PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    1/294

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    2/294

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    3/294

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    4/294

    Digitized

    by

    the Internet Archive

    in 2010 witii funding from

    University of Ottawa

    littp://www.arcli

    ive.org/details/portefeuillevolOOparn

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    5/294

    PORTE-FEUILLE

    V'OL.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    6/294

    ?Q

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    7/294

    PORTE-FEUILLE

    VOL,

    C

    O

    ]N-

    T E

    ?r

    A

    X

    T :

    1.

    Le Paradis

    perdu

    ,

    pome

    en

    quatr-?

    chants

    ;

    2.

    Les

    Dlcuisesiens

    de Yxus

    ,

    tableaux:

    imits

    du

    grec

    ;

    3.

    Les

    Galanteries

    de

    la

    Bible, sermon

    en

    vers.

    ^.^

    %--%./>.

    *,'^-*.

    *,-^,'*.

    x-'*,-^^

    ^ ^

    A

    PARIS,

    Chez

    A.

    G.

    DEBRAY

    ,

    Libraire,

    rue

    Saint-

    Honor,

    vis--vis

    celle

    du

    Coq.

    i8o5.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    8/294

    :

    -.'

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    9/294

    LE

    PARADIS

    PERDU,

    POEME

    EN

    QUATRE

    CHANTS

    CHANT

    P

    Pt

    E

    M I E

    R.

    E

    suis {irot

    ,

    et le

    serai

    toujours.

    Brlez

    ces

    vers

    o

    mon

    jeune dlire

    A

    soupir

    de

    profanes

    amours.

    Je

    dois,

    hlas

    expier

    mes

    beaux jours.

    Aux

    chants

    chrtiens

    j'ai

    donc vou

    ina

    l\Te^

    A

    ous

    ,

    qui

    Tairaiez

    ,

    par

    le

    tems

    avei lis

    ,

    Ainsi

    que moi

    vous tes

    convertis

    ,

    Et j'obtiendrai

    votre pieux sourire.

    Le

    Saint-Espril

    veut qu'en

    vers

    ingnus

    Je

    vous

    ;racont8

    Eden

    ,

    le

    premierjiomme

    .

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    10/294

    6

    r E

    I>

    \

    R

    A

    r,

    I s P

    E

    R D

    T'

    ,

    La

    jolie

    Eve

    ,

    et

    le

    diable

    et la

    pomme.

    Doit-on

    chanter

    les

    biens

    qu'on

    a

    perdus

    ?

    L'Ange rebelle et

    sa

    nombreuse

    arme

    ,

    Depuis

    neuf

    mois

    par

    le

    foudre

    rival

    Prcipits

    dans

    le gouffre infernal

    Nus

    sur

    les

    flots d'une

    mer enflamme

    ,

    Roulaient

    encor

    ,

    faibles

    ,

    muets

    d'horreur

    ,

    Sans

    mouvement

    ,

    et non pas

    sans

    cU)aleur.

    Satan

    enfin

    par

    degrs

    se

    ranime

    ,

    Ouvre

    les yeux

    ,

    contemple

    sans

    effroi

    L'affreux

    sjour

    o

    le

    plongea

    son

    crime

    ,

    Parle

    ,

    et

    sa

    voix

    emplit

    le vaste

    abme

    :

    Horiible

    enfer, obis

    ton

    roi.

    Il a

    repris

    sa force et

    son

    courage

    ;

    Trois

    fois

    du

    lac

    ses

    ailes

    et

    sa

    main

    Frappent les feux

    ;

    il s'lve

    soudain

    ,

    Vole

    ,

    et

    descend sur le brlant

    rivage.

    Tourmens

    nouveaux

    et

    pires

    que

    la

    mort

    Dit-il

    ,

    cessez

    .

    Esprance trop

    vaine

    Ses pieds

    tremblaient

    ;

    il

    rend

    avec

    effot

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    11/294

    c H

    \

    ^ '

    T

    p

    R

    K

    Af

    r r

    R

    L'air

    embras

    qu'il aspire

    avec

    peine.

    Il

    reconnat sur

    les

    flots

    dvorans

    Ses

    compagnons

    tendus

    ,

    expirans

    ;

    De

    son

    destin il voit Iborreur

    entire

    ,.

    Des

    pleurs

    cruels humectent

    sa

    paupire

    ,

    Et

    de

    son

    cur

    ,

    qui

    se

    trouble

    un

    moment

    ,

    S'chappe un long

    et

    sourd

    gmissement.

    Mais

    tout--coup

    rappelant

    son

    audace

    ,

    D'une

    voix

    forte il

    crie

    :

    Esprits divins

    ,

    Principauts

    ,

    archanges

    ,

    sraphins

    ,

    Enfans

    du

    ciel

    ,

    est-ce

    l

    votre place

    ?

    Pour

    vous ce

    lit aurait-il des attraits ?

    Debout

    ,

    debout

    tout l'heure

    ,

    ou jamais

    .

    Il

    parle encor

    ;

    cette

    voix redoute

    ,

    Par

    cent

    chos

    la

    fois

    rpte

    ,

    Termine

    enfin

    leur

    douloureux

    sommeil.

    Un

    long

    murmure

    annonce

    leur

    rveil.

    Leur

    vol

    ressemble au

    bruit

    sourd

    de

    Foraffe

    o

    r.ouant

    au

    loin

    de nuage

    en

    nuage.

    Du lac brlant

    is

    attii^nent

    les

    bords

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    12/294

    ^

    LlPARADIS

    PERDU,

    Et

    sans fiayeur

    ,

    sans

    plaintes

    ,

    sans

    remords

    ,

    Ils

    s'arment

    tous

    :

    leurs

    mains

    impatientes

    Livrent

    aux

    vents

    les

    enseignes

    brillantes.

    Salan

    ,

    pareil

    la

    cime d'un

    mont

    O

    l'ouragan

    tonne

    et rugit

    sans

    cesse

    ,

    Au

    milieu

    d'eux

    lve

    son

    noble

    front

    Qu'a sillonn la

    foudre

    vengeresse

    ,

    Et

    dit

    :

    Amis

    ,

    qu'en

    cet

    affreux

    sjour

    L'unit

    triple

    exile

    sans

    retour

    ,

    Nous

    mritions un

    plus

    heureux

    partage.

    Tout

    ce

    que

    peut

    l'ennui

    de

    l'esclavagG ,

    Un

    juste

    orgueil par

    l'orgueil

    accabl

    ,

    La

    valeur

    calme

    ,

    et

    l'audace

    et

    la

    rage

    y

    Nous

    l'avons

    fait

    : les

    tvrans ont

    trembl

    j^

    Ils

    palissaieiit sur leur trne

    branl

    :

    La

    foudre

    seule

    a vaincu le

    courage.

    Mais

    aux

    vaincus

    il

    reste

    la

    fiert

    ,

    L'horreur

    du

    joug

    ,

    le

    cri

    de

    libert

    ,

    La

    haine

    enfin

    consolante

    et cruelle

    La

    haine active

    ,

    implacable

    ,

    tc

    ..clle^

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    13/294

    C H A

    >-

    r

    P R E

    M

    I

    E

    K.

    ;>

    Si

    toutefois

    des

    dangers nouveaux

    Vous

    prfrez

    la

    honte du

    repos

    ,

    Parlez

    sans

    crainte

    ;

    ici l'on

    peut

    tout

    dire

    ;

    A

    d'autres

    mains

    je

    remettrai

    l'empire

    ,

    Et

    j'irai

    seul

    ,

    sans espoir

    et

    sans

    peur

    ,

    Dans

    son

    triomphe

    attaquer

    le

    vainqueur

    .

    Le sage

    Ammos

    pour

    rpondre

    s'avance

    :

    (

    Illustre

    chef,

    gnraux et

    soldats

    ,

    Du

    triple

    Dieu vous

    savez

    la

    puissance.

    Pourquoi

    sur

    nous

    aggraver

    sa

    vengeance

    ?

    Nous

    payons cher l'orgueil

    de

    nos

    combats.

    Loin

    d'irriter

    sa

    foudre

    peine teinte

    ,

    Aimons

    la

    nuit

    qui

    nous

    cache

    ses

    yeux.

    L'adresse

    et

    l'art peuvent changer

    ces

    lieux.

    Que

    trouvons-nous

    dans cette horrible enceinte ?

    Un

    air

    infect et

    lourd

    ,

    des rocs

    brlans

    ,

    Des mers de feu

    ,

    des

    gouffres

    ,

    des volcans.

    De

    tous

    ces

    corps vous extrairez

    sans

    peine

    Carbone

    ,

    azote

    ,

    oxigne

    ,

    hydrogne

    ,

    Lt

    calorique

    (

    il

    abonde aux

    enfers

    )

    j

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    14/294

    lO

    LEPARADISPERDU,

    Recomposez

    ces

    lmens

    divers

    ,

    Variez-les

    ;

    sous votre main

    fconde

    De

    nouveaux corps

    natront subitement.

    Pour

    tre dieux

    ici

    ,

    pour

    faire

    un

    monde

    ,

    \

    ous

    avez

    tout

    ,

    matire

    et

    mouvement

    .

    Le

    dur

    ^lolocli

    lve

    sa

    tte allire

    ,

    Et

    d'une

    voix

    qui ressemble

    au tonnerre

    :

    A

    toi

    permis

    ,

    Ammos

    ,

    d'analyser

    Ces

    feux ardens

    ,

    de

    les

    recomposer.

    Refais

    l'eiiffr

    ;

    ce

    travail

    est utile.

    JMais

    veux-tu

    donc en

    chimiste

    tranquille

    Changer Moloch ? Autour

    de

    tes

    fourneaux

    Jlcticndras-tu

    ce peuple

    de

    hros

    .'*

    Non

    ,

    certes

    ,

    non.

    Si

    ta chimie

    est

    bonne

    ,

    Elle

    aurait

    d fondre

    le fer

    maudit

    Qui

    dans le ciel

    deux

    fois

    te

    pourfendit.

    Je

    connais

    peii

    l'azote

    et

    le

    carbone

    ;

    Je

    sais

    la

    guerre

    ,

    et

    la

    ferai

    ;

    j'ai dit .

    Moloch

    se

    tait

    ;

    l'infernal

    auditoire

    De

    sa

    harangue

    approuve

    la vigueur

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    15/294

    C

    H V

    N

    T

    F R

    r.

    >r

    X

    E

    R.

    Il

    Et

    dans

    les

    rangs

    circule un

    bruit

    flitteur.

    De

    la

    chimie

    Ainmos

    dfend

    la gloire

    ;

    Satan

    se

    lve

    ,

    et

    du

    fourreau

    brillant

    Tirant

    soudain

    son

    glaive tincelant

    ,

    D'un

    bras

    nerveux

    sur

    sa

    tte

    il

    l'agite.

    L'arme

    entire

    avec

    transport

    Timite :

    Un

    million de glaives

    et

    d'clairs

    Jette dans

    l'ombre

    une

    clart

    subite

    ;

    Les

    tendards s'lvent

    dans

    les airs

    ;

    Le

    fifre aigu

    ,

    le trombone

    barbare

    ,

    Et

    des

    tambours les

    roulemens

    divers

    ,

    Et du

    combat

    la

    bruyante fanfare

    ,

    Portent au

    ciel le

    dfi

    des

    enfers.

    Satan

    alors

    :

    Vous

    ,

    qu'on

    nomme

    rebelles

    -

    Vous ,

    l'honneur

    ,

    la

    raison

    fidles

    ,

    De

    l'esclavage

    ternels

    ennemis

    ,

    Pour la

    vengeance

    jamais

    runis

    ,

    A

    la

    valeur alliez

    la

    prudence.

    IS'e

    livrons

    point des

    combats

    incertains.

    De

    Toppresseur pions

    en

    silence

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    16/294

    l

    rEPARADISPERDU,

    Les

    mouvemens

    ,

    le repos

    ,

    les

    desseins.

    Il peut

    crer

    ,

    mais

    nous pouvons dtruire

    ;

    Entre

    nous

    donc

    se

    partage

    l'empire.

    Pour

    repeupler

    son triste paradis

    ,

    Je

    sais

    qu'il

    doit

    inventer

    d'autres

    tres

    ,

    Moins

    grands

    ,

    moins purs

    ,

    d'un

    vil limon

    ptris,

    Propres

    enfin

    ramper

    sous

    des

    matres.

    Je

    sais de

    plus que ces tres

    chris

    Habiteront une

    prison

    lointaine

    O quelque

    tems

    ils

    feront

    quarantaine

    :

    Au

    Ciel

    ensuite

    ils

    pourront

    tre

    admis :

    La

    Trinit

    traite

    mal

    ses

    amis.

    Il

    faut

    les

    voir

    ,

    connatre

    leur

    nature

    ,

    Leurs

    passions

    ,

    leurs

    dfauts

    et

    leurs

    gots.

    Quel

    coup

    heureux

    d'attirer

    parmi

    nous

    Nos

    successeurs

    au

    tyran

    quelle

    injure

    Oui

    ,

    mes

    amis

    ,

    c'est

    dans

    la

    crature

    Qu'il

    faut

    frapper

    ,

    blesser

    le

    crateui-.

    Qu'en

    pensez-vous

    ?

    Un long

    brai>o

    s'lve

    ,

    Des

    antres noirs

    perce la

    profondeur,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    17/294

    c u

    \

    y

    T

    r

    n

    F.

    m

    i

    e

    r.

    Rsonne

    au

    loin

    ,

    dcrot

    avec

    lenteur

    ,

    Dcrot

    encore

    ,

    et

    meurt.

    Satan achve

    :

    De ce

    projet

    le

    succs est

    douteux

    ,

    Et

    les

    dangers

    sont cerlains et

    nombreux.

    Il faut

    d'abord

    ,

    sans

    clarts

    et

    sans

    guide

    ,

    D'un

    pied

    prudent

    ou

    d'une

    aile timide

    ,

    Sonder

    ,

    franchir

    des

    abmes

    nouveaux.

    Des

    rgions

    immenses

    et

    dsertes

    ,

    D'autres

    encor de

    ruines

    couvertes

    ,

    Et

    traverser

    l'empire du

    chaos

    ;

    Il

    faut

    ouvrir les redoutables

    portes

    Que du

    vain(Tueur

    la

    main

    scella

    sur

    nous

    ;

    Et

    l

    sans doute

    ,

    inquiet et

    jaloux

    ,

    Il a

    plac

    de

    nombreuses

    cohortes.

    Far

    quel miracle

    chapper

    leurs

    yeux

    ,

    Au

    qui-va-I

    des

    vedettes

    prudentes,

    Aux

    promeneurs

    ,

    aux

    patrouilles

    errantes

    Oui

    jour

    et

    nuit se

    croisent

    dans

    les

    cieux ?

    Ce

    projet

    donc

    exige

    un

    esprit

    sage

    ,

    La

    fermet

    ,

    l'adresse

    ,

    le

    courage

    ;

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    18/294

    4

    I-E

    PARADIS

    PERDU,

    El son

    succs

    change

    notre

    avenir.

    Qui

    d'entre

    vous

    osera

    l'accoirinHr

    ?

    Chacun

    se

    tait

    ;

    ajirs

    un

    long

    silence

    ,

    Satan

    reprend

    :

    Le

    premier

    en

    puissance

    Dans les

    dangers

    doit

    le

    premier

    courir.

    Demeurez

    donc

    ,

    et

    seul

    je

    vais

    partir

    .

    D'autres

    ra^o

    ,

    bien mrits

    sans

    doute

    ,

    Du

    vaste

    enfer

    branlrent

    la

    vote.

    On se

    spare

    ,

    et

    chacun

    du

    repos

    Diversement

    abrge

    la

    dure

    L'ennui

    partout

    est

    le

    pire

    des

    maux.

    I/un prend

    sa

    lyre

    ou sa

    harpe

    dore

    ,

    Et

    dans

    un

    hymne en

    silence

    cout

    Sa

    noble

    voix

    chante la

    libert.

    L'autre

    plus

    gai ,

    sur

    des airs

    de

    cantiques

    Psalmodiant

    des

    couplets

    satyriques

    ,

    Livre

    aux

    sifflets

    l'auguste

    Trinit.

    Sur

    un

    coteau

    sans

    lieurs

    et

    sans

    verdure

    D'o

    jaillissaient

    des

    tourbillons de

    feux

    ,

    IMili-

    dmons

    ,

    en cinq

    actes

    pompeux

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    19/294

    C II V

    >

    T

    P

    K

    E M I

    E

    n

    ,

    l5

    Reprsentaient leur tragique aventure.

    Oui

    ,

    dans

    l'enfer

    naquit cet

    art

    charmant

    De

    l'homine

    instruit

    noble

    dlassement.

    De

    promeneurs

    on

    voit

    partout

    des

    groupes.

    D'autres

    dansaient

    en

    rond.

    D'autres

    par

    troupe

    Cherchent

    au

    loin

    quelque

    monde

    meilleur

    :

    Des

    monts

    fumans

    ils gravissent

    les

    cmes

    ,

    Brisent

    les

    rocs

    et

    comblent les

    abmes

    ,

    Et

    des

    enfers

    sondent

    la

    profondeur.

    Ammos

    fait

    mieux

    : dans

    ses

    calculs tranquilles

    Il

    cherche

    ,

    il

    trouve

    un

    monde

    rgulier

    ;

    Puis

    ,

    s'entourant

    d'oprateurs

    habiles

    ,

    Dans

    le

    creuset

    il

    met

    l'enfer

    entier.

    Loin

    d'eux

    Satan

    poursuivait

    son

    voyage

    Plus

    prilleux

    que

    les sanglans

    combats

    ,

    Et

    sans

    secours

    ,

    seul avec

    son

    courage

    ,

    Dans

    le chaos

    il

    garait

    ses

    pas.

    D'objets

    divers

    un

    informe

    assemblage

    A

    ses

    regards

    s'offre

    confusment.

    Sur

    son

    chemin

    naissent

    subitement

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    20/294

    G

    I,

    E

    PARAiS

    PEnoU,

    Le

    chaud

    ,

    le

    froid

    ,

    et le sec

    et

    l'humide

    ,

    La

    flamme

    et

    l'onde

    ,

    et

    le

    plein

    et

    le vide.

    Contre

    un

    ohstacle

    il

    heurte

    tout

    moment.

    Il tomhe

    ,

    il monte

    ,

    il

    recule

    ,

    il

    avance.

    A son

    oreille clate

    quelquefois

    Un

    hruit

    soudain

    que

    suit

    un

    prorapt

    silence;

    Mais

    parle-t-il

    ? tout

    est sourd

    et

    sans

    voix.

    Il

    monte

    encore

    ,

    et

    des

    ombres

    nouvelles

    ,

    De nouveaux

    chocs le

    retardent

    envain

    :

    Des

    mains

    , des

    pieds

    ,

    de

    la tte

    et des

    ailes

    ,

    Avec effort

    il

    se

    fraye

    un chemin.

    Il

    traversait les

    flammes

    dvorantes

    Les

    tourbillons

    et

    les

    trombes errantes.

    L'air tout--coup

    se

    drobe

    sous

    lui

    ,

    Et

    vainement

    son

    bras

    cherche

    un

    appui

    ;

    Rapide il

    tombe

    ,

    ainsi

    qu'un

    mtore

    Qui fend

    les

    airs

    ,

    et

    tomberait

    encore

    ,

    Si

    le

    hasard

    dans ce

    lieu

    n'eiit

    plac

    De

    gaz

    divers

    un

    amas

    condens.

    Frappant

    du

    pied

    l'lastique

    nuage

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    21/294

    c

    :i

    \ :\

    T

    r

    R

    F.

    .-

    I

    n ^

    Tel

    qu'an ballon

    l'archange

    rebondit

    ,

    S'lve

    ,

    puis

    retombe

    ^

    et

    s'engloutit

    Da.;s

    uji

    inaiais

    sans fond et

    sans

    rivage.

    Autre

    hasard

    trop funeste

    ;

    un volcan

    Sous ce

    marais

    subitement

    s'allume

    ,

    Et

    dans

    les

    airs

    lance

    au

    loin

    le

    bitume

    ,

    Les rocs

    fondus

    ,

    et;

    la

    boue et

    Satan.

    L'ruption

    ,

    terrible

    mais

    utile

    ,

    Lui

    fait franchir

    trois

    cent milles et

    plus.

    Il

    trouve

    alors

    un chemin

    plus

    facile

    ,

    Traverse

    en paix

    des

    dserts

    inconnus

    ,

    Et

    voit

    enfin la

    centuple

    barrire

    Qui

    doit

    des

    cieux

    protger

    la

    frontire.

    Il

    ne

    sait

    pas qu'aux sept

    pchs

    mortels

    De

    Jhova

    les

    ordres

    solennels

    Ont

    confi cet

    important

    passage.

    Pour

    le

    forcer

    ,

    dj

    brlant

    de

    rage

    U s'avanait

    :

    la Colre

    et

    l'Orgueil

    ,

    Toujours

    arms

    et

    debout

    sur

    le

    seuil

    ,

    Jetant

    un

    cri

    ,

    sur

    lui fondent ensemble.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    22/294

    l8

    LE

    PAKADIS

    PERDU,

    Mais aussitt

    reconnaissant

    ses traits

    ,

    A

    ses

    genoux

    ils

    tombent

    satisfaits.

    La

    troupe

    entire

    ses

    pieds

    se

    rassemLIe.

    Seul autrefois il lui donna

    le

    jour.

    I.orsqu'ennuv

    de

    la

    cleste

    cour

    ,

    JvJorne

    et

    pensif,

    sur

    sa

    fuite

    prochaine

    Jl

    mditait

    ,

    sept fois sa forte main

    D'un coup

    heureux

    frappa son

    front

    divin

    ,

    vt

    de

    ce

    front

    jaillirent

    non

    sans

    peine

    Les

    sept

    enfans

    qui

    ,

    dociles

    et

    doux

    ,

    Dans ce

    moment

    e:nbrassent

    ses

    genoux.

    Il

    les

    relve

    ,

    et

    dit

    la Luxure

    ,

    Qu'environnaient

    de

    lubriques

    beauts :

    D'o

    te

    vient

    donc

    cette progniture

    ?

    Il n'est

    point

    d'ange

    en

    ces

    lieux

    carts.

    Non

    ,

    et

    pourtant

    je

    dsire et

    je

    Lrle

    ;

    Un

    feu

    vainqueur

    dans

    mes veines

    circule.

    Avec

    ce

    doigt

    je

    presse doucement

    -Quoldonc?-mon

    front;

    etcliaqueatouchcmont,

    Ch'que

    plaisir

    cs^

    suivi

    d'une

    ilile.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    23/294

    G

    H \ V

    T

    P

    K

    E

    3r

    I

    K

    r.

    T

    ^

    Augmente encor

    ta nombreuse

    faitulie.

    Moi

    ,

    je

    poursuis

    mon

    pnible

    dessein.

    Allons

    ,

    enfans

    ,

    secondez votre

    pre

    ;

    Ouvrons

    ,

    brisons

    ces

    cent

    portes d'airain

    ;

    Et seul

    je

    vais

    recommencer

    la guerre

    .

    Il dit

    ;

    bientt

    sur

    leurs

    normes

    gonds

    Avec

    fracas les cent portes

    fatales

    Roulent

    ;

    ce

    bruit dans

    les

    gouffres

    profonds

    Pntre

    ,

    passe

    aux

    rives

    infernales

    ;

    Et

    des

    dmons

    le

    hurlement

    joyeux

    Soudain

    s'lve

    ,

    et

    menace

    les

    deux.

    V l

    y

    DU

    PREMIER

    CHAKT,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    24/294

    tE PARADIS

    PERDtr.

    .

    -'X-'.

    %J-V/-

    ,'.-

    V--/^

    %

    -V/lii

    C

    H

    A

    JN^

    T II.

    *J

    'AI

    trop

    souffert

    clans

    les Lrlans

    abmes

    ;

    Assez

    long-tems

    j'y

    plongeai mes

    lecteurs

    ,

    Gens

    dlicats

    ,

    d'un

    air

    pur

    amateurs

    ,

    Et

    de

    mes vers

    irnoceiites

    victimes.

    Aprs Milton

    ,

    dans

    ces

    gouffres

    maudits

    C'est

    regret que ma muse

    est

    tombe.

    Faisons

    ,

    messieurs

    ,

    une

    heureuse

    enjamb

    Et

    de

    l'enfer

    sautons

    en

    paradis.

    Un

    Chrubin

    ,

    c'est--dire

    ,

    deux ailes

    ,

    De

    blonds

    cheveux

    ,

    un visage joufflu

    ,

    Fend

    comme

    un

    trait

    les plaines

    terneiles

    ,

    Arrive

    et

    dit

    :

    Seigneur

    ,

    mes

    yeux

    ont

    vu

    Sur

    la

    frontire

    un

    des

    anges

    rebelles

    ,

    Qui

    ,

    de

    ses

    fers par

    la

    ruse

    chapp

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    25/294

    c

    i \

    X

    T n

    r

    T'

    X

    i:

    M

    E.

    i

    Marche

    sans

    bruit

    ,

    dans

    l'ombre

    envelopp

    *.

    En

    souriant

    la

    Trinit

    l'coute

    ,

    Et

    lui

    rpond avec

    grce

    et

    bout

    :

    Je

    sais

    cela

    de

    toute ternit.

    A'ousle saviez, Dieu

    prvoyant?

    Sans

    doute,

    >

    S'il

    est

    ainsi

    ,

    messeigneurs

    ,

    de

    l'enfer

    A

    quoi

    servaient

    les

    cent

    portes

    de

    fer ?

    Fit-on jamais

    une prison

    sans

    porte

    ?

    Mais

    on

    la

    ferme.

    Aussi

    la

    fermait-on

    ,

    La

    gardait-on

    ;

    bien

    ou mal

    , il

    n'importe.

    Desirez-vous

    votre gros foudre ?

    -

    Non.

    Malheur

    l'homme

    A

    la

    tentation

    S'il

    cde

    ,

    il

    meurt.

    O sagesse

    clmence

    '

    Pormcttez-nous du

    moins

    de

    renverser

    L'arbre fatal.

    Osez-vous

    y

    penser

    ?

    -

    C'est

    prvenir

    un

    grand

    malheur.

    Silence

    Tous

    le

    savez

    ,

    je

    suis

    le Dieu

    jaloux;

    Je

    n'aime

    pas

    les

    ttes qui

    raisonnent.

    Qu'autour

    de

    moi

    les

    louanges

    rsonnent.

    Point d'examen

    ,

    ou

    craignez mon

    courroux

    :

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    26/294

    3 a

    I. T. PARADIS P

    F.

    R

    D

    U

    ,

    A

    peine

    il

    dit

    ,

    et

    les

    neuf

    churs

    des

    anges

    Saisis de

    peur

    ,

    lui braillent

    des

    louanges.

    Le

    te deiiTJi

    ,

    l'ternel hosanna

    ,

    L'// excelsis

    ,

    le triste

    allluia

    ,

    Des

    Triumdieux

    charment

    l'oreille dure,

    Et

    de

    plaisir

    ils

    battent

    la

    mesure.

    Durant ces

    chants

    ,

    du

    nouvel

    univers

    Satan

    sans peine

    a

    franchi

    la

    limite

    ,

    Et

    ses

    regards dans

    les

    mondes

    divers

    Cherchent

    lon^tems

    le

    point

    que l'homme

    habite.

    Il voit

    enfin

    l'archange

    radieux

    Qui

    dirigeait

    l'astre

    de

    la

    lumire

    ;

    Car

    le

    soleil

    qui

    semble

    roi des cieux

    ,

    Roulait

    alors

    autour

    de

    notre terre

    :

    L'homme

    depuis

    ,

    changeant

    l'ordre

    divin,

    Au

    firmament

    l'a

    clou

    de

    sa main

    ,

    Et

    c'est

    la terre

    prsent

    qui

    voyage.

    L'adroit

    Satan

    compose

    son

    visage

    ;

    Il

    adoucit

    son moiatlen

    fier

    et

    dur

    ,

    Dcrot

    xi'un

    pied

    ,

    el

    prend

    d'un

    ange

    obscur

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    27/294

    C 11

    A

    X T D

    E

    U

    X I

    t

    At

    K.

    Les

    traits

    ,

    1

    habit

    ,

    la

    voix

    humble

    et

    timide.

    Noble

    Azael

    ,

    dit-il

    en

    s'inclinant

    Vous

    ,

    du

    trs-haut

    le

    digne

    confident

    ,

    Apprenez-moi dans quel

    astre rside

    De

    notre Dieu le

    favori

    nouveau.

    Du genre humain

    o

    donc est le berceau

    ?

    Volant

    toujours

    ,

    et

    sans

    tourner

    la

    vue

    ,

    Sans saluer

    cet

    obscur immortel

    ,

    Ngligemment

    le seigneur

    Azael

    Montre

    du doigt

    un

    point

    dans

    l'tendue

    ,

    Et

    dit

    :

    ?.Ion

    cher

    ,

    c'est

    l

    .

    Faux

    et

    henii

    L'autre

    s'incline

    ,

    et

    poursuit

    son

    chemin

    ,

    En

    rptant

    :

    De ce

    faquin

    peut-tre

    Aurais-je

    du

    rabaisser la

    hauteur.

    Quel air

    capable

    et quel ton

    protecteur

    Prend

    ce

    valet

    dans

    l'absence du

    matre

    -^

    Par

    un vent

    frais

    rapidement

    port

    ,

    Sur

    notre globe

    enfin

    Satan

    arrive.

    L

    rien n'chappe

    sa

    vue attentive.

    En

    contemplant

    ce

    chef-d'uvre

    vant

    ,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    28/294

    a4

    I-E

    PARxVDIS

    PERDU,

    Il

    souriait avec

    malignit.

    Pourquoi

    ,

    dit-il

    ,

    refuser

    la

    lumire

    Au

    double

    ple

    ,

    cette

    zone

    entire

    ,

    Et les

    livrer

    d'ternels frimats

    ?

    I/ours

    pourra

    seul habiter

    ces climats.

    Scus

    l'quateur

    ,

    l'ardente

    canicule

    ,

    Un

    ocan de

    saJjle

    ,

    et

    des

    dserts

    ,

    Fout

    regretter

    ia

    rigueur

    des

    hyvers.

    Grand

    Jhova

    ,

    ce

    globe

    est ridicule

    Quoi

    ? dans les

    champs

    destins aux

    moissons

    Biiignement

    tu

    smes

    des

    poisons

    ?

    Quoi

    ?

    tu te

    plais

    crer

    les

    vipres

    ,

    Les

    scorpions

    ,

    les

    serpens

    ,

    les

    panthres

    ,

    Tigres

    ,

    vautours

    ,

    et

    requins

    dvorans ?

    Quelle

    douceur

    que tes bienfaits

    sont grands

    J'aime

    te voir entasser les nuages

    ,

    Du sud

    au nord

    promener

    les

    orages

    ,

    Et renverser

    les

    innocens

    sapins

    ,

    Fjute

    de mieux

    :

    bientt

    sur

    les

    humains

    Tu

    bnceras

    ta

    foudre

    paternelle.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    29/294

    C U

    A

    X

    T

    D

    E

    U i

    I

    i

    .-

    E

    :

    Je

    ne

    bais pas

    ces

    fleuves

    dbords

    ,

    De

    ces

    volcans

    rinventiou

    nouvelle

    ,

    Ces

    cbamps

    fconds

    de

    laves

    inonds.

    J'annrouve aussi

    la

    grle meurtrire,

    Les ouragans

    ,

    les

    tremblemens

    de

    terre

    Prsens

    fcheux

    que

    ta

    sage

    rigueur

    Destine au juste aussi

    bien qu'au

    pcheur.

    II

    voit

    Eden

    : trois

    remparts

    de

    verdure

    Environnaient

    ce

    jarclin

    enchant.

    Il

    les

    franchit

    avec

    lgret.

    De

    ces

    beaux

    lieux

    voulez-vous

    la

    peinture

    ?

    On

    y

    trouvait

    tout

    ce

    qu'on

    trouve ailleurs

    Des

    fleurs

    ,

    des

    fruits

    ,

    et

    des

    fruits et

    des fleurs

    De verts

    gazons

    ,

    des

    grottes

    ,

    des

    bocages

    ,

    De

    mille

    oiseaux les diffrens

    ramages

    ,

    Tous

    les

    parfums

    ,

    un

    printems

    ternel

    ,

    Un air plus

    pur

    ,

    une

    plus

    frache

    aurore

    ,

    De

    clairs

    ruisseaux

    ,

    puis

    des ruisseaux

    encore

    D'argent

    potable

    ,

    et

    de

    crme

    et

    de

    miel.

    De

    ce

    jardin

    Eve

    tait la

    merveille.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    30/294

    2f>

    LE

    P A

    Tu

    A

    n I

    S

    r

    E

    n

    D

    T'

    ,

    Auprs

    d'Adam

    ,

    l'ombre

    d\in

    bosquet

    Ngligemment

    elle

    forme

    un

    bouquet

    Le jette

    ensuite,

    et sa

    bouche

    vermeille

    Laisse

    chapper

    un

    long

    soupir

    d'ennui

    ;

    Qu'avec

    lenteur le teras coule

    aujourd'hui

    Occupons-nous.

    -

    Volontiers

    ;

    mais

    que

    faire

    ?

    Cueillons

    des fleurs.

    -Toujours des fleursI-Eiihien

    Chantons

    un

    hvnine.

    Ch

    je

    i ;c chante

    rien.

    Dormons.-Encor'-Dnous, pour nous

    distraixe.

    Je n'ai

    pas

    faim. Un

    seul fruit

    me plairait :

    Du

    Lien, du

    mal il

    donne la

    science.

    On nous

    dfend

    d'y

    toucher.

    -

    La

    dfense

    Est

    trs-formelle

    ;

    el

    Dieu nous

    punirait

    Si... Je

    le

    sais.

    -Je crains

    ton

    imprudence.

    -Mais

    sous

    nos

    yeux,

    dis-rnoi,

    pourquoi

    planter

    L'arbre

    fatal.'* est-ce

    pour

    nous

    tenter ?

    On

    le

    croirait.

    -Je

    hais

    mon

    ignoraice.

    -

    En

    la

    perdant,

    tu

    perdras

    ton

    bonheur.

    -3Ionbonhem. -0ui.-.^'aime

    autant le

    malheur

    .

    Le

    bon AduUi

    riipproivc

    dans

    sou amc

    j

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    31/294

    r

    H .V

    r:

    T

    r.r.VKir.M^..

    Et

    hautement

    il la gronde

    et

    la

    blme.

    Satan

    prs

    d'eux

    s'tait

    gliss

    sans bruit

    Ht

    dit tout

    bas

    :

    On

    leur dfend

    ce

    fruit

    Eon

    ,

    je

    les

    tiens

    ;

    ma

    victoire

    est

    certaine

    ;

    De

    l'ignorance on

    triomphe

    sans

    peine.

    Quoi ?

    leur hymen

    et

    leur

    jeune

    beaut

    ,

    L'occasion

    sans

    cesse

    renaissante

    ,

    Ces

    lits

    de

    fleurs,

    cette

    ombre bienfaisante

    ,

    Les

    bains communs,

    l'entire

    nudit,

    N'veillent

    point

    leurs

    sens? Quelle injustice

    Du

    Dieux

    jaloux

    quel

    trange

    caprice

    Mais

    sans amour peut-on multiplier

    ?

    Sottise

    ,

    erreur

    j'y

    veux

    remdier

    d.

    A

    quelques

    pas

    alors

    il se

    retire

    Prend des lus

    le gracieux

    ourire

    ,

    Et

    s'entourant

    d'un

    cercle

    radieux

    ,

    Des deux

    poux

    il

    blouit

    les

    yeux.

    Adam

    s'incliric

    ,

    et dit

    :

    Esprit

    cleste

    ,

    Soyez

    bni

    ;

    parlez

    ,

    qu'ordonnez-vous

    ?

    Eve

    se

    tait

    ; mais

    sa

    rougeur

    modeste

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    32/294

    aS

    LE

    PARADIS

    PERD

    r.

    Est

    pour

    l'archange

    un

    compliment plus

    doux.

    Il

    leur

    repond

    :

    De

    Dieu

    dernier

    ouvrage

    ,

    Heureux

    Adam

    , et vous ,

    dont

    les

    attraits

    ?Janquent au

    ciel

    ,

    un

    sinistre

    message

    M'a

    prvenu

    de

    vos

    dangers

    secrets,

    loin

    de ces

    lieux

    ,

    loin

    et

    trop

    prs

    encore

    ,

    On

    a

    cru voir

    l'un

    des

    anges dchus.

    A

    D A

    ;\r.

    Serait-il

    vrai

    ?

    Tous mes

    sens sont mus.

    Que chcrche-t-ii

    dans

    les

    cieux

    ?

    s

    A

    T

    A

    ^-.

    Je l'ignore

    ;

    Mais s'il

    vous

    voit

    ,

    je

    tremblerai

    pour

    vous.

    EVE.

    S A T

    A

    :v.

    Non

    ,

    l'adresse.

    EVE.

    Sil

    est

    ainsi

    ,

    je

    crains

    peu

    son

    courroi\x

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    33/294

    r

    H

    A

    X

    T

    n

    E u

    X

    I

    I.

    M

    E.

    2y

    A

    n A :.r.

    Eve

    ,

    (lu

    moins craignons

    iictre

    faiblesse.

    r.

    V

    E.

    Mais

    pourquoi

    donc

    lant

    d'immortels

    esprits

    Par le

    seigneur

    ont-iis t

    proscrits

    ?

    s A T A

    >'.

    A

    tout

    moment

    il

    rpte

    ses

    anges

    :

    Obissez

    ,

    et

    diantez

    mes

    louanges

    .

    Le

    fier

    Satan

    que

    fatiguaient ces mots

    ,

    Et

    qu'enrouaient

    les ternels cantiques

    ,

    Osa

    former

    des

    projets schisraa

    tiques

    ,

    El

    chaque

    jour

    des

    prtextes

    nouveaux

    Le

    dispensaient

    du

    plain-chant

    moiio^cns.

    Dieu le cita

    deux

    fois

    devant son

    tine.

    L'ange

    irrit

    s'cria

    :

    Sous

    sa loi

    De

    ma

    raison dois-je

    abjurer

    l'usage

    ?

    Non

    ,

    le

    nant

    plutt

    que

    l'esclavage

    '

    Toujours

    chanter,

    toujours

    louer

    lila

    foi.

    Je

    n'y

    tiens

    pas

    :

    compagnois

    ,

    je

    dserte

    ,

    Et

    vais

    chercher

    quelque

    toile

    dserte

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    34/294

    OO

    J V P

    V

    R

    ^

    T>

    I

    s

    P

    F, R D

    T^

    ,

    Loin

    tks tvraiis et

    de

    leurs

    plats

    lus.

    J'y

    serai

    libre

    ,

    et

    ne

    chanterai

    plus.

    Il

    partit donc

    ;

    des

    lgions

    entires

    L'applaudissaient

    et

    suivirent

    ses

    pas.

    Il runit

    leurs

    noniLreusts

    bannires

    Et

    sans

    frayeur attendit les combats.

    Ils

    furent

    longs

    ,

    incertains

    et

    terribles.

    Le

    pari'dis deux

    fois

    sur ses remparts

    Des

    rvolts

    a

    vu

    les

    tendards.

    Comme

    leur

    chef

    ils

    semblaient.

    invincible*.

    La

    foudre

    enfin

    les

    a

    du

    haut

    des

    airs

    Prcijiits

    jusqu'au

    fond

    des enfers.

    E

    V

    ,

    Jai

    cru Satan

    plus coupable.

    A D

    A M.

    Ma

    chre

    A

    eus

    aimez

    peii

    le

    t

    liant

    et

    la

    prire.

    Je

    crains

    pour vous, pour

    moi.

    Jeune

    immortel,

    Pestez

    encor

    : votre

    seule

    prsence

    Repoussera

    l'ennemi qui

    s'ayauce.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    35/294

    C

    H V

    N T D r

    II

    X

    I

    E

    M

    E-

    S

    A

    T

    A

    ?r

    Mes

    fonctions

    me

    rappellejit

    au

    ciel.

    ADAM.

    Gotez

    du

    moins

    ces

    fruits

    que sans

    culture

    Offre

    nos

    mains

    la

    prodigue

    natme.

    s

    A

    T A

    >-.

    Non

    ,

    pour

    un

    ange

    ils

    seraient

    sans

    saveur.

    Il

    n'en est

    qu'un dont

    j'aime

    la

    douceur.

    EVE.

    Et c'est

    celui

    qu'on nous

    dfend

    ,

    je

    gage.

    s

    A T

    A

    ^ .

    Oui

    ,

    sa vertu

    conserve

    la

    beaut

    ,

    Du

    crateur elle

    aclive

    l'ouvrage

    ,

    Donne

    l'esprit

    plus

    de

    sagacit

    ,

    De

    l'ignorance

    claircit'le

    nuage,

    Lt dans nos

    sens

    fixe

    la

    volupt.

    EVE.

    Hlas

    ADAM.

    Cachez

    vos

    regrets

    et vos

    larmes.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    36/294

    33

    l;

    pahadis

    PERor,

    EVE.

    Veut-on

    aussi

    nous

    dfendre

    les

    jileuis

    ?

    SATAN.

    On

    aurait du

    tout

    permettre

    vos

    ciiarnies

    ;

    Mais

    d'un

    Lon

    matre adorez

    les

    rigueurs.

    EVE.

    A'ous nous quittez

    ,

    le

    plus

    beau

    des

    anges

    A

    D

    A

    31.

    Portez

    Dieu nos

    vux...

    et

    nos

    louanges

    .

    Pour

    chapper

    aux

    piges

    du

    dmon

    ,

    Le

    sage

    Adam

    se

    met

    en

    oraison.

    Moins

    effrave,

    Eve

    tait

    moins

    pieuse.

    Elle

    s'loigne

    indolente

    et rveuse,

    Marche

    sans

    but

    ,

    et

    ne

    remarque

    pas

    :

    L'clat

    des

    fleurs

    qui

    s'ouvrent

    sous

    ses

    pas

    ;

    Un

    papillon

    trouble

    sa

    rverie.

    Lger,

    brillant,

    il

    amuse

    ses

    yeux.

    Elle

    suit donc

    dans

    la

    vaste

    prairie

    L'insecte ail

    qui ,

    variant

    ses

    jeux

    ,

    Fuyait

    toujours

    et

    revenait

    sans cesse

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    37/294

    r. HA>-T

    n

    EUX

    I

    E:\rE.

    C'est vainement qu'elle

    croit

    le saisir ;

    De

    fleur en fleur

    passant

    avec

    vitesse

    ,

    DEve il trompait

    l'impatient

    dsir.

    Elle

    abandonne une poursuite

    vaine

    Et

    sur

    ses

    pas revient

    avec

    lenteur.

    Un

    jeune

    cerf

    clatant

    de

    blancheur

    Sort

    tout--coup

    de la

    fort prochaine.

    Son

    bois

    est

    d'or

    ,

    et d'or son

    pied

    lger,

    l

    ralentit sa course

    ;

    Eve

    l'appelle

    ;

    Soumis il

    viejit

    ,

    se courbe

    devant elle

    Et

    l'imprudente

    ,

    ignorant

    le danger

    A

    ce

    coursier

    sans crainte

    se

    confie.

    Sur

    le

    front

    d'or

    sa

    blanche

    main

    s'appuie.

    Du

    cerf heureux

    elle

    excite

    les

    pas :

    Dans

    les

    dtours

    de

    la

    fort

    obscure

    Il court

    ,

    il

    vole

    ,

    et

    sa facile

    allure

    Ne

    froisse

    point

    les

    charmes

    dlicats

    Les charmes

    nus

    qui

    doucement

    le pressent,

    Et

    que

    par

    fois

    ses

    mouvemens

    caressent.

    Eve l'arrte

    enfin

    ;

    elle

    descend,

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    38/294

    3.

    I.

    F.

    r

    A

    Pv

    A

    D

    I

    s PERDU,

    legarde

    ,

    et

    voit

    l'arbre heureux

    et funeste.

    Elle

    rougit

    ,

    rpte

    en

    gmissant

    ,

    Eloignons-nous

    ;

    et

    pourtant

    elle

    reste.

    Un beau

    serpent

    sur un rameau plac

    ,

    Dressant sa

    tte

    et son

    corps nuanc

    Lui

    dit :

    Salut

    ,

    aimable

    souveraine.

    -Quoi

    vous parlez?

    merveille

    soudaine

    .'

    C'est

    ce

    doux

    fruit

    qui m'a

    donn

    la

    voix.

    Fuyons

    ,

    fuyons

    ;

    je

    le

    veux

    ,

    je

    le

    dois

    .

    Elle fuit donc

    ,

    en

    retournant

    la

    lte

    ,

    Puis

    ralentit

    sa

    marche

    ,

    puis

    s'arrte

    ,

    Revient

    ,

    soupire,

    et s'assied

    sur

    les

    fleurs.

    Un

    bel

    oiseau

    dont le brillant

    plumage

    De

    l'arc-en-ciel

    runit

    les couleurs

    ,

    En

    se

    perchant

    sur

    le

    plus

    haut

    feuillage

    ,

    Chante ces mots :

    Reine

    de ce

    sjour,

    Ecoutez-moi

    ;

    je

    suis l'oiseau d'amour.

    A'^ous

    tes

    belle

    ,

    et

    vous

    versez

    des larmes

    ?

    Belle

    , et

    vos

    jours

    s'usent

    dans

    la

    langueur ?

    Gotez

    ce fruit

    ,

    et connaissez

    vos charmes

    ;

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    39/294

    CHANT DEUXIME.

    35

    Gotez

    Tamour,

    la

    vie

    et

    le

    bonheur.

    Ou

    nous dfend d'y

    toucher.

    Vain

    scrupule

    Que

    l'ignorance

    est timide

    et

    crdule

    Dieu

    saitpunir.

    Ce

    dieu

    m'a-t-il puni

    ?

    Non,

    et

    pourtant

    je

    crains.

    J'ai

    craint

    aussi.

    Ce

    fruit pourrait

    ,

    en

    purant

    Totre

    tre

    ,

    Nous

    rapprocher

    de

    la

    divinit,

    liriser

    vos

    fers

    ;

    et

    ,

    malgr

    sa

    bont

    ,

    A

    oil

    toujours

    ce

    que

    prvient

    un

    matre

    -.

    Il

    dit

    ,

    descend

    ,

    et

    son bec

    azur

    A

    Timprudente

    offre

    le

    fruit

    dor

    Dont

    le

    parfum cause

    une

    douce

    ivresse.

    Elle

    prvoit

    et combat sa

    faiblesse

    ,

    Deux

    fois avance

    et

    retire

    sa

    main

    ,

    L'avance encor

    ,

    tremJjle

    ,

    et

    reoit enfin...

    Dieu protecteur

    ,

    secourez sa

    jeunesse.

    Vaine

    prire

    Eve

    ,

    n'achve

    pas

    ,

    Arrte

    ,

    coute... Il

    n'est

    plus

    tems

    ,

    hlas

    Toi

    ,

    qui du monde

    es

    la

    douce

    merveille

    ,

    Toi

    ,

    qui

    nous

    perds

    et

    nous

    perdras

    toujours.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    40/294

    3^

    tEPARADIS

    PERDU,

    Mlange

    heureux

    de grces

    et d'amours

    ,

    Je

    vois

    l'eu fer sur ta bouche

    vermeille

    ;

    Et

    tu

    souris

    ,

    comme

    on

    sourit

    aux

    cieux

    Et

    du

    bonheur

    l'aurore

    est dans

    les yeux

    Que

    maudits

    soient l'arbre

    de la

    science

    ,

    D'un

    matre

    dur

    la bizarre

    dfense

    ,

    Le

    fruit fatal qui peupla

    l'univers

    ,

    Et

    la

    Gense

    ,

    et

    Milton

    ,

    et

    mes

    vers

    1

    N

    r> u D E

    u

    X

    I li 31 r.

    c

    H A

    s

    r.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    41/294

    CHAfT

    TROISIME.

    CHANT

    III.

    l_^

    >-

    sort

    malin

    la

    beaut

    nouvelle

    Donne

    souvent

    un

    dmon

    qui Tinsti^uit

    Et

    qui

    bientt

    lui

    prsente ce

    fruit

    Pour lui si doux,

    si dangereux pour

    elle.

    Toi ,

    dont

    le

    nom

    est

    encor

    dans mon

    cur

    Premier

    objet

    dont

    j'ai

    tent les charmes,

    Pardonne-moi

    mo

    crime et mon

    bonheur.

    Combien

    ,

    hlas

    ils

    m'ont

    cot

    de

    larmes.

    Ce

    n'taient

    point les

    pleurs du repentu

    :

    De mes

    pchs

    j'aimais le

    souvenir.

    Mais

    nos

    adieux et

    ma

    vaine

    constance

    De

    ces pchs

    furent la

    pnitence.

    Jeunes

    lecteurs

    ,

    peut-tre

    de

    Satan

    Vous

    enviez

    et

    recherchez

    la

    gloire.

    4

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    42/294

    3S

    T. r.

    P

    A

    R

    A

    D

    T s

    PERDU,

    Ah

    1

    malheureux

    redoutez

    sa

    victoire

    lit

    prfrez

    la

    sagesse

    d'Adam.

    Cet honnte homme

    achve

    sa

    prire

    ;

    Eve

    parat

    ,

    et

    sa marclie

    lgre

    Son

    front

    riant,

    tonnent

    son

    poux.

    Femme

    ,

    dit-il

    d'un ton

    tranquille

    et

    doux

    ,

    Dans

    tes

    yeux

    bleus

    quel

    feu

    naissant ptille

    Au

    firmament ainsi l'toile

    brille.

    Qui t'a

    donn

    cet

    heureux

    enjoment ?

    Plus

    agit

    ,

    ton jeune

    sein

    rappelle

    Des

    flots

    du

    lac

    le

    lger

    mouvement.

    Que

    le

    souris

    sur

    ta

    bouche

    est

    charmant

    I

    Telle

    s'entrouvre une

    rose nouvelle.

    s

    Femme

    ,

    jamais

    tu

    ne

    fus

    aussi

    belle

    .

    Eve

    rpond

    par

    un vague

    discours

    N'ose avouer

    ses

    dsirs

    ,

    sa

    science

    ,

    Met

    dans

    ses yeux

    sa douce

    impatience.

    Far

    des

    soupirs

    appelle

    les

    amours

    ,

    S'offre au

    baiser,

    et

    sa

    main

    caressante

    Presse

    d'Adam

    la

    main

    indiffrente.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    43/294

    C

    H

    A

    ^-

    X

    T

    n

    O

    I

    S I

    i:

    31

    3^

    La

    nuit enfin les invite

    au

    repos.

    Nus

    ,

    et

    couchs

    sur

    la

    mme

    fougre.

    Ils

    se

    touchaient

    :

    pauvre Adam

    les

    pavots

    Ferment

    dj

    sa

    tranquille

    paupire.

    Eve

    plus

    tard

    s'endort

    ;

    du

    bois

    pais.

    L'oiseau d'amour descend alors

    prs

    d'elle:

    Il

    la

    contemple,

    et

    du bout

    de

    son

    aile

    Il rafrachit

    et touche ses

    attraits.

    Elle

    sourit

    ;

    un

    songe heiTreux

    Tagite

    ,

    Et

    dans

    ses

    sens

    veille

    le dsir;

    Ses

    bras

    tromps

    s'ouvrent

    ,

    son sein

    palpite^

    Elle

    soupire

    ,

    et

    rve

    le plaisir.

    D'un

    pas

    gal

    ,

    et

    lent

    et taciturne

    ,

    Arrive enfin

    le trne

    Ituriel

    Qui

    ,

    dtach

    du camp

    de Raphal

    Fait

    du

    jardin

    la

    visite nocturne.

    Cet

    officier

    des saintes lgions

    Commande

    alors

    vingt

    dominations.

    ,^.^

    Dans

    le

    bocage

    o

    dormait

    la

    jeune Eve

    Sans

    bruit

    ii

    entre

    ,

    et

    du bout de son glaiye.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    44/294

    4

    I-E

    PARADIS

    PERDtr,

    Pour le chasser,

    il

    touche

    cet

    oiseau

    Trop

    caressant.

    Sur la

    poudre

    en

    monceau

    Si vous

    jetez une

    mche

    allume

    Elle

    s'enflamme

    ;

    une

    paisse

    fume

    Obscurcit l'air,

    et

    mojite

    jusqu'aux cieux;

    Lorsqu'au

    thtre

    une

    trappe

    nos

    yeux

    S'ouvre et

    vomt quelque

    ombre

    menaante,

    Le

    faible enfant

    ,

    que

    saisit

    l'pouvante

    Tremble

    et

    plit

    , sur sa mre pench

    :

    Satan

    ainsi

    ,

    lgrement

    touch

    ,

    Reprend

    soudain

    sa

    forme

    colossale

    ,

    Son

    front affreux

    ,

    son

    glaive

    ,

    et

    dit :

    C'est

    moi;

    Que

    voulez-vous

    ? La surprise

    et l'effroi

    Font

    reculer la

    patrouille

    rivale.

    Ituriel

    veut cacher

    sa

    frayeur,

    Et

    d'une

    voix qu'il

    croyait

    ferme

    et

    forte

    :

    et

    Je

    ne

    veux rien

    ;

    mais pourquoi

    de

    la

    sorte

    Vous

    travestir?

    Pouvez-vous

    du

    Seigneur

    Braver

    encor

    la

    colre

    et

    la

    foudre

    ?

    Tremblez

    ,

    son

    bras

    va

    vous

    rduire

    en

    poudre.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    45/294

    r H

    A

    f T

    T

    l

    O I s

    I

    M

    K

    i(2

    On

    ui

    repond

    d'un ton

    plus

    assur :

    Lche

    ,

    trembler

    n'appartient

    qu'

    l'esclare^

    Quant

    ton

    matre

    ,

    il

    est

    vrai

    ,

    je le

    brave

    -

    \'a

    le

    lui

    dire

    ;

    ici

    je l'attendrai

    .

    Ainsi

    parlant

    ,

    Satan menace

    et

    presse

    Les

    bienheureux

    qui

    reculent

    sans cesse

    Tcujcurs

    railleur, indvot

    et

    hautain

    ,

    Il

    les repousse

    aux

    pertes

    du

    jardin.

    Fort propos quelques anges

    arrivent

    5

    Deux

    bataillons

    s'branlent

    et

    les saiTent

    j

    Et

    PLaphacl

    ,

    leur

    tctc

    plac

    Dit Satan :

    Quel

    projet insens

    ,

    Fier

    ennemi

    , dans les

    cieux

    te

    ramne i*

    Mons

    Raphal

    ,

    pour

    tes

    lches

    soldais

    Garde

    cet

    air

    et

    cette

    voix

    hautaine.

    Tu

    me

    connais

    ;

    ainsi

    parle

    plus

    bas.

    s

    De

    mes

    desseins

    je

    ne

    rends

    jamais compte,

    Mais

    sans

    cong pourquoi

    briser

    tes

    icrs

    ?

    Pourquoi

    sortir

    dn

    gouffre

    des

    enfers

    O

    tu

    cachais

    ta

    dfaite

    et

    ta

    hoi.tc ?

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    46/294

    4l

    LE

    P\R*DIS

    PfiRDU,

    Point

    de

    rponse

    sottes

    question*.

    Et

    toi

    ,

    bavard

    ,

    avec

    ces

    lgions

    Pourquoi

    quitter

    le

    ciel

    qui te

    rclame ?

    Pour

    obir

    aux

    ordres

    de mon

    roi.

    Des

    purs

    esprits

    noble

    et

    brillant

    emploi f

    Garder

    un

    homme

    ,

    et

    veiller

    sur

    sa

    femme

    Ange

    intraitable

    et rebelle obstin

    ,

    A

    quels dangers ton

    audace

    te livre

    Fuis

    , ou

    bientt

    par mes

    troupes

    cern

    .

    .

    .

    Seul

    l'cart

    oseras-tu

    me

    suivre ?

    Un gnral

    ne

    peut

    combattre ainsi.

    Eh bien

    ,

    mon

    cher

    ,

    nous

    nous battrons

    ici

    Terrible

    alors

    ,

    altr

    de

    vengeance

    ,

    Il

    veut

    d'un

    coup pourfendre

    Raphal.

    A

    Finstant

    mme

    il

    voit

    Ituriel

    Qui

    bravement

    par

    derrire

    s'avance.

    Sans

    retourner

    la

    tte,

    d'un

    revers

    Il tranche en

    deux

    ce

    trne

    pais

    et large

    Dont

    le cri

    sourd

    branle

    au

    loin

    les

    airs.

    Puis

    sur

    l'archange

    il

    retombe

    ,

    et

    dcharge

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    47/294

    C

    tt

    \

    N T

    TROISIME.

    4^

    .

    Un

    coup affreux

    ,

    qui

    du

    crne

    au

    menton

    Ouvre

    sa

    tte

    ,

    et brise

    sa

    raison

    j

    Car

    la

    raison

    ,

    flie

    de la

    pense

    ,

    Dans

    la cervelle

    est toujours

    enchsse.

    La

    troupe

    entire

    aussitt

    fond

    sur

    lui.

    Mais

    il

    vite

    un

    combat

    inutile.

    D'un

    air vainqueur, d'un

    pas lent

    et

    tranquille

    Sage

    il

    recule

    ,

    et

    se

    dit

    :

    Aujourd'hui

    J'ambitionne une

    plus

    douce

    gloire

    :

    Je

    veux

    sur

    l'homme

    achever

    ma

    victoire

    .

    Il

    tient

    en l'air

    son glaive

    redout

    ,

    Et

    firement

    aux

    anges il

    fait

    face.

    Quelquefois

    mme

    il

    s'arrte

    ,

    il

    menace

    ,

    Et

    l'ennemi recule

    pouvant.

    Du

    ciel

    enfin

    ,

    repassant

    la

    limite

    Dans

    ses

    tats

    il

    rentre satisfait.

    Quel changement O

    merveille

    subite

    Des

    sept

    pchs

    trop funeste bienfait

    Plus

    de

    dserts

    dont

    l'pret

    repousse

    ;

    Slais un

    chemin

    spacieux

    ,

    qui

    descend

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    48/294

    44

    I-E

    PARADIS

    PERDU,

    Entre les fleurs

    ,

    et

    sa pente

    est

    si

    douce

    Que

    dans

    l'enfer on

    arrive

    en

    dansant.

    Satan

    y

    vole,

    et

    pour lui

    quel

    spectacle

    De

    cet enfer un facile

    miracle

    Changea

    la

    face

    ;

    il

    admire

    ,

    et

    sourit.

    Un

    autre

    azur en

    vote

    s'arrondit.

    Au

    centre

    il

    voit

    l'immense

    rverbre

    Qui

    jette

    au

    loin

    des torrens

    de

    lumire.

    Dans ce

    sjour

    ,

    les

    chimistes

    fconds

    De la

    nature ont vers tous les

    dons.

    Par

    elle instruits

    ,

    sur

    la

    rase

    campagne

    Ils ont

    assis

    cette haute

    montagne.

    Ses

    quatre

    flancs offrent quatre

    saisons

    Sur

    le

    sommet

    que

    l'aquilon

    assige

    ,

    Et

    qui souvent

    est

    blanchi par la

    neige

    ,

    L'il

    aime

    voir

    ce

    volcan

    ternel

    Qui fume

    et

    tonne

    ,

    et

    lance vers

    le ciel

    De

    longs

    clairs,

    de

    volantes

    fuses

    ,

    D'autres

    soleils

    ,

    des

    gerbes

    embrases

    f

    Et

    le

    fracas

    des

    bruyans serpenteaux.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    49/294

    CHANT

    TROISIME.

    4^

    Pour

    varier

    la

    scne,

    des troupeaux

    Au

    bas

    du

    mont

    s'garent

    et

    bondissent.

    Plus

    bas encor

    quatre

    fleuves

    jaillissent

    Qui

    sur les

    fleurs

    promnent

    lentement

    Une eau

    limpide

    et son

    heureux

    murmure

    y

    D'un lait

    sucr

    la

    mousse

    frache

    et

    pure

    ,

    Un vin exquis,

    et

    le

    moka

    fumant.

    A

    l'apptit

    s'offrent

    incessamment

    L'ortolan

    gras

    ,

    les

    truffes

    ,

    les

    suprmes

    ,

    De

    Prigueux

    les

    succulens

    pars

    ,

    Et

    ceux

    encor

    dans

    Strasbourg

    imits

    ,

    Les

    turbotins

    ,

    les

    fondus et les

    crmes

    ,

    Sorbets

    et

    punch

    glaces

    et marasquin

    ,

    Tout

    ce

    qui

    plat,

    tout

    ce

    qui

    damne

    enfin

    L

    triomphaient

    la

    Luxure

    et

    ses

    filles-

    Sur

    le

    gazon

    ces

    danseuses gentilles

    Forment

    des

    pas

    :

    leurs

    souples

    mouvemcns

    >

    Leur

    nudit

    ,

    leurs formes

    arrondies

    ,

    Ces sauts

    lgers,

    ces

    culbutes

    hardies

    ,

    Des

    spectateurs

    font

    toujours

    des

    amans.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    50/294

    4(>

    LE

    PARADIS

    PERDU,

    D'autres

    plus

    loin attendent

    sous

    l'ombrage :

    Leur

    bouche

    humide

    avertit

    le

    dsir

    Leur

    voix

    caresse

    ,

    et

    leur libre

    langage

    Offre

    au

    passant

    l'ivresse du plaisir.

    .

    D'autjres

    nageaient

    ;

    mais

    lgres

    et

    nues

    ,

    Sur

    le

    cristal

    avec grce

    tendues

    Facilement elles fendent

    les

    eaux.

    Voyez

    flotter

    ces

    deux globes

    rivaux

    Il

    n'est

    plus

    tems

    ;

    tout--coup

    renverses

    ,

    D'un

    sein qui

    s'enfle

    elles

    montrent

    les

    lis

    ,

    Et

    doucement

    par

    l'onde

    balances

    ,

    Livrent

    l'il

    des appas

    plus chi'is.

    Mais

    il en est

    qu'amour rendra sensibles.

    Leur

    front alors

    connatra

    la pudeur

    :

    Elles

    iront

    au

    fond

    des

    bois

    paisibles

    Cacher

    leur

    trouble

    et leur

    premier bonheur.

    Satan

    parat

    ;

    la ti^om.pette

    clatante

    ,

    L'aigre

    clairon

    et

    le

    bruyant tambour

    ,

    Au

    vaste

    enfer

    annoncent son retour.

    Plus de

    baisers

    ;

    sous

    l'enseigne flottante

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    51/294

    C

    II

    A

    >'

    T T

    R

    O

    I

    S I

    31

    E.

    Chefs

    et

    soldats

    sont

    aussitt

    ranges.

    II

    conte

    alors

    son

    pnible

    voyage

    ,

    Le

    bel Eden

    ,

    ses

    succs

    ,

    son

    courage

    ;

    Puis il ajoute

    :

    amis

    ,

    dj

    vengs

    ,

    Nous

    le

    serons

    encor

    mieux

    ,

    je

    l'espre.

    Mais

    votre bras

    me

    devient

    ncessaire

    :

    Il

    faut

    du

    ciel

    occuper

    les

    guerriers.

    Suivez-moi

    donc;

    partageons

    les

    lauriers

    ,

    Les

    inviter

    reprendre

    les

    armes

    ,

    C'est au gourmand

    offrir

    un

    bon

    repas

    ,

    Au

    vieux

    pcheur

    de novices

    appas

    ,

    Et des

    catins

    de

    robustes

    Carmes.

    Voyez

    leur

    joie

    et leur avidit.

    Ils sont partis

    ;

    comme

    eux

    part

    la

    Luxure

    ,

    Se

    promettant

    quelque

    heureuse

    aventure

    :

    Dans

    les enfers

    on

    la nomme

    Astart.

    Partant

    aussi , ses

    filles libertines

    ,

    Au

    lieu

    de

    glaive

    ,

    ont

    des

    rameaux

    fleuris

    ,

    Et

    sous les fleurs

    se

    cachent

    des

    pines.

    Par

    fois

    ,

    dit

    oq

    ,

    une

    pine

    a

    son prix

    .

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    52/294

    48

    LE

    PARADIS PERDU,

    C'tait

    l'instant

    qui

    prcde

    l'aurore.

    Le

    camp

    nombreux

    qu'a

    laiss

    Raphal

    Obissait

    l'archange Itoel.

    Sur

    les

    guerriers

    l'ombre planait

    encore

    >

    Et

    prolongeait

    leur

    tranquille

    sommeil.

    Quel

    bruit

    soudain

    et

    quel

    fcheux

    rveil

    Dans la

    nuit

    brille

    ,

    ainsi qu'une

    comte

    ,

    Du

    fier

    Satan

    la

    lumineuse

    aigrette.

    De

    tous

    cts

    la

    peur, des

    cri^

    confus

    ;

    De

    tous

    cts

    des

    anges perdus

    ,

    Des

    gnraux

    la

    voix

    retentissante

    ,

    Des

    officiers

    la

    bravoure

    impuissante

    ,

    Les

    coups

    pleuvans

    ,

    les trnes

    pourfendus

    Les

    sraphins

    sur l'arne

    tendus

    ,

    L'horreur enfin

    ,

    l'pouvante,

    la

    fuite

    ,

    Et

    du vainqueur

    la

    sanglante

    poursuite.

    Brave

    Moloch

    ,

    dit

    Satan

    ,

    c'est assez

    ;

    De

    nos

    guerriers

    modre

    la vaillance

    ;

    Prends

    poste

    ici.

    Les

    ennemis chasss

    Laissent

    Eden sans garde

    et

    sans

    dfense

    j

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    53/294

    e

    H

    A

    >'

    T TROISIME.

    ^9

    J'y

    vole seul

    :

    et

    toi

    , ferme

    en

    ce

    lieu

    ,

    N'attaque

    point

    ;

    je

    reviendrai

    dans

    peu

    .

    Il

    part ,

    d'Adam

    mditant

    la

    dfaite.

    Le

    dur

    Moloch

    ,

    affam

    de

    combats

    ,

    Pourtant

    s'arrte

    ,

    ordonne

    la

    retraite,

    Et

    dans

    le camp

    renferme ses

    soldats.

    Au haut des

    cieux

    on

    voit

    alors

    paratre

    Des

    bataillons

    qu'au

    secours

    d'Itoel

    Conduit

    trop tard le

    brave Gabriel.

    Qui

    d'entre-vous

    ira les

    reconnatre

    ?

    A dit

    Moloch.

    Moi,

    rpond

    Astart

    -.

    Et

    sur le champ

    ,

    de

    ses nlles

    suivie

    ,

    Armant

    sa

    main

    d'une

    branche fleurie

    ,

    Elle

    s'avance

    avec

    lgret.

    En

    souriant

    ,

    la

    brigade

    ennemie

    ,

    De ces

    dmons

    contemple

    la beaut

    ,

    Les doux regards

    et

    l'air

    de

    volupt.

    Viens

    ,

    Gabriel , Astart

    te

    dfie.

    Lceta

    ,

    Smiline

    ,

    Osculette

    et

    Kissrale

    ,

    Toutes enfin

    ,

    avec

    de louiis

    rameaux

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    54/294

    5o

    LE

    PARADIS

    PERDU,

    Frappent

    gament

    soldats et

    gnraux.

    Anges

    ,

    fuyez

    Mais

    leur

    dsir

    dvore

    La

    nudit de

    ces

    contours

    cliarmans

    ,

    Kouveaux

    pour

    eux

    ,

    et

    qu'

    leurs

    yeux

    encor:

    Dveloppaient

    de libres

    mouvemens.

    Frapps

    d'abord,

    attaqus

    par

    ces

    belles

    )

    Kos

    imprudens

    attaquent

    leur

    tour.

    Sans

    les

    frapper

    ,

    ils avancent sur

    elles.

    Dans

    leurs

    regards

    brille

    un

    coupable

    amour

    ;

    Des feux

    impurs

    dans

    leurs

    veines circulent.

    Pour

    achever

    ce glorieux

    succs,

    Adroitement les

    friponnes reculent

    Et

    bien

    ou

    mal

    dfendent

    leurs attraits.

    On

    les poursuit, on

    les

    serre

    de prs.

    Frappant

    toujours

    ,

    et

    toujours

    caresses

    A

    droite

    ,

    gauche, elles

    vont

    disperses

    ,

    Puis dans

    la Lune,

    et

    Mercure

    et Vnus

    >

    En

    rengats

    changent

    tous

    les

    lus.

    Gabriel

    seul

    combat avec

    sagesse.

    Sa

    main

    repousse

    Astart

    qui le

    presse.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    55/294

    r.

    HATT

    TROISIME.

    5l

    Il se

    permet

    quelques propos

    galans

    ;

    Biais

    devant

    elle

    il

    recule

    pas

    lents.

    Les

    deux

    rivaux traversent

    un

    nuage

    Que

    dans

    ce

    lieu

    pousse

    un

    heureux

    hasard.

    Un

    seul

    instant

    suffit

    pour

    ce

    passage :

    Que

    font-ils

    donc

    ,

    et

    pourquoi

    ce

    retard

    ?

    N'attendez

    pas

    que

    ma

    muse

    raconte'

    Ce

    qu'elle

    ignore.

    Aprs

    un

    doux

    traite,

    Le

    bel archange

    au paradis

    remonte

    ,

    Et

    yers

    les

    siens

    redescend

    Astart.

    riJ

    DU

    TROISIEME

    CHAfT.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    56/294

    5>

    LEPARADI

    CHANT

    IV.

    JL

    E

    voil

    donc

    ,

    pure

    et brillante

    aurore

    Va

    ,

    je

    maudis la rose

    de

    tes

    doigts

    Que

    les

    rimeurs

    fanrent

    tant

    de

    fois

    ;

    Je

    hais

    les vers

    que

    tes

    pleurs

    font

    clorc.

    Du

    bel

    Eden

    pourquoi

    rveilles-tu

    Les

    possesseurs?

    Ils

    dormiraient

    encore,

    Toujours

    peut-tre

    ,

    et

    n'eussent

    rien

    perdu.

    Femme qui

    dort

    conserve

    sa

    vertu.

    Mon

    cher

    Adam

    ,

    vois

    ces

    deux

    tourterelles.

    Dans

    leurs

    baisers

    quelle

    vivacit

    ,

    Quelle

    tendresse et

    quelle

    volupt

    F

    C'est le

    plaisir

    qui fait frmir

    leurs

    ailes

    .

    Adam

    regarde

    ,

    et

    dit

    avec

    candeur:

    Je

    crois

    plutt , Eve

    ,

    qu'

    leur manire

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    57/294

    CHAWr

    QUATRIME.

    53

    Ces

    oiseaux-l

    bnissent

    le

    Seigneur.

    Vois du

    taureau

    la fougue

    et

    la vigueur :

    A

    la gnisse

    il vole...

    Autre

    prire.

    -

    Prions

    comme eux.

    Pour

    le

    louer,

    ma

    chre,

    Dieu

    nous

    donna

    la

    parole

    et

    le

    chant.

    Offrons-lui

    donc

    l'hymne reconnaissant

    Qu'il nous

    apprit

    dans

    la

    leon

    dernire

    .

    Eve

    ,

    ce

    mot,

    s'loigne

    avec

    dpit

    Marche au

    hasard,,

    et

    rveuse elle

    dit

    :

    Si

    mon

    poux

    garde

    son ignorance

    ,

    Que

    faire

    ,

    hlas

    de

    ma

    vaine

    science

    ?

    Dans

    ses

    beaux

    yeux roulent des pleurs

    naissansj

    Un

    dsir

    vague agite

    tous ses

    sens.

    L'clat du

    jour

    ,

    cet

    azur

    sans

    nuage

    ,

    Ce

    frais vallon

    ,

    ces

    suaves

    odeurs

    ,

    Rien

    ne lui plat.

    Loin des

    bosquets

    de

    fleurs

    Elle

    aperoit un

    lieu

    triste et

    sauvage

    ,

    Des rochers

    nus, des

    arbres

    sans

    feuillage.

    Eve

    ,

    craignez

    ce

    pige

    du

    dmon.

    Elle

    s'assied

    l'imprudente

    ,

    et

    sous

    elle

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    58/294

    5

    LK

    PARADIS PERDU,

    Satan

    fait

    natre

    une

    plante nouvelle

    Dont

    la

    vertu

    fcondera

    Junon.

    Prsent

    fatal

    Cette

    fleur trangre

    Des

    volupts

    touche

    le

    sajictuaire

    Et par degrs

    veille

    une

    autre

    fleur.

    Eve

    bientt

    devine

    le

    bonlieur.

    L'oiseau

    d'amour

    parat

    ;

    il

    lui

    prsente

    Le

    fruit

    mortel

    qu'elle

    a

    trouv

    si

    doux.

    Elle

    sourit,

    et

    sa

    main

    caressante

    Flatte

    l'oiseau

    plac sur

    ses

    genoux.

    Il

    les

    couvrait

    d'une

    aile

    frmissante.

    Il

    ose

    plus

    ;

    de

    son bec

    amoureux

    L'azur

    effleure

    un

    sein

    voluptueux,

    El

    de

    la

    bouche

    il

    entr'ouvre la rose.

    Eve

    soupire

    ,

    et

    dans son

    trouble

    heureux

    Sur

    une

    main sa

    tte

    se

    repose.

    Ainsi

    Lda se

    penche mollenient

    Lorsque

    d'un

    cygne elle

    fait

    un

    amant.

    Mais

    du

    plaisir,

    avant

    cette

    aventure

    ,

    Lda

    connut

    le

    trait

    doux

    et

    fa

    lai

    ;

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    59/294

    c

    H

    \

    ar

    T

    Q

    u

    A

    T

    R I E

    :m

    K,

    Eve

    l'Ignore

    ,

    et

    toute

    la

    nature

    Semble

    rpondre

    son cri

    virginal.

    L'herbe

    soudain

    couvre

    la

    roche

    aride

    ;

    L'arbre

    agit

    fleurit;

    une

    eau

    limpide

    En

    jets

    s'lance

    travers

    les

    rameaux

    ;

    Des

    chants

    lointains

    veillent

    les

    chos.

    Eve

    entend

    peu ce

    concert

    d'allgresse

    -

    La

    volupt

    pour

    elle est

    une

    ivresse

    ,

    Et

    son

    repos

    est encor

    le bonheur.

    Faible

    et

    charmante

    ,

    elle

    r'ouvre

    avec

    peine

    Des

    yeux

    chargs

    d'une

    humide

    langueur

    Et

    ne

    voit

    plus

    surprise

    douleur

    Qui peut

    causer

    cette

    fuite

    soudaine

    ?

    Oiseau

    chri

    ,

    disait-elle

    ,

    reviens

    ;

    Et

    tes

    plaisirs

    galeront

    les

    miens

    .

    Du

    bon

    Adam

    alors la

    voix

    rsonne.

    Eve

    rougit,

    elle

    hsite

    un moment,

    Puis

    se

    rassure

    ,

    et

    court

    lgrement

    Vers

    cet

    poux

    que

    son

    absence

    tonne.

    Elle

    tenait

    dans

    ses

    mains

    le doux

    fruit.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    60/294

    56

    LE

    PARADIS

    PERDU,

    A

    cet

    aspect

    ,

    Adam

    frissonne et

    fuit

    S'arrte

    ensuite

    ,

    et

    dit

    :

    Femme

    coupable

    f

    As-tu

    got

    ce

    poison

    ?

    J

    ai fait

    mieux.

    J'ai

    dvor

    ce

    fruit

    dlicieux.

    O Dieu

    vengeur

    Ce

    Dieu

    si

    redoutable

    Me

    laisse vivre.

    Eh

    bien

    ,

    Eve

    ,

    crois-moi

    N'ajoute

    point

    la

    faute

    premire

    ,

    Ne touclie

    plus

    Tu

    me

    glaces

    d'effroi.

    Que

    crains-ludonc?

    O

    compagne

    trop

    chre

    N'achve

    pas,

    et

    d'un

    matre jaloux

    Par

    tes

    remords dsarme

    le

    courroux

    .

    Disant

    ces

    mots

    ,

    sa

    femme

    riante

    Il croit donner un

    baiser

    amical

    :

    Dans

    ce

    baiser,

    sa bouche

    imprvoyante

    Du

    fruit proscrit

    gote le

    jus fatal.

    Des

    sucs divins

    la

    secrte

    puissance

    Eclaire un

    peu

    sa profonde

    ignorance

    ,

    Et

    de

    ses

    sens agite le

    repos.

    Il

    se

    refuse

    ces

    pensers

    nouveaux.

    Eve

    sourit ;

    de

    sa

    dent elle

    touche

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    61/294

    C

    H

    \

    IV

    t

    QUATRIEME.

    ^7

    Un

    second

    fruit

    ;

    son

    poux

    effray

    Veut

    l'arrter

    ,

    et

    du

    poison

    sa

    bouche

    Dans

    un

    baiser

    enlve

    la

    moiti.

    Pour

    lui tout

    change

    ;

    il prend un nouvel

    tre

    ;

    Il pense

    enfin

    ,

    il

    sent

    ,

    il

    vient

    de

    natre.

    Il voit

    alors et

    compte les appas

    Qu'il

    mconnut

    ;

    des

    yeux

    il les

    dvore ',

    Brlant

    d'amour,

    mais

    incertain

    encore,

    A

    sa

    compagne en vain

    il tend les bras.

    Pour

    ajouter

    au dsir qui

    le

    presse

    ,

    Elle

    recule

    ,

    et lgre

    s'enfuit.

    En

    l'implorant

    ,

    son

    poux

    la poursuit.^

    Eve

    bientt

    ralentit

    sa vitesse

    ,

    Et va

    tomber

    sous

    l'arbre

    dfendu.

    Au

    ciel

    assis

    ,

    le

    souverain

    du

    monde

    Voit leur

    bonheur;

    la

    foudre roule

    et

    gronde

    j'

    Mais ce fracas est

    peine

    entendu.

    Tous

    deux

    ,

    cachs sous l'ombre

    hospitalire

    ,

    Des

    volupts

    boivent

    la

    coupe

    entire

    ,

    Et

    sans

    remords

    leur mvj\ cueille

    ces

    fruits

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    62/294

    58

    tE

    PAR.vniS PERDU,

    Dont

    la

    vertu

    les

    a

    si

    bien

    instruits.

    N'abusons

    pas

    ,

    dit

    Adam

    ;

    la

    prudenctf

    Dans

    le

    bonheur

    est ncessaire encor :

    Des

    volupts

    mnageons le trsor.

    Des

    doux

    baisers

    l'excs

    ou

    l'ignorance

    Voil le

    mal

    ;

    l'usage modr

    De

    ce plaisir

    par

    l'amour pur,

    Voil le

    bien

    .

    Il dit, et

    recommence.

    Dans

    cet instant

    qui

    perd tous

    les

    humains,

    Du

    Dieu

    jaloux la

    premire

    personne

    Parle

    en

    ces

    mots

    :

    Chez

    moi

    dans

    mes

    jardins

    I

    Je

    pars

    ,

    il

    faut juger

    ces

    libertins.

    J'aime

    juger

    ;

    pourtant j'ai

    l'ame

    bonne.

    Passez-moi

    donc

    ma

    robe,

    Gabriel.

    Veillez

    ,

    mon

    fils

    ,

    veillez

    :

    je

    vois

    Michel

    Du

    noir Moloch

    repousser

    les phalanges

    ;

    Autour

    de

    vous

    il

    reste

    encor

    des

    anges

    ;

    Ainsi

    je

    peux

    un

    moment

    vous

    laisser.

    Pour

    mon

    retour

    qu'on

    prpare

    un cantique.

    Le

    Saint-Esprit

    pourra

    mettre

    en

    musique

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    63/294

    C

    H

    A

    >

    T

    Q

    U

    A

    T

    n

    I

    M E.

    5(J

    Le

    jugement

    que

    je

    vais

    prononcer

    .

    Satan

    ,

    joyeux

    de sa

    double

    victoire.

    Et

    dans

    le ciel

    cherchant une

    autre

    gloire.

    Sur

    son

    chemin

    trouve

    les

    rengats

    :

    U

    les

    rassemble, et

    les

    mne

    aux

    combats.

    A

    ses

    guerriers

    camps

    sur

    la

    frontire

    Un

    tel

    renfort

    devenait

    ncessaire.

    Devant

    Michel

    Baal

    a

    recul.

    Moloch

    plus

    loin

    ,

    par le

    nombre accabl

    Ne

    fuyait pas

    ,

    mais

    il

    rsiste

    peine.

    Du

    lier

    Satan

    la

    prsence

    soudaine

    Tvend aux

    dmons

    un

    courage

    infernal.

    Leur

    nouveau

    choc

    aux

    anges

    est fatal.

    D'un coup

    heureux

    sur

    la

    cleste

    plaine

    Thammuz tend

    le

    brave

    Zphoel

    ;

    Sous

    Arioch

    se

    dbat Abdiel

    ;

    De Belzbut l'acier perce

    Uriel

    ;

    Baal

    en

    deux

    tranche

    net

    Ophiel

    ;

    L'affreux

    Moloch

    assomme

    Elitoel

    ;

    Enfin

    Satan

    extermine

    Azael.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    64/294

    ^O

    LE

    PARADIS

    PERDU,

    Michel

    de

    loin

    voit leur

    chute

    ,

    et

    les venge.

    Sur

    Astaroth

    il

    tomhe

    furieux.

    Celui-ci

    pare

    ,

    et

    riposte

    :

    l'archange

    Pare

    son

    tour

    ,

    et droit

    entre

    les

    jeux

    Frappe

    et

    refrappe

    Astaroth

    qui

    chancelle.

    Dagod

    entre

    eux

    se

    prcipite

    , et dit :

    De

    ce

    hazard

    ton

    orgueil

    s'applaudit

    Grand

    gnral

    de cour,

    valet

    fidle.

    Ne

    cherche

    pas

    un triomphe

    nouveau

    ;

    Ya

    rassurer

    le

    pigeon

    et

    l'agneau

    ;

    Crois-moi

    ,

    retourne

    tes

    htes

    ;

    renonce

    ...

    L'acier

    vengeur

    ,

    que

    dans

    sa

    bouche

    enfonce

    Un

    bras nerveux, de ce

    diable

    insolent

    Coupe

    la

    voix, perce la gorge impure

    ,

    Et

    par

    la

    nuque

    il

    ressort tout sanglant.

    Avec fracas Dagod

    tombe ,

    exlialant

    Un souffle

    infect

    et sa

    dernire

    injure.

    Ce

    double

    exploit

    qu'admirent

    les lus

    A

    ranim

    leur

    mourante

    vaillance

    :

    De

    toutes

    parts

    le

    combat

    recommence.

  • 7/21/2019 PARNY Le Porte-feuille Vole 1805

    65/294

    CHANT

    Q

    U

    A

    TRI

    31

    F..

    C

    I

    A

    la

    fureur

    le

    fer

    ne suffit

    plus.

    Elle

    saisit

    des

    armes

    trangres,

    Et

    sans

    effort lance

    des

    rocs

    pesans

    ,

    Des

    monts entiers

    ,

    des

    arbres

    fleurissans

    ^

    Et

    ,

    qui

    mieux

    est

    ,

    des

    lacs

    et

    des

    rivires

    Dj

    peupls

    de poissons

    innocens.

    Milton l'a

    vu

    ,

    l'a

    dit;

    il

    faut

    le

    croire.

    Michel

    encore

    espre la

    victoire

    ;

    Mais

    tout--coup

    se prsente

    Satan

    ,

    Tenant

    en

    main un

    cdre

    du

    Liban.

    Soudain

    sur

    lui

    l'archange

    redoutable

    Jette

    une

    niasse au

    A

    suve

    semblable

    :

    En

    se

    baissant

    ,

    il

    vite

    le

    choc;

    Et

    le

    rocher

    ,

    passant loin

    sur sa

    tte

    ,

    Va

    r