48
Paroles aux Femmes de Wazemmes

Paroles aux Femmes de Wazemmes - lejardindhiver.orglejardindhiver.org/wp-content/uploads/2012/07/livreFemmesWazemmes… · 8 s’il y avait plus d’entente entre les hommes. Ce que

  • Upload
    lylien

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Paroles aux Femmes de Wazemmes

Ce recueil de témoignages est issu d’ateliers d’écriture menés avec des habitantes du quartier. Il évoque le droit de vote des femmes au travers de leurs souvenirs et de leurs aspirations.

Ce livret a été édité à l’occasion de l’événement organisé par la Maison de Quartier de Wazemmes le 8 mars 2012 lors de la Journée Internationale des Droits de la Femme.

A NOUS DE

ire

D

6

Je m’appelle Sedigheh.C’est mon prénom. Il veut dire «parler juste» en iranien.J’ai cinquante ans. J’ai des cheveux noirs, des yeux marrons.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, c’est mon sourire.Je suis née le 21 janvier 1961.J’habite à Lille depuis 2005.Je connais Wazemmes depuis 2007, 2008.Je travaille pour mon mari.Je suis gentille de caractère avec tout le monde mais parfois, ensuite, je suis triste.Je déteste les menteurs, à cause d’un menteur qui a changé ma vie.Il doit être possible de créer une vie facile et tranquille pour tout le monde.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est la liberté pour les femmes.

Je m’appelle Malika.C’est mon prénom. Il veut dire Reine.Il vient du Maroc.J’ai cinquante-cinq ans.J’ai les cheveux et les yeux noirs.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, c’est mon visage.Je suis née en 1957. J’habite Lille depuis 1976. Je connais Wazemmes depuis 1990.Ma profession est femme de service.Mon trait de caractère le plus marqué est le désir d’aider les autres. Je suis tenace, aussi.J’ai horreur de la guerre et de la misère.Il y a sans nul doute des choses qui pourraient changer,

7

8

s’il y avait plus d’entente entre les hommes.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est la paix, le travail, la santé.

Je m’appelle Cuedio.C’est mon prénom. Je viens de Djibouti.J’ai soixante-sept ans environ.J’ai les cheveux noirs, mes yeux sont noirs.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, c’est mes yeux et mon sourire.Je suis née le 1er janvier 1949.J’habite Lille depuis 2006, depuis six ans.Ma profession est retraitée dans mon pays. Je suis femme de ménage.Mon caractère le plus marqué est ma gentillesse.J’aime les relations de bon voisinage.J’aime les voisins et les enfants.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est faire un voyage : aller à Djibouti.

Je m’appelle Brigitte.C’est mon prénom, il vient de Suède.J’ai presque un demi-siècle.Je suis de taille moyenne, un peu en dessous de 1,58 m.J’ai des cheveux auburn.Mes yeux sont bleus-verts.Je suis née un 29 septembre à Saint-Quentin. Je suis Picarde.J’habite à Lille depuis trente ans.Je connais Wazemmes depuis huit ans.Ma profession est agent d’accueil.Mon trait de caractère le plus marqué est diplomate, avec un bon relationnel.J’ai horreur de la solitude.

9

10

Il y a sans nul doute des choses qui m’exaspèrent, comme l’injustice et le gaspillage.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est voyager. Découvrir d’autres cultures, découvrir la vie des autochtones. J’aime aussi visiter des monuments.

Je m’appelle Aïcha.C’est mon prénom. Il vient du Maroc. Je ne sais pas ce qu’il veut dire.J’ai cinquante-cinq ans.J’ai des cheveux châtains foncés, mes yeux sont marrons.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, c’est mon sourire.Je suis née le 31 décembre 1955 au Maroc, dans la montagne.J’habite à Lille depuis 1982.Je connais Wazemmes depuis trois ans.Je suis femme au foyer.Mon trait de caractère le plus marqué est la gentillesse.J’ai horreur de la guerre et de la violence.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est la paix.

Je m’appelle Diakhaby.C’est mon prénom, il vient de Guinée. Il veut dire Ève.J’ai trente-six ans. J’ai les cheveux courts, mes yeux sont noirs. Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, c’est mon cou.Je suis née un 1er janvier dans le village de Kankasta.Je connais Wazemmes depuis onze ans.Ma profession est femme de ménage.Mon trait de caractère le plus marqué est : active.J’ai horreur de voir les enfants dans la rue.Il ne peut pas y avoir de situation parfaite, mais ce que

11

12

j’aimerais le plus au monde, c’est qu’on soit en bonne santé, qu’on gagne un peu d’argent, qu’on vive comme on veut, sans souci, parfois, ça arrive.

Je m’appelle Augusta.J’ai quatre-vingt-huit ans.J’ai des cheveux blonds, mes yeux sont bleus.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, ce sont mes cheveux.Je suis née en 1924 à Dourches.J’habite à Lille depuis 1983.Je connais Wazemmes depuis 1983.Ma profession est retraitée.Mon trait de caractère le plus marqué est la sociabilité. J’aime aider et assister, sans m’imposer. J’ai été bénévole au Secours Populaire Français pendant vingt-cinq ans.J’ai accompagné ma mère dans sa vieillesse.Il y a sans nul doute des choses qui pourraient changer s’il y avait plus d’entente entre les hommes.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est qu’il y ait plus d’égalité entre hommes et femmes. Surtout, j’aimerais qu’il y ait moins de guerres. Pour mon pays, j’aimerais qu’il y ait du travail pour tous. J’aimerais qu’il y ait des logements décents.

Je m’appelle Amina.C’est mon prénom. Il vient d’Algérie.J’ai vingt-six ans. J’ai les cheveux noirs, mes yeux sont noirs aussi.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, ce sont mes yeux.Je suis née le 19 février 1986 à Sidi Abdelmoumen, en Algérie.

13

J’habite à Lille depuis trois mois.Je ne travaille pas.Mon trait de caractère le plus marqué est la nervosité.Je n’aime pas les gens qui volent.Je n’aime pas les femmes qui fument.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est la paix.

Je m’appelle Nesha.C’est mon prénom, il vient du Maroc.J’ai vingt-neuf ans.J’ai les cheveux noirs, des yeux noisette.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, ce sont mes yeux.Je suis née le 1er janvier 1983 à Marrakech.J’habite à Lille depuis sept mois.Je ne travaille pas.J’ai horreur des hommes qui fument.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est la paix.

Je m’appelle Maïce.C’est mon prénom. Il vient de Guinée.C’est le prénom de ma grand-mère.Je suis née en 1986.J’ai des cheveux noirs avec des tresses.Mes yeux sont noirs.Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, ce sont mes yeux.Je suis née à Matoto, en Guinée.J’habite à Lille depuis 2009.Ma profession est femme de ménage.Mon trait de caractère le plus marqué est le calme.J’ai horreur des bêtises de mes filles.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est vivre dans la paix.

14

15

Je m’appelle Valdinéa, on dit Néa.C’est mon prénom. Il est d’origine brésilienne.J’ai cinquante-et-un ans.J’ai les cheveux bruns, mes yeux sont noirs.Quand je me regarde, ce que je préfère en moi, c’est mon petit nez.Je suis née le 15 juillet 1961.Je connais Wazemmes depuis 1990.Ma profession est cuisinière de spécialités brésiliennes.Mon trait de caractère le plus marqué est d’être de bonne humeur.J’ai horreur de la violence, du mensonge.Il y a sans nul doute des hommes politiques qui sont honnêtes, qui sont plus dans la vérité.

Je m’appelle Habiba. C’est mon prénom, il vient du Maroc.J’ai quarante-six ans.J’ai les cheveux longs, mes yeux sont noirs. Quand je me regarde, ce que je préfère chez moi, ce sont mes yeux.Je suis née à Sror, au Maroc.J’habite à Wattrelos depuis deux ans.Je connais Wazemmes depuis neuf mois.Mon trait de caractère le plus marqué est la sympathie.J’ai horreur des gens agressifs.Ce que j’aimerais le plus au monde, c’est avoir moins de problèmes avec mon mari.

17

Je me souviens qu’en 2011 les femmes ont eu le droit de vote en Arabie Saoudite.

Je me souviens qu’aux dernières élections, j’étais accompagnée de mes filles.

Je me souviens que le vote n’est pas obligatoire, mais c’est un acte citoyen.

Je me souviens que le vote des femmes n’est toujours pas jugé utile dans certains pays.

Je me souviens qu’aux dernières élections présidentielles j’ai voté au bureau de Lille Moulins.

Je me souviens que j’ai tout appris du vote en éducation civique au collège.

Je me souviens que lors d’un vote, chaque voix compte.

Je me souviens qu’on a le droit de voter à partir de dix-huit ans et qu’il faut être de nationalité française.

Djamilla

Je me souviens de la première fois où je suis allée voter, c’était en 1945 ; j’avais vingt-et-un ans, depuis le temps que les femmes attendaient ce moment, elles pouvaient enfin donner un avis et faire appliquer les lois.

Je me souviens que nous sortions de la guerre, les femmes s’étaient émancipées pendant l’absence des hommes.

Je me souviens que ma mère a voté pour le Parti des Fusillés, c’était le Parti Communiste.

Je me souviens que quand les Allemands sont arrivés, ils ont fusillé tous les maires communistes de la région.

18

Je me souviens que tous les membres du Parti se cachaient.

Je me souviens que les hommes politiques ne tiennent pas toujours leurs promesses.

Je me souviens qu’au premier tour, c’était toujours les communistes qui avaient le plus de voix, avant les socialistes et les républicains. Au deuxième tour, les socialistes s’unissaient aux républicains, il n’y avait donc jamais de maire communiste.

Je me souviens que ceux qui avaient voté communiste se trouvaient lésés.

Je me souviens des grandes grèves à Usinor, à Denain, dix mille ouvriers en grève, une catastrophe.

Je me souviens qu’il y avait des femmes dans les grèves. Moi, j’étais dactylo à Usinor.

Je me souviens qu’on s’est retrouvé au mois de février, quatre-vingt-cinq mille à Valenciennes, toutes les corporations étaient dans la manifestation, les avocats étaient en tête des défilés.

Je me souviens qu’on est allé à Paris, de la place de la Mairie de Saint-Denis jusqu’à la place de l’Opéra à pied, pour manifester contre la fermeture d’Usinor. Dix mille ouvriers, c’est énorme ! Sans compter les sous-traitants qui allaient aussi perdre leur travail.

Je me souviens que l’usine a fermé, malgré tout.

Je me souviens qu’il y avait cinq hauts-fourneaux, sur lesquels était écrit : «Nous allons mourir assassinés le 4 septembre 1975».

Je me souviens que des hommes se sont suicidés, des ménages ont divorcé ; avant la fermeture définitive on a déplacé des ouvriers à Dunkerque, les femmes ne voulaient pas y aller.

19

20

Je me souviens que j’habitais près d’un chemin de fer qui s’appelait « Le Cambrésis », il prenait tous les ouvriers qui venaient de la région.

Je me souviens que les ouvriers faisaient les «trois huit».

Je me souviens que quand ils ont licencié, ils ont proposé cinq millions d’anciens francs au personnel qui voulait bien partir.

Je me souviens que certains avaient fait construire leur maison, ils payaient des mensualités, ils ont été déplacés, on leur a offert un logement, les frais de déménagement, plus dix millions d’anciens francs, c’est fou l’argent qui a été donné.

Je me souviens qu’on ne reconnaît plus rien, tout a été démoli.

Je me souviens qu’il y avait les ateliers Cail en face ; à 16h, à l’époque, je vous défie de traverser la rue à la sortie des ouvriers d’Usinor et Cail, on ne pouvait pas, il n’y avait que le tram qui passait, il y avait énormément de vélos ; à ce moment-là, les ouvriers venaient à vélo à l’usine.

Je me souviens que mon mari ne travaillait pas à Usinor, il était marbrier, polisseur de granit, c’était un très dur métier, il avait des bottes, hiver comme été, il travaillait dans l’eau. Il a exercé ce métier pendant trente-trois ans.

Augusta

21

Je me souviens avoir voté pour la première fois en 90, en Algérie.

Je me souviens être allée voter pour les jeunes.

Je me souviens être allée voter pour savoir comment ça se passe.

Je me souviens que ma maman avait déjà voté.

Je me souviens que mes frères ont voté dans les années 60.

Lakri

Je me souviens que je n’ai jamais voté et j’ai cinquante-cinq ans.

Je me souviens que ma maman n’a jamais voté.

Je me souviens que mon papa, qui est décédé, votait.

Je me souviens que mes quatre sœurs n’ont jamais voté, mes trois frères votent.

Aïcha

Je me souviens que la première fois que j’ai voté, j’avais dix-huit ans.

Je me souviens que mes sœurs votaient également, nous allions voter ensemble.

Je me souviens que j’ai vu, à Djibouti, le Général de Gaulle en personne, puis le Président Pompidou.

Je me souviens que la première fois que j’ai voté, c’était pour l’élection de Georges Pompidou.

Cuedio

22

Je me souviens de la première élection de François Mitterrand.

Je me souviens que ça a fait des histoires dans ma famille, ma mère m’a dit : «J’espère que t’as pas voté pour la gauche !» ; et ma grand-mère lui disait : «Écoute, elle fait ce qu’elle veut, elle est majeure !».

Je me souviens que ma mère disait : «Le pays va être foutu ! Ça va faire descendre tout le pays !».

Je me souviens que ma grand-mère disait que les gens voulaient le changement, et c’est vrai qu’il y a eu beaucoup de lois sociales.

Je me souviens que le Maire de Lille, Pierre Mauroy, a été Premier Ministre.

Je me souviens qu’on le voyait dans sa voiture, il n’avait pas l’air très à l’aise, un peu perdu.

Je me souviens qu’en 1983, Pierre Mauroy a créé une cinquième semaine de congés payés. On s’est dit : il est fou, les gens ne pourront jamais se la payer !

Je me souviens qu’il voulait supprimer une heure de travail, et qu’il a créé la semaine de trente-neuf heures.

Je me souviens qu’on l’a beaucoup critiqué, du coup en 83 il a démissionné, alors qu’il avait fait tant de choses.

Je me souviens que la gauche et la droite sont toujours en train de se tirer dans les pattes.

Je me souviens que chacun a des bonnes idées.

Brigitte

23

Je me souviens qu’au Brésil, le vote est obligatoire.

Je me souviens que les femmes votaient à l’âge de vingt-et-un ans. Moi, j’ai voté à… dix-sept ans ! C’était l’époque où j’avais besoin de papiers d’identité pour pouvoir travailler, quitter ma famille d’accueil. J’en ai obtenu dans une ville près de chez moi, une femme m’a dit : «Tu sais que tu risques la prison ?» J’ai préféré prendre le risque.

Je me souviens que je voulais quitter la famille espagnole qui prenait soin de moi depuis longtemps; ils étaient très gentils mais je ne voulais pas qu’on s’occupe trop de moi, je voulais être indépendante. Je voulais vivre ma vie.

Je me souviens avoir voté pour ce président-là. Joao Baptista Figuereido a succédé au président assassiné.

Je me souviens aller avec ma famille voter dans une école.

Je me souviens du premier vote dans mon village, à Salinas de Margarida, dans l’État de Bahia.

Je me souviens que c’est une femme députée qui a obtenu le papier qui m’a permis d’avoir du travail et de voter la première fois.

Je me souviens que je peux voter en France depuis 2006.

Je me souviens avoir déjà voté deux fois en France, pour les présidentielles et les municipales.

Je me souviens que c’est important de voter pour moi et que j’ai l’intention de voter cette année.

Je me souviens qu’il est obligatoire de voter au Brésil; en France je dois justifier que je ne peux pas me déplacer au Consulat pour être autorisée à ne pas voter.

24

Je me souviens que la ville de Lille a beaucoup changé depuis que je suis arrivée en 88.

Je me souviens que j’ai découvert tard que ma mère avait fait comme moi : elle a modifié son acte de naissance pour avoir des papiers.

Nea

Je me souviens que j’ai accompagné mon père à Kamsar, en Guinée, pour qu’il vote. J’avais dix-sept ans.

Je me souviens que je travaillais en Guinée ; j’étais femme de ménage, femme de chambre.

Je me souviens que je n’ai jamais voté.

Je me souviens que je pensais que le vote de mes amis ne changeait rien.

Je me souviens qu’ils donnaient leur avis, mais que personne ne le prenait en compte.

Je me souviens que les présidents de Guinée s’appelaient Alpha Condé, Sékouba Konaté, Lansana Conté.

Je me souviens que je leur disais : vous avez voté, est-ce que ça change quelque chose ?

Je me souviens que ma grand-mère, quatre-vingt-trois ans, a pu voter jeune.

Je me souviens que je lui ai dit que j’allais voter en France ; et pourtant, je ne pouvais pas voter en France.

Je me souviens que mon mari a écrit à la Mairie de Lille pour demander le droit de vote.

Je me souviens que la Mairie n’a pas répondu.

Mahawa

25

Depuis que je suis petite, mon père me dit : «Des gens sont morts pour pouvoir voter ! Il faut aller voter !»

Je me souviens qu’en Belgique, le vote est obligatoire.

Carole

Je me souviens que je votais au Maroc, j’avais vingt-cinq ans. Je me souviens que j’ai voté deux fois.Je me souviens que, dans mon pays, le droit de vote des femmes existe depuis longtemps.

Fanida

Je me souviens que les femmes ont pu voter en 1945.Je me souviens que mon frère nous a mobilisés pour voter en Algérie via le Consulat.Je me souviens avoir voté en France dans le bureau de Lille Sud après ou avant la naissance de ma fille.Je me souviens que mes frères et sœurs pouvaient voter en France.Je me souviens que Jacques Chirac a remporté les élections présidentielles de justesse lors de son dernier mandat.Je me souviens de la colère des lycéens dans les rues sous le Ministère Jospin.

Latifa

26

Je me souviens que j’ai voté dans mon pays comme tout le monde. J’habitait à Oujda, au Maroc. J’ai voté quatre fois.Je me souviens que traditionnellement, ce sont les hommes qui votent, mais les femmes ont le droit. Je me souviens que, dans la montagne, les femmes avaient des difficultés à se déplacer, les bureaux de vote étaient loin, il fallait que quelqu’un reste pour s’occuper des enfants et du bétail.

Mina

À l’époque la femme n’avait pas le droit de voter ni de travailler.Aujourd’hui la femme a le droit de voter, de travailler, de faire tous les métiers de l’homme.

Fatma

cHaNger

LA v ie

28

Dans mon immeuble il y a trop de gens. Nous sommes trop nombreux, c’est bruyant.J’aimerais qu’il n’y ait plus de violence, plus de drogues.Dans la rue il y a trop de voitures.Les enfants sont dans le bruit, les mamans travaillent trop.Il faudrait du travail pour les jeunes.

Cuedio

Dans mon immeuble, j’aimerais qu’on rénove des parties communes. Il y a des trous dans les murs, les escaliers sont branlants, c’est dangereux. Le plafond s’effondre. On a appelé l’assurance, mais personne ne passe. Dans la salle de bains, il y a un trou. L’agent technique est venu, mais ça n’a rien changé. J’habite rue des Postes. Jusqu’à la Sécurité sociale, ça va. Plus on avance, plus c’est moche. Il faudrait rénover ces maisons.

Dans mon quartier, il y a des problèmes de délinquance. Près de la station de métro il y a des jeunes qui dealent. Heureusement, mon fils me protège ! On ne peut pas mettre la police partout, on tomberait en dictature. Il faudrait des éducateurs de rue. Je pense que les jeunes s’ennuient, c’est pour ça qu’ils sont comme ça. Quand ils font des études, ils ne sont pas sûrs d’avoir du travail. Il faudrait des éducateurs de rue. Il faudrait aussi inciter les jeunes à venir dans les Maisons de Quartier.

Pour les femmes, il faudrait une plus grande égalité de salaires. Elles devraient pouvoir accéder à des hautes

29

fonctions. On devrait aussi valoriser les femmes au foyer, qui travaillent beaucoup.

Pour les personnes âgées, il faudrait proposer des activités différentes selon les âges : soixante-cinq ans est différent de quatre-vingt-cinq ! Il y a plusieurs catégories de seniors.

J’aimerais qu’il n’y ait plus de guerres. C’est terrible, la guerre, bien que je ne l’aie pas connue.

J’aimerais qu’il n’y ait plus de fossé entre générations. Quand j’étais petite, j’avais un arrière-grand-père, j’aimais beaucoup lui tenir la main. Avant, les personnes âgées vivaient chez leurs enfants.

J’aimerais que l’on retrouve le sens de la politesse. Les jeunes, souvent, ne font pas attention. Je me souviens qu’à une époque, il y avait des cours de morale.

Brigitte

Dans mon immeuble, c’est bruyant, il y a des drogués. La semaine, c’est propre grâce à la femme de ménage mais le week-end, il y a de l’urine dans l’ascenseur. Dans ma rue, il y a trop de bruit avec les motos, les enfants et les grands qui font des bêtises. Ils devraient rester chez eux. Il faudrait du travail pour les femmes et les jeunes.En ce qui me concerne, j’aimerais apprendre le français.

Aïcha

30

Dans mon studio, j’aimerais avoir une chambre pour ma fille et une chambre pour moi. Il y fait froid. J’aimerais avoir un lit pour ma fille et un pour moi. J’aimerais qu’il y ait un jardin pour que ma fille puisse jouer. J’aimerais que ma rue soit propre.

Maïce

Ce que j’aimerais le plus au monde c’est plus d’égalité, j’aimerais aider les gens à sortir de la misère.J’aimerais plus de formation pour les jeunes.J’aimerais qu’on protège davantage les enfants, que les professeurs accordent plus d’attention à ceux qui sont moins forts.J’aimerais plus de respect pour les personnes âgées.

Nea

J’aimerais habiter dans un appartement. J’aimerais vivre un étage plus bas parce que j’ai des problèmes pour monter les escaliers.J’aimerais ne plus vivre dans un foyer.

Habiba

J’aimerais que mon immeuble soit plus calme.J’aimerais ma rue soit moins sale.J’aimerais qu’il n’y ait plus de drogues dans mon quartier.J’aimerais arrêter les terroristes.

Amina

31

32

Dans mon immeuble, j’aimerais qu’on fasse des travaux d’isolation. Il faudrait changer les sanitaires et les portes des appartements.Dans mon quartier, j’aimerais qu’il y ait moins de bruit.J’aimerais qu’il y ait plus d’espaces de jeux pour les enfants.J’aimerais qu’il y ait plus d’activités pour les femmes : couture, cuisine, activités culturelles.J’aimerais qu’il y ait plus d’apprentissage pour les jeunes.

Malika

J’aimeraisQue mon immeuble soit plus grandQue la rue soit plus calmeQue mon quartier soit plus protégéQu’il y ait plus d’activités pour les enfantsQu’il y ait moins de violence conjugaleQue les jeunes soient prévenus des dangers de la drogue et du sidaQue les hommes arrêtent la guerreQu’il y ait la peine de mort pour les violeurs et les pédophilesQue les gens soient croyants

33

QUElQUES iDéES

pOUr vivrE

ici

pour les personnes âgéesNous aimerions qu’il y ait plus d’activités pour les seniors. Il n’y a pas d’associations pour personnes âgées dans le quartier, il faut aller rue des Meuniers, au Club Gantois, c’est loin ! À la maison de quartier, c’est seulement le vendredi après-midi.

pour la propreté dans les ruesNous aimerions que les poubelles soient ramassées : il y en a partout ! Il n’y a qu’à Wazemmes que les poubelles restent dans les rues pendant des jours. Rue de la Justice, en particulier, c’est vraiment un problème.

pour des logements décentsNous aimerions que les logements soient plus décents et moins chers. On augmente les charges des appartements, les locaux commerciaux sont trop chers. On ne peut pas monter de restaurant ou de commerce dans ces conditions !

À la maison de quartierNous aimerions qu’il y ait plus de voyages, des sorties organisées par la Maison de Quartier de Wazemmes. On a déjà visité Calais, on s’est baladé sur les canaux en Belgique, c’était formidable.

34

35

Notre deuxième maison, c’est la Maison de Quartier. Certaines d’entre nous y vont quatre fois par semaine ! Il y a beaucoup d’activités : cuisine, table d’hôte, groupe de parentalité, alphabétisation… Nous aimons la convivialité de cette maison. Nous souhaitons qu’elle continue à vivre, qu’elle se développe.

pour nos enfantsNos avis sont partagés concernant le rythme scolaire. Les unes pensent que ce serait bien qu’il n’y ait de cours que le matin, comme au Brésil, pour que les enfants aient le temps de faire du sport, ou du soutien. Les enfants seraient moins fatigués. Les autres pensent que ce n’est pas une bonne idée. Il faut que les enfants apprennent ! L’école encadre. Le problème de l’école le matin seulement, c’est que les activités de l’après-midi sont payantes : il faudrait avoir des écoles de musique, des cours de sport gratuits pour ne pénaliser personne.

pour les bébésNous souhaitons toutes qu’il y ait plus de places en crèche. À Lille, il faut presque programmer la crèche avant d’être enceinte !

pour les jeunesNous voulons trouver des solutions pour les jeunes qui traînent dans la rue. Il faut que les parents surveillent ! Il faut qu’ils puissent travailler. On leur propose parfois des stages, mais ce n’est pas payé ! Nous pensons que c’est mieux que ne rien faire : les jeunes prennent l’habitude de travailler, ils apprennent un métier. Mais quand deviendront-ils autonomes ?Nous pensons qu’il est important que l’apprentissage soit remis au goût du jour. Que les jeunes puissent

36

apprendre des métiers sur le terrain : devenir ébéniste, cuisinier, maçon, etc. Les jeunes étudient jusqu’à vingt-cinq ans sans jamais travailler. Et l’expérience ? Nous proposons de faire des ponts entre les jeunes et les petites entreprises, même du quartier !

Nous pensons que Lille est une bonne ville. Ailleurs, ce n’est pas mieux, et ici, on peut échanger, s’entraider, discuter.

pour les femmesNous pensons que les femmes travaillent beaucoup : la plupart font leur journée de travail puis font les courses, le ménage, le dîner, elles s’occupent des enfants, payent les factures, prennent le rendez-vous chez le médecin… Quand le mari rentre du travail, il considère qu’il a travaillé et que sa femme n’a rien fait de la journée... C’est lui qui ramène un salaire, elle peut donc s’occuper des tâches ménagères !Les choses changent, petit à petit. Certains hommes participent aux tâches de la maison.

Nous remarquons que la télévision a donné une nouvelle image du rapport homme-femme. Au Brésil, ce sont les séries qui ont imposé un nouvel ordre.

Certaines de nous ont vu, à la télévision marocaine, une émission qui a fait beaucoup de bruit : Sept femmes sont invitées à partir en voyage. Elles prennent leurs valises et laissent leurs bébés avec les couches, les courses, le nettoyage et toutes les tâches ménagères à leur mari. Au bout de quelques jours, les hommes pleurent au téléphone comme… des femmes ! Ils font le ménage, le jardin, lavent les escaliers,

37

s’occupent des enfants… Quand les femmes appellent, on entend les enfants pleurer : «Maman j’ai besoin…», le père qui hurle «Le bébé ne dort pas la nuit… J’en peux plus !». Ils mettent du coton dans leurs oreilles ! L’un d’entre eux finit par dire : «J’espère que ma femme va rentrer… Je comprends maintenant…» À la fin, il y a un concours du meilleur homme. Celui qui a gagné est celui qui a dit : « Je comprends ma femme ».Pendant ce temps-là, on voit les femmes dans un hôtel cinq étoiles, profitant de la piscine, des massages…

Nous pensons que ce genre d’émission est très utile pour faire évoluer les mentalités ! Nous pourrions organiser ça à Wazemmes. Une émission locale, pendant trois jours !

HOMM Age

39

À toi qui m’a hébergée

GloriaTon regard

Ta tendresse, drôleGénéreuse moi si jeune

Toi si maternelle si procheTu m’as donné force et vieEspagnole tu m’as appris

La cuisine puis j’aiGrandi je t’aiÉcrit je suis

Partie

Néa

À Angela Merkel

SymboleDe force

De contrôle éclairéPour la paix, l’unité

Femme de courage, de politiqueVous incarnez votre pays, vous luttez

Au milieu d’hommes vousImposez vos vues, calmement

Jouez votre rôleFemme sans

fard vous dirigez

Sedigheh

40

41

À ma mère

ToiTes mains

Tes yeux noisettesTes cheveux châtains clairs

Ton calme, ta gentillesse sérieuseTu fais le ramadan, la prièreTu fais la cuisine couscous

Tu m’écoutes attentivementTu me donnesDes conseils

DouceGilda

Amina

À toi

VieTon visage

Souriant qui meParle. Nos rires ensemble

Ça fait un an et demi que l’onSe connaît. Ton nom est secret

Je voudrais passer tout monTemps avec toi parce que

Tu aimes ma Fille, jeT’aime

Maïce

42

À ma mère

Toi Ma maman

Qui est morteÀ soixante-quatorze ans avec

Une maladie du cœur pourtantTon cœur était grand et doux

Ma fille avait onze ansQuand tu es décédée

Tu l’aimais fortDans tes

bras

Habiba

À Martine Aubry

CharismePolyvalence vitalité

Intelligente instruite disponibleVous êtes un exemple

Pour les générations de femmesPour les jeunes femmes du monde

moderne et de la politiqueInnovatrice chaleureuse infatigable

Vous avez plusieurscasquettes. Quelle

Santé !

Brigitte

43

44

À toi

Toi Ton sourire

Ta gentillesse, ta bontéTon écoute, tes conseils

Bonne personne patiente sage calmeNous travaillons entre femmes avec plaisir

Tu m’apprends le françaisÀ la Maison quartier boulevard de Metz

Le mardi et le vendredi matinRayon de soleil

Ensemble

Aïcha

À Fatouma

Chanteuse De Djibouti

Votre mari décédé, larmesVotre maman Hava ancienne chanteuseVous guidez votre mère aveugle, vieille

Arrêtez le chant, créez un commerce, grande boutiqueVous voyagez beaucoup, devenez riche

Mais toujours gentille, abordable, Belle coiffure

Parfois tu criesSouriante

Cuedio

45

À la Reine du Maroc

Vous Avez construit

Un grand hôpitalDans plusieurs grandes villes

Vous avez créé un centrePour les femmes maintenant elles apprennent

À écrire elles se débrouillentMaintenant elles voyagent

Grâce à vous ReineLalla Salma

Merci

Malika

46

Pascal Cobert, Président de la Maison de Quartier de Wazemmes, remercie les participantes

Aïcha, Amina B., Amina M., Augusta, Brigitte, Cuedio, Djamila, Fanida, Fatma, Habiba, Imane, Lakri, Latifa, Lilia, Maïce, Malika, Mahawa, Néa, Nazha, Sedigeh, Yamina, Carole et Marie, bénévoles.

et

Sophie Razel, animatrice d’atelier d’écriture « Le Jardin d’hiver »Valérie Honnart, peintre et photographeLily Thullier, graphiste

Impression Adlis