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PARTIS ET MOUVEMENTS

DELA COLLABORATION

PARIS 1940 1944

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Collection TÉMOIGNAGES POUR L'HISTOIRE

Jean Mabire : LES PARAS DE L'AFRIKAKORPS

LA PANZERDIVISION HERMANN GOERING

PANZERS, MARSCH!

SKORZENY, L'HOMME LE PLUS DANGEREUX D'EUROPE

LES SS EN FRANCE — (Mai-Juin 1940)

Général Robert Gaget : COMMANDO COBRA

COMMANDO GEORGES

COMMANDOS PARACHUTISTES

Pierre Dufour : LA LÉGION DANS LA GUERRE DU GOLFE

François Le Berre : CRAVATE VERTE, KÉPI BLANC

Roger Delpey : SOLDATS DE LA BOUE — (la bataille du Tonkin)

SOLDATS DE LA BOUE — (la bataille de Cochinchine)

René Mary : NOS ÉVADÉS D'INDOCHINE

René Bail : DERNIER BAROUD À DIEN BIEN PHU

Colonel A. Legrand : CHASSEURS EN VUE, ON ATTAQUE ! —(Prix Guynemer 1993)

Dominique Lormier : LES GUERRES DE MUSSOLINI

L'ÉPOPÉE DU CORPS-FRANC POMMIES

Patrick-Charles Renaud : COMBATS SAHARIENS

En couverture : 15 décembre 1943 aux Invalides. Pour la seconde fois, l 'ensemble des mouvements de jeunesse réunis en une commune commémoration, passe une nuit de veille autour du sarcophage de l'Aiglon. L'Avant-Garde milicienne s 'es t jointe aux organisations politiques.

© 1993, Jacques Grancher, Éditeur, Paris ISBN 2-733-90420-5

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PIERRE PHILIPPE LAMBERT GÉRARD LE MAREC

PARTIS ET MOUVEMENTS

DE LA COLLABORATION

PARIS 1940 1944

JA C Q U E S

GRANCHER 98, RUE DE VAUGIRARD

75006. PARIS

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DES MÊMES AUTEURS

P.P. Lambert, G. Le Marec ORGANISATIONS, MOUVEMENTS ET UNITÉS DE L'ÉTAT

FRANÇAIS - VICHY 1940-1944

Prochain volume à paraître :

LES FRANÇAIS SOUS LE CASQUE

ALLEMAND 1941-1945

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AVERTISSEMENT AU LECTEUR

s i, après l'armistice de 1940, le gouvernement de l'Etat Fran- çais conserve une autorité théorique sur le fonctionnement

des institutions de l'ensemble du territoire national, la vie politique à Paris est soumise au bon vouloir de l'occupant.

Cependant, ce vocable ne recouvre pas UNE politique alle- mande, qui a d'ailleurs varié selon les circonstances et pour laquelle le 22 juin 1941 représente un tournant.

Chaque service possède son interlocuteur ou son informateur privilégié, un de ces « collaborateurs », partisan de longue date du fascisme ou néo-converti de l'anti-communisme.

En effet à l'heure où, à l'exemple de Berlin ou de Rome, un Parti Unique pouvait s'instaurer à Paris, une multitude de Chefs (venus souvent de la gauche) prétendent réunir autour de leur personne les hommes décidés à opérer une véritable Révolution Nationale différente — parce que plus sociale, sinon plus socialiste — de celle de Vichy.

Des partis d'avant-guerre, comme le PPF ou le Francisme, tentent de se développer. D'autres se créent et réussissent une percée relative, tel le RNP. Mais naissent et meurent un grand nombre de groupements dont les effectifs ne seront jamais en rapport avec les prétentions de leurs dirigeants.

Beaucoup avaient pensé trouver dans la disparition de la III République l'occasion de réaliser « leur » révolution, mais cette inflation de chefs ne parviendra à se partager qu'un auditoire restreint face au Maréchal et à « quarante millions de pétai- nistes ».

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On ne peut que constater la dérision de cette course au pouvoir de sept « partis uniques » soutenus par sept hebdomadaires. Pas un dirigeant n'a été à même de réunir un effectif militant capable de peser sur la situation. 150 000 membres peut-être, au total. Dans la France occupée, tous les partis de la collaboration réunis comptent moins d'adhérents qu'en Flandre le seul VNV ou, aux Pays-Bas, le NSB de Mussert. Si, à Vichy, l'on s'en réjouit ouvertement, il est probable qu'à Berlin l'on s'en félicite, malgré les bonnes manières faites aux uns et aux autres et les subventions distribuées à chacun.

Mais cette importance numérique toute relative ne doit pas interdire l'investigation historique, surtout en raison des manifesta- tions-spectacles destinées à pallier le manque d'audience.

Lorsque militants et jeunes se rencontrent parfois pour des actions communes, quand les chefs se retrouvent entourés de leurs troupes respectives, tous portent des drapeaux, des uni- formes et des insignes soigneusement différenciés.

Un arbitraire géographique nous a conduits à ne pas nous tenir aux seuls partis et mouvements de jeunesse réputés « collabora- tionnistes » (le mot est de Marcel Déat dans L'Œuvre du 4 novem- bre 1940).

La situation de la France vaincue a suscité le développement de forces centrifuges — séparatistes ou simplement régionalistes — sans qu'il s'agisse pour autant de collaboration avec l'Allemagne et, moins encore, de mise à son service.

C'est pourquoi nous avons cherché à retrouver les mouvements d'Alsace et de Moselle annexées par le III Reich. Un exemple d'ailleurs suivi — toutes comparaisons gardées — par les Italiens.

Nous y avons joint les partis nés et morts en Bretagne comme en Flandre en nous gardant, ici encore, d'apporter le moindre jugement sur le comportement des hommes.

Ce travail d'analyse se veut un précis d'archéologie contempo- raine. Lorsqu'il reconstitue le squelette d'un plésiosaure, le paléon- tologue n'entend pas étudier le psychisme de l'animal.

Nous avons choisi pour sources les seules publications d'épo- que car, depuis, dans les ouvrages, les jugements — condamna- tions ou hagiographies — l'emportent sur l'uniformologie qui demeure notre point de départ... et, nous l'espérons, d'arrivée.

Pierre-Philippe LAMBERT Gérard LE MAREC

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Chapitre 1

LE PARTI POPULAIRE FRANÇAIS

C est le 22 juin 1936, deux ans jour pour jour après son

exclusion du Parti Communiste Français que Jacques Doriot crée officiellement un nouveau parti : le Parti Populaire Français (PPF).

Dans la grande salle de l'Hôtel de ville de Saint-Denis, dont il est maire, devant un millier de personnes, délégués, invités et journalistes, il va pendant un discours de trois heures présenter son programme.

Doriot est un colosse d'1,86 m et restera le « Grand Jacques ». Né le 26 septembre 1898 à Bresles, dans l'Oise près de

Beauvais, Jacques Doriot a quitté la maison paternelle à 17 ans, muni du seul CAP d'ajusteur, pour s'installer à Paris, puis à Saint- Denis. En 1916, il s'inscrit aux Jeunesses Socialistes de France. Le 18 avril 1917, il est incorporé dans l'Infanterie et est cité à l'ordre de l'armée pour avoir sauvé la vie d'un camarade blessé. Après l'armistice, il est versé dans l'armée d'Orient où, la même année, deux événements dont il est le témoin vont le marquer profondément : la création de la république de Bela Kun en Hongrie, et le coup de main de Gabriele d'Annunzio sur Fiume.

Le 19 mai 1920, il est libéré et retourne à Saint-Denis où, durant vingt années, va se dérouler la première partie de sa carrière politique. A la scission de 1920, Doriot devient communiste pour se retrouver rapidement à la tête des JC. Lorsqu'il est menacé d'arrestation pour antimilitarisme — il soutiendra notamment les Rifains qui se battent au Maroc contre Français et Espagnols — il se réfugie à Moscou. Zinoviev le qualifie « d'authentique bolchevi- que » et, pour tous, « le grand Jacques » est l'étoile montante du PCF. Arrêté, c'est son élection à la députation qui le libère en mai 1924. Maire de Saint-Denis en 1931, le meilleur orateur du PCF, Doriot, moins docile aux ordres, s'éloigne peu à peu de son parti et se montre favorable à l'alliance avec les socialistes.

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Après le 6 février 1934, il refuse de déférer à la convocation adressée par Staline à lui-même et à Thorez. C'est l'exclusion le 27 juin et une série d'échecs politiques.

Pourtant, ses amis et lui conservent à Saint-Denis une majorité assez confortable pour pouvoir créer le PPF qui, en dehors de la région parisienne, Marseille — avec le ralliement de Simon Sabiani et de son Parti d'action socialiste — et la Côte d'Azur, conservera une audience limitée.

Viennent la guerre et la défaite. Doriot, à nouveau mobilisé, a été encore une fois cité. Il est à Vichy au mois de juillet 1940, mais son désir de prendre le pouvoir, les acccords avec Adrien Marquet et Max Bonnafous n'aboutissent pas et les militants du PPF présents demeurent dans l'expectative.

Le Parti Populaire Français n'est pas toléré en zone occupée. En zone libre, comme pour le PSF de de La Rocque, il a été obligé de changer de nom et devient simplement Mouvement Populaire Français (MPF). C'est à l'arrivée de Pierre Pucheu au ministère de l'Intérieur que l'interdiction des partis devint effective.

Pour la zone occupée, le PPF ne fut autorisé officiellement que le 28 décembre 1941, lorsque Doriot est sous l'uniforme allemand. Jusque là, le parti s'est camouflé, et principalement les jeunes — puisque les aînés sont prisonniers, comme Armand Lanoux, ou morts — dans des mouvements plus discrets comme le mouve- ment Jeunesse ou les Jeunesses Impériales Françaises. C'est l'époque aussi où Doriot annonce « Je suis un homme du Maréchal », où il lance à Paris un « Rassemblement pour la Révolution Nationale » dans lequel il réunit un certain nombre d'anciens communistes passés au PPF lors du pacte germano-

Insigne porté à la boutonnière par Doriot. On remarque la cravate PPF.

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soviétique comme Marcel Gitton, ex-secrétaire du PCF avec Thorez et Duclos, Jean-Marie Clamamus, Marcel Capron, André Parsal, Marcel Bront, Fernand Soupé, Albert Clément et Emile Nédélec.

Il lance, le 19 octobre 1940, un nouveau quotidien qui aurait dû s'appeler L'Humanité nouvelle, et qui s'appelle Le Cri du peuple de Paris ou plus simplement Le Cri du Peuple. Le journal devint un journal militant dont le tirage suit les fluctuations du mouvement : 35000 en novembre 1940, 20 à 25 000 jusqu'en juillet 1941, 40000 en juin 1942 et, en mars 1943, 63000.

Son tirage ne sera jamais comparable à celui de L'Œuvre de Marcel Déat. Mais si Le Cri du Peuple a un tirage assez faible, un autre quotidien, qui soutient Doriot, bat tous les records. Il s'agit du Petit Parisien qui tire à 680000 en novembre 1940, pour tomber, il est vrai, à 500000 en mars 1943. Cependant, certains numéros atteindront 900000 exemplaires.

Il est bon de rappeler qu'en février 1941, à une date où le parti n'est toléré ni en zone nord ni en zone sud, le colonel Groussard qui dirige les services secrets et la police politique du gouverne- ment, essaie de rallier Jacques Doriot à un mouvement de résistance à la fois anti-gaulliste, anti-communiste et bien sûr, anti- allemand, et de partir pour l'Afrique du Nord... C'est aussi l'époque où Doriot est nommé au Conseil national sans pouvoir y siéger. Comme le « Rassemblement pour la Révolution nationale » ne semble pas donner toutes les promesses attendues et que certains dissidents du PC, comme Clamamus et Capron, quittent Doriot pour rallier le Maréchal, il crée, en novembre 1940, une organisation professionnelle « La Fédération nationale des grou- pements corporatifs », puis, à la fin de l'année, les premiers « Comités de défense du Cri du Peuple », un PPF camouflé.

Doriot participe à la création de l'Entraide d'Hiver du gouverne- ment de Vichy. Ses partisans s'infiltrent parmi les Amis du Maréchal, à Rouen notamment, et montent de toutes pièces le Comité Jeunesse de France, dont l'insigne reprend la croix potencée et fléchée de l'UPJF, et le journal Jeunesse dont la plupart des rédacteurs appartiennent au PPF.

Mais le PPF a du mal à renaître. D'après la police, le mouvement de Doriot compterait au début 1941, en zone nord, 4 000 adhérents dont 2 700 à Paris.

Dès le 15 avril 1941, l'activité du PPF reprend véritablement. Le 1 mai, une rubrique PPF avec le drapeau du Parti paraît dans Le Cri du Peuple. Au 1 congrès de la région parisienne du 4 mai, 598 délégués sont présents. Ils sont 739, trois semaines plus tard, pour un congrès de toute la zone nord. Mais l'arrivée, en juillet 1941, de Pierre Pucheu au ministère de l'Intérieur compliqua l'action du PPF. Pucheu avait en aversion Doriot dont il avait

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pourtant été un fidèle, avant la guerre. En Afrique du Nord le PPF prend contact avec les chefs arabes, les porte-parole religieux et politiques, si bien que Weygand lui interdit toute activité et que Doriot lui-même est « interdit d'A.F.N. ».

La rupture du PPF avec Vichy est définitive. Ce qui n'empêchera pas, comme on le verra, ses propagandistes de créer des brassards avec une francisque stylisée afin de rappeler l'affirma- tion de Doriot : « Je suis l'homme du Maréchal ».

C'est aussi à cette époque qu'un événement décisif va transfor- mer le PPF et lui offrir une chance inespérée : l'Opération Barberousse. Enfin, l'anticommunisme et la collaboration vont pouvoir être menés de front !

Le 22 juin 1941, Doriot est à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, pour le premier congrès de la zone libre. Villeurbanne est un fief communiste. Dès qu'il apprend l'entrée des troupes alle- mandes en Union soviétique, il propose la levée de volontaires et annonce que lui-même endossera l'uniforme. Cette idée a été émise en même temps en zone occupée, par les hommes du RNP et du MSR en particulier.

Dans d'autres pays européens, la Belgique, la Hollande, l'Espagne, etc., cette idée est déjà en voie de réalisation. Un grande réunion a lieu le 18 juillet, au Vel' d'Hiv', qui réunit Marcel Déat, Pierre Clémenti, Jean Boissel, Jacques Doriot, Eugène Deloncle, Pierre Costantini. Seul Marcel Bucard, qui aurait dû être présent, s'est décommandé. Le SO de la manifestation est principalement tenu par les hommes de la Légion Nationale Populaire, c'est-à-dire le MSR.

Le 4 septembre, Doriot quitte Versailles pour revêtir l'uniforme de sergent allemand à Deba, en Pologne.

Au tout début, c'est le MSR, dont le contingent est le plus élevé en nombre qui forme la force principale de la LVF. Doriot a en effet interdit aux chefs de son parti de s'engager. Mais en avril 1942, au moment où dans leur grande majorité, les hommes du MSR rentrent en France sur ordre de Deloncle, le PPF reprend le dessus.

L'engagement de Doriot et de ses hommes dans la LVF amène les Allemands à reconnaître le PPF le 28 décembre 1941. Régulièrement, Le Cri du Peuple tiendra ses lecteurs informés des combats à l'Est, par des reportages ou des interviews de permis- sionnaires.

Doriot combat devant Moscou, mais rentre en France à la fin de l'année 1941. Le 7 janvier 1942, il rencontre le cardinal Baudrillart, très favorable à la LVF, le 19 il est à Vichy. Le Maréchal puis l'amiral Darlan le reçoivent brièvement. Le 1 février, dans un Vel' d'Hiv' plein, il fait un exposé des durs combats sur le Front de l'Est.

Son discours est publié en brochure par les Allemands à plus de

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100 000 exemplaires. Puis, trois semaines plus tard, le 22, il repart sur le front. A nouveau de retour à la fin du mois de mars, il entreprend à Paris un grande campagne de recrutement. Il participe à des réunions dans les grandes villes de France en zone occupée. Entre le 4 avril et le 15 mai, il va parler à Troyes, Nancy, Reims, Lille, Amiens, Rouen, Angers, Rennes, Nantes, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Poitiers, Orléans, Bourges, Dijon, Épinal et Saint-Denis. C'est le SO du mouvement qui s'occupe de la sécurité et de la bonne tenue des réunions. Malgré cela, à Angers, des contre-manifestants huent Doriot et, à Rennes, une grenade est lancée et explose dans la fosse d'orchestre, heureusement vide de musiciens. Le SO du PPF est pourtant l'un des plus efficaces des partis collaborationnistes, en raison de l'entraînement et de la pugnacité de ses membres.

En zone libre, ses réunions ne sont pas autorisées. Mais Doriot envisage de prendre le pouvoir. Il y pense même

très sérieusement, d'autant plus que la situation politique de 1942 s'est considérablement transformée. Darlan n'a plus la faveur du Maréchal, et encore moins des Allemands. Pierre Laval revient aux affaires le 18 avril 1942. C'est aussi à cette date que le Chancelier allemand nomme un Höheren SS und Polizeifuhrer im Bereich des Militärbefehlshabers in Frankreich (Commandant suprême des formations des SS et de la Police en France) dont le représentant est Karl Oberg, et c'est Reinhard Heydrich en personne qui l'intronise à Paris.

Doriot décide de réunir à Paris ses militants pour un « Congrès du Pouvoir » qui s'ouvre le 4 novembre 1942 au cinéma Gaumont Palace. Il réunit 7 200 délégués. C'est au cours de ce congrès que fut décidée la création des Gardes Françaises, dont on verra qu'ils se veulent une sorte de SS à la française.

Doriot ouvre le congrès par un discours de huit heures dans lequel il retrace toute l'histoire du PPF. Il prévoit la victoire éventuelle des Alliés et, dans ce cas, la perte de notre Empire. Il tente un rapprochement avec les autonomistes, bretons principale- ment en raison de ses origines.

Pendant cinq jours, ce 4e congrès va délibérer sur tous les problèmes du Parti et de la prise du pouvoir. Le 8 novembre, c'est le débarquement en Afrique du Nord. Ce jour-là, un dimanche, Doriot doit terminer le congrès par une manifestation au Vel' d'Hiv' et un grand discours. Mais, en raison des circonstances, Laval interdit meeting et discours. C'est alors que les militants défilèrent sur les Champs-Elysées et qu'avenue de Wagram, des heurts très durs eurent lieu avec la police.

Hitler n'a aucunement l'intention de voir Doriot remplacer Laval au gouvernement. Ce dernier propose à Hitler et à Ribbentrop de fondre les partis collaborationnistes en un parti unique, d'organiser

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leurs services d'ordre en une milice dont il prendrait la tête. C'est ce qui fut tenté avec le Front Révolutionnaire National, mais sans le PPF, et c'est surtout ce qui fut réalisé en zone libre avec la Milice française. Peu de temps après la création de la Milice, Doriot demande son retour sur le Front de l'Est et repart le 24 mars.

La direction du parti est alors confiée à un Directoire qui doit prêter serment devant les adhérents. Il est composé de :

Victor Barthélémy, Simon Sabiani, Henri Lèbre, Marcel Marschall, Maurice-Yvan Sicard, Christian Lesueur, Roger Vau- quelin des Yvetots, Albert Beugras, Jean Fossati.

En 1943, partout en France, avec la chute de Stalingrad, chacun comprend que l'Allemagne ne sera pas victorieuse. Les résistants commencent à tirer sur les représentants des partis de la collaboration, de jeunes permissionnaires de la LVF. Le PPF va alors — à l'exemple des autres mouvements — se réorganiser pour lutter contre les attentats et protéger ses militants. Le simple port d'un uniforme peut entraîner la mort, en zone nord comme en zone sud. Sur les 7000 attentats commis par la Résistance entre le 15 juin et le 31 juillet 1944, soit six semaines, plus de 6000 furent dirigés contre des Français.

Les Allemands vont profiter du brutal déchainement de la Résistance. Renâclant à l'idée de laisser s'armer les hommes de la collaboration, ils vont les inciter — surtout les jeunes — à s'enrôler dans la Selbstschutz qui garantissait à la fois armes et protection, et leur permettait de contrecarrer l'action de la Milice française qu'ils n'arrivaient pas vraiment à maîtriser, et qu'ils considéraient comme trop peu fiable.

Le SO du PPF se renforce en 1943 des Gardes Françaises. C'est aussi à cette époque que, par son service de renseigne- ments dirigé par Beugras, Doriot fait établir des fiches sur ses ennemis. Le Centre de renseignements se trouvait 5, avenue Marceau et il est incontestable que des agents de l'Abwehr y ont eu accès.

Naissent également les « Groupes d'Action pour la Justice Sociale », confondus souvent — et pas toujours involontairement — avec les Groupes d'Action (GA) des JPF. Ces « Groupes d'Action pour la Justice Sociale » devaient servir à traquer les réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire), parce que police et gendarmerie répugnaient à ce travail.

Les hommes des « Groupes d'Action pour la Justice Sociale », passèrent si bien sous l'autorité des Allemands que le PPF finit par perdre tout contrôle sur eux. Des GAJS furent créés en particulier à Blois, Cannes, Clermont-Ferrand, Epinal, Grenoble, Lyon, Nantes, Nice et Toulouse.

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En 1943, Bucard et son parti franciste, le MSR de Soulès et le groupe Collaboration d'Alphonse de Chateaubriant montent un Front Révolutionnaire National, sous l'initiative du RNP de Déat, toujours à la recherche de son Parti Unique. L'un des chefs du FRN est Henri Barbé, qui fut l'un des premiers compagnons de Doriot et qui connaissait fort bien les qualités et les défauts du PPF et de son chef.

Doriot se méfie. Mais dans l'été 1943, Jean Fossati, du Directoire du PPF, secrétaire du parti, qui en avait dirigé en Algérie les organisations, décide de faire cavalier seul et cherche à rejoindre, avec le Parti, le FRN.

Doriot qui est sur le Front de l'Est, l'apprend, revient à Paris en catastrophe, convoque le Conseil National et exclut Fossati. Il profite de sa courte permission pour monter une manifestation le 8 août 1943 et présenter aux Parisiens 3 000 Gardes Françaises en bataillons constitués, drapeaux en tête.

8 août 1943. Devant le siège du Parti, 10 rue des Pyramides. De gauche à droite. J acques Doriot, Simon Sabiani, Yves Dautun, Albert Beugras.

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Juillet 1944. Front de Normandie. Albert Beugras qui, pour des raisons de sécurité, es t contraint de por ter l 'uniforme de lieutenant de la Wehrmacht.

En 1944, concernant le passage des volontaires du Front de l'Est sur le Front de l'Ouest, au moment du débarquement, il est très difficile de savoir exactement ce qui fut décidé, d'autant que, dans les premiers jours de juin, on trouva parmi les morts en uniforme allemand des hommes, jeunes souvent, portant l'écus- son tricolore de la LVF sur la manche. Quelques-uns étaient originaires de la région où ils se battaient. Il est très possible qu'il se soit agi de permissionnaires de la LVF qui auraient, à titre individuel, repris les armes contre ceux qu'ils considéraient comme des envahisseurs.

Au début du mois de juillet, Doriot part quinze jours sur le front de Normandie. Il a gardé son uniforme d'officier de la LVF et est accompagné d'Albert Beugras, qui — songeant à une capture possible — a dû revêtir un uniforme de lieutenant allemand, sans écusson tricolore.

Mais c'est aussi à cette époque que d'anciens légionnaires PPF, réformés pour blessures graves, reprennent le combat au sein de diverses unités allemandes, la 2 1 Panzer entre autres.

Le parti crée alors à la fin du mois de juillet deux unités : « Les Volontaires de Normandie » et les « Auxiliaires du Service Social » dirigés par Albert Beugras. Ces volontaires signent un serment — un de plus — au Chef :

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« Je soussigné, après avoir pris connaissance de la fondation du Commissariat général du Parti pour la Normandie (zone de guerre) ordonné par le Chef du Parti et avoir été informé des missions assignées à ce secteur du Parti, placé par lui sous le commande- ment du camarade Albert Beugras :

Déclare avoir souscrit volontairement un engagement pour la durée de la guerre dans les formations de cet organisme de combat;

M'engage solennellement à exécuter, sans discussions et sur le champ, tous les ordres quels qu'ils soient, qui me seront donnés par le Chef et le commissaire général, ou qui me seront transmis par les délégués responsables du commissariat selon la voie hiérarchique ;

Jure de lutter jusqu'à la mort, sur le sol français envahi, pour le Chef, pour le Parti, pour la Patrie. »

L'exécution de Pierre Pucheu en Afrique du Nord durcit la position des militants des partis collaborationnistes, qui répondent coup pour coup.

Le 17 août, les PPF quittent Paris pour l'Allemagne et s'instal- lent, après de multiples pérégrinations, près du lac de Constance, à Mainau.

C'est à ce moment que Doriot crée son « Comité de Libéra- tion ». Ce comité est ouvert à tout Français anticommuniste et antigaulliste et sa création est annoncée le 6 janvier 1945. Par cette création, à une époque où « tout fout le camp », Doriot se place en chef et ses anciens rivaux et adversaires devraient le rejoindre. C'est ainsi que Fernand de Brinon, André Masson, Gaston Bruneton, Puaud, Déat, Darnand et Bucard sont plus ou moins prêts à se rallier. Même Laval estime que Doriot, en février 1945, est le seul Français capable de prendre le pouvoir en France en cas de retournement de la situation (Dieter Wolf, Doriot).

Le 22 février 1945, Doriot décide d'aller tendre la main à Déat et à Darnand. Près de Mengen, deux avions en rase-mottes atta- quent la voiture, une Mercèdes à gazogène portant un grand drapeau tricolore peint à l'arrière. Doriot est tué presque sur le coup, son chauffeur grièvement blessé, la secrétaire, Mme Nor- mand, femme d'un légionnaire de la LVF, est indemne.

Seules les photos de la voiture et des impacts de balles pourraient faire connaître quels types d'avions ont tiré. Toutes les hypothèses ont été avancées. Peut-être un jour aurons-nous une réponse définitive ?

Le 25, Doriot est enterré à Mengen. Sur un lit de branches de sapin, le cercueil repose. Sur le cercueil un drapeau tricolore, sur le drapeau tricolore un drapeau du PPF. Sur ce dernier, la veste de SS Sturmbannfuhrer et une casquette de la Herr. D'un côté les parents : sa mère, sa femme, une de ses filles, l'abbé Louis

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Lecros, aumônier de la Milice, en surplis. De l'autre les formations allemandes, drapeau à croix gammée et couronnes. Un adjudant- chef de la division Charlemagne, ancien de la LVF, porte sur un coussin les décorations du Chef. C'est Caucia, il pleure...

A gauche de la foule, en tenue bleu foncé et un peu empâté, Francis André, le chef du SO de la cérémonie, surveille. A sa gauche, un grand garçon maigre, en tenue bleue lui aussi, sonne « aux morts ». D'autres militants sont là, brassard au bras.

La tombe fut profanée à l'arrivée des troupes françaises et il fallut attendre des années pour que son entretien fût autorisé.

O r g a n i s a t i o n

A la tête du parti se trouve le Chef, puis le Secrétaire général du Parti. A ses côtés, un Directoire de neuf membres issu du Bureau politique, qui assiste le Secrétaire Général dans la tâche de direction que le Chef lui a déléguée. Le Bureau politique délibère sur tous les problèmes internes et externes soumis à son appréciation par le Chef et la direction du parti. Viennent ensuite les Délégués nationaux.

Le Conseil national regroupe Directoire, Bureau politique, ins- pecteurs régionaux, secrétaires fédéraux et chefs des services les plus importants de la Direction centrale, non membres du Direc- toire ou du Bureau politique.

Les membres du Directoire prêtent serment à Jacques Doriot. Ce serment est repris par les membres du BP et du CN devant le Chef et les neuf membres du Directoire. Voici le texte de celui prêté le 29 mars 1943 :

« Pendant la présence du Chef sur le Front de l'Est, nous, membres du Directoire qui avons l'honneur de diriger le Parti, lui jurons solennellement,

— de travailler collectivement au développement du parti et au renforcement de sa cohésion et de sa discipline intérieure,

— de maintenir absolument son indépendance organique et doctrinale,

— de continuer implacablement le combat contre les juifs, les francs-maçons, les communistes, les gaullistes, les giraudistes, les responsables de la guerre, de la défaite et de la perte de notre Empire,

— d'appliquer ses directives pour la constitution d'un vaste front antibolchevique,

— de réaliser les conditions de la victoire de la révolution nationale et socialiste en France et de l'unification de l'Europe, pour lesquelles le PPF se bat depuis 1936,

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Et de rester fidèles aux 150 combattants du Parti qui ont fait le sacrifice suprême pour sauver leur patrie ».

Les membres du Conseil national portent deux boutons en forme de croix francisquée sur leurs pattes d'épaule. Les membres du Bureau politique en portent trois. Il faut ajouter bien évidem- ment à ces 2 ou 3 boutons, le bouton d'attache qui est de la même taille et de la même forme, mais situé plus près du col.

Les Délégués nationaux ont un rôle très important. Chaque délégation a son administration interne propre, son appareil administratif particulier. Elles jouissent d'une autonomie entière, mais sont rattachées directement au Secrétariat général du parti, à qui elles rendent compte de leur activité quotidienne.

Les Délégations nationales sont au nombre de dix : Délégation à l'Organisation, Délégation corporative, Délégation paysanne, Délégation à la propagande, Responsable aux affaires culturelles, Responsable au service social, Responsable au SO, Bureau impérial, Bureau central de presse, d'information et de publications, Responsable aux prisonniers de guerre.

Le congrès regroupe tous les participants désignés par les Fédérations en plus des membres du Conseil national.

La section territoriale regroupe les militants d'une même agglo- mération, la commune le plus souvent ou l'arrondissement pour les grandes villes.

En janvier 1941, un nouveau brassard apparaît, sans pour autant que l'ancien soit éliminé. Au lieu des lettres PPF blanches, c'est une francisque stylisée bleue, à long manche, qui doit rappeler la formule de Jacques Doriot : « Je suis un homme du Maréchal ».

Il semble que cette croix francisquée ait été observée pour la première fois dans une réunion à Perpignan.

Le Se rv ice d ' O r d r e

Au début, le SO est le seul à porter l'uniforme et le brassard. Avant la guerre, la chemise bleu foncé portée sans cravate — la cravate restant une marque d'embourgeoisement — et le gros macaron en tissu avec les lettres PPF blanches est arboré, agrafé sur le bras gauche ou épinglé sur le revers du veston quand le SO

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Brassard du Service d'Ordre porté jusqu'en septembre- octobre 1941.

en service est en civil. Pendant la guerre, ce gros insigne continuera à être porté sur la chemise, parfois sur la poche droite de poitrine, jusqu'à la fin 1941.

Le 27 août 1941, les membres du SO, à la caserne Borgnis- Desbordes à Versailles, portent sur leur chemise un brassard particulier. C'est celui du mouvement, reproduisant le drapeau, avec les deux lettres S et O de part et d'autre de l'octogone.

Il existe deux SO, un en zone Nord et un en zone Sud. En zone Nord, le SO est divisé à son tour en deux formations, le SO d'active et le SO de réserve.

Le SO, toléré par l'occupant, ne doit pas manifester en tenue sur la voie publique ou dans un lieu public. Il y aura pourtant des exceptions à cette règle.

Chaque volontaire qui demande à entrer au SO est parrainé par un autre SO et doit prêter serment, signé de sa main :

« Je jure sur l'honneur d'être fidèle au chef du Parti. Je jure de sacrifier ma vie au triomphe de l'idéal PPF défini par le Chef.

Je m'engage à pratiquer la solidarité la plus entière envers mes camarades de combat.

Je jure obéissance à mes chefs, fidélité à mon drapeau ».

Le travail du SO est d'assurer l'ordre dans les réunions de section, de protéger les responsables politiques de son unité, de garder le siège des fédérations, sections, ou permanences de son unité, de protéger les distributions de tracts émis par la région, fédération ou section politique de son territoire et de communiquer tous les renseignements concernant l'activité gaulliste, commu- niste ou des autres partis politiques dans son unité.

Il fut prévu une organisation du SO qui n'exista, semble-t-il, que sur le papier et qui fut rapportée telle que par les agents que la

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Résistance avait infiltrés au PPF : cinq SO plus un chef forment un Groupe, un chef et 4 Groupes forment une Section, un chef et quatre Sections forment une Phalange, un chef et quatre Pha- langes forment une Division et un chef et quatre Divisions forment un Corps.

A l'intérieur du SO, il existe des commissaires du SO qui sont chargés de suivre l'état d'esprit du SO, des gradés du SO et des différents collaborateurs du Parti.

Il existe six classes de commissaires SO : une hors-classe et cinq classes de une à cinq.

Un commissaire du SO doit avoir un casier judiciaire vierge, être discipliné, avoir toujours été fidèle au Chef et au Parti, n'avoir jamais critiqué le Chef, ni failli à l'honneur, être discret, ne pas chercher l'avancement, avoir un très bon moral.

Un commissaire du SO ne peut démissionner. Le commissaire du SO ne figure dans les rapports que sous son numéro et ces rapports ne comportent pas de double.

Enfin les SO de la Maison du Parti, c'est-à-dire ceux principale- ment chargés de la protection des responsables, portent une fourragère blanche.

C'est à l'occasion du 6e anniversaire du parti qu'en juillet 1942, aux arènes de Lutèce, a lieu, en l'absence de Doriot, une cérémonie importante consacrée aux SO de la Région parisienne. A cette occasion, le drapeau national du SO est remis au chef Cadieu. L'emblème reproduit le drapeau du parti, avec les couleurs inversées, — la croix francisquée est blanche au lieu de bleue — et une nouvelle prestation de serment est prononcée...

Juillet 1942. Arènes de Lutèce. Le drapeau national du 50 du PPF.

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Le dimanche 30 août 1942, les quinze chefs de la zone Nord du SO prêtent serment, dans leur caserne, à l'angle de la rue Raffet et du boulevard Montmorency, dans le 1 6 arrondissement de Paris. Ils représentent les départements suivants : l'Aube, la Charente, la Charente-Inférieure, la Gironde, l'Ille-et-Vilaine, le Loiret, la Marne, l'Oise, l'Orne, la Sarthe, la Seine-Inférieure, la Seine-et-Oise, la Somme, la Vienne et l'Yonne. Ce sont les départements où le PPF compte le plus de militants.

C'est au cours de cette cérémonie que Henri Souville, le nouveau chef du SO, remet les fanions aux 6 sections qui viennent d'être constituées. Ils représentent un aigle blanc portant dans ses serres une croix francisquée et chaque section est baptisée du nom d'un militant assassiné ou mort au combat : Arnault, Clément, Gachelin, Manchon, Revertégat et Sabiani. La section Sabiani est l'élite du SO, ses hommes portent aux revers du col une tête de mort. Cette section sera appelée parfois Corps Franc Sabiani, ou tout simplement SOS pour SO Sabiani...

Le serment est prononcé par chaque SO : « Au nom du peuple et de la Patrie je jure fidélité et dévouement

au Parti Populaire Français, à son idéal, à son chef. Je jure de consacrer toutes mes forces à la lutte contre le communisme et l'égoïsme social. Je jure de servir jusqu'au sacrifice suprême la cause de la Révolution nationale et populaire d'où sortira une France nouvelle, libre et indépendante ».

C'est le 6 septembre que, à Marseille, 35 rue Pavillon, sous la présidence de Laurier-Mathieu, délégué du PPF pour la zone non occupée, les seize chefs de cette zone prêtent serment en présence de Henri Souville.

Le serment se fait sur une croix francisquée en fer posée sur le drapeau national du SO. L'Allier, les Alpes-Maritimes, l'Ardèche, l'Ariège, les Bouches-du-Rhône, la Drôme, la Haute-Garonne, l'Hérault, la Loire, le Lot-et-Garonne, la Lozère, le Puy-de-Dôme, la Haute- Savoie, le Tarn, le Var et Montpellier sont représentés.

C'est le 30 septembre de cette même année qu'un attentat a lieu au siège même du SO. Une grenade lancée dans la cour du casernement de la rue Raffet provoque la mort d'un jeune grenoblois de 19 ans et demi, Jean Chéneval, au SO depuis un mois et demi.

Un autre jeune de 17 ans, Allinquant, mourra à l'hôpital Boucicaut et 6 autres ont été blessés.

C'est à la suite de cet attentat que le siège de la rue Raffet prendra le nom de Centre Chéneval.

Il est à remarquer que beaucoup de SO sont des jeunes, moins de 20 ans pour la plupart, qui appartiennent alors à la formation adulte et non plus à la Jeunesse. L'un des plus jeunes n'a que

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16 ans en 1942, mais il est d'une stature très au-dessus de la moyenne...

Bien évidemment, au fur et à mesure que l'action de la résistance s'amplifiera contre les membres du parti de Jacques Doriot, les SO s'armeront et durciront leur position, relayés en cela par les Gardes Françaises.

Il existe, au sein du SO, une fanfare dont les membres se reconnaissent à un galon semblable à celui des sous-officiers allemands, et cousu de la même manière, autour du col du blouson.

Rue Raffet, se tient une permanence des Sections de Secours aux Sinistrés (SSS) dont les membres portent un brassard spécial qui reste inconnu.

Les G a r d e s F r a n ç a i s e s

Le 8 août 1943, Jacques Doriot fait défiler dans Paris ses Gardes Françaises, mais ni le nom ni l'idée n'en sont récents.

Le nom reprend à la fois celui des troupes de l'ancien régime et celui, plus récent, des vendeurs à la criée du Pilori avant que ceux- ci passent sous l'autorité du Parti Français National Collectiviste et de son chef Pierre Clémenti.

L'idée des Gardes Françaises a été lancée pendant le congrès de novembre 1942. C'est avec la commission ethnique du PPF qui s'est réunie au Palais de la Mutualité que Victor Barthélémy, secrétaire général du Parti, annonce, par ordre du Chef, la création des GF. Ce sont des sections spéciales qui groupent jeunes filles et jeunes gens, rigoureusement sélectionnés et contrôlés en vue de préserver la pureté du sang français. Si le SO correspond un peu aux SA du parti national-socialiste, les Gardes Françaises veulent en être l 'Allgemeine SS.

Ils recevront alors un brassard à croix francisquée et surtout un énorme insigne en forme de losange inégal qui reprend le glaive dressé et la croix francisquée. Il semble bien, sans qu'on ait réussi à ce jour à déterminer le sens de cet insigne, qu'il y en ait eu deux modèles : un avec et un sans couronne de feuilles de lauriers et de chêne.

Insigne des Gardes Françaises.

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8 août 1943. Champs- Elysées. J a c q u e s Doriot p a s s e devant le drapeau des Gardes Françaises.

D'après Maurice-Yvan Sicard, le brassard des Gardes Fran- çaises aurait dû représenter une croix celtique, mais le fabricant a conservé l'ancien modèle du parti, car en période de pénurie, le refaire aurait coûté trop cher.

Les Gardes Françaises sont regroupées en sections de combat, compagnies, bataillons et divisions. Une section comprend 12 hommes, trois sections composent une compagnie, quatre compagnies font un bataillon et dix bataillons une division.

A leur tête un drapeau avec « Gardes Françaises / Un Chef / Jacques Doriot ». Ce drapeau sera porté le 8 août 1943 par un sous-officier infirmier de la LVF dont la mère a été assassinée en début d'année.

Une section cycliste est formée. Ses hommes (pas tous), portent sur le haut de la manche gauche l'insigne des formations cyclistes de l'armée. Il existe aussi au sein des GF des Compagnies féminines et des Compagnies de jeunesse.

Finalement, c'est presque tous les militants qui se retrouvent embrigadés dans ces Gardes Françaises.

Les Gardes Françaises prêtent le serment suivant : « Volontaire pour appartenir aux Gardes Françaises du Parti

Populaire Français, je jure sur l'honneur d'être fidèle aux chefs du Parti, de me soumettre à toutes les exigences d'instruction et de

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manœuvre, d'obéir aux chefs des unités auxquelles j'appartien- drai, de prendre le poste, quel qu'il soit, qui me sera confié, de combattre jusqu'à la mort s'il le faut, pour faire triompher la doctrine du Parti et les principes de la Révolution Nationale et Sociale destinée à refaire la France ma Patrie ».

Le responsable en est le général Durand et l'un des responsa- bles de ce défilé est le lieutenant-colonel Gamory-Dubourdeau que l'on retrouvera quelques semaines plus tard dans la Waffen SS, où il commandera la 8ème Brigade d'assaut « Frankreich ».

Les G r o u p e s d 'Act ion pou r la J u s t i c e Soc ia le

En 1943, des Groupes d'Action sont créés pour renseigner Albert Beugras sur les ennemis du parti. Ils devaient assurer la protection des familles des adhérents et des légionnaires combat- tant à l'Est.

Mais Sabiani à Marseille et Meyssenc à Nice ont déjà créé des Groupes d'Action pour la Justice Sociale dont les résultats semblent positifs. Les militants de ces deux villes, en échange d'armes, fournies par les Allemands pour se défendre, auraient décidé de répondre à la demande de Sauckel. Bien que Doriot n'approuve pas ces initiatives, il refuse de réprimer Sabiani.

Juillet 1942. Arènes de Lutèce. Salut d 'un chef des Groupes d'Action des JPF. On notera la position du salut e t le b rassa rd particulier.

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Finalement il fait venir à Paris Sabiani et Meyssenc pour étudier de quelle façon il pourrait créer des GA en zone nord sans en référer à Sauckel.

Le Directoire et le Bureau politique se prononcent sans trop de réticences, mais ces GA doivent avoir une initiative réduite, une activité limitée. Sauckel veille et se fait implacable. Il fournit à Doriot la caserne Mortier— une caserne moderne puisqu'elle a été construite en 1934 — et c'est le colonel Maurice Morel, commis- saire général aux Gardes Françaises, qui est chargé de l'entraîne- ment des militants PPF, avec des armes, pistolets et pistolets- mitrailleurs récupérés sur les dépôts de la défaite.

Durant un stage de huit jours, ils sont logés et nourris — moyennant une participation assez faible — et s'entraînent à des séances de tir au fort de l'Est à Saint-Denis. Une solde de 3400 F leur est ensuite allouée mensuellement.

Neuf Groupes d'Action ont été créés : Blois, Cannes, Clermont- Ferrand, Epinal, Grenoble, Lyon, Nantes, Nice, Toulouse.

Echappant très souvent à la responsabilité et au contrôle des chefs du service de renseignements du Parti, beaucoup se mettront au service de la police allemande et participeront à des opérations de représailles contre la résistance, sous le prétexte de pourchasser et de réprimer les réfractaires au STO.

8 août 1943. Place de l'Etoile. Mise en place des J e u n e s Filles Françaises avant le défilé. Elles portent la nouvelle tenue et, s u r la casquet te des chefs, l 'insigne des JPF.

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Les activités de la Ligue des Droits du Nord semblent s'être réduites à peu de chose.

Le 27 janvier 1944, une réunion a lieu à Roubaix. On compte dix- sept assistants, dont Lucien Mesléard, ancien du front de l'Est, chef de la Franc-Garde de la Milice et délégué départemental de la LVF, trois délégués du Service de l'Information et trois du Francisme, assez réticents pour prêter serment à Quesnoy. Ne représentent-ils pas la totalité des effectifs du mouvement? Deux jours plus tard, le 29, réunion du Comité directeur au complet, toujours en présence de Mesléard, car, outre ses visées séces- sionnistes, la principale activité de la LDN fut en effet, en liaison avec DEVLAG belge — plus qu'avec la VNV qui cherchait de plus en plus à se désengager — de recruter pour le NSKK et la Waffen SS française. Il fut même question en octobre 1943, de créer une formation anti-terroriste qui ne vit jamais le jour, la Légion des Volontaires du Sud, ainsi qu'un comité de vigilance dont les deux présidences auraient été confiées à Mesléard.

Cependant l'OFK 670 opposa son veto formel : « Le Nord de la France constitue, pour la conduite de la guerre, une zone industrielle extrêmement importante qu'il ne faut pas inquiéter par des essais politiques » (Dejonghe, Libération du Nord, pp 18-19).

L'Oberfeldkommandantur préférait en effet les « essais « mili- taires ou policiers. C'est ainsi qu'au mois d'avril 1942 eut lieu une tentative de regroupement des Polonais réputés d'origine alle- mande (Volkdeutsch). 5 000 devaient être regroupés au sein d'une police auxiliaire, tandis que leurs enfants étaient dirigés vers des écoles allemandes ouvertes à leur intention.

Une occasion supplémentaire de souligner les divergences de vues entre Propagandastaffel, SS et Wehrmacht.

Condamné à mort par la Cour de Justice de Lille, le 8 juin 1946, Mesléard a été fusillé le 26 août suivant.

Pris en Allemagne et interné à la prison de Loos, défendu par maître Isorni, Quesnoy avait été jugé par la Cour de Justice de Douai les 4 et 5 avril 1946. Egalement condamné à mort, il fut exécuté le 12 juillet 1946.

Les membres de la Ligue des Droits du Nord auraient porté un brassard rouge avec un cercle blanc et, au centre de ce cercle, un svastika bleu.

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Chapitre 45

ZUID-VLAAMSCH JEUGD

L 'Idée d'un mouvement de « Jeunesses régionalistes de Flan- dre » a été lancé dès 1921 à Roubaix par Achille Glorieux. Il

faudra attendre le 28 juin 1942 pour qu'elle prenne corps et janvier 1943 pour que paraisse la première circulaire mensuelle (ronéoty- pée pour les trois premiers numéros), en français malgré son titre flamand, De Jonge Zuid-Vlaming que l'on peut traduire également par « Jeunesse flamande du Sud ».

Auprès de ce groupement de jeunes, les aînés du VVF délèguent un Jeugdreferent, Jacques Florin, représentant auprès d'eux le Raad au sein duquel est appelé à siéger leur secrétaire délégué, Henri Blanckaert.

Leur première réunion à Rijsel (ou « Lille en Flandre ») se tient le 16 janvier 1943. Elle s'ouvre par une « causerie historique » de Jacques Florin et se termine avec le chant du Vlaamsche Leeuw, l'hymne flamand, par des jeunes qui ne reconnaissent pas la frontière des Etats, par delà lesquelles « les uns et les autres sont flamands dans toute l'acceptation du mot, leur nationalité respec- tive n'ayant rien à voir dans l'affaire. »

C'est ainsi que le n° 4 (désormais imprimé) du bulletin s'ouvre par Kasselland qui deviendra le chant officiel de la ZVJ. Les paroles d'Henri Blanckaert célèbrent Nicolas Zannequin, le héros du soulèvement de la Flandre maritime, tombé à la bataille de Cassel en 1328.

Pourtant l'année suivante, sans que l'on puisse trouver la moindre contradiction idéologique, De Jonge Zuid-Vlaming publiera «If », le célèbre poème de Kipling. L'occupation et la guerre semblent loin des préoccupations de ces jeunes — dont bien peu, en réalité, parlent flamand — mais qui, le 23 mai 1943, lors d'un pèlerinage organisé sur sa tombe, saluent, le bras levé, Joris van Severen, chef du Verbond Diestchenationaalsolidarist (Verdinaso) arrêté par le gouvernement belge le 10 mai 1940 et