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Avec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espérance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes.
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Une société vieillissante – défi et chanceAvec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espé-
rance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes
âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante
représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise
en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes.
À 65 ans, une femme peut aujourd’hui espérer vivre en-
core 22 ans, un homme 19 ans. Ils passeront la majeure
partie de ces années sans incapacités, c’est-à-dire sans
limitations spécifiques dans les activités quotidiennes
telles que la marche, l’habillement ou le bain. Ceci est
fondamentalement une bonne nouvelle: l’automne de la
vie s’allonge, les amis et les proches peuvent partager leur
vie plus longtemps avec les personnes âgées. Cepen-
dant, l’évolution démographique est aussi un défi de taille.
Les débats politiques portent sur l’avenir du système so-
cial et sur les coûts de santé.
Ceci est compréhensible compte tenu du fait qu’en
Suisse, un peu plus de 17 % de la population ont déjà plus
de 65 ans, avec une tendance à la hausse. Cependant, il
est moins compréhensible que ces débats ne soient me-
nés qu’en termes de coûts, tandis que le rôle important
que jouent aujourd’hui les personnes âgées dans notre
société en raison de leur expérience professionnelle, en
tant que grands-parents ou que consommateurs de pres-
tations de loisirs par exemple, ne semble pas entrer en
ligne de compte. Le défi qui se pose à la société et à la
politique consiste à reconnaître et à utiliser les chances
d’une société vieillissante.
Pour le système de santé, l’enjeu est de réagir par des
traitements novateurs et des modèles thérapeutiques
nouveaux aux maladies qui se manifestent plus fréquem-
ment à un âge avancé, démence ou cancer par exemple.
Un autre groupe est constitué par les maladies chroniques
telles que le diabète qui ont tendance à s’aggraver avec
l’âge. Il s’agit de trouver des traitements novateurs qui
combattent les maladies plus rapidement et plus effica-
cement et améliorent nettement la qualité de vie des per-
sonnes touchées. N’oublions pas toutes les maladies, et
c’est l’immense majorité, pour lesquelles on ne dispose
aujourd’hui encore d’aucun traitement. Enfin, il faut porter
suffisamment d’attention à la promotion de la santé. Une
activité physique suffisante et une alimentation saine dès
le plus jeune âge promettent une meilleure qualité de vie
à un âge avancé.
1/13Marché et politique
pharma:ch
Le dilemme d’une société vieillissante L’évolution démographique traduit les succès de la médecine et de la recherche scientifique.
Mais le vieillissement progressif de la société se transforme en défi en même
temps que l’importance du système de santé en tant que facteur économique s’accroît.
Nous pouvons être fiers des progrès médicaux réalisés
ces dernières décennies: aujourd’hui en Suisse, un
homme de 65 ans peut espérer vivre encore 19 ans, une
femme du même âge 22. Autrement dit, près de 62 % des
nouveau-nés en Suisse atteindront en moyenne plus de
80 ans. La bonne nouvelle qui accompagne le prolonge-
ment de l’espérance de vie est que nombre de personnes
arrivent à un âge avancé en meilleure santé qu’autrefois.
Le revers de la médaille: il y a plus de personnes atteintes
de démence ou de cancer, car la fréquence de ces mala-
dies augmente avec l’âge.
«La démence est en passe de devenir la grande question
sociale, culturelle et économique de notre société», écrit
le théologien et sociologue allemand Reimer Gronemeyer
dans un essai. Le grand âge ou «quatrième âge» devient
un «phénomène de masse», dit-il. Et il en conclut «que
nous ne sommes pas encore en mesure de faire face aux
conséquences sociales des succès de la médecine».
D’après lui, le «grand enjeu humanitaire» des prochaines
décennies sera de parvenir à s’occuper d’un nombre
croissant de personnes atteintes de démence de telle
manière «que cette étape de la vie ne soit pas qu’une
souffrance pour les personnes touchées et leurs proches».
Reimer Gronemeyer se base sur une étude réalisée par
une caisse-maladie, selon laquelle en Allemagne, une
femme sur deux et un homme sur trois doivent s’attendre
à être atteints d’une démence dans leur vie. En 2009, sur
les personnes décédées à plus de 60 ans, 29 % des
hommes et 47 % des femmes étaient atteints de démence.
Si la recherche sur la démence n’apporte pas de progrès
substantiels, il faut compter que plus de 100 nouveaux cas
de maladie par jour viendront s’ajouter dans les 40 pro-
chaines années. En Suisse, 25 000 personnes contractent
actuellement chaque année une démence. On estime qu’il
faudra prendre en charge 300 000 personnes atteintes de
démence au cours des prochaines décennies.
Cette perspective suffit à esquisser l’ampleur du défi qui
va se poser aux sociétés des pays industrialisés dans les
années à venir. Dès aujourd’hui en Suisse, une personne
sur six a plus de 65 ans. D’après des estimations, ce
groupe d’âge représentera près de 30 % de la population
d’ici 2050. De plus, pour 100 personnes actives, on sera
alors en présence de 51 retraités. Un objectif primordial
est donc non seulement l’allongement de l’espérance de
vie, mais surtout que la population vieillisse en bonne
santé. Il faut porter encore plus d’attention à la prévention.
L’excès de poids: un facteur de risque sous-estimé
Il est incontestable que la baisse du nombre de fumeurs
a fait reculer le cancer du poumon. Inversement, il a aug-
menté chez les femmes, car elles sont plus nombreuses
à fumer qu’autrefois. Il est clair que le nombre de cas de
maladies cardio-vasculaires (cause de décès numéro un)
pourrait être nettement réduit par un mode de vie plus sain
(plus d’activité physique, alimentation équilibrée, moins
d’excès de poids), ce qui réduirait aussi les coûts de santé.
En Suisse, ce sont surtout les hommes qui sont en excès
2
pharma:ch 1/13
Bâle a une proportion particulièrement élevée de per-
sonnes âgées. Quelles en sont les conséquences pour le
système de santé et l’économie de la santé?
L’évolution démographique a atteint le canton de Bâle-
Ville avant les autres cantons. Il a donc fallu prévoir plus
tôt des structures de prise en charge intégrées. Nombre
de cantons vont encore devoir relever ce défi. Une poli-
tique moderne de la vieillesse doit tenir compte en per-
manence de l’hétérogénéité de ce groupe de population
qui recouvre différentes phases de la vie avec des be-
soins divers. Un bon exemple de la manière dont des
nouveautés apparaissent est la thématique du loge-
ment pour les personnes âgées. Les foyers pour per-
sonnes âgées tels qu’on les connaissait autrefois sont
en voie de disparition. À la place, de nouvelles offres
sont apparues ces dernières années et continuent à
apparaître: des coopératives d’habitation et maisons
des générations aux logements avec offres de services
ou encore établissements médico-sociaux spécialisés
pour les personnes atteintes de démence.
Quels sont les groupes d’âge concernés?
Nous avons constaté que la préparation de la vieillesse
ne commence pas à 65 ans. Un exemple susceptible
d’améliorations est le renforcement des compétences
en santé pour ce qui est des risques sanitaires liés à
l’âge. À cet égard, il faudra à l’avenir que nous commen-
cions plus tôt et autrement. Pas en donnant des leçons
mais par des campagnes qui touchent le public. En
effet, la promotion de la santé dans l’optique d’une re-
traite mobile et en bonne santé commence dès l’âge de
40 ans. En même temps, le vieillissement de la popula-
tion, mais aussi un mode de vie malsain (manque d’ac-
tivité physique, obésité, stress, par exemple) accroissent
les risques sanitaires. Il faut que la promotion de la santé
commence plus tôt, sans quoi la probabilité de souffrir
ultérieurement d’une ou plusieurs maladies chroniques,
voire incurables, augmente.
Cependant, les maladies chroniques vont continuer à se
multiplier et à influencer l’évolution du système de santé.
C’est certain, et cela accroît les besoins en prestations
ambulatoires régulières, qui doivent être fournies sur
une longue durée par plusieurs prestataires proches
du domicile. De nouvelles structures de prise en charge
telles que les cabinets médicaux de groupe interdisci-
plinaires, les centres de santé, les cabinets de quar-
tier avec offres intégrées d’aide et de soins à domi-
cile ou les unités ambulatoires des hôpitaux couvrant
plusieurs institutions doivent être mieux encouragées
à l’avenir. Ceci a également un impact sur la formation
aux professions de la santé. La formation des méde-
cins doit répondre aux exigences des futurs modèles
de prise en charge intégrée. Les professions de santé
paramédicales pourraient à l’avenir, en fonction de leur
qualification, assumer des tâches actuellement réser-
vées aux médecins. De nouveaux profils professionnels
pourraient apparaître, offrant de nouvelles chances en
raison de leur attractivité.
Y a-t-il des enjeux de société qui n’ont pas encore été
suffisamment pris en compte?
Concrètement, le nombre de personnes âgées parti-
culièrement vulnérables va augmenter. Il s’agit en par-
ticulier des personnes atteintes de démence, des toxi-
comanes, des personnes atteintes de maladies psy-
chiques ainsi que de celles souffrant de maladies incu-
rables ou se trouvant en fin de vie. Étant donné qu’avec
l’âge, la probabilité de maladie incurable ou chronique
s’accroît, le vœu d’accompagnement en fin de vie est
également plus fréquent. À l’avenir, cette tendance va
encore se renforcer, car nous aurons affaire à une géné-
ration de personnes âgées habituées à décider de leur
vie en autonomie. Il faudra proposer des alternatives
répondant aux besoins dans le domaine de la méde-
cine palliative.
«Une politique moderne de la vieillesse doit tenir compte en permanence de l’hétérogénéité de ce groupe de population»
Carlo Conti, conseiller d’État, chef du Département de la santé de Bâle-Ville et président de la CDS
«Le nombre de personnes âgées particulièrement vulnérables va augmenter.»
3
1/13 pharma:ch
Une soCiété vieiLLissAnte – défi et ChAnCe
de poids (près de 50 %), mais le nombre d’enfants présen-
tant une surcharge pondérale, voire une obésité, a aug-
menté dans des proportions inquiétantes. D’après l’Office
fédéral de la santé publique (OFSP), les coûts entraînés
ont plus que doublé en l’espace de cinq ans, passant de
2.6 milliards de francs en 2001 à 5.7 milliards en 2006.
En dépit de la lourde responsabilité individuelle qui est en
jeu pour les coûts de santé, c’est toujours le prix des mé-
dicaments qui est au centre des débats. Les milieux poli-
tiques font souvent l’impasse sur des aspects tels que
qualité et bénéfices, oubliant ainsi l’importance et l’utilité
du progrès médical. Or, il est démontré que les dépenses
de santé permettent de réduire d’autres frais de maladies.
Les médicaments soulagent les conséquences de la ma-
ladie ou permettent d’en raccourcir la durée. Les médica-
ments novateurs sont sans doute souvent plus onéreux
que leurs prédécesseurs, mais ils contribuent à faire bais-
ser les coûts en abrégeant la durée d’hospitalisation, voire
en rendant superflues des interventions chirurgicales.
Compression vs médicalisation
On ne sait pas encore exactement dans quelle mesure le
vieillissement de la population fait réellement augmenter
les coûts de santé. Deux théories s’affrontent: la thèse de
la compression part du principe que les maladies graves
apparaissent peu avant la mort, de sorte qu’elles ne font
pas énormément augmenter les coûts de santé. En re-
vanche, la thèse de la médicalisation part du principe que
la progression de l’espérance de vie aboutit à davantage
de maladies de la vieillesse et que les années gagnées
sont de plus en plus vécues dans un état de maladie et de
handicap. Résultat logique: des coûts de santé en hausse.
Bien que l’étude de Harry Telser et al. réalisée pour Inter-
pharma («Dépenses de santé et frais de maladie», 2011)
tende plutôt vers la thèse de la compression, l’auteur
pense que les deux thèses peuvent mener à une hausse
des coûts de santé. Dans le cas de la médicalisation,
l’augmentation de l’espérance de vie est «achetée» au prix
de plus de maladies chroniques de la vieillesse et, par voie
de conséquence, de dépenses plus élevées. Dans la thèse
de la compression de la morbidité, les dépenses de santé
peuvent également augmenter, parce qu’elles sont consi-
dérées comme un apport à une amélioration de l’état de
santé au cours de la vieillesse. Un article scientifique pré-
sente les choses ainsi: «Les personnes âgées peuvent
générer des dépenses de santé élevées et néanmoins ne
pas être handicapées ou nécessiter des soins.»
François Höpflinger et al. ont étudié l’évolution des besoins
en soins avec l’âge en Suisse. Les auteurs aboutissent à
la conclusion que le besoin d’aide de la population qui
vieillit s’accroît plus vite que ses besoins de soins. Chez
les personnes âgées qui vivent à domicile, en particulier,
il est essentiel de faire cette distinction entre besoins de
soins et besoins d’aide. Höpflinger en conclut: «On aurait
besoin de moins de places en EMS si les problèmes so-
ciaux et financiers du logement des aînés étaient mieux
résolus. Pour les personnes n’ayant pas besoin de soins,
des formes de logement protégé et des logements so-
ciaux en coopératives d’habitation seraient mieux adaptés
et globalement moins onéreux.»
employeur important
Quoi qu’il en soit, le vieillissement de la population va ac-
centuer encore l’importance du système de santé en tant
que facteur économique. Ceci ne s’applique bien sûr pas
seulement à la Suisse, mais à tous les pays industrialisés
d’Europe de l’Ouest, d’Amérique du Nord et d’Asie. Dès
aujourd’hui, le secteur de la santé emploie en Suisse plus
de 550 000 personnes. Bientôt, une personne sur huit tra-
vaillera dans ce domaine. Le système de santé va donc
devenir le principal employeur du pays. En 2010, les coûts
globaux se montaient à environ 62.5 milliards de francs.
Les comparaisons internationales sont difficiles à faire
dans le domaine de la santé, mais il est intéressant de se
pencher sur les données de l’OCDE. La place monétaire
du système de santé est exprimée par la part des dé-
penses de santé au produit intérieur brut (PIB) global. En
2010, ce taux était de 10.9 % en Suisse, la plaçant en 8e
position.
Les dépenses par tête pour la santé sont plus révélatrices.
En 2010, la moyenne dans les pays étudiés était de 3 265
dollars. Les États-Unis étaient en tête avec 8 233 dollars,
suivis de la Norvège avec 5 388 dollars et de la Suisse avec
5 270 dollars. Mais l’OCDE signale que de fortes dépenses
pour la santé ne reflètent pas forcément un système de
santé efficace. Les différences sont aussi imputables à
des différences de structures de financement: dans la plu-
part des pays de l’OCDE, les dépenses de santé sont fi-
nancées en grande partie par des fonds publics. À cet
égard, le taux de 65 % de la Suisse est comparativement
faible. Parmi les pays économiquement comparables,
seuls les États-Unis (48 %), la Corée du Sud (58 %) et Israël
(61 %) ont un taux inférieur. Dans les autres pays, la part
de fonds publics se situe entre 70 % et 85 %.
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pharma:ch 1/13
La recherche et l’innovation sont indispensables Les nouveaux traitements et médicaments sont indispensables pour mieux lutter contre les mala-
dies. C’est ainsi que notre société vieillissante attend avec impatience une percée dans la recherche
sur la démence. Pour que l’industrie pharmaceutique de notre pays puisse garder sa position de
pointe dans la recherche mondiale, il faut améliorer les conditions cadres.
ladie d’Alzheimer de se déclencher ou d’en réparer les
dégâts». Dans le monde entier, environ 25 000 chercheurs
s’efforcent actuellement de trouver de nouvelles subs-
tances actives contre cette maladie.
Pourquoi est-il si difficile d’élaborer des médicaments
contre la maladie d’Alzheimer? «Elle modifie le cerveau de
manière complexe, nous n’en comprenons pas encore
tous les détails», explique Ana Graf, chercheuse spéciali-
sée dans la maladie d’Alzheimer chez Novartis. Un autre
problème est l’évolution insidieuse de la maladie: elle se
développe généralement lentement, pendant des années.
Les essais sur l’efficacité de substances actives doivent
donc eux aussi être de longue durée.
succès de la recherche sur le diabète
Une autre maladie qui se répand à grande vitesse avec le
vieillissement de la population est le diabète. D’après les
estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
370 millions de personnes seront atteintes de diabète
dans le monde entier en 2030. Actuellement, elle évalue
le nombre de personnes touchées à 180 millions, contre
30 millions seulement il y a 20 ans. «Le diabète se répand
parce que l’espérance de vie s’allonge et que notre mode
de vie est de plus en plus malsain», affirme Doris Fischer-
Taeschler, directrice de l’Association Suisse du Diabète.
90 % des patients sont atteints de diabète de type 2. La
principale cause en est l’excès de poids suite à un manque
d’activité physique et à une alimentation trop riche.
Dès aujourd’hui, comme le montre une étude de l’Asso-
ciation Alzheimer Suisse, les démences entraînent des
coûts de 6.3 milliards de francs par an au total. La ten-
dance est à la hausse. Au moins 100 000 personnes sont
concernées dans notre pays, 1.2 million en Allemagne.
D’ici 30 ans, ce chiffre aura probablement doublé. En Eu-
rope, on estime que 10 millions de personnes seront at-
teintes de démence d’ici 2040.
Ce ne sont pas seulement les pronostics qui font peur,
mais aussi le fait que chez la moitié des personnes tou-
chées, la démence n’est pas diagnostiquée. Or, il existe
dès maintenant des médicaments qui freinent l’évolution
de la maladie. Les malades ont ainsi plus de temps pour
régler consciemment certaines choses nécessaires. De
plus, l’entrée dans une institution de soins peut être re-
mise à plus tard, ce qui permet des économies.
Mais il reste un grand «mais»: «Le problème des médica-
ments actuels est qu’ils sont prescrits alors qu’il est déjà
trop tard», explique le professeur Andreas Monsch, neu-
ropsychologue et directeur de la Clinique de la mémoire
de l’Hôpital universitaire de Bâle. Les médicaments ac-
tuels ne peuvent donc plus réparer les cellules nerveuses
détruites dans le cerveau. Monsch pense que la recherche
sur les cellules souches pourra ouvrir de nouvelles pers-
pectives de régénération des cellules nerveuses, «mais là
encore, il ne faut pas croire qu’il y aura une percée dans
les prochaines années». L’objectif est «d’empêcher la ma-
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1/13 pharma:ch
Une soCiété vieiLLissAnte – défi et ChAnCe
Autrefois incurable et mortel, le diabète est devenu, tout
au moins dans nos contrées, une maladie chronique que
l’on peut maîtriser. Grâce à la recherche, les diabétiques
ont en Suisse accès à des méthodes de traitement effi-
caces, qui les protègent généralement des séquelles de
la maladie – amputations et cécité par exemple.
Depuis 1996, il existe des insulines fabriquées par génie
génétique. De petites modifications moléculaires per-
mettent d’accélérer ou de prolonger l’effet du médica-
ment. Grâce à cela, les diabétiques peuvent en Suisse
mener une vie quasiment normale. Cependant, la re-
cherche sur le diabète est encore loin du but. Les espoirs
se concentrent là encore sur les cellules souches.
Progrès de la recherche sur le cancer
Le vieillissement de la population a aussi entraîné une
forte augmentation des cancers, deuxième cause de dé-
cès en Suisse. Environ 85 000 personnes sont atteintes
d’un cancer ou ont été atteintes d’un cancer au cours des
cinq dernières années. Chaque année, 35 000 personnes
contractent nouvellement un cancer et 15 000 en meurent.
Cela signifie qu’un homme sur trois et une femme sur
quatre seront confrontés à un diagnostic de cancer avant
d’avoir atteint l’âge de 75 ans. De nombreuses personnes
se croient alors condamnées.
Mais tel n’est pas le cas: plus de la moitié des cancers sont
aujourd’hui curables. Depuis quelques années, de moins
en moins de personnes meurent d’un cancer alors que le
nombre de nouveaux cas est stable. De nombreux types
de cancer sont devenus curables, en particulier diagnos-
tiqués précocement. S’y ajoutent des cancers qui ne sont
plus mortels, même lorsque le diagnostic est posé à un
stade avancé.
On a enregistré des progrès par exemple dans le traite-
ment du cancer du côlon, des glandes lymphatiques et du
sein ainsi que des cancers de l’enfant. La recherche est
complexe, car il existe 400 types de cancer différents et
que chacun a une origine différente. La division cellulaire
incontrôlée doit dans chaque cas être observée, diagnos-
tiquée et soignée isolément.
Les progrès de la recherche sur le cancer sont parfois
escamotés par les débats sur les coûts de certains médi-
caments. Ceux-ci ne permettent pas de guérir la maladie,
mais ils rendent la dernière phase de la vie plus suppor-
table, même s’ils ne prolongent la durée de vie des pa-
tients que de quelques semaines ou de quelques mois.
Sans vouloir se dérober à la discussion sur les coûts, il
faut garder à l’esprit que les médicaments ne représentent
qu’environ 10 % de l’ensemble des coûts de santé, dont
Quelle est la contribution apportée par l’industrie pharma-
ceutique pratiquant la recherche pour relever les défis
d’une société vieillissante?
En dépit de grands progrès médicaux, il reste beaucoup
de maladies incurables, faute de traitement adéquat.
Nous ne comprenons encore que très rudimentaire-
ment bon nombre de maladies, y compris fréquentes.
Par conséquent, la capacité d’innovation de l’industrie
pharmaceutique reste un élément important pour conti-
nuer à accomplir des progrès dans le domaine de la
eric Cornut, Chief Commercial Officer, Novartis
et président d’Interpharma
«nous ne comprenons encore que très rudimentairement bon nombre de maladies»
santé. Nous sommes à la recherche de médicaments
présentant des avantages sensibles par rapport aux
médicaments ou traitements existants, capables de
soulager et de guérir rapidement et efficacement. En
raison de l’évolution démographique, les maladies chro-
niques et les maladies liées à l’âge, par exemple la ma-
ladie d’Alzheimer, vont se multiplier. Nous avons donc
besoin de nouveautés médicales pour une prise en
charge qualitative et économique de l’ensemble de la
population. De plus, il faut chercher de nouvelles ap-
proches susceptibles de retarder le déclenchement de
maladies, voire de l’empêcher.
Comment la recherche pharmaceutique a-t-elle évolué
ces dernières années?
La recherche pharmaceutique a accompli de grands
progrès grâce à l’expérience accumulée en biologie
moléculaire et en technologie moléculaire. Le projet de
décryptage du génome humain, par exemple, contribue
à identifier des gènes qui déclenchent des maladies.
Cela permet de mieux comprendre l’origine de cer-
6
pharma:ch 1/13
10 % concernent les médicaments anticancéreux. Les
médicaments anticancéreux représentent donc juste 1 %
des coûts de santé.
Le développement d’un médicament anticancéreux apte
à être mis sur le marché prend une dizaine d’années et
coûte plus d’un milliard de francs. Les nouveaux médica-
ments ont souvent pour effet de prolonger la vie et d’amé-
liorer la qualité de vie. La dernière génération de médica-
ments anticancéreux a nettement moins d’effets secon-
daires. Ils s’attaquent uniquement aux cellules cancé-
reuses et épargnent les cellules saines. Les groupes de
patients sont de plus en plus petits: la recherche est donc
de plus en plus onéreuse. En l’absence d’incitations du
législateur, la recherche a diminué en Suisse ces dernières
années. Une autre raison est que les conditions cadres
administratives entravent de plus en plus fortement la re-
cherche médicale.
entraves à la recherche clinique
L’analyse de situation réalisée pour le Programme national
contre le cancer 2011–2015 montre que notre pays a pris
du retard dans le domaine de la recherche clinique, en
particulier pour ce qui est de la recherche sur le cancer,
onéreuse et nécessitant de bons réseaux. Environ 400
essais cliniques ont encore été réalisés en Suisse en
2004, contre seulement 225 en 2011. Ce recul représente
un problème avant tout pour les patients et porte atteinte
à la qualité de la médecine. Notre place de recherche
risque de perdre son importance alors que la Suisse a une
longue tradition de recherche clinique. Les raisons sont
multiples: petits nombres de patients, procédures décen-
tralisées et parfois de longue haleine auprès des commis-
sions d’éthique, critères d’autorisation compliqués et, tout
au moins jusqu’à récemment, manque de conscience de
l’importance des principes internationaux de bonnes pra-
tiques cliniques. Ceux-ci définissent les conditions
éthiques et scientifiques régissant la réalisation d’essais
cliniques.
Afin de surmonter les inconvénients dus à la petite taille
des structures de la Suisse, il faut un pilotage national plus
fort et un environnement législatif qui encourage plutôt
que d’entraver. En fait partie une coopération au-delà des
frontières. Une étape dans la bonne direction est le plan
directeur visant à revitaliser la Suisse en tant que site de
recherche et de production pharmaceutique. Sont pré-
vues des procédures plus rapides pour la mise en œuvre
d’essais cliniques, l’autorisation de nouveaux médica-
ments par Swissmedic et pour leur remboursement
(OFSP). Il ne s’agit pas que la Suisse soit au même niveau
que l’Union européenne, mais meilleure.
taines maladies et d’élaborer de nouveaux traitements
mieux ciblés. La médecine personnalisée vise à propo-
ser aux patient(e)s des traitements adaptés aussi préci-
sément que possible à leur tableau clinique personnel
en utilisant des dimensions génétiques ou biochimiques
appelées biomarqueurs. Cela permet d’accroître les
chances de succès du traitement, car seulement les
patient(e)s susceptibles de répondre à un certain traite-
ment reçoivent le médicament correspondant. De plus,
on évite ainsi des traitements inefficaces superflus, d’où
des économies pour le système de santé.
Quelle est la place de la coopération avec les médecins
pratiquant la recherche dans les hôpitaux universitaires?
Elle est importante. La Suisse a une longue tradition de
recherche clinique et dispose d’excellentes cliniques
universitaires. Cependant, entre autres en raison du
petit nombre de patients, des procédures décentrali-
sées et parfois de longue haleine auprès des commis-
sions d’éthique et de la lenteur du recrutement dans un
contexte de concurrence internationale croissante, le
nombre d’essais cliniques est en recul depuis plusieurs
années. D’autres obstacles à la réalisation de projets de
recherche en réseau sont les coûts élevés et le multilin-
guisme. Les conditions cadres sont donc un élément
crucial pour la recherche.
À quelles conditions cadres faites-vous allusion?
Il s’agit d’une part de processus allégés pour l’approba-
tion d’essais cliniques, d’autre part d’un accès plus
rapide des patient(e)s aux traitements novateurs. D’une
manière générale, nous ne devons pas nous contenter
de conditions cadres correspondant à la moyenne eu-
ropéenne. Pour l’attractivité de la place scientifique
dans un environnement de plus en plus concurrentiel,
seul le meilleur est suffisant. Le plan directeur visant à
revitaliser la Suisse en tant que site de recherche et de
production pharmaceutique est un signal positif. Si l’on
parvient par exemple à rendre la Suisse plus attractive
pour la recherche, cela bénéficiera à l’industrie et aux
médecins qui pratiquent la recherche dans les hôpitaux
universitaires, mais aussi aux patients.
«nous ne comprenons encore que très rudimentairement bon nombre de maladies»
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1/13 pharma:ch
impressuméditeurs: Thomas B. Cueni, Sara Käch Rédaction: InterpharmaMaquette: Continue AG, BâlePhotos: Barbara Jung
«Pharma:ch» est le bulletin d’Interpharma, l’association des entreprises de recherche pharmaceutique suisses Actelion, Novartis, Roche, AbbVie, Amgen, Bayer, Boehringer Ingelheim, Gilead, Janssen, Merck Serono, Pfizer, Sanofi, UCB & Vifor. En proposant une information différenciée, ce bulletin entend contribuer à la compréhension de l’activité de recherche et de développement médico-pharmaceutique menée en Suisse.
Pour consulter les informations de fond et les prises de position, prière de se reporter au site web www.interpharma.ch.
interpharmaCase postale, 4003 BâleTéléphone 061 264 34 00Téléfax 061 264 34 [email protected]
Mission et devoirGrâce à la recherche et à l’innovation, les possibilités médicales vont continuer à s’étendre.
Ceci se traduit par un prolongement de l’espérance de vie sans incapacités, ce qui correspond à un
souhait de société. Mais pour des raisons économiques, nous sommes réticents à y répondre.
Nous disons facilement qu’une longue vie en bonne santé
est ce qui nous semble le plus précieux. S’occuper des
personnes malades et âgées est donc une mission impor-
tante de notre société. Le progrès médical y contribue
considérablement, car il permet de vivre plus longtemps.
Depuis 50 ans, notre espérance de vie a augmenté et elle
va continuer à le faire. Mais l’accroissement du nombre
d’années de vie sans incapacités est aussi important.
Nous vivons ainsi plus longtemps en bonne santé.
Ceci correspond à nos conceptions des valeurs sociales
et va de pair avec la bonne réputation des médecins qui
se consacrent à cette mission. Mais s’occuper des per-
sonnes âgées et malades dans notre société n’est pas
seulement une mission noble et gratifiante, c’est aussi un
devoir que nous n’avons pas le droit de négliger pour la
simple raison que les coûts de santé et les primes d’assu-
rance-maladie augmentent. Indépendamment de consi-
dérations économiques, nous avons le devoir de guérir les
malades ou de soulager leurs maux de manière à leur
assurer autant d’indépendance et aussi peu de souffrance
que possible en dépit de la maladie. Il reste fort à faire pour
la santé, à commencer par la prévention pour que nous
puissions vivre plus longtemps en bonne santé, mais en-
suite et particulièrement dans la recherche et le dévelop-
pement dans le domaine des maladies pour lesquelles il
n’y a pas encore de traitement. Il s’agit de maladies plus
fréquentes à un âge avancé comme la démence, le diabète
ou certaines formes de cancer. Nombre de maladies en-
core incurables sont des maladies rares. Elles concernent
de petits groupes de patients que nous n’avons pas le droit
d’oublier sous prétexte que leur maladie est rare. Enfin, il
s’agit de la qualité de vie des malades. Argumenter d’un
point de vue «économique», en affirmant que prolonger la
vie de six mois pour des coûts de traitement de plusieurs
milliers de francs «ne vaut pas la peine», c’est juger de
manière arbitraire et présomptueuse. En effet, c’est déci-
der à la place des malades en étant soi-même en bonne
santé et oublier qu’il ne s’agit pas seulement d’un prolon-
gement de la vie de six mois, mais aussi et surtout de la
qualité de ces six derniers mois d’une vie et de la qualité
du décès. Ceci doit être possible dans la dignité et sans
souffrances inutiles. Avancer des arguments économiques
et prescrire un rationnement au lieu d’un traitement, c’est
peut-être freiner la croissance des coûts de santé, mais
cela ne correspond pas à nos conceptions de valeurs
éthiques et morales et va à l’encontre de notre devoir vis-
à-vis des personnes âgées et malades.
Grâce à ses hôpitaux universitaires et à son industrie
pharmaceutique, la Suisse peut contribuer largement au
progrès médical. Il convient de créer à cet effet les meil-
leures conditions cadres, car l’économie de notre pays en
bénéficiera. En tant que société, il ne faut pas que nous
refusions ce progrès qui correspond à une responsabilité
que nous avons les uns envers les autres.
thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma
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