Paris metropolitan zone

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Paris metropolitan zone facts

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    Du local et du mtropolitain : Paris, mtropole multi-chelles

    Frdric GILLI

    Le dernier volet de la trilogie de Frdric Gilli sur la rgion parisienne souligne la diffrence entre les enjeux locaux et mtropolitains associs aux dficits dinvestissements et de ralisations dans la rgion. Il ne saurait y avoir une solution unique et englobante mais des allers-retours entre les chelles et des cooprations interterritoriales. La sectorisation des problmes appelle une multiplicit de solutions techniques et interroge les conditions dexercice de la dmocratie dans une mtropole.

    Nouveaux contours gographiques, nouveau contexte conomique et nouvelles

    logiques pour laction publique contribuent la transformation du cadre dans lequel voluent les acteurs publics et privs qui fabriquent la ville. Laction territoriale se passe dsormais autant entre les territoires quen leur sein : il sagit la fois darticuler des territoires distincts1 et de faire vivre ensemble les diffrentes chelles de la mtropole. Dans ce cadre, lenjeu du dbat francilien nest pas de trouver une forme optimale de gouvernement de la mtropole mais didentifier les obstacles qui empchent la structuration de ces changes et la concrtisation des projets.

    1 P. Estebe, 2008, Gouverner la ville mobile, Intercommunalit et dmocratie locale, PUF et M. Vanier, 2008, Le

    pouvoir des territoires : Essai sur l'interterritorialit, Economica.

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    Renforcer lefficacit oprationnelle des dispositifs techniques doit aller de pair avec lamlioration du caractre dmocratique des processus dcisionnels. Les enjeux sont doubles dans la rgion parisienne : (i) responsabiliser les pouvoirs locaux sans pour autant clater la mtropole en autant de territoires autonomes et (ii) renforcer le caractre oprationnel des diffrents outils mtropolitains, sans pour autant faire de celle-ci un empilement de couches techniques.

    Structurer des territoires de proximit Inscrire les territoires de proximit dans les logiques de dveloppement de la

    mtropole suppose une capacit structurer des oprations locales dont lenvergure dpasse les seules frontires municipales. Ce nest pas le cas aujourdhui. En dehors de Paris, la taille moyenne des communes francilienne est denviron 900 hectares et de seulement 534 hectares en premire couronne. Sauf mettre en chantier de trs grandes parties du territoire communal, cela ne permet pas dagir lchelle de grands territoires.

    Il y a de fait un dsquilibre entre les pouvoirs lgalement confrs aux maires et leurs capacits relles les mettre en uvre. Les lus locaux nont pas trop mais au contraire pas

    assez de pouvoir. Ils sont certes en responsabilits sur de nombreux sujets aujourdhui en peine de ralisation dans la rgion (au premiers rangs desquels le logement), mais ils se trouvent dmunis pour la dfinition des grandes orientations de leurs territoires. Lgalement, ils ont par exemple un grand pouvoir sur le foncier de leur commune. En pratique, ils sont partiellement dessaisis de leurs prrogatives damnagement urbain : leurs possibilits dintervention sont fortement conditionnes par la situation gographique de la commune dans la mtropole (sur laquelle la mairie a peu de prise) et par les opportunits quoffrent les grands oprateurs urbains publics et privs (logement, transports, quipements, etc.). Dans tous les cas, le maire se trouve en position de dpendance sur les dossiers de sa ville : coupable peut-tre de ne pas faire aboutir les projets, mais pas responsable. Responsabiliser les acteurs locaux suppose de leur rendre des marges de manoeuvre. Le bt blesse trois niveaux : spatial, technico-financier et politique.

    Inscrits dans une structure mtropolitaine qui les englobe et dont les logiques les dpassent trs largement (dsquilibres Est-Ouest, localisation des grandes infrastructures publiques, etc.) les territoires de proximit entrinent les rsultats de cette tectonique mtropolitaine et nont de vritable marge de manoeuvre que sur la faon dont les grands

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    quilibres mtropolitains se traduisent localement. limage de la structure socio-conomique de la mtropole, dont la gographie est remarquablement stable dans le temps en dpit des grandes mutations industrielles que la rgion a traverses2, il est difficile de faire voluer les quilibres intra-urbains. Les investissements mobiliser pour faire basculer les dynamiques territoriales ne peuvent porter sur de petits espaces infra-communaux ni sur de petits volumes financiers. La capacit dun maire peser sur la structure mtropolitaine est trs faible. Dans le cadre dune mtropole de la taille de Paris, une commune isole ne peut avoir un effet autre que marginal sur larmature mtropolitaine, quil sagisse de la structure des prix du foncier ou des rseaux dinfrastructures lourds.

    P. Estebe et P. LeGals3 rappellent juste titre le poids des grandes organisations publiques dans la structuration de lespace public mais aussi des politiques sociales ou dans le dveloppement conomique. Il faudrait y ajouter aussi le rle croissant des acteurs privs dans lorganisation, voire les politiques de dveloppement4. La plupart des lus locaux rencontrent les mmes difficults dans leurs discussions avec les grands oprateurs techniques qui font la ville5. Les groupes de transport, de tlcommunication, les promoteurs immobiliers, sont le plus souvent en situation de force dans leurs relations avec les communes. La petite taille conomique des projets (hors Paris, le budget dinvestissement moyen des communes dle-de-France tait peine de 3 200 000 en 2002), le faible poids politique des lus et la difficult constituer localement des quipes techniques suffisamment larges et comptentes par rapport celles des grands groupes, laissent dmunis les lus de terrain.

    Redonner cette chelle locale toute sa place dans la construction de la mtropole rclame des volutions indispensables. Comme en tmoigne le travail des maires au niveau des quartiers, dont ils permettent linsertion dans la trame locale, les territoires de proximit sont des espaces privilgis de lexpression de la dmocratie.

    2 F. Gilli, 2005, Les statistiques astigmates et la recomposition de la gographie francilienne , Cybergo -

    Revue Europenne de Gographie, 324. 3 P. Estbe et P. LeGals, 2004, La mtropole parisienne : la recherche du pilote ? , Revue Franaise

    d'Administration Publique. 4 E. Decoester, A. Matteaccioli, M. Tabaries, 2004, Les tapes d'une dynamique de territorialisation; le ple

    optique en Ile-de-France , Gographie, conomie, socit, p. 383-413. 5 D. Lorrain (dir.), 2002, Les grands groupes et la ville, Entreprises et histoire n 30, 184 p.

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    Cela suppose daffronter la fois la question de lchelle dintervention sur les espaces locaux et celle du morcellement des responsabilits et des territoires. lheure actuelle, les acteurs des territoires de proximit manquent de relais pour faire porter leur voix lchelle de la mtropole : les maires sont trop nombreux6 et trop peu parviennent se faire entendre lchelle de la rgion tandis que les dpartements sont trop loigns des quartiers quils ne connaissent le plus souvent que par lentremise des maires. Le schma dorganisation des intercommunalits franciliennes est spcifique7 mais cet outil institutionnel mrite dtre mobilis. Des intercommunalits de taille significatives (autour de 300 000 habitants) pourraient sans doute jouer un rle crucial dans cette structuration du local mtropolitain.

    Cela suppose aussi de rintgrer les modalits dexpression et de fonctionnement de la dmocratie de proximit la fois pour les problmes locaux et pour la structuration des dbats mtropolitains. Il ne sagit pas de soutenir que les petits sujets doivent revenir aux petits territoires. Le constat simpose que ces petits territoires la fois ne participent actuellement

    pas aux grands sujets et ne sont pas arms pour semparer des petits sujets. Il sagit donc de repenser les espaces locaux pour que les petits territoires puissent participer au dbat mtropolitain. Il serait galement important que les petits sujets qui engagent les espaces de proximit, ne soient plus considrs ni perus comme tels. Dans une approche dynamique des villes, la manire dont un territoire significatif parvient se recomposer peut transformer les quilibres urbains et enclencher des processus de dveloppement lchelle mtropolitaine, limage dun stabile de Calder mis en mouvement.

    La capacit dvelopper localement des lieux de centralit mtropolitains quel que soit lendroit de la rgion est important pour redonner chacun des mille quartiers de la rgion parisienne une inscription dans une trame urbaine de proximit et une place dans la mtropole. Pour autant, la question mtropolitaine ne saurait se rsumer la question des territoires de proximit. Par dfinition, une mtropole nest pas et ne peut pas tre la simple

    6 Le constat vaut pour la plupart des petites intercommunalits , issues dopportunits politiciennes ou fiscales

    plus que dune relle logique locale et non corriges par les prfets en charge de leur agrment. Ce constat met ainsi moins en lumire les dficits du principe des intercommunalits en le-de-France que la faon dont les lus et l'tat ont eu de laisser filer cet outil fondamental pour les politiques publiques locales. 7 Sont ainsi voqus, tour tour, les problmes aigus de cohrence des primtres, la concentration sans gale

    de groupements rduits deux communes, la faiblesse de leur intgration fiscale faute de comptences effectives, le caractre trs endogame (dun point de vue politique ou financier) dune intercommunalit prsente comme un damier de clubs de riches et de clubs de pauvres, la multiplication de coquilles vides, au cot insoutenable pour ltat, tant elles consomment de dotations lhabitant (N. Portier, Lintercommunalit francilienne en question , Intercommunalits HS Spcial le-de-France, 2007).

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    collection de centres juxtaposs en une immense conurbation sans aucune intgration fonctionnelle de ses territoires. Ce serait cumuler les cots du gigantisme sans recueillir les bnfices de lagglomration.

    Construire et partager une ambition mtropolitaine Systmes techniques complexes et multisectoriels (les transports, les systmes

    dattribution de logements, les tlcommunications, les ramassages dordures, etc.), les mtropoles posent des dfis oprationnels spcifiques. Chacun concerne des enjeux et des primtres distincts. Si les investissements sectoriels doivent tre engags, ces dcisions ne sauraient tre prises sans une mise en cohrence des diffrentes trames techniques lchelle mtropolitaine. Cela suppose la fois une coordination entre les systmes et leur insertion dans un dbat plus large sur les figures partages de lavenir de la mtropole.

    Il est essentiel que les choix techniques sectoriels soient faits et que des cadres oprationnels efficaces y pourvoient. Le cas du STIF (Syndicat des Transports dle-de-France qui a longtemps pein pour mobiliser les investissements ncessaires un grand projet dinvestissement sur la mtropole) ou de lEPFR (tablissement Public Foncier Rgional, en butte la concurrence dtablissements dpartementaux et aux rticences de communes et toujours orphelin dun syndicat du logement) tmoignent aujourdhui des difficults organiser et engager les syndicats ou structures oprationnelles dans des oprations ambitieuses, mobilisant des crdits massifs horizon de trente ans. Pourtant ces investissements concernent des actifs mtropolitains dont la dure de vie dpassent lhorizon des investissements et continuent dexister au del de lamortissement comptable. Un logement est amorti en trente ans mais survit ses investisseurs par del les rhabilitations. De mme, si les rails et les rames ont chang, la rgion parisienne (ou du moins son hyper-centre) vit encore sur le systme de transports mtropolitain lanc par Fulgence Bienvenue la fin du XIXe sicle.

    Il est fondamental que les diffrents types dinvestissements (infrastructures, quipements publics, logement) soient un minimum coordonns entre eux, do lintrt de schmas densemble prcis. Faute dune identification nette des lieux de polarisation de la dynamique urbaine, au moins pour les acteurs devant raliser les investissements, le risque est grand quaucun des projets naffiche un retour sur investissement suffisant. Judicieusement raliss, les investissements permettent de modifier lapprciation dun lieu au sein de

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    lespace urbain (grand quipement, station de mtro, etc.) valorisant ainsi localement la valeur des actifs immobiliss. Si loprateur sest dot doutils fonciers lchelle de ses ambitions, il peut disposer de rserves sur lesquelles financer de nouvelles ralisations. Dans les espaces urbains, les effets de levier induits par les logiques de rente foncire permettent de ne pas raisonner enveloppe budgtaire constante, mais de jouer des synergies entre projets. Hong-Kong, un investissement dans des transports lourds se finance autant sinon plus par les retombes que linfrastructure permet en activits et population (via le foncier disponible au dessus et proximit immdiate des stations) que par les usagers, les impts ou des subventions publiques. Encore faut-il des structures porteuses (SEM ou autres) capables dintgrer financirement des oprations de transport et dimmobilier une trs grande chelle.

    Pour que ces investissements soient raliss, il faut une articulation des structures oprationnelles et dcisionnelles dans laquelle les orientations politiques puissent rencontrer les solutions techniques et financires. La multiplication et la fragmentation des contours oprationnels du fait de la trs grande taille de la mtropole reprsentent de ce point de vue la fois un dfi et un atout. Les processus conduisant ces engagements dpendent doccasions8 que le systme de gouvernance local doit savoir susciter et non bloquer. Faire exister un vif dbat sur la mtropole et les conditions de son avenir peut crer un sentiment durgence ou un engouement plus efficaces que plusieurs runions techniques entre structures concurrentes pour amorcer des investissements lourds.

    Surtout, cet empilement de ralisations techniques spcifiques ne saurait se faire sans une rflexion politique sur la mtropole. Si le dveloppement parisien bute aujourdhui sur des contraintes trs matrielles (logements, transports, universits), une ville ne se rsume pas une somme de choix techniques, fussent-ils des solutions brillantes des problmes en latence depuis des annes.

    Sy ajoute une mise en question des modalits voire du principe mme de la territorialisation des actions publiques. Les institutions sont appeles agir de plus en plus au sein de cooprations interterritoriales. Cela modifie les conditions dlaboration et de discussion des politiques, locales comme mtropolitaines, en y important la fois des acteurs

    8 A. David, 2002, Dcision, conception et recherche en sciences de gestion , Revue Franaise de Gestion,

    p.173-185.

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    diffrents (les communes voisines, les usagers) et des logiques diffrentes (limpact des choix locaux sur les dynamiques globales). Si lon considre les politiques de dveloppement conomique, il sagit par exemple de passer dune logique de projets territoriaux, qui conduisent une mise en concurrence dambitions denvergure rgionales, une logique de territorialisation de projets mtropolitains denvergure mondiale. Cela suppose dimaginer et dlaborer des politiques de dveloppement multi-sites, voire des politiques de dveloppement local non territorialises, car portes par des rseaux dacteurs aux stratgies territoriales mouvantes.

    Faire ville est enfin dlicat dans un contexte o le rle des planificateurs urbains a profondment volu. Au del des questions de gouvernance, les ambitions mmes que les grands projets urbains revendiquent se sont transformes. Faire des villes ce nest plus dcider des lieux, de leurs formes, leurs usages et leurs destinations finaux. Il sagit dsormais de permettre leur mergence et leur appropriation car on ne sait jamais quelles sont les villes que les utilisateurs pratiquent9. Faire des villes, cest aussi imaginer non pas le futur mais les futurs possibles dune mtropole. Cest un moyen de vhiculer des images de ville parfois fantasmes mais qui nourriront les reprsentations collectives dune cit en offrant ainsi celle-ci un moyen de se construire autour de ces nouveaux espaces de dploiement potentiels. De ce point de vue, les propositions remises dans le cadre de lappel projet pour un pari mtropolitain (du ministre de la culture) seront profitables si elles vitent de dupliquer le SDRIF pour donner voir de nouvelles conceptions de la mtropole parisienne. Les villes sont autant dans les possibilits quelles ouvrent que dans lhistoire qui sest crite en leur sein.

    Pour une approche dynamique des villes Mtropole mondiale parmi les plus riches et les plus puissantes de la plante, capitale dun tat historiquement trs centralisateur, Paris est aujourdhui confronte la ncessit dadapter son organisation socio-conomique, ses logements, son systme de transport un ordre local et mondial en pleine transformation.

    Paris ne sest pas simplement agrandie, la mtropole a mu. Ses volutions installent deux niveaux de construction des territoires, le local et le mtropolitain, qui percutent les chelles historiquement constitues. On retrouve ces deux chelles des problmatiques fortement imbriques et qui se font cho, ne serait-ce que par les multiples conflits dusage

    9 Voir B. Latour, Paris, Ville invisible , http://www.bruno-latour.fr/virtual/index.html

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    quelles engendrent. Organiser leur rencontre en installant des lieux de construction de linterterritorialit est donc primordial. Mais il faut se garder de fondre ou confondre les enjeux locaux et mtropolitains. Les problmes sont en apparence similaires : les projets sont bloqus. Mais, mme lorsquils se cumulent sur des territoires identiques, ils relvent de problmatiques diffrentes. Imaginer quun seul niveau dassemblage institutionnel, Le Grand Paris, pourrait rsoudre les problmes de la mtropole, ce serait dabord nier lexistence et la multiplicit des dynamiques urbaines qui transforment perptuellement les frontires internes des grandes mtropoles. Ce serait aussi se priver des effets de levier phnomnaux que les logiques foncires permettent de mettre en mouvement lorsque lon joue habilement des diffrentiels de dynamique infra-mtropolitains.

    Une amlioration de la prise de dcision ne saurait rsulter dune simplification des structures de gouvernement. Lexistence despaces de discussion et dlaboration des projets entre acteurs porteurs de lgitimits diffrentes est aussi fondamentale que lefficacit de la chane de commandement dans un monde urbain profondment divers o il nexiste jamais une unique solution aux problmes. On ne sait dailleurs pas tablir avec certitude de relation directe entre la forme du systme de gouvernement mtropolitain et lefficacit des dcisions effectivement prises localement.

    Si les difficults rencontres tmoignent de problmes institutionnels, une nouvelle articulation des gouvernements locaux ne saurait dailleurs tre LA solution. Non que les mtropoles contemporaines ne soient plus gouvernables, mais les lus ne sont simplement pas les seuls impliqus dans les dcisions engageant les espaces urbains. Il ne sagit donc pas de se demander quelle gouvernance rpondrait au contexte francilien, mais quels leviers permettront de relever les dfis actuels de la rgion parisienne. Les systmes de gouvernement y ont leur part, mais ils ne sont pas isols.

    Texte paru dans laviedesidees.fr, le 12 novembre 2008 laviedesidees.fr