Pepin - Plotin Et Le Miroir

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  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    1/17

    PLOTIN

    ET

    LE

    MIROIR

    DE

    DIONYSOS

    ENN IV,

    3 [27],

    12, 1-2)

    par JEAN

    PÉPIN

    I

    Le démembrement

    de

    Dionysos

    et

    ses interprétations

    doctrinales

    1. - LE MYTHE

    Le récit de

    la«

    passion» vécue

    par

    l enfant Dionysos pose encore

    quantité de problèmes au philologue, à l historien de la religion grec

    que, à l historien des religions :

    les

    témoignages relatifs à cet épisode,

    qui commencent

    d apparaître

    au m• siècle avant notre ère (Eupho

    rion, Callimaque,

    l

    papyrus de Gourob), reflètent-ils ou non des

    données bien plus anciennes? l histoire oceupe-t-clle dans l or

    phisme la pince centrale que l on a cru ? que penser de l identifi

    cation, attribuée aux poètes, entre le Dionysos en question et Za

    greus? les discordances observées, scion l époque

    des

    témoignages,

    dans le détail du récit s expliquent-elles

    par

    de simples variantes ou

    indiquent-elles des versions différentes ? la légende a-t-elle son origine

    dans

    un

    humble rite agraire de mort et renaissance de la nature,

    ou dans une religion de salut par mort et résurrection du

    dieu?

    Autant de questions

    dont

    on continue de débattre (

    1

      .

    (1)

    Cf.

    par exemple W. K.

    C.

    GuTimm, Orpheus and Grr.ek

    Rûigion. A St1ufy

    o

    ire

    Orphie

    Movtment, collect. «Methurn s Handbooks of Archncology», London, •[952, p. 107 sq.;

    J. .A. J.

    F lsTUorhnr., Lc.r mysUm

    de Dioi Jsos,

    clans füvue

    biblique, 44, 1935,

    p.

    379; I.

    M. LIN·

    FORTH, Tire

    ArtsofOrplreus

    Berkeley-Los Angeles, 1941, chap. V(« Mythofthe Dismember

    inent of Dionysurn), p. 307-364,

    /mssim;

    H. ]EANMAIRE Dionysos. ·Histoire du

    eu/te

    de

    Bacchus, dans « Dibliolh. histor.

    »,

    Paris, 1951

     

    p.

    372-378;

    W. FAU'm, art.

    Zagreus,

    dans

    RE IX

    A

    2, 1967,

    col.

    2242-2243.

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    2/17

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    3/17

    306

    J. PÉPIN

    de l'autre,

    l

    consigne en particulier l'homologie entre les céré

    monies titaniques et les fêtes nocturnes de Dionysos, et, d autre

    part, les mises en pièces, les retours à la vie et palingénésies d'Osiris

    ('roiç.

    Àeyoµévoiç Oaleiboç

    r5ia

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    4/17

    PLOTIN

    ET LE MIROIR DE DIONYSOS

    307

    Cornutus produira, avec quelques variantes, une exégèse

    du

    même

    type : l assemblage des membres du dieu est pour lui l œuvrc de

    Rhéa;

    il signifie que l écoulement

    du

    vin doux réunit dans une même masse

    la substance des grappes

    d abord

    coupées les unes des autres (

    12

      .

    b. -

    Exégèse

    cosmologique.

    Plutarque rapporte aux« théologiens» une explication toute diffé

    rente

    du

    même mythe : indestructible et éternel

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    308

    J.

    PÉPIN

    sos,

    à

    laquelle Apollon prNa

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    PLOTIN

    ET LE

    MIROIR

    DE DIONYSOS

    309

    Plotin et Porphyre ont fait état de

    ce

    texte du Timée

    (

    11

      , mais il

    faut attendre Proclus pour le trouver expresséinenf rapproché du

    démembrement de Dionysos, dans la ligne de la suggestion implicite

    de

    Plutarque. Se référant aux traditions orphiques, Proclus établit

    en effet un parallèle, d'une

    part

    entre

    les

    membres épars

    du

    jeune

    dieu et la substance divisible de l'Ame étendue

    à

    travers l'univers,

    d'autre

    part

    entre le cœur sauvé de

    la

    dispersion par Athéna et la

    substance indivisible de l'Intcllcct (

    11

    ) ;

    et, sans que ln référence nu

    Timée y soit aussi manifeste, plusieurs autres passages du même auteur

    reflètent la même interprétation du mythe, notamment l'assimilation

    du démembrement de Dionysos au morcellement de l'Ame par son

    insertion dans

    le

    monde visible (

    18

    ) .

    Sous

    cette forme plus sommaire,

    l'exégèse apparaît d'ailleurs antérieure à Proclus, puisque, rattachée

    ou non

    à l'orphisme, on en trouve des attestations chez Origène (

    24

    ) ,

    chez Alexandre de Lycopolis (

    1

    a), chez l'empereur Julien (

    18

    ) , chez

    (21) Références chez H.-R. Sonwvzrm,

    art.

    cit.,

    p. 363-367.

    (22)

    PROOLUs,

    ln

    Plat.

    Tim.

    comme11t.,

    35a,

    184

    D-F, éd. Dichl,

    Il

    p.

    145,

    18-146,

    22

    fgt 210 a

    KllRN,

    p. 228-229, notamment:

    l Tolvvv

    ~

    dµie111roç a

    e" {a V

    0

    8

    e

    â

    lun

    voiiç

    llv tl1J 5 1 1 l a < l ~ [ .. ] ICal

    râxa

    llv

    TO

    < J1d

    navTdç Tou

    KÔ11µov nraµAv11v

    elva1 T ~ V

    l { J V X ~ V

    TOV T1rnv1uov

    µee111µoii TOVÇ

    'OelfJIKOVÇ d v a µ 1 µ v ~ 1 1 u o 1 . cr

    I. M. L NPORTH, op. cit., p. 322-324.

    (23) Ainsi PRooLUs, Tlzeol.

    plat.,

    VI, li fgt 198

    KERN,

    p. 221;

    ln

    Parmen., 130 b;

    ln Grat.,

    406

    be

    ;

    ln Alcib.

    fgt 210 c-e, p. 229 ;

    ln Tim.,

    24

    e

    fgt 215, p. 235 ;

    ln

    Grat.,

    406 ' fgt

    216

    b,

    p. 236.

    (24) C. Cels., IV, 17,éd. Koctschau,

    1,

    p. 286, 11-16; il y est simplement dit que

    les

    Grecs appliquent le mythe du démembrement et de la reconstitution de Dionysos

    à

    la

    doctrine de l'âme (elç TOV neel l{JVXfiç

    dvâye1v

    J.ôyov Kal T /OnoJ.oyeiv) ; mais k

    contexte montre qu'il s'agit bien de

    la

    descente de l'âme universelle.

    (25)

    Contra

    Manichaei

    opin., 5, éd. Brinkmann, p. B, 5-9 : Dionysos découpé

    pat·

    les

    Titans a pour signification T ~ V

    Oelav

    .51hiaµiv µe11lCe110at elç

    T ~ v

    fJJ.11v.

    (26) Oral.,

    VIII

    (Sur

    la

    ~ r e des dieux), 19, 179b: procédant de Zeus, Dionysos reçoit

    de lui la vie indivise et la distribue au monde visible par son activité dé111iurgique divisée

    T ~ v Llwvtluov i e T ~ v ii11µ1ov11ylav); dcmemeOral., XI (Sur lltlios-Roi), 22, .144 a;

    sans être mentionné expressément, le mythe

    du

    démembrement est manifestement

    à

    l'arrière-plan. Exégèse identique chez ÛLYMr10001m /11 Plat. Phaed. co111m1nt.

    D

    y , éd.

    Norvin, p. 85, 4-6 : Zeus préside

    à

    la démiurg e Indivise,

    et

    Dionysos, comme le montre

    son démembrement, à la démiurgie divisée; peu auparavant (D

    P .

    p. 65, 2-3),. à propos

    de l'interprétation doctrinale du même mythe de Dionysos et des Titans, Olympiodore

    s'est référé

    à

    Xénoerntc et, moins lointaincmcnt, au commentait·c de Porphyre sur le

    Phidon, qui est sa source. On aura remarqué combien

    ces

    textes de Julien

    et

    d'Olympio

    dore sur la dualité de

    l'dµéQtl1TOV

    et du µeµeg111µévov se rnttachent eux aussi au 'I'im.,

    35 a.

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    7/17

    310

    J. PÉPIN

    Macrobc (

    17

    ) ; plus tard, Jean Lydus en connaît une présentation où

    l'étymologie Lli611vcroç-L1tàç

    11ovç

    est mise à contribution (

    28

      .

    d. -

    Exégèse

    spirituelle.

    On

    sait que, pour

    les

    néoplatoniciens, le mouvement des hypo

    stases se reflète exactement dans la vie spirituelle de l'individu ; aussi

    n'est-il pas étonnant que le mythe du démembrement de Dionysos,

    regardé, on vient de le

    voir, comme l'expression du morcellement de

    l'Ame insérée dans l'univers, serve en même temps à illustrer la des

    tinée de l'âme

    humaine;

    bien des textes d'ailleurs pourraient con

    cerner à la fois

    les

    deux domaines.

    Ici

    encore, Plutarque fait figure

    d'initiateur ; à la

    fin

    de son I

    cr

    traité

    De

    esu

    camium, dans une page

    qui trahit l'influence de l'anthropologie religieuse de Xénocrate et de

    Posidonius, il intériorise la légende : les souffrances de Dionysos

    démembré, l'audace sacrilège ( r:oµ1εar:a) des Titans qui le dévo

    rèrent et leur châtiment par lafoudre, c'est un mythe qui fait allu

    sion à la palingénésie

    (7jvt) µf.voç lcrr:i µvOoç elç

    r : ~

    :n:aÂty) in•ecrlav)

    ;

    les

    Titans livrés au châtiment et

    à

    l'expiation, tel est

    le

    nom que

    les

    Anciens donnèrent à cc qu'il

    y

    a en nous d'irrationnel, de désor

    donné,

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    8/17

    PLOTIN ET LE MIROIR DE DIONYSOS

    311

    spirituelle, était déjà, on s en souvient, employé par le même Plutar

    que à propos du même mythe; mais c était alors pour désigner les

    reconuncnccmcnts périodiques du cosmos.

    Proclus reprendra le terme en liaison avec le mythe du démembre

    ment:

    commentant le

    Timée,

    41

    d

    il

    observe que le Père a mis, dans

    les dieux récents chargés de fabriquer

    les

    Nrcs vivants, des puissances

    titaniques ordonnées à la condition mortelle de ceux-ci, et des puis

    sances dionysiaques ordonnées à la palingénésie

    ( 11ovvataieàç 68

    ôtà

    -r:fjç

    naÀiyy1wealaç)

    (

    30

      .

    Il se prononce nettement pour l inter

    prétation anthropologique et morale du mythe dans une scholie au

    Craryle:

    en nous, c est l intellect

    (vovç)

    qui est dionysiaque et réelle

    ment

    effigie de Dionysos ; pécher contre l intellect, mettre en pièces

    (

    ôiaanq), par

    le

    mensonge, sa nature indivise, c est, à la façon des

    Titans ( Ti-r:aviiewç), pécher contre Dionysos l u i m ~ m e (

    31

      . A

    cette variété d exégèse peut

    se

    rattacher encore celle d Olympiodore,

    selon qui le règne de Dionysos démembré symbolise

    les

    vertus éthiques

    et physiques de notre âme, entre lesquelles

    il

    n y a pas d implication

    réciproque: le dieu est mis en pièces

    par

    les Tilans parce qu il est

    préposé

    au

    monde du devenir, où l unité originelle

    se

    morcelle dans

    la distinction du mien et du tien ; l n est pas jusqu à la ruse d Héra

    qui ne reçoive sa justification dans cette analyse, du fait que cette

    déesse gouverne

    la 1r. }60f5oç;

    quant à l ' t n t U î : ( O t p ~ , on la discernera

    dans la foudre dont Zeus frappe les Titans, puisque le feu monte BB),

    Selon certaines versions du mythe, on l a vu au début de cette

    étude, c est Apollon qui se chargeait de réunifier les membres de

    Dionysos désunis par

    les

    Titans ;

    les

    exégètes stoïciens suivis par

    Plutarque avaient déjà entendu cette circonstance dans un sens

    cosmologique ; Olympiodore,

    quant à lui, le fait dans un sens spiri

    tuel : Dionysos démembré, c est notre vie dispersée (

    i - r : a v t i e ~ C w ~

    L

    tovvaiaiei} ôialeeatç)

    ;

    l action unificatrice cl Apollon, c est notre

    ~ o n v e r s i o n de la vie titanique à la vie unitaire (

    83

      .

    Auparavant,

    (30)

    PnocLUs,

    lit

    Plat. Tim.

    comme11t., 41

    d,

    313

    C,

    III,

    p.

    241, 29-30

    fgt

    205

    K1nrn

    1

    P• 225.

    (31) In

    Plat.

    Grat.

    comment.,

    400 d, 133, éd. Pasquali, p. 77, 24-78, 3.

    (32) ÜLYMPIOOOJŒ, I11 Plat.

    Pliaed.

    commmt., 61 c,A, I, 5-6, p. 3, 27-4, 27 =en partit: fgt

    107 d KERN,

    p. 172-173;

    sur

    quoi cf. 1. M. L1NPORTIJ

    1

    op.

    cil.

    p. 321-322.

    De

    même 68 c

    A,

    VIII,

    7, p. 40,

    25-27 :

    nous sommes

    liés à la

    matière

    à la

    façon des

    Titans, en

    raison

    de

    notre morcellement dans la multiplicité. _ ,

    (33)

    Ibid.,

    67 c

    A,

    VII, 10,p.

    43,

    15-10;

    n ' '•p. OO,

    11-13

    . .

    fgls 211aet212 KERN

    1

    p.

    232.

    Sur

    la«

    vie

    titanique»

    irrationnelle,

    qui met en

    pièces

    la

    vie raisonnable

    ci

    par

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    9/17

    312

    • PÉPIN

    Proclus avait lui aussi opposé, en relation expresse avec

    le

    mythe,

    l'activité morcclante de Dionysos et l'activité unifiante d'Apollon;

    mais c'était davantage dans la perspective de la constitution des hy

    postases : formant l' Ame universelle,

    le

    démiurge la divise en portions

    qu'ensuite il réunit et harmonise ;

    ce

    faisant, il agit dans

    le

    premier

    cas l wvvaiaxwç et AnoÀÂwvtaxwç dans le second, puisque, dans

    les

    poèmes d'Orphée, c'est Apollon qui,

    par

    la volonté de Zeus, ras

    semble les membres déchirés de Dionysos (

    34

      .

    En tout cas, qu'elles

    soient davantage spirituelles ou davantage métaphysiques, ces

    exégèses du rôle d'Apollon

    se

    rattachent implicitement à l'étymo

    logie

    du

    nom de cc dieu comme négation de la pluralité ; on a rappelé

    plus

    haut

    l'origine probablement stoïcienne de l'étymologie en ques

    tion ; Plotin lui aussi la connaît, et la rapporte d'ailleurs aux pythago

    riciens (

    35

      .

    JI

    Le rôle

    du

    miroir

    1.

    DANS

    LE

    MYTHE

    ET

    LA

    LITURGIE

    DE DIONYSOS

    Ce préambule était nécessaire

    avant

    d'aborder l'objet précis de

    cette étude, qui est l'exégèse plotinicnnc du miroir de Dionysos.

    Parmi les jouets

    qu Héra

    présenta au petit dieu pour distraire son

    attention,

    l

    y avait en effet un miroir (

    36

      .

    Deux auteurs

    au

    moins,

    laquelle, v é r i t ~ · b l e s Tftnn•, nous d ~ m e i n r o n s le Dionysos qui est en nous, cf.

    ibid.,

    B 8 ,

    p. 86, 22-87, 5: roiiro

    1)1li1•

    ol Tnû1• ç lpnoioiia1v, uaOà ual roi• lv t)µiv Lliovvaov

    JtaomÏJ lEV [ ...

    J

    Ofhw M lxontç

    1 tT.ûVÉÇ

    Êu tEV; B e ~ I J , p. 120, 23-28: abandonnant

    la vie dionysiaque indivise, les âmes optent

    pour

    la vie titanique étriquée, mais elles

    peuvent

    se

    ressaisir en se

    pmilinnt

    des souillures titaniques, etc. Plusieurs de ces textes

    d'Olympiodore ont été étudiés

    par

    P. IloYANCÉ, Xef110crale el

    les

    Orpliiques, dans Revue des

    I .tudes

    ancie1111es

    50, l 9•1 l, p. 220-223.

    (34) PaocLus, In

    Plat.

    Tim.

    comment., 35

    b,

    200CD,

    II,

    p. 197,

    14--19 J,

    14

    =en

    partie

    fgt 211

    b

    KllaN, p. 232 ; de meme In

    l Alcib.,

    103

    a

    = fgt 211 c p. 232 : Apollon détourne

    Dionysos de la procession dans la multiplicité titanique.

    (35) Enn. V, 5 [32), 6, 27-28; même attribut ion chez 1'1.UTARQ.Ull, De ls. et Osir., 10,

    354 F;

    75,

    301

    F;

    cf, De E ajJud

    Delpl1os, 20,

    393

    B.

    (36) cr.

    c.

    A.

    LouF.cK,

    op,

    cil., t.

    I,

    p. 699-710,

    surtout

    702;

    A.

    DELA'ITE, La catop-

    troma11cie grtcque et

    ses dlri11és

    dans « lliblioth. de la Fac. de Philos. cl Lettres de l Univ.

    de i ~ g e » , 48, Liège-Paris, 1932, p. 152-151; W.

    K.

    C. GUTllRJE, op. cit. p. OB

    et

    120·

    126;

    W. FAUTH, art. cit., col. 2272-2271.

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    10/17

    PLOTIN

    ET LE MIROIR DE DIONYSOS

    313

    Firmicus Maternus (milieu du

    1v

    0

    siècle) (

    87

    )

    et Nonnus de Panopolis

    (début duvre siècle), mentionnent cet objet clans le récit qu'ils font

    de la légende ; malgré sa

    date

    tardive, Nonnus apporte des précisions

    à ne pas négliger : il observe qu'au moment ou les Titans le tuèrent

    de leur coutelas, l'enfant examinait l'image déformée de lui-même

    que lui renvoyait un

    miroir (dvn•vmp v60ov

    sMoç

    dmnsvov.a

    a•on•eqi) (

    38

    ) ; il semble dire en outre que Zeus eut connaissance

    de la sombre image de Dionysos déchiré formée dans

    le

    miroir trom

    peur (IJai'Coµévov Lltovvaov

    1

    ytvwauwv uut6sv.a •vnov ~ o o t o

    UO.TOn•eov) (

    8

    .

    Plusieurs autres textes complètent

    les

    précédents en

    ce

    qu'ils attes-'

    tent la présence

    du

    miroir, non plus dans le récit mythique lui-même,

    mais parmi

    les

    «symboles» usités dans

    les

    rites de l'initiation d i o n y ~ i

    siaque (les deux domaines retentissant naturellement l'un sur l'au

    tre) ; ainsi le papyrus de Gourob (

    40

    ) ,

    puis quelques lignes de Clé

    ment d'Alexandrie (

    41

    ) et d'Arnobe (

    42

    ) .

    2.

    -

    DANS L'EXÉGÈSE U NÉOPLATONISME TARDIF

    A son tour,

    Jean

    Lydus àtteste que l'on faisait une place

    au

    miroir

    dans les mystères de Dionysos, et i l joint un élément d'interprétation

    cosmologique: c'était

    pour

    figurer la trànsparence du ciel (

    48

    ) :

    Vers la même époque (vre siècle), Olympiodore donne au miroir'

    son rôle dans l'interprétation globale du démembrement: lorsque'

    Dionysos eut encadré son reflet dans le miroir,

    il

    s'attacha à son image,

    et c'est ainsi qu'il fut morcelé

    à

    travers l'univers (

    44

    ) .

    (37)

    FIRMICUS

    MATERNUS, Deerrore profan. relig., 6, 2

    =

    fgt 214 b KERN, p. 234:

    «

    crepun

    diis ac speculo adfabre facto animos

    ita

    pueriles inlexit

    [se. : Iuno

    ],

    ut

    desertis regiis scdibus

    ad insidiarum locum puerilis

    animi

    desidcrio duceretur».

    (38) NoNNUS

    PANOP., Dioirysiaca,

    VI, 172-173

    =

    fgt 209 KEnN,

    infine, p.

    228.

    (39)

    Ibid., VI,

    206-207.

    (40)

    =

    fgt 31 KEnN, ligne 30, p.

    102:

    «mettre dans ln corbeille [ .. ] le miroir. (luon

    T(/OÇ)

    »,

    sur quoi cf. M.-J.

    LAORANoll,

    lntrod.

    à l'ltude du N.T., IV•

    p. :

    Critiqu1

    hislor.,

    1:

    Les

    nrysUres:

    l'orjJhisme, collect. «Éludes bibliques», Paris, •1937, p.

    116.

    (41) Prolrept.,

    II,

    18,

    1, éd. St ihlin, p. 14,

    14-16 - fgt 34

    a KP.RN, p. 110: nja.Ss [ . )

    Tfjç uJ.nfjç TÙ àr.esia uv11PoJ.a

    ' ( .. )

    luonT(}OV.

    (42) At/11. 11at. V, 19, éd. Rei ferscheid, ·p. 191,

    12

    - fgt 34

    b

    KllitN, p. 110: speculum.

    (43) De mens., IV, 51, p. OB,

    2-3: eluoni-pov [se.:

    dv i-olç

    leeolç Lltovvuov naee

    J.dµ{Javo1•I olovel rôv iavyfj ov11avdv

    (Dionysos

    l u i m ~ m c

    représente le aolcil).

    (44) 11 Plat. Phaed. comment., B "'I'• p. Ill,

    14-16 - fgt 209

    b KERN,p. 227: O

    yd11

    LI.,

    ou

    i-à

    sUJwJ.ov

    ivé011 e

    i

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    11/17

    3 4·

    J.

    PÉPIN

    Mais Proclus avait déjà, et bien plus largement, exploité la portée

    symbolique

    du

    miroir. Son texte le plus riche est suscité par le

    Timée,

    33

    b,

    où Platon rapporte que le démiurge, pour beaucoup

    de raisons, donna au monde une surface extérieure parfaitement

    lisse :

    si

    cette phrase vient entre le développement

    sur

    le corps de

    l'univers et

    le

    dévcloppcmcnl

    sur

    son âme, c'est, observe Proclus,

    que la surface exlfaieurc est la limite entre le corps et, d autre part,

    l'Ame et l intellect; or,

    pour

    que l'univers reçoive

    au

    mieux les

    il

    luminations de l' Ame et de l' Intellect, sa surface doit être lisse, de la

    même façon que la surface lisse des miroirs leur permet de recevoir

    les images ; c'est pourquoi

    les théologiens orphiques ont pris le miroir

    comme symbole de l aptitude de l'univers à recevoir la plénitude de

    l'Intellect, et que Dionysos, avant de procéder à la totalité de la

    démiurgie divisée, jeta les yeux

    sur

    le miroir fabriqué pour lui par

    Héphaïstos et y contempla son image ; c'est donc cette disposition

    semblable à un miroir que doit nous rappeler la phrase de Platon

    sur la surface

    lisse

    du monde (

    46

      . L'exégèse de Proclus, on le voit,

    revient à regarder le miroir mythique comme le prisme qui sépare

    l'unité intelligible de la multiplicité sensible, et permet à celle-ci d être

    irradiée par celle-là ; quelques-unes de ces idées sont reprises dans di

    vers autres textes

    du

    même auteur, où l'on apprend que les images

    de Dionysos (au miroir) sont intermédiaires entre la création qu'elles

    gouvernent et le modèle intelligible dont elles ont reçu la forme;

    qÙc

    la fabrication

    du

    miroir (de Dionysos) est, selon

    les

    théologiens

    f( ia011 ;

    iri cncorr (p. 111,

    IH-19),

    Olympiodorcoppose le rôle d'Apollon, dieu purificateur,

    qui rnsscrnblc ks membres

    < pars

    r 1Tsliluc Dionysos, d où son invocation comme« Diony

    sodote ».

    (15)

    PRoct.us,

    In Plat, Tim.

    co111111c11t.

    33

    b, 163

    E-164- A,

    Il, p.

    79, 28-BO, 27

    =en partie fgt 209 d

    KrmN

    p. 227, notamment:

    Eanv

    oilv ÂttoTIJÇ a'X(/aç

    ilmn1tlnon7roç a111w1•n'X1/,

    rit' 1/ç

    MxeaOa1 r'Jvvara1

    ni

    nrïv -ràç àno vov

    'Xal

    v1vxfiç O.M.µv1t1ç,

    coancu

    { 1) rù ll'OT

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    12/17

    PLOTIN ET LE MIROIR

    DE

    DIONYSOS 315

    orphiques,

    l'un

    des symboles de ce que

    la

    fonction démiurgique

    d'Hé-

    phaïstos concerne

    le

    sensible, et. non pas l'Ame ou l'Intellect (

    46

      .

    On

    peut noter

    qu'à la

    différence de

    ce

    que l'on a trouvé chez Olym

    piodore et que l'on va trouver chez Plotin, Proclus

    n'a

    en tête aucune

    complaisance de Dionysos pour son image, ni aucune attraction

    qu'aurait exercée celle-ci

    sur

    le modèle.

    3.

    - DANS

    LA

    PERSPECTIVE

    DE

    PLOTIN

    Les

    Ennéades

    ne font au miroir de Dionysos qu'une seule référence,

    brève, mais nette :

    «

    Quant

    aux âmes humaines, ayant vu leurs images

    comme Dionysos avait vu la sienne dans

    le

    miroir, elles s'élancèrent

    d'en haut et s'en vinrent auprès d'elles ; mais

    ces

    âmes non plus ne

    furent pas coupées de leur principe

    ni

    de l'intellect» (

    47

      .

    Toutefois,

    quelques investigations ne sont pas superflues pour savoir quelle

    est la signification exacte que Plotin donne à la comparaison.

    Dans l'ontologie platonicienne, on

    le sait, la hiérarchie des diffé

    rents ordres de réalités s'exprime volontiers

    par

    le

    rapport entre

    le

    modèle et l'image :

    tel

    niveau intermédiaire, décrit comme étant

    l'image du niveau supérieur, se trouve être lui-même modèle relative

    ment au niveau inférieur. Parmi

    les

    nombreux exemples de cette

    représentation, il suffira d'en donner deux, tirés des derniers livres

    de la

    République:

    en

    VI,

    509 d sq., dans le célèbre développement sur

    (46) Ibid., 29

    a,

    102 E, l, p. 336, 29-337, 1 = fgt 209

    t

    K1mN, p. 227: 'Oepevç

    sidwÂa

    :n:Âchut

    TOV L wvvaov

    rd

    n)1• ylv atv l:n:n:eomvovra xal

    nl

    elc5oç 8Aov v:n:orleg&,ttva

    r:oü

    :n:al}mlel)'/WTOç,

    sur

    quoi

    cf. la

    note ad

    /oc.

    de la. trad. Festugière, t.

    II,

    p. 196,

    n. 4; 23 d, 44 AB, I, p. 142, 24-28

    =

    fgt209 c,

    p.

    227: ~ yd(

    rnü

    larl:n:renv i a r a c m e v ~

    [ .. ] xal navra rd

    roi ffr

    av11{J0Âa

    njç

    :n:eel

    r:Ô ala011rôv avroti

    :n:oulaecoç

    fort; enfin

    ln Plat.

    Remp.

    comment., éd. Kroll, I,

    p.

    94, 5-8 = fgt 209 f p. 227, où on lit qu'Orphée a

    rattaché nux images

    de

    Dionysos les combinaisons

    et

    les divisions (de la démiurgie). cr. H.

    LEISl OANO,

    Die

    Erkenntnis Coties i111 SjJicgcl der

    Suie wrd

    der

    Nalrir

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    13/17

    316

    .J.

    PÉPIN

    la ligne découpée en quatre segments, on voit à plusieurs reprises les

    objets sensibles regardés tantôt comme modèles des ombres, des fan

    tômes formés sur les eaux et les corps lisses et brillants (les,miroirs

    ),

    tantôt comme images des objets intelligibles; en

    X,

    596

    a

    sq., dans

    l'attaque menée contre la poésie comme imitation, le lit concret

    fabriqué

    par le

    menuisier est donné simultanément pour l'image

    du l t idéal, œuvre de Dieu, et pour le modèle du lit dessiné par

    le peintre ou regardé dans un miroir.

    De

    cette hiérarchie platoni

    cienne fondée sur

    le

    rapport entre

    le

    modèle

    et

    l'image, Plotin a été

    le

    fidèle continuateur : les puissances plus faibles viennent, selon lui,

    des puissances antérieures comme

    des

    objets sensibles viennent leurs

    ombres ou leurs images sur

    les

    eaux et dans

    les

    miroirs

    Enn.

    VI,

    4 [22],

    10,

    12-17) ; et

    ce

    principe général s'applique surtout à l'âme,

    dont la partie inférieure est l'image de l'âme véritable, comme son

    reflet dans un miroir (VI, 2 [43],

    22,

    33-35). Parfois, au lieu d'être

    entendue comme produite sur un miroir, l'image est dite elle-même

    miroir;

    ainsi en IV, 3 [27], 11, 6-8( sur quoi l'on aura à revenir),

    où la copie, toujours ouverte à l'influence de son modèle, est compa

    rée au miroir toujours capable

    d attraper

    une forme; en sorte qu'il

    arrive que telle opération inffrieure soit donnée pour le miroir de telle

    opération supérieure ; c'est

    le

    cas du langage, miroir de

    la

    pensée qu'il

    manifeste en donnant d'elle une image (IV, 3 [27),

    30,

    9-10) ; c'est le

    cas de la conscience, qui accompagne l'intcllection seulement quand

    est calme la partie de notre âmc propre à en manifester le reflet,

    tout de mi ne que le miroir offre une image s'il est en bon état et en

    repos, mais non pas s'il est absent, instable ou brisé,

    ces

    dernières cir

    constances d'ailleurs ne supprimant en rien la réalité de l'objet à

    re-

    fléter (I, 4 46

    J 10, 6-19).

    Les deux derniers textes signalés formulent

    une notation importante : le fait de s refléter dans un miroir ne

    confère à un objet aucune réalité supplémentaire ; mais l'inverse

    est également vrai :

    l

    ne s'ensuit pour cet objet aucune perte de réa

    lité, car rien ne s'écoule de lui qui subsisterait après qu'il s'en est

    allé;

    l'image reflétée dans un miroir est l'acte de l'objet, et disparaît avec

    lui;

    de la meme façon, l'âme est l'acte d une âme antérieure, et de

    meure aussi longtemps qu'elle (IV, 5 [29], 7, 44-51).

    Comme on

    le

    voit

    par VI, 2,

    22 et IV,

    5,

    7, la comparaison

    du

    miroir

    . s'applique par prédilection à la condition de l'âme, dont

    la

    partie

    inférieure, ou l'espèce inférieure, est décrite comme

    le

    reflet d'une

    âme plus haute. Quelle est l'identité du miroir où

    se

    produit cette

    image de 'rime? Il y a un niveau de la réalité dont l'assimilation

    à

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    14/17

    PLOTIN ET

    LE MIROIR

    DE

    DIONYSOS

    317

    un miroir est constante chez Plotin : la matière (

    48

      . Beaucoup de

    textes affirment simplement l'analogie, en substituant d'ailleurs sou

    vent au miroir proprement dit la surface de l'eau (par exemple II, 3

    [52],

    17,

    5;

    VI,

    5 [23],

    8,

    16-17). Mais•la comparaison se développe

    copieusement dans le traité

    III,

    6 [26] De

    l impassibilité

    des

    incorporels,

    où elle demeure constamment à l'arrière-plan et émerge plusieurs

    fois : les choses qui semblent se produire dans la matière sont simple

    ment des images dans une image, comme en un miroir où l'objet

    apparaît ailleurs qu à sa vraie place ; comme le miroir, la matière

    a l'air pleine d'objets, mais elle ne contient rien, bien qu'elle semble

    avoir tout; ce que l'on y voit est un mensonge tombant dans un

    mensonge, comme l arrive sur l'eau ou dans

    un

    miroir, et la laisse

    nécessairement impassible (III, 6, 7, 23-27 et 40-42) (

    49

    ) ; comme

    les

    miroirs, ·et même davantage, la matière ne subit aucune passion

    du fait des images que l'on y voit (III,6, 9, 16-19); une différence

    cependant: s'il est vrai que

    les

    images dans un miroir, comme celles

    de la matière, disparaissent en même temps que les êtres qui

    les

    pro

    duisent, on continue de voir le miroir lui-même, parce qu'il est

    tfhe

    forme; mais, qu'elle ait ou non un contenu, on ne voit jamais la ma

    tière même, qui n'est pas une forme; c'est la raison pour laquelle, à

    tort, on croit vraies les choses sensibles que l'on voit dans la matière,

    alors qu'on ne le fait pas pour

    les

    miroirs (III, 6, 13, 34-52); pourtant,

    il n'y aurait pas de choses sensibles sans la matière, non plus que

    d'images sans le miroir (III,

    6,

    14, 1-2; noter encore 14, 31-32, où

    la matière est assimilée aux surfaces lisses qui renvoient les rayons

    du soleil, et

    17,

    13

    :

    iv6:n-rei

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    15/17

    318 J. PÉPIN

    µèv.

    av·nj, eUlwJ.a ôè

    av•fiç ôiôovaa, wa:nee neoaw:nov fv

    :noJ.J.oiç

    wTon•eoiç) ; si l'on croit que les âmes humaines qui ont péché vont

    dans

    les

    bêtes,

    l

    ne s'agit pas de l'âme séparée, mais du reflet de l'âme

    ( pvviç

    eiôwJ.ov),

    qui s'unit au corps et lui donne

    ses

    qualités propres

    (1,

    1,

    11,

    8-13, p.

    59)

    ;

    à

    la naissance pareillement, l'âme s'incline et

    émet

    un

    ûôwJ.ov qui descend, tandis qu'elle-même demeure tout

    entière à contempler l'intelligible (I,

    1,

    12, 21-31, etc.).

    On a maintenant, scmble-t-il,

    les

    éléments suffisants pour com

    prendre la signification que Plotin attache au miroir de Dionysos.

    Comme

    l

    le dit lui-même expressément, l'objet a trait à la descente

    des âmes humaines dans la génération; mais, on l'a vu, la situation

    n'est pas très différente pour l'âme universelle, en sorte que l'inter

    prétation plotinienne du démembrement de Dionysos devait être

    à la

    fois

    métaphysique et anthropologique, comme on a dit qu'elle

    le sera pour les néoplatoniciens ultérieurs. Les textes, examinés

    à l'instant, du traité I, 1 donnent à entendre que 1'eiôwJ.ov d'elle

    même que l'âme aperçoit dans le miroir n'est autrè que le reflet qui

    seul descend s'uuir au corps, tandis qu'elle-même demeure dans

    le

    monde supérieur. Mais, à partir de cc sens général qui ne prête guère

    à

    discussion, on peut formuler sur divers points particuliers des

    conjectures dont le lecteur appréciera les chances.

    D'abord, les multiples développements de Plotin sur la matière

    comme miroir laissent supposer que c'est encore

    le

    cas du miroir de

    Dionysos. Voici un indice qui pourrait appuyer cette identification.

    En III, 6 [26], M, c'est-à-dire au cœur du traité où la matière est

    constamment assimilée

    ; \

    un miroir, Plotin

    se

    souvient de la page

    du

    Banquet, 203 a

    sq. sur la naissance mythique

    d

    Éros, et

    il

    donne

    à

    la

    matière

    les

    traits de Pénia : par sa présence insistante et son audace

    (•oJ.µ11), à la façon d une mendiante cl d'une pauvresse) la matière

    voudrait prendre de force (fhaaâµe1•ov) les êtres véritables, mais

    elle échoue et ne les prend pas ; la mythe montre bien sa nature,

    qui est d'être imc ravisseuse 1 1 e : n a ~ ) dénuée de tout bien (III,

    6,

    14, 7-12, p. 358) (

    60

      . Une telle description de la matière, carac-

    (50)

    l l e m 1 ~

    est, i la place du

    l l t r a ~

    de11 ni.s., une séduisante correction de Harder,

    d'nilleu111 rcjctfo par R. ll1mn.m1-W. Tmm.1m, Plotin.1 Scl1riflm, Ild.

    II b

    («Philos. lliblio

    thck>,, 212

    b),

    llamburg, l 9 i2, p. 452

    nd

    /ne. Sur

    1'«

    audace» de la matière, voir N.

    llAt.ADI,

    n ptnJlt d1 l /otirr, collccl. «Initiation philosophique», 92, Paris, 1970, p. 99 sq.-Plotin

    fnll

    encore de 'foin

    le

    s y m o l ~ de ln matière en 1, 8 [51],14, 35-36 (où c'est l'âme qui est

    l'objet des rcvcndicntiom de ln matière) et en

    Il,

    : (12], 16, 19-23; dans cette perspective,

    tros

    ac trouve ~ I r e l u i m ~ m c le symbole du monde (II, 3 (52), 9, 46-47). Plotin lui-même

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    16/17

    PLOTIN ET

    LE MIROIR

    DE DIONYSOS

    319

    térisée par la violence et l'audace sacrilège, ne laisse pas de faire

    penser à l'entreprise des Titans contre Dionysos ; c'est

  • 8/18/2019 Pepin - Plotin Et Le Miroir

    17/17

    320

    J• PÉPIN

    la fascination narcissique exercée

    par

    son image, ce qui justifie d'une

    certaine façon la confusion commise

    par

    Marsile Ficin entre

    les

    deux personnages (

    3

      .

    Il 'faut, pour terminer, revenir à l Emzéade I, 1 [53), 8, dont on a

    extrait plus

    haut

    la phrase sur l'âme qui donne d'elle des reflets sem

    blables à ceux

    d un

    visage en plusieurs miroirs (lignes 17-18).

    D'abord, ce propos

    se

    présente comme

    un

    commentaire du

    Timle,

    35 a, cité aux lignes

    10-12

    et relatif à la composition de l'âme du

    monde à partir de la substance indivisible et de la substance

    divi

    sible ; or on a vu Proclus faire intervenir

    le

    mythe du démembre

    ment de Dionysos justement dans l'élucidation de

    ce

    texte platoni

    cien ; cette circonstance montre,

    si

    je

    ne me trompe, que

    le

    miroir

    auquel pense ici Plotin est précisément celui de Dionysos, et que c'est

    à cet auteur

    (si

    l'on fait abstraction de l'amorce très indirecte de

    Plutarque) que remonte la pratique néoplatonicienne de com

    menter le Timée, 35 a à l'aide du mythe du démembrement. D'autre

    part, Plotin parle à vrai dire de

    noÂÂà

    "cfronrea ; cette pluralité,

    q ~ i a retenu l'attention de Macrobe (

    54

      , donne à entendre une cer

    taine irrégularité du reflet, et

    par

    là fait penser aux notations de Non

    nus sur

    le

    miroir trompeur (t'Jo.:lloto xar6nreov et l'image. déformée

    (v60ov

    elôoç)

    de Dionysos (

    65

    ) ;

    l

    n'est pas absurde d'imaginer que

    Plotin a en tete un miroir, sinon brisé, du moins pourvu de facet

    tes, plus propre qu'un miroir plan à captiver la curiosité d un

    enfant en raison de la multitude d'images facétieuses auxquelles l

    donne lieu ; ainsi comprendrait-on mieux la relation étroite que

    Proclus et Olympiodorc nouent entre

    la

    découverte par Dionysos

    de son image cl son /tf ]taµoç dans l'univers.

    Paris.

    Centre

    d'hist. des doctrines

    de

    la fin

    de

    [ Antiquité

    el du

    Haut Moyen Âge.

    (53) MARBlt.F. FmIN,

    Comment.

    n

    'lat. Con11iri. VI,

    17

    fgt

    362

    KEnN, p. 34-4: « Hinc

    crudelissimum illud npud Orpheum Nnrcissi fatum» ;

    cf.

    S.

    EiTttEM,

    ltrl.

    N11rkissns,

    dans

    RE, XVI,

    2, 1935, col. 1729; V.

    Cn.ENTO,

    Milo e

    poesia nelle Enneadi

    di Ploti110,

    dans«

    En

    tretiens de la Fond.

    Hardt

    sur l'Antiq. class. », V: Les

    sources

    de

    Plotin,

    Vanda:uvres

    Genève, 1960, p. 261 ; W.

    FAUTll, art.

    cil. col. 2275.

    (54)

    Comment. in So11m. Scip.,

    I, 14, 15: «ut in multis s p e u l i ~ p ~ r ordinem positis uultus

    unus».

    (55) L'adjectif 1 o0oç n'est peut-être pas imli Tércnt ici; on sait cr, effet que

    le

    Tim.,

    52

    b, l'emploie pour qualifier le raisonnement par lequel est accessible la

    XÙJl a,

    dont on