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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2013 - N°459 // 83 Fiche à conserver F F i h à i i h h à à QUIZZ OBSERVATION Benjamin Cogné a , Marc Pihet a , Ludovic de Gentile a , Dominique Chabasse a, * © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. a Laboratoire de parasitologie-mycologie Institut de biologie en santé Centre hospitalier universitaire 4, rue Larrey 49933 Angers cedex 09 * Correspondance [email protected] PARASITOLOGIE RÉPONSES AU VERSO QUESTIONS 1. Quelle(s) parasitose(s) évoquez-vous ? 2. Comment le diagnostic est-il réalisé au laboratoire ? 3. Quels sont les modes de contamination habituels ? 4. Quelles sont les possibilités thérapeutiques et quels conseils de prévention pouvez-vous donner à la patiente ? Madame L. consulte pour des douleurs abdominales récurrentes, associées à l’exo- nération de selles molles à liquides et d’importantes flatulences. À l’interrogatoire, on apprend qu’elle est rentrée il y a 3 semaines d’un voyage de 15 jours au Cambodge. Sur place, elle a consommé une nourriture locale, composée essentiellement de fruits, a bien utilisé de l’eau en bouteille, mais ne s’est pas méfiée de la présence de glaçons dans les jus de fruits. Lors de l’examen clinique, la patiente est apyrétique mais évoque un syndrome grippal survenu quelques jours après son retour en France. Elle n’a jamais noté la présence de sang ou de glaires dans les selles. Un examen parasitologique des selles est alors prescrit. De nombreux séjours antérieurs dans le sud-est asiatique et sur le continent africain, au cours desquels on retrouve la notion de bains en rivière ou en cascade, conduisent à demander également une sérologie de la bilharziose. Le bilan biologique retrouve une dis- crète monocytose et une augmentation modérée (1,5 N) des transaminases. Madame L. ne présente pas d’hyper- éosinophilie sanguine et les sérolo- gies de la bilharziose et de l’amibiase reviennent négatives. Les examens bactériologique et virologique des selles sont également négatifs. Lors de l’examen direct des selles (état frais), certains éléments très réfringents ont cependant retenu l’attention du biolo- giste (figure 1). Figure 1 – Examen direct des selles (x500).

Parasitologie

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Page 1: Parasitologie

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2013 - N°459 // 83

BIOLOGIE HÉPATIQUE I TECHNIQUE ET BIOLOGIE I CAS CLINIQUE I FICHE TECHNIQUE I BIO-QUIZZ I

Fiche à conserver

FFi h àii hh àà

QUIZZ

OBSERVATION

Benjamin Cognéa,Marc Piheta,Ludovic de Gentilea,Dominique Chabassea,*

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

a Laboratoire de parasitologie-mycologieInstitut de biologie en santéCentre hospitalier universitaire4, rue Larrey49933 Angers cedex 09

* [email protected]

PARASITOLOGIE

RÉPONSES AU VERSO

QUESTIONS

1. Quelle(s) parasitose(s) évoquez-vous ?

2. Comment le diagnostic est-il réalisé au laboratoire ?

3. Quels sont les modes de contamination habituels ?

4. Quelles sont les possibilités thérapeutiques et quels conseils de prévention pouvez-vous donner à la patiente ?

Madame L. consulte pour des douleurs abdominales récurrentes, associées à l’exo-nération de selles molles à liquides et d’importantes flatulences. À l’interrogatoire, on apprend qu’elle est rentrée il y a 3 semaines d’un voyage de 15 jours au Cambodge. Sur place, elle a consommé une nourriture locale, composée essentiellement de fruits, a bien utilisé de l’eau en bouteille, mais ne s’est pas méfiée de la présence de glaçons dans les jus de fruits.Lors de l’examen clinique, la patiente est apyrétique mais évoque un syndrome grippal survenu quelques jours après son retour en France. Elle n’a jamais noté la présence de sang ou de glaires dans les selles. Un examen parasitologique des selles est alors prescrit. De nombreux séjours antérieurs dans le sud-est asiatique et sur le continent africain, au cours desquels on retrouve la notion de bains en rivière ou en cascade, conduisent à demander également une sérologie de la bilharziose.Le bilan biologique retrouve une dis-crète monocytose et une augmentation modérée (1,5 N) des transaminases. Madame L. ne présente pas d’hyper-éosinophilie sanguine et les sérolo-gies de la bilharziose et de l’amibiase reviennent négatives. Les examens bactériologique et virologique des selles sont également négatifs. Lors de l’examen direct des selles (état frais), certains éléments très réfringents ont cependant retenu l’attention du biolo-giste (figure 1).

Figure 1 – Examen direct des selles (x500).

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RÉPONSES

Les éléments parasitaires correspondent à des oocystes de Cyclospora cayetanensis, agent responsable de la cyclosporose humaine. D’autres espèces de ce genre sont néanmoins décrites chez l’animal. C’est un protozoaire découvert dans les années 1980 et encore mal connu, appartenant à l’embranchement des Apicomplexa et à la classe des Coccidies comme Cryptospo-ridium sp., Isospora belli et Sarcocystis hominis.On observe habituellement un oocyste arrondi de 9 à 10 μm de diamètre, possédant une double membrane dont la plus externe

est très épaisse. Avant maturation, le centre est constitué de granules très réfringentes. Après maturation – lorsque l’examen parasitologique des selles a été effectué tardivement –, on peut observer des oocystes sporulés constitués de deux sporocystes contenant chacun deux sporozoïtes.La cyclosporose est endémique, voire épidémique en Asie du Sud-est, en Amérique centrale et du Sud. Des épidémies ont été décrites dans les pays tempérés par importation de fruits et légumes contaminés.

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Après ingestion, les sporozoïtes sont libérés dans l’intestin à partir d’oocystes matures, pénètrent dans les entérocytes et s’y différencient en trophozoïtes. Le cycle asexué ou schizogonie s’y déroule alors, conduisant à la formation de schizontes qui libèrent des schizozoïtes lors de l’éclatement de la cellule épithé-liale. Ces derniers peuvent soit recommencer un nouveau cycle de schizogonie, soit évoluer vers un stade sexué avec formation de macrogamètes (gamètes mâles) et de microgamètes (gamètes femelles) qui, après fusion, forment un oocyste immature libéré dans les selles. Ces oocystes ne sont pas directement infectants et nécessitent une maturation de deux semaines dans le milieu extérieur. Cette sporulation est très dépendante de la température (22 à 32 °C) et du degré d’humidité, ce qui explique la répartition de la cyclosporose au niveau des zones humides intertropicales. L’homme s’infeste en ingérant des oocystes matures par l’inter-médiaire des mains sales, de l’eau ou plus fréquemment par l’intermédiaire de fruits lavés avec de l’eau contaminée par des oocystes (probablement le cas de cette patiente).Chez l’immunocompétent, après une durée d’incubation courte (une semaine en moyenne), il apparaît une diarrhée composée

de 3 à 10 selles par jour, spontanément résolutive en quelques jours. Dans certains cas, l’épisode diarrhéique se prolonge et peut s’accompagner d’une perte d’appétit, d’un amaigrissement, d’une asthénie progressive voire d’une fièvre modérée (syndrome pseudo-grippal).Chez l’immunodéprimé, comme pour toutes les coccidies diges-tives, la diarrhée devient chronique (plusieurs mois) et peut être responsable d’une altération importante de l’état général, avec une déshydratation très sévère. Les patients infectés par le VIH sont les plus exposés, cette parasitose étant considérée comme une maladie opportuniste.Il faut donc savoir évoquer le diagnostic de cyclosporose lors d’une diarrhée persistante chez le voyageur au retour d’un pays d’endémie.

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Pour en savoir plus[1] ANOFEL (Association française des enseignants et praticiens hospitaliers de parasitologie et mycologie médicale). Parasitoses et mycoses des régions tempérées et tropicales. Éditions Elsevier Masson, 2010.[2] Deluol AM. Atlas de parasitologie. Vol. 2 « Flagellés - Infusoires - Coccidies - Blastocystis hominis - Trichomonas vaginalis ». Édité par Format Utile (Saint-Maur), France.[3] Traité de parasitologie médicale. Éditions Pradel (Paris), France.

[4] http://www.em-consulte.com/article/77705

[5] http://www.dpd.cdc.gov/dpdx/html/Cyclosporiasis.htm

[6] http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/officiels/afssa/

Cyclospora090207.pdf

[7] Verdier RI, Fitzgerald DW, Johnson WD Jr, et al. Trimethoprim-

sulfamethoxazole compared with ciprofloxacin for treatment and prophylaxis of

Isospora belli and Cyclospora cayetanensis infection in HIV-infected patients.

A randomized, controlled trial. Ann Intern Med 2000;132:885-8.

Outre la prévention de la déshydratation, le traitement fait appel au cotrimoxazole (sulfaméthoxazole-triméthoprime), qui dans le cas présent a été prescrit pour une durée de deux semaines. La ciprofloxacine représente une alternative qui serait cependant

moins efficace. La prévention repose sur l’hygiène alimentaire et l’hygiène des mains lors des voyages en zone d’endémie (lavage des mains et des aliments, épluchage ou cuisson des fruits et légumes, ébullition de l’eau…).

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Les oocystes de Cyclospora peuvent être mis en évidence par les techniques classiques de concentration des selles (tech-nique de Bailenger, figure 2A), mais aussi par la technique de Henriksen (coloration de Ziehl-Neelsen modifiée, figure 2B). Cette dernière coloration apparaît cependant plus aléatoire que pour les cryptosporidies. Par ailleurs, à partir d’un prélèvement examiné sans délai, il est également possible de visualiser les oocystes directement au microscope à fluorescence. En effet, la paroi des oocystes possède une autofluorescence naturelle et ceux-ci apparaissent bleus à la longueur d’onde de 365 nm.

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Figure 2 – Examen parasitologique des selles (x500) : technique de Bailenger (A)et coloration d’Henriksen et Poblentz (B).

A B