Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
INTERVIEW Propos r ec u ei l l i s . pér Mickaël Mu|sa
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France PAGE(S) : 4-6SURFACE : 299 %PERIODICITE : Quotidien
DIFFUSION : 243580
7 avril 2019 - N°23630 - suppl.
XAVIER THEVENARD
Le p e t i t prince du Trail est un aventurier. De ceux qui ne chassent pas les
d e s t i n a t i o n s , mais qui s ' e n th o u s i a s m e n t des surprises qui j a l o n n e n t les chemins
parcourus. À 31 ans, l ' u l t r a - t r a i l e u r français du t e a m Asics possède un palmarès
aussi long que les distances q u ' i l s'enfile chaque année : UTMB, CCC, OCC, TDS.
Xavier Thévenard est d ' a i l l e u r s le seul coureur au monde à avoir r e m p o r t é t o u t e s les
épreuves de l ' é v é n e ment UTMB. Son parcours, ses victoires, ses d é fa i te s et s u r to u t
ses envies... et pourquoi pas un m a r a t h o n ? Il fa i t le t o u r de ses envies.
Comment avez-vous commencé la course à pied ?
Xavier Thévenard : « J'ai commencé tout petit, je devais
avoir 7 ou 8 ans. À l'époque, je faisais du ski de fond et la
course me servait à me rendre aux entraînements, à aller
voir les copains à l'autre bout du plateau de Retord dans
le Jura, là où je vis. En fait, j'ai toujours fait du trail mais
c'était une époque où ça ne s'appelait pas comme cela.
Vous avez tout de suite tenté les longues distances ?
X. T. :Oui, dès l'adolescence, j'ai immédiatement ressenti
ce besoin d'aventure, de découverte. J'aimais me lancer
des défis et ce, dans tous les sports que je pratiquais : la
course à pied, le ski de fond ou le vélo. Mais je me suis vite
aperçu que cet esprit n'était pas forcément compatibleavec le ski de fond ou le biathlon, qui sont plutôt des
efforts courts et intenses. Alors, j'ai commencé à passer
du temps à courir après l'entraînement en essayant
d'en faire toujours plus. Je ne faisais pas ça pour dire
comme je suis fort J'aimais juste m'évader
dans la nature. J'étais aussi curieux de comprendre
comment fonctionnait le corps humain. Je voyais de
grands athlètes sur leurs spatules de fond enchaîner
de grands volumes d'entraînement, je voulais savoir
comment ils faisaient.
Et en compétition, vous avez tout de suite choisi
l'ultra...
X. T. : Effectivement, la première course que j'ai gagnée,
c'était il y a dix ans. Il s'agissait de la CCC, un format de
100 kilomètres, j'avais 21 ans. Avant ça, ma première
course de trail était une course dans le Jura, un format de
70 kilomètres. Quand j'étais gamin, je me lançais des défis
personnels de 60 ou 70 kilomètres, je crois ; je n'avais pas
de GPS pour m'en rendre compte. L'été, plus jeune, jefaisais déjà un peu ce que je fais maintenant avec l'UTMB.
Je terminais la saison en repassant d'une traite par tous
les endroits où j'étais passé pendant les vacances, à pied
ou à vélo. Je me mettais une grosse dose en courant afin
de bien clôturer ce beau moment et de passer ensuite à
autre chose à la rentrée.
Quel est votre plus beau souvenir de course ?
X. T. : Certainement l'un des trois UTMB (il a gagné
la course de Chamonix en 2013, 2015 et 2018, ndlr). Je
pense que celui de 2018 a un goût tout particulier
après la Hardrock 100 ratée aux États-Unis (il avait été
disqualifié, alors qu'il menait largement à 15 kilomètres
de l'arrivée, pour une prise de bouteille d'eau hors zone de
ravitaillement). C'était une petite revanche et il y avait
une émotion particulière quand j'ai franchi la ligne à
Chamonix.
Et le pire?
X. T. : Justement, cette disqualification à la Hardrock...
Sur le coup tu n'arrives pas à comprendre la décision, tu ne
sais pas vraiment ce qu'il t'arrive... J'étais complètement
abattu. J'ai aussi un souvenir horrible sur cette même
Hardrock en 2016 : je l'ai finie, mais je n'ai jamais autant
souffert, ça a été certainement le moment le moins
agréable de ma vie.
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France PAGE(S) : 4-6SURFACE : 299 %PERIODICITE : Quotidien
DIFFUSION : 243580
7 avril 2019 - N°23630 - suppl.
INTERVIEW
C'est avec une envie de
revanchequevousy retournez
cette année?
X. T. : Non, je n'y vais pas avec
l'esprit de revanche, mais pour
finir le travail. Je n'ai jamais su
terminer cette course dans de
bonnes conditions, je veux donc
arranger ça. Et puis, cette année
ils la font dans l'autre sens, et
comme je ne connais pas, j'ai
envie de découvrir !
« JE NE VIENS DE TOUTE FAÇONPAS SUR L'UTMB POUR GAGNER,MAIS POUR FAIRE LE MEILLEURTEMPS POSSIBLE ET SURTOUT
PRENDRE DU PLAISIR »
Kilian Jornet et François D'Haene seront également présents. Entre peur
et excitation, que représente cette confrontation pour vous ?
X. T. : Excitation parce que j'ai hâte de partager ce moment avec mon ami
et pacer du moment Benoît Girondel, et que Kilian et François sont des gars
que j'apprécie. Ils sont inspirants, véhiculent de belles valeurs autour de la
montagne, ce sont des légendes vivantes. Mais peur aussi de m'emballer à
vouloir les suivre sur un rythme qui n'est pas le mien et de me griller comme
c'est arrivé en 2017 sur l'UTMB. Je vais essayer de me préparer le mieux possible
pour justement être capable de courir le plus longtemps avec eux.
Vous pensez revenir sur l'UTMB cette année ?
X. T. : J'y suis inscrit. On verra déjà comment se passe la saison, il faudra
enchaîner l'Ultra-Trail du Mont Fuji, la Hardrock puis l'UTMB. Il y a toujours
une étincelle quand je me rends à Chamonix. Jusqu'à quand va-t-elle durer?
J'espère toujours ! Il y a cependant de plus en plus de coureurs qui y vont et
le niveau est toujours plus élevé. Il sera donc de plus en plus compliqué de
l'emporter. Mais je me donne les moyens d'y arriver, je travaille pour être
capable de donner le meilleur de moi-même. Je ne viens de toute façon pas
pour gagner, mais pour faire le meilleur temps possible et surtout prendre du
plaisir. Car, si tu prends du plaisir tout du long, c'est que la forme est là ; et si la
forme est là, le résultat suivra derrière !
Existe-t-il une autre course qui vous fait rêver ?
X. T. : C'est difficile à dire, car une course, tant que tu ne l'as pas faite, tu ne
sais pas vraiment ce qu'elle représente. Il y a plein de belles courses à découvrir
à travers le monde, mais l'UTMB aura toujours une saveur particulière.
Vous arrive-t-il de faire des courses sur route ?
X. T. : Très peu. Je ne suis pas vraiment un homme de la ville, je suis plus
un habitué des sentiers et de la nature. Comme j'ai la chance de vivre en
montagne, j'en profite.
Mais le marathon ne vous a jamais tenté ?
X. T. : Je ne l'avais jamais envisagé, mais on a un nouveau projet avec le team
Asics de le courir en 2020. L'idée est de tous se retrouver avec les membres
du team pour courir ensemble et passer un bon week-end autour d'un projet
commun. Au sein de l'équipe, beaucoup de coureurs sont emballés par cette
idée. Le souci du marathon, c'est que c'est une course exigeante qui demande
une vraie préparation dédiée. Si je dois le courir, il faudra que je me prépare
sérieusement, car chacune de nos performances est analysée et jugée, on ne
peut pas vraiment se permettre de le faire juste pour le plaisir.
Quel est selon vous le secret pour durer, sur la distance ou dans le
temps?
X. T. : Tout est dans l'équilibre. C'est lui qui vous permettra de vous épanouir
dans votre pratique et donc, de réussir à aller vous entraîner plus souvent,
plus longtemps et, à terme, d'être plus endurant. Cet équilibre est à trouver
entre votre pratique, votre vie personnelle et socioprofessionnelle. Il passe
aussi par vos envies. Il ne faut pas se fixer des objectifs pour faire plaisir aux
gens, ou pour ressembler à ce
que l'on n'est pas vraiment. Il
faut faire ce que l'on a envie
de faire, courir les courses
qui nous font sincèrement
plaisir et qui véhiculent des
valeurs qui sont les nôtres. On
vit dans une société où l'on a
tendance à nous imposer nos
choix, nos envies. Trouvez du
plaisir dans chaque chose que
l'on fait, c'est la clé !
Et personnellement, combien de temps pensez-vous durer en course à
pied?
X. T.: Si on parle de ma pratique personnelle, je pense que je continuerai à courir
toute ma vie. En ce qui concerne la compétition, c'est plus compliqué. Tant que
j'y trouverai mon équilibre entre les sollicitations, mes performances et mes
envies, je continuerai à me faire plaisir. Mais tout va très vite dans le sport, et si je
vois que je n'ai plus le niveau ou que je ne trouve plus le même plaisir à me rendre
sur les courses, alors j'arrêterai. Mais j'espère qu'il y a encore de beaux moments
à vivre ! » —
XAVIER THÉVENARD,UN PALMARÈS HORS NORMELe coureur du team Asics est le seul coureur au monde à avoir remporté
toutes les épreuves individuelles de l'UTMB. Il a également remporté à
trois reprises l'épreuve reine.
2 0 1 0 : Il participe à son premier trail. Il termine deuxième de la
Transju'Trail (70km).
Il remporte la même année la CCC (100km). Sa première victoire en
trail a donc eu lieu à Chamonix, tout un symbole.
2 0 1 1 : Il remporte la Transju'Trail et l'Endurance Trail des
Templiers (106km).
2 0 1 3 : Il remporte son premier UTMB (170km) et devient le
chouchou du public français.
2 0 1 4 ! Il remporte la TDS (120km), la course technique de
l'événement UTMB. Il est le premier coureur au monde à réaliser le
triplé CCC-TDS-UTMB.
2 0 1 5 : Il remporte son deuxième UTMB.
2 0 1 6 : Il termine 3e
d'une Hardrock 100 (160km) compliquée
physiquement pour lui. Il remporte aussi l'OCC (55km), la dernière
course individuelle de l'UTMB qui manquait à son palmarès.
2 0 1 7 : Il termine 3e du MIUT, l'Ultra-Trail de l'île de Madère
(115km). Il remporte ensuite le 80km du Mont-Blanc, avant de
terminer 4e de l'UTMB le plus disputé de tous les temps.
2 0 1 8 : Il prend sa revanche en remportant, pour la troisième
fois en quatre participations, l'UTMB. Seuls Kilian Jornet et
François D'Haene ont fait aussi bien. Les trois stars de l'ultra se
retrouveront en juillet sur la Hardrock 100.
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France PAGE(S) : 4-6SURFACE : 299 %PERIODICITE : Quotidien
DIFFUSION : 243580
7 avril 2019 - N°23630 - suppl.