’est un modèle utilisé en pratique et que nous réutiliserons dans la dernière partie de ce mémoire lors de la construction de notre premier un modèle interne partiel.

Section 2.2. L’évaluation par modélisation du nombr e de décès

Nous présentons ici en détail le modèle qui est notamment utilisé par Milliman dans sa composante Maladie pour l’évaluation d’obligations indexées sur le risque de (sur)mortalité lors de l’opération de titrisation du risque de mortalité OSIRIS Capital plc pour le compte d’AXA (Milliman, 2006). Ce modèle est la référence des investisseurs et des agences de notation, et a été utilisé jusqu’à présent pour toutes les émissions d’obligations indexées sur la (sur)mortalité (Bauer & Kramer, 2007). Il traite séparément la fréquence de survenance d’une pandémie et sa sévérité, ces deux composantes étant supposées indépendantes.

2.2.1. Estimation de la fréquence

Le chiffre retenu est celui mentionné dans (Linfoot, 2007) de 31 pandémies grippales recensées sur les 420 dernières années, ce qui donne une fréquence annuelle de survenance de 7,38 %. Ce chiffre est à prendre avec précaution, car il n’existe aucun élément probant qui permettrait d’affirmer que la fréquence annuelle de survenance d’une pandémie est en réalité supérieure ou inférieure à ce chiffre, et dans quelle proportion. Lors de la construction de notre modèle interne partiel, nous étudierons la sensibilité à l’estimation de la fréquence retenue.

2.2.2. Modélisation de la sévérité

2.2.2.1. Constitution des données

Le modèle se fonde sur les données du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) détaillant par tranche d’âge et par sexe le nombre total de morts (toutes causes) et le nombre total de morts dus à la pneumonie et à la grippe aux Etats-Unis. Précisons qu’il s’agit uniquement de décès de civils survenus sur le territoire américain, de sorte que la mortalité toutes causes ne prend pas en compte les guerres, et notamment la Première Guerre Mondiale dont les combats, rappelons-le, ne se sont pas déroulés sur le sol américain. A l’aide de ces données qui sont supposées applicables aux pays similaires aux Etats-Unis que sont la France et le Japon, on recalcule les taux de mortalité toutes causes et les taux de mortalité due à la

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pneumonie et à la grippe des grandes pandémies du XXe siècle appliqués à une population répartie suivant la même distribution par âge et par sexe qu’un portefeuille d’assurance actuel donné (en l’occurrence ici celui d’AXA, réparti entre la France, le Japon et les Etats-Unis).

Il est important de noter ici que tous les résultats ci-après dépendent directement de cette exposition et reflètent donc l’impact qu’auraient eu les pandémies historiques sur le portefeuille considéré. Une telle méthode sera ainsi généralisable à condition de disposer de la répartition du portefeuille par âge et par sexe, et de se limiter à un périmètre de pays similaires en termes de pyramides des âges, de structures et d’accès aux soins, et plus généralement de développements.

Par soucis de concision, nous confondrons dans la suite de cette section la mortalité due à la pneumonie et celle due à la grippe, en les dénommant uniquement comme due à la grippe. Nous verrons plus tard, lors de la construction de notre premier modèle interne partiel, dans quelle mesure nous pourrons continuer de confondre ces deux composantes.

2.2.2.2. Analyse des données

Afin de capter la totalité de la pandémie de 1918, le modèle considère que les effets de celle-ci furent ressentis sur les trois années 1918, 1919 et 1920. Par conséquent, les taux de mortalité due à la grippe sont sommés sur ces 3 années, à quoi on soustrait ensuite 3 fois le taux de 1917 pour obtenir un taux de surmortalité (nombre de morts supplémentaires) due à la pandémie de 5,01 ‰. Rapporté au taux de mortalité toutes causes ajusté par âge et par sexe de 1917 (qui prend en compte la grippe saisonnière), on obtient une augmentation due à la pandémie du taux de mortalité de 32,12 %.

Notons que nous serons amenés lors de la construction de notre modèle interne partiel à remettre en cause la prise en compte des effets de la pandémie sur les trois années 1918,

Description Notation Valeur

Taux de mortalité toutes causes pour 1 000 en 1917 A 15,6

Taux de mortalité due à la grippe pour 1 000 en 1917 B 1,66

Taux de mortalité due à la grippe pour 1 000 en 1918 C 5,81

Taux de mortalité due à la grippe pour 1 000 en 1919 D 2,13

Taux de mortalité due à la grippe pour 1 000 en 1920 E 2,05

Taux de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 F = (C + D + E) - 3 x B 5,01

Augmentation due à la pandémie du taux de mortalité G = F / A 32,12%

Taux de mortalité toutes causes pour 1 000 en 2003 H 5,12

Taux de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 ajusté à 2003 I = G x H 1,64

Pondération pour évolution de l'environnement médical J 60%

Taux pondéré de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 ajusté à 2003 K = J x I + (1-J) x F 2,99

Augmentation ajustée et pondérée due à la pandémie du taux de mortalité L = K / H 58,39%

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1919 et 1920, ainsi que l’utilisation du taux de 1917 comme estimateur de la mortalité que l’on aurait observée en l’absence de pandémie.

Afin d’augmenter le nombre de données et d’améliorer l’ajustement à la courbe de sévérité, un point supplémentaire est créé, correspondant à une pandémie fictive traduisant le pire scénario possible, à savoir une pandémie similaire à celle de 1918 qui se produirait aujourd’hui. L’hypothèse sous-jacente du modèle étant que la surmortalité due à une pandémie est proportionnelle à la mortalité normale (toutes causes), le ratio de 32,12 % précédemment calculé est multiplié par le taux de mortalité toutes causes de 2003 qui s’élève à 5,12 ‰. On obtient ainsi un premier taux de surmortalité ajusté à 2003, qui s’élève à 1,64 ‰. Pour tenir compte des évolutions environnementales, et notamment des améliorations de la médecine depuis le début du XXe siècle, on calcule une moyenne pondérée des taux de surmortalité non ajustés et ajustés à 2003, avec un poids de 60 % pour le second. Ce poids est issu d’un jugement d’expert et fera l’objet d’une discussion dans la troisième partie de notre travail. Le taux de surmortalité ajusté et pondéré obtenu finalement pour notre point fictif est de 2,99 ‰, soit une augmentation ajustée et pondérée due à la pandémie du taux de mortalité de 58,39 %.

Toujours en se fondant sur les données du CDC, une méthode similaire permet de calculer les taux de surmortalité et les pourcentages d’excès de mortalité des pandémies de 1957 et 1968, ainsi que de l’épidémie de grippe de 1977 et de SARS de 2003.

On dispose ainsi de 6 points donnant l’augmentation due à une pandémie du taux de mortalité, et ce pour les pandémies précédemment évoquées :

2.2.2.3. Ajustement d’une courbe de sévérité

L’hypothèse sous-jacente de ce modèle est l’hypothèse usuelle d’indépendance de la fréquence et de la sévérité. On cherche à modéliser l’augmentation due à la pandémie du taux de mortalité en fonction de la probabilité d’atteindre cette augmentation sachant qu’une pandémie a eu lieu. Cet ajustement s’effectue selon 2 composantes. La première, correspondant à la composante principale, modélise les augmentations du taux de mortalité des pandémies associées aux quantiles supérieurs à 0,5 %, tandis que la seconde, correspondant à la composante extrême, modélise les conséquences des pandémies associées

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aux quantiles inférieurs à 0,5 %. A titre illustratif, en prenant l’hypothèse d’une fréquence annuelle d’une pandémie de 7,38 %, la pandémie associée au quantile 0,5 % présente une fréquence annuelle de 7,38 % x 0,5 % = 0,037 %, c’est-à-dire qu’elle survient une fois tous les 2 700 ans.

Le point supplémentaire correspondant à une pandémie fictive traduisant le pire scénario possible est associé au quantile d’ordre 0 %.

Comme la pandémie de 1918 fut la plus dévastatrice des 31 pandémies recensées, l’augmentation (non ajustée et non pondérée) du taux de mortalité de cette pandémie est associée au quantile 1/31 = 3,2 %. Pour fixer les idées, cela signifie que sachant qu’une pandémie se produit, il y a une chance sur 31 pour que sa sévérité en termes d’augmentation du taux de mortalité soit celle de la pandémie de 1918.

La pandémie de 1977 ayant eu l’impact considéré le plus limité, elle est associée au quantile 100%. Les points restants, correspondant aux pandémies de 1957, 1968 et à l’épidémie de SARS de 2003, sont ensuite placés sur la courbe conformément à la sévérité engendrée, et ce de manière équidistante. Cette méthode de placement paraît être la plus simple et la plus intuitive en raison du faible nombre de données, et parce que l’on peut raisonnablement penser que les prochaines pandémies ne différeront pas de manière trop importante de celles déjà survenues au cours du XXe siècle.

Les points obtenus sont les suivants, avec le quantile et l’augmentation du taux de mortalité correspondante :

Plusieurs courbes de sévérité sont ensuite utilisées pour ajuster la composante principale aux données par la méthode des moindres carrés, sachant que les distances au carré des points correspondant aux pandémies de 1918 et 1918 ajustée (et pondérée) ont été multipliées par deux pour leur accorder davantage de poids, puisque c’est cette partie de la courbe qui nous intéresse plus particulièrement. Le meilleur ajustement est obtenu en utilisant l’équation de type exponentielle suivante :

��)��������� $� ���* $� ��������é � · exp /0. 2��������3 �

Dont les paramètres obtenus sont :

a = 0,003044

b = - 3,993133

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c = 0,005122, correspondant au taux de mortalité (toutes causes) de 2003.

La composante extrême de la courbe de sévérité correspondant aux quantiles inférieurs à 0,5 % est quant à elle ajustée par une fonction tangente ainsi choisie car elle permet de se rapprocher asymptotiquement de l’axe des ordonnées, autorisant donc théoriquement une sévérité infinie. Notons ici que l’on ne tient plus compte du point correspondant à la pandémie de 1918 ajustée et pondérée (associée au quantile 0 %), qui n’est utilisé que pour le calibrage de la composante principale. L’équation de la composante extrême est la suivante :

��)��������� $� ���* $� ��������é TAN 7890 �������� · $: · ;180=

La constante d est déterminée de manière à ce que les deux courbes se rejoignent au quantile 0,5 %, afin que la courbe finale obtenue soit continue. On obtient d = 13,17250.

La courbe modélisant la sévérité d’une pandémie en termes d’augmentation du taux de mortalité, sachant qu’une pandémie a eu lieu, est la suivante :

Observons que le modèle suppose que l’augmentation due à la pandémie du taux de mortalité s’applique uniformément aux deux sexes et à tous les âges, et qu’il n’y a donc pas de catégorie de la population plus ou moins fortement touchée.

Dans la dernière partie de notre étude, nous réviserons le modèle que nous venons d’exposer afin de construire un premier modèle interne partiel pour un portefeuille fictif en assurance vie.

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Chapitre 3 : Les modèles de type épidémiologique

Section 3.1. Présentation générale

Les modèles de type épidémiologique constituent la seconde grande catégorie de modèles permettant de modéliser et d’évaluer l’impact d’une pandémie. Il existe un grand nombre de modèles épidémiologiques plus ou moins adaptés aux différentes maladies contagieuses. D’une manière générale, il y a un arbitrage à faire entre d’une part le réalisme du modèle, qui nécessite d’accroître sa complexité et les données récoltées afin de rendre compte des phénomènes observés le plus fidèlement possible, et d’autre part sa faisabilité mathématique et informatique qui impose un certain nombre de contraintes techniques.

3.1.1. De la complexité des modèles

Les modèles les plus simples considèrent une population homogène et complètement mélangée, hypothèse qui permet d’obtenir relativement aisément des solutions littérales et robustes aux problèmes posés. Les calculs se compliquent très vite lorsque l’on abandonne l’une de ces deux hypothèses pour s’acheminer progressivement vers des modèles individus-centrés qui permettent, par des approches numériques, de recréer des dynamiques entières de populations dans l’espace et dans le temps, prenant en compte par exemple les interactions scolaires et professionnelles, ou encore le trafic routier ou aérien. Le schéma ci-dessous illustre cette tendance (Colizza, 2012):

Contrairement aux modèles actuariels sur données historiques, les modèles de type épidémiologique permettent de modéliser de manière individuelle la propagation d’une

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pandémie parmi une population donnée, et sont donc particulièrement adaptés pour l’évaluation de l’impact d’une pandémie sur les garanties santé en assurance de personnes.

3.1.2. Les modèles individus-centrés

Les modèles individus-centrés, bien que très complexes, seront sans doute amenés à jouer un rôle de plus en plus important dans l’évaluation en temps réel des pandémies et de l’efficacité des mesures prises pour lutter contre ce fléau, tels que les campagnes de vaccination, la fermeture des établissement scolaires ou encore la restriction du trafic aérien. S’ils peuvent être utilisés selon des scénarios prédéfinis (« what if »), ils permettent également, lors de l’éclosion d’épidémies, d’estimer les paramètres de propagation et de prévoir plusieurs semaines à l’avance si l’épidémie est susceptible de donner lieu à une pandémie et sous quelle forme.

Les lecteurs intéressés pourront notamment consulter le logiciel libre GLEAMviz, basé sur les travaux de (Balcan, et al., 2009) et (Broeck, Gioannini, Gonçalves, Quaggiotto, Colizza, & Vespignani, 2011). Plusieurs enseignements peuvent en être tirés, évoqués par Alessandro Vespignani lors de la conférence SCOR de juillet 2012 sur le risque de pandémie et co-auteur des articles précités :

- A partir des premières données issues du Mexique lors de la pandémie A(H1N1) de 2009, il est remarquable qu’au-delà de la valeur des paramètres de l’épidémie qui sont contenus dans des intervalles de confiance assez larges, c’est surtout la date du pic temporel de la pandémie dans de nombreux pays et régions qui peut être prédite à une ou deux semaines près.

- Si la pandémie de 2009 était apparue en octobre plutôt qu’en avril, le pic temporel aux Etats-Unis aurait été observé moins de 4 mois plus tard, contre un délai de 8 mois effectivement observé, différence qui revêt bien entendu une importance capitale pour les pouvoirs publics qui disposent alors de plus ou moins de temps pour se préparer face à la menace.

- Les perturbations que l’on induit dans le modèle ne sont pas toujours linéaires. Parfois, une grande perturbation n’aura que peu de conséquences sur le système qui s’autorégule. D’autres fois, une légère perturbation pourra être amplifiée pour aboutir à de véritables catastrophes.

Section 3.2. Classification des modèles existants

(Corlosquet-Habart, 2010) a dressé l’état des lieux des différents modèles utilisés en épidémiologie, en assurance et en finance pour modéliser la diffusion d’une pandémie. Elle distingue deux grandes catégories de modèles épidémiologiques, à savoir les modèles compartimentaux et les modèles non compartimentaux.

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3.2.1. Les modèles compartimentaux

Les modèles compartimentaux divisent la population totale N en différentes classes, d’où leurs noms, avec des probabilités de passage entre chaque état. Citons par exemple les classes usuelles suivantes :

- Classe S : individus sains mais susceptibles de contracter la maladie ; - Classe E (de l’anglais « Exposed ») : individus en phase latente (assimilable à la

phase d’incubation), infectés mais encore non infectieux ; - Classe I : individus infectés et infectieux, qui propagent la maladie parmi les

individus de la classe S ; - Classe R : individus retirés, qui sont soit guéris, soit décédés après avoir développé

la maladie. Ils ne peuvent plus la propager, ni être réinfectés (puisqu’ils ont acquis une immunité) ;

- Classe NS : individus non susceptibles (par exemple individus immunisés par vaccin).

A partir des conditions initiales (nombre d’individus dans chaque classe), et des paramètres de diffusion de l’épidémie qui régissent les probabilités de changement de classe, on peut déterminer le nombre d’individus dans chaque classe à chaque instant (le pas de temps étant usuellement le jour). La vitesse de propagation des maladies qui nous intéressent ici étant beaucoup plus rapide que les dynamiques vitales d’une population, il est d’usage de considérer la population totale N comme constante, c’est-à-dire que l’on néglige les naissances et les décès naturels.

Les modèles compartimentaux peuvent être déterministes ou stochastiques, et peuvent comporter des extensions dans l’espace.

3.2.2. Tableau récapitulatif

Il existe également des modèles non compartimentaux que nous ne détaillerons pas ici. Nous noterons cependant qu’à l’instar du modèle individu-centré du logiciel GLEAMviz, ceux-ci peuvent reprendre l’idée de l’instauration de classes pour suivre l’évolution de la maladie, le comportement et les interactions de chaque individu influant alors sur sa probabilité de passage d’un état à l’autre.

Nous reproduisons ci-après le tableau récapitulatif de (Corlosquet-Habart, 2010), qui classifie les différents modèles en listant leurs principaux avantages et inconvénients.

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Section 3.3. Le modèle SEIR déterministe

Le modèle compartimental le plus simple est le modèle SI, utilisé pour des maladies dont on ne guérit pas, comme la tuberculose. Le modèle SIR, qui comprend les trois classes Susceptible, Infecté et Remis, est également canonique. Il a été notamment été utilisé pour expliquer la diffusion de maladies telles que la peste, le choléra, la rougeole, les oreillons ou encore la rubéole. Mais au vu des caractéristiques de la grippe que nous avons développées au chapitre 1 de la présente partie, le modèle le plus adapté pour cette maladie est probablement le modèle SEIR, qui prend en compte la phase d’incubation de la maladie.

3.3.1. Présentation

Les hypothèses du modèle SEIR déterministe sont les suivantes :

- La population totale N est constante,

- La population est totalement mélangée, c’est-à-dire que tous les individus susceptibles peuvent se faire contaminer par n’importe quel individu infecté, - La population est homogène, c’est-à-dire que tout le monde a la même probabilité de se faire infecter.

Etant donné que par définition, la pandémie grippale est un phénomène rapide, de l’ordre de quelques mois, il est raisonnable de négliger les entrées (naissances) et sorties (décès) naturelles de population, d’où la première hypothèse. En revanche, les deux hypothèses suivantes paraissent peu réalistes, et nous tenterons par la suite de les relâcher.

Le modèle SEIR est représenté par le schéma suivant :

Les notations utilisées sont les suivantes :

- S(t) est, au cours du temps, le nombre de personnes susceptibles d’être frappées par la maladie, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas immunisées et qu’elles sont supposées être en contact avec le reste de la population ;

- E(t) est, au cours du temps, le nombre de personnes contaminés par le virus de la grippe et en phase d’incubation, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore contagieux ;

- I(t) est, au cours du temps, le nombre de personnes infectées par le virus et contagieuses ;

- R (t) est, au cours du temps, le nombre de personnes retirées du modèles, soit parce qu’elles sont décédées, soit parce qu’elles sont devenues immunisées (et ne sont donc par conséquent plus susceptibles).

Susceptible S(t) Exposé E(t) (ou latent)

Infecté I(t) Retiré R(t)

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- β, α et γ sont les probabilités (strictement positives) de passer d’un état à un autre, comme indiqué sur le schéma.

A chaque instant t, le modèle est régi par les équations différentielles suivantes :

$�8�:$� β

N I8t:�8�:

$#8�:$� β

N I8t:�8�: α#8�:

$B8�:$� α#8�: CB8�:

$�8�:$� CB8�:

S(t) + E(t) + I(t) + R(t) = N

Pour le passage de l’état Susceptible à l’état Exposé, le nombre de nouveaux contaminés par intervalle de temps est proportionnel au nombre total de contacts possibles entre susceptibles et infectés, β traduisant alors à la fois le fait que tous les contacts possibles n’ont pas forcément lieu durant ce laps de temps, et que seule une partie de ces contacts entraîne une contamination effective.

A la date initiale T=0, on introduit un individu infecté dans la population qui va progressivement infecter ses semblables. Au cours du temps, le nombre de Susceptibles est décroissant, tandis que le nombre de Retirés est croissant. Le nombre d’Exposés et d’Infectieux est croissant jusqu’à atteindre un maximum constituant le pic de l’épidémie, avant de décroître. Le graphique ci-dessous montre l’évolution du nombre d’individus dans chaque classe dans une population de 1000 individus dont 1 infecté à la date T=0, avec les valeurs de β, α et γ respectivement égales à 70 %, 50 % et 10% :

0

200

400

600

800

1000

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

Nombred'individus

Jours

S

E

I

R

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Dans cet exemple, le choix des paramètres a amené à ce que la totalité de la population contracte la maladie et passe à l’état Retiré, le nombre d’individus dans les autres états tendant vers zéro, ce qui signifie que la totalité des individus a été infectée, chacun se retrouvant au final soit immunisé, soit décédé.

3.3.2. Taille finale d’une épidémie

Bien entendu, il n’est pas réaliste qu’une pandémie infecte la totalité de la population mondiale. Il nous faut donc trouver des jeux de paramètres qui amènent à ce qu’une partie seulement de la population totale soit infectée par la maladie (par exemple 30%). Cette proportion est définie par les épidémiologistes comme étant la taille finale d’une épidémie, usuellement notée Z.

Sous les hypothèses déjà évoquées plus haut, et en reprenant les mêmes notations, (Kermack & McKendrick, 1991) ont montré que la taille finale d’une épidémie satisfaisait à l’équation suivante :

D �80:E 71 �FGHIJ8K:L M.NO=

où �K est le nombre de contacts infectieux que produit une personne déjà infectée au sein d’une population totalement susceptible, appelé usuellement « taux de reproduction de base », avec �K P/C, étant entendu que 1/C est le temps passé en état infectieux.

Puisque l’on considère qu’un seul infecté a été introduit dans la population à la date T=0, on a bien sûr I(0)=1 et S(0) = N-1, si bien que pour N grand, l’équation ci-dessus tend vers :

D 1 �FH.NO

Section 3.4. Le modèle SEIR stochastique de Groendy ke & al.

Afin d’obtenir une taille finale conforme à ce qui peut être observé en réalité, il convient de modifier le modèle SEIR déterministe de base. Une méthode possible consiste à considérer les contaminations comme aléatoires. On peut également choisir de l’adosser à une structure sociale particulière, en modélisant au préalable les contacts sociaux entre les individus, mais auquel cas on perd alors l’hypothèse de population complètement mélangée. Nous allons maintenant présenter le modèle de (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010) qui prend en compte les deux modifications évoquées.

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3.4.1. Génération d’un graphe aléatoire de Bernoull i (ou graphe d’Erdös- Rényi)

Nous considérons une population de taille constante composée de N individus dont nous allons modéliser les contacts sociaux par un graphe aléatoire de Bernoulli (également connu sous le nom de graphe d’Erdös-Rényi). Soit Ğ(V,D) un graphe à V={1,.., N} sommets représentant les N individus. Pour tout i, j R V, i S j, l’arrête {i,j} est dans Ğ avec la probabilité p, indépendamment de toutes les autres paires de sommets. En d’autres termes, pour toute paire d’individus, on effectue un tirage aléatoire de type Bernoulli et on établit ainsi un contact social entre les deux individus en cas de succès (avec la probabilité p). En cas d’échec du tirage, les individus sont considérés comme n’ayant pas de contact social entre eux. A titre illustratif, voici le genre de graphe que l’on peut obtenir avec N=10 et respectivement p = 0,1 et p = 0,5 :

3.4.2. Simulation SEIR

Une fois le graphe aléatoire de Bernoulli formé, il s’agit de simuler la propagation de la pandémie à travers le réseau de contacts sociaux ainsi créé. Pour cela, on introduit un individu infecté parmi la population. On simule ensuite les durées TE et TI pendant lesquelles il va respectivement être en état Exposé puis Infectieux, avec :

TE T Gamma(kE, θE) et TI T Gamma(kI, θI)

La loi Gamma a été choisie pour la grande flexibilité qu’elle offre et pour son nombre restreint de paramètres, ce qui va nous permettre de nous approcher efficacement de la réalité sans trop complexifier le modèle.

Afin que la maladie ne se propage pas parmi tous les contacts sociaux établis, ce qui serait peu réaliste, on simule par une loi exponentielle de paramètre β (et d’espérance 1/β), le temps Xc entre le moment où un individu donné devient infectieux et le moment où il transmet éventuellement la maladie par le biais d’un contact social c donné, et ce indépendamment pour chaque contact qu’il aura noué. En d’autres termes, on simule ainsi le temps nécessaire à une transmission du virus le long d’un contact c donné. La loi exponentielle, souvent utilisée pour décrire la durée de vie d’un phénomène, semble ici la plus

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convenable. Ainsi, pour un contact c donné, si Xc < TI, l’individu infecté a le temps de transmettre la maladie. Si au contraire TI < Xc, le malade se rétablit avant d’avoir pu transmettre la maladie. La maladie n’est donc pas systématiquement transmise par le biais de tous les contacts sociaux établis.

Ce mécanisme étant répété pour chaque individu infecté, la maladie va se propager sur le réseau social au gré des contacts noués, des durées d’infectiosité et des temps de transmission.

3.4.3. Résultat de la simulation

Il est ainsi possible de simuler la propagation de la maladie en gardant trace du nombre de personnes contaminées, des durées d’incubation (assimilées à TE) et d’infectiosité (TI) de chacun, et même des contacts infectieux. On peut alors représenter la propagation de la maladie sur un graphe de type :

Le graphe ci-dessus montre la propagation d’une épidémie parmi une population de 25 individus, où on a pris p = 10 % , β = 30 % , kE = kI = 2 et θE = θI = 5. L’axe des abscisses représente le temps en jours (il n’y a pas d’ordonnées), et les traits horizontaux représentent les malades, identifiés par des numéros. Chaque trait est divisé en deux parties, la première (en noir) représentant la durée d’incubation, la seconde (en rouge) la durée d’infectiosité. Lorsque le trait se termine, cela signifie que l’individu passe en état Retiré. Les traits verticaux représentent les contaminations, qui ne sont bien sûr possibles que durant la période d’infectiosité.

Ainsi, le premier individu infecté « ex nihilo » est le numéro 9. Il entre d’abord dans un état Exposé (latent), puis passe dans l’état infectieux, durant lequel il contamine l’individu numéro 16, avant de passer dans l’état retiré, moment qui a été arbitrairement choisi pour constituer l’origine T=0. L’individu numéro 16, quant à lui, a une durée d’exposition très

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courte puis une durée d’infectiosité relativement longue (on rappelle que ces durées sont modélisées par des lois Gamma), qui lui permet de contaminer les individus numéro 13, 10 et 15, qui vont à leur tour entrer dans un état latent puis infectieux, contaminant d’autres individus et ainsi de suite.

3.4.4. Calcul de R 0

Nous rappelons que le taux de reproduction de base R0 est défini comme l’espérance du nombre de contacts infectieux que produit une personne déjà infectée au sein d’une population totalement susceptible. De manière analogue à l’expression établie par (Britton & O'Neill, 2002), nous pouvons exprimer cette quantité de la manière suivante :

�K E. � . �8U V W:

où X est le temps mis par les individus pour transmettre la maladie le long d’un contact social établi, et Y le temps durant lequel les individus sont en état Infecté (et infectieux) et au bout duquel ils passent en état Retiré. Puisque nous avons considéré que X suivait une loi exponentielle de paramètre β (et d’espérance 1/β), et que Y T Gamma8XJ , YJ:, on peut montrer aisément que :

�K E. � . 71 Z 11 � PYJ[\]=

3.4.5. Calcul de la taille finale

La formule (présenté en 3.3.2) de la taille finale d’une épidémie dans le modèle déterministe n’est plus vraie dans la version stochastique que nous venons de présenter. En raison de sa complexité, il n’est a priori pas possible de calculer ici la taille finale de l’épidémie. Nous verrons malgré tout dans la prochaine partie, qu’en raison de la robustesse de la formule initiale, nous pourrons quand même utiliser l’expression de R0 ci-dessus pour avoir une indication sur la taille finale. Cela nous permettra, lors de la création de notre modèle interne partiel, de nous baser sur des scénarios prédictifs en termes de taille finale (30 % et 35 %). Nous simulerons ainsi un grand nombre de pandémies dont la taille finale moyenne correspondra au scénario considéré, obtenant ainsi les distributions des complications associées telles que les décès ou les hospitalisations.

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Partie III – Construction de deux modèles internes partiels en assurance

de personnes

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Dans cette partie, nous allons adapter les deux modèles précédemment détaillés afin de construire deux modèles internes partiels distincts pour un portefeuille fictif en assurance de personnes. Conformément à l’objet de ce mémoire, nous ne nous préoccuperons que des sous-modules liés au risque de pandémie.

Pour ce faire, nous présenterons d’abord en détail le portefeuille concerné. Ensuite, nous réutiliserons le modèle actuariel basé sur la modélisation du nombre de décès présenté dans la partie précédente, que nous adapterons à notre portefeuille dans le but de calculer le SCR Vie CAT. Enfin, nous utiliserons le modèle épidémiologique SEIR stochastique de (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010) pour créer un modèle interne partiel original inspiré de celui de (Mandhouj, 2011), mais levant certaines de ses limites. Ce second modèle interne partiel nous permettra de calculer les SCR Vie CAT et SCR Santé CAT Pandémie de notre portefeuille.

Chapitre 1 : Présentation du portefeuille et calcul du SCR avec la formule standard

Section 1.1. Présentation du portefeuille concerné

1.1.1. Répartition par âge et par sexe

Définissons maintenant un portefeuille fictif que nous essayerons de rendre plausible autant que faire se peut. Il s’agit d’un portefeuille composé de 1 000 salariés cadres ayant souscrit un contrat annuel d’assurance prévoyance à titre individuel comprenant les garanties décès, incapacité, invalidité et frais de santé (hospitalisation et soins médicamenteux).

La répartition par âge et par sexe du portefeuille est la suivante :

1.1.2. La garantie décès

On suppose qu’en cas de décès, on verse un capital aux ayants-droits en fonction du salaire de l’assuré décédé. Le tableau de synthèse à la fin de la présente section récapitule les

Classe d'âge Hommes Femmes

15 - 24 1,6 % 1,3 %

25 - 34 9,1 % 7,8 %

35 - 44 15,4 % 10,1 %

45 - 54 20,6 % 12,8 %

55 - 64 12,2 % 9,1 %

Total 58,9 % 41,1 %

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montants versés en fonction de l’âge des individus, reflétant l’évolution salariale au cours d’une carrière.

1.1.3. La garantie incapacité

Les assurés bénéficient d’une garantie incapacité. L’indemnité journalière versée est aussi fonction du salaire, et est supposée égale à 1/400 du capital décès garanti. La période de franchise est supposée égale à 15 jours, c’est-à-dire que les assurés ne touchent une indemnité qu’à partir de leur 16e jour d’incapacité.

1.1.4. La garantie invalidité

On suppose qu’en cas d’invalidité, les assurés perçoivent une rente égale à la moitié de leur salaire jusqu’à leur départ à la retraite à 64 ans. Au-delà, ils touchent leur retraite et les prestations d’invalidité cessent. On exprime l’engagement sous forme d’un capital constitutif de rente comme indiqué dans le tableau de synthèse à la fin de la présente section, montant estimé qui ne fait pas l’objet d’un calcul précis.

1.1.5. La garantie frais de santé

Les assurés bénéficient d’une garantie frais de santé valable pour les frais d’hospitalisation, les frais d’honoraires en cas de consultation médicale, et les frais de soins médicamenteux.

1.1.5.1. Frais d’hospitalisation

Nous supposons que le coût moyen d’une journée d’hôpital est de 600 €. En supposant que le régime obligatoire prend en charge 80 % de ce montant, comme c’est généralement le cas, le coût d’une journée d’hospitalisation pour l’assureur est de 120 €. D’après les données du CDC (http://www.cdc.gov/nchs/hus/contents2011.htm, fichier Excel « Table 106 ») sur la durée moyenne d’hospitalisation en cas de pneumonie par âge aux Etats-Unis (supposées applicables à la France), nous pouvons considérer que la durée moyenne d’un séjour hospitalier consécutif à une infection lors d’une pandémie grippale est de 5 jours, en considérant que les complications qui requerraient alors une hospitalisation seraient assimilables à une pneumonie.

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1.1.5.2. Frais de soins médicamenteux

Nous supposons qu’en cas d’infection grippale, les prestations de l’assureur pour consultation médicale et frais de soins se montent à 50 € en moyenne par individu.

1.1.6. Tableau de synthèse (hors garantie frais de santé)

Section 1.2. Calcul du SCR Vie CAT avec la formule standard

Rappelons la formule standard simplifiée de Solvabilité II :

��� ��� �� 1,5 ‰ � ������� ���� ������

A la date initiale, le capital sous risque est égal à la somme assurée, correspondant à la somme que l’on aurait à verser si tous nos assurés décédaient immédiatement. D’après les données précédentes, ce montant s’élève à 45 330 000 € pour notre portefeuille. Ainsi :

��� ��� �� 1,5 ‰ � 45 330 000 €

Le SCR Vie CAT s’élève donc à 67 995 €.

Section 1.3. Calcul du SCR Santé CAT Pandémie avec la formule standard

Rappelons la formule standard de Solvabilité II :

��� ����é �� ���$é��� 0,075 ‰ � # � 0,4 � (

où E est l’exposition de l’assureur aux garanties invalidité et F l’exposition aux garanties frais d’hospitalisation et frais de soin, en considérant que suite à la pandémie, 1 % des 1 000 individus de notre portefeuille sont hospitalisés et 20 % consultent un médecin pour un traitement médical.

Classe d'âge Hommes FemmesCapital décès

moyen (en €)

Indemnité journalière

moyenne (en €)

Capital constitutif de rente

d'invalidité moyen (en €)

15 - 24 1,6 % 1,3 % 20 000 50 220 000

25 - 34 9,1 % 7,8 % 30 000 75 290 000

35 - 44 15,4 % 10,1 % 40 000 100 300 000

45 - 54 20,6 % 12,8 % 50 000 125 240 000

55 - 64 12,2 % 9,1 % 60 000 150 75 000

Moyenne pondérée - - 45 330 € 113 € 228 025 €

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On a :

# 1 000 � 228 025 € 228 025 000 € ( 1 000 � 1% � 5b � 120 €/b � 1 000 � 20 % � 50 € 16 000 €

Comme la formule standard ne tient pas compte des sommes qui seraient versées par l’assureur en cas d’incapacité temporaire de travail, on obtient :

��� ����é �� ���$é��� de fgd €

Chapitre 2 : Utilisation du modèle actuariel sur données historiques pour la construction d’un modèl e interne partiel

Dans ce chapitre, nous allons utiliser le modèle actuariel présenté dans la partie précédente pour construire un modèle interne partiel pour le portefeuille que nous venons de présenter. Dans un premier temps, nous effectuerons une revue critique du modèle afin de confirmer ou d’infirmer certaines de ses hypothèses et nous proposerons le cas échéant des alternatives pour la construction de notre modèle interne partiel, que nous utiliserons enfin pour calculer le SCR Vie CAT de notre portefeuille.

Section 2.1. Revue critique et adaptation du modèle

2.1.1. Point sur les données utilisées

2.1.1.1. Mortalité due à la grippe et à la pneumonie

Nous avons vu dans la partie précédente que le modèle se fondait sur les taux de mortalité toutes causes et pour cause de pneumonie et de grippe observés aux Etats-Unis durant le XXe siècle. S’il est évident que le taux de mortalité toutes causes se justifie de lui-même pour tenir compte de la mortalité générale, on peut s’interroger sur la pertinence du second pour traiter d’une pandémie grippale, sachant qu’il prend en compte à la fois la grippe et la pneumonie.

La pneumonie est une infection des poumons d’origine virale ou bactérienne. Comme le rappelle l’Association pulmonaire du Canada, seule la moitié des pneumonies sont d’origine virale. Mais lorsque c’est le cas, la pneumonie causée par le virus (et en particulier le virus de la grippe) est grave et peut être fatale. Toujours selon cette source, la plupart des pneumonies sont d’ailleurs transmises de la même façon que la grippe. Si le virus de la grippe n’atteint que les voies respiratoires supérieures, la gorge ou les sinus, on dit de la maladie qu’il s’agit d’une grippe. Si le virus atteint les poumons, on dit qu’il s’agit d’une pneumonie.

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Or comme nous l’avons vu auparavant, les décès intervenant au cours d’une pandémie grippale auront souvent été causés par des complications, soit parce que le virus aura directement provoqué une pneumonie, soit parce qu’il aura affaibli l’organisme et aura favorisé l’apparition d’une complication bactérienne provoquant cette fois-ci une pneumonie d’origine bactérienne. Il n’est pas toujours aisé de distinguer entre grippe et pneumonie pour déterminer la cause précise d’un décès, celle-ci pouvant d’ailleurs être multiple. Cela paraît d’autant plus vrai si l’on considère des données anciennes, enregistrées à une époque où les diagnostics médicaux étaient moins fiables, notamment en période de pandémie lorsque les décès s’accumulaient.

Par ailleurs, la dernière classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé apparentés (International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems 10th Revision - ICD-10), destinée à faciliter la comparaison internationale et mondiale des statistiques liées aux maladies, regroupe la grippe et la pneumonie en une seule catégorie (J09-J18), celle des maladies du système respiratoire. C’est d’ailleurs pour cette raison que les données disponibles, réalisées selon cette classification, agrègent les deux types de maladie. Les données de mortalité liée uniquement à la grippe ne sont donc en réalité pas disponibles.

Au vu de ces éléments, il nous apparaît cohérent de considérer que durant les périodes de pandémie, les décès classifiés comme étant causés par une pneumonie pouvaient être directement imputables à la pandémie. Ainsi, en période de pandémie, on confondra dans la suite de nos travaux les décès dus à la grippe et ceux dus à la pneumonie, et nous dénommerons l’ensemble de ces décès comme étant dus à la grippe.

2.1.1.2. SRAS

Nous avons vu dans la partie précédente que le SRAS ne constituait pas une menace de pandémie telle que nous la définissions. Par conséquent, contrairement au modèle de base précédemment présenté, nous n’utiliserons pas les données de l’épidémie de SRAS de 2003 pour calibrer notre modèle interne partiel.

2.1.2. Prise en compte de la distribution par âge e t par sexe du portefeuille

Dans la construction de notre modèle interne, nous devons bien entendu tenir compte de la ventilation par âge et par sexe de notre portefeuille.

Notre approche s’inscrit dans la lignée de (Lin & Cox, 2006), et consiste à utiliser directement la ventilation de notre portefeuille pour calculer le taux de surmortalité à prendre en compte. En d’autres termes, cela revient à supposer que la population de notre portefeuille est exposée à la pandémie et à calculer le taux de surmortalité correspondant en utilisant les données récoltées pour la population générale.

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Le modèle que nous avons présenté dans la partie précédente utilisait également cette approche. Cependant, l’impact de la mortalité sur chaque catégorie d’âge n’a pas été étudié en détail, si bien que le résultat souffre de certaines incohérences. En effet, nous verrons que pour les deux dernières catégories d’âge, le taux de mortalité lié à la grippe est plus élevé en 1917 que pour les années suivantes, si bien que la prise en compte de ces catégories a un impact négatif sur le taux de mortalité et l’atténue. De même, nous verrons que si l’idée de prendre en compte les impacts de la pandémie de grippe espagnole sur les années 1918, 1919 et 1920 résulte d’une bonne intention, le fait de le faire pour toutes les catégories d’âge amène aussi à sous-estimer le taux de surmortalité.

Notre approche consistera à étudier au cas par cas l’impact des pandémies sur chaque classe d’âge et sur chaque sexe, de manière à adapter au mieux notre modèle pour capter le plus justement possible la surmortalité engendrée. Si notre approche est bien plus fastidieuse que celle du modèle de base, elle offre une meilleure flexibilité qu’il nous paraît primordial de conserver, puisque notre but est de construire un modèle interne partiel captant le plus fidèlement possible les caractéristiques de notre portefeuille.

Nous disposons du nombre absolu de décès toutes causes et de décès dus à la grippe. Ceux-ci sont cependant inutilisables en raison du périmètre de la base de données qui a beaucoup évolué au début du XXe siècle, un certain nombre d’Etats s’y rajoutant entre 1880 et 1933, et notamment 3 (l’Illinois, la Louisiane et l’Oregon) la même année 1918, sans compter la Floride et le Mississippi l’année suivante. En 1918, la population observée passe ainsi de 70,2 à 79,0 M d’habitants, soit une augmentation signification de 12,5 %, tandis qu’elle augmente encore d’un peu plus de 4 M d’habitants l’année suivante. Il ne nous est donc pas possible d’utiliser ces chiffres, et nous nous en tiendrons donc aux taux de mortalité aux Etats-Unis pour 100 000 habitants, par classe d’âge et par sexe. Nous utilisons les taux de mortalité toutes causes et les taux de mortalité due à la grippe (et à la pneumonie) fournis par le Centre américain de contrôle des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC), et disponibles sur internet (http://www.cdc.gov/nchs/nvss/mortality/hist290.htm).

Section 2.2. Schéma du modèle interne

Le schéma ci-dessous représente les différentes étapes du modèle interne partiel. Les rectangles bleus correspondent à des données ou à des hypothèses, les triangles rouges (ou rectangles rouges « finissant » en triangle) correspondent à des processus de calculs, et les ovales verts à des résultats.

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Section 2.3. Estimation de la surmortalité liée aux pandémies

Nous définissons ici la surmortalité liée aux pandémies comme le taux de décès supplémentaires imputables à la maladie par rapport aux taux de mortalité que l’on aurait observé en l’absence de pandémie.

2.3.1. Observations générales

Observons premièrement l’évolution des taux de mortalité toutes causes aux Etats-Uni, y compris donc dus à la grippe. Bien entendu, on ne parle ici que des morts civils (non militaires).

Figure 1 : Evolution du taux de mortalité toutes causes, âges et sexes confondus

On observe la tendance de baisse de la mortalité tout au long du XXe siècle, et le pic brutal dû à la pandémie de 1918.

On considérant maintenant la mortalité due uniquement la grippe, nous obtenons :

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

2 000

1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Taux pour 100 000

Années

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Figure 2 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe, âges et sexes confondus

On observe un changement de tendance à partir de 1938 et un taux pratiquement constant après 1950. On peut également noter que les autres pandémies du XXe siècle ne se font pas franchement remarquer.

Reprenons le graphique précédent sur la période 1910-1925 uniquement :

Figure 3 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe, âges et sexes confondus

Les effets de la pandémie sont clairement visibles en 1918. Conformément au fait que l’on puisse avoir plusieurs vagues et des décès tardifs, on observe bien des effets significatifs en 1919 et 1920. L’année 1921 marque un contrecoup de la mortalité, et on observe un retour à la normale en 1922, avec un taux de mortalité équivalent à celui de 1917. Ce contrecoup est

0

100

200

300

400

500

600

1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Taux pour100 000

Années

0

100

200

300

400

500

600

1910 1912 1914 1916 1918 1920 1922 1924

Taux pour100 000

Années

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78

probablement lié à un phénomène de sélection naturelle, puisque les organismes qui ont traversé la pandémie sont les plus résistants, et que ceux qui auraient dû mourir peu après sont morts prématurément suite à la pandémie.

Le modèle de base que nous avons présenté dans la partie II prend en compte les effets de la pandémie sur les années 1918, 1919 et 1920, et calcule la surmortalité par rapport au taux de 1917, c’est-à-dire que pour les 3 années d’impact, il estime la mortalité que l’on aurait observée en l’absence de pandémie par ce taux-là. Nous voyons que la problématique ici est double. Il faut d’une part déterminer les années d’impact de la pandémie à prendre en compte dans le calcul du taux de surmortalité, c’est-à-dire déterminer le moment jusqu’auquel les effets de la pandémie se sont fait ressentir, et à partir duquel on considère qu’il y a un retour à la normale, et d’autre part estimer la mortalité que l’on aurait observée durant ces années en l’absence de pandémie. A cette double problématique se rajoute celle de la distinction par classe d’âge et par sexe, suivant laquelle les éléments précédemment cités peuvent évoluer, comme illustré sur la figure suivante :

Figure 4 : Différence entre les taux de mortalité de 1917 et 1922, par âge et par sexe

Il semble que si l’on puisse parler de retour à la normale en 1922 pour les hommes et les femmes âgés jusqu’à 54 ans, il n’en va pas de même pour les âges au-delà.

2.3.2. Années d’impact et taux de mortalité que l’o n aurait observé en l’absence de pandémie

Afin de calculer les taux de surmortalité, nous allons déterminer pour chaque classe d’âge et pour chaque sexe les années d’impact à prendre en compte dans le calcul, ainsi que

-100

0

100

200

300

400

500

600

700

5-14 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84≥ 85

Taux pour100 000

Classes d'âge

Hommes

Femmes

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79

les estimateurs de la mortalité que l’on aurait observée durant ces années en l’absence de pandémie.

2.3.2.1. De 5 à 54 ans

Observons l’évolution du taux de mortalité due à la grippe de 1914 à 1925 chez les hommes et les femmes âgés de 5 à 54 ans :

Figure 5 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe par âge chez les hommes

Figure 6 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe par âge chez les femmes

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1914 1916 1918 1920 1922 1924

Taux pour100 000

Années

5-14 ans

15-24 ans

25-34 ans

35-44 ans

45-54 ans

0

100

200

300

400

500

600

700

800

1914 1916 1918 1920 1922 1924

Taux pour100 000

Années

5-14 ans

15-24 ans

25-34 ans

35-44 ans

45-54 ans

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80

Pour ces 5 classes d’âge, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, on considère pour notre modèle interne partiel que les conséquences de la pandémie sont ressenties sur les années 1918, 1919 et 1920, et qu’au vu des courbes, une moyenne des taux de mortalité de 1917 et 1922 constitue un bon indicateur de ce qui aurait été observé en l’absence de pandémie. Nous adoptons de ce fait une approche prudente, puisque l’on ne comptabilise pas le contrecoup négatif de l’année 1921.

2.3.2.2. Pour les personnes âgées de plus de 55 ans

Observons l’évolution du taux de mortalité due à la grippe de 1910 à 1930 chez les individus âgés de plus de 55 ans. Notons que nous avons ici choisi de regrouper les sexes, afin d’alléger le travail et car la différence entre les deux n’est pas significative.

Figure 7 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe tous sexes confondus

Figure 8 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe tous sexes confondus

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1910 1915 1920 1925 1930

Taux pour100 000

Années

55-64 ans

65-74 ans

75-84 ans

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

4 000

1910 1915 1920 1925 1930

Taux pour100 000

Années

85 ans et plus

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Pour les personnes âgées de 75 ans et plus, il n’y a pas de pic de mortalité en 1918. La première explication est probablement l’épidémie grippale saisonnière de 1916 qui fut violente, d’où un phénomène de sélection naturelle observé les années suivantes. On peut donc considérer que pour ces deux catégories d’âge, la surmortalité engendrée par la pandémie est nulle, voire négative puisque l’on observe des taux inférieurs à celui de 1917 durant les 3 ou 4 années qui suivent. Pour les 55 – 64 ans et les 65 – 74 ans, on observe un pic de mortalité en 1918 avant que le taux ne rebaisse, en 1919 et 1920, en-dessous du taux de 1917. Il en résulte qu’en utilisant le taux de 1917 pour approximer la mortalité que l’on aurait observée en l’absence de pandémie, le modèle de base présenté à la partie II incorpore une surmortalité négative sur les catégories d’âge élevées, ce qui atténue artificiellement le résultat final.

Observons maintenant plus en détail les deux catégories d’âge 55-64 ans et 65-74 ans :

Figure 9 : Evolution du taux de mortalité due à la grippe tous sexes confondus

Pour la classe d’âge 55-64 ans, on observe bien l’effet de surmortalité de la pandémie, mais pour la classe 65-74 ans, l’effet est mitigé.

Nous voyons que les effets de la pandémie de 1918 diffèrent sensiblement selon l’âge, ce qui justifie notre démarche, d’autant que notre portefeuille comporte principalement des personnes âgées de moins de 65 ans. Nous ferons donc les choix suivants pour notre modèle :

- Nous considérons que la pandémie de 1918 n’a pas eu d’impact sur les personnes âgées de 75 ans et plus.

- Pour les classes d’âge 55-64 ans et 65-74 ans, nous considérons que les effets de la pandémie ont eu lieu uniquement durant l’année 1918, et qu’au vu des courbes, la moyenne des taux de 1917 et 1919 constitue un bon indicateur de ce qui aurait été observé en l’absence de pandémie.

0

100

200

300

400

500

600

700

1914 1916 1918 1920 1922 1924

Taux pour100 000

Années

55-64 ans

65-74 ans

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2.3.3. Taux de surmortalité générale due aux pandém ies

2.3.3.1. La pandémie de 1918

En appliquant les choix de modélisation énoncés précédemment, nous pouvons calculer les taux de surmortalité de la population générale due à la pandémie de 1918:

En appliquant ces résultats au portefeuille fictif décrit au chapitre 1, nous obtenons un taux de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 de 5,267 contre 4,705 en appliquant tel quel le modèle de base. Concernant la sensibilité du modèle, on observe que si l’on prend uniquement en compte l’année 1918 dans le modèle de base pour les 55 – 64 ans (excluant ainsi l’effet négatif), le taux passe à 4,872, comme indiqué dans le tableau ci-après :

Ainsi, l’impact le plus significatif sur le résultat final provient du choix des estimateurs de la mortalité grippale que l’on aurait observée en cas d’absence de pandémie. En effet, la tendance globale de la mortalité étant à la baisse, prendre la moyenne des taux des années précédant et suivant la pandémie fait apparaître un impact plus important que si l’on prend uniquement en compte l’année précédente.

2.3.3.2. Point supplémentaire ajusté à la date d’aujourd’hui

Comme dans le modèle de base, nous créons un point supplémentaire correspondant à une pandémie similaire à celle de 1918 mais ajustée à 2009. Notons que les taux de décès toutes causes par catégorie d’âge et par sexe pour 2010 (source CDC) sont également disponibles à la date de rédaction de ce mémoire, mais uniquement dans leur version

Classes d'âges 5 - 14 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Hommes1,930 8,094 14,254 7,450 3,074 1,421 1,293

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Femmes 2,331 6,235 10,755 5,175 2,724 1,054 0,885

Moyenne des

années 1917 et 1919

1918, 1919 et 1920

Moyenne des années 1917 et 1922

1918

Modèle de base Sensibilité Modèle final

Années d'impact de la pandémie pour les 15 - 54 ans 1918, 1919, 1920 1918, 1919, 1920 1918, 1919, 1920

Années d'impact de la pandémie pour les 55 - 64 ans 1918, 1919, 1920 1918 1918

Estimateur de la mortalité grippale sans pandémie pour

les 15 - 54 ans1917 1917

Moyenne 1917 et

1922

Estimateur de la mortalité grippale sans pandémie pour

les 55 - 64 ans 1917 1917

Moyenne 1917 et

1919

Taux de surmortalité due à la pandémie du portefeuille

pour 1 0004,705 4,872 5,267

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provisoire. Même s’ils semblent fiables, nous avons préféré prendre les chiffres définitifs de 2009.

En appliquant à notre portefeuille fictif la même méthodologie que le modèle de base, mais avec notre évaluation de la surmortalité, nous obtenons les résultats suivants pour notre portefeuille :

L’hypothèse sous-jacente à cet ajustement est celle d’une surmortalité due à la pandémie proportionnelle au taux de mortalité toutes causes. En d’autres termes, si une pandémie similaire à celle de 1918 se produisait aujourd’hui, on considère que son impact serait de nature à être proportionnel à la mortalité actuelle plutôt qu’additif (impact en valeur absolue). La mortalité actuelle étant beaucoup plus faible qu’à l’époque, l’impact proportionnel en est réduit d’autant. Il s’agit d’une hypothèse forte qu’il convient de garder à l’esprit, car nul ne peut prédire avec certitude quelle sera l’alternative observée lors des prochaines pandémies.

Nous faisons également intervenir un jugement d’expert qu’il convient de commenter. Celui-ci amène à ce que l’on retienne comme taux final une moyenne pondérée entre le taux de surmortalité non ajusté et celui ajusté à 2009, avec un poids de 60 % pour le taux ajusté, et ce afin de prendre en compte l’évolution de l’environnement médical jusqu’à aujourd’hui. Le poids de 60 % a été utilisé par Milliman lors des émissions d’obligations indexées sur la (sur)mortalité VITA et OSIRIS (cf.modèle de base) pour le compte de Swiss RE et d’AXA, et est également cité dans un livre publié par l’International Actuarial Association (IAA, 2010). Le tableau ci-dessous permet de se faire une idée de la sensibilité du modèle à cette hypothèse :

Taux de mortalité toutes causes pour 1 000 en 1917 A 14,1

Taux de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 B 5,267

Augmentation due à la pandémie du taux de mortalité C = B / A 37,43%

Taux de mortalité toutes causes pour 1 000 en 2009 D 4,07

Taux de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 ajusté à 2009 E = C * D 1,52

Pondération pour évolution de l'environnement médical F 60%

Taux pondéré de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 ajusté à 2009 G = F * E + (1-F) * B 3,022

Augmentation ajustée et pondérée due à la pandémie du taux de mortalité H = G / D 74,19%

Modèle Sensibilité

Pondération pour évolution de l'environnement médical 60% 50% -16,7%

Taux pondéré de surmortalité due à la pandémie pour 1 000 ajusté à 2009 3,022 3,396 +12,39%

Augmentation ajustée et pondérée due à la pandémie du taux de mortalité 74,19% 83,38% +12,39%

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2.3.3.3. Les autres pandémies

En adoptant une démarche similaire à celle que nous venons d’exposer, nous calculons les taux de surmortalité des trois autres pandémies majeures du XXe siècle. Les résultats détaillés, ainsi que les années d’impact et les estimateurs utilisés sont disponibles en annexe. En les appliquant à notre portefeuille fictif, nous obtenons les taux de surmortalité suivants :

Rappelons que ces chiffres ne sont valables que pour un portefeuille déterminé (le nôtre en l’occurrence), et qu’ils varient en fonction de sa répartition par âge et par sexe.

Section 2.4. Modélisation de la fréquence et ajuste ment d’une courbe de sévérité

Nous allons maintenant modéliser d’une part la fréquence de survenance d’une pandémie, et d’autre part la sévérité d’une pandémie sachant qu’elle a eu lieu.

Pour la fréquence, nous nous référons aux 4 principaux recensements effectués dans la littérature et déjà présentés dans notre étude.

Pour l’ajustement, nous associons un quantile de sévérité à chaque pandémie avant d’ajuster les taux de surmortalité correspondant à une courbe exponentielle, sans distinguer toutefois de composantes1. Les quantiles seront déterminés de manière cohérente avec le recensement pris en compte. A l’instar du modèle de base, nous choisissons de modéliser l’augmentation relative du taux de mortalité due à la pandémie.

2.4.1. Augmentation relative du taux de mortalité d ue à la pandémie

Nous considérons que le taux de mortalité toutes causes reflète d’un point de vue général l’état de santé d’une population et la qualité des infrastructures sanitaires à sa disposition. Nous avons vu que ces deux facteurs jouaient un rôle important dans la propagation et la virulence d’une pandémie, aussi nous paraît-il raisonnable de faire 1 Le modèle de base établit une composante extrême pour les quantiles inférieurs à 0,5 %. Mais comme c’est précisément ce quantile qui nous intéresse (et non les quantiles inférieurs), et qu’il est obtenu par le biais de la composante principale, la composante extrême n’est pas nécessaire dans le cadre d’un modèle interne partiel.

Pandémie concernée Taux de surmortalité générale

du portefeuille pour 1 000

1918 5,267

1918 ajustée 3,022

1957 0,089

1968 0,046

1978 0,018

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l’hypothèse (encore une fois, relativement forte) selon laquelle une pandémie impacterait le taux de mortalité toutes causes de manière proportionnelle plutôt qu’additive, de sorte que si le taux de mortalité toutes causes est faible, l’impact en est réduit d’autant. Nous ajustons donc les taux de surmortalité calculés précédemment par le taux de mortalité toutes causes de notre portefeuille de l’année correspondante pour en déduire l’augmentation de mortalité générale due aux pandémies :

Nous rappelons que pour la pandémie de 1918 ajustée, on utilise le taux de mortalité toutes causes de 2009, et que le terme « générale » doit être ici considéré comme en opposition avec « assurée », c’est-à-dire que l’on ne prend pas (encore) en compte le comportement spécifique de la mortalité assurée par rapport à la mortalité générale. Notons enfin que comme la mortalité toutes causes de 1918 est fortement impactée par la pandémie, nous calculons l’augmentation par rapport au taux de 1917. C’est une approche prudente, puisque le taux de 1917 étant inférieur à celui de 1918, le coefficient d’augmentation est majoré.

2.4.2. Modélisation de la fréquence

Nous avons vu dans la partie II, Section 1.3, que les chiffres relatifs à la fréquence de survenance d’une pandémie différaient largement selon les auteurs, oscillant entre 2,3 % et 7,4 %, cette dernière estimation étant également celle du modèle de base.

Nous prendrons donc la moyenne de ces deux estimations, à savoir 4,85 %. Remarquons que nous sommes un peu plus conservateurs que Swiss Re, dont l’estimation ne dépasse pas 4,66 %. Notre chiffre correspondrait à une quinzaine de pandémies observées sur 300 ans, ce qui est en accord avec les observations de (Ghendon, 1994) et (Swiss Re, 2007).

2.4.3. Choix des quantiles

Comme la pandémie de 1918 fut la plus dévastatrice, nous associons au quantile 0 % le point fictif correspondant à la pandémie ajustée à 2009 (ce qui la rend encore plus dévastatrice). Pour la pandémie de 1918 non ajustée, nous l’associons au quantile 1/15, en accord avec notre modélisation de la fréquence. En absence d’observations fiables sur les pandémies antérieures au XXe siècle, nous associons la pandémie de 1978, qui est la moins

A B A / B

Pandémie concernée Taux de surmortalité générale

du portefeuille pour 1 000

Taux de mortalité générale toutes

causes du portefeuille pour 1 000

Augmentation de mortalité

générale due à la pandémie

1918 ajustée 3,022 4,073 74,19%

1918 5,267 14,071 37,43%

1957 0,089 7,855 1,14%

1968 0,046 7,777 0,59%

1978 0,018 6,282 0,29%

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sévère de celles que nous avons étudiées, au quantile 100 %. Puisque nous ne disposons d’aucune information supplémentaire, nous plaçons les deux autres pandémies de 1957 et 1968 de la façon la plus simple et la plus cohérente qui soit, à savoir en les répartissant équitablement entre celles de 1918 et celle de 1978. Les quantiles retenus associés aux augmentations de mortalité sont donc les suivants :

2.4.4. Ajustement à une courbe de sévérité

Nous effectuons un ajustement par la méthode classique des moindres carrés ordinaires (don sans accorder de poids supplémentaire aux deux pandémies de 1918 et 1918 ajustée, contrairement au modèle de base), en utilisant le type de courbe pour lequel l’erreur d’ajustement est la plus faible, à savoir :

��* $� �����������é � · exp /0. 2��������3

Après calculs, nous obtenons les valeurs suivantes pour les paramètres, ainsi que la courbe de sévérité ajustée :

Nous verrons plus tard que la sensibilité du choix des quantiles lors de l’ajustement de cette courbe de sévérité constitue l’une des limites de ce modèle.

Pandémie concernée Augmentation de mortalité

générale due à la pandémieQuantile

1918 ajustée 74,19% 0,00%

1918 37,43% 6,67%

1957 1,14% 37,78%

1968 0,59% 68,89%

1978 0,29% 100,00%

a 0,759

b -3,542

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

Au

gme

nta

tio

n d

e m

ort

alit

é g

én

éra

le d

u

po

rte

feu

ille

du

e à

la

pan

mie

Quantile

Courbe de sévérité ajustée

Courbe ajustée

Observations

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Section 2.5. Prise en compte de la mortalité assuré e par rapport à la mortalité générale

Jusqu’à présent, nous avons calculé la surmortalité générale de notre portefeuille due aux différentes pandémies. Nous entendons par « surmortalité générale » un calcul qui considère les caractéristiques de notre portefeuille comme étant celles de la population générale. Or le taux de mortalité d’une population assurée individuellement est significativement plus faible que celui de la population générale, en raison d’un effet d’anti-sélection lors de la souscription. Ce phénomène est prépondérant aux Etats-Unis, où les assurances privées sont relativement chères, et où la population riche, à la meilleure qualité de vie, et donc au taux de mortalité plus faible, est davantage enclin à s’assurer. Dans son étude sur l’impact potentiel d’une pandémie grippale sur l’assurance vie aux Etats-Unis, (Toole, 2007) avance un rapport de 60 % ou moins entre les deux mortalités en temps normal.

Mais la question qui nous intéresse ici est de savoir dans quelles proportions évolue ce rapport dans le cas d’une pandémie grippale. Aux Etats-Unis, (Toole, 2007) a mené une étude de type Delphi2 sur ce sujet afin d’estimer le ratio de la surmortalité de la population assurée par rapport à celle de la population générale en cas de pandémie. Il en résulte que pour un scénario de pandémie sévère aux Etats-Unis (surmortalité de 6,5 ‰), les experts tablent en moyenne sur un ratio de 71,4 %, avec une médiane à 76,9 %.

Lors de la conférence sur le risque de pandémie tenue chez le réassureur SCOR à Paris en juillet 2012, Brian Ivanovic a commenté les résultats d’une étude de Swiss RE aux Etats-Unis sur la mortalité assurée. Il en ressort qu’aux Etats-Unis, pour les quatre pandémies de 1918, 1957, 1967 et 2009, lorsqu’il concerne la mortalité grippale, le rapport entre le taux de mortalité de la population assurée et celui de la population générale se situe systématiquement entre 60 % et 75 %, tandis que lorsqu’il concerne la mortalité toutes causes, ce rapport baisse de près de moitié au cours de la période. Ainsi, si l’effet d’anti-sélection s’est renforcé au cours du temps avec l’augmentation du niveau de vie, il semble que ce renforcement ne s’observe plus en cas de pandémie, l’impact sur la population assurée représentant toujours entre 60 % et 75 % de l’impact sur la population générale.

En nous basant sur les deux sources concordantes que nous venons de citer, nous prendrions le chiffre de 75 % pour un portefeuille situé aux Etats-Unis. Mais dans le cas d’un portefeuille situé en France, il est probable que l’effet d’anti-sélection soit moins marqué, et, dans le cas d’assurances collectives, il peut même être nul, la mortalité assurée se comportant alors comme la mortalité générale. Cependant, nous avons supposé que notre portefeuille d’assurance était à titre individuel, et de plus composé de salariés cadres, si bien que l’on peut raisonnablement s’attendre à un effet d’anti-sélection assez similaire à ce que l’on peut observer aux Etats-Unis. Nous retiendrons donc cette hypothèse, et nous calculerons la surmortalité assurée de notre portefeuille engendrée par la pandémie comme étant égale à 75 % de la surmortalité générale du portefeuille.

2 Les études de type Delphi permettent de mettre en évidence des convergences d’opinion et de dégager des consensus sur des sujets précis grâce à l’interrogation d’experts et à l’aide de questionnaires successifs.

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Section 2.6. Calcul du SCR Vie CAT

Calculons le SCR Vie CAT de notre portefeuille d’après le modèle interne partiel que nous venons de construire.

Soit A l’événement « une pandémie survient » et N le choc de surmortalité engendré par une pandémie, N ≥ 0. On rappelle que la modélisation de la fréquence de survenance d’une pandémie nous a amené à choisir P(A) = 4,85 %. On cherche à déterminer le quantile q > 0 tel que la surmortalité engendrée par une pandémie soit inférieure à q dans 99,5 % des cas, soit

99,5 % �8E h �:

Or par la formule des probabilités totale, (A,A) formant un système complet d’événements :

�8E h �: �8E h � | �:. �8�: � �8E h �|A:. �8A:

Mais si aucune pandémie ne survient, elle ne peut pas engendrer de surmortalité, d’où

�8E h �|A: 1 et �8E h �|A:. �/A3 �/A3 1 �8�:

Il vient :

�8E h �: P8A:. k�8E h � | �: 1l � 1

Soit Y le choc de surmortalité sachant qu’une pandémie a lieu, on a :

�8E h �: P8A:. k�8W h �: 1l � 1

D’où �8W h �: �8E h �: 1

�8�: � 1

Y est le choc donné par notre courbe de sévérité. Puisque �8E h �: = 99,5 %, on a, avec P(A) = 4,85 % :

�8W h �: 99,5 % 14,85 % � 1 89,69 %

Il suffit donc de chercher le choc q correspondant en inversant l’équation de notre courbe de sévérité ajustée. On obtient une augmentation du taux de mortalité de 24,34 %. Le taux de mortalité toutes causes de notre portefeuille étant de 4,073 ‰, on obtient un choc de 0,992 ‰. Enfin, en appliquant le ratio de 75 % pour prendre en compte la mortalité assurée, on obtient un choc de surmortalité de 0,744 ‰.

Nous rappelons que pour la garantie décès, la somme assurée totale s’élève à 45 330 000 €. Le SCR Vie CAT se monte ainsi à 45 330 000* 0,744 ‰ = 33 726 €.

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89

Section 2.7. Résultats du modèle et sensibilités

2.7.1. Rappel des résultats

Voici l’évolution du SCR Vie CAT à chaque étape de la construction du modèle interne partiel, avec entre parenthèses, le choc de surmortalité appliqué :

2.7.2. Comparaison des résultats

Le choc de surmortalité de 0,744 ‰ que nous avons obtenu pour notre portefeuille est un peu inférieur à ce que l’on peut observer par ailleurs dans la littérature :

Cependant, il faut tenir compte de la répartition par âge de notre portefeuille, qui ne comprend que des actifs, c’est-à-dire des personnes moins susceptibles de décéder en cas de pandémie que les jeunes enfants ou les personnes âgées, et de l’effet d’anti-sélection observé pour une couverture individuelle de salariés cadres.

Si l’on compare nos résultats à ceux fournis par le modèle interne de SCOR au Royaume-Uni (Kessler, 2012), on observe que les deux ajustements précités ont un impact très similaire sur notre SCR Vie CAT :

100 %

66,13 %

49,60 %

0 €

10 000 €

20 000 €

30 000 €

40 000 €

50 000 €

60 000 €

70 000 €

Formule standard (1,5 ‰) Après ajustement par âge

et par sexe (0,992 ‰)

Après ajustement pour

effet d'anti-sélection

(0,744 ‰)

Evolution du SCR Vie CAT

Modèle PopulationChoc de surmortalité pour un

scénario bicentenaire (en ‰)

SwissRE (2007) Royaume-Uni, assurée 1,05

Ferguson (2002) Royaume-Uni 2,00

Actuarial firm (2006) Monde 0,80

Formule Standard Solvabilité II Monde 1,50

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90

2.7.3. Sensibilité à la fréquence et au choix des q uantiles

Dans le modèle que nous venons de présenter, nous avons attribué des quantiles de sévérité à chaque pandémie conformément à l’estimation de fréquence retenue. Mais nous avons vu que le recensement des pandémies passées sur lequel se fondait notre estimation de fréquence variait sensiblement selon les sources, et que nous avons opté pour une fréquence de survenance de 4,85 %, correspondant à la moyenne des extrêmes que l’on pouvait trouver dans la littérature. Afin d’appréhender l’importance de cette hypothèse, nous allons calculer les SCR Vie CAT que l’on aurait obtenus en prenant les estimations extrêmes de fréquence de survenance, à savoir 2, 33 % (10 pandémies sur 430 ans) et 7,44 % (32 pandémies sur 430 ans). Ces estimations déterminent le quantile attribué à la pandémie de 1918 non ajustée, à savoir respectivement 1/10 et 1/32. Nous gardons la même méthodologie que précédemment pour le placement des autres pandémies.

2.7.3.1. Scénario bas : fréquence de 2,33 %

La courbe de sévérité ajustée est la suivante :

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

Au

gme

nta

tio

n d

e m

ort

alit

é g

én

éra

le d

u

po

rte

feu

ille

du

e à

la

pan

mie

Quantile

Courbe de sévérité ajustée

Courbe ajustée

Observations

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91

Le choc d’une pandémie bicentenaire sur la population générale du portefeuille est alors de 0,702 ‰, soit 0,527 ‰ après prise en compte de l’effet d’anti-sélection. Le SCR Vie CAT se monte finalement à 23 889 € contre 33 726 € auparavant, soit une réduction de 29 %.

2.7.3.2. Scénario élevé : fréquence de 7,44 %

La courbe de sévérité obtenue est :

Le choc d’une pandémie bicentenaire sur la population générale du portefeuille est alors de 0,981 ‰, soit 0,736 ‰ après prise en compte de l’effet d’anti-sélection. Le SCR Vie CAT se montre finalement stable à 33 363 € contre 33 726 € auparavant.

2.7.3.3. Conclusion

En fonction du recensement des pandémies passées et de l’estimation de fréquence retenue, le montant du SCR Vie CAT varie dans une proportion de 1 à 1,4, ce qui est plutôt stable si l’on songe que la surmortalité des pandémies étudiées varie au grand minimum de 1 à 10. Il faut comprendre ici que deux phénomènes se compensent, D’une part, en prenant une fréquence de survenance plus élevée, le quantile correspondant à un impact bicentenaire devient mécaniquement plus extrême (cf. Section 2.6), mais d’autre part, cela signifie également que le recensement prend en compte davantage de pandémies, ce qui, compte tenu de notre méthode de choix des quantiles, réduit notamment le quantile de la pandémie de 1918 non ajustée, tirant la courbe de sévérité vers le bas. On retient donc au final un quantile plus extrême d’une courbe plus basse, ce qui est de nature à se compenser. Nous remarquons d’ailleurs que le SCR le plus élevé que nous ayons obtenu est celui qui utilise la fréquence intermédiaire de 4,85 %. Nous pourrions ainsi déterminer quelle serait l’estimation de

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

Au

gme

nta

tio

n d

e m

ort

alit

é g

én

éra

le d

u

po

rte

feu

ille

du

e à

la

pan

mie

Quantile

Courbe de sévérité ajustée

Courbe ajustée

Observations

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92

fréquence (et le recensement qui en découle) qui maximiserait le SCR, de manière à adopter la démarche la plus prudente possible.

Mais rien ne nous permet non plus d’affirmer avec certitude que notre méthode de choix des quantiles est la plus adéquate. Il paraît en fait impossible de répondre à la question centrale de la fréquence de survenance d’une pandémie aussi extrême que celle de 1918. Si nous pouvons espérer qu’avec les progrès de la médecine, les avancées technologiques en termes de suivi et de prévention, et la mise en place de plans de réponse rapides et adaptés, une telle catastrophe ne se reproduise jamais, seuls l’avenir et le suivi attentif de l’évolution et de la sévérité des pandémies futures nous permettra de réduire l’incertitude liée à cette question.

2.7.4. Sensibilité à la répartition par âge

Afin de voir dans quelle mesure la spécificité du risque d’un assureur est prise en compte, nous allons appliquer notre modèle à un portefeuille similaire dont seule la répartition par âge aura été modifiée. Prenons donc le même portefeuille qu’auparavant, offrant les mêmes garanties décès aux mêmes personnes, mais donc chaque individu aura été vieilli de 10 ans. Les individus qui étaient auparavant dans la classe d’âge 15 – 24 ans se retrouvent donc maintenant dans la classe d’âge 25 – 34 ans, etc. Le capital sous risque étant inchangé, le SCR Vie CAT obtenu par la formule standard est inchangé.

En appliquant notre modèle interne partiel, nous obtenons les résultats suivants :

Après ajustement à la courbe de sévérité, on trouve qu’une pandémie bicentenaire entraînerait un choc de surmortalité générale de 0,798 ‰, soit 0,599 ‰ après application du ratio de 75 % prenant en compte le phénomène d’anti-sélection de la population assurée. Le choc appliqué est donc inférieur de presque 20 % par rapport au cas précédent, et le SCR Vie CAT est réduit d’autant à 27 153 € contre 33 726 € auparavant lorsque les individus étaient âgés de 10 ans de moins.

En analysant de plus près les résultats obtenus, on s’aperçoit que les taux de surmortalité sont plus importants pour notre portefeuille vieilli pour les pandémies de 1957, 1968 et 1978, car ces pandémies ont davantage touché les catégories d’âge élevées. A contrario, les taux sont moindres pour la pandémie de 1918 et la pandémie fictive de 1918 ajustée, car la pandémie de grippe espagnole, caractérisée par sa courbe d’impact par âge en « V\_ », a été plus particulièrement dévastatrice chez les jeunes adultes. De plus, comme le

A B A / B

Pandémie concernée Taux de surmortalité générale

du portefeuille pour 1 000

Taux de mortalité générale toutes

causes du portefeuille pour 1 000

Augmentation de mortalité

générale due à la pandémie

1918 ajustée 2,214 8,715 25,40%

1918 3,717 26,740 13,90%

1957 0,184 17,806 1,03%

1968 0,098 17,529 0,56%

1978 0,051 14,257 0,36%

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taux de mortalité toutes causes est naturellement plus élevé pour des catégories d’âge supérieures, l’hypothèse de proportionnalité de la mortalité pandémique à la mortalité toutes causes accentue encore davantage l’écart entre les deux portefeuilles de manière mécanique, en augmentant le dénominateur des ratios du portefeuille vieilli, diminuant le pourcentage d’augmentation de mortalité générale due à la pandémie. Or il s’avère qu’en raison de son impact exceptionnel, c’est surtout les deux points correspondants à la grippe espagnole de 1918 et à celle ajustée, qui vont en très grande partie déterminer l’impact d’une pandémie bicentenaire.

Section 2.8. Avantages et limites du modèle

2.8.1. Avantages du modèle

Le modèle que nous venons de présenter comporte plusieurs avantages. C’est un modèle relativement simple, robuste à l’estimation de la fréquence de survenance d’une pandémie, et qui permet de prendre en compte la répartition du portefeuille par âge et par sexe, ainsi que le phénomène d’anti-sélection observé chez les populations assurées. De plus, il s’appuie sur des données réellement observées, c’est-à-dire sur ce qu’il s’est déjà passé, et donc sur ce qui est susceptible de se reproduire, permettant ainsi d’éviter de recourir à des scénarios prédictifs, utiles pour étudier un ou plusieurs cas particuliers, mais forcément arbitraires et hasardeux lorsqu’il s’agit d’évaluer un impact bicentenaire.

2.8.2. Limites du modèle

Le modèle comporte cependant plusieurs limites. La première concerne les données requises, qui sont en nombre restreint, disponibles uniquement aux Etats-Unis, et dont la fiabilité n’est pas forcément avérée. Et puisque nous ne disposons que du nombre de morts, un tel modèle n’est utilisable qu’en Assurance vie et non en Santé. La part importante de subjectivité constitue une autre limite, notamment au niveau de l’évaluation de l’impact des pandémies (années d’impact à prendre en compte et estimateurs de la mortalité que l’on aurait observée en l’absence de pandémie), et de la méthode du choix des quantiles, ce qui est d’autant plus problématique que le poids de la pandémie de 1918 est prépondérant.

Par ailleurs, certaines questions restent en suspens. Il est en effet extrêmement difficile de prendre en compte les changements sociétaux et de structure de population, et il n’est pas à exclure que l’évolution de l’environnement médical, ainsi que la pyramide des âges d’une population, sa densité ou sa répartition urbaine, jouent un rôle dans la fréquence d’apparition, voire dans la sévérité des pandémies. Il faudrait étayer (ou infirmer) l’hypothèse d’indépendance de la fréquence et de la sévérité, ainsi que l’hypothèse de surmortalité proportionnelle au taux de mortalité. Si la recherche biologique sur le virus pourra apporter des éléments de réponse dans le futur, il n’est pas certain qu’une telle tâche soit réalisable.

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Chapitre 3 : Utilisation du modèle SEIR stochastiqu e pour la construction d’un modèle interne partiel

Rappelons que le modèle SEIR déterministe de base que nous avons présenté dans la partie précédente requiert notamment deux hypothèses fondamentales dont on ne peut s’affranchir sous peine de complexifier considérablement le modèle, à savoir :

- La population doit être homogène, c’est-à-dire que chaque individu se fait infecter avec la même probabilité ;

- La population doit être complètement mélangée, c’est-à-dire que les contacts peuvent se faire entre tous les individus.

Nous observons que ces deux hypothèses mettent à mal une grande partie de l’intérêt du modèle interne partiel, puisqu’elles nous empêchent de prendre en compte la spécificité de notre portefeuille.

Nous allons donc proposer une méthode contournant cet obstacle et nous permettant de prendre en compte les caractéristiques (critères par âge et par vulnérabilité) de la population assurée. Notre approche se basera sur le modèle déjà présenté à la partie précédente de (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010), à l’instar de la démarche entreprise par (Mandhouj, 2011) dans son mémoire, mais qui souffre selon nous de 3 principaux écueils qui rendent son modèle difficilement applicable :

- La taille finale de la pandémie (part de la population totale infectée) est confondue avec le taux de transmission (individuelle) β du virus, ce qui est erroné ;

- L’auteur simule des pandémies à partir de paramètres a priori, puis estime ces mêmes paramètres « a posteriori » à partir des pandémies simulées. Il en résulte une boucle tautologique source de confusions ;

- La pandémie est simulée sur le portefeuille d’assurés uniquement. Or celle-ci étant par définition globale, il nous paraît inévitable de devoir la simuler sur la population totale avant de considérer que notre portefeuille, puisqu’il fait partie de cette population, est également impacté dans une certaine mesure que nous aurons à déterminer.

Section 3.1. Schéma du modèle

Le schéma ci-dessous représente les différentes étapes du modèle interne partiel. Les rectangles bleus correspondent à des données ou à des hypothèses, les triangles rouges (ou rectangles rouges « finissant » en triangle) correspondent à des processus de calculs, et les ovales verts à des résultats.

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Section 3.2. Hypothèses et scénarios pris en compte

Nous nous basons ici sur les études de (Meltzer, Cox, & Fukuda, 1999) du CDC et de (Doyle, Bonmarin, Lévy-Bruhl, Le Strat, & Desenclos, 2005) de l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) qui cherchent à évaluer l’impact économique d’une pandémie grippale respectivement aux Etats-Unis et en France. Leurs études reposent toutes deux sur des scénarios où la taille finale de la pandémie varie entre 15 % et 35 %. Etant donné que les Etats-Unis et la France sont deux pays développés aux conditions de vie similaires, on appliquera indifféremment les chiffres de ces deux études à notre portefeuille.

3.2.1. Taille finale

Nous verrons qu’une des limites de notre modèle nous amènera à ne retenir que des scénarios élevés en termes de taille finale. Nous retiendrons ainsi les valeurs de 30 % et 35 %.

3.2.2. Répartition des cas par âge

Afin de simplifier le modèle au maximum tout en captant au mieux les risques liés à l’âge, nous répartissons la population en trois catégories, à savoir les 0-19 ans, les 20-64 et les plus de 65 ans, correspondant aux jeunes, aux actifs, et aux retraités.

Puisque personne ne peut prédire quelle sera la répartition des cas par âge lors de la prochaine pandémie grippale, (Meltzer, Cox, & Fukuda, 1999) l’ont calculée selon deux scénarios différents A et B, en utilisant les estimations minimales et maximales des taux d’attaque par catégorie d’âge des pandémies de 1918, 1928-29 (épidémie) et 1957, disponibles dans (Glezen, 1996). Les deux scénarios utilisés étant assez proches, nous en avons calculé la moyenne. Il s’avère que le résultat est très proche des chiffres utilisés dans l’étude de l’INVS :

Nous retiendrons ainsi les chiffres de l’INVS comme hypothèse principale dans notre modèle. Afin d’observer l’impact d’une telle hypothèse, nous effectuerons un deuxième calcul selon l’hypothèse alternative que l’âge n’est pas un facteur de risque vis-à-vis de la maladie, et où la répartition des cas par âge est donc égale à la répartition par âge de la

Âge Moyenne CDC Chiffres INVS

0-19 43% 40%

20-64 50% 50%

65+ 7% 10%

Répartition des cas par classe d'âge

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97

population française telle que fournie par l’INSEE (et légèrement arrondie). Notons qu’une telle situation reste théorique puisque l’âge est directement lié à l’état de santé d’un individu et à l’efficacité de son système immunitaire. Mais encore fois, notre but est surtout de mesurer la sensibilité à l’hypothèse de répartition des cas par âge.

3.2.3. Répartition de la population à risque

Nous avons vu que l’impact sanitaire d’une pandémie dépendait en partie de la vulnérabilité de la population, qui peut ici se rapprocher de l’état de santé initial de la population. Sur ce point, l’étude de (Meltzer, Cox, & Fukuda, 1999) travaille à nouveau selon deux scénarios A et B en utilisant des estimations qui se basent sur ou se rapprochent de celles de nombreuses autres études. A nouveau, nous choisissons de prendre en compte la moyenne des deux scénarios indiquée dans le tableau ci-dessous, qui présente également les chiffres de l’INVS :

3.2.4. Répartition de la virulence de l’impact sani taire

Le tableau ci-dessous présente les estimations de (Meltzer, Cox, & Fukuda, 1999) et (Doyle, Bonmarin, Lévy-Bruhl, Le Strat, & Desenclos, 2005) pour la répartition de la virulence d’une pandémie par classe d’âge et par vulnérabilité. Nous soulignons les estimations qui divergent largement entre les deux études. Nous ne pouvons donc que rappeler sur ce point la mise en garde des auteurs de la seconde étude, qui soulignent que ce sont autant d’hypothèses « dont la vraisemblance est inconnue ». Nous utiliserons les estimations de ces deux études par souci de comparaison pour en vérifier la sensibilité.

ÂgePopulation française au

01/01/2012 (souce INSEE)%

Hypothèse

alternative

Rappel hypothèse

principale

0-19 15 426 512 24,31% 24,30% 40%

20-64 37 043 818 58,37% 58,40% 50%

65+ 10 990 438 17,32% 17,30% 10%

Répartition des cas par classe d'âge

Âge Chiffres CDC Chiffres INVS

0-19 8,75% 14%

20-64 19,70% 5%

65+ 47,50% 50%

Pourcentage de la population à risque par classe d'âge

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A noter que nous considérons que ces estimations sont exclusives, c’est-à-dire que les chiffres donnés ici concernent uniquement la complication finale observée. Par exemple, un individu décédant de la grippe aura vraisemblablement été hospitalisé auparavant, mais nous considérons ici que son cas est uniquement pris en compte dans la complication « décès », et qu’il n’est donc pas comptabilisé dans la complication « hospitalisation ». Précisons qu’il se pourrait très bien que ces estimations soient inclusives, mais notre lecture attentive des études ne nous a pas permis de lever cette interrogation.

Section 3.3. Calcul des probabilités

3.3.1. Formalisation

Soient :

- M l’événement « être malade », c’est-à-dire être infecté par la pandémie ;

- m i R n1,2,3o, A i l’événement « appartenir à la catégorie d’âge i », où A1, A2 et A3 désignent respectivement les catégories d’âge 0-19 ans, 20-64 ans et plus de 65 ans ;

- R l’événement « être à risque » ;

- m i R n1,2,3o, Ci l’événement « avoir la complication (finale) i », où C1, C2 et C3 désignent respectivement un traitement médical, une hospitalisation et un décès.

CDC INVS

Âge Moyenne Moyenne

0-19 509,5

20-64 351,5

65+ 382

0-19 891,5

20-64 615

65+ 669

0-19 3,735 20

20-64 6,75 30

65+ 14,15 50

0-19 13,7 100

20-64 14,6 125

65+ 50,85 150

0-19 0,07 5

20-64 0,31 7,5

65+ 3,51 15

0-19 0,6 10

20-64 12,85 15

65+ 26,3 20

Non

disponible

(on reprend

les chiffres

du CDC)

Frais

médicamenteux

pour 1 000 cas

Hospitalisations

pour 1 000 cas

Décès pour

1 000 cas

Non à

risque

A risque

Non à

risque

A risque

Non à

risque

A risque

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99

Conformément à ce que nous avons énoncé auparavant, nous ne considérerons que les 3 complications que sont le traitement médical (ou frais médicamenteux), l’hospitalisation et le décès.

Le tableau de la sous-section 3.2.2. sur la répartition du taux d’impact par âge nous donne P(Ai | M), et celui de la sous-section 3.2.3. sur la répartition de la population à risque nous donne P(R | Ai) et donc P(�p | Ai). Enfin, le tableau de la sous-section 3.2.4. sur la répartition de la virulence de l’impact sanitaire nous donne �8�q| �r s � s t: et �8�q| �r s�p s t:, m i,j R n1,2,3o. Nous supposons de plus P(M) connu, puisqu’il s’agit de la taille finale Z de la pandémie que nous prenons pour hypothèse (si la pandémie infecte 30 % de la population, la probabilité de tomber malade est P(M) = 0,3). Les données de l’INSEE, qui nous donnent la répartition de la population française en 2011 selon nos 3 classes d’âge, nous donnent par ailleurs P(Ai).

Il est important de noter que nous supposons dans notre modèle que les événements M et R sont indépendants. En effet, le fait d’être ici considéré comme étant « à risque » n’augmente pas la probabilité de tomber malade, celle-ci étant toujours égale à Z. La classification « à risque » ne joue qu’en cas de complications, une personne « à risque » ayant une plus grande probabilité d’une part de développer des complications, et d’autre part que celles-ci soient plus sévères, conformément au tableau de la sous-section 3.2.4.

Calculons maintenant la probabilité P(Cj | M) dont nous aurons besoin plus tard.

3.3.2. Calcul de P(C j | M)

Comme n�r s �, �r s �porRnu,v,wo est un système complet d’événements, on a :

P8�q s M: y �8r

�q s M s �r s �: � �8�q s M s �r s �p: Or comme �8t s �r s �: S 0 et �/t s �r s �3 S 0, il vient, par la formule des

probabilités composées :

P8�q s M: y �8�r:. �8� |�r:. �8t |�r s �:. �8�q| �r s � s t:r� �8�r:. �8�p| �r:. �8t |�r s �p:. �8�q| �r s �p s t:

Or comme M et R sont indépendants, �8t | �r s �: �8t | �r s �p: �8t| �r: �8ts ��:�8��: z8 {| |}:.z8}:

z8{|:

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100

Ainsi, tous les termes de P8�q s M: sont connus, et comme P8�q | M: ~8�� s�:z8}: , on obtient

en simplifiant le tout :

P8�q | M: y �8� |�r:. �8�r| t:. �8�q| �r s � s t: � �8�p| �r:. �8�r |t:. �8�q| �r s �p s t:r

Nous obtenons comme application numérique :

�8�q|t:

Hypothèse principale de répartition des cas par âge

Hypothèse alternative de répartition des cas par âge �q CDC INVS CDC INVS

Soins médicamenteux 47,07 % 46,01 % 45,72 % 44,07 %

Hospitalisation 0,91 % 3,99 % 1,14 % 4,52 %

Décès 0,29 % 0,80 % 0,41 % 0,90 %

Bien évidemment, les calculs concernant le CDC et l’INVS utilisent respectivement les estimations du CDC et de l’INVS pour la répartition de l’impact sanitaire et pour la répartition de la population à risque, sans croisement entre les deux jeux d’hypothèses. On observe que l’hypothèse alternative de répartition des cas par âge augmente �8�q|t: pour

l’hospitalisation et les décès, car les personnes âgées de 65 ans et plus, qui sont davantage vulnérables à ces deux complications, sont alors davantage touchées.

Section 3.4. Calibrage temporel de T I

Notons TE la durée pendant laquelle l’individu est dans l’état exposé, et TI la durée pendant laquelle il est dans l’état infecté (et infectieux).

Conformément à ce que l’on peut observer en moyenne en pratique, nous fixerons la période d’incubation TE comme étant égale à 1 jour, afin de simplifier le modèle.

Il nous reste donc à calibrer la durée d’infectiosité TI, qui, rappelons-le, suit une loi Gamma (kI, θI). Nous faisons l’hypothèse que TI est un bon indicateur de la sévérité de la maladie. En d’autres termes, plus la durée d’infection TI est longue, plus l’on considérera que la maladie est sévère et susceptible d’entraîner des complications et éventuellement la mort.

Actant du fait que nous avons considéré que les estimations de la sous-section 3.2.4. étaient données en considérant des diagnostics finaux, et donc exclusifs, nous « cumulons » maintenant les diagnostics en posant :

• Qdc =1 – P(C3 | M)

• Qhosp = 1 – P(C3 | M) – P(C2 | M) • Qfrais = 1 – P(C3 | M) – P(C2 | M) – P(C1 | M)

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101

Ces quantiles représentent la part de la population qui respectivement ne décèdera pas, ne décèdera pas et ne sera pas hospitalisée, et ne décèdera pas, ne sera pas hospitalisée et n’aura pas besoin de soins médicamenteux.

Nous déterminons maintenant de manière relativement subjective les paramètres kI et θI de manière à ce que les probabilités de développer des complications sachant que l’on est malade correspondent à des durées d’infection TI réalistes. Conformément à ce que l’on peut observer en pratique, nous imposons comme contrainte d’avoir une moyenne de 7 jours pour TI. Nous jugeons qu’en choisissons θI = 0,85 (ce qui implique, de par la contrainte sur la moyenne, que kI = 8,2353), nous obtenons une distribution de TI (autrement dit une forme de sa courbe Gamma) satisfaisante, et des valeurs de TI (en jours) correspondant aux 3 quantiles Qdc, Qhosp et Qfrais de manière réaliste, comme illustré dans le tableau ci-dessous, qui concerne l’hypothèse principale de répartition des cas par âge:

CDC INVS

Complication Quantile TI (en jours) Quantile TI (en jours)

Aucune 10 % 4,11 10% 4,11

25 % 5,24 25% 5,24

Qfrais = 51,73 % 6,8225 49,21% 6,6717

Soins médicamenteux

75 % 8,46 75% 8,46

90 % 10,25 90% 10,25

Qhosp = 98,80% 13,6176 95,22% 11,5072

Hospitalisation Qdc = 99,71 % 15,6081 99,20% 14,2053

Décès 100 % ∞ 100% ∞

Notons bien qu’il ne s’agit en quelque sorte que d’un calibrage temporel, et que les quantiles qui nous servirons à comptabiliser le nombre de complications survenues sont ceux calculés précédemment et restent identiques. Ainsi, si l’on se réfère aux données du CDC, les personnes qui auront une durée d’infection TI supérieure à 15,6081 jours entraîneront des soins médicamenteux, des soins hospitaliers et décèderont, celles qui auront une durée TI comprise entre 13,6176 jours et 15,6081 jours entraîneront des soins médicamenteux et des soins hospitaliers, celles qui auront une durée TI comprise entre 6,8225 jours et 13,6176 jours entraîneront uniquement des soins médicamenteux, et celles qui auront une durée TI inférieure à 6,8225 jours n’entraîneront aucune complication particulière. Ajoutons pour fixer les idées, que le quart de la population qui guérira le plus rapidement aura été malade pendant 5,24 jours (8,46 jours pour les trois quarts de la population), tandis que 90 % de la population aura une période de maladie de moins de 10,25 jours. Cela nous semble cohérent avec ce que nous pouvons observer en pratique.

Il en va de manière similaire avec les données de l’INVS, et la démarche reste la même pour l’hypothèse alternative de répartition des cas par âge, en gardant toujours les mêmes paramètres kI et θI. Remarquons par ailleurs qu’en raison de la différence entre les deux sources d’estimations au niveau des hospitalisations et des décès, il n’y aura pas de grandes différences entre le nombre de personnes qui se feront hospitaliser selon le CDC et qui décèderont selon l’INVS !

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102

La variance de TI est alors égale à 5,95, et la représentation graphique est la suivante pour l’hypothèse principale de répartition des cas par âge :

Nous reconnaissons que le choix de θI est grandement arbitraire, et qu’il a été choisi afin que les durées TI associées aux quantiles soient relativement réalistes. Le fait de choisir la durée de la maladie comme indicateur de sa sévérité est également critiquable (on pourrait être malade de la grippe pendant longtemps sans qu’il n’y ait pour autant de complication, comme on pourrait en décéder rapidement), mais nous n’avons pas trouvé de réponse simple à ce problème.

Quoi qu’il en soit, et comme on pouvait s’y attendre au vu des estimations, les quantiles de l’INVS sont plus bas que ceux du CDC, ce qui signifie que davantage de personnes seront touchées. On rappelle par ailleurs que même si les estimations de la virulence sont identiques pour les frais médicamenteux (en l’absence de données de l’INVS, on a gardé les données du CDC), l’INVS considère notamment les 0-19 ans et les 20-64 ans comme étant respectivement davantage et moins « à risque » que ne le considère le CDC, ce qui a un impact sur le quantile. Le premier effet (augmentation de la virulence chez les 0-19 ans) l’emportant sur le second (baisse de la virulence chez les 20-64 ans), la virulence totale est plus importante, et le quantile de l’INVS est donc inférieur à celui du CDC pour cette complication.

Section 3.5. Calcul du taux de reproduction de base R0

Rappelons (cf. Partie II, Sous-section 3.3.2.) que l’on a asymptotiquement (Kermack & McKendrick, 1991) :

D 1 �FH.NO

ce qui donne facilement :

-0,05

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20

Durée d'infection en jours

Répartition des quantiles de complications en fonction de la durée d'infection des individus

Densité de la loi Gamma

Qfrais_CDC

Qhosp_CDC

Qdc_CDC

Qfrais_INVS

Qhosp_INVS

Qdc_INVS

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103

�K ln 81 D:D

Voici le tableau de nos scénarios et des R0 correspondants dans le modèle SEIR déterministe :

Taille finale Z de l'épidémie R0 correspondant

Scénario 1 30% 1,189 Scénario 2 35% 1,231

Bien évidemment, notre modèle ne satisfait pas aux hypothèses de population homogène et complètement mélangée nécessaires à la démonstration de la formule de la taille finale. Les taux de reproduction de base R0 que nous venons de calculer ne sont donc qu’à titre indicatif (nous rappelons que nous avons la formule explicite de R0 en fonction des paramètres de notre modèle, mais que l’on ne peut pas la relier directement à Z, cf. Partie II, Section 3.4.4 et 3.4.5.). En utilisant les valeurs ci-dessus, nous observerons une moyenne de cas bien inférieure à ceux attendus d’après les scénarios, et ce parce que les conditions n’auront pas été réunies pour que le virus se propage suffisamment. Il nous faudra donc déterminer des paramètres (β et/ou p) supérieurs à ceux donnés par l’inversion de la formule de la partie II, Section 3.4.4., afin que nos simulations correspondent à nos scénarios.

Cependant, la formule de base de la taille finale nous fournit un bon point de départ, car comme le montrent Ma et Earn dans la partie 9 intitulée « Social structure » de leur étude (Ma & Earn, 2006), cette formule est extrêmement robuste, et reste notamment valable en présence d’états intermédiaires (E ou I) multiples, ou lorsque la population est divisée en grappes (assimilables par exemple à des villes) qui suivent chacune un modèle SEIR et qui sont connectées entre elles par des contacts sociaux aléatoires, ce qui se rapproche sensiblement du modèle de (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010) que nous utilisons.

Section 3.6. Choix de β

Nous rappelons que l’on a simulé les contacts sociaux par un graphe aléatoire de Bernoulli et que, pour un contact c donné entre une personne infectieuse et une personne susceptible, le temps Xc nécessaire à la transmission du virus le long de ce contact c est modélisé par une loi exponentielle paramètre β. L’espérance étant alors 1/ β, il en résulte que β est l’inverse du temps moyen de transmission de la maladie. Or nous avons vu que seul un virus pouvant se transmettre rapidement et facilement pouvait potentiellement déclencher une pandémie. Nous choisissons ainsi de fixer β de manière « biologique » à 0,5, soit un temps moyen de transmission de 2 jours le long d’un contact c donné, ce qui nous paraît raisonnable.

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Section 3.7. Choix de p

Nous avons vu (Partie II, Section 3.4.4) que (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010) avaient établi une formule exprimant R0 en fonction de la population totale N, p, β, θI et kI.

Nous n’avons plus qu’à déterminer la valeur de p, étant donné que tous les autres paramètres ont déjà été fixés. Mais comme nous l’avons déjà évoqué, la formule qui nous a permis de trouver R0 n’est pas exacte et minore la taille finale de nos pandémies. En particulier, en simulant des pandémies avec de tels paramètres, nous obtenons beaucoup de cas où une seule personne est infectée, c’est-à-dire que le patient Zéro introduit au hasard et ex nihilo dans notre population n’a pas transmis le virus, ce qui est le résultat d’une combinaison entre des contacts sociaux établis en trop faible quantité et/ou des temps de transmission trop longs comparés à sa durée d’infection TI (ou inversement une durée d’infection TI trop courte comparée aux temps de transmission). En d’autres termes, certaines simulations avortent trop tôt, si bien que l’épidémie n’a pas le temps de se propager en une pandémie.

Pour remédier à ce problème, nous n’avons pas trouvé d’autre moyen que d’augmenter manuellement et progressivement p, jusqu’à ce que les tailles finales de nos pandémies soient en moyenne égales au scénario considéré (30 % ou 35 %). Encore faut-il déterminer le seuil à partir duquel une pandémie sera considérée comme telle, et non pas comme une épidémie avortée. Ce seuil n’est pas forcément aisé à définir, comme par exemple sur cet histogramme donnant la répartition de la taille finale des épidémies sur 1 000 simulations :

Evidemment, la taille finale moyenne est ici bien inférieure à celle de notre scénario. Une démarche possible aurait consisté à définir un seuil S en-deçà duquel l’épidémie est

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considérée comme avortée, et ce de manière à ce que la moyenne des observations restantes (supérieures à S) soit égale à la taille finale du scénario considéré. En d’autres termes, cela reviendrait à tronquer notre échantillon en enlevant les valeurs les plus faibles jusqu’à ce que la moyenne de l’échantillon restant corresponde à notre scénario. Mais l’inconvénient majeur de cette démarche est qu’elle nous amène à considérer différemment des épidémies qui peuvent avoir une taille finale très proche, voire identique. Par exemple, si une fois cette démarche effectuée, on obtient un seuil S égal à 200 (on considère donc une épidémie ayant provoqué au moins 200 cas comme étant une pandémie), il est fort probable que cette démarche nous ait amené à exclure de notre échantillon des épidémies ayant provoqué 198, 199, ou même également 200 cas. Une telle approche nous paraît trop artificielle, comme « montée de toutes pièces » pour faire correspondre notre échantillon à notre scénario initial.

Or nous avons empiriquement observé qu’à mesure que le scénario considéré augmentait, les tailles finales des épidémies simulées étaient de plus en plus polarisées, comme illustré par l’histogramme ci-dessous :

La troncature est ici beaucoup plus naturelle à faire (par exemple 100) pour distinguer les épidémies avortées (concentrées à gauche sur l’histogramme) des pandémies, dont la taille finale peut ici dépasser les 50%. Quitte à nous restreindre à des scénarios élevés, et même s’il subsiste toujours une part d’arbitraire dans la troncature à effectuer, nous avons donc choisi d’adopter cette démarche qui engendre moins de contradictions. De plus, les scénarios élevés en termes de taille finale que nous choisissons (30 % et 35 %) restent malgré tout cohérents avec les choix de scénarios étudiés dans la littérature, et notamment les études du CDC et de l’INVS.

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Finalement, nous avons observé que nous obtenions de « bons » échantillons en utilisant des valeurs de p égales respectivement à 0,00126 et 0,0013 pour atteindre des scénarios de taille finale de 30 % et 35 %.

Section 3.8. Simulations de type Monte-Carlo et imp act sanitaire de la pandémie

Les simulations sont effectuées comme décrit dans la partie II, selon le modèle de (Groendyke, Welch, & Hunter, 2010) pour une population de N = 1 000 individus. Chaque simulation génère un graphe aléatoire de Bernoulli et simule la propagation d’une épidémie sur le réseau social ainsi établi. Nous obtenons le nombre de cas, la somme des durées d’infectiosité excédant la franchise, et donc, en supposant que la durée d’infectiosité corresponde à la durée pendant laquelle l’individu est incapable de travailler, la somme des jours d’ITT à prendre en charge par l’assureur, et enfin, à partir des quantiles Qfrais, Qhosp et Qdc, le nombre de personnes qui auront respectivement besoin de soins médicamenteux, de soins d’hospitalisation et qui décèderont, cette comptabilisation étant ici entendue comme inclusive (les frais versés par l’assureur sont également inclusifs, puisqu’il faut par exemple également payer les frais médicamenteux d’une personne hospitalisée ou les frais d’hospitalisation d’une personne qui finira par décéder).

Notons que les jours à indemniser qui seront comptabilisés ne sont pas des nombres entiers, mais l’on pourra considérer que ce sont des valeurs moyennes. Ainsi, si un malade a une durée d’infectiosité TI de 15,5 jours et que notre franchise est de 15 jours, nous comptabiliserons 0,5 jour d’indemnité à verser.

Section 3.9. L’estimation de la fréquence

Nous reprenons ici les estimations utilisées dans notre modèle interne partiel présenté au chapitre précédent. Nous optons donc pour une fréquence de survenance de 4,85 %, ce qui donne un quantile de sévérité de 89,69 % pour une période de retour bicentenaire (cf. Chapitre 2, Section 2.6). Par souci de comparaison, nous calculerons également les résultats pour une fréquence de survenance de 2,30 % (quantile de 78,26 %) et de 7,40 % (quantile de 93,24 %).

Section 3.10. Prise en compte de la spécificité du portefeuille

3.10.1. Démarche générale

Jusqu’ici, nous avons simulé notre pandémie sur la population générale. Or dans le cadre d’un modèle interne partiel, la prise en compte de la spécificité de notre portefeuille,

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c’est-à-dire ici sa distribution par âge et par vulnérabilité, s’impose. Pour ce faire, pour chaque garantie, nous calculons de manière déterministe le ratio entre la probabilité de devoir verser une prestation à notre portefeuille et celle de devoir verser une prestation à un portefeuille imaginaire qui serait composé de la population totale :

����� $� ��é�������é ���0�0����é ��� ����� ������������ ���� �������é���0�0����é ��� �� ���������� ������ ���� �������é�

A titre d’exemple, si ce ratio est de 2, le SCR sera deux fois plus important pour notre portefeuille que pour un portefeuille fictif de même taille, mais réparti par âge et par vulnérabilité selon la même distribution que la population générale.

3.10.2. Calcul du ratio pour notre portefeuille

Nous reprenons ici les notations de la section 3.3. Notre portefeuille étant composé d’individus actifs, nous allons supposer pour simplifier que nos assurés de la catégorie 15-24 ans sont en fait âgés de 20 ans ou plus. Il en résulte que l’ensemble de portefeuille appartient à la catégorie d’âge A2 (celle des 20-64 ans). De plus, notre portefeuille d’assurance étant à titre individuel, et composé de salariés cadres, nous supposons que les individus assurés sont tous en bonne santé et qu’ils ne sont pas considérés comme « à risque ». Pour les trois complications C1, C2 et C3, le ratio de spécificité du portefeuille devient donc :

����� $� ��é�������é �/�q ��v s �p:�8�q:

Or comme nt, t�o est un système complet d’évènement, il vient par la formule des probabilités composées :

�/�q ��v s �p: P/�q ��v s �p s M: . P8M: � P/�q ��v s �p s M� : . P8M� :

et

P/�q3 P8�q | M: . P8M: � P8�q |t�: . P8M� :

Or P/�q ��v s �p s M� : P/�q �t�3 0, puisque l’on ne peut pas développer de

complication si l’on ne tombe pas malade. D’où, finalement :

�/�q ��v s �p: P/�q ��v s �p s M: . P8M:

et

P/�q3 P8�q | M: . P8M:

Le ratio permettant de prendre en compte la spécificité du portefeuille devient donc :

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108

����� $� ��é�������é �/�q ��v s �p s t:�8�q|t:

Pour l’hypothèse principale de répartition des par âge, l’application numérique donne :

CDC INVS

�q �/�q ��v s �p s t: �8�q|t: Ratio de

spécificité du portefeuille

�/�q ��v s �p s t: �8�q|t: Ratio de

spécificité du portefeuille

Soins médicamenteux 35,15% 47,07% 74,67% 35,15% 46,01% 76,40%

Hospitalisation 0,68% 0,91% 73,78% 3,00% 3,99% 75,27%

Décès 0,03% 0,29% 10,80% 0,75% 0,80% 94,13%

A titre de comparaison, voici ce que l’on aurait obtenu si l’on avait considéré notre portefeuille comme étant « indifférencié » en termes de vulnérabilité par rapport à la population générale :

CDC INVS

�q �/�q ��v s t: �8�q|t:

Ratio de spécificité du portefeuille

« indifférencié »

�/�q ��v s t: �8�q|t:

Ratio de spécificité du portefeuille

« indifférencié »

Soins médicamenteux 40,34% 47,07% 85,70% 36,47% 46,01% 79,26%

Hospitalisation 0,83% 0,91% 90,68% 3,48% 3,99% 87,19%

Décès 0,28% 0,29% 96,87% 0,79% 0,80% 98,84%

Si l’on considère maintenant l’hypothèse alternative de répartition par âge, on obtient pour une vulnérabilité « sans risque » et « indifférenciée » :

CDC INVS

�q �/�q ��v s �p s t: �8�q|t: Ratio de

spécificité du portefeuille

�/�q ��v s �p s t: �8�q|t: Ratio de

spécificité du portefeuille

Soins médicamenteux 35,15% 45,72% 76,88% 35,15% 44,07% 79,76%

Hospitalisation 0,68% 1,14% 59,06% 3,00% 4,52% 66,41%

Décès 0,03% 0,41% 7,50% 0,75% 0,90% 83,23%

CDC INVS

�q �/�q ��v s t: �8�q|t:

Ratio de spécificité du portefeuille

« indifférencié »

�/�q ��v s t: �8�q|t:

Ratio de spécificité du portefeuille

« indifférencié »

Soins médicamenteux 40,34% 45,72% 88,24% 36,47% 44,07% 82,75%

Hospitalisation 0,83% 1,14% 72,60% 3,48% 4,52% 76,92%

Décès 0,28% 0,41% 67,29% 0,79% 0,90% 87,39%

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Section 3.11. Résultats et sensibilités

Nous allons présenter dans cette section les résultats obtenus suivant les 2 scénarios de taille finale (Z = 30 % et Z = 35 %) et les deux hypothèses de répartition des cas par âge. Chacun de ces 4 calculs se base sur 10 000 simulations. Les résultats sont ventilés en fonction de l’hypothèse de fréquence retenue et des estimations utilisées (CDC ou INVS). Nous présenterons en détail les résultats liés au premier calcul, avant d’adopter une présentation plus concise.

3.11.1. Scénario Z = 30 % et hypothèse principale d e répartition des cas par âge

3.11.1.1. Troncature de l’échantillon

L’histogramme donnant la répartition de la taille finale des épidémies sur 10 000 simulations est le suivant :

Nous choisissons de prendre en compte les épidémies ayant provoqué au moins 100 cas. Notre échantillon tronqué contient ainsi 2 801 pandémies, pour une taille finale moyenne de 30,4 % et une taille finale maximale de 521 infectés sur 1 000 individus. L’histogramme ci-dessus devient alors :

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A titre indicatif, les contacts sociaux générés dans le cadre des graphes de Bernoulli vont de 553 à 721, pour une moyenne de 635,1.

3.11.1.2. Indemnités journalières

Nous rappelons que nous avons fixé la période de franchise à 15 jours. L’histogramme du nombre de jours à indemniser au titre de la garantie incapacité est :

Etant donné que l’indemnité journalière moyenne est de 113 €, l’impact et les capitaux à mettre en réserve pour cette garantie sont, selon l’hypothèse de fréquence :

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3.11.1.3. Frais médicamenteux

Si l’on prend les données du CDC, l’histogramme du nombre de prestations pour frais médicamenteux est :

Etant donné que le montant versé est de 50 € en moyenne, l’impact et les capitaux à mettre en réserve pour cette garantie sont, selon l’hypothèse de fréquence :

3.11.1.4. Hospitalisations

Si l’on prend les données du CDC, le diagramme du nombre d’hospitalisations est :

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en journées à indemniser) 3,07 4,68 5,60

Indemnité journalière moyenne

Capital requis pour la garantie incapacité 347 € 529 € 633 €

113 €

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 180 195 203 190 205 213

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 9 000 € 9 750 € 10 150 € 9 500 € 10 250 € 10 650 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais médicamenteux 6 721 € 7 281 € 7 579 € 7 258 € 7 831 € 8 137 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 7 713 € 8 356 € 8 699 € 7 530 € 8 125 € 8 442 €

79,26%

76,40%

85,70%

50 €

CDC INVS

50 €

74,67%

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Etant donné que le séjour hospitalier moyen est de 5 jours, et que le coût d’une journée d’hospitalisation pour l’assureur est de 120 €, le coût moyen d’une prestation est de 600 €. L’impact et les capitaux à mettre en réserve pour cette garantie sont, selon l’hypothèse de fréquence :

3.11.1.5. SCR Santé CAT Pandémie

Nous pouvons maintenant calculer le SCR Santé CAT Pandémie :

3.11.1.6. Décès et SCR Vie CAT

Si l’on prend les données du CDC, le diagramme du nombre de décès engendrés par la pandémie est :

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 5 6 7 19 21 23

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 3 000 € 3 600 € 4 200 € 11 400 € 12 600 € 13 800 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais d'hospitalisation 2 213 € 2 656 € 3 099 € 8 581 € 9 484 € 10 388 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 2 720 € 3 264 € 3 809 € 9 940 € 10 986 € 12 032 €

90,68% 87,19%

CDC INVS

600 € 600 €

73,78% 75,27%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

SCR Santé CAT Pandémie 9 281 € 10 466 € 11 311 € 16 186 € 17 844 € 19 157 €

Sensibilité : SCR si portefeuille "indifférencié" 10 781 € 12 149 € 13 140 € 17 817 € 19 639 € 21 107 €

CDC INVS

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113

Etant donné que le capital décès moyen versé est de 45 330 €, l’impact et les capitaux à mettre en réserve pour cette garantie sont, selon l’hypothèse de fréquence :

3.11.2. Scénario Z = 30 % et hypothèse alternative de répartition des cas par âge

3.11.2.1. Troncature de l’échantillon

Nous choisissons de prendre en compte les épidémies ayant provoqué au moins 100 cas. Notre échantillon tronqué contient ainsi 2 806 pandémies, pour une taille finale moyenne de 30,6 % et une taille finale maximale de 509 infectés sur 1 000.

A titre indicatif, les contacts sociaux générés dans le cadre des graphes de Bernoulli vont de 537 à 726, pour une moyenne de 629,8.

3.11.2.2. Indemnités journalières

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 1 2 2 4 5 5

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 45 330 € 90 660 € 90 660 € 181 320 € 226 650 € 226 650 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

SCR Vie CAT 4 896 € 9 792 € 9 792 € 170 681 € 213 351 € 213 351 €

Sensibilité : SCR Vie CAT si portefeuille "indifférencié" 43 910 € 87 821 € 87 821 € 179 215 € 224 019 € 224 019 €

96,87% 98,84%

CDC INVS

45 330 € 45 330 €

10,80% 94,13%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en journées à indemniser) 3,18 5,00 6,00

Indemnité journalière moyenne

Capital requis pour la garantie incapacité 359 € 565 € 678 €

113 €

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3.11.2.3. Frais médicamenteux

3.11.2.4. Hospitalisations

3.11.2.5. SCR Santé CAT Pandémie

3.11.2.6. Décès et SCR Vie CAT

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 177 194 201 185 203 210

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 8 850 € 9 700 € 10 050 € 9 250 € 10 150 € 10 500 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais médicamenteux 6 804 € 7 458 € 7 727 € 7 378 € 8 096 € 8 375 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 7 809 € 8 559 € 8 868 € 7 655 € 8 399 € 8 689 €

88,24% 82,75%

CDC INVS

50 € 50 €

76,88% 79,76%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 7 8 9 21 24 26

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 4 200 € 4 800 € 5 400 € 12 600 € 14 400 € 15 600 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais d'hospitalisation 2 481 € 2 835 € 3 189 € 8 367 € 9 563 € 10 360 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 3 049 € 3 485 € 3 920 € 9 692 € 11 077 € 12 000 €

72,60% 76,92%

CDC INVS

600 € 600 €

59,06% 66,41%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

SCR Santé CAT Pandémie 9 644 € 10 858 € 11 594 € 16 105 € 18 224 € 19 413 €

Sensibilité : SCR si portefeuille "indifférencié" 11 217 € 12 608 € 13 466 € 17 706 € 20 041 € 21 367 €

CDC INVS

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 2 3 3 4 5 6

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 90 660 € 135 990 € 135 990 € 181 320 € 226 650 € 271 980 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

SCR Vie CAT 6 802 € 10 202 € 10 202 € 150 905 € 188 632 € 226 358 €

Sensibilité : SCR Vie CAT si portefeuille "indifférencié" 61 004 € 91 506 € 91 506 € 158 451 € 198 063 € 237 676 €

67,29% 87,39%

CDC INVS

45 330 € 45 330 €

7,50% 83,23%

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3.11.3. Scénario Z = 35 % et hypothèse principale d e répartition des cas par âge

Le second scénario est identique au premier sauf en ce qui concerne la valeur de p, qui passe de 0,00126 à 0,0013 pour atteindre une taille finale Z = 35 %.

3.11.3.1. Troncature de l’échantillon

Nous choisissons de prendre en compte les épidémies ayant provoqué au moins 150 cas. Notre échantillon tronqué contient ainsi 3 162 pandémies, pour une taille finale moyenne de 34,9 % et une taille finale maximale de 555 infectés sur 1 000.

A titre indicatif, les contacts sociaux générés dans le cadre des graphes de Bernoulli vont de 580 à 738, pour une moyenne de 654,6.

3.11.3.2. Indemnités journalières

3.11.3.3. Frais médicamenteux

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en journées à indemniser) 3,42 5,03 6,03

Indemnité journalière moyenne

Capital requis pour la garantie incapacité 386 € 568 € 681 €

113 €

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 198 213 219,3 208 224 231

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 9 900 € 10 650 € 10 965 € 10 400 € 11 200 € 11 550 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais médicamenteux 7 393 € 7 953 € 8 188 € 7 946 € 8 557 € 8 824 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 8 485 € 9 127 € 9 397 € 8 243 € 8 878 € 9 155 €

85,70% 79,26%

CDC INVS

50 € 50 €

74,67% 76,40%

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3.11.3.4. Hospitalisations

3.11.3.5. SCR Santé CAT Pandémie

3.11.3.6. Décès et SCR Vie CAT

3.11.4. Scénario Z = 35 % et hypothèse alternative de répartition des cas par âge

3.11.4.1. Troncature de l’échantillon

Nous choisissons de prendre en compte les épidémies ayant provoqué au moins 150 cas. Notre échantillon tronqué contient ainsi 3 196 pandémies, pour une taille finale moyenne de 35,1 % et une taille finale maximale de 535 infectés sur 1 000.

A titre indicatif, les contacts sociaux générés dans le cadre des graphes de Bernoulli vont de 572 à 741, pour une moyenne de 654,4.

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 6 7 8 21 23 25

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 3 600 € 4 200 € 4 800 € 12 600 € 13 800 € 15 000 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais d'hospitalisation 2 656 € 3 099 € 3 541 € 9 484 € 10 388 € 11 291 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 3 264 € 3 809 € 4 353 € 10 986 € 12 032 € 13 079 €

90,68% 87,19%

CDC INVS

600 € 600 €

73,78% 75,27%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

SCR Santé CAT Pandémie 10 435 € 11 620 € 12 411 € 17 816 € 19 513 € 20 797 €

Sensibilité : SCR si portefeuille "indifférencié" 12 135 € 13 504 € 14 431 € 19 616 € 21 478 € 22 915 €

CDC INVS

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 2 2 3 4 5 6

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 90 660 € 90 660 € 135 990 € 181 320 € 226 650 € 271 980 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

SCR Vie CAT 9 792 € 9 792 € 14 687 € 170 681 € 213 351 € 256 021 €

Sensibilité : SCR Vie CAT si portefeuille "indifférencié" 87 821 € 87 821 € 131 731 € 179 215 € 224 019 € 268 822 €

96,87% 98,84%

CDC INVS

45 330 € 45 330 €

10,80% 94,13%

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3.11.4.2. Indemnités journalières

3.11.4.3. Frais médicamenteux

3.11.4.4. Hospitalisations

3.11.4.5. SCR Santé CAT Pandémie

3.11.4.6. Décès et SCR Vie CAT

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en journées à indemniser) 3,54 5,36 6,27

Indemnité journalière moyenne

Capital requis pour la garantie incapacité 400 € 606 € 709 €

113 €

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 194 209 216 204 219 226

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 9 700 € 10 450 € 10 800 € 10 200 € 10 950 € 11 300 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais médicamenteux 7 458 € 8 034 € 8 303 € 8 136 € 8 734 € 9 013 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 8 559 € 9 221 € 9 530 € 8 441 € 9 061 € 9 351 €

88,24% 82,75%

CDC INVS

50 € 50 €

76,88% 79,76%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 7 9 10 24 27 28

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 4 200 € 5 400 € 6 000 € 14 400 € 16 200 € 16 800 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

Capital requis final pour les frais d'hospitalisation 2 481 € 3 189 € 3 544 € 9 563 € 10 758 € 11 156 €

Sensibilité : Capital requis si portefeuille "indifférencié" 3 049 € 3 920 € 4 356 € 11 077 € 12 461 € 12 923 €

72,60% 76,92%

CDC INVS

600 € 600 €

59,06% 66,41%

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

SCR Santé CAT Pandémie 10 338 € 11 829 € 12 556 € 18 098 € 20 098 € 20 878 €

Sensibilité : SCR si portefeuille "indifférencié" 12 008 € 13 747 € 14 594 € 19 917 € 22 128 € 22 982 €

CDC INVS

Hypothèse de fréquence 2,30% 4,85% 7,40% 2,30% 4,85% 7,40%

Quantile correspondant 78,26% 89,69% 93,24% 78,26% 89,69% 93,24%

Impact bicentenaire (en prestations à verser pour 1 000) 2 3 3 5 6 6

Montant moyen de la prestation

Capital requis correspondant 90 660 € 135 990 € 135 990 € 226 650 € 271 980 € 271 980 €

Ratio de spécificité du portefeuille "non à risque"

Ratio de spécificité du portefeuille "indifférencié"

SCR Vie CAT 6 802 € 10 202 € 10 202 € 188 632 € 226 358 € 226 358 €

Sensibilité : SCR Vie CAT si portefeuille "indifférencié" 61 004 € 91 506 € 91 506 € 198 063 € 237 676 € 237 676 €

67,29% 87,39%

CDC INVS

45 330 € 45 330 €

7,50% 83,23%

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3.11.5. Commentaires

Au vu des résultats présentés précédemment, nous pouvons faire les commentaires suivants :

- La garantie incapacité est impactée de manière négligeable en raison de la période de franchise, car très peu de personnes sont malades pendant plus de 15 jours. D’ailleurs, les personnes concernées sont considérées comme décédées. En conclusion, on pourrait argumenter que soit l’individu guérit dans un laps de temps relativement court couvert par la franchise, soit il décède de la maladie et ne rentre donc plus dans le cadre de cette garantie. Cette observation est cohérente avec le point de vue du régulateur, qui considère que cette garantie n’est pas impactée dans le cadre d’une pandémie.

- Selon le scénario et les hypothèses, la surmortalité engendrée par la pandémie se situe entre 1 ‰ et 6 ‰, et la plupart du temps entre 2 ‰ et 5 ‰. Ces chiffres sont supérieurs, mais restent cohérents, comparés au modèle interne partiel développé au chapitre précédent, à la formule standard de Solvabilité II et aux estimations recensées dans la littérature.

- Le fait de considérer la population comme « à risque » a un impact démesuré sur le SCR Vie CAT si l’on prend les estimations du CDC. Cela est dû à la différence importante entre la probabilité de décéder pour les malades de 20-64 ans « à risque » (12,85 ‰) et « non à risque » (0,31 ‰). Ainsi, au-delà de la fiabilité de cette estimation, cette observation souligne l’importance de l’état de santé initial et de l’effet d’anti-sélection en cas de pandémie, et donc la différence potentielle entre les portefeuilles d’assurance collective et les portefeuilles d’assurance individuelle.

- A contrario, la sensibilité à l’hypothèse de répartition des cas par âge est relativement faible, surtout pour les garanties Santé. C’est toutefois un peu moins vrai pour la garantie décès (surtout avec les données de l’INVS), en raison du coût de la prestation qui amplifie toute modification de l’impact, d’autant que celui-ci est forcément un nombre entier (pour 1 000 personnes), d’où un effet de « saut ». Si la garantie frais médicamenteux subit quoi qu’il arrive peu de changements, en ce qui concerne les garanties frais d’hospitalisation et décès, cette stabilité est permise par deux effets qui se compensent. D’un côté, la probabilité de développer ces deux complications augmente significativement (notamment car davantage de personnes âgées sont touchées), ce qui entraîne des impacts bicentenaires plus élevés. Mais de l’autre côté, pour ces deux complications, notre portefeuille d’individus de 20 à 64 ans est proportionnellement moins touché (le ratio de spécificité du portefeuille est significativement plus faible) qu’avec l’hypothèse principale.

- La sensibilité aux estimations de départ est importante, notamment pour la garantie décès en raison du montant de la prestation. Observons également que dans tous les cas, les estimations du CDC conduisent, en cas de pandémie, à une garantie pour frais médicamenteux plus coûteuse que celle pour frais d’hospitalisation. L’inverse est observé pour les estimations de l’INVS, en raison d’un nombre d’hospitalisations attendu beaucoup plus important.

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Section 3.12. Avantages et limites du modèle

3.12.1. Avantages du modèle

Le principal avantage de ce modèle est sa prise en compte des garanties en Assurance santé, pour lesquelles il n’est pas possible de se fonder sur des données observées, nous permettant ainsi de calculer le SCR Santé CAT Pandémie en sus du SCR Vie CAT. De plus, ce modèle permet de « contourner » les hypothèses fondamentales d’homogénéité et de mixité totale de la population, en simulant des contacts sociaux aléatoires, en différenciant des impacts par âge, et en tenant compte de la population « à risque ». C’est donc un modèle relativement réaliste, qui permet en plus de prendre en compte le phénomène d’anti-sélection observé chez les populations assurées.

Ce modèle permet également de simuler la propagation de la pandémie et d’inclure sa dimension temporelle. Puisque nous disposons des temps d’infection de chacun, nous aurions pu nous intéresser au pic temporel de la pandémie, c’est-à-dire le jour où le nombre de cas simultanés est maximum, ou encore à la durée totale pendant laquelle sévit la pandémie, toutes ces données pouvant être utiles en matière de prévention ou de réponse sanitaire adaptée.

3.12.2. Limites du modèle

Les limites de ce modèle sont nombreuses. En l’absence de données observées, il nécessite de se fonder sur des scénarios de pandémie et sur des estimations en termes d’impact. Evidemment, la fiabilité de ces estimations est relative, comme le suggèrent les différences parfois importantes entre celles du CDC et celles de l’INVS, ce qui est d’autant plus problématique que la sensibilité du modèle à ces estimations est importante. Le modèle fait également intervenir une part d’arbitraire relativement importante, notamment lors du calibrage de TI et du choix de β.

Les limites techniques de ce modèle sont également non négligeables. La modélisation des contacts sociaux étant exponentielle, la population totale N doit être relativement restreinte. Les temps de calcul peuvent dépasser la dizaine d’heures pour 10 000 simulations, et la boucle d’ajustement nécessaire pour déterminer la valeur adéquate de p rallonge le processus. Enfin, les impacts bicentenaires pour le nombre d’hospitalisations et de décès sont en règle générale des nombres entiers pour 1 000, d’où un manque de précision certain, notamment au niveau des décès où les valeurs sont faibles.

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Conclusion et perspectives

Dans ce mémoire, nous avons commencé par observer les limites du cadre réglementaire actuel concernant le risque de pandémie, et dans quelle mesure le nouveau cadre Solvabilité II se proposait de remédier à la situation. La réforme envisagée nous a cependant paru souffrir de plusieurs incohérences, ce qui nous a poussé à proposer notre propre modèle interne partiel pour évaluer ce risque.

Après une analyse détaillée du risque de pandémie, nous avons retenu deux modèles, l’un de type actuariel sur données historiques, et l’autre de type épidémiologique, qui abordent ce risque sous deux angles différents. Ces modèles sont, ou ont été, utilisés par des assureurs à une ou plusieurs reprises afin d’évaluaer le risque de pandémie. Néanmoins, une analyse détaillée de ces modèles nous en a fait découvrir les incohérences et les zones d’ombre.

L’objet principal de notre travail aura donc été d’expliciter au maximum ces deux modèles, d’en faire apparaître les incohérences, puis de tenter d’y remédier tout en faisant clairement apparaître les limites et les points d’achoppement qui subsistent. Evaluer le risque de pandémie est une tâche extrêmement ardue, et nul ne peut prédire quand la prochaine pandémie aura lieu, ni quel sera son impact. Mais nous avons tenté d’apporter notre pierre à l’édifice en proposant deux modèles internes partiels qui, nous l’espérons, permettront d’appréhender encore un peu mieux cette problématique.

Au cours de notre travail, nous avons démontré que, de notre point de vue, seul le virus de la grippe était susceptible d’engendrer une pandémie d’envergure, et que la garantie invalidité ne nous paraissait pas être de nature à être impactée lors d’un scénario de pandémie. Nous avons également insisté sur la nécessité de poursuivre les études traitant du lien entre la fréquence de survenance d’une pandémie et sa sévérité, et des interactions entre une pandémie et la structure d’une population. En effet, la taille et la densité d’une population, sa répartition par âge et par sexe, son état de santé, ou encore la rapidité et l’adéquation de la réaction des autorités publiques et sanitaires sont autant d’éléments susceptibles d’influer sur le déroulement d’une pandémie, de même que les caractéristiques intrinsèques du virus et sa propension à muter rapidement et radicalement.

En l’état actuel de la recherche, la principale interaction de la sévérité d’une pandémie avec la structure d’un portefeuille d’assurance se trouve dans la différenciation par âge et par vulnérabilité des taux d’infection et de sévérité (complications et décès), qui sont autant de latitudes à prendre en compte dans la création d’un modèle interne partiel. Si chaque compagnie est amenée à observer la vulnérabilité et l’effet d’anti-sélection de son propre portefeuille, l’impact par âge d’une pandémie est un facteur exogène à l’assureur. Dès lors, par souci de cohérence, et comme le souligne (Planchet, 2011), il nous semble inévitable que le régulateur publie des taux par âge homologués pour l’ensemble de la place, que ce soit pour la surmortalité en Assurance vie ou pour les taux de consultation médicale et d’hospitalisation en Assurance santé.

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D’autre part, afin de se prémunir contre des pandémies futures dont l’impact par âge est inconnu, il peut être utile de calculer les capitaux de solvabilité requis selon deux scénarios, et de retenir finalement le montant le plus élevé. En effet, les assureurs pourraient potentiellement être impactés de manière fort différente selon que la courbe d’impact par âge de la pandémie soit de type « V\_ » comme en 1918, touchant de manière notable les jeunes adultes et épargnant les plus âgés, ou de type plus classique « U », comme pour les pandémies plus récentes (hormis celle de 2009), qui épargnèrent relativement les jeunes adultes.

Enfin, il nous paraît important de conclure cette étude en insistant sur la nécessité d’être vigilant et réactif vis-à-vis des pandémies futures. Le Règlement Sanitaire International de 2005 de l’OMS a mis en place un plan d’action stratégique face à la grippe pandémique destiné à renforcer la sécurité sanitaire nationale, régionale et mondiale. Le réseau FluNet, également sous l’égide de l’OMS, est un réseau mondial de surveillance de la grippe qui recense les données liées à l’activité des différents types et sous-types de virus, permettant de suivre en continu leurs mouvements et de repérer au plus tôt les départs d’épidémies. Cette vigilance mondiale et généralisée est cruciale afin de mettre rapidement en place les mesures pouvant empêcher la propagation d’une épidémie à l’échelle mondiale. Un logiciel tel que GLEAMviz devient ainsi un véritable outil d’aide à la décision, permettant d’évaluer en temps réel l’impact des mesures sanitaires telles que les campagnes de vaccination ou la réduction du trafic aérien sur la propagation de l’épidémie, puis de la pandémie à l’échelle mondiale.

Mais pour être efficace, ces actions nécessitent la concertation et la collaboration des acteurs internationaux. Des simulations ont mis en évidence le fait qu’il était plus efficace pour un pays disposant d’un stock important de vaccins et d’antiviraux de les envoyer dans les zones sensibles où une épidémie menacerait de se propager afin d’en enrayer la progression, plutôt que de les garder en attendant que la pandémie ne se propage à son territoire, date à laquelle il sera peut-être trop tard pour la stopper, ou du moins pour en réduire l’impact.

En 2009, jamais une pandémie ne fut repérée aussi rapidement et ne nous fournit autant d’enseignements en termes de gestion et de réaction face à ce risque. Ce doit être un signe d’encouragement nous enjoignant à persévérer dans cette voie afin de toujours mieux appréhender le risque de pandémie pour nous y préparer de manière toujours plus efficace.

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Bibliographie

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Annexe

Taux de surmortalité des principales pandémies du X Xe siècle par sexe et catégorie d’âge pour notre portefeuille fictif

On ne tient pas compte des personnes âgées de moins de 5 ans. Lorsqu’une catégorie d’âge n’apparaît pas, cela signifie que l’on considère que la pandémie n’a pas eu d’impact significatif sur les personnes concernées.

Grippe espagnole (1918 – 1919)

Grippe asiatique (1957 – 1958) – HOMMES

Grippe asiatique (1957 – 1958) – FEMMES

Grippe de Hong-Kong (1968 – 1969) – HOMMES

Classes d'âges 5 - 14 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Hommes1,930 8,094 14,254 7,450 3,074 1,421 1,293

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Femmes 2,331 6,235 10,755 5,175 2,724 1,054 0,885

Moyenne des années

1917 et 1919

1918, 1919 et 1920

Moyenne des années 1917 et 1922

1918

Classes d'âges 5 - 14 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Hommes1,700 2,200 2,500 4,700 11,800 27,100 51,500

1957 et 19581957

Moyenne des années 1956 et 1957 Moyenne des années 1956 et 1959

Classes d'âges 5 - 14 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Femmes1,350 3,550 2,450 2,450 5,100 11,900 21,600

1957 1957 et 1958

Moyenne des années 1956 et 1957 Moyenne des années 1956 et

1959

Classes d'âges 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74 75 - 84 85 et +

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Hommes0,500 1,000 1,650 4,100 10,650 21,450 46,950 193,200

1968

Moyenne des années 1967 et 1969

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Grippe de Hong-Kong (1968 – 1969) – FEMMES

Grippe de 1977 – 1978

Classes d'âges 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74 75 - 84 85 et +

Années prises en compte dans l'impact 1968

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Moyenne des années

1967 et 1969

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Femmes0,450 1,600 2,700 5,600 10,600 22,500 36,600 165,200

1968

Moyenne des années

1967 et 1969

1968 et 1969

Moyenne des années 1967 et 1970

Classes d'âges 15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74 75 - 84 85 et +

Années prises en compte dans l'impact

Estimateur de la mortalité due à la grippe

sans pandémie

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Hommes0,300 0,500 0,550 1,800 6,000 17,500 58,750 187,700

Taux de surmortalité due à la pandémie

pour 1 000 Femmes 0,250 0,300 0,500 1,400 3,300 8,600 31,250 140,850

1978

Moyenne des années 1978 et 1979