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Une société vieillissante – défi et chance Avec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espé- rance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes. À 65 ans, une femme peut aujourd’hui espérer vivre en- core 22 ans, un homme 19 ans. Ils passeront la majeure partie de ces années sans incapacités, c’est-à-dire sans limitations spécifiques dans les activités quotidiennes telles que la marche, l’habillement ou le bain. Ceci est fondamentalement une bonne nouvelle: l’automne de la vie s’allonge, les amis et les proches peuvent partager leur vie plus longtemps avec les personnes âgées. Cepen- dant, l’évolution démographique est aussi un défi de taille. Les débats politiques portent sur l’avenir du système so- cial et sur les coûts de santé. Ceci est compréhensible compte tenu du fait qu’en Suisse, un peu plus de 17 % de la population ont déjà plus de 65 ans, avec une tendance à la hausse. Cependant, il est moins compréhensible que ces débats ne soient me- nés qu’en termes de coûts, tandis que le rôle important que jouent aujourd’hui les personnes âgées dans notre société en raison de leur expérience professionnelle, en tant que grands-parents ou que consommateurs de pres- tations de loisirs par exemple, ne semble pas entrer en ligne de compte. Le défi qui se pose à la société et à la politique consiste à reconnaître et à utiliser les chances d’une société vieillissante. Pour le système de santé, l’enjeu est de réagir par des traitements novateurs et des modèles thérapeutiques nouveaux aux maladies qui se manifestent plus fréquem- ment à un âge avancé, démence ou cancer par exemple. Un autre groupe est constitué par les maladies chroniques telles que le diabète qui ont tendance à s’aggraver avec l’âge. Il s’agit de trouver des traitements novateurs qui combattent les maladies plus rapidement et plus effica- cement et améliorent nettement la qualité de vie des per- sonnes touchées. N’oublions pas toutes les maladies, et c’est l’immense majorité, pour lesquelles on ne dispose aujourd’hui encore d’aucun traitement. Enfin, il faut porter suffisamment d’attention à la promotion de la santé. Une activité physique suffisante et une alimentation saine dès le plus jeune âge promettent une meilleure qualité de vie à un âge avancé. 1/13 Marché et politique pharma: ch

pharma:ch 1/2013: Une société vieillissante – défi et chance

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Avec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espérance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes.

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Une société vieillissante – défi et chanceAvec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espé-

rance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes

âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante

représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise

en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes.

À 65 ans, une femme peut aujourd’hui espérer vivre en-

core 22 ans, un homme 19 ans. Ils passeront la majeure

partie de ces années sans incapacités, c’est-à-dire sans

limitations spécifiques dans les activités quotidiennes

telles que la marche, l’habillement ou le bain. Ceci est

fondamentalement une bonne nouvelle: l’automne de la

vie s’allonge, les amis et les proches peuvent partager leur

vie plus longtemps avec les personnes âgées. Cepen-

dant, l’évolution démographique est aussi un défi de taille.

Les débats politiques portent sur l’avenir du système so-

cial et sur les coûts de santé.

Ceci est compréhensible compte tenu du fait qu’en

Suisse, un peu plus de 17 % de la population ont déjà plus

de 65 ans, avec une tendance à la hausse. Cependant, il

est moins compréhensible que ces débats ne soient me-

nés qu’en termes de coûts, tandis que le rôle important

que jouent aujourd’hui les personnes âgées dans notre

société en raison de leur expérience professionnelle, en

tant que grands-parents ou que consommateurs de pres-

tations de loisirs par exemple, ne semble pas entrer en

ligne de compte. Le défi qui se pose à la société et à la

politique consiste à reconnaître et à utiliser les chances

d’une société vieillissante.

Pour le système de santé, l’enjeu est de réagir par des

traitements novateurs et des modèles thérapeutiques

nouveaux aux maladies qui se manifestent plus fréquem-

ment à un âge avancé, démence ou cancer par exemple.

Un autre groupe est constitué par les maladies chroniques

telles que le diabète qui ont tendance à s’aggraver avec

l’âge. Il s’agit de trouver des traitements novateurs qui

combattent les maladies plus rapidement et plus effica-

cement et améliorent nettement la qualité de vie des per-

sonnes touchées. N’oublions pas toutes les maladies, et

c’est l’immense majorité, pour lesquelles on ne dispose

aujourd’hui encore d’aucun traitement. Enfin, il faut porter

suffisamment d’attention à la promotion de la santé. Une

activité physique suffisante et une alimentation saine dès

le plus jeune âge promettent une meilleure qualité de vie

à un âge avancé.

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Le dilemme d’une société vieillissante L’évolution démographique traduit les succès de la médecine et de la recherche scientifique.

Mais le vieillissement progressif de la société se transforme en défi en même

temps que l’importance du système de santé en tant que facteur économique s’accroît.

Nous pouvons être fiers des progrès médicaux réalisés

ces dernières décennies: aujourd’hui en Suisse, un

homme de 65 ans peut espérer vivre encore 19 ans, une

femme du même âge 22. Autrement dit, près de 62 % des

nouveau-nés en Suisse atteindront en moyenne plus de

80 ans. La bonne nouvelle qui accompagne le prolonge-

ment de l’espérance de vie est que nombre de personnes

arrivent à un âge avancé en meilleure santé qu’autrefois.

Le revers de la médaille: il y a plus de personnes atteintes

de démence ou de cancer, car la fréquence de ces mala-

dies augmente avec l’âge.

«La démence est en passe de devenir la grande question

sociale, culturelle et économique de notre société», écrit

le théologien et sociologue allemand Reimer Gronemeyer

dans un essai. Le grand âge ou «quatrième âge» devient

un «phénomène de masse», dit-il. Et il en conclut «que

nous ne sommes pas encore en mesure de faire face aux

conséquences sociales des succès de la médecine».

D’après lui, le «grand enjeu humanitaire» des prochaines

décennies sera de parvenir à s’occuper d’un nombre

croissant de personnes atteintes de démence de telle

manière «que cette étape de la vie ne soit pas qu’une

souffrance pour les personnes touchées et leurs proches».

Reimer Gronemeyer se base sur une étude réalisée par

une caisse-maladie, selon laquelle en Allemagne, une

femme sur deux et un homme sur trois doivent s’attendre

à être atteints d’une démence dans leur vie. En 2009, sur

les personnes décédées à plus de 60 ans, 29 % des

hommes et 47 % des femmes étaient atteints de démence.

Si la recherche sur la démence n’apporte pas de progrès

substantiels, il faut compter que plus de 100 nouveaux cas

de maladie par jour viendront s’ajouter dans les 40 pro-

chaines années. En Suisse, 25 000 personnes contractent

actuellement chaque année une démence. On estime qu’il

faudra prendre en charge 300 000 personnes atteintes de

démence au cours des prochaines décennies.

Cette perspective suffit à esquisser l’ampleur du défi qui

va se poser aux sociétés des pays industrialisés dans les

années à venir. Dès aujourd’hui en Suisse, une personne

sur six a plus de 65 ans. D’après des estimations, ce

groupe d’âge représentera près de 30 % de la population

d’ici 2050. De plus, pour 100 personnes actives, on sera

alors en présence de 51 retraités. Un objectif primordial

est donc non seulement l’allongement de l’espérance de

vie, mais surtout que la population vieillisse en bonne

santé. Il faut porter encore plus d’attention à la prévention.

L’excès de poids: un facteur de risque sous-estimé

Il est incontestable que la baisse du nombre de fumeurs

a fait reculer le cancer du poumon. Inversement, il a aug-

menté chez les femmes, car elles sont plus nombreuses

à fumer qu’autrefois. Il est clair que le nombre de cas de

maladies cardio-vasculaires (cause de décès numéro un)

pourrait être nettement réduit par un mode de vie plus sain

(plus d’activité physique, alimentation équilibrée, moins

d’excès de poids), ce qui réduirait aussi les coûts de santé.

En Suisse, ce sont surtout les hommes qui sont en excès

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Bâle a une proportion particulièrement élevée de per-

sonnes âgées. Quelles en sont les conséquences pour le

système de santé et l’économie de la santé?

L’évolution démographique a atteint le canton de Bâle-

Ville avant les autres cantons. Il a donc fallu prévoir plus

tôt des structures de prise en charge intégrées. Nombre

de cantons vont encore devoir relever ce défi. Une poli-

tique moderne de la vieillesse doit tenir compte en per-

manence de l’hétérogénéité de ce groupe de population

qui recouvre différentes phases de la vie avec des be-

soins divers. Un bon exemple de la manière dont des

nouveautés apparaissent est la thématique du loge-

ment pour les personnes âgées. Les foyers pour per-

sonnes âgées tels qu’on les connaissait autrefois sont

en voie de disparition. À la place, de nouvelles offres

sont apparues ces dernières années et continuent à

apparaître: des coopératives d’habitation et maisons

des générations aux logements avec offres de services

ou encore établissements médico-sociaux spécialisés

pour les personnes atteintes de démence.

Quels sont les groupes d’âge concernés?

Nous avons constaté que la préparation de la vieillesse

ne commence pas à 65 ans. Un exemple susceptible

d’améliorations est le renforcement des compétences

en santé pour ce qui est des risques sanitaires liés à

l’âge. À cet égard, il faudra à l’avenir que nous commen-

cions plus tôt et autrement. Pas en donnant des leçons

mais par des campagnes qui touchent le public. En

effet, la promotion de la santé dans l’optique d’une re-

traite mobile et en bonne santé commence dès l’âge de

40 ans. En même temps, le vieillissement de la popula-

tion, mais aussi un mode de vie malsain (manque d’ac-

tivité physique, obésité, stress, par exemple) accroissent

les risques sanitaires. Il faut que la promotion de la santé

commence plus tôt, sans quoi la probabilité de souffrir

ultérieurement d’une ou plusieurs maladies chroniques,

voire incurables, augmente.

Cependant, les maladies chroniques vont continuer à se

multiplier et à influencer l’évolution du système de santé.

C’est certain, et cela accroît les besoins en prestations

ambulatoires régulières, qui doivent être fournies sur

une longue durée par plusieurs prestataires proches

du domicile. De nouvelles structures de prise en charge

telles que les cabinets médicaux de groupe interdisci-

plinaires, les centres de santé, les cabinets de quar-

tier avec offres intégrées d’aide et de soins à domi-

cile ou les unités ambulatoires des hôpitaux couvrant

plusieurs institutions doivent être mieux encouragées

à l’avenir. Ceci a également un impact sur la formation

aux professions de la santé. La formation des méde-

cins doit répondre aux exigences des futurs modèles

de prise en charge intégrée. Les professions de santé

paramédicales pourraient à l’avenir, en fonction de leur

qualification, assumer des tâches actuellement réser-

vées aux médecins. De nouveaux profils professionnels

pourraient apparaître, offrant de nouvelles chances en

raison de leur attractivité.

Y a-t-il des enjeux de société qui n’ont pas encore été

suffisamment pris en compte?

Concrètement, le nombre de personnes âgées parti-

culièrement vulnérables va augmenter. Il s’agit en par-

ticulier des personnes atteintes de démence, des toxi-

comanes, des personnes atteintes de maladies psy-

chiques ainsi que de celles souffrant de maladies incu-

rables ou se trouvant en fin de vie. Étant donné qu’avec

l’âge, la probabilité de maladie incurable ou chronique

s’accroît, le vœu d’accompagnement en fin de vie est

également plus fréquent. À l’avenir, cette tendance va

encore se renforcer, car nous aurons affaire à une géné-

ration de personnes âgées habituées à décider de leur

vie en autonomie. Il faudra proposer des alternatives

répondant aux besoins dans le domaine de la méde-

cine palliative.

«Une politique moderne de la vieillesse doit tenir compte en permanence de l’hétérogénéité de ce groupe de population»

Carlo Conti, conseiller d’État, chef du Département de la santé de Bâle-Ville et président de la CDS

«Le nombre de personnes âgées particulièrement vulnérables va augmenter.»

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Une soCiété vieiLLissAnte – défi et ChAnCe

de poids (près de 50 %), mais le nombre d’enfants présen-

tant une surcharge pondérale, voire une obésité, a aug-

menté dans des proportions inquiétantes. D’après l’Office

fédéral de la santé publique (OFSP), les coûts entraînés

ont plus que doublé en l’espace de cinq ans, passant de

2.6 milliards de francs en 2001 à 5.7 milliards en 2006.

En dépit de la lourde responsabilité individuelle qui est en

jeu pour les coûts de santé, c’est toujours le prix des mé-

dicaments qui est au centre des débats. Les milieux poli-

tiques font souvent l’impasse sur des aspects tels que

qualité et bénéfices, oubliant ainsi l’importance et l’utilité

du progrès médical. Or, il est démontré que les dépenses

de santé permettent de réduire d’autres frais de maladies.

Les médicaments soulagent les conséquences de la ma-

ladie ou permettent d’en raccourcir la durée. Les médica-

ments novateurs sont sans doute souvent plus onéreux

que leurs prédécesseurs, mais ils contribuent à faire bais-

ser les coûts en abrégeant la durée d’hospitalisation, voire

en rendant superflues des interventions chirurgicales.

Compression vs médicalisation

On ne sait pas encore exactement dans quelle mesure le

vieillissement de la population fait réellement augmenter

les coûts de santé. Deux théories s’affrontent: la thèse de

la compression part du principe que les maladies graves

apparaissent peu avant la mort, de sorte qu’elles ne font

pas énormément augmenter les coûts de santé. En re-

vanche, la thèse de la médicalisation part du principe que

la progression de l’espérance de vie aboutit à davantage

de maladies de la vieillesse et que les années gagnées

sont de plus en plus vécues dans un état de maladie et de

handicap. Résultat logique: des coûts de santé en hausse.

Bien que l’étude de Harry Telser et al. réalisée pour Inter-

pharma («Dépenses de santé et frais de maladie», 2011)

tende plutôt vers la thèse de la compression, l’auteur

pense que les deux thèses peuvent mener à une hausse

des coûts de santé. Dans le cas de la médicalisation,

l’augmentation de l’espérance de vie est «achetée» au prix

de plus de maladies chroniques de la vieillesse et, par voie

de conséquence, de dépenses plus élevées. Dans la thèse

de la compression de la morbidité, les dépenses de santé

peuvent également augmenter, parce qu’elles sont consi-

dérées comme un apport à une amélioration de l’état de

santé au cours de la vieillesse. Un article scientifique pré-

sente les choses ainsi: «Les personnes âgées peuvent

générer des dépenses de santé élevées et néanmoins ne

pas être handicapées ou nécessiter des soins.»

François Höpflinger et al. ont étudié l’évolution des besoins

en soins avec l’âge en Suisse. Les auteurs aboutissent à

la conclusion que le besoin d’aide de la population qui

vieillit s’accroît plus vite que ses besoins de soins. Chez

les personnes âgées qui vivent à domicile, en particulier,

il est essentiel de faire cette distinction entre besoins de

soins et besoins d’aide. Höpflinger en conclut: «On aurait

besoin de moins de places en EMS si les problèmes so-

ciaux et financiers du logement des aînés étaient mieux

résolus. Pour les personnes n’ayant pas besoin de soins,

des formes de logement protégé et des logements so-

ciaux en coopératives d’habitation seraient mieux adaptés

et globalement moins onéreux.»

employeur important

Quoi qu’il en soit, le vieillissement de la population va ac-

centuer encore l’importance du système de santé en tant

que facteur économique. Ceci ne s’applique bien sûr pas

seulement à la Suisse, mais à tous les pays industrialisés

d’Europe de l’Ouest, d’Amérique du Nord et d’Asie. Dès

aujourd’hui, le secteur de la santé emploie en Suisse plus

de 550 000 personnes. Bientôt, une personne sur huit tra-

vaillera dans ce domaine. Le système de santé va donc

devenir le principal employeur du pays. En 2010, les coûts

globaux se montaient à environ 62.5 milliards de francs.

Les comparaisons internationales sont difficiles à faire

dans le domaine de la santé, mais il est intéressant de se

pencher sur les données de l’OCDE. La place monétaire

du système de santé est exprimée par la part des dé-

penses de santé au produit intérieur brut (PIB) global. En

2010, ce taux était de 10.9 % en Suisse, la plaçant en 8e

position.

Les dépenses par tête pour la santé sont plus révélatrices.

En 2010, la moyenne dans les pays étudiés était de 3 265

dollars. Les États-Unis étaient en tête avec 8 233 dollars,

suivis de la Norvège avec 5 388 dollars et de la Suisse avec

5 270 dollars. Mais l’OCDE signale que de fortes dépenses

pour la santé ne reflètent pas forcément un système de

santé efficace. Les différences sont aussi imputables à

des différences de structures de financement: dans la plu-

part des pays de l’OCDE, les dépenses de santé sont fi-

nancées en grande partie par des fonds publics. À cet

égard, le taux de 65 % de la Suisse est comparativement

faible. Parmi les pays économiquement comparables,

seuls les États-Unis (48 %), la Corée du Sud (58 %) et Israël

(61 %) ont un taux inférieur. Dans les autres pays, la part

de fonds publics se situe entre 70 % et 85 %.

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La recherche et l’innovation sont indispensables Les nouveaux traitements et médicaments sont indispensables pour mieux lutter contre les mala-

dies. C’est ainsi que notre société vieillissante attend avec impatience une percée dans la recherche

sur la démence. Pour que l’industrie pharmaceutique de notre pays puisse garder sa position de

pointe dans la recherche mondiale, il faut améliorer les conditions cadres.

ladie d’Alzheimer de se déclencher ou d’en réparer les

dégâts». Dans le monde entier, environ 25 000 chercheurs

s’efforcent actuellement de trouver de nouvelles subs-

tances actives contre cette maladie.

Pourquoi est-il si difficile d’élaborer des médicaments

contre la maladie d’Alzheimer? «Elle modifie le cerveau de

manière complexe, nous n’en comprenons pas encore

tous les détails», explique Ana Graf, chercheuse spéciali-

sée dans la maladie d’Alzheimer chez Novartis. Un autre

problème est l’évolution insidieuse de la maladie: elle se

développe généralement lentement, pendant des années.

Les essais sur l’efficacité de substances actives doivent

donc eux aussi être de longue durée.

succès de la recherche sur le diabète

Une autre maladie qui se répand à grande vitesse avec le

vieillissement de la population est le diabète. D’après les

estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),

370 millions de personnes seront atteintes de diabète

dans le monde entier en 2030. Actuellement, elle évalue

le nombre de personnes touchées à 180 millions, contre

30 millions seulement il y a 20 ans. «Le diabète se répand

parce que l’espérance de vie s’allonge et que notre mode

de vie est de plus en plus malsain», affirme Doris Fischer-

Taeschler, directrice de l’Association Suisse du Diabète.

90 % des patients sont atteints de diabète de type 2. La

principale cause en est l’excès de poids suite à un manque

d’activité physique et à une alimentation trop riche.

Dès aujourd’hui, comme le montre une étude de l’Asso-

ciation Alzheimer Suisse, les démences entraînent des

coûts de 6.3 milliards de francs par an au total. La ten-

dance est à la hausse. Au moins 100 000 personnes sont

concernées dans notre pays, 1.2 million en Allemagne.

D’ici 30 ans, ce chiffre aura probablement doublé. En Eu-

rope, on estime que 10 millions de personnes seront at-

teintes de démence d’ici 2040.

Ce ne sont pas seulement les pronostics qui font peur,

mais aussi le fait que chez la moitié des personnes tou-

chées, la démence n’est pas diagnostiquée. Or, il existe

dès maintenant des médicaments qui freinent l’évolution

de la maladie. Les malades ont ainsi plus de temps pour

régler consciemment certaines choses nécessaires. De

plus, l’entrée dans une institution de soins peut être re-

mise à plus tard, ce qui permet des économies.

Mais il reste un grand «mais»: «Le problème des médica-

ments actuels est qu’ils sont prescrits alors qu’il est déjà

trop tard», explique le professeur Andreas Monsch, neu-

ropsychologue et directeur de la Clinique de la mémoire

de l’Hôpital universitaire de Bâle. Les médicaments ac-

tuels ne peuvent donc plus réparer les cellules nerveuses

détruites dans le cerveau. Monsch pense que la recherche

sur les cellules souches pourra ouvrir de nouvelles pers-

pectives de régénération des cellules nerveuses, «mais là

encore, il ne faut pas croire qu’il y aura une percée dans

les prochaines années». L’objectif est «d’empêcher la ma-

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Une soCiété vieiLLissAnte – défi et ChAnCe

Autrefois incurable et mortel, le diabète est devenu, tout

au moins dans nos contrées, une maladie chronique que

l’on peut maîtriser. Grâce à la recherche, les diabétiques

ont en Suisse accès à des méthodes de traitement effi-

caces, qui les protègent généralement des séquelles de

la maladie – amputations et cécité par exemple.

Depuis 1996, il existe des insulines fabriquées par génie

génétique. De petites modifications moléculaires per-

mettent d’accélérer ou de prolonger l’effet du médica-

ment. Grâce à cela, les diabétiques peuvent en Suisse

mener une vie quasiment normale. Cependant, la re-

cherche sur le diabète est encore loin du but. Les espoirs

se concentrent là encore sur les cellules souches.

Progrès de la recherche sur le cancer

Le vieillissement de la population a aussi entraîné une

forte augmentation des cancers, deuxième cause de dé-

cès en Suisse. Environ 85 000 personnes sont atteintes

d’un cancer ou ont été atteintes d’un cancer au cours des

cinq dernières années. Chaque année, 35 000 personnes

contractent nouvellement un cancer et 15 000 en meurent.

Cela signifie qu’un homme sur trois et une femme sur

quatre seront confrontés à un diagnostic de cancer avant

d’avoir atteint l’âge de 75 ans. De nombreuses personnes

se croient alors condamnées.

Mais tel n’est pas le cas: plus de la moitié des cancers sont

aujourd’hui curables. Depuis quelques années, de moins

en moins de personnes meurent d’un cancer alors que le

nombre de nouveaux cas est stable. De nombreux types

de cancer sont devenus curables, en particulier diagnos-

tiqués précocement. S’y ajoutent des cancers qui ne sont

plus mortels, même lorsque le diagnostic est posé à un

stade avancé.

On a enregistré des progrès par exemple dans le traite-

ment du cancer du côlon, des glandes lymphatiques et du

sein ainsi que des cancers de l’enfant. La recherche est

complexe, car il existe 400 types de cancer différents et

que chacun a une origine différente. La division cellulaire

incontrôlée doit dans chaque cas être observée, diagnos-

tiquée et soignée isolément.

Les progrès de la recherche sur le cancer sont parfois

escamotés par les débats sur les coûts de certains médi-

caments. Ceux-ci ne permettent pas de guérir la maladie,

mais ils rendent la dernière phase de la vie plus suppor-

table, même s’ils ne prolongent la durée de vie des pa-

tients que de quelques semaines ou de quelques mois.

Sans vouloir se dérober à la discussion sur les coûts, il

faut garder à l’esprit que les médicaments ne représentent

qu’environ 10 % de l’ensemble des coûts de santé, dont

Quelle est la contribution apportée par l’industrie pharma-

ceutique pratiquant la recherche pour relever les défis

d’une société vieillissante?

En dépit de grands progrès médicaux, il reste beaucoup

de maladies incurables, faute de traitement adéquat.

Nous ne comprenons encore que très rudimentaire-

ment bon nombre de maladies, y compris fréquentes.

Par conséquent, la capacité d’innovation de l’industrie

pharmaceutique reste un élément important pour conti-

nuer à accomplir des progrès dans le domaine de la

eric Cornut, Chief Commercial Officer, Novartis

et président d’Interpharma

«nous ne comprenons encore que très rudimentairement bon nombre de maladies»

santé. Nous sommes à la recherche de médicaments

présentant des avantages sensibles par rapport aux

médicaments ou traitements existants, capables de

soulager et de guérir rapidement et efficacement. En

raison de l’évolution démographique, les maladies chro-

niques et les maladies liées à l’âge, par exemple la ma-

ladie d’Alzheimer, vont se multiplier. Nous avons donc

besoin de nouveautés médicales pour une prise en

charge qualitative et économique de l’ensemble de la

population. De plus, il faut chercher de nouvelles ap-

proches susceptibles de retarder le déclenchement de

maladies, voire de l’empêcher.

Comment la recherche pharmaceutique a-t-elle évolué

ces dernières années?

La recherche pharmaceutique a accompli de grands

progrès grâce à l’expérience accumulée en biologie

moléculaire et en technologie moléculaire. Le projet de

décryptage du génome humain, par exemple, contribue

à identifier des gènes qui déclenchent des maladies.

Cela permet de mieux comprendre l’origine de cer-

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10 % concernent les médicaments anticancéreux. Les

médicaments anticancéreux représentent donc juste 1 %

des coûts de santé.

Le développement d’un médicament anticancéreux apte

à être mis sur le marché prend une dizaine d’années et

coûte plus d’un milliard de francs. Les nouveaux médica-

ments ont souvent pour effet de prolonger la vie et d’amé-

liorer la qualité de vie. La dernière génération de médica-

ments anticancéreux a nettement moins d’effets secon-

daires. Ils s’attaquent uniquement aux cellules cancé-

reuses et épargnent les cellules saines. Les groupes de

patients sont de plus en plus petits: la recherche est donc

de plus en plus onéreuse. En l’absence d’incitations du

législateur, la recherche a diminué en Suisse ces dernières

années. Une autre raison est que les conditions cadres

administratives entravent de plus en plus fortement la re-

cherche médicale.

entraves à la recherche clinique

L’analyse de situation réalisée pour le Programme national

contre le cancer 2011–2015 montre que notre pays a pris

du retard dans le domaine de la recherche clinique, en

particulier pour ce qui est de la recherche sur le cancer,

onéreuse et nécessitant de bons réseaux. Environ 400

essais cliniques ont encore été réalisés en Suisse en

2004, contre seulement 225 en 2011. Ce recul représente

un problème avant tout pour les patients et porte atteinte

à la qualité de la médecine. Notre place de recherche

risque de perdre son importance alors que la Suisse a une

longue tradition de recherche clinique. Les raisons sont

multiples: petits nombres de patients, procédures décen-

tralisées et parfois de longue haleine auprès des commis-

sions d’éthique, critères d’autorisation compliqués et, tout

au moins jusqu’à récemment, manque de conscience de

l’importance des principes internationaux de bonnes pra-

tiques cliniques. Ceux-ci définissent les conditions

éthiques et scientifiques régissant la réalisation d’essais

cliniques.

Afin de surmonter les inconvénients dus à la petite taille

des structures de la Suisse, il faut un pilotage national plus

fort et un environnement législatif qui encourage plutôt

que d’entraver. En fait partie une coopération au-delà des

frontières. Une étape dans la bonne direction est le plan

directeur visant à revitaliser la Suisse en tant que site de

recherche et de production pharmaceutique. Sont pré-

vues des procédures plus rapides pour la mise en œuvre

d’essais cliniques, l’autorisation de nouveaux médica-

ments par Swissmedic et pour leur remboursement

(OFSP). Il ne s’agit pas que la Suisse soit au même niveau

que l’Union européenne, mais meilleure.

taines maladies et d’élaborer de nouveaux traitements

mieux ciblés. La médecine personnalisée vise à propo-

ser aux patient(e)s des traitements adaptés aussi préci-

sément que possible à leur tableau clinique personnel

en utilisant des dimensions génétiques ou biochimiques

appelées biomarqueurs. Cela permet d’accroître les

chances de succès du traitement, car seulement les

patient(e)s susceptibles de répondre à un certain traite-

ment reçoivent le médicament correspondant. De plus,

on évite ainsi des traitements inefficaces superflus, d’où

des économies pour le système de santé.

Quelle est la place de la coopération avec les médecins

pratiquant la recherche dans les hôpitaux universitaires?

Elle est importante. La Suisse a une longue tradition de

recherche clinique et dispose d’excellentes cliniques

universitaires. Cependant, entre autres en raison du

petit nombre de patients, des procédures décentrali-

sées et parfois de longue haleine auprès des commis-

sions d’éthique et de la lenteur du recrutement dans un

contexte de concurrence internationale croissante, le

nombre d’essais cliniques est en recul depuis plusieurs

années. D’autres obstacles à la réalisation de projets de

recherche en réseau sont les coûts élevés et le multilin-

guisme. Les conditions cadres sont donc un élément

crucial pour la recherche.

À quelles conditions cadres faites-vous allusion?

Il s’agit d’une part de processus allégés pour l’approba-

tion d’essais cliniques, d’autre part d’un accès plus

rapide des patient(e)s aux traitements novateurs. D’une

manière générale, nous ne devons pas nous contenter

de conditions cadres correspondant à la moyenne eu-

ropéenne. Pour l’attractivité de la place scientifique

dans un environnement de plus en plus concurrentiel,

seul le meilleur est suffisant. Le plan directeur visant à

revitaliser la Suisse en tant que site de recherche et de

production pharmaceutique est un signal positif. Si l’on

parvient par exemple à rendre la Suisse plus attractive

pour la recherche, cela bénéficiera à l’industrie et aux

médecins qui pratiquent la recherche dans les hôpitaux

universitaires, mais aussi aux patients.

«nous ne comprenons encore que très rudimentairement bon nombre de maladies»

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Page 8: pharma:ch 1/2013: Une société vieillissante – défi et chance

impressuméditeurs: Thomas B. Cueni, Sara Käch Rédaction: InterpharmaMaquette: Continue AG, BâlePhotos: Barbara Jung

«Pharma:ch» est le bulletin d’Interpharma, l’association des entreprises de recherche pharmaceutique suisses Actelion, Novartis, Roche, AbbVie, Amgen, Bayer, Boehringer Ingelheim, Gilead, Janssen, Merck Serono, Pfizer, Sanofi, UCB & Vifor. En proposant une information différenciée, ce bulletin entend contribuer à la compréhension de l’activité de recherche et de développement médico-pharmaceutique menée en Suisse.

Pour consulter les informations de fond et les prises de position, prière de se reporter au site web www.interpharma.ch.

interpharmaCase postale, 4003 BâleTéléphone 061 264 34 00Téléfax 061 264 34 [email protected]

Mission et devoirGrâce à la recherche et à l’innovation, les possibilités médicales vont continuer à s’étendre.

Ceci se traduit par un prolongement de l’espérance de vie sans incapacités, ce qui correspond à un

souhait de société. Mais pour des raisons économiques, nous sommes réticents à y répondre.

Nous disons facilement qu’une longue vie en bonne santé

est ce qui nous semble le plus précieux. S’occuper des

personnes malades et âgées est donc une mission impor-

tante de notre société. Le progrès médical y contribue

considérablement, car il permet de vivre plus longtemps.

Depuis 50 ans, notre espérance de vie a augmenté et elle

va continuer à le faire. Mais l’accroissement du nombre

d’années de vie sans incapacités est aussi important.

Nous vivons ainsi plus longtemps en bonne santé.

Ceci correspond à nos conceptions des valeurs sociales

et va de pair avec la bonne réputation des médecins qui

se consacrent à cette mission. Mais s’occuper des per-

sonnes âgées et malades dans notre société n’est pas

seulement une mission noble et gratifiante, c’est aussi un

devoir que nous n’avons pas le droit de négliger pour la

simple raison que les coûts de santé et les primes d’assu-

rance-maladie augmentent. Indépendamment de consi-

dérations économiques, nous avons le devoir de guérir les

malades ou de soulager leurs maux de manière à leur

assurer autant d’indépendance et aussi peu de souffrance

que possible en dépit de la maladie. Il reste fort à faire pour

la santé, à commencer par la prévention pour que nous

puissions vivre plus longtemps en bonne santé, mais en-

suite et particulièrement dans la recherche et le dévelop-

pement dans le domaine des maladies pour lesquelles il

n’y a pas encore de traitement. Il s’agit de maladies plus

fréquentes à un âge avancé comme la démence, le diabète

ou certaines formes de cancer. Nombre de maladies en-

core incurables sont des maladies rares. Elles concernent

de petits groupes de patients que nous n’avons pas le droit

d’oublier sous prétexte que leur maladie est rare. Enfin, il

s’agit de la qualité de vie des malades. Argumenter d’un

point de vue «économique», en affirmant que prolonger la

vie de six mois pour des coûts de traitement de plusieurs

milliers de francs «ne vaut pas la peine», c’est juger de

manière arbitraire et présomptueuse. En effet, c’est déci-

der à la place des malades en étant soi-même en bonne

santé et oublier qu’il ne s’agit pas seulement d’un prolon-

gement de la vie de six mois, mais aussi et surtout de la

qualité de ces six derniers mois d’une vie et de la qualité

du décès. Ceci doit être possible dans la dignité et sans

souffrances inutiles. Avancer des arguments économiques

et prescrire un rationnement au lieu d’un traitement, c’est

peut-être freiner la croissance des coûts de santé, mais

cela ne correspond pas à nos conceptions de valeurs

éthiques et morales et va à l’encontre de notre devoir vis-

à-vis des personnes âgées et malades.

Grâce à ses hôpitaux universitaires et à son industrie

pharmaceutique, la Suisse peut contribuer largement au

progrès médical. Il convient de créer à cet effet les meil-

leures conditions cadres, car l’économie de notre pays en

bénéficiera. En tant que société, il ne faut pas que nous

refusions ce progrès qui correspond à une responsabilité

que nous avons les uns envers les autres.

thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma

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