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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2013 - N° 448 // 39 article reçu le 21 novembre, accepté le 22 novembre 2012. © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Liver pathology cirrhosis and hepatocellular carcinoma: Indications and role liver biopsy Liver biopsy, long considered as the gold standard for the evaluation of lesional damages related to chronic liver diseases, is now challenged by non invasive methods, especially in the diagnosis of significant fibrosis and cirrhosis related to viral hepatitis. Never- theless, liver biopsy remains an accurate tool able to specify activity grade and fibrosis stage of chronic liver disease, suggest specific etiology in cases of cryptogenic liver diseases and show presence of potential comorbidity factors. Morphological approach is based on the evaluation of semiquantitative histo- logical scores that separately assess activity grade and fibrosis stage. Most hepatocellular carcinomas (HCC) arise in a background of chronic liver diseases leading to cir- rhosis via the development of preneoplastic nodules. According to the last international recommendations, biopsy for HCC diagnosis is restricted to liver nodules > 1 cm with atypical features on imaging. High grade dysplastic nodule is the main differential diagnostic of HCC, and the use of immunohistochemistry with specific markers has shown a significant added-value. HCC prognosis may also be evaluated on biopsy, mainly via the evaluation of tumor differentiation. Lastly, risks of biopsy are really limited, with a low prevalence of tumor dissemination. Fibrosis – cirrhosis – activity – histological scores – dysplastic nodules – hepatocellular carcinoma. RÉSUMÉ La biopsie hépatique, longtemps considérée comme l’examen de référence pour établir le bilan lésionnel des hépatopathies chroniques, est maintenant concurrencée par des moyens non invasifs, principa- lement pour le diagnostic d’une fibrose significative dans le contexte des hépatopathies d’origine virale. Néanmoins, la biopsie hépatique permet une évaluation lésionnelle globale, en précisant le degré d’acti- vité de l’hépatopathie, en identifiant la présence de potentiels cofac- teurs de morbidité, et également en orientant, dans certains cas, vers une étiologie particulière. Le bilan morphologique des hépatopathies chroniques repose sur l’évaluation histologique lésionnelle à l’aide de scores semi-quantitatifs déterminant séparément le grade d’activité du stade de fibrose. Le carcinome hépatocellulaire (CHC) complique le plus souvent l’évo- lution d’une hépatopathie chronique fibrosante, selon un processus séquentiel via la transformation maligne de lésions prénéoplasiques. Selon les recommandations internationales, la biopsie diagnostique du CHC est indiquée pour les nodules > 1 cm atypiques en imagerie. La principale difficulté diagnostique concerne le diagnostic différentiel entre les nodules dysplasiques et le CHC bien différencié, qui peut nécessi- ter une étude immunophénotypique complémentaire. Il est important de réaliser une biopsie du parenchyme hépatique sous-jacent, le plus souvent cirrhotique, qui va faciliter l’analyse morphologique du nodule d’intérêt. Le pronostic du CHC peut également être appréhendé par l’analyse morphologique de la biopsie du nodule tumoral, en mettant en évidence la présence d’un contingent tumoral peu différencié. Les risques liés à la biopsie, en particulier le risque d’essaimage tumoral, est très faible et ne doit pas faire contre-indiquer sa réalisation. Fibrose – cirrhose – activité – score histologique – nodules dysplasiques – carcinome hépatocellulaire. Nicolas Poté a , Valérie Paradis a, * Pathologie hépatique Cirrhose et carcinome hépatocellulaire : indications et rôles de la biopsie hépatique 1. Introduction En pathologie hépatique, les indications diagnostiques de la biopsie hépatique sont variées et dépendent du contexte clinique, à savoir l’existence éventuelle ou non d’une maladie chronique du foie sous-jacente. Ainsi, l’in- terprétation des lésions morphologiques observées doit prendre en compte, dans la mesure du possible, l’ensemble des données cliniques et biologiques. Dans ce chapitre, nous aborderons les indications et les rôles de la biopsie hépatique dans les deux situations cliniques suivantes : (1) hépatopathies chroniques/cirrhose et (2) carcinome a Département d’anatomie pathologique Hôpital Beaujon 100, bd du Général-Leclerc 92118 Clichy cedex INSERM CRB3-U773 – Paris * Correspondance [email protected]

Pathologie hépatique Cirrhose et carcinome hépatocellulaire : indications et rôles de la biopsie hépatique

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Page 1: Pathologie hépatique Cirrhose et carcinome hépatocellulaire : indications et rôles de la biopsie hépatique

ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2013 - N° 448 // 39

article reçu le 21 novembre, accepté le 22 novembre 2012.

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARYLiver pathology cirrhosis and hepatocellular

carcinoma: Indications and role liver biopsy

Liver biopsy, long considered as the gold standard for the evaluation of lesional damages related to chronic liver diseases, is now challenged by non invasive methods, especially in the diagnosis of significant fibrosis and cirrhosis related to viral hepatitis. Never-theless, liver biopsy remains an accurate tool able to specify activity grade and fibrosis stage of chronic liver disease, suggest specific etiology in cases of cryptogenic liver diseases and show presence of potential comorbidity factors. Morphological approach is based on the evaluation of semiquantitative histo-logical scores that separately assess activity grade and fibrosis stage.Most hepatocellular carcinomas (HCC) arise in a background of chronic liver diseases leading to cir-rhosis via the development of preneoplastic nodules. According to the last international recommendations, biopsy for HCC diagnosis is restricted to liver nodules > 1 cm with atypical features on imaging. High grade dysplastic nodule is the main differential diagnostic of HCC, and the use of immunohistochemistry with specific markers has shown a significant added-value. HCC prognosis may also be evaluated on biopsy, mainly via the evaluation of tumor differentiation. Lastly, risks of biopsy are really limited, with a low prevalence of tumor dissemination.

Fibrosis – cirrhosis – activity – histological scores – dysplastic nodules – hepatocellular carcinoma.

RÉSUMÉLa biopsie hépatique, longtemps considérée comme l’examen de référence pour établir le bilan lésionnel des hépatopathies chroniques, est maintenant concurrencée par des moyens non invasifs, principa-lement pour le diagnostic d’une fibrose significative dans le contexte des hépatopathies d’origine virale. Néanmoins, la biopsie hépatique permet une évaluation lésionnelle globale, en précisant le degré d’acti-vité de l’hépatopathie, en identifiant la présence de potentiels cofac-teurs de morbidité, et également en orientant, dans certains cas, vers une étiologie particulière. Le bilan morphologique des hépatopathies chroniques repose sur l’évaluation histologique lésionnelle à l’aide de scores semi-quantitatifs déterminant séparément le grade d’activité du stade de fibrose.Le carcinome hépatocellulaire (CHC) complique le plus souvent l’évo-lution d’une hépatopathie chronique fibrosante, selon un processus séquentiel via la transformation maligne de lésions prénéoplasiques. Selon les recommandations internationales, la biopsie diagnostique du CHC est indiquée pour les nodules > 1 cm atypiques en imagerie. La principale difficulté diagnostique concerne le diagnostic différentiel entre les nodules dysplasiques et le CHC bien différencié, qui peut nécessi-ter une étude immunophénotypique complémentaire. Il est important de réaliser une biopsie du parenchyme hépatique sous-jacent, le plus souvent cirrhotique, qui va faciliter l’analyse morphologique du nodule d’intérêt. Le pronostic du CHC peut également être appréhendé par l’analyse morphologique de la biopsie du nodule tumoral, en mettant en évidence la présence d’un contingent tumoral peu différencié. Les risques liés à la biopsie, en particulier le risque d’essaimage tumoral, est très faible et ne doit pas faire contre-indiquer sa réalisation.

Fibrose – cirrhose – activité – score histologique – nodules dysplasiques – carcinome hépatocellulaire.

Nicolas Potéa, Valérie Paradisa,*

Pathologie hépatiqueCirrhose et carcinome hépatocellulaire : indications et rôles de la biopsie hépatique

1. Introduction

En pathologie hépatique, les indications diagnostiques de la biopsie hépatique sont variées et dépendent du contexte clinique, à savoir l’existence éventuelle ou non d’une maladie chronique du foie sous-jacente. Ainsi, l’in-terprétation des lésions morphologiques observées doit prendre en compte, dans la mesure du possible, l’ensemble des données cliniques et biologiques. Dans ce chapitre, nous aborderons les indications et les rôles de la biopsie hépatique dans les deux situations cliniques suivantes : (1) hépatopathies chroniques/cirrhose et (2) carcinome

a Département d’anatomie pathologiqueHôpital Beaujon100, bd du Général-Leclerc92118 Clichy cedexINSERM CRB3-U773 – Paris

* [email protected]

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hépatocellulaire, en précisant les informations utiles et indispensables à apporter au clinicien pour assurer une prise en charge optimale, adaptée à chaque patient.

2. Biopsie hépatique et cirrhose

Les étiologies des maladies chroniques du foie évoluant vers la cirrhose rencontrées en France concernent prin-cipalement les hépatites virales C, B, la consommation chronique d’alcool et les maladies métaboliques dont l’hémochromatose et le syndrome métabolique. Ce dernier, dont l’incidence augmente en parallèle de celle de l’obé-sité, peut entraîner des manifestations hépatiques variées, reconnues sous le terme de stéatopathie métabolique, allant de la stéatose simple, aux lésions de stéato-hépatite et de fibrose, y compris de cirrhose [1]. La prise en charge des patients ayant une hépatopathie chronique requiert un bilan morphologique précis des lésions tissulaires per-mettant d’une part d’adapter le traitement et d’autre part d’évaluer le pronostic.La biopsie hépatique a longtemps été considérée comme l’examen de référence (« gold standard ») pour établir le bilan lésionnel des hépatopathies chroniques et évaluer leur agressivité en déterminant le degré des lésions nécro-tico-inflammatoires reflétant l’activité et la sévérité de la fibrose témoignant de la gravité de la maladie [2]. Plus rarement, lorsque la cause de l’hépatopathie chronique n’est pas clairement identifiée par les données cliniques et/ou biologiques, la biopsie peut orienter vers une ori-gine étiologique spécifique. Le caractère invasif de la biopsie et la variabilité de l’échantillonnage, la biopsie ne reflétant qu’une infime partie du parenchyme hépatique (environ 1/50 000), ont contribué au développement de moyens non invasifs, principalement pour l’évaluation de la fibrose, qu’ils soient biologiques (biomarqueurs sériques) ou physiques (examens imagerie) [3, 4]. De nombreux marqueurs sériques, le plus souvent en com-binaison, et différentes approches d’imagerie, basées sur la mesure de l’élasticité hépatique, ont été essen-tiellement validés dans le contexte de l’infection par le VHC, et sont maintenant disponibles et utilisés par les cliniciens pour le suivi de ces patients (tableau I) [5]. À l’instar de la biopsie, ces méthodes présentent des limites intrinsèques, telles que l’absence de spécificité hépatique pour les marqueurs sériques qu’ils soient directs (associés à la physiopathogénie de la fibrose) ou indirects, l’applicabilité de la technique et la détermination du seuil diagnostique pour la mesure de l’élastométrie.

Ainsi, la performance de ces méthodes, évaluée par rapport à la biopsie, est modeste (AUC > 0,75) pour le diagnostic de « fibrose significative » (stade Métavir > F2), meilleure pour le diagnostic de cirrhose constituée (AUC > 0,80) [5]. Ainsi, la place de la biopsie doit être reconsidérée, intégrée dans une démarche diagnostique globale en complément des méthodes non invasives associant au moins deux méthodes différentes. Ce type d’approche, limitant la biopsie aux patients dont les tests non invasifs ne sont pas diagnostiques d’une fibrose significative, permettrait d’éviter la réalisation d’une biopsie dans 20 à 50 % des cas selon les projections [6, 7].

2.1. Étude histologique des hépatopathies chroniquesLes lésions élémentaires diagnostiques de l’hépatopathie chronique et de la cirrhose sont diffuses mais d’inten-sité inégale d’un secteur à un autre, et leur évaluation requiert donc un prélèvement tissulaire représentatif, afin de limiter au mieux la variabilité d’échantillonnage. Ainsi, une biopsie de 20 mm comportant au moins une dizaine d’espace porte est jugée adéquate pour établir le diagnostic et évaluer la sévérité de l’hépatopathie chronique [8]. La réalisation de colorations spéciales en complément de la coloration standard (hématéine-éosine), telles que le picro-sirius ou le trichrome de Masson pour l’analyse de l’architecture et de la sévérité de la fibrose, la coloration de Perls pour la recherche de pigments hémosidériniques, sont recommandées et font partie de la prise en charge de routine d’une biopsie hépatique. Le mode de prélèvement est le plus souvent transpariétal, à l’aiguille, mais peut faire appel à la voie transjugulaire chez les sujets ayant des contre-indications à la voie transpariétale, le plus souvent les patients cirrhotiques ayant des troubles de l’hémostase ou une ascite abondante.

2.1.1. Lésions élémentairesLe diagnostic d’hépatopathie chronique repose sur un ensemble de lésions élémentaires touchant les espaces portes et le lobule hépatique. Il s’agit d’un processus inflammatoire ayant des particularités morphologiques selon les étiologies impliquées, en terme de topogra-phie préférentielle (lobulaire versus portale), nature de l’infiltrat inflammatoire, etc. Les éléments histologiques pris en compte dans l’évaluation du grade de l’activité comprennent :1. la nécrose hépatocellulaire qui peut intéresser des hépa-tocytes isolément (corps acidophiles de Councilman), ou regroupés en foyers, le plus souvent peu extensifs dans les hépatites virales. Les lésions de nécrose « en pont », caractérisées par des foyers de nécrose paren-chymateuse entre deux structures vasculaires (veines centrolobulaire et portale le plus souvent) concernent les hépatopathies sévères présentant une activité marquée. La nécrose périportale (ou nécrose parcellaire) est définie par la nécrose d’hépatocytes situés au niveau de la lame bordante (1re travée hépatocytaire au contact de l’espace porte). La présence d’éléments inflammatoires dissociant cette lame bordante, sans nécrose visible au contact, réalise également un tableau d’« hépatite d’interface » ;

Tableau I – Tests sériques non invasifs d’évaluation de la

fibrose dans les hépatopathies chroniques virales C.

Tests sériques Paramètres

Directs ELF (Age, hyaluronate, MMP-3, TIMP-1)MP3 (MMP-3, TIMP-1)

Indirects Fibrotest (α-2-macroglobuline, γGT, apolipoprotéine A1, haptoglobine, âge, sexe)Forns index (âge, plaquettes, cholestérol, γGT)Fibromètre (plaquettes, temps prothrombine, ASAT, α-2-macroglobuline, hyaluronate, urée, âge)Hepascore (bilirubine, γGT, hyaluronate, α-2-macroglobuline, âge, sexe)

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

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2. l’inflammation qui peut s’observer dans les espaces portes et/ou dans le lobule, sous la forme de petits nids inflammatoires intrasinusoidaux, le plus souvent lympho-cytaires dans les hépatites virales, associés ou non à des images de nécrose hépatocellulaire. L’inflammation por-tale, d’intensité variée, est majoritairement composée de cellules mononucléées lymphocytaires dans les hépatites virales, plus ou moins agressive sur la lame bordante. La figure 1 illustre les différentes lésions élémentaires prises en compte dans l’évaluation du grade d’activité des hépa-topathies chroniques.La fibrose est le résultat d’un processus complexe et dyna-mique, aboutissant à l’accumulation de matrice extracel-lulaire dans les différents compartiments hépatiques que sont les sinusoïdes et les espaces porte. Dans les espaces porte, l’accumulation de matrice extracellulaire entraîne leur élargissement, avec constitution de bandes fibreuses qui, en fonction de la sévérité, vont s’étendre, atteindre les espaces portes et/ou veines centrolobulaires adjacents pour in fine, au stade de cirrhose, délimiter des nodules parenchymateux. Les bandes fibreuses sont plus ou moins inflammatoires, selon l’intensité de l’activité de l’hépa-topathie, peuvent abriter une prolifération néoductulaire

et une multiplication vasculaire, dont l’intensité dépend du stade de fibrose, de la sévérité et de l’étiologie de la maladie.La fibrose sinusoïdale est le résultat de l’accumulation de matrice extracellulaire dans l’espace de Disse, espace normalement virtuel situé entre la travée hépatocellulaire et la barrière endothéliale sinusoïdale. Elle s’observe au cours de tout processus fibrogène hépatique, plus mar-quée dans les stades évolués, mais constitue un élément précoce, intéressant la région centrolobulaire, au cours des pathologies liées à la consommation chronique alcoolique ou au syndrome métabolique. Ainsi, la fibrose périsinusoï-dale est un critère intégré dans l’évaluation du stade dans les stéatopathies métaboliques [9].À côté de ces éléments morphologiques diagnostiques des hépatopathies chroniques, d’autres lésions peuvent être observées, témoignant d’une étiologie particulière (exemple : hépatite auto-immune) ou de la présence éventuelle de fac-teurs de comorbidité (exemple : syndrome métabolique, sur-charge en fer). Ainsi, l’infiltrat inflammatoire est volontiers plus polymorphe dans les hépatites auto-immunes où des plas-mocytes sont classiquement présents, en nombre varié, et plus agressif réalisant un tableau d’hépatite sévère (figure 2).

Figure 1 – Lésions élémentaires des hépatopathies chroniques.

A. Nécrose hépatocytaire focale (corps apoptotique de Councliman ➩). À noter, la présence d’une stéatose (✯, hématéine-éosine-safran x100). B. Foyer inflammatoire intralobulaire (➩, hématéine-éosine-safran x100). C. Infiltration portale par des éléments inflammatoires mononucléés qui dissocient en de rares points la lame bordante (nécrose parcellaire,➩, hématéine-éosine-safran x25). D. Fibrose extensive annulaire délimitant des nodules parenchymateux (Métavir stade F4, picrosirius x25).

A B

DC

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Cet infiltrat peut en outre atteindre les canaux biliaires inter-lobulaires, entraînant des lésions de cholangite destructrice non suppurée, dans le cadre des cholangiopathies auto-immunes (cirrhoses biliaires primitives et cholangites sclé-rosantes primitives principalement). L’existence de stéatose et/ou de lésions de stéato-hépatite, définies par la présence de foyers d’hépatocytes clarifiés, ballonisés, pouvant com-porter des corps hyalins de Mallory, doit faire suspecter la présence d’une intoxication alcoolique ou d’un syndrome métabolique (figure 2). La valeur ajoutée de la biopsie, par rapport aux méthodes non invasives, prend toute son importance chez les patients présentant plusieurs facteurs de risque d’hépatopathie, comme une infection virale B ou C et une obésité, ou une consommation excessive d’alcool, voire des stigmates d’auto-immunité.

2.1.2. Scores histologiquesPlusieurs schémas d’évaluation de la gravité des hépa-topathies chroniques ont été développé, tous basés sur l’analyse semi-quantitative des différentes lésions élé-mentaires décrites précédemment [10-12]. Étant donné la relative spécificité des lésions observées en fonction de l’étiologie des hépatopathies chroniques et leur évolu-tion propre, différents scores ont été proposés et validés dans des contextes cliniques spécifiques (tableau II).

Figure 2 – Lésions élémentaires associées à des hépatopathies non virales.

Syndrome métabolique : A. Stéatose macrovacuolaire avec foyer de ballonisation hépatocellulaire et corps hyalin de Mallory intracytoplasmique (➩, hématéine-éosine-safran x100). B. Fibrose périsinusoïdale centrolobulaire avec stéatose (picrosirius x25). Hépatite auto-immune : C. Infiltrat inflammatoire mononucléé riche en plasmocytes (hématéine-éosine-safran x200). Hémochromatose : D. Stéatose et surcharge hémosidérinique hépatocytaire (Perls x100).

A B

DC

Tableau II – Scores histologiques utilisés pour

évaluer la sévérité des hépatopathies chroniques.

Pathologies Scores histologiques

Hépatopathies

virales

(B & C)

Knodell (HAI histologic activity index, 1981)Scheuer (1991), Batts et Ludwig (1995), Ishak (1995), Métavir (1996)

Cirrhose biliaire

primitive

Ludwig et Scheuer (1978)

Hépatopathie

métabolique

NAS (NAFLD activity score, 2005)SAF (steatosis activity fibrosis, 2012)

Tableau III – Hépatopathies chroniques virales :

scores histologiques, grade d’activité.

Grade Paramètres évalués Échelle

Scheuer Activité portale/périportaleActivité lobulaire

0-40-4

Ishak Activité périportaleNécrose confluenteNécrose focale, apoptose, inflammation focaleinflammation portale

0-40-60-40-4

Métavir Nécrose parcellaireNécrose lobulaire

0-30-3

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2013 - N° 448 // 43

Dans le contexte des hépatites virales B et C, à l’exception du score de Knodell publié en 1981, les scores actuelle-ment utilisés évaluent séparément les lésions nécrotico-inflammatoires reflétant le grade d’activité et les lésions de fibrose reflétant le stade des hépatopathies chroniques (tableaux III et IV) [13]. Le score Métavir, établi en 1994 par un groupe de pathologistes experts français, est lar-gement utilisé, reproductible et simple, basé pour le degré d’activité sur un algorithme prenant en compte la nécrose périportale et lobulaire (tableau V) [10]. Ce score définit 5 stades de fibrose allant de F0 (absence de fibrose) à F4 (cirrhose) (figure 3).

3. Biopsie hépatique

et carcinome hépatocellulaire

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) complique le plus souvent l’évolution d’une hépatopathie chronique fibro-sante, quelle que soit son étiologie. Il se développe alors sur un parenchyme hépatique remanié par une cirrhose, selon un processus séquentiel multi-étapes via la trans-formation maligne de lésions prénéoplasiques (nodules régénératifs et dysplasiques). Plus rarement, le CHC se développe sur foie sain, plus volontiers chez les sujets jeunes, pouvant réaliser une entité particulière, le CHC de type fibrolamellaire. L’amélioration des examens d’imagerie a considérablement modifié le dépistage du CHC chez les patients suivis pour cirrhose, et dans ce contexte, des recommandations internationales précisant les modalités diagnostiques du CHC, et donc la place de la biopsie, ont été édictées.

3.1. Biopsie hépatique et diagnostic du carcinome hépatocellulaireLe diagnostic non invasif du CHC développé sur cirrhose repose sur des critères morphologiques dynamiques en imagerie, à savoir l’existence d’un nodule hyperartérialisé se lavant au temps portal. Selon les dernières recommanda-tions internationales, la biopsie est indiquée pour les nodules > 1 cm n’ayant pas les caractéristiques morphologiques de perfusion décrits ci-dessus [14]. La gamme diagnostique d’un nodule sur cirrhose est large, incluant des nodules hépatocellulaires bénins (régénératifs ou dysplasiques), des nodules non hépatocellulaires, bénins (tels que les

Figure 3 – Schéma décrivant les stades de fibrose

selon le score Métavi

EP : espace porte, VCL : veine centrolobulaire.F1. Élargissement des EP. F2. Élargissement des EP avec rares septa. F3. Nombreux septa fibreux sans cirrhose. F4. Cirrhose.

Tableau IV – Hépatopathies chroniques virales : scores histologiques, stade de fibrose.

Scheuer Métavir Ishak

Stade 0 Pas de fibrose Pas de fibrose Pas de fibrose

Stade 1 Élargissement EP Fibrose portale Élargissement quelques EP+ courts septa

Stade 2 Fibrose périportale ou septa interportaux Fibrose portale avec rares septa Élargissement de la plupart EP+ courts septa

Stade 3 Fibrose avec perturbation architecture sans cirrhose

Nombreux septa Élargissement de la plupart EP + septa occasionnels

Stade 4 Cirrhose Cirrhose Élargissement de la plupart EP + nombreux septa

Stade 5 Nombreux septa avec nodules occasionnels

Stade 6 Cirrhose

Tableau V – Score Métavir : grade d’activité selon

l’algorithme intégrant la nécrose parcellaire

et la nécrose lobulaire comme paramètres

histologiques.

Nécrose parcellaire

(NP)

Nécrose lobulaire

(NL)

Activité (A)*

NP = 0

NL = 0NL = 1NL = 2

A = 0A = 1A = 2

NP = 1NL = 0, 1NL = 2

A = 1A = 2

NP = 2NL = 0,1NL = 2

A = 2A = 3

NP = 3 NL = 0, 1, 2 A = 3

* A0 (absente), A1 (discrète), A2 (modérée), A3 (sévère).

hémangiomes) ou malins (tels que les cholangiocarci-nomes, CC) [15]. Le diagnostic de CC a un impact clinique significatif d’autant que cette tumeur est associée à un mauvais pronostic et n’est pas, dans sa forme périphérique

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intra-hépatiques, même développé sur cirrhose, une indi-cation de transplantation hépatique. Les caractéristiques histologiques du CC, à savoir une prolifération carcino-mateuse d’architecture glandulaire de phénotype excréto-biliaire associée à un stroma fibreux, font de cette tumeur un diagnostic morphologique relativement facile. Le dia-gnostic cytologique de malignité, obtenu par une ponction à l’aiguille 22 gauge, a montré sa bonne performance dans une série monocentrique de tumeurs malignes hépatiques (sensibilité 84,1 %, spécificité 100 %), avec aucun faux positif de CC (figure 4) [16].

3.1.1. Diagnostic histologiqueLe diagnostic de CHC repose sur des arguments cyto-logiques et architecturaux bien définis dans la littérature (tableau VI). Si ce diagnostic peut être difficile sur biopsie, l’interprétation des critères morphologiques est facilitée par l’analyse comparative avec le tissu hépatique avoisi-nant. En effet, le principal diagnostic différentiel du CHC

Figure 4 – Tumeurs primitives malignes hépatiques :

diagnostic cytologique (A et B) et histologique (C et D).

A. Carcinome hépatocellulaire : étalement cellulaire montrant, sur un fond hématique, de nombreux noyaux nus fortement nucléolés (hépatocytes tumoraux, ➩) mêlés à des hépatocytes non tumoraux (MGG x200). B. Cholangiocarcinome : étalement cellulaire montrant des cellules cubiques atypiques réalisant quelques structures glandulaires (MGG x400). C. Carcinome hépatocellulaire : biopsie montrant sur un fragment, une prolifération tumorale bien différenciée de type carcinome hépatocellulaire, les autres fragments ont intéressé du parenchyme hépatique non tumoral (hématéine-éosine-safran x25). D. Cholangiocarcinome : biopsie montrant une prolifération carcinomateuse glandulaire (➩) associée à du stroma fibreux (hématéine-éosine-safran x25).

A B

DC

Tableau VI – Critères histologiques différenciant

les nodules dysplasiques de haut grade

de malignité des CHC très bien différenciés.

Critères histologiques Nodule

dysplasique

haut grade de

malignité

CHC très bien

différencié

Atypies nucléaires ✓ ✓

Densité cellulaire x 1.5-2 > 2

Épaississement des

travées hépatocellulaires< 3 cellules > 3 cellules

Pseudoglandes Focal Plurifocal

Espaces porte résiduels ✓ ✓

Artères isolées ✓ ✓

Invasion stromale ø ✓

Trame réticulinique ✓ Fragmentée

Capillarisation sinusoïdale Focale Plurifocale

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

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implique les nodules prénéoplasiques qui couvrent un spectre lésionnel varié allant du nodule bénin, régénératif, au nodule dysplasique de haut grade de malignité associé à un risque de transformation maligne. En 2009, un consen-sus international, réunissant des anatomopathologistes experts en pathologie hépatique, a proposé, à partir de la confrontation de données histologiques et cliniques, une classification des « petits » nodules hépatocellulaires (< 2 cm de grand axe) développés sur cirrhose [17]. Selon cette classification, deux groupes de nodules sont définis : (1) les nodules prénéoplasiques, comprenant les nodules dysplasiques de bas et haut grade de malignité, et (2) les nodules malins comprenant les CHC bien et modérément différenciés. Le diagnostic morphologique de ces différents nodules hépatocellulaires repose sur des critères cyto-logiques (densité cellulaire, atypies cytonucléaires,…) et architecturaux (expansion clonale, épaisseur des travées hépatocellulaires, aspect de la trame réticulinique et de la vascularisation,…). Si toutefois, ces critères sont rela-tivement peu discriminants entre un nodule dysplasique de haut grade de malignité et un CHC bien différencié, la présence de cellules hépatocytaires infiltrant de la matrice

extracellulaire, définissant l’invasion stromale, est présentée comme un critère formel de malignité (figure 5).Les quelques études évaluant la performance de la biopsie dans le diagnostic de CHC rapportent une spécificité et une valeur prédictive positive de 100 % avec une sensibilité proche de 90 %, sensibilité moindre pour les nodules < 1 cm ou pour les prélèvements réalisés avec des aiguilles de calibre infé-rieur (21-22 gauge) ne permettant qu’une analyse cytologique [18, 19]. Toutefois, la variabilité de l’échantillonnage liée au prélèvement biopsique peut expliquer des sensibilités plus faibles, d’autant que les critères histologiques diagnostiques de malignité sont irrégulièrement distribués au sein d’un nodule [15]. Il apparaît donc indispensable de développer des critères plus robustes, d’une part plus objectifs et d’autre part plus reproductibles, permettant de discriminer au mieux les nodules prénéoplasiques des CHC avérés.

3.1.2. Diagnostic moléculaireDes études moléculaires transcriptomiques, comparant des nodules dysplasiques à des CHC, ont identifié différents types de marqueurs tissulaires diagnostiques [20, 21]. Le nombre de marqueurs discriminants, parfois très élevé,

Figure 5 – Nodule dysplasique de haut grade de malignité et carcinome hépatocellulaire.

A. Nodule dysplasique de haut grade de malignité caractérisé par une trame réticulinique conservée soulignant des travées désorganisées, non épaissies (Gordon-Sweet x25). B. Carcinome hépatocellulaire très bien différencié caractérisé par une trame réticulinique fragmentée et diminuée (Gordon-Sweet x25). C. Invasion stromale définie par la présence d’hépatocytes infiltrant la matrice extracellulaire (hématéine-éosine-safran x25). D. Immunomarquage glypican-3 : présence d’une positivité cytoplasmique granulaire des hépatocytes tumoraux (x25).

A B

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pour différencier les nodules dysplasiques de haut grade de malignité des CHC < 2 cm souligne la difficulté diagnostique et conforte l’hypothèse d’un continuum morphologique dans le développement et la progression tumorale de ces nodules hépatocellulaires. Enfin, seul un petit nombre de marqueurs ont été validés sur coupe tissulaire par étude immunohistochimique, technique applicable en routine, y compris sur prélèvement biopsique, à la différence de l’approche transcriptomique. Parmi eux, le glypican 3, protéine oncofœtale ré-exprimée dans près de 80 % des CHC développés sur cirrhose selon les séries, peut être considéré comme un marqueur performant, validé sur biopsie et aspiration cytologique (figure 5) [22, 23]. La combinaison de différents marqueurs moléculaires consti-tue une approche intéressante permettant d’améliorer la sensibilité diagnostique globale. Ainsi, un panel de 3 marqueurs [glypican-3, HSP70 et glutamine synthétase] a montré sa performance dans une série de prélèvements chirurgicaux comparant des nodules dysplasiques de haut grade de malignité à des CHC < 2 cm (« early HCC ») avec 72 % de sensibilité et 100 % de spécificité pour le dia-gnostic de malignité lorsqu’au moins 2 de ces marqueurs

étaient positifs [24]. La performance de ce panel pour le diagnostic de malignité a été ensuite confirmée dans une série biopsique de nodules sur cirrhose (performance de 78,4 % avec 100 % de spécificité) [25]. De plus, l’immu-nomarquage cytokératine 7, en soulignant la prolifération néoductulaire associée à la réaction fibreuse, permettrait de mieux identifier la présence d’invasion stromale, critère de malignité, au sein d’un nodule ; les nodules dyspla-siques de haut grade montrant une positivité à l’opposé des nodules carcinomateux [26].

3.1.3. Biopsie du foie non tumoralLa cirrhose est un tissu hétérogène réalisant un état favo-risant la survenue du CHC selon un processus séquentiel impliquant le plus souvent la transformation maligne de nodules prénéoplasiques. L’identification d’une signa-ture moléculaire pronostique du tissu cirrhotique et non du tissu tumoral souligne l’importance de l’analyse du parenchyme cirrhotique associé au CHC, même si aucune lésion histologique n’a été clairement mise en évidence [27]. Cependant, la biopsie du foie non tumoral, en paral-lèle de la biopsie du nodule d’intérêt, est à encourager

Figure 6 – Carcinome hépatocellulaire : critères histopronostiques.

A. CHC bien différencié d’architecture trabéculaire (hématéine-éosine-safran x100). B. CHC modérément différencié d’architecture trabéculaire et pseudo glandulaire (hématéine-éosine-safran x25). C. CHC peu différencié fait de massifs de cellules basophiles irrégulières ayant un noyau fortement nucléolé (hématéine-éosine-safran x200). D. Invasion vasculaire : présence d’embols tumoraux endoveineux intracapsulaires et à l’interface avec le parenchyme non tumoral (➩, hématéine-éosine-safran x25).

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

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pour au moins deux raisons : (1) faciliter le diagnostic morphologique du nodule en fournissant une analyse comparative avec le parenchyme cirrhotique sous-jacent et (2) identifier des lésions prénéoplasiques, telles que la dysplasie hépatocellulaire à petites cellules ou des lésions associées à la survenue d’un cancer, telles que la dyspla-sie hépatocellulaire à grandes cellules. Plus récemment, la présence de foyers de cellules intermédiaires « hépa-tobiliaires », exprimant simultanément des marqueurs de différenciation hépatocellulaire et biliaire, sur des biopsies hépatiques de patients suivis pour cirrhose virale C, a été identifiée comme facteur prédictif indépendant de CHC [28]. En effet, si la biopsie du foie cirrhotique sous-jacent n’améliorera pas en soi la performance diagnostique de la biopsie du nodule, elle apporte des éléments morpho-logiques comparatifs précieux à l’anatomopathologiste (caractéristiques cytologiques et architecturales) et au clinicien (éléments pronostiques).

3.2. Biopsie hépatique et pronostic du carcinome hépatocellulaireLe pronostic du CHC dépend de différents facteurs mor-phologiques, macroscopiques (nombre, taille, présence de nodules satellites) et microscopiques (différenciation tumorale, présence d’un contingent de CC ou de signes d’invasion vasculaire). Ces critères microscopiques, acces-sibles à l’examen d’une pièce de résection permettant un échantillonnage exhaustif de la tumeur, sont diversement appréciables sur biopsie (figure 6).

3.2.1. Différenciation tumoraleParmi eux, la différenciation tumorale est un facteur pro-nostique indépendant associé à la survie des patients opérés ou transplantés pour CHC [29]. De même, le degré de différenciation, et plus particulièrement le caractère peu différencié de la prolifération néoplasique, représente le meilleur facteur prédictif de récidive tumorale. Ces don-nées soulignent l’importance de considérer la différencia-tion tumorale dans la prise en charge des patients avec CHC et donc d’évaluer la performance de la biopsie dans l’évaluation de ce critère. Dans une étude rétrospective analysant le degré de concordance de la différenciation tumorale entre la biopsie et la pièce opératoire, Pawlik et al. rapportent une concordance médiocre selon que l’on utilise un système à 3 (bien, modérément et peu dif-férencié, κ = 0,18) ou 2 grades de différenciation (bien/modérément versus peu différencié, κ = 0,37) [30]. Ces résultats, peu encourageants, sont à nuancer d’autant que cette étude a porté sur une série chirurgicale rétros-pective et hétérogène, incluant des tumeurs hétérogènes, de taille variée (2 à 23 cm), associées à une cirrhose dans seulement la moitié des cas. Ainsi, plus récemment, une étude monocentrique incluant uniquement des nodules développés sur cirrhose a clairement démontré l’impact de la taille tumorale sur la performance de la biopsie dans l’évaluation de la différenciation tumorale selon un système à 2 grades [31]. Si le degré de concordance était de 91,4 % pour l’ensemble des CHC, quelle que soit leur taille, celui-ci était de 77 % pour les tumeurs > 6,5 cm et atteignait 100 % pour les nodules de 2 à 3 cm de grand axe. Les résultats de cette étude, montrant la très bonne

performance de la biopsie pour identifier les CHC peu différenciés, suggèrent de considérer la biopsie dans une stratégie de sélection des patients pour transplantation hépatique. Ainsi, la stratégie, visant à ne pas transplan-ter les patients ayant un CHC peu différencié, prouvé histologiquement sur biopsie, s’est montrée pertinente avec une amélioration de la survie des patients ayant un CHC évolué (hors critères de Milan) [32]. Ces résultats soulignent l’importance de la différenciation tumorale qui reflète au mieux le comportement biologique d’une prolifération tumorale.

3.2.2. Invasion vasculaireSi l’invasion vasculaire (microscopique ou macrosco-pique), définie par la présence de cellules tumorales dans les axes vasculaires, est un facteur histopronos-tique de CHC, il est évident que son identification sur la biopsie du nodule est aléatoire voire peu vraisemblable, d’autant que les emboles tumoraux endoveineux sont préférentiellement observés en périphérie de la tumeur (dans la capsule tumorale ou au sein du tissu non tumo-ral adjacent). Différentes études ont mis en évidence l’association de l’invasion vasculaire avec d’autres fac-teurs histopronostiques, tels que la taille tumorale et le degré de différenciation, ou des facteurs clinico-bio-logiques comme le taux sérique d’alfa-fœtoprotéine, pouvant ainsi limiter sa pertinence comme facteur pro-nostique préopératoire [29, 30]. Toutefois, si l’identifica-tion de marqueurs moléculaires associés à la présence d’invasion vasculaire, analysables sur le tissu tumoral, pourrait permettre d’évaluer plus finement le pronostic des patients avec CHC, aucun n’a été validé sur biopsie jusqu’à présent.

3.2.3. CHC : sous-types tumorauxL’étude moléculaire des CHC, par des approches de transcriptomique essentiellement, a contribué à mieux appréhender leur pronostic et définir des sous-types présentant des phénotypes biologiques distincts. Ainsi, différentes études ont identifié un groupe de CHC associé à un mauvais pronostic, caractérisé par l’expression de marqueurs de cellules hépatiques progénitrices [33]. Si la liste exhaustive de tels marqueurs n’est pas clairement définie, certains ont montré leur performance pronostique par immunohistochimie à partir de pièces opératoires [34]. La performance de la biopsie dans ce contexte n’a pas été évaluée et il est probable, étant donné l’hété-rogénéité phénotypique potentielle de ces tumeurs et la variabilité de l’échantillonnage de la biopsie, qu’une combinaison de marqueurs sera plus performante qu’un marqueur isolé. De même, la complexité de la carcino-genèse hépatique associée à la cirrhose peut aboutir au développement de tumeurs mixtes, présentant une double différenciation hépatocellulaire et biliaire. Ces tumeurs, intitulées hépato-cholangiocarcinomes, sont classiquement associées à un pronostic plus péjoratif que les CHC, se rapprochant de celui des CC. La nou-velle classification OMS des tumeurs primitives malignes hépatiques introduit la notion d’hétérogénéité dans ce groupe de tumeurs mixtes et identifie plusieurs sous-types ; certains associés à la présence de marqueurs

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moins de 2 % des cas, n’est pas clairement associé à des facteurs de risque particuliers, tels que le nombre de passages, la taille de l’aiguille, la localisation, etc. On peut cependant suggérer que l’utilisation d’aiguille coaxiale limiterait ce risque. Comme pour les autres indications de biopsie hépatique, certaines situations cliniques ou biologiques contre-indiquent la biopsie d’un nodule sur cirrhose, principalement la présence d’une ascite ou des troubles de l’hémostase et la non visibilité du nodule en échographie.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de

conflits d’intérêts en relation avec cet article.

de cellules progénitrices. Si l’impact pronostique de ces différents sous-types reste à préciser, la performance de la biopsie dans leur diagnostic, actuellement non évaluée, sera certainement accrue grâce à l’utilisation de marqueurs immunophénotypiques en complément de l’analyse morphologique.

3.3. Limites de la biopsieLa biopsie est un examen invasif et donc susceptible d’entraîner des complications plus ou moins graves. Parmi elles, la biopsie d’une tumeur peut s’accompagner d’un risque d’essaimage tumoral sur le trajet de ponction et de dissémination systémique. Ce risque, rapporté dans

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