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Pathologie respiratoire. agents bactériens impliqués dans les bpi des bovins

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Page 1: Pathologie respiratoire. agents bactériens impliqués dans les bpi des bovins

par Alain DouartMédecine des animaux

d’élevage, ENVN, Atlanpole LaChantrerie, BP 40706, 44307

Nantes Cedex 03

Le Point Vétérinaire / N° 231 / Décembre 2002 / 26

Se former / COURS /

Les pasteurelles (Mannheimia haemolytica et Pasteurella multocida) etles mycoplasmes (Mycoplasma bovis) sont les principaux agents bactériensimpliqués dans les affections de l’appareil respiratoire profond des bovins.

es bronchopneumonies infectieuses(BPI) des jeunes bovins relèvent le plussouvent d’une étiologie complexe oùinteragissent de manière séquentielleet synergique trois types de facteurs :

❶ des facteurs prédisposants : anatomie del’appareil respiratoire, immaturité physiolo-gique et fonctionnelle de l’appareil respiratoiredes jeunes bovins, en particulier dans les racesdites “viandeuses” ; ❷ des facteurs favorisants, qui agissent soit enaugmentant les risques de contamination desanimaux, soit en diminuant leurs moyens dedéfense générale ou locale ; ❸ des agents microbiens, qui, même s’ils nepeuvent pas le plus souvent agir isolément,restent les éléments indispensables des attein-tes de l’appareil respiratoire profond des bovins.

Les agents microbiens impliqués dans cesbronchopneumonies sont de nature virale(VRSB, virus PI3, coronavirus, BVDV, BHV1,etc.) ou bactérienne. De très nombreusesespèces bactériennes peuvent être isolées delésions pulmonaires lors d’évolution de BPI.Celles-ci sont responsables de la gravité deslésions, du passage à la chronicité et de l’appa-rition de non-valeurs économiques. Lesbactéries les plus fréquemment isolées despoumons de bovins malades sont des pasteu-relles : Mannheimia haemolytica et Pasteurellamultocida. D’autres bactéries sont égalementisolées, entre autres des mycoplasmes(Mycoplasma bovis), des corynébactéries(Arcanobacterium pyogenes), des salmonelles(Salmonella Typhimurium) et une autre bactériede la famille des Pasteurellacae, Haemophilussomnus(1).

Les pasteurellesLes pasteurelles sont à l’évidence, par leurfréquence d’isolement (l’essentiel des souchesbactériennes isolées lors de troubles respira-toires chez les jeunes bovins appartient à l’unedes deux espèces bactériennes citées) et l’impor-tance de leur pouvoir pathogène, les bactériesqui méritent le plus d’attention. Les pasteurel-les sont des hôtes normaux du nasopharynx desbovins, où elles vivent en germes commensauxchez nombre d’entre eux, sous forme de flore

dominée. Le veau se contamine très tôt aprèssa naissance, sans doute par contact nez à nezavec sa mère.

1. Mannheimia haemolyticaMannheimia haemolytica est la pasteurelleréputée la plus pathogène chez les bovins (voirl’ENCADRÉ “De Pasteurella à Mannheimia”).Cependant, même s’il semble exister dessouches de M. haemolytica dont le pouvoirpathogène est suffisant pour qu’elles soient desagents pathogènes primaires, le plus souvent,la “pasteurellose” est secondaire, soit à uneprimo-infection virale ou mycoplasmique, soità tout autre facteur d’agression des systèmesde défense de l’animal (stress, ambiancedélétère).D’une manière générale, l’administration deM. haemolytica par voie nasale chez desanimaux sains est peu probante : les bactériesqui pénètrent jusqu’au poumon sont rapide-ment éliminées (90 % en quatre heures), avectout au plus l’apparition d’une fièvre transitoireet d’une infiltration neutrophilique discrète dupoumon. Le “shunt” des premières voiesrespiratoires permet une reproduction plusaisée des lésions pulmonaires de pasteurellose. Au bilan, M. haemolytica, sans satisfaire pleine-ment à la rigueur des postulats de Koch,apparaît néanmoins comme un agent pathogènemajeur.

Mannheimia haemolytica est un parasite ou uncommensal obligatoire des bovins et des ovins.Toutes les souches sont isolées chez les bovinset chez les ovins. La bactérie n’est pas retrouvéedans le milieu extérieur, sauf lorsque celui-ciest contaminé par un animal excréteur. Sa

LMême s’ils ne peuventpas le plus souvent agir

isolément, les agents microbi-ens sont les éléments essen-tiels des bronchopneumoniesinfectieuses des jeunes bovins.Parmi les bactéries, les pas-teurelles sont celles qui sontle plus fréquemment isolées.Deux espèces jouent un rôleparticulièrement important :Mannheimia haemolytica etPasteurella multocida. Lessérotypes 1 et 6 de M. hae-molytica (PhA1, PhA6) possè-dent de nombreux facteurs devirulence. La leucotoxine joueun rôle pathogène détermi-nant et est un support impor-tant de l’immunité. Des myco-plasmes sont fréquemmentisolés des poumons de bovinsatteints de troubles respira-toires. Les différentes espècesisolées ne possèdent pas lemême pouvoir pathogène.Parmi les mycoplasmes fré-quemment isolés, certains nepossèdent pas de pouvoirpathogène ou génèrent toutau plus une infection subcli-nique. Seul M. bovis possèdeun réel pouvoir pathogène.Des formes pulmonaires desalmonellose atteignentessentiellement les veaux deboucherie, en élevage inten-sif. Salmonella Typhimuriumest le sérovar le plus couram-ment isolé.

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Résumé

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE

Plan de travail en bois 1 heure

Paille à 20 °C 24 heures

Paille à 4 °C 48 heures

Eau à 20 °C 3 jours

Eau à 4 °C 7 jours

Milieu Résistance

Résistance de Mannheimiahaemolytica dans le milieu extérieur

Agents bactériens impliquésdans les BPI des bovins

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résistance dans le milieu extérieur est faible.Elle est augmentée par le froid ou l’humidité(voir le TABLEAU “Résistance de Mannheimiahaemolytica dans le milieu extérieur”).

Par hémagglutination passive, il est possible dedéfinir dix-sept sérotypes au sein de l’ex-espècePasteurella haemolytica. Il existe une corréla-tion entre les biotypes et les sérotypes : lessérotypes 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 16 et 19appartiennent au biotype A, c’est-à-dire àl’actuelle espèce Mannheimia haemolytica.Certains sérotypes (notamment les sérotypes 1et 2) sont des hôtes normaux des voies respira-toires. Cependant, M. haemolytica (et ses séroty-pes 1 et 2) ne constitue pas la flore dominantedes premières voies respiratoires, et est souventdifficile à isoler à partir d’écouvillonnagesnasaux pratiqués chez des animaux en bonnesanté.Le sérotype 2 est le plus fréquemment isolé dunasopharynx des animaux sains. Le sérotype 1a été pendant longtemps le plus souvent isolélors d’atteinte respiratoire profonde, d’où leterme de pasteurellose à Mannheimia haemoly-tica 1 (Pasteurella haemolytica A1). Le sérotype6 est également isolé de plus en plus fréquem-ment depuis quelques années.

! Le sérotype 1 (ex-Pasteurella haemolytica A1)• Facteurs de virulence de Mannheimiahaemolytica 1 (PhA1)Mannheimia haemolytica 1 tire son pouvoirpathogène de multiples facteurs de virulence.Les souches isolées de matériel pathologiquepossèdent en particulier :- des fimbriae (ou pili), qui permettent, semble-t-il, une adhésion au niveau des voies respira-toires supérieures, facilitant la colonisation del’épithélium pulmonaire ;- un polysaccharide de capsule (dont lacomposition chimique varie selon les séroty-pes). La capsule, volumineuse chez les souchesisolées de matériel pathologique, permet l’atta-chement aux cellules épithéliales et est chimio-tactique pour les polynucléaires neutrophiles,tout en s’opposant à la phagocytose (diminu-tion de l’ingestion, résistance à la bactéricidie).Elle s’oppose également à l’action lytique ducomplément.Les fimbriae et le matériel capsulaire sontfortement représentés lorsque les bactéries sonten phase de multiplication ;- le LPS, qui, localement, via l’activation de lavoie alterne du complément, la stimulation dela synthèse de cytokines (IL-1b, TNFa, IL-8) etla stimulation de la synthèse des métabolitesde l’acide arachidonique par les macrophages,provoque une inflammation avec infiltrationcellulaire, notamment par des neutrophiles. Lerôle du LPS, dans le chimiotactisme des neutro-philes, donc dans la genèse des lésions, estimportant. Il ne semble pas cependant que,dans le cadre particulier des pasteurellosesrespiratoires, il ait des effets systémiquesmajeurs, à moins d’une rupture de l’intégrité dela muqueuse respiratoire ;- des protéines de membrane (Outer MembraneProtein, OMP), qui inhibent la phagocytose des

neutrophiles et la lyse des bactéries ingérées.Mannheimia haemolytica 1 sécrète de nombreu-ses enzymes (protéases, neuraminidases), quipeuvent faciliter la colonisation des muqueu-ses, ainsi qu’une leucotoxine.La leucotoxine de M. haemolytica est uneexotoxine thermolabile, classée parmi les “repeatin the structural toxin” (RTX) en raison de sastructure. Elle est produite seulement par labactérie métaboliquement active (pendant laphase exponentielle de la croissancebactérienne).La leucotoxine est chimiotactique pour lesleucocytes (et particulièrement pour les polynu-cléaires neutrophiles), ce qui induit un recrute-ment cellulaire et, secondairement, uneaggravation des lésions pulmonaires.En effet, la leucotoxine est une cytolysine qui,en formant des pores dans les membranes descellules cibles (uniquement macrophages,leucocytes, thrombocytes des ruminants) oupar apoptose, entraîne leur destruction et lalibération de nombreuses substances phlogo-gènes (enzymes protéolytiques, radicaux libresoxygénés, eicosanoïdes, histamine). À moindredose, elle favorise la dégranulation des polynu-cléaires neutrophiles, ainsi que l’agrégation etl’activation des plaquettes (avec thrombosevasculaire et exsudation fibrineuse). Elleprovoque une importante réaction inflamma-toire locale (œdème et dépôt de fibrine).L’importance de la leucotoxine est mise enévidence par l’existence de mutants bactériensincapables de synthétiser cette toxine et qui,expérimentalement, sont moins pathogènespour les bovins.

• Pathogénie de l’infection à Mannheimia haemolytica 1 (PhA1)L’expression du pouvoir pathogène de Mannhei-mia haemolytica 1 est conditionnée par unepremière multiplication locale (dans lenasopharynx) des germes (donc par leuraugmentation dans les sécrétions), concomi-tante d’une altération des mécanismes dedéfense de l’appareil respiratoire. La ruptured’équilibre entre les bactéries commensales et !!

! Au sein de l’ex-espèce bactériennePasteurella haemolytica, trois biotypes(“bioviars”) étaient reconnus : - le biotype A pour les souches fermen-tant l’arabinose mais pas le tréhalose ;- le biotype T pour les souches fermentantle tréhalose, mais pas l’arabinose ;- un troisième biotype réunissant lessouches n’appartenant ni au biotype A, niau biotype T.! Par taxonomie numérique, il a été montréque les souches des biotypes A et T sontdistinctes, d’où la proposition, faite en1990, d’appeler les souches tréhalose-positives (biotype T) Pasteurella trehalosiet celle, faite en 1999, de dénommer lessouches appartenant au biotype AMannheimia haemolytica, terme qui doitêtre maintenant utilisé.

D’autres études (hybridation ADN-ARN)tendent à rapprocher Pasteurella haemoly-tica d’un autre genre de la famille desPasteurellacae, le genre Actinobacillus (lesgenres Pasteurella et Actinobacillus sonten effet très proches, aussi est-il particu-lièrement intéressant de comparer lesfacteurs de pathogénicité d’Actinobacilluspleuropneumoniae, agent pathogène duporc, à ceux de M. haemolytica). ! Le biotype A (Mannheimia haemolytica)constitue le biotype le plus important enpathologie respiratoire des bovins. Chezle mouton, le biotype A (Mannheimiahaemolytica) est largement impliqué dansles problèmes respiratoires (pneumonieenzootique) et le biotype T (Pasteurellatrehalosi) est responsable de la pasteurel-lose septicémique.

De Pasteurella à Mannheimia

(1) Haemophilus somnus,bactérie de la famille desPasteurellacae, est reconnuede première importance dans les feed-lots d’Amériquedu Nord. Il n’est pasexceptionnel de l’isolerdans la mesure où certainesprécautions sont prisespar le laboratoire.

ATTENTION• Le biosérotype A1 de M. haemolyticaest le plus souvent isolé lors d’atteinte respiratoireprofonde.

• Le biosérotype A2est le plus fréquemmentisolé du nasopharynx des animaux sains.

• Le biosérotype A6 est de plus en plus souventisolé des poumonspathologiques de bovins.

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Se former / COURS /

l’hôte trouve son origine dans les stress detransport (“shipping fever”), les regroupementsd’animaux (“crowding disease”) (PHOTO 1), lesmauvaises conditions climatiques ou lesbrusques changements d’alimentation. Lesinfections respiratoires virales ou mycoplas-miques constituent d’autres facteurs favorisantsdont l’importance est prouvée expérimentale-ment par l’obtention plus aisée de lésionspulmonaires typiques chez les animaux soumisà un brusque changement climatique ou préala-blement inoculés avec un virus respiratoire.Grâce à ses facteurs d’attachement (pili, capsuleen particulier), Mannheimia haemolytica 1adhère à l’épithélium, et ce d’autant plus facile-ment qu’un agent pathogène primaire (viral parexemple) a lésé préalablement la muqueuse.L’ensemencement secondaire de l’appareilrespiratoire profond, par inhalation d’aérosolsinfectieux, conduit à la maladie. L’inflamma-tion qui résulte de la multiplication du germedans le poumon s’accompagne d’un affluxmassif de polynucléaires neutrophiles. Ceux-ci,ainsi que les cellules de l’immunité spécifiquecellulaire (lymphocytes, macrophages alvéolai-res) sont détruits par la leucotoxine sécrétéealors par Mannheimia haemolytica 1 en phasede pleine multiplication. Cela favorise lamultiplication bactérienne, de même que lalibération des enzymes intracellulaires exacerbela réponse inflammatoire.De cette réaction suicidaire (par réactioninflammatoire incontrôlée) résultent les lésionstypiques de pneumonie broncho-alvéolairefibrineuse ou fibrinohémorragique avecprésence de foyers de nécrose (PHOTO 2).

La localisation préférentielle des lésions est, pourdes raisons anatomiques, cranioventrale. Le tiersantéroventral du poumon est préférentiellementatteint. Les lésions pulmonaires sontsymétriques, largement exsudatives et fibrineu-ses (PHOTO 3), ce qui les distingue des lésionsd’origine virale. Elles sont souvent accompagnéesde lésions de pleurésie fibrineuse, ce qui entraînedes adhérences entre lobes ou entre plèvres. Lesganglions médiastinaux sont hypertrophiés etsucculents. Après section des lobes pulmonaires

atteints, la coupe révèle un aspect hétérogène dûà des zones hémorragiques, à des zones denécrose et à des zones de consolidation. Lanécrose de coagulation est la lésion la pluscaractéristique de la pasteurellose à Mannhei-mia haemolytica. Les foyers de nécrose sontrouge sombre, à contours irréguliers, strictementlimités par un liseré blanchâtre. Les lésionsinflammatoires sont prédominantes, et sontmises en évidence par la présence d’un exsudatsérofibrineux dans les espaces interlobulaires etcelle d’une pleurésie fibrineuse. À la pression, lesbronches laissent sourdre du liquide, muqueuxou purulent, voire hémorragique (présence decaillots). L’analyse histologique confirme lanature inflammatoire des lésions et permet dedécrire des lésions caractéristiques (avec unezone centrale nécrotique entourée d’une couchedense de cellules à l’aspect particulier, dites“cellules en grains d’avoine”, ou oat-cells).

• ImmunitéDans le poumon sain, la cellule de défense laplus importante est le macrophage alvéolairequi assure, avec les anticorps opsonisants, lapremière ligne de défense.L’immunité spécifique envers Mannheimiahaemolyticaa est dirigée contre la leucotoxine,les antigènes de capsule et les autres antigènesde surface.La leucotoxine est un support essentiel del’immunité. La capacité de résistance desanimaux à la pasteurellose à Mannheimiahaemolytica est corrélée à leur titre en anticorpscirculants qui neutralisent la leucotoxine. Laclasse d’anticorps qui semble la plus active estcelle des IgG, cet isotype étant prédominantdans le poumon, par passage des anticorps dusérum lors d’inflammation pulmonaire. Les IgA(immunité locale) semblent peu efficaces. S’ilssont nécessaires à la protection, les anticorpsantileucotoxine ne sont cependant passuffisants. Ainsi, les anticorps recombinantsantileucotoxine seuls ne protègent pas contreune épreuve virulente expérimentale. Même sila résistance à une exposition expérimentale estlargement corrélée au titre en anticorps neutra-lisant la leucotoxine, présents dans le sérum,

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PHOTO 1. La mise en lot des jeunes bovins est un facteurfavorisant de l’expression des pasteurelloses.

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PHOTO 2. Lésions de pneumonie fibrinohémorragique avec présence de foyers de nécrose.

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ATTENTION• La leucotoxine est un support importantde l’immunité contreM. haemolytica.

• Les anticorpsantileucotoxine de M. haemolytica A1protègent contre la leucotoxine des autres sérotypes.

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d’autres antigènes, en particulier des antigènesde surface de la bactérie, participent cependantà l’apparition d’une immunité protectrice.La leucotoxine n’est jamais produite en grandequantité par l’animal sain. M. haemolytica n’estalors qu’une bactérie commensale, “dominée”,de la flore normale du nasopharynx etn’exprime pas ou peu ses capacités de synthèsede la leucotoxine. Les animaux qui n’ont pasété atteints d’une infection de l’appareil respira-toire profond par Mannheimia haemolytican’ont donc que fort peu d’anticorps antileuco-toxine, le site majeur de la réponse immuneétant le poumon. Les animaux “naturellement”immunisés ont probablement fait l’objet d’uneinfection pulmonaire subclinique, laquelle ainduit une réponse immune à ce niveau.Les anticorps anticapsule complètent l’actiondes anticorps antileucotoxine, en favorisantl’opsonisation, sous la protection d’une neutra-lisation de la leucotoxine.Les fimbriae, seuls, induisent une protectionincomplète, mais participent à la protectionconférée par les vaccins mis sur le marché aucours des dernières années.Ceux-ci, réalisés à partir d’un surnageant deculture en phase logarithmique de croissancecontenant des fimbriae, du matériel capsulaireet de la leucotoxine, induisent la productiond’un ensemble d’anticorps agglutinants, opsoni-sants, anticapsulaires et neutralisant la toxine.Les anticorps dirigés contre le LPS n’ont aucuneefficacité pour protéger les animaux d’uneinfection expérimentale. C’est pourquoi lesorganismes bactériens (et le LPS) ont étééliminés des derniers vaccins commercialisés,ce qui supprime nombre d’effets secondairesdéfavorables.

! Les autres sérovarsLe sérotype 6 est de plus en plus souvent isolédes poumons pathologiques de bovins, qu’ils’agisse de veaux ou de broutards. La comparaison des groupages capsulairesréalisés, dans la première moitié des années1990, par hémagglutination passive, au Labora-toire national de pathologie bovine (actuelle-ment Afssa-Lyon) sur les souches françaisesd’origine bovine montrait que, chez les bovins,le sérotype A1 de Pasteurella haemolyticaprédominait très nettement. Un bilan récentréalisé sur soixante-cinq isolats issus de bovinsd’origine française, reçus entre 1997 et 2000 ettypés à l’Afssa-Lyon, montre qu’au cours de cesdernières années le sérotype 6 a progressénotablement, le pourcentage de souches A6devenant proche de celui des souches A1. SelonJ.-L. Martel, directeur de l’Afssa-Lyon, deuxpoints doivent être précisés : d’une part, denombreuses souches (environ un tiers) ne sontpas typables par hémagglutination passive ;d’autre part, les souches typées n’ont pas étécollectées dans le cadre d’études épidémiolo-giques spécifiques et, en conséquence, lesrésultats obtenus ne sont qu’une indication dela fréquence relative de certains groupescapsulaires en pathologie. Toutefois, pour les souches d’origine bovinereçues au laboratoire de Lyon, les critères de

recrutement étaient similaires au cours despériodes antérieures (isolements dans uncontexte pathologique et, en général, sélectiondes souches résistantes aux antibiotiques) et laprogression du type A6 reflète une réelletendance épidémiologique.D’autres études étayent ces résultats. Ainsi, 48 %des cent douze souches isolées chez des bovinsmalades par lavage broncho-alvéolaire, entre1991 et 1998 en Europe (principalement enFrance), appartiennent au sérotype A6, contre44 % pour le sérotype A1.Ce phénomène est constaté également dans lesquelques rares pays où le typage capsulaire estréalisé. Au Royaume-Uni, le sérotype A6représente 32 % des isolements pour la période

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PHOTO 3. Les lésions pulmonaires lors de bronchopneumonie infectieuse sont symétriques, exsudatives et fibrineuses. Elles intéressent surtout le tiersantéroventral du poumon.

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tSelon P. Lekeux, les bronchopneumoniesinfectieuses peuvent être scindées enquatre stades cliniques, selon la sévéritéde la maladie, les mécanismes physiopa-thologiques mis en œuvre et le niveau deréversibilité.! Le stade 1 décrit la maladie subclinique.Les mécanismes de défense physiolo-giques fonctionnent alors de manièreadéquate. La prolifération bactérienne estcontrôlée sans réaction inflammatoiresignificative. Il n’y a pas ou peu de dysfonc-tionnement pulmonaire, les symptômessont discrets.! Le stade 2 correspond à la maladieclinique compensée. Les différentsmécanismes mis en jeu tendent à limiterl’atteinte fonctionnelle chez l’animalmalade. La résultante de ces processusest la correction des perturbations deséchanges gazeux. À ce stade, la réactioninflammatoire et les adaptations fonction-nelles induites par la proliférationbactérienne sont bénéfiques. Il n’y a paslieu de les inhiber systématiquement.! Le stade 3 est la maladie cliniquedécompensée. La réponse de l’animal

malade à l’agression bactérienne tend àaggraver le déficit fonctionnel. L’animal estplus affecté par ces dysfonctionnementset par les lésions induites par la réponseinflammatoire que par les agents pathogè-nes eux-mêmes. Pour éviter une issuedéfavorable, il convient de contrôler lesréponses inflammatoires excessives et lesadaptations fonctionnelles inadéquates.! Le stade 4 est la maladie clinique irréver-sible. Les lésions pulmonaires, induites parles agents pathogènes ou la réponseinflammatoire, menacent le niveau deperformance de l’animal et même sa survie.

Cette classification permet d’ajuster leschéma thérapeutique (utilisation ou nondes anti-infectieux, des anti-inflammatoi-res et des modificateurs de la fonctionrespiratoire) et le devenir de l’animalmalade (réforme ou traitement) selon lesdésordres qu’il subit. Elle relève de l’appré-ciation d’indicateurs pertinents (lactatessanguins, saturation de l’hémoglobine enoxygène), qui, seuls, permettent de situerl’animal malade soumis à l’examen cliniquedans l’un ou l’autre stade.

Classification physiopathologique des troubles respiratoires des bovins

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Points forts! Les bactéries les plusfréquemment isolées despoumons pathologiques debovins sont des pasteurelles.

! Les pasteurelles sont des hôtes habituels du nasopharynx des bovins,où elles vivent en germescommensaux.

! La rupture d’équilibre entreles bactéries commensales et l’hôte trouve son originedans le stress de transport,les regroupements d’animaux,les mauvaises conditionsclimatiques ou les brusqueschangements d’alimentation.

! La “pasteurellose” fait fréquemment suite à une primo-infection viraleou mycoplasmique.

! La résistance des pasteurelles dans le milieu extérieur est faible.

! P. multocida A3 est de plusen plus fréquemment isolédes poumons de bovins.

! En raison de leurcroissance plus rapide que celle des espècespathogènes, M. bovirhinis,arginini, et bovigenitalium, et Acholeplasma laidlawiiconstituent souvent une gêneau diagnostic.

! M. dispar et Ureaplasmadiversum ne sont que des agents pathogènesinitiateurs occasionnels.

! M. bovis possède un pouvoir pathogène et immunodépresseur, ainsi qu’une activité invasiveet septicémique.

! Les formes pulmonaires desalmonellose chez les veauxde boucherie peuvent êtreextrêmement contagieuses.

Se former / COURS /1993-1997, contre seulement 3 % lors des quatreannées précédentes. Aux États-Unis, 27 % descent vingt-quatre souches typées en 1996, quiproviennent de veaux morts de maladie respira-toire, appartiennent au sérotype A6 (60 % ausérotype A1).Le pouvoir pathogène de ces souches sembleaussi important que celui des souches desérotype 1. Les mécanismes pathogéniques sontles mêmes que ceux mis en œuvre par lessouches de sérotype 1.Les différents sérotypes de Mannheimiahaemolytica produisent une leucotoxine. Laleucotoxine n’est pas spécifique du sérotype.Ainsi, les anticorps antileucotoxine de Mannhei-mia haemolytica 1 protègent contre celles desautres sérotypes, même si les anticorps dirigéscontre les facteurs capsulaires, spécifiques dusérotype, ont aussi une réelle importance dansla protection contre les pasteurelles.

2. Pasteurella multocidaDes données relativement anciennes montraientqu’environ un tiers des pasteurelles isolées despoumons de bovins appartenaient à l’espècePasteurella multocida, au type capsulaire A, autype somatique 3 (P. multocida A3). Unepremière étude, menée chez des veaux deboucherie à partir d’aspirations transtrachéa-les par Six, a montré que P. multocida était labactérie la plus fréquemment isolée chez lesanimaux atteints de troubles respiratoires. Unbilan national, effectué récemment à partir desdonnées du Résabo(2), montre qu’au cours desdernières années les fréquences relatives dessouches de P. multocida et de M. haemolytica sesont inversées, P. multocida occupant aujour-d’hui la première place devant M. haemolyticaen régression dans les prélèvements patholo-giques. Cette évolution coïncide avec l’arrivéesur le marché des vaccins de nouvelle généra-tion qui ne comportent pas la valence Pasteu-rella multocida.Les souches de Pasteurella multocida isoléeschez les bovins sont dépourvues de pili et neproduisent pas de toxine, différant ainsi decelles du porc (coresponsable de la rhiniteatrophique) qui appartiennent au type D.Leur pouvoir pathogène apparaît moinsimportant que celui de M. haemolytica. Lefacteur de pathogénicité essentiel semble le LPS.Cependant, alors que celui-ci joue un rôleimportant dans la protection contre la pasteu-rellose aviaire, il semble moins efficace dans laprotection contre les infections à P. multocidadans les autres espèces (y compris l’espècebovine). Les études concernant P. multocida sontmoins avancées que celles effectuées sur M. haemolytica, mais nul doute que l’importanceréelle des pneumopathies à P. multocida favori-sera les recherches sur cette espèce bactérienne.

Les mycoplasmesDes mycoplasmes sont fréquemment isolés despoumons pathologiques de bovins. Les différen-tes espèces en cause ne possèdent pas toutes lemême pouvoir pathogène.

M. bovirhinis, M. arginini, M. bovigenitalium etAcholeplasma laidlawii sont fréquemment isolés,mais ne possèdent pas de pouvoir pathogèneexpérimental. Ils constituent cependant unegêne au diagnostic car, de croissance plus aiséeet plus rapide que les espèces réputées pathogè-nes, ils empêchent fréquemment leur isolementet, par conséquence, leur implication dans lesphénomènes pathologiques.M. dispar comme Ureaplasma diversum sont aussifréquemment isolés des lésions. Expérimentale-ment, ils génèrent au plus une infection subcli-nique et doivent donc être considérés comme desagents pathogènes occasionnels, qui participentà l’initiation des problèmes respiratoires.Si l’on fait abstraction de M. mycoides mycoidesSC, agent de la péripneumonie contagieusebovine (PPCB), M. bovis reste le seulmycoplasme réellement et fréquemmentimpliqué dans les problèmes respiratoires desjeunes bovins. Six, à partir d’aspirations transtra-chéales, l’isole fréquemment chez le veau deboucherie atteint de troubles respiratoires (44 %des prélèvements positifs). D’après Le Grand, enélevage allaitant et selon les régions, le pourcen-tage de troupeaux contenant au moins un animalséropositif varie de 28 à 90 %. Son pouvoirpathogène semble réel : doué de contagiosité, iladhère aux épithéliums et altère les mécanismesde transport mucociliaire. Un certain pouvoirimmunodépresseur s’ajoute à ces facteurs depathogénicité, ce qui favorise la genèse de lésionsde pneumonie interstitielle. À cette actionpathogène au niveau de l’appareil respiratoires’ajoute un réel pouvoir invasif et septicémiquequi explique la fréquence des atteintes articu-laires, à la suite des problèmes respiratoires.Dans l’état actuel des connaissances, il estcependant difficile de préciser le rôle deM. bovis en pathologie respiratoire des bovins ;à ce jour, son activité directe n’est pasdémontrée, en revanche, son rôle d’initiateuret de potentialisateur est largement admis. Ilest fréquemment isolé en association avecd’autres agents pathogènes, des Pasteurelles enparticulier.

Le genre SalmonellaLes formes pulmonaires de salmonelloseatteignent pour l’essentiel les veaux de bouche-rie, en élevage intensif. Elles font suite à unedissémination par voie sanguine, constituantune complication respiratoire des formes entéri-tiques typiques, ou bien elles sont liées à unecontamination par voie aérienne (les paramèt-res d’ambiance, notamment le fort degréhygrométrique, favorisent la survie dessalmonelles dans les aérosols) et peuvent évolueralors en l’absence de diarrhée. Ces formespulmonaires sont extrêmement contagieuses.Le sérovar le plus couramment isolé est lesérovar Typhimurium. ■

Le Point Vétérinaire / N° 231 / Décembre 2002 / 30

!!(2) Résabo : Réseau de surveillance de larésistance aux antibiotiquesdes bactéries pathogènespour les bovins, devenuaujourd’hui “Résapath” (voir l’article “La salmonellosechez les ruminants”, par J.-L. Martel. Point Vét.2001;32(221):34).

La bibliographie de cet article est consultablesur le site www.planete-vet.comRubrique formation