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PHYTOTECHNIE SPÉCIALE I FOURRAGES PAR C. MOULE Préface de : J. BUSTARRET LA MAISON RUSTIQUE - PARIS

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PHYTOTECHNIE SPÉCIALE

I

FOURRAGES PAR

C. MOULE

Préface de :

J. BUSTARRET

LA MAISON RUSTIQUE - PARIS

PHYTOTECHNIE SPÉCIALE

Tome I

FOU RRAG ES

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41 : d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées d une utilisa- tion, collective; d'autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d'exemple et d'illustra- tion toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur

ou de ses ayants-droit ou ayants-cause, est illicite (alinéa 1 °* de l'article 40). Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contre-

façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris l'U.R.S.S.

© LA MAISON RUSTIQUE, PARIS, 1971

PRÉFACE

L'ouvrage que le professeur MOULE, auquel me lie une longue amitié, m'a demandé de présenter, répond de toute évidence à un besoin. Si le grand public n'en a pas toujours conscience, les agriculteurs savent bien que l'ordre « immuable » des champs a connu, depuis quelques décennies, des transformations profondes et, même, une véritable révolution.

A l'origine de celle-ci, on trouve d'abord l'évolution rapide du contexte écono-mique et social dans lequel l'agriculture de la deuxième moitié du siècle doit maintenir et même développer sa place, qui reste essentielle pour la santé de l'économie natio-nale. L'agriculteur devient de plus en plus un entrepreneur, préoccupé des prix de revient et des débouchés de ses produits, désireux d'avoir plus de contacts avec le monde extérieur, et soucieux de bénéficier, comme les autres catégories sociales, des avantages matériels que procure, en contrepartie de quelques inconvénients, la civi-lisation de notre temps.

Mais cette adaptation de l'agriculture aux conditions du monde actuel n'a été rendue possible que par l'évolution, elle aussi très rapide, des concepts et de la techno-logie agronomiques, parallèle à celle des sciences biologiques et physiques. Au cours des vingt-cinq dernières années, la recherche agronomique a connu, dans beaucoup de pays, un développement très important, auquel notre pays apris une part honorable, et ses résultats ont grandement contribué à la modernisation de l'agriculture.

L'importance relative des diverses cultures a beaucoup changé pendant cette période et, pour celles qui se sont maintenues comme pour celles qui ont connu une extension parfois spectaculaire, les variétés cultivées ont été complètement renou-velées, les méthodes de fertilisation et de lutte antiparasitaire sont devenues plus précises et plus efficaces, les techniques culturales se sont transformées sous le double effet d'une meilleure connaissance des relations climat-sol-plantes et de la mise au point d'une gamme nouvelle de machines; enfin, même les techniques de conser-vation et de présentation des produits récoltés ont connu bien des innovations.

En face d'une évolution aussi rapide, la réalisation d'une bonne mise au point est à la fois nécessaire et difficile : difficile parce que de nouvelles variétés et de nouvelles techniques apparaissent chaque année. La seule façon d'éviter qu'un tel

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ouvrage vieillisse trop vite est d'insister sur les connaissances de base, maintenant solidement établies, qui permettront de juger, et quelquefois de prévoir, les innova-tions des prochaines années, C'est le parti qu'a choisi l'auteur.

Pour accomplir cette tâche, il fallait une expérience personnelle à la fois de la recherche et de l'enseignement. Chercheur, C. MOULE possède la solidité des connaissances, la rigueur du raisonnement, l'ouverture d'esprit indispensables. Professeur, il a l'esprit de synthèse et l'art de mettre ses connaissances à la portée de ses auditeurs ou de ses lecteurs. Aussi son ouvrage est-il appelé, j'en suis certain, à trouver une large audience non seulement auprès des enseignants et des étudiants, mais encore auprès des agriculteurs et de tous ceux qui ont pour tâche de les conseiller ou de les orienter.

Le premier tome de « Phytotechnie spéciale» est consacré aux fourrages, c'est-à-dire au groupe des productions végétales pour lequel les connaissances et les techniques ont connu, en vingt-cinq ans, le plus grand renouvellement, au point qu'on a parlé de « Révolution fourragère ». C'est aussi celui à propos duquel les agriculteurs et les éleveurs se posent sans doute, actuellement, le plus de questions. C'est dire que ce premier tome vient particulièrement à son heure.

En le publiant, La Maison Rustique reste fidèle à sa longue tradition.

J. BUSTARRET

Membre de l'Académie d'Agriculture Directeur Général

de l'institut National de la Recherche Agronomique

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INTRODUCTION

Ce Traité de Phytotechnie Spéciale, présenté en trois volumes, est consacré à l'étude des espèces de grande culture en France métropolitaine.

C'est, en tout premier lieu, un ouvrage d'enseignement que nous avons essayé de rédiger, et tout naturellement, c'est, en priorité, aux étudiants de l'ensei-gnement supérieur agronomique que nous le destinons, aux futurs Ingénieurs comme aux futurs Techniciens Supérieurs. Nous souhaitons cependant que les élèves du cycle III des Lycées Agricoles puissent y trouver aussi des compléments à leurs connaissances phytotechniques.

En tant que tel, cet ouvrage ne prétend pas — et ne peut pas — remplacer le cours magistral. Il entend simplement présenter sous une forme concise et logique l'essentiel des bases scientifiques et techniques de la production des principales espèces de grande culture en France. C'est donc avant tout un manuel devant servir de support à un cours qui, selon son niveau, approfondira ou résumera, et, de toute façon, actualisera, tel chapitre ou paragraphe de l'ouvrage.

Mais nous avons également pensé que ce Traité devrait pouvoir intéresser le public beaucoup plus vaste des professionnels. C'est pourquoi, tout en nous gardant d'être encyclopédique, nous avons tenu à apporter des éléments de connaissance sur quelques cultures d'importance limitée, sortant du cadre normal d'un enseignement secondaire ou même supérieur, mais pouvant intéresser un technicien professionnel.

Pour atteindre ce double objectif, nous nous sommes d'abord attaché à étudier chaque espèce suivant un plan aussi simple et homogène que possible, comportant quatre parties principales : l'étude économique, la plante, les variétés cultivées, la culture.

Une place non négligeable a été faite à l'économie de la production envisagée. Le rang économique mondial, européen et national d'une plante cultivée n'est-il pas la sanction de son niveau de perfectionnement biologique et technique?

D'autre part, les connaissances acquises, ces vingt dernières années, sur la physiologie de certaines « grandes » espèces (blé, maïs, betterave, pomme de terre) nous ont permis de donner à la biologie de la plante l'extension souhai-

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table, les conséquences pratiques de ces données fondamentales étant chaque fois que possible présentées immédiatement après.

Nous avons aussi porté une attention toute particulière à l'étude des variétés. Celle-ci, dans d'autres ouvrages, est souvent incluse dans le chapitre « Culture ». Nous l'en avons sortie. Il nous semble, en effet, que l'une des caractéristiques fondamentales de l'évolution récente de la phytotechnie est l'exploitation chaque jour plus approfondie de l'extrême variabilité de l'espèce. La variété agricole, fruit d'un patient travail d'amélioration génétique poursuivi par l'homme, est ainsi devenue un puissant élément moteur du progrès agronomique moderne. Corrélativement nous avons été conduit à donner, pour les espèces-types, des notions sur les méthodes et les objectifs généraux d'amélioration; également des précisions sur la production des semences.

Sans doute remarquera-t-on la place relativement restreinte laissée à la partie « Culture ». La raison en est, qu'à la vitesse où évoluent aujourd'hui les techniques elles-mêmes, il nous semble moins important, s'agissant d'un ouvrage d'enseignement, d'énumérer le détail de toutes les séquences culturales que de mettre en valeur, à l'issue de l'étude de la plante, les techniques essentielles.

Quant à l'éventail des espèces présentées dans ce Traité, l'étudiant y trouvera, occupant la place qui leur revient, les « grandes » espèces métropolitaines, les mieux connues et les plus intéressantes sur le plan pédagogique. Et le technicien intéressé par telle culture plus spécialisée (chanvre, chicorée, houblon) pourra y trouver aussi des renseignements à la fois scientifiques et techniques.

Mais où peut s'arrêter un inventaire qui se veut non exhaustif des espèces de grande culture en France? Doit-il inclure, en particulier, les espèces légumières de plein champ, lesquelles nous conduisent insensiblement aux cultures maraî-chères sensu stricto? Nous avons préféré nous limiter à quelques-unes d'entre elles, partie intégrante d'un groupe plus vaste, celui des légumineuses à graines.

Ceci nous conduit à évoquer le difficile problème de la classification de ces espèces. Nous devons convenir qu'aucun système ne nous satisfait pleinement, aucun ne pouvant être totalement homogène. Une classification par famille bota-nique conduirait à étudier ensemble les céréales et les graminées prairiales (mais isolerait le sarrasin), à étudier ensemble aussi le tournesol et la chicorée, à étudier par contre très séparément la betterave et la carotte fourragère, la pomme de terre et le topinambour, le lin et le chanvre. Une classification strictement utili-taire, par exemple en trois grands groupes d'espèces, tels que Plantes alimentaires, Plantes industrielles, Plantes fourragères, n'est pas non plus sans critique; la pomme de terre n'est-elle pas alimentaire et industrielle; l'orge, la betterave ne sont-elles pas industrielles et fourragères?

La classification que nous avons adoptée prend pour base la partie du végétal objet principal de la culture : le grain, la racine, le tubercule, la fibre, etc. Nous avons ainsi distingué sept groupes d'espèces : les céréales, cultivées pour leurs graines amylacées; les légumineuses à graines, sources de protéines; les oléagineux, à graines riches en lipides, les plantes-racines et tubercules, cultivées pour leurs organes souterrains; les plantes à fibres; les plantes aromatiques, et enfin, les plantes fourragères cultivées princi)alement I our leur appareil chlorophyllien, feuilles et tiges.

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L'étude de ces sept groupes d'espèces est présentée en trois volumes : Céréales, Plantes sarclées et diverses, Fourrages. Sur le plan pédagogique, il eut été certaine-ment préférable que le volume I soit consacré aux « Céréales ». Pour des raisons d'ordre matériel, le volume « Fourrages » est présenté en premier.

La rédaction de ce Traité nous a bien évidemment conduit à dépouiller un nombre important de documents. Sans doute observera-t-on que notre documenta-tion et la bibliographie recommandée au lecteur à la fin de chaque chapitre est surtout française, c'est-à-dire pour une bonne part, constituée par les travaux effectués depuis vingt-cinq ans par l'Institut National de la Recherche Agrono-mique. C'est sans doute parce que nous avons eu l'honneur d'appartenir à l'INRA pendant près de dix années et parce que nous avons gardé avec lui les liens très étroits que l'Enseignement supérieur agronomique devrait avoir, sur le plan organique et humain, avec la Recherche. C'est aussi parce que les résultats de la Science et de l'École agronomique française ne sont pas assez connus et enseignés à tous les niveaux, en France et, à fortiori, à l'étranger. Si donc, la synthèse qui est présentée dans cet ouvrage peut modestement contribuer à l'enseignement et à la diffusion des connaissances acquises par la Recherche Agronomique française, nous aurons rempli notre rôle de membre de l'Enseignement supérieur.

Il nous reste pour terminer à adresser nos plus vifs remerciements à nos collègues enseignants et chercheurs de l'INRA, notamment à ceux du Département d'Amélioration des Plantes, qui par leurs conseils, la lecture critique des manus-crits, les documents originaux qu'ils nous ont transmis, nous ont aidé dans la réalisation de ce travail. Qu'ils nous permettent de ne pas citer leurs noms, risquant d'en oublier. Nous tenons toutefois à mentionner ceux de deux disparus auxquels ce Traité rendra humblement hommage : celui de notre ami Xavier LAS-COLS qui lut et annota une première rédaction du chapitre « Maïs » quelques semaines avant de nous quitter; celui de l'Ingénieur Général JusslAUx, qui nous suggéra il y a quatre ans de rédiger cet ouvrage.

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RÉPERTOIRE DES PRINCIPAUX SIGLES, SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS

utilisés dans le texte de l'ouvrage

Les symboles des unités de mesure sont utilisés conformément aux dispositions du décret 61-501 du 3 mai 1961 pris en application des décisions de la Conférence internationale des Poids et Mesures de 1960. Seuls les symboles d'un usage peu courant figurent dans la liste ci-dessous.

°C Degré Celsius (température), encore appelé degré centésimal. CETA Centre d'Études Techniques Agricoles. CNEEMA Centre National d'Études et d'Expérimentation du Machinisme Agricole. F/T Rapport : feuilles sur tiges. I NRA Institut National de la Recherche Agronomique. ITCF Institut Technique des Céréales et des Fourrages. j jour kcal Kilocalories. kg/ha Kilogrammes par hectare. kW Kilowatt MA Matière active, lorsqu'il s'agit de pesticides. MA/ha Matière active par hectare (pesticides). MAD Matières azotées digestibles. MAT Matières azotées totales. méq Milliéquivalents. MO Matière organique. MOD Matières organiques digestibles. MOI Matières organiques indigestibles. MS Matière sèche. MS/ha Matière sèche par hectare. MS/j Matière sèche par jour. p.p.d.s. Plus petite différence significative. q Quintal, quintaux. q/ha Quintaux par hectare. S.C.P.A. Société Commerciale des Potasses d'Alsace et de l'Azote. S.P.I.E.A. Syndicat Professionnel des Industries des Engrais Azotés. t/ha Tonnes par hectare. t/j Tonnes par jour. UF Unité fourragère. UF/ha Unités fourragères par hectare. UF/kg Unités fourragères par kilogramme. UGB Unités gros bétail.

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CHAPITRE I

CLASSIFICATION ET ÉVOLUTION DES PRINCIPALES PRODUCTIONS

FOURRAGÈRES

I. CLASSIFICATION DES PRINCIPALES PRODUCTIONS FOURRAGÈRES.

Extrêmement nombreuses sont les espèces utilisables comme fourrages par les animaux, soit directement (consommation en vert) soit après conservation (foin, ensilage, fourrage déshydraté). On peut les classer en deux grands groupes :

1° Les fourrages pluriannuels ou prairies : permanentes (naturelles), tempo-raires, artificielles.

2° Les fourrages annuels.

A. LES PRAIRIES.

1° LA PRAIRIE PERMANENTE.

Appelée encore improprement « naturelle », la prairie permanente représente une surface engazonnée à flore complexe et de durée illimitée, donc non assolée.

La prairie permanente représente le système originel exclusif d'alimentation des animaux domestiques (cueillette d'un fourrage naturel) et peut constituer le système le plus extensif d'affouragement.

Plusieurs catégories peuvent être distinguées suivant le niveau de productivité de ces prairies.

Les pacages et parcours : très faible productivité, aucun soin d'entretien car difficiles d'accès (pentes) ou roche-mère peu profonde (affleurements).

Les prairies de fauche ou prés naturels : très souvent situés sur sols trop humides ou trop éloignés du centre de l'exploitation pour être pâturés; produc-tion réduite à 1 foin et 1 regain.

Les pâturages : prairies de qualité moyenne aptes à l'entretien mais non à l'engraissement ou à l'alimentation des fortes laitières.

Les herbages : prairies de qualité supérieure, aptes à l'embouche et aux fortes laitières.

2 FOURRAGES

Système extensif, pouvant produire des unités fourragères au plus bas prix, la prairie permanente se caractérise par contre :

— par une productivité souvent faible : 1 000 — 5 000 UF consommées, — par une grande irrégularité saisonnière de production : celle-ci est princi-

palement printanière (mai juin), très secondairement automnale (fin septembre, octobre); entre les deux, un « trou » d'été et d'hiver considérables (courbe de production en « dos de chameau »).

2° LA PRAIRIE TEMPORAIRE.

La prairie temporaire est une véritable culture d'herbe, composée soit d'une graminée pure, soit de l'association d'une ou plusieurs graminées (Ray-grass, Dac-tyle, Fétuque, etc...) et d'une ou plusieurs légumineuses (Trèfle, Luzerne, etc...).

Sa durée est variable (18 mois à 5-6 ans) mais toujours prédéterminée : c'est une prairie assolée.

Par rapport à la prairie permanente, la prairie temporaire a comme principal avantage de pouvoir atteindre une production beaucoup plus élevée (8 à 10 000 UF sur pied); elle peut également fournir des UF à plus bas prix que les fourrages annuels.

Cependant ce potentiel de productivité UF/ha demeure encore inférieur à celui des meilleurs fourrages annuels (Betterave, Maïs-ensilage).

3° LA PRAIRIE ARTIFICIELLE.

Appelée ainsi parce qu'elle ne vise pas à refaire une flore identique à celle des prairies permanentes, la prairie artificielle n'est qu'une temporaire à base exclusive de légumineuses (Luzerne, Trèfle violet, Trèfle blanc, Lotier, Sainfoin).

Comme la prairie temporaire, sa durée varie de 18 mois à 6-7 ans : c'est donc une prairie assolée.

Son intérêt principal réside dans la richesse en protéines de son fourrage et dans l'azote (et l'humus) qu'elle accumule gratuitement dans le sol (bactéries symbiotiques).

Par contre, elle est souvent météorisante et son fourrage est difficile à faner et à ensiler.

4° LES FOURRAGES ANNUELS.

Ceux-ci comprennent toutes les cultures fourragères occupant le sol au maximum un an, soit en culture principale, soit en culture dérobée.

Ce sont, par exemple : — en culture pure : le Mais-fourrage, le Chou fourrager, le Colza fourrager,

la Navette, la Betterave, le Topinambour, le Ray-grass italien, le Trèfle incarnat; — en culture associée : la Vesce-Avoine ou Vesce-Seigle, le Pois-Avoine, les

Pois-Vesce-Féverole, le Ray-grass italien-Trèfle incarnat.

CLASSIFICATION ET ÉVOLUTION 3

Ces fourrages, extrêmement nombreux, ont le double intérêt : — d'apporter à des moments déterminés des quantités importantes de matière

végétale, soit à consommer en vert, soit à conserver, et pallier ainsi les insuffi-sances saisonnières de la prairie. On pourrait même concevoir des chaînes de production fourragère essentiellement à base de fourrages annuels,

— d'atteindre pour certains d'entre eux des rendements UF/ha supérieurs à ceux des prairies, mêmes temporaires (14 à 15 000 UF/ha avec la betterave, verts et collets compris).

Cependant la culture de la plupart de ces fourrages demeure peu mécanisée, donc exigeante en main-d'oeuvre. Ces fourrages demandent, par définition, un labour chaque année. Les UF qu'ils fournissent sont donc en général plus chères que celles des prairies.

Enfin les fourrages produits ont souvent une composition non équilibrée ou pauvre en protéine (betteraves, topinambour, maïs) ou très riche (choux, trèfle incarnat).

II. ÉVOLUTION DES PRINCIPALES PRODUCTIONS FOURRAGÈRES EN FRANCE.

A. EVOLUTION GENERALE

Alors que la prairie permanente a constitué pendant très longtemps, et constitue encore, dans maintes régions du globe, la seule ressource fourragère des herbivores, la plupart des autres productions fourragères actuelles sont d'acqui-sition relativement récente.

Sans doute, la Luzerne était-elle déjà très appréciée des Romains cinq siècles avant notre ère; cependant son introduction en France méridionale ne remonte qu'à 1550. De même la

Évolution des surfaces fourragères en France depuis 1900 (en milliers d'hectares).

1900 1930 1950 1960 1967

Surfaces toujours couvertes d'herbe ........... 8 168 11 213 12 279 13 062 13 813 Prés naturels généralement fauchés ......... 4 418 5 432 5 214 5 027 5 263 Herbages et pâturages ................................ — — 2 213 3 663 4 749 Pacages et parcours .................................... — — 4 852 4 372 3 801

Prairies temporaires ...................................... 137 462 1 047 1 576 2 052 Prairies artificielles ........................................ 2 632 2 886 3 157 3 244 2 443

Trèfle ............................................................. 1 022 1176 1 182 1 217 833 Luzerne ......................................................... 881 1 139 1 410 1 681 1 437 Sainfoin ....................................................... 729 571 423 346 115

Fourrages annuels (culture principale) ...... 505 738 814 813 559 Mais-fourrage ............................................. — — 350 Betteraves fourragères ............................. 848 766 588 Choux fourragers ...................................... 242 269 237 Topinambour .............................................. 146 147 69

4 FOURRAGES

culture du Trèfle violet n'a débuté dans les Flandres qu'au xvie siècle. Le Trèfle incarnat est demeuré jusqu'au xixe siècle confiné aux départements méridionaux de notre pays.

Sans doute, Olivier DE SERRES, au début du XVie siècle, traitait-il dans son Théâtre d'Agriculture « des Vesces et Farrages », cultures d'appoint aux prairies.

Néanmoins, jusqu'au milieu du xvme siècle, les surfaces couvertes en herbe et en fourrages ne représentaient pas plus d'un quart des terres labourables. C'est l'époque « jachère-céréales » de l'agriculture.

Intervient alors la premiere révolution agricole : le remplacement de la jachère par une culture fourragère ou sarclée : prairie artificielle et betterave.

Un siècle plus tard (1880) commencent alors à s'accroître considérablement les prairies permanentes et artificielles : de 6 millions d'hectares de surfaces tou-jours en herbe en 1880, l'on passe à 8 millions en 1900 et 10 millions en 1913.

Cette seconde révolution agricole tient à plusieurs causes principales : a) En 1886, HELLRIEGEL et WILFARTH mettent en évidence la symbiose bactérienne chez

les légumineuses et en 1892, SCHL(ESING et LAURENT démontrent le processus de fixation de l'azote atmosphérique.

Dès lors, les agronomes (BnITEL, BERTHAULT, HEUZÉ), considèrent la prairie comme le système de fumure organique le plus économique, indispensable, par ailleurs, au développement des cultures industrielles en extension (betteraves). _

b) Le début de l'exode rural, engendrant un manque de main-d'oeuvre, et la nécessité de laisser en herbe ce qui était jusqu'ici labouré.

c) L'accroissement de la consommation de lait et de viande ; lié à l'élévation du niveau de vie de la population (essor économique).

Dans sa première phase, l'extension de la prairie permanente a constitué un progrès considérable en valorisant mieux des terres inaptes au labour ou impropres aux céréales.

Cependant, jusqu'à ces vingt dernières années, ces prairies sont demeurées très extensives : peu ou pas d'engrais azotés; 1 000 à 2 500 UF consommées seulement.

B. ÉVOLUTION RÉCENTE

Le professeur René DUMONT a montré que c'est à partir de la grande crise économique de 1931 que l'économie fourragère commença à dominer celle des céréales dans l'agriculture des peuples les plus évolués. Le problème de l'inten-sification de notre production et de la « nécessaire révolution fourragère » se trouvait ainsi posé dès cette époque.

Celles-ci cependant, ne devaient être décidées qu'après 1945, lors de l'élabo-ration du « 1e! Plan Monnet », et les divers Plans de modernisation et d'équipe-ment de notre agriculture ont suivi la même voie. Dès lors, on a assisté depuis vingt ans :

— à un accroissement très notable des surfaces en prairie temporaire, de 1 000 000 ha en 1950 on est passé aux 2 000 000 en 1965;

— à un accroissement très considérable des rendements moyens, tant en prairies permanentes que temporaires; accroissement résultant du développement

CLASSIFICATION ET ÉVOLUTION 5

de techniques plus rationnelles de semis, de fertilisation, d'exploitation, du choix de variétés sélectionnées et de semences de qualité;

Aujourd'hui, les meilleures prairies permanentes produisent 5 à 6 000 UF/ha; les meilleures prairies temporaires : 8 à 10 000 UF/ha.

— enfin, l'on a assisté à une extension et une intensification de certaines productions fourragères annuelles telles : le Maïs-ensilage, le Sorgho, alors que d'autres ont stagné ou régressé (Betterave), en superficie.

En complément à cette intensification, se sont développées des techniques plus rationnelles de récolte, de conservation et distribution des masses de fourrages produites : ensilage préfané, ventilation sous grange et même déshydratation sont en voie de développement. Ceci pourrait préfigurer un système où une technologie fourragère entierement mécanisée tendrait à supprimer le pâturage et à le remplacer par la distribution automatique d'aliments grossiers (herbe et fourrages divers), présentés sous des formes très différentes des formes traditionnelles.

Photo S.P.I.E.A.

Vue générale du cloisonnement d'un pâturage tournant. (Voir vues de détail page 75).

CHAPITRE II

LA FLORE DES PRAIRIES

I. BASES DE CLASSIFICATION DES PLANTES DES PRAIRIES.

La flore des prairies, des prairies permanentes surtout, est très complexe. On peut classer les espèces qui la composent, selon plusieurs critères :

a) d'après leurs caractéristiques botaniques : place dans la taxonomie systé-matique (graminées, légumineuses, etc...); caractères morphologiques ayant valeur agronomique (port, type de système radiculaire, aspect ligneux ou épineux, etc...);

b) d'après leurs caractéristiques écologiques : besoins en lumière, en eau (plantes palustres, hygrophiles, xérophiles, mésophiles), en température; leur réponse à la réaction du sol : acidiphiles (strictes ou préférentielles), basiphiles, indifférentes, halophiles, etc.; résistance au piétinement.

c) d'après leurs valeurs d'utilisation : productivité — qualité fourragère (valeur nutritive, appétence).

**

Une classification agronomique simple, associant ces divers critères, conduit dès lors à répartir les plantes de prairies en 5 groupes de valeur d'utilisation, cha-cun d'eux comportant des graminées, des légumineuses et des espèces diverses.

Les plantes fourragères sont réparties en trois groupes selon leur producti-vité et leur qualité fourragère tandis que les plantes non-fourragères se divisent en espèces encombrantes et espèces dangereuses (voir Tableau II-1, page 20).

II. DESCRIPTION DES PRINCIPALES ESPÈCES DE PLANTES FOURRAGÈRES.

Nous nous limiterons à une description très sommaire des principales gra-minées et légumineuses.

FIG. Il-1 . Ray-grass anglais. Lolium perenne L. a. épillet; b. graine; c. détails à la base du

limbe.

(Dessin Caputa).

FLORE DES PRAIRIES 7

A. GRAMINÉES.

1° ESPÈCES PRODUCTIVES ET DE BONNE QUALITÉ.

a) Ray-grass anglais (Lolium perenne L.)

Caractères morphologiques. Feuilles à limbe étroit et luisant, vert franc, préfoliaison pliée et aplatie, ligule et oreillettes courtes. Inflorescence en épi.

Caractères agronomiques. Espèces de climat océanique, sensible à la séche-resse.

Production de printemps et d'automne. Grande appétence et haute qualité nutritive.

8 FOURRAGES

Fia. II-2. Ray-grass italien. Lolium multiflorum Lamark a. épillet; b. graine; c. détails à la base du limbe.

(Dessin Canula).

b) Ray-grass italien (Lolium multWorum Lamark, L. italicum A. Br.)

Caractères morphologiques. Feuilles à limbe plus large que celui du Ray-grass anglais, très luisant; préfoliaison enroulée, longue ligule et oreillettes embras-santes.

Caractères agronomiques. Plante rustique, facile à implanter (germination et croissance rapides). Cycle annuel à bisannuel. Haute productivité et grande précocité de production au printemps, mais sensible à la sécheresse. Très bonne appétence.

FIG. II-3 .

Dactyle pelotonné. Dactylis glomerata L.

a. épillet; b1. graine; b2. caryopse; c. détails à la base du limbe.

(Dessin Caputa).

FLORE DES PRAIRIES 9

c) Dactyle pelotonné (Dactylis glomerata L.)

Caractères morphologiques. Feuilles à limbe de couleur vert-bleu, à préfo-liaison pliée et gaines très aplaties. Longue ligule blanche, pas d'oreillettes. Inflo-rescence en panicule.

Caractères agronomiques. Plante très productive, peu sensible à la sécheresse, mais sensible au froid. Appétence moindre, à stade équivalent, que celle du Ray-grass.

10 FOURRAGES

d) Fétuque des prés (Festuca pratensis L.)

Caractères morphologiques. Limbe vert franc. Préfoliaison enroulée. Ligule et oreillettes courtes. Diffère des Ray-grass par un port de feuilles moins retombant, des nervures plus saillantes, une inflorescence en panicule.

Caractères agronomiques. Espèce de climat humide et frais, résistant bien à l'excès d'humidité. Bonne appétence.

FLORE DES PRAIRIES 11

FIG. II-5 .

Fétuque élevée. Festuca eliator L. (Festuca arundinacea Schreb .).

a. épillet; b. graine; c. détails à la base du

limbe.

(Dessin Caputa).

e) Fétuque élevée (Festuca elatior L. Festuca arundinacea Schreb.)

Caractères morphologiques. Voisine de la Fétuque des prés. Mais port des feuilles raide; bords du limbe rugueux; limbe large et à nervures marquées; ligule courte, oreillettes fortes et dentelées, fréquemment velues.

Caractères agronomiques. Très bonne résistance à l'humidité et à la sécheresse. Très forte productivité fourragère pourvu qu'elle soit fortement fertilisée. Appé-tence médiocre lorsqu'elle vieillit (donc à consommer jeune).

f) Fléole (Phleum pratense L.)

Caractères morphologiques. Feuilles de couleur vert-bleu (semblable à celle du Dactyle) mais préfoliaison enroulée, ligule longue, blanchâtre, base de la tige des vieilles talles renflée; inflorescence : épi cylindrique et long.

Caractères agronomiques. Plante de climat océanique et froid; bonne résis-tance au froid, mais sensible à la sécheresse et aux fortes températures. Produc-tion tardive de printemps. Très bonne appétence.

FLORE DES PRAIRIES 13

20 ESPÈCES DE PRODUCTIVITÉ ET QUALITÉ MOYENNES.

a) Pâturin commun (Poa trivialis L.)

Caractères morphologiques. Limbe vert franc. Préfoliaison pliée; une double nervure blanchâtre surnommée « la trace de ski »; pas d'oreillettes, ligule blanche, longue et embrassante. Inflorescence en panicule.

Caractères agronomiques. Très sensible à la sécheresse; faible niveau de production. Bonne appétence.

FIG. II-7. Päturin commun. Poa trivialis L. a. épillet; b. graine; c. détails à la base du

limbe.

( Dessin Caputa ).

14 FOURRAGES

b) Avoine jaunâtre (Trisetum flavescens P.B ., Avena flavescens L.) Caractères morphologiques. Limbe généralement velu à la face supérieure;

g il- es velues; préfoliaison enroulée; ligule très courte; inflorescence en panicule. Caractères agronomiques. Espèce tardive, assez résistante aux coupes fré-

quentes, pour prairies fraîches, surtout de fauche. c) Fétuque rouge (Festuca rubra L.)

Caractères morphologiques. Limbes extrêmement étroits (moins de 2 mm), plans ou enroulés en tube; oreillettes très petites, peu visibles.

Caractères agronomiques. Espèce semi-tardive. Production moyenne, sauf en conditions sèches.

FIG . I1-8. Fétuque rouge. Festuca rubra L. a. épillet; b. graine; c. détails à la base du

limbe.

(Dessin Caputa).

FLORE DES PRAIRIES 15

30 ESPÈCES DE PRODUCTIVITÉ ET QUALITÉ MÉDIOCRES A TRÈS FAIBLES.

a) Agrostide vulgaire (Agrostis tenuis Sibth ., A. vulgaris With ., A. capillaris Huds non L.)

Caractères morphologiques. Feuilles pointues, couleur vert-bleu. Préfoliaison enroulée; ligule courte; inflorescence légère, assez proche de celle des pâturins. Reproduction végétative par rhizomes.

Caractères agronomiques. Espèce très tardive, acidiphile, résistant bien à l'excès d'humidité. Appétence assez bonne. Production éventuellement prin-tanière.

FIG . II-9 .

Agrostide vulgaire. Agrostis tenuis Sibth . (Agrostis vulgaris With .). a. épillet; b. graine; c. détails à la base du

limbe.

(Dessin Caputa).

16 FOURRAGES

b) Cretelle (Cynosurus cristatus L.)

Caractères morphologiques. Limbes luisants à la face inférieure; préfoliaison pliée; ligule très courte, pas d'oreillettes.

Caractères agronomiques. Espèce de sols pauvres. Très peu feuillue.

c) Houlque laineuse (Holcus lanatus L., Notholcus lanatus, Nash.)

Caractères morphologiques. Limbe velu à préfoliaison enroulée; ligule courte et poilue; sans oreillettes; gaines velues.

Caractères agronomiques. Espèce précoce, se lignifiant vite; caractéristique des milieux humides et pauvres.

d) Brome mou (Bromus mollis L.)

Caractères morphologiques. Limbe velu à préfoliaison enroulée; ligule très courte et glabre, pas d'oreillettes.

Caractères agronomiques. Assez bonne résistance à la sécheresse.

e) Chiendent (Agropyron repens P.B., Triticum repens L.)

Caractères morphologiques. Limbe couleur vert-bleu; préfoliaison enroulée; ligule verte et très courte; oreillettes très embrassantes. Rhizomes très développés. Inflorescence en épi ressemblant à celui du ray-grass, mais épillets disposés per-pendiculairement au plan contenant l'axe de l'épi.

Caractères agronomiques. Plante peu appétente, durcissant vite. Très grande résistance à la sécheresse.

f) Vulpin des champs (Alopecurus agrestis L.)

Caractères morphologiques. Inflorescence en épi, rappelant celle de la fléole. Préfoliaison enroulée; ligule courte; limbe strié, vert-bleu.

Caractères agronomiques. Précoce, peu feuillu.

B. LÉGUMINEUSES.

1 0 ESPÈCES PRODUCTIVES ET DE BONNE QUALITÉ.

a) Trèfle blanc (Trifolium repens L.)

Caractères morphologiques. Long pétiole à 3 folioles cordiformes, denti-culées sur les bords. Tiges rampantes s'enracinant aux noeuds. Fleurs blanches à légèrement rosâtres. Gousses faucillées à 2-10 graines.

Caractères agronomiques. Plante vivace, exigeante en lumière, assez sensible à la sécheresse. Haute appétence, excellente valeur fourragère. Productivité impor-tante en climat très océanique (pluviométrie élevée). Météorisante.

FI ()RF TIFS PR AIR TFS 17

FIG. II-10. — Trèfle blanc. Trifolium repens L. a. fleur; b. graine; c. tige avec stipule.

(Dessin Caputa).

b) Trèfle violet (Trifolium pratense L.). Voir chap. vi, p. 118.

c) Sainfoin (Onobrychis sativa Lamark). Voir chap. vt, p. 123.

d) Luzerne (Medicago saliva L.) Voir chap. vi, p. 107.

18 FOURRAGES

20 ESPÈCES DE PRODUCTIVITÉ ET QUALITÉ MÉDIOCRES A FAIBLES.

a) Lotier corniculé (Lotus corniculatus L.)

Caractères morphologiques. Feuilles à 3 folioles plus 2 stipules développées. Fleurs jaunes ou orangées. Gousses droites à 10-30 graines.

Caractères agronomiques. Plante vivace, lente à s'installer; résistante à la sécheresse et à l'humidité. Appétence moyenne.

FIG. II-11 . — Lotier corniculé . Lotus corniculatus L. a. fleur; b. graine; c. tige avec stipule.

(Dessin Caputa).

FLORE DES PRAIRIES 19

b) Minette (Medicago lupulina L.)

Caractères morphologiques. Feuilles formées de 3 petites folioles ovales, dentelées au sommet, fleurs jaunes très petites, groupées en grappes allongées; gousse spiralée.

Caractères agronomiques. Plante rustique, résistant bien au froid et à la sécheresse.

FIG. II-12 . — Minette (Luzerne lupuline). Medicago lupulina L. a. fleur; b. graine; c. tige avec stipule.

(Dessin Caputa).

20 FOURRAGES

TABLEAU II-1. — Classification agronomique de quelques plantes de prairie.

BASES DE LA CLASSIFICATION ESPÈCES-TYPES

PLANTES FOURRAGÈRES

Espèces productives et de bonne qualité

GRAMINÉES ........................ Ray-grass anglais (Lolium perenne L.) Ray-grass d'Italie et hybride (Lolium italicum L.) Fléole des prés (Phleum pratense L.) Fétuque des prés (Festuca pratensis Huds.) Dactyle pelotonné (Dactylis glomerata L.) Avoine élevée ou Fromental (Arrhenaterum elatius L.) Fétuque élevée (Festuca arundinacea Schreb.)

LÉGUMINEUSES ................... Trèfle des prés (Trifolium pratense L.) Trèfle blanc (Trifolium repens L.) Trèfle hybride (Trifolium hybridum L.) Sainfoin (Onobrychis sativa L.) Luzerne (Medicago sativa L.-M. falcata L.)

PLANTES DIVERSES ........... Plantain lancéolé (Plantago lanceolata L.) Sanguisorbe (Sanguisorba officinalis L.)

Espèces de productivité et qualité moyennes

GRAMINÉES ........................ Pâturin commun (Poa trivialis L.) Avoine jaunâtre (Trisetum flavescens P.) Fétuque rouge (Festuca rubra L.)

LÉGUMINEUSES ................... Lotier corniculé (Lotus corniculatus L.) PLANTES DIVERSES ........... Pissenlit (Taraxacum officinale Web.)

Espèces de productivité et qualité médiocres

GRAMINÉES ........................ Agrostide vulgaire (Agrostis tenuis, Sib) Crételle (Cynosurus cristatus L.) Fétuque ovine (Festuca ovin L.)

LÉGUMINEUSES ................... Trèfle filiforme (Trifolium filiforme L.) PLANTES DIVERSES ........... Véronique petit chêne (Veronica chamaedrys L.)

PLANTES NON FOURRAGÈRES

Espèces encombrantes

GRAMINÉES ........................ Canches (Deschampsia sp.) LÉGUMINEUSES .................... Genêts (Genista sp.) PLANTES DIVERSES ........... Centaurées (Centaurea sp.)

Espèces dangereuses

GRAMINÉES ........................ Stipes (Stipa sp.) LÉGUMINEUSES .................... Arrête-bceuf (Ononis spinosa L.) PLANTES DIVERSES ........... Chardons (Cirsium sp.)

FLORE DES PRAIRIES 21

Parmi les multiples plantes diverses rencon-trées dans les prairies permanentes, certaines ont quelque valeur fourragère (Plantain lan-céolé, Sanguisorbe, Pissenlit, Léontodon, etc.), d'autres sont encombrantes (Centaurées, Grande Berce, etc.), d'autres, enfin, peuvent être dangereuses pour les animaux (Arrête-bceuf, Aconit, certaines Renoncules, etc.)

Grande Berce

Plantes à rosettes (Léontodons Renoncules et Plantains

(Photos S.P.I.E.A.)

I

22 FOURRAGES

III. L'ANALYSE DE LA FLORE DES PRAIRIES ET SES APPLICATIONS.

A. L'INVENTAIRE FLORISTIQUE.

L'analyse de la flore d'une prairie peut apporter à l'agronome deux types de renseignements complémentaires :

— des informations d'ordre phytosociologique : la présence, dans la flore analysée, d'espèces considérées comme typiques ou indicatrices de tel milieu lui permet de caractériser l'association au sein des différents types phytosocio-logiques (alliances, ordres, classes, etc.) et de préciser les facteurs écologiques responsables de sa composition;

— des informations d'ordre directement agronomique : la fréquence relative des bonnes et des moins bonnes espèces fourragères lui fournit une base d'appré-ciation des possibilités de production de la prairie (quantité, régularité, qualité).

Les méthodes utilisées visent, les unes et les autres, à estimer de façon plus ou moins précise, les surfaces recouvertes par les différentes espèces dans le tapis végétal. On peut les classer grossièrement en deux groupes : les méthodes descrip-tives et les méthodes ayant recours à l'échantillonnage.

1 0 MÉTHODES DESCRIPTIVES.

Inspirées directement des méthodes des phytosociologues botanistes (BRAUN-BLANQUET), elles consistent à dresser, sans échantillonnage, une liste des espèces existantes dans la prairie et à la compléter par une estimation « à l'oeil» de la part de chacune d'elles dans l'occupation du terrain, d'après une échelle standard de notation qui est la suivante :

Les individus de l'espèce : Notation sont présentes, mais rares ou très disséminées ............+ recouvrent moins de 1/20 de la surface engazonnée ............ 1 recouvrent de 1/20 à 1/4 de la surface engazonnée ............2 recouvrent de 1/4 à 1/2 de la surface engazonnée ............ 3 recouvrent de 1/2 à 3/4 de la surface engazonnée ............4 recouvrent plus des 3/4 de la surface engazonnée. ............ 5

Ces méthodes conduisent donc à une caractérisation du gazon prairial d'après la fréquence apparente des différentes espèces et notamment des espèces indicatrices des conditions de milieu.

Elles ont l'avantage d'être rapides et de s'appliquer à l'étude de vastes éten-dues. Elles ont été utilisées notamment par certains agronomes allemands (KLAPP) et belges (TuxEN).

2° MÉTHODES AYANT RECOURS A L'ÉCHANTILLONNAGE.

Ces méthodes se fondent sur la corrélation existant entre la fréquence avec laquelle on rencontre telle espèce dans un échantillon et le coefficient d'abondance, ou de recouvrement (% de surface occupée) de cette espèce dans la prairie. Elles ne diffèrent essentiellement les unes des autres que par la technique d'échan-tillonnage.

FLORE DES PRAIRIES 23

a) Méthodes ponctuelles.

MÉTHODE DU DOUBLE MÈTRE.

Cette méthode préconisée par le C.E.P.E. (Centre d'Étude Phytosociolo-giques et Écologiques) est utilisée pour une végétation rase. Elle consiste à réaliser un échantillonnage systématique linéaire au moyen d'un double mètre métallique pliant, glissé au niveau du sol, à travers la végétation. La présence des espèces est alors notée sur le bord gradué à l'aplomb de points espacés de 4 cm (50 séries de lectures). L'opération peut être répétée deux fois en prenant au hasard des points d'origine différente et dans diverses directions (100 séries de lecture).

MÉTHODE DE LA « BAIONNETTE ».

Dans le cas d'une végétation haute (prairie de fauche), on utilise une barre de section triangulaire, dite « baïonnette », dont un des angles est très aigu. Les lectures sont effectuées le long du fil de la lame, celle-ci étant plantée verti-calement dans le sol; elles se font soit de façon systématique (par exemple tous les 20 cm), soit de façon aléatoire.

MÉTHODE DES AIGUILLES OU DU « POINT QUADRAT » (BRUCE LÉVY).

Expérimentée pour la première fois en Nouvelle-Zélande, cette technique consiste à poser un certain nombre de fois dans la prairie une sorte de peigne métallique porteur de 10 aiguilles espacées de 2,5 cm. On relève alors l'identité de chaque plante rencontrée à l'extrémité de chaque aiguille; 3 à 400 lectures sont nécessaires, c'est-à-dire 30 à 40 déplacements de la règle.

b) Méthodes des surfaces.

MÉTHODE DE L'ANNEAU.

Préconisée en France par HÉDIN et KERGUELEN, elle consiste à lancer au hasard un certain nombre de fois (30 au minimum), un anneau métallique délimi-tant une surface de 25 cm2 (5,6 cm de diamètre intérieur de l'anneau).

Adaptée aux végétations rases, cette méthode permet de déterminer l'abon-dance relative des espèces.

MÉTHODE DES POIGNÉES.

Cette méthode remplace celle de l'anneau lorsque la végétation est assez haute (plus de 20 cm). L'échantillonnage s'effectue en prenant au ras du sol, au moins une trentaine de petites poignées d'herbe, chaque poignée couvrant une surface voisine de celle de l'anneau.

B. LES APPLICATIONS DE L'ANALYSE DE LA FLORE DES PRAIRIES.

1 0 APPRÉCIATION DE LA VALEUR FOURRAGÈRE DE LA PRAIRIE.

En complétant la mesure de la fréquence relative de chaque espèce, par celle du poids de matière verte, ou sèche de chacune d'elle, divers auteurs ont essayé

i 24 FOURRAGES

d'obtenir une estimation de la production fourragère de la prairie. Mais celle-ci n'a qu'une valeur instantanée et non moyenne; elle est, par ailleurs, très difficile d'emploi lors de certains dispositifs expérimentaux. Aussi, la plupart des auteurs actuels se contentent-t-ils d'apporter à chaque espèce, suivant une échelle de valeur propre à la région, une note de valeur fourragère telle que (Échelle de DELPECH pour Région parisienne et Calvados) :

Note Ray-grass anglais, Dactyle, Fétuque des prés, Fétuque élevée. .......5 Ray-grass italien, Pâturin commun, Trèfle blanc, Trèfle violet. .......4 Agrostide vulgaire, Lotier corniculé. .......3 Houlque laineuse, Minette. .......2 Crételle, Plantain lancéolé, Pissenlit. ....... 1

En multipliant la fréquence de chaque espèce par sa note, on obtient pour la prairie, une note globale de valeur (allant de 0 à 5 ou 0 à 10 selon échelle utilisée).

2° CLASSIFICATIONS AGRONOMIQUES DES PRAIRIES. Différents systèmes de classification sont utilisés. a) Un premier système (KLAPP, Allemagne) accorde une prééminence plus

ou moins grande (selon les auteurs) à des ensembles d'espèces indicatrices. Il conduit à distinguer des « unités de végétation» reflétant les conditions écologiques auxquelles elles sont soumises, système d'exploitaion compris.

Par exemple, pour les prairies pâturées, on distinguera : — des prairies intensives à Lolieto-Cynosuretum et Festuceto-Cynosuretum; — des prairies extensives à Meso-Brometum et à Nardus ou Calluna. Selon ce système, il est possible de distinguer en France plus d'une centaine d'unités de

végétation prairiale dont une vingtaine sont largement répandues.

b) Un second système (STAPLEDON et DAVIES, Angleterre) fait reposer sa classification essentiellement sur la valeur fourragère d'espèces très communé-ment répandues. Prenant comme critère la fréquence de trois graminées de productivité décroissante (Ray-grass anglais, Agrostide stolonifère, Fétuque rouge), les agronomes anglais distinguent six groupes de prairies de qualité décroissante. Ceux-ci représentent une série évolutive, chacun d'eux pouvant évoluer vers l'autre selon les conditions de milieu :

Groupe I, plus de 30 % de Ray-grass anglais, avec d'autres bonnes espèces (Fléole, Dactyle, Fétuque, Pâturins).

Groupe II, de 15 30 % de Ray-grass anglais. Groupe III, moins de 10 % de Ray-grass anglais avec un pourcentage assez élevé

d'Agrostide. Groupe IV, Prairies à Agrostide sur terrains acides. Groupe V, Prairies à Agrostide sur terrains humides (avec Juncus et Carex). Groupe VI, Prairies à Agrostide et Fétuque rouge sur terrains secs.

Dans chaque qualité de prairies, on distingue un : Type A, dans lequel le Trèfle blanc occupe plus de 8 % du sol; Type B, où le Trèfle occupe de 3 à 8 % du sol; Type C, lorsque le Trèfle occupe moins de 3 % du sol.

FLORE DES PRAIRIES 25

C'est à un tel système de classification que certains agronomes belges et français (HÉDIN) se sont ralliés faisant de l'association à Ray-grass-Trèfle blanc le terme ultime (climacique) de l'évolution des associations prairiales, sous climat océanique, lorsque les conditions culturales sont optimales; le terme ultime de dégradation étant la prairie à Agrostis et Fétuque rouge.

V . LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DE LA FLORE PRAIRIALE.

Dans la mesure où, grâce aux espèces indicatrices présentes dans la prairie, l'agronome a connaissance du ou des facteurs de milieu ayant contribué à la formation du tapis végétal, il peut envisager de maîtriser certains d'entre eux en vue d'améliorer la prairie. Ces facteurs sont de trois ordres principaux; climat, sol, mode d'exploitation.

1° LE CLIMAT. De tous les facteurs du climat, l'eau a le rôle évolutif le plus important,

certaines espèces (hygrophiles) étant favorisées en milieu humide, d'autres (xéro-philes) étant favorisées en milieu sec, d'autres (mésophiles) étant indifférentes.

De façon plus précise, DE VRIEs et ses collaborateurs ont présenté, pour les Pays-Bas, une échelle chiffrée des valeurs indicatrices de diverses espèces à l'égard de l'humidité (0 à + 100) ou de la sécheresse (0 à — 100).

Exemples : Valeurs indicatrices d'humidité

Lotier des marais . . . -}- 97 Joncs (selon espèces) + 42 à + 100 Fétuque des prés ................ + 26 Houlque laineuse ................ + 10

Valeurs indicatrices de sécheresse Ray-grass anglais Pâturin des prés Dactyle Lotier corniculé

— 22 — 25 — 53 — 59

Les bases physiologiques de cette adaptation à un régime hydrique déterminé sont encore assez mal connues pour les graminées prairiales.

Des différences de point de flétrissement, de vitesses de germination, de profondeurs du système radiculaire, d'épaisseur cuticulaire, de densité de stomates ont été invoquées par différents auteurs.

2° LE SOL. a) La texture et la structure du sol peuvent, dans certaines limites, favoriser

telle ou telle espèce. Ainsi en terres battantes, à structure instable, les espèces à racines pivotantes

(Luzerne) peuvent être défavorisées par rapport aux graminées à système diffus et fasciculé. •

b) L'acidité (pH) n'aurait pas le rôle sélectif qu'on lui a souvent prêté. Le nombre d'espèces véritablement indicatrices du pH du sol serait assez restreint. La raison en est que l'on ne peut facilement séparer le pH de la concentration en éléments minéraux Ca, K et P; en réalité c'est le complexe « niveau de fertilité» qui peut influencer le taux de compétition.

26 FOURRAGES

Pratiquement seules seraient véritables indicatrices du pH, les espèces ne supportant pas de fortes concentrations en calcium (ex. : Nard strict). De nom-breuses espèces, au contraire, seraient de fausses indicatrices (Petite et Grande Oseille, Brachypode, Ajonc).

c) Les éléments fertilisants. Selon DE VRIES la richesse en P205 et K 20 pourrait avoir une action sélective non négligeable sur certaines espèces prairiales. Ainsi :

— la pauvreté en ces éléments favoriserait la Fétuque ovine, la Minette, la Brize, la Centaurée,

— la richesse en ces éléments favoriserait le Ray-grass anglais, le Pâturin des prés.

Quant à l'azote, son rôle sélectif entre les graminées (favorisées) et les légu-mineuses (défavorisées) est bien connu, et entre les bonnes graminées, les plus favorisées, et les graminées médiocres, son rôle également est déterminant.

Par ailleurs, selon HÉDIN et BLACKMANN, la forme ammoniacale favoriserait la Houlque laineuse et tendrait à éliminer 1'Agrostide, les Renoncules, les Pâque-rettes, la forme nitrique favoriserait une majorité de graminées et notamment le Ray-grass.

3° LE MODE D'EXPLOITATION.

Le mode d'exploitation de la prairie est sans doute le facteur le plus puissant de sélection des espèces prairiales.

La fauche exclusive favorise les espèces se multipliant de préférence par graines et mûrissant avant la date moyenne de première coupe, donc les espèces précoces et de courte durée : Brome stérile, Brome mou, composées diverses (Leontodon, Crepis), Grande Marguerite, Trèfle violet; ou les espèces vivaces ne supportant pas le pâturage : Fromental, Avoine jaunâtre.

Le pâturage excessif (surpâturage) favorise au contraire : — d'une part des espèces perennes, étalées sur le sol, échappant ainsi à la

dent de l'animal; des espèces à réserves souterraines (stolons - bulbes), des plantes à « rosettes » : Ex. petites Fétuques, Agrostide, Trèfle blanc, Pâquerette, Porcelle.

— d'autre part, des espèces très dures, non consommées. Ex. : Chardons, Centaurées, Brachypode, Nard strict.

Un mode d'exploitation à dominance de pâture conduit à un gazon serré où dominent les espèces perennes à reproduction végétative (Ray-grass anglais, Dactyle, Fétuque des prés, et Fétuque élevée...).

Les bases physiologiques de l'aptitude de certaines graminées à supporter des coupes plus fréquentes (pâture) sont encore assez mal connues : le port des touffes (étalé = pâture, dressé = fauche), le nombre des noeuds subsistant à la base des tiges après exploitation (plus élevé chez les types « pâture »), le poids des racines par centimètre carré ont été invoqués par différents auteurs (REmscHUNG).

En conclusion, différents facteurs sur lesquels l'agronome peut fortement agir, peuvent modifier considérablement la composition de la flore donc la valeur

FLORE DES PRAIRIES 27

agricole d'une prairie. Par ordre d'importance décroissante ce seront : le mode d'exploitation (équilibre pâture-fauche), la fertilisation (azote principalement), l'alimentation en eau (irrigation), les amendements calcaires.

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE II

BOER (Th. A. DE). 1963. — L'évaluation agronomique des prairies d'après leur composition. Fourrages, 16, 9-14. CAPUTA (J.). 1967. — Les plantes fourragères. 3e édition. 206 p., 54 planches. Payot, Lausanne. DELPECH (R.). 1960. — Critères de jugement de la valeur agronomique des prairies. Fourrages, 4, 83-96. GOUNOT (M.). 1960. — Méthodes d'étude et d'inventaire de la végétation pastorale. Fourrages, 4, 46-53. KERGUELEN (M.). 1960. — Quelles indications peut-on retirer de l'analyse botanique des herbages? Fourrages, 4,

70-82. PotssotmET (P.). 1969. — Étude comparée de diverses méthodes d'analyse de la végétation des formations herbacées

denses et permanentes. C.N.R.S. — C.E.P.E., document n° 50.

CHAPITRE III

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE

La connaissance des phénomènes fondamentaux de la croissance et du déve-loppement des graminées et légumineuses prairiales, des facteurs dont dépendent leur nutrition et leur valeur nutritive, est indispensable si l'on veut exploiter et fertiliser rationnellement une prairie.

I. CROISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DES GRAMINÉES PRAIRIALES.

A. CYCLE DE DÉVELOPPEMENT.

L'évolution d'une graminée pluriannuelle comporte, comme celle des céréales (voir tome II, chap. i); trois périodes principales, dont les deux premières seulement intéressent le producteur d'herbe, la troisième ne préoccupant que l'agriculteur semencier.

a) La période végétative durant laquelle la plante forme des feuilles et des talles avec différenciation à l'aisselle de chaque feuille d'un méristème secondaire devant évoluer ultérieurement en talle herbacée puis fructifère.

b) La période de reproduction au cours de laquelle des inflorescences se diffé-rencient au niveau des méristèmes apicaux des talles et les entre-noeuds de chaque talle s'allongent (phénomène de la montée). Cette période s'achève à la fécondation.

c) La période de maturation durant laquelle les semences se forment et mûrissent.

Néanmoins les graminées prairiales diffèrent des céréales sous deux aspects : — elles sont perennes : chaque année, à la base des tiges fertiles ayant terminé

leur cycle évolutif, des bourgeons restés jusque-là latents vont entrer en croissance et amorcer un nouveau cycle devant se terminer normalement l'année suivante;

— leurs cycles sont, à des intervalles plus ou moins rapprochés, fortement perturbés par des exploitations (pâture, fauche) faisant disparaître la majeure partie du sytème aérien (feuilles, talles, inflorescences).

Pratiquement à un premier cycle de production débutant à l'automne et se poursuivant au printemps, succède, après la première exploitation (plus ou moins

FIG. HI-1 . — Cycle de développement d'une graminée pluriannuelle : premier et second cycle de production. (D'après J. BARLOY). fl , f2, etc. : Ire feuille, 2e feuille, etc.

R, : racine séminale.

30 FOURRAGES

précoce) ce qu'on appelle un second cycle de production fourragère; celui-ci sera le plus souvent lui-même interrompu par une coupe ou un pâturage et suivi d'un troisième cycle de production, etc...

Le problème pour le producteur d'herbe est donc de définir à quelles époques, avec quelle fréquence et avec quelle intensité on peut exploiter l'herbe produite sans porter préjudice au potentiel de production de la prairie.

B. PREMIER CYCLE DE PRODUCTION. CONSÉQUENCES AGRONO-MIQUES.

1° LA PHASE SEMIS-LEVÉE.

Les phénomènes qui la caractérisent sont très semblables à ceux observés chez les céréales (voir tome II, chap. O. Elle exige pour se réaliser :

a) Une semence de bonne qualité.

La faculté germinative des semences de graminées stockées sans précaution spéciale diminue très sensiblement au bout de trois à cinq ans.

Il faut donc n'utiliser que -des semences de récolte récentes. Signalons cependant l'existence d'une dormance physiologique de quelques

semaines à trois mois, chez certaines espèces (Dactyle, Pâturin des prés).

b) Une humidité assez élévée.

Pratiquement, en grande culture, les humidités optimales du lit de semences se situent pour la plupart des espèces (graines très fines, caryopses vêtus) entre 60 à 80 % de la capacité de rétention.

Il est donc nécessaire pour favoriser les remontées d'eau par capillarité, d'effectuer lors de la préparation du lit de semences un bon tassement du sol et d'assurer ensuite un bon contact de la graine avec le sol (roulages).

c) Une température suffisante.

Bien que la plupart des semences de ces espèces puissent germer aux environs de 0° C, une température moyenne de 10 à 15° C est préférable si l'on veut une germination assez rapide. La durée de germination (donc la somme des tempé-ratures) des graminées fourragères est cependant, toutes conditions étant égales, supérieures à celles des céréales.

Ex. : Céréales : 7 jours; Dactyle et Fétuque : 11 jours; Fromental : 12 jours; Fléole : 17 jours.

d) Un semis superficiel.

Un semis trop profond retarde et réduit la levée, allonge le rhizome et sensi-bilise ainsi la plante aux effets du froid et des parasites (taupin, limace, fusariose). Donc ne pas semer à plus de 1 à 2 cm de profondeur.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 31

2° LA PHASE LEVÉE-TALLAGE.

La jeune graminée passe par les mêmes stades (une feuille, deux, trois, quatre feuilles, première talle) que les céréales. Cependant les phénomènes sont beau-coup plus lents que chez les céréales.

Ex.: un blé semé d'automne sort sa première talle au bout de 250 à 300° C; un dactyle, dans les mêmes conditions, talle au bout de 450-500° C.

3° LA PHASE DU TALLAGE.

Cette phase est très importante car la talle constitue l'unité de base de la pro-duction de feuilles ou de semences.

a) Mécanisme du tallage.

Le mécanisme du tallage est très semblable à celui observé chez les céréales (voir tome II, chap. t). Pratiquement à chaque feuille nouvelle formée, à partir des méristèmes situés au niveau du plateau de tallage, correspondent la différen-ciation d'un bourgeon susceptible de devenir ultérieurement une talle et l'émission de racines adventives. Parallèlement la faculté d'émettre des racines adventives est très développée chez les graminées prairiales et est une caractéristique spéci-fique. Ainsi, selon REBISCHUNG, chez le Dactyle (variété `Germinal'), l'apparition et l'élongation des racines coronales suivent un rythme extrêmement rapide; leur émission précède l'apparition des talles elles-mêmes puisque au stade « une feuille » l'on observe déjà deux racines coronales, au stade « quatre feuilles-une talle » on observe huit racines, à la troisième talle 8-10 nouvelles racines. Ces racines prospectent le sol plus ou moins profondément selon les espèces et le milieu (réserves en eau, température, aération du sol).

Pratiquement, suivant la rapidité d'installation du système radiculaire, les principales graminées prairiales se classeraient ainsi, par ordre décroissant : Ray-grass d'Italie, Fromental, Ray-grass anglais, Dactyle, Fétuque, Fléole; suivant la profondeur du système radiculaire : Dactyle, Fétuque des prés, Fléole.

Le phénomène de tallage ne se produit pas indéfiniment. Deux facteurs limi-tants vont bientôt le freiner :

— la compétition spatiale et nutritive entre les talles (compétition pour la lumière, l'eau, les éléments minéraux, l'azote en particulier);

— le passage du méristème apical du maître-brin, puis de chaque talle, de l'état végétatif à l'état reproductif, c'est-à-dire l'amorce de la période de repro-duction ou « montée ».

b) Action des facteurs du climat sur le tallage.

1 0 TEMPÉRATURE.

Selon de nombreux auteurs (REBISCHUVG; TEMPLETON) il y aurait une relation simple, linéaire, entre le nombre de feuilles et de talles produites et la quantité de chaleur reçue par la plante (mesurée en somme des températures).

32 FOURRAGES

Toutefois, chaque espèce de graminée forme une nouvelle feuille lorsqu'elle a reçu une somme des températures qui lui est propre :

125 - 130° C pour le Ray-grass italien; 130-140° C pour le Ray-grass anglais; 180-200° C pour le Dactyle.

La formation de chaque feuille et de chaque talle s'accomplit donc à une cadence déterminée pour chaque espèce. Dans l'ordre décroissant de vitesse, nous trouvons : les Ray-grass annuels, le Ray-grass anglais, le Dactyle, le Fromental, les Fétuques, la Fléole.

D'autre part, on a montré (R. J. MITCHELL) que cette relation linéaire entre le nombre de feuilles et de talles et la somme des températures n'est plus vérifiée lorsque l'on s'écarte des températures optimales de croissance de chaque espèce (fig. III-2).

^u lb 2U 25 30 35 Température moyenne

FIG. III-2 . — Vitesses de croissance comparées de quatre graminées à différentes températures.

(D'après K. J. MITCHELL).

Chez le Ray-grass anglais, la vitesse de croissance augmente jusqu'à 15° (pour s'annuler

à 30° C; Chez le Dactyle, la vitesse de croissance augmente encore entre 15 et 25° pour s'annuler

vers 35°; Chez Paspalum dilatatum (graminée tropicale), l'activité méristématique n'atteint son

maximum qu'entre 30 et 35°C.

It existe donc une adaptation spécifique aux températures élevées.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 33

20 LUMIÈRE.

Selon divers auteurs (COOPER, MITCHELL) la lumière (intensité lumineuse principalement) peut aussi influencer le tallage :

— Une réduction d'intensité lumineuse s'accompagne généralement d'une diminution de la vitesse de tallage (inhibition de croissance des bourgeons axillaires situés sur les nœuds inférieurs).

• — La réduction observée serait variable avec les espèces et variétés, traduisant une aptitude spécifique et variétale à tolérer les semis sous couvert ou à une production d'automne et d'hiver, en région océanique.

Ex.: D'après COOPER (1961) les variétés de Ray-grass anglais `S 23' et `Melle Pâture' montrent aux faibles intensités lumineuses une plus grande inhibition du tallage que `Irish' et `Nouvelle-Zélande'.

c) Conséquences agronomiques.

1° De la précocité de la date du semis pourra dépendre le potentiel de tallage avant l'arrêt de croissance hivernal; les espèces à faible vitesse de tallage (Fléole, Dactyle) devraient être semées plus tôt que les espèces à tallage rapide (Ray-grass italien). •

2° Une densité de semis relativement faible (5-20 kg/ha selon les espèces) sur un sol propre, désherbé ultérieurement, jointe à une fertilisation suffisante (en azote notamment) limiteront la compétition spatiale et nutritive.

3° Dans des conditions de milieu données, le choix des espèces et variétés pourra se faire en fonction de leur aptitude à taller plus ou moins vite.

4° Ce choix pourra s'effectuer aussi en fonction de leur agressivité, caracté-ristique globale tenant compte à la fois de la vitesse d'établissement, du tallage, de la tolérance à l'ombrage, etc...

Ex. : espèces agressives : Ray-gras italien, Ray-grass anglais; espèces non agressives : Fléole, Pâturin, Fétuque rouge.

En particulier, dans un mélange, on évitera d'associer des espèces d'agressi-vités différentes.

4° LA PHASE REPRODUCTRICE (LA MONTÉE).

a) Description. Les phénomènes se déroulent suivant la séquence stadiale du méristème apical

rencontrée également chez les céréales et nous les rappellerons brièvement (fig. 1Il-3).

— Stade A ou « Stries blanches » (GILLET). Début d'élongation des entre-noeuds de la future tige principale; l'apex modifie parallèlement son activité et son aspect (il s'allonge légèrement).

— Stade « double ride ». Apparition sur le méristème apical de doubles rides résultant du développement des bourgeons situés aux aisselles des initiales foliaires. Ces bourgeons donneront naissance ultérieurement, suivant le type d'inflorescence, à des épillets (cas des épis) ou à des inflorescences ramifiées (cas des panicules).

— Stade B. Apparition de la première ébauche de glumes; élongation de la tige perceptible au-dessus du plateau de tallage.

34 FOURRAGES

— Stade C (ou C1). Apparition des ébauches d'anthères; l'élongation de la tige est devenue rapide.

— Stade C' (ou C2). Apparition des ébauches de stigmates, styles et ovaires. — Stade D, E et F. Méiose, épiaison, floraison. A partir de l'épiaison, l'élonga-

tion des tiges se ralentit, pour s'arrêter à la floraison.

b) Déterminisme physiologique de la montée.

Comme chez les céréales, l'induction de la mise à fleurs des graminées prai-riales, est principalement sous la dépendance de la température et de la photo-période.

1° TEMPÉRATURE.

Si l'on effectue des semis d'été ou d'automne, le stade A (initiation florale) se réalise à une date correspondant à une somme des températures relativement constante et caractéristique de la variété.

Exemples : Ray-grass d'Italie `Bina' 1 150 °C Dactyle précoce `Germinal' . . 1 450 °C Ray-gras anglais précoce `Ph- Dactyle demi-précoce `Floréal'. 1 550 °C

mevère ' ........................... 1 250 °C Dactyle tardif `Prairial'. . . . 1 650 °C

Toutes ces sommes des températures sont bien supérieures à celles observées chez un blé par exemple (450-500° C).

Si l'on sème les graminées de printemps, certaines espèces et variétés (Dactyle) montent par contre très tardivement, voire ne montent pas. Ceci traduit un besoin plus ou moins important en températures basses, vernalisantes.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 35

Photos /,\RA.

Stade double ride Stade B Stade C

Quelques stades repères du développement chez la Fétuque des prés. (D'après M. GILLET).

Certaines variétés de Dactyle ( BLONDON), de Ray-grass anglais (WYCHERLEY) auraient des besoins absolus en vernalisation; un plus grand nombre de variétés de Ray-grass anglais, Ray-grass d'Italie, de Fétuque des prés et Fétuque élevée n'auraient que des besoins modérés.

D'autre part, le Ray-grass anglais serait vernalisable au stade « semences »; par contre le Dactyle montrerait une phase juvénile, ne devenant sensible aux températures basses qu'à un certain stade variable avec la variété (8 à 12 feuilles).

2° PHOTOPÉRIODE.

Qu'elles aient besoin ou non de température vernalisante, les graminées prairiales exigent pour monter et fleurir des jours longs. Dans certains cas (cer-taines variétés de Dactyle et Ray-grass anglais) des jours courts leur sont préala-blement nécessaires, seuls ou en association avec la vernalisation.

La photopériode critique des graminées de nos régions (durée minima de longueur du jour sous laquelle aucune mise à fleur n'est possible) varierait de 9 à 13 heures (selon les espèces, les variétés et l'âge de la plante).

D'après CALDER (1963), les populations de Dactyle d'origine méditerranéenne peuvent former des ébauches florales en photopériode de 8 heures tandis que les variétés plus septen-trionales `S 143' requièrent environ 12 heures.

3° NUTRITION.

Une nutrition abondante peut, dans une certaine limite, remplacer l'action des températures. CALDER et BLONDON ont pu faire épier certains Dactyles non ver-nalisés mais nourris abondamment.

36 FOURRAGES

c) Phénomènes physiologiques accompagnant la montée.

1° LA RÉGRESSION DES TALLES HERBACÉES.

Lorsque le point végétatif principal et ceux des premières talles commencent à former des initiales d'épis, les talles les plus jeunes, non encore parvenues au stade A subissent une inhibition de croissance plus ou moins forte. Celle-ci se traduit bientôt par une disparition de talles herbacées, variable avec les espèces et les variétés. Certaines talles, suffisamment âgées « résistent » au contraire à cette action et parviennent à se maintenir en vie.

— Chez le Dactyle et la Fléole, on note ce phénomène dès le stade B, un renouveau de tallage s'établissant après la floraison (fig. III-4).

— Chez le Ray-grass anglais, `Primevère' on note également une régression à partir du stade C, tandis que chez la variété `Trianon' plus tardive, il y a arrêt du tallage sans régres-sion du nombre de talles vivantes.

— Chez la Fétuque des prés, pas de régression non plus, mais un « palier » entre le stade C et l'épiaison suivi d'une reprise du tallage (fig. III-4).

— Chez le Ray-grass d'Italie, décroissance numérique à partir du stade C également; à partir de l'épiaison, création de talles nouvelles.

Deux explications peuvent être données à ce phénomène : — des relations d'inhibition entre apex en voie de développement (corrélation

de bourgeons) : les apex devenus reproducteurs exerceraient une inhibition de nature hormonale sur les apex des talles encore végétatives;

— une concurrence nutritionnelle s'instaurant au sein de la plante entre les talles en croissance active (en cours de montée) et les talles demeurées végétatives.

Diverses expériences (destruction d'apex par radiations X — semis à densité variable et éclaircissages au stade de début de régression) tendraient à montrer que les deux phénomènes peuvent intervenir de façon conjointe.

2° LE RALENTISSEMENT DE L'ACTIVITÉ RADICULAIRE.

La croissance des racines et l'émission de racines nouvelles cessent à l'approche de la floraison (Ex. : chez les Ray-grass anglais, à partie de la méiose).

Les possibilités d'absorption des éléments nutritifs se réduisent, ce qui laisse supposer qu'à partir d'un certain stade l'ensemble des éléments nutritifs néces-saires à la formation de l'épi et des graines d'une talle provient entièrement — à l'exception de l'eau — des organes de réserve.

A cet égard, toutefois, les graminées pluriannuelles se répartissent en deux groupes :

— celles à système d'enracinement annuel (Ray-grass, Fétuques, Fléole). Le système radiculaire d'une talle déterminée perd toute activité à la maturité de la tige;

— celles à système d'enracinement pluriannuel (Dactyle, Pâturin, Alpiste roseau ou Phalaris arundinacea). Le système radiculaire d'une talle-mère reste for-tement fonctionnel pendant au moins deux ans. Ces graminées ne subissent pas en fin de premier cycle une dépression de végétation aussi accusée que celle à enracinement annuel.

FIG. 111-4. — Évolution du nombre de talles au cours du premier cycle.

(D'après J. REBISCHUNG et M. GILLET).

A ^----^ B I--

C

Epiaison ^^ Floraison

30 L'ACCUMULATION DE SUBSTANCES DE RÉSERVES.

La photosynthèse fournit des glucides dont une fraction est utilisée pour la croissance, et dont l'excès est stocké, sous forme de substances de réserves, plus ou moins polymérisées ( fructosane , levulosane). Leur importance dépend princi-palement de la fumure azotée, les autres éléments n'étant pas limitants. Les organes de réserve sont, principalement : les gaines foliaires, bases des chaumes, système radiculaire.

38 FOURRAGES

Bien qu'encore assez mal connue, l'évolution de ces réserves en premi cycle de végétation serait la suivante : partant d'un certain niveau de réserv accumulées au cours de l'automne, voire de l'hiver précédent, la plan en consomme une grande proportion pour initier la pousse de printemps; puis surface foliaire étant devenue importante, le bilan synthèse-consommatio devient nul, puis positif en cours de montée et peu avant floraison, le niveau des réserves est maximum.

Ce niveau aura une importance majeure pour la repousse.

d) Conséquences agronomiques.

1° POUR LA PRODUCTION D'HERBE.

• D'après leur degré d'alternativité, deux groupes d'espèces et variétés peu-vent, comme chez les céréales, être distingués chez les graminées fourragères :

— les espèces et variétés non alternatives (ou « hiver ») qui en semis de prin-temps, ne montent à graines que l'année suivante. L'année du semis, elles ne for-ment pratiquement que des talles herbacées. Ex. : Dactyle (var. `Ariès'), Ray-grass anglais (toutes variétés). Ces espèces seront particulièrement intéressantes en semis de printemps si on les destine à la pâture;

— les espèces et variétés alternatives qui sont capables, en semis de prin-temps, de monter à graines dans l'année même.

Ex. : Fléole (toutes variétés), Ray-grass d'Italie (type annuel).

• Suivant la précocité de montée et d'épiaison, d'est possible de distinguer à l'intérieur de chaque espèce une amplitude variétale plus ou moins grande, carac-téristique des besoins photopériodiques et thermiques de chaque écotype; corré-lative également de l'origine géographique des variétés (les types méridionaux peuvent monter tôt et former rapidement des grains sous des latitudes plus nor-diques). Cet éventail de précocité spécifique et variétal, permettra d'établir des prairies assurant une production quasi continue d'herbe (chaîne d'affouragement).

• Pour éviter Ies effets néfastes de la régression du tallage herbacé (diminu-tion du potentiel fourrager), il sera avantageux d'une part de supprimer les ébau-ches d'inflorescences responsables de l'inhibition et de limiter la compétition nutritive par emploi d'une forte fumure azotée appliquée au stade A.

La date à laquelle l'exploitation dite de « levée d'inhibition » sera réalisée, dépend de divers facteurs : hauteur suffisante des ébauches d'inflorescences pour être cisaillée par la dent de l'animal, niveau suffisant des réserves pour assurer une bonne repousse, valeur nutritive satisfaisante de l'herbe. Diverses expériences ont permis de montrer que le stade optimum correspondrait au moment où les ébauches d'épis se trouvent à 7-10 cm de hauteur dans les gaines.

La suppression de l'inhibition provoque une reprise du tallage, une émission anticipée de talles et de racines coronales aux dépens des réserves disponibles; ce nouveau système radiculaire se développe alors dans de meilleures conditions hydriques que celles qu'il aurait rencontrées après floraison (période estivale).

Dans ces conditions, le rendement annuel n'est généralement pas supérieur (il est même souvent inférieur) à celui obtenu avec une première exploitation

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 39

plus .tardive; mais le nombre d'exploitations peut être plus élevé et la production plus régulière (production estivale plus soutenue).

2° POUR LA PRODUCTION DE GRAINES.

• La date limite du semis d'été ou d'automne d'une production de semences de graminées fourragères devra être, étant donné ses exigences thermiques élevées, beaucoup plus précoce que celle d'un blé par exemple.

Ex. : pour Dactyle ou Fétuque, date limite : 15 août.

D'autre part, en semis de printemps, l'on ne peut obtenir des graines dans l'année que pour les variétés très alternatives.

• L'obtention d'un tallage-épis maximum sera favorisée par une fumure azotée complémentaire tendant à annuler la compétition trophique entre les talles. Tout au moins pour les Dactyles, le stade optimum d'apport serait le stade A (REBISCHUNG).

5° LA PHASE DE MATURATION.

a) Comme chez les céréales (voir tome II, chap. 1) cette phase est caractérisée par la migration des réserves vers les grains en formation.

Chez les graminées fourragères annuelles, la migration est complète et conduit à la mort de la plante.

Chez les graminées vivaces, la migration vers le grain n'est qu'incomplète; la mort n'affecte que les talles florifères; les talles herbacées libérées de l'inhibition provoquée par les talles reproductrices, reprennent leur croissance dès la floraison, à partir des réserves demeurant dans les parties basses des anciennes tiges.

b) Comme chez les céréales, la température et l'alimentation hydrique ont une incidence majeure sur le déroulement de cette phase (coulure, échaudage).

C. DEUXIÈME CYCLE DE PRODUCTION ET CYCLES ULTÉRIEURS. — CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

Suivant que le premier cycle de production se déroule jusqu'à son terme naturel (fructification) ou qu'au contraire il est perturbé par un pâturage ou une fauche plus ou moins précoces, la reprise de végétation au deuxième cycle débutera plus ou moins tôt en saison. Cette précocité de repousse ne sera pas sans consé-quence sur le phénomène lui-même et la production ultérieure.

1° DEUXIÈME CYCLE NATUREL.

a) Description de la repousse.

Dès qu'une graminée prairiale a fructifié, une fraction de la plante meurt, une autre reste vivante.

Fraction morte : partie supérieure des tiges florifères complètement dessé-chées; certaines talles végétatives, et totalité ou partie de leur système radiculaire.

40 FOURRAGES

Fraction vivante. Elle comprend les parties suivantes (fig. III-7) : — la base des tiges florifères, constituée d'entre-noeuds très courts et des

noeuds (1 à 4) sur lesquels s'inséraient les feuilles de base. A l'aisselle de chacune d'elles, se trouve un bourgeon dont le développement réduit ou inhibé pendant la croissance de la talle correspondante, va se poursuivre ou commencer lorsque celle-ci disparaît;

— des talles végétatives, les unes ayant échappé à l'inhibition apicale, les autres apparaissant après la floraison;

— des racines correspondant à chaque talle végétative. La repousse va donc s'effectuer de deux façons : — par entrée en croissance de différentes pièces des bourgeons axillaires

et formation de talles secondaires; corrélativement il y aura apparition des racines de tallage, perçant la base des gaines des vieilles feuilles desséchées, puis le feu-trage des vieilles racines;

— à partir des bourgeons dormants situés au niveau des noeuds de la base des tiges, émission de nouvelles talles. Ces bourgeons étant au-dessus du premier système radiculaire de tallage et formant leur propre système coronal, on observe une superposition progressive et une localisation de plus en plus superficielle des systèmes radiculaires.

b) Facteurs dont dépend l'importance de la repousse.

La repousse varie en importance selon trois facteurs principaux. 1 0 Le niveau des réserves mobilisables stockées principalement dans les gaines

des tiges, secondairement dans les feuilles et racines sous la forme de fructosanes (25-30 molécules de fructose + 1 molécule de glucose), de matières azotées et minérales (phosphore, potasse).

2° L'activité du système radiculaire et les possiblités d'approvisionnement des racines en eau et éléments fertilisants. Celles-ci varient avec l'espèce (système radiculaire à renouvellement annuel ou à renouvellement pluriannuel), avec l'intensité d'exploitation.

Le système radiculaire est d'autant plus réduit et d'autant plus superficiel que la prairie est exploitée plus intensivement.

La période d'initiation et d'émission de nouvelles racines commence à l'automne, se continue lentement en hiver, augmente au printemps, puis cesse en mai lors de l'apparition des primordia florales, et ne reprend faiblement qu'à la floraison.

Pratiquement, donc, dans un second cycle naturel (système « fauche ») le développement du système radiculaire présente un arrêt d'initiation et de crois-sance en été (fig. III-5).

3° La température. Facteur très important que nous étudierons plus loin au paragraphe B Facteurs de croissance — Éléments- climatiques.

c) Conséquences agronomiques.

1° Au fur et à mesure des années, le système radiculaire actif est de plus en

Activité des racines Fauche Pâture

Activité des racines

Début / Montée

Phase du tallage

F M A M J J A S O N D J F M A MJ J A S O N D

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 41

FIG. III-5. — Activité des racines des graminées sous différents régimes d'exploitation : fauche et pâture.

(D'aprés KERGUELEN).

plus superficiel et prospecte un volume de terre de plus en plus réduit, sensibilisant la plante à la sécheresse et limitant sa nutrition minérale. Dès lors :

— à la création de la prairie, exécuter un labour assez profond, enfouissant des engrais de fond, favorisant la pénétration des premières racines en profon-deur; les prairies installées après un apport de chaux et de scories conservent plus longtemps leur potentiel de production, la chaux améliorant les conditions de nitrification, donc la décomposition des vieilles racines;

— ultérieurement : application superficielle d'engrais (N — P — K) sur prairies âgées;

— accompagnée, si possible, d'irrigation. 2° Les graminées à renouvellement pluriannel du système radiculaire (Dac-

tyle) sont susceptibles d'assurer, en été, la nutrition des jeunes talles, donc une certaine repousse. Les autres, au contraire (Ray-grass anglais) prendront l'aspect de « paillasson » et attendront que les conditions hydriques et thermiques rede-viennent favorables (automne) pour repousser.

2° DEUXIÈME CYCLE ANTICIPÉ.

a) Description de la repousse et facteurs de variation.

Lorsque l'herbe est pâturée ou fauchée à un stade relativement précoce (tallage ou début montée, ou début épiaison), la majeure partie de ses tissus chloro-phylliens est prélevée; les méristèmes épargnés vont cependant fournir une repousse en reémettant de nouvelles feuilles, de nouvelles talles et de nouvelles racines. Comme dans un cycle normal, mais de façon plus aiguë, la vitesse et l'importance de la repousse vont dépendre :

— du niveau des réserves mobilisables accumulées ou détenues dans les parties ayant échappé au prélèvement;

— de l'activité photosynthétique des parties vertes restantes; — du sol (eau, éléments fertilisants). Après défoliation les glucides solubles migrent aussitôt des racines et autres

organes de stockage vers les zones méristématiques : il y a donc diminution de la teneur des souches en sucres solubles sans variation importante des teneurs en

/ \.I /

Réserves Intervalle de repos suffisant

Réserves Intervalle de repos insuffisant

42 FOURRAGES

azote et éléments minéraux. Lorsque les tissus chlorophylliens se sont reformés, les parties souterraines renouvellent leurs réserves glucidiques. En conditions favorables celles-ci peuvent se reconstituer en 30 à 40 jours, durée variable avec l'espèce, l'alimentation en eau et la température. Pratiquement, la plante durant cette période va passer par trois phases principales (fig. III-6) :

— une phase d'où la plante vit presque exclusivement sur ses réserves, le bilan photosynthèse-consommation est négatif;

— une phase où la plante reforme des réserves en quantité sensiblement égale à celle consommée, le bilan photosynthèse-consommation est nul;

— une phase où la plante reconstitue son stock de réserves au niveau de départ, le bilan photosynthèse-consommation est positif.

Ex. : Chez le Dactyle on a observé une influence prépondérante des réserves jusqu'au 25e jour après la défoliation; ensuite la vitesse de repousse dépend essentiellement de la surface foliaire. Par ailleurs, la vitesse d'émission de nouvelles talles est fonction essentiellement du niveau des réserves.

Parallèlement, la défoliation modifie la croissance des racines : la mobilisation des réserves entraîne un arrêt de croissance radiculaire pouvant lui-même provo-quer la mort de certaines racines ou de leurs extrémités (région des poils absor-bants). Mais d'autre part, la défoliation est suivie au cours de la repousse d'une émission de racines de tallage plus précoce qu'en cycle naturel, qui pourront, par conséquent, trouver des conditions climatiques (eau, température) souvent plus favorables à leur croissance et assurer une meilleure repousse.

Capacité Capacité d'assimilation d'assimilation

FIG. II1-6. — Évolution schématique des réserves en fonction des exploitations.

b) Conséquences agronomiques : fréquence d'exploitation, intensité de défoliation.

1 0 FRÉQUENCE D'EXPLOITATION.

Si l'on exploite la graminée à intervalles trop rapprochés, en deuxième cycle et cycles ultérieurs, l'on va entraîner un épuisement de la plante préjudiciable

al 1

43

e; P t ps

RE

(1) Entre-nceuds renflés et riches en substances de réserve. (2) Bourgeons axillaires disposés sur 2 rangées. A l'état dormant mais susceptibles d'évoluer

;n talles. (3) Bourgeons dormants susceptibles de fournir des talles — dont il n'a pas été tenu

:ompte —. Il n'a pas non plus été tenu compte des systèmes radiculaires anciens.

44 FOURRAGES

à sa productivité et à sa longévité. Étant donné qu'en conditions favorables il faut 5 à 6 semaines à la plupart des espèces pour reformer leurs réserves glucidiques, c'est ce temps de repos qu'il faudra en général observer entre deux exploitations, celui-ci pouvant cependant varier en fonction des conditions de milieu, de l'espèce et de l'intensité de défoliation.

2° INTENSITÉ DE LA DÉFOLIATION.

Si l'on pratique une défoliation trop intense (coupe ou pâturage à ras) la surface foliaire assimilatrice est beaucoup plus réduite et le niveau des réserves lui-même- directement affecté (disparition des bases de tige et gaines foliaires). Cette pratique appelée souvent « surpâturage » conduit à :

— une consommation accrue des réserves nécessaires à l'entretien des tissus photosynthétiques nouveaux;

— une repousse beaucoup plus lente. L'expérience montre que la hauteur de coupe optimale, satisfaisant à la fois

aux besoins de la repousse, et à la nécessité d'une bonne exploitation du potentiel sur pied (sans gaspillage), se situe aux environs de 5 à 8cm.

3° STADE DE PREMIÈRE EXPLOITATION.

Une exploitation de « levée d'inhibition » au printemps aura pour avantage d'avancer sensiblement dans le temps le développement de talles axillaires et l'émission du système radiculaire correspondant. Les conditions hydriques étant à cette époque plus favorables, la courbe d'évolution du volume de racines fonc-tionnelles comporte dans ce cas une dépression moins accusée dans la période estivale (fig. III-5).

II. CROISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DES LÉGUMINEUSES PRAIRIALES.

A. CYCLE DE DÉVELOPPEMENT.

1° CARACTÈRES GÉNÉRAUX. La germination des légumineuses prairiales est épigée. La gemmule donne

une tige principale qui s'atrophie souvent pour donner des ramifications latérales. La racine principale persiste le plus souvent et devient généralement de type pivotant. La plante passe ultérieurement et successivement par les stades « début bourgeonnement », bourgeonnement », « floraison » et « graine mûre ». La photopériode constitue l'élément principal inductif de la mise à fleur.

2° CAS DE LA LUZERNE ET DU TRÈFLE VIOLET. Semée de printemps, une luzerne peut accomplir dans l'année même un cycle

complet de développement. Corrélativement, elle aura pu enfoncer profondément dans le sol de fortes racines pivotantes (parfois fasciculées). Au cours de l'hiver, les tiges florifères meurent et la plante demeure généralement au stade « rosette » de feuilles. Ultérieurement, la Luzerne passera par les stades suivants :

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 45

a) Réveil de végétation : en fin d'hiver, début de croissance des bourgeons. b) Elongation des entre-noeuds avec croissance de plus en plus rapide. L'allongement journalier moyen peut atteindre 1 à 2 cm et le poids de matière

verte peut s'accroître de 800 kg/ha. c) Stade de bourgeonnement : l'élongation des tiges devient plus lente et les

boutons floraux apparaissent. d) Début floraison : il y a ouverture des premières fleurs et fécondation. Au cours de ce cycle, la teneur en matière sèche des parties aériennes s'accroît

jusqu'à un maximum de 21-22 % atteint à la floraison. Toutefois, à partir du stade bourgeonnement, il y a mise en réserves de substances nutritives, dont le rôle sera fondamental pour la repousse, s'il y a interruption du cycle par une exploi-tation.

Chez un Trèfle violet, la séquence stadiale et les phénomènes qui l'accom-pagnent sont assez semblables à ceux observés chez la Luzerne. Bien que pérenne, le Trèfle violet se comporte, en pratique, comme une plante bisannuelle à cause de la sévérité des attaques de certains parasites (Sclerotinia, Rhizoctone, Néma-todes).

3° CAS DU TRÈFLE BLANC.

Le Trèfle blanc présente la particularité de développer uniquement des tiges rampantes, stolons glabres, émettant au niveau de chacun de leur noeuds, d'une part des racines adventives, d'autre part, des feuilles et des fleurs groupées en capitule.

B. FACTEURS DE CROISSANCE.

1° ÉLÉMENTS CLIMATIQUES.

a) La température.

L'optimum de croissance des légumineuses prairiales se situe à un niveau généralement supérieur à celui des graminées : 20-25° C en moyenne. Ceci est sans doute lié à l'activité des Rhizobium de symbiose dont l'activité est générale-ment maximale vers 20 °C.

La Luzerne et le Lotier en particulier croissent encore très bien à des tempé-ratures élevées (au-dessus de 25° C). Le nombre de coupes effectuées chaque année va en croissant, en Europe, du nord vers le sud, à condition que l'eau ne soit pas un facteur limitant.

Bien qu'on attribue généralement au Trèfle blanc une croissance continue toute l'année, son zéro de végétation est plus élevé que pour les graminées : il se situe aux environs de 8° C. Dès lors (fig. III-8) on constate que :

— en mélange avec le Ray -grass, le Trèfle blanc sera défavorisé en début de saison, favorisé ultérieurement (température supérieure à 15-18° C);

— en mélange avec le Dactyle, la compétition se fera encore plus vive jus-qu'au seuil de 25 °C environ.

46 FOURRAGES

Vitesse de croissance

Oj 5

/ \

FIG. III-8. — Vitesses de croissance Température comparées du Dactyle, du Ray -Grass

5 1â is 20 25°C anglais et du Trèfle blanc.

b) La lumière.

Toutes les légumineuses prairiales sont des espèces « de lumière ». Ainsi, en ce qui concerne la Luzerne, selon GisT et MOTT (1957) le poids sec

des parties aériennes des plantules de luzerne est multiplié par 11 et celui des racines par 25 lorsque l'on fait passer l'intensité lumineuse de 2 150 à 13 000 lux, à 15,6 oC. A la température de 32 oC les accroissements sont de 5 pour les parties aériennes et de 12 pour les racines.

Chez le Trèfle violet, selon les mêmes auteurs, à 15,6 oC et pour la même varia-tion d'intensité lumineuse, la croissance des parties aériennes est multipliée par 5 et celle des racines par 11. A 32 oC elle n'est que de 3, 5 et 4 respectivement. Le Trèfle violet réagit donc beaucoup moins fortement aux variations d'intensité lumineuse que la Luzerne.

Pour le Trèfle blanc, au contraire la lumière est le facteur principal limitant son extension en association. Le Trèfle blanc profite mieux qu'une graminée d'un surplus d'éclairement.

Quant au Lotier corniculé, ses réactions aux variations de luminosité sont analogues, selon GisT et Morr, à celles du Trèfle violet.

c) L'eau.

Bien que considérée comme résistante à la sécheresse, la Luzerne, en réalité, a des besoins en eau élevés. Selon KROGMAN et LUTWICK (1961) en conditions hydriques non limitantes, ces besoins se situent à au moins 600 kg par kilogramme de matière sèche. Pour les mêmes auteurs, les rendements les plus élevés nécessi-teraient, en l'absence d'irrigation, une pluviométrie de 600 mm pendant la saison de croissance. La résistance à la sécheresse de la Luzerne résulterait donc essentiel-lement de la puissance et de la profondeur de son système radiculaire.

Le Trèfle violet, de son côté, utilise l'humidité du sol aussi ef 1cacement qu'une Luzerne. C'est la pluviométrie d'avril, mai et juin qui détermine les rendements.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 47

2° ÉLÉMENTS AGROLOGIQUES.

a) La symbiose bactérienne.

C'est en 1886, qu'ELLRIEGEL et WILFARTH ont montré que la nutrition azotée des légumineuses se fait par symbiose bactérienne. Les bactéries en cause, décou-vertes en 1866 par WORON ont été appelées Rhizobium leguminosarum par FRANK. Elles vivent sur les racines et leur présencé y provoque des excroissances plus ou moins volumineuses appelées nodosités ou nodules. De la dimension d'une tête d'épingle chez te Trèfle, d'une longueur de 3 à 4 mm chez la Luzerne, elles peuvent atteindre la grosseur d'un pois chez d'autres espèces.

Ces bactéries, malgré une apparente unité morphologique, présentent une certaine spécificité physiologique. Certains types efficaces sur une espèce de légu-mineuse déterminée le sont beaucoup moins sur d'autres. Sous ce rapport, il est possible, selon OBATON, de classer les légumineuses en huit groupes, dont les cinq principaux comprennent notamment les espèces suivantes :

1° Trèfle violet, Trèfle blanc, Trèfle hybride, Trèfle incarnat : Rhizobium trifolii;

2° Luzerne, Minette, Mélilot : Rh. meliloti 3° Anthyllide vulnéraire, Lotier corniculé, Lotier des Marais; 4° Fève, Féverole, Vesce, Lentille, Pois; 5° Sainfoin. A l'intérieur de chaque groupe, existent de nombreuses souches, d'efficacité

variable suivant l'espèce et les conditions de sol. La sélection de certaines d'entre elles a permis de mettre au point la technique dite « d'inoculation » des semences de la luzerne (voir ci-dessous au paragraphe : Conséquences agronomiques).

b) La réaction du sol.

Les exigences des légumineuses prairiales sont, à ce point de vue, très iné-gales. La Luzerne, le Mélilot ne s'accommodent guère des sols acides (pH infé-rieur à 6). D'autres, au contraire, tel le Trèfle violet, tolèrent des pH nettement acides. Le niveau d'acidité toléré par la légumineuse dépend, en réalité, de l'adap-tation à ce même facteur des bactéries symbiotiques.

Toutefois, plutôt que la réaction du sol, il semble bien que le taux de calcium échangeable soit l'élément principal dont dépend la vie des bactéries. Au-dessous de 2 0/00, leur développement est très limité, voire nul.

c) Les éléments fertilisants.

Comme on le verra plus loin, les légumineuses prairiales se caractérisent par une forte capacité d'échange et ne peuvent se développer en conséquence qu'en milieu bien pourvu en phosphore et potasse.

On peut considérer, par ailleurs, qu'une récolte de 10 t de matière sèche de Luzerne exporte, en bonnes conditions hydriques, 80 kg/ha de P205 (correspondant à une fumure d'entretien de 150 kg/ha) et 210 à 300 kg/ha de K 20. Les carences en ces deux éléments sont très fréquentes sur Luzerne et Trèfle mal exploités.

En dehors de ces éléments essentiels, les légumineuses sont aussi particulière-

48 FOURRAGES

ment exigeantes en soufre (40 kg/ha pour 10 t de matière sèche de luzerne), en bore et en molybdène : une insuffisance en soufre conduit généralement à une déficience en acides aminés soufrés (méthionine, cystine). La carence en bore se manifeste par des troubles de croissance et une décoloration (chlorose). Le molyb-dène est, de son côté, indispensable à la fixation d'azote par les bactéries.

3° SUBSTANCES DE RÉSERVE.

De même et plus encore que chez les graminées, de l'importance des réserves accumulées dans les racines dépend, chez la plupart des légumineuses prairiales , l'importance de la croissance au printemps ou après chaque exploitation. Ainsi, au réveil de la végétation ou après une coupe, la perte de poids des parties sou-terraines peut atteindre, chez une luzerne, 6 à 700 kg/ha pendant la repousse. Ultérieurement, lorsque les feuilles sont suffisamment développées, l'activité anabolique de la plante s'accroît et à partir du stade bourgeonnement le bilan assimilation/consommation devient positif : il y a, à nouveau, mise en réserves de substances nutritives dans les racines jusqu'au stade de formation des graines : entre le début et la fin floraison, les racines gagnent plus de 10 % en poids.

La courbe ci-dessous (fig. III-9) traduit ces phénomènes et montre notam-ment l'énorme consommation de matériaux de réserve que nécessite le départ de végétation.

Sur le plan pratique, à l'exception du Trèfle blanc, les légumineuses prairiales sont adaptées à un rythme d'exploitation « fauche », laissant aux réserves toutes possibilités de reconstitution, alors qu'un régime « pâture » exclusif les déprime et peut les faire disparaître. Chez le Trèfle blanc, au contraire, selon MORAN, les réserves se reconstituent beaucoup plus rapidement : après une coupe, elles

Teneur en matière sèche

des racines FIG. III. - 9. — Évolution de la teneur en matière sèche des racines de Luzerne au cours du premier cycle de développement.

(D'après DEMARLY 1957).

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 49

diminuent pendant 9 jours environ, puis s'accroissent à nouveau pour atteindre leur niveau de départ environ 21 jours après la fauche, en culture pure (alors qu'il faut 45 jours à une graminée). Dans une association graminée + trèfle blanc soumise à coupes fréquentes (pâture), le trèfle blanc sera donc nécessairement avantagé même si son cycle de reconstitution des réserves y est un peu moins rapide (28 jours — compte tenu d'une intensité lumineuse plus faible).

4° CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

a) Les conditions de semis.

D'une façon générale il faudra que la date du semis soit telle que : — la température du sol soit supérieure au zéro de germination de la légu-

mineuse; — la plante ait la possibilité d'accumuler une quantité de réserves suffisantes

avant l'hiver. Ceci conduit à éviter les semis d'automne et à préconiser les semis de prin-

temps (fin mars à fin avril). D'autre part, compte tenu de la compétition pour l'eau et de l'effet d'ombrage

qu'engendre la céréale pouvant servir de couvert, cette technique est généralement à proscrire au bénéfice du semis en sol nu dans le cas d'une Luzerne pure. La renta-bilité du terrain peut alors être améliorée par une production de graines l'année du semis. S'il s'agit d'une association graminée-Luzerne, le choix de l'espèce et de la variété de graminée, la technique des semis en lignes alternées, limiteront les effets de compétition.

Par contre, dans le cas d'une légumineuse moins exigeante en lumière, telle le Trèfle violet, le semis sous couvert, tout au moins en région océanique, est concevable et traditionnellement pratiqué.

b) L'inoculation des semences.

Cette technique récemment développée en France pour l'implantation de la Luzerne en conditions difficiles ( OBATON , BLACHÈRE, FERRY, 1959) consiste à apporter sur les graines un très grand nombre de Rhizobium sélectionnés pour un haut pouvoir fixateur en symbiose. Cette technique est également largement répandue aux U.S.A. et en Europe (Pays Scandinaves, Pays-Bas, Belgique, Alle-magne).

L'efficacité et l'utilité de l'inoculation dépendent nécessairement des condi-' Lions de sol.

Le tableau ci-dessous résume les principes d'action que l'on peut déduire de l'expérimentation effectuée en France à ce sujet ( OBATON, 1967) :

Sol très acide ............................................................................. Inoculation indispensable Sol peu acide ou neutre. La teneur en calcium est :

inférieure à 2 p. 1000. . . . Inoculation indispensable d'environ 2 p. 1000. . . . Inoculation, si réussite de

la Luzerne est difficile supérieure à 2 p. 1000. . Inoculation inutile

Sol alcalin (calcaire) ................................................................. Inoculation inutile

50 FOURRAGES

c) La fertilisation.

Un haut niveau de fertilisation phosphorique, potassique et calcique sera indispensable :

— en culture pure, au maintien d'une production annuelle élevée pendant toute la vie de la prairie (2-5 ans);

— en culture associée, au maintien d'un équilibre satisfaisant avec la gra-minée.

Pratiquement, et très généralement, les besoins quantitatifs en éléments autres que l'azote ne sont guère différents pour une légumineuse pure et une légumineuse associée. Cependant le rythme d'absorption est différent dans le second cas, la graminée ayant tendance à absorber les éléments plus tôt au printemps. On a donc alors intérêt, à fractionner les apports, notamment en potassium (voir p. 54).

d) Le rythme d'exploitation.

Comme chez les graminées, l'époque et la fréquence des coupes vont retentir considérablement sur les possibilités de production et la perennité d'une légumi-neuse en culture pure ou associée.

En particulier, le stade de première exploitation a une répercussion considé-rable sur le rendement total annuel : une première coupe au stade bourgeonnement peut entraîner chez la luzerne un rendement annuel de 25 % inférieur à celui obtenu avec une première coupe à floraison. De même, la montée à graines d'une luzernière constitue le moyen le meilleur pour lui assurer une bonne résistance au froid hivernal et une repousse vigoureuse l'année suivante.

Ce sont donc les dates de première et dernière exploitations qui ont le plus d'importance pour assurer à la légumineuse un potentiel élevé de production et une perennité satisfaisante.

C. PHYSIOLOGIE DE LA MISE A FLEURS.

1° LUZERNE.

La mise à fleurs observée l'année même du semis démontre l'absence d'une thermophase vernalisante chez la Luzerne. L'induction florale chez la Luzerne est donc sous la dépendance essentielle de la photopériode.

A l'égard de ce facteur, une variabilité importante de réaction existe entre les écotypes :

— écotype de jour long : Luzerne `Flamande' (maintien au stade « rosette » en hiver);

— écotype indifférent : Luzerne `de Provence' (possibilité de croissance hivernale).

Sur le plan des mécanismes, on sait que la formation des boutons floraux est corrélative d'une accumulation de sucres simples et de protéines dans les extré-mités des tiges (BIDDULPH, 1935). Il semble y avoir une opposition entre cette accu-mulation et la pleine croissance des organes végétatifs qui s'accompagne d'une active polymérisation des glucides. Ceci peut expliquer qu'une plante très ramifiée

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 51

(semis à faible densité) ait une floraison abondante : la vigueur végétative de chacun de ses bourgeons est d'autant plus réduite qu'une même racine doit en alimenter beaucoup.

2° TRÈFLE VIOLET.

GARNER et ALLARD (1920) ont montré que le Trèfle violet est une plante de jour long, ce qui a été confirmé par de nombreux auteurs depuis lors.

Ainsi, AITKEN (1964) a montré que pour un semis d'octobre en Australie (semis de prin-temps), une photopériode longue (18 heures) peut réduire la durée semis-début floraison de 20 à 30 jours et le nombre de feuilles d'une tige florifère de 4 à 6, par rapport aux conditions naturelles.

Sous la lumière continue, la réduction de la phase semis-floraison est encore plus forte (78 jours à 48 jours). Le même auteur a montré aussi que des différences de réponse à la photo-période existent entre les écotypes : les plus précoces peuvent être initiés en hiver pour des photo-périodes de 10 heures, les plus tardifs n'étant initiés que pour une photopériode de 13 heures.

Comme chez la Luzerne, les traitements vernalisants sont sans effet important sur la précocité de floraison. Par contre des températures supérieures à 16 °C durant l'hiver et le printemps peuvent retarder considérablement l'initiation florale.

3° TRÈFLE BLANC.

Le Trèfle blanc est également une espèce de jour long. BREYSEN, HORION et LAUDE (1964) ont montré qu'au-dessous de 14 heures de photopériode,

aucune floraison n'est observée chez le Trèfle blanc `Ladino', et que la floraison est la plus abondante sous 17-18 heures de jour.

Selon ces mêmes auteurs, un noeud devient floral au bout d'un temps minimum d'induc-tion relativement constant, de l'ordre de 3 jours longs. Cependant l'intensité de la floraison s'accroît notablement avec la durée d'exposition aux jours longs.

4° CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

Ces conséquences intéressent essentiellement la production des semences. L'obtention d'une floraison abondante nécessite que des conditions de

photopériode soient remplies (latitude suffisante, d'autant plus élevée que la variété sera plus tardive), et que la vigueur végétative de la culture ait été quelque peu restreinte (par une ramification importante de la plante consécutive à une exploitation antérieure en vert).

D'autres facteurs cependant (température notamment) intéressant la fécondation et la maturation des semences seront à considérer dans la technique de production des semences de ces légumineuses (voir plus loin).

III. NUTRITION DES GRAMINÉES ET DE LEUR ASSOCIATION AVEC LES LÉGUMINEUSES.

L'utilisation par la graminée prairiale des principes fertilisants est commandée par un certain nombre de facteurs généraux, notamment :

— la richesse du sol en éléments fertilisants instantanément disponibles; — l'évolution de la zone prospectée par les racines; — les exportations des différents cycles de production au cours d'une saison;

52 FOURRAGES 1

— les différences variétales de « réponse » à un même niveau de fertilité du milieu.

Sur le plan biologique, les deux facteurs évolution des racines et exportations peuvent être considérés comme déterminants et conditionneront pour une grande part l'adaptation de la fertilisation à la physiologie de la plante.

A. L'ACTIVITÉ DU SYSTÈME RADICULAIRE.

Deux aspects principaux sont à envisager dans l'activité des racines : les variations saisonnières, les modalités de l'absorption des ions en solution.

10 RYTHME SAISONNIER D'ACTIVITÉ DES RACINES. Les données biologiques énoncées précédemment font ressortir que : — chez les espèces à enracinement annuel, la période estivale est nécessaire-

ment une période critique pour l'absorption; — chez les espèces à enracinement pluriannuel, il y a possibilité de réaction

à une fumure en n'importe quelle saison si toutefois une quantité minimale d'eau devient disponible dans le sol.

L'activité des racines est maximale au début de la phase de montaison rapide (hauteur de l'épi entre 8 et 12 cm environ). Elle décroît ensuite très rapide-ment chez les espèces à enracinement annuel, puis présente un nouveau maximum, moins important, en automne (septembre, octobre).

CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

De ces observations, il résulte donc que les périodes les plus favorables à une bonne utilisation des fertilisants seront le printemps et l'automne; les espèces à enracinement pluriannuel peuvent toutefois répondre.à une fertilisation estivale et d'autant mieux que celle-ci sera complétée par une irrigation.

2° L'ABSORPTION DES IONS EN SOLUTION.

L'étude de la capacité d'échange des racines pour les cations (exprimée en milliéquivalents (méq) absorbés pour 100 g de matière sèche des racines) montre que celle-ci est constante pour une espèce, une variété et un type de fertilisation donné (influence notable de l'azote nitrique).

Pratiquement, la majorité des graminées sont à faible capacité d'échange (20-35 méq.). Elles absorbent préférentiellement des ions monovalents (Na et K) et ne retiennent que faiblement les ions bivalents (Ca et Mg). Au contraire, les légumineuses (et les dicotylédones en général) ont une forte capacité d'échange (40-50 méq.).

CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

Il résulte de ces observations que, à la différence des légumineuses, les gra-minées sont aptes à se développer en milieux pauvres en potasse, et compétitrices

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 53

pour cet élément à l'égard des légumineuses. La concurrence et l'action dépressive correspondante sont d'autant plus marquées que la différence des capacités d'échange est plus grande et le sol moins pourvu en potasse assimilable.

B. LES EXPORTATIONS EN ÉLÉMENTS MINÉRAUX.

Le tableau III- 1 ci-dessous établi par KERGUELEN, permet de situer le niveau des exportations minérales apparentes, par coupe et pour une année, de quelques graminées.

Bien que les exportations réelles puissent être différentes (restitution par les déjections en pâturage, pertes par drainage), ces chiffres montrent le nive au très élevé des exportations en certains éléments (azote, potasse, notamment).

TABLEAU III-1. — Niveau des exportations en éléments fertilisants de quelques graminées (d'après KERGUELEN).

ESPÈCES EXPORTATIONS EN KG HA POUR 10 T DE MS

N CaO K20 P205

Ray-grass d'Italie (fauche) Ray-grass Anglais (pâture) Dactyle (fauche)

200 240 195

113 110 140

170 260 200

6 5 70 50

1° EXPORTATIONS D'AZOTE.

a) Forme d'absorption de l'azote par les graminées.

Les graminées ont une préférence marquée pour l'ion nitrique NO3 . Il semble cependant qu'une alimentation azotée fournie sous la seule forme NO 3 ne soit pas susceptible de provoquer l'obtention d'un rendement maximum et qu'un certain équilibre NO3-NH4 soit à rechercher.

b) Origine de l'azote absorbé.

1 0 Minéralisation des matières organiques du sol. On l'estime généralement à 30 kg/ha/an par unité pour mille d'azote de la matière organique dans la couche 0,25 cm du sol, et pour un taux moyen de minéralisation de l'humus de 1 %. En pratique donc, la quantité d'azote fournie par le sol varie selon sa richesse en azote organique, les conditions de minéralisation, la vie microbienne, l'humi-dité, la température et surtout l'aération.

2° Transfert d'azote de la légumineuse à la graminée. Plusieurs conditions sont nécessaires à ce transfert :

— décadence périodique des nodules; c'est le cas chez le Trèfle blanc dont les nodules vivent 40 jours environ;

— minéralisation de ces nodules; — racines de graminées et de légumineuses associées sur un même plan.

54 FOURRAGES

Ainsi une Luzerne adulte, à racines et radicelles profondes, ne libère que très peu d'azote au profit d'un Dactyle; par contre, le Trèfle blanc et le Trèfle violet libèrent de l'azote de façon plus efficace pour les graminées. Certaines données expérimentales (T. W. WALKER, 1956) ont permis de préciser que pour une asso-ciation Ray-grass anglais + Trèfle blanc, dans les conditions de la Nouvelle-Zélande, les deux tiers du rendement en azote de la légumineuse sont transférés à la graminée. Mais ceci est exceptionnel.

Pratiquement, le transfert d'azote peut être de l'ordre de 40 à 100 kg/ha/an dans les conditions moyennes françaises (alors qu'il peut atteindre 300 kg en Nouvelle-Zélande).

Cette participation diminue évidemment avec le niveau de fertilisation azotée et les autres éléments (exploitation-fumure) pouvant tendre à réduire la proportion de la légumineuse dans le gazon.

30 Azote de la fumure. Les quantités sont variables selon l'intensification atteinte. c) Le rythme des exportations varie avec les espèces et les variétés.

Ainsi, par exemple : en premier cycle, un Ray-grass"anglais, qui part, en général, avec de faibles réserves azotées, profite très bien des apports tardifs d'azote. Par contre les Dactyles, Fétuques, Fléoles, réclament des apports précoces.

Exportations d'azote selon la date des apports

RAY GRASS ANGLAIS `S 24' DACTYLE DANOIS

Dates Azote (kg/ha) Dates Azote (kg/ha)

23. avril 28 avril 3 mai 4 juin

24 31 58

105

26 avril 29 avril 11 mai 1"S juin

63 78 91 70

d) Le rythme des exportations varie également avec le mode d'exploitation. Le régime « pâture » exporte des quantités d'azote très supérieures au régime

« fauche », malgré la restitution par les déjections. La fertilisation nécessaire sera donc plus élevée.

Exportations d'azote selon le mode d'exploitation (Cas du Ray-grass anglais `Trianon')

RÉGIME PÂTURE RÉGIME FAUCHE

Dates MS (t/ha) Azote (kg/ha) Dates MS (t/ha) Azote kg/ha

28 mai 6,85 142 8 juillet 2,60 72 lez juillet 11,35 103

28 août 3,05 67 28 août 3,05 94 16 octobre 1,44 36 18 novembre 0,09 2 Total ........ 13,94 317 14,49 199

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 55

e) Le rythme des exportations varie avec les cycles de production.

D'une façon générale, les courbes évoluent dans le même sens que celles intéressant la matière sèche sur une culture en place, à partir de sa seconde année d'existence.

f) Conséquences agronomiques.

La technique de la fumure azotée sera conçue différemment suivant les espèces ou variétés utilisées et le mode d'exploitation. La satisfaction permanente des besoins, impliquera évidemment le fractionnement des apports.

Les exportations totales sur l'ensemble du cycle végétatif pouvant atteindre et dépasser 200 kg (10 t de MS 2 %), c'est à ce niveau minimum que doivent s'élever les fumures azotées, tout au moins en culture pure.

Dans le cas le plus fréquent de cultures associées, le complément nécessaire peut être fourni, le cas échéant, par la légumineuse à la graminée. A cet égard, deux conceptions vont s'affronter :

— la conception extensive (Écoles néozélandaise, danoise) qui se basant sur la fourniture gratuite d'azote par la légumineuse, tend à en augmenter la propor-tion dans la prairie, par de faibles fumures azotées, au risque de voir baisser les rendements;

— la conception intensive (Écoles hollandaise, belge, anglaise, et française) qui tend, par une fourniture importante d'azote, à favoriser les graminées au détri-ment des légumineuses.

2° EXPORTATIONS D'ACIDE PHOSPHORIQUE. Les exportations d'acide phosphorique par les graminées sont moins impor-

tantes que celles des autres éléments : 40-50 kg/ha en ler cycle, 20 kg/ha à chacun des cycles suivants, soit au total 90 à 100 kg/ha/an.

D'autre part et surtout, l'acide phosphorique est très fortement retenu par le complexe absorbant. Élément peu mobile, les pertes par lessivage et drainage sont négligeables, mais la fraction assimilable ne représente qu'une faible partie des réserves du sol.

CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

A l'établissement de la prairie, une fumure de fond substantielle (150 kg/ha) favorisant un enracinement profond, sera nécessaire. Ultérieurement des apports annuels équivalant aux exportations (80-100 kg/ha) suffiront généralement.

3° EXPORTATIONS DE POTASSE. Tout comme les exportations d'azote, celles de potasse dépendent très

étroitement des modalités d'exploitation de la prairie. Compte tenu des aptitudes très différentes des graminées et des légumineuses à l'égard de l'absorption de l'ion K, il résultera de l'interaction système d'exploitation-fertilisation potassique des conséquences importantes pour l'équilibre graminée-légumineuse dans la prairie.

56 FOURRAGES

a) Cas de la fauche. Dans le cas d'une coupe à floraison (juin), les exportations peuvent déjà

s'élever à plus de 100 kg de K20, ce qui peut représenter l'équivalent de la fumure potassique prévue généralement pour l'année entière.

Par la suite, à chacune des 2 ou 3 exploitations ultérieures, 40 à 80 kg/ha de K20 seront exportés ce qui conduira à une exportation annuelle de 180 à 300 kg/ha (tableau III-2).

TABLEAU III-2. — Exportations en potasse d'un Dactyle-Luzerne exploité en régime « fauche » (KERGUELEN, 1963).

DATES D 'EXPLOITATION

DACTYLE LUZERNE

Rendements en MS (t/ha)

Exportations en K20 (k/ha)

Rendements en MS (t/ha)

Exportations en K20 (kg/ha)

10 juin (fauche) 11 juillet 8 septembre

TOTAL

6,63 0,90 2,44

208 23 39

1,88 0,98 1,15

19 22 10

9,97 270 4,01 51

Dès lors, un sol peu ou moyennement pourvu en K20 aura perdu dès la fauche, une grande partie de sa potasse « assimilable » prélevée par la fauche et la légumineuse se trouvera en compétition avec la graminée. Compétition qui sera particulièrement marquée dans le cas d'une espèce à racines pluriannuelles (Dactyle) ou à croissance estivale active (Fétuque élevée); beaucoup moins avec un Ray-grass anglais à repos racinaire estival.

Ex. : le Trèfle blanc a du mal à concurrencer un Dactyle, mais envahit faci-lement un Ray-grass anglais, une Fétuque des prés ou une Fléole.

b) Cas de la pâture. Compte tenu des restitutions au sol par les excréments des animaux, les

exportations réelles en pâture devraient être plus faibles qu'en fauche. Selon PFITZENMEYER (1963), on peut considérer qu'en moyenne, les exportations en K20, d'un hectare pâturé pendant 5 ans par deux animaux se répartiraient comme suit annuellement :

Viande et lait ........................................................................................................... 10 kg Pertes sur les chemins et lieux de traite ............................................................ 23 kg Pertes par lessivage (30 % de la potasse amenée par les urines) ................. 22 kg

Total .........55 kg.

Cette estimation est cependant très modeste car il faudrait y ajouter les pertes par lessivage obtenues sur l'ensemble de la prairie (et pas seulement au niveau des déjections). Mais celles-ci sont très variables avec la texture du sol et sa capacité d'échange : selon DAVIES et HOGG (Nouvelle-Zélande), elles varieraient de 1,5 à 6,2 % de la potasse apportée en sol de limon, à 53-67 % en sol sableux.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 57

D'autre part, sur une période plus Courte (2 ans, par exemple), où le recy-clage par les urines serait négligeable, les exportations se chiffreraient alors à plus de 100 kg/ha/an.

Pratiquement, les exportations réelles données par les différents auteurs varient suivant les caractéristiques des sols, l'intensité de pâturage et du troupeau, de 60-80 kg/ha/an à 100-150 kh/ha/an (voir 211 kg/ha/an dans les pâturages intensifs de Rothamsted, selon WARREN et JOHNSTON, 1958).

c) Conséquences agronomiques.

Comme pour la fumure azotée, il faut faire varier la fumure potassique en fonction du système d'exploitation; l'accroître notablement en régime de « fau-che ».

Dans le cas d'une association graminée-légumineuse, et plus particulièrement, lorsque la graminée végète en été, fractionner la fumure potassique en une fumure d'automne (80 à 200 kg) et une fumure de fin de premier cycle, après épiaison de la graminée (40-50 kg).

Dans le cas d'une graminée associée à une Luzerne, veiller à l'enfouissement d'une très forte fumure P-K.

Dans le cas d'une graminée pure, une fumure d'automne pourrait éventuel-lement suffire, puisque ces espèces peuvent profiter de la potasse jusqu'à un degré d'épuisement du sol assez avancé.

IV. VALEUR ALIMENTAIRE DE L'HERBE.

La valeur alimentaire d'un fourrage est le produit de deux facteurs : — sa valeur nutritive caractérisée par sa teneur en différents éléments nutri-

tifs (énergie, azote, minéraux, vitamines) digestibles par l'animal; — son acceptabilité ou quantité que l'animal va pouvoir ingérer.

A. VALEUR NUTRITIVE.

1° COMPOSITION CHIMIQUE DE L'HERBE.

La: méthode d'analyse chimique usuelle des fourrages (méthode de WEENDE), détermine les constituants suivants :

l'eau, par dessèchement à l'étuve à 70 °C, puis 100-105 OC; les constituants minéraux ou cendres, par calcination; - les constituants organiques :

— la matière azotée totale (protéique et non protéique) par la méthode KJELDAHL ; — les lipides et caroténoldes par extraction à l'éther; — La cellulose brute (cellulose + lignine); — l'extractif non azoté, déterminé par différence. Il est constitué par des

glucides solubles dans l'eau (sucres et fructosanes); acides organiques (acide malique, critique).

Les matières azotées, les glucides solubles, les matières grasses et pigments, les éléments minéraux sont des constituants protoplasmiques.

La cellulose vraie, les hémicelluloses , la lignine, les substances pectiques sont des consti-tuants membranaires.

58 FOURRAGES

2° FACTEURS DE VARIATION DE LA TENEUR EN CONSTITUANTS ORGA NIQUES.

a) Les feuilles et les tiges.

• Chez les graminées (Ray-grass anglais, par ex.) la proportion des consti tuants protoplasmiques dans les feuilles (gaines 4- limbes) très élevée au stade feuillu (70 %) se maintient à l'épiaison, grâce à l'accumulation de glucides solu bles, puis diminue rapidement à la floraison (38 %) en raison d'un appauvris-sement en matières azotées (de 18 à 8 %) en acides organiques et sucres totau (de 17 à 7 %). Corrélativement la proportion des constituants membranaires aug-mente à peu près régulièrement, au fur et à mesure que la feuille vieillit (de 33 à plus de 50 %). Ces évolutions seraient dues principalement à l'augmentation de la proportion des gaines, riches en constituants membranaires (sclérenchyme) par rapport aux limbes, au fur et à mesure du développement du premier cycle.

Dans les tiges, caractérisées par une forte proportion de tissus de conduction et de soutien, dont les membranes s'épaississent et se lignifient, et dont les paren-chymes subissent une réduction généralement rapide, on observe, de même que dans les feuilles, une diminution des constituants protoplasmiques et un accrois-' sement des constituants membranaires : seule la variation est plus accentuée. D'autre part, en raison de son rôle de conduction et de réserve, la tige présente une répartition des constituants protoplasmiques différente de celle des feuilles :

— concentration plus élevée en azote non protéique; — concentration en sucres solubles (hexoses) plus élevée que dans les feuilles,

notamment à l'épiaison; — plus grande richesse en fructosanes, ceux-ci s'accumulant principalement

à la base des tiges sont excédentaires par rapport aux besoins immédiats de la croissance.

• Chez les légumineuses, contrairement aux graminées, les feuilles semblent conserver une composition relativement constante quels que soient l'âge de la plante et leur date d'apparition. Les constituants protoplasmiques forment plus des deux tiers de la matière sèche (70 %) la teneur en matières azotées y étant très élevée (30 %) la concentration en sucres (glucose-fructosane-saccharose) y étant beaucoup plus faible que dans les graminées (5-7 %). Les constituants membra-naires ne représentent que 30 % de la matière sèche.

Dans les tiges, de même que chez les graminées, tous les constituants proto-plasmiques diminuent au cours du premier cycle, la teneur en constituants mem-branaires (xylanes, cellulose, lignine) augmente.

b) Le stade de développement : le rapport feuilles/tiges (F/T).

Outre l'évolution de la composition des feuilles et tiges, la diminution de la proportion des feuilles au profit des tiges est un facteur déterminant d'évolution de la composition des plantes fourragères.

Chez les graminées, le rapport F/T est d'abord très élevé en début de premier cycle (de l'ordre de 7 chez un Ray-grass anglais, de 9 chez une Fétuque des prés), puis il diminue rapidement à la montée (inférieur à 1 à la floraison). Au cours des cycles suivants le rapport F/T sera d'autant plus élevé et évoluera d'autant plus

1 2 3 4 5 6 Stades

1. Stade végétatif. 4. 25 % de fleurs. 3. Épis à moitié sortis. 5. Graines, stade laiteux. 2. Inflorescences étalées. 6. Graines, stade pâteux.

Cellulose brute

• Sucres _Lignine

Matières azotées

— " " Matières grasses

30

25

20

15

10

5

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 59

lentement que le premier cycle aura été exploité plus complètement (élimination des apex).

Chez les légumineuses (Luzerne, Trèfle violet) en premier cycle, le rapport F/T évolue de façon moins spectaculaire que chez les graminées puisqu'il y a des tiges dès le début. Il diminue rapidement jusqu'à l'apparition des bourgeons et plus lentement ensuite (de 0,9 à 0,7 chez la Luzerne, de 0,7 à 0,4 chez le Sainfoin). Les coupes ultérieures sont de plus en plus feuillues (de 0,80 à 1,00 pour la Luzer-ne). Étant donné la relative constance de la composition des feuilles et des tiges, le rapport FIT a donc une action prépondérante dans l'évolution de la composition des fourrages des légumineuses.

Compte tenu des deux éléments de variations que l'on vient d'étudier, la variation des différents éléments organiques dans la plante entière au cours de son premier cycle se caractérise comme suit, chez les graminées et les légumineuses (fig. III-10 et 11) :

— diminution de la teneur en matières azotées, en matières grasses et en cendres; •

— augmentation de la teneur en cellulose et lignine (linéaire chez les légumi-neuses, curvilinéaire chez les graminées).

30

25

20

15

10

M.S. Premiers. boutons floraux

i

\ Lignine

N Matières azotées Cendres

---I -....... ^ "'-•• Matières grasses

10 20 30 40 50 60 Nombre de jours de croissance

FIG. III-11. — Composition du Trèfle violet à différents stades du premier cycle.

(D'après Hot.iB, 1953).

Cellulose brute

FIG. III-10. — Composition moyenne de 8 gra-minées à différents stades du premier cycle.

(D'après PluLIPs et al, 1954). - Nous verrons plus loin quelles répercussions ces diverses variations des

composants de la matière organique peuvent avoir sur l'évolution du coefficient de digestibilité. c) Les espèces et variétés.

A stade équivalent il est possible de mettre en évidence des différences sensi-bles de composition entre graminées et entre légumineuses, et pour une même espèce, entre variétés. Elles peuvent porter :

— sur le rapport F/T; Une Crételle est moins feuillue qu'une Fléole; un Sainfoin qu'une Luzerne;

60 FOURRAGES

— sur la composition chimique des feuilles ou des tiges. La tige de Ray-grass anglais est toujours plus riche en fructosanes que celle des autres

graminées (caractéristique du genre Lolium). A tous les stades, le Dactyle est la graminée la plus riche en cellulose brute, la Fléole

la plus riche en lignine, l'Agrostide et le Pâturin les plus pauvres (Pmurs et al, 1954). Le sainfoin, à stade équivalent, a des feuilles sensiblement plus pauvres en matières

azotées que la Luzerne, mais ses tiges, beaucoup plus pauvres en cellulose brute, sont plus riches en azote (BAKER, 1952).

Il existe des différences de teneur en cellulose entre variétés de Dactyle.

d) Les facteurs externes.

Le sol, le climat, les conditions météorologiques, les fumures, peuvent modi-fier profondément la composition de la plante, par l'intermédiaire, en particulier du rapport FIT.

1° VARIATIONS AVEC LA SAISON.

Chez les graminées d'une façon générale, il y a : — diminution de la teneur en matières azotées totales et digestibles en été,

ainsi que de la teneur en glucides solubles; — augmentation corrélative des constituants membranaires, en particulier

de la lignine. Chez les légumineuses, à stade équivalent, le rapport F/T n'est pas le même

pour des coupes successives (3e coupe plus feuillue que les précédentes); de même la teneur en carotène passe par un maximum au milieu de l'été.

2° VARIATIONS AVEC LE CLIMAT DE L'ANNÉE.

Chez les graminées, lorsque la croissance se trouve ralentie par des conditions météorologiques défavorables (froid, sécheresse), il y a accroissement de la teneur en glucides protoplasmiques, au printemps et parfois à l'automne (accu-mulation de fructosanes, par ex.). Cependant, le ralentissement de croissance n'arrête pas le vieillissement des plantes (diminution rapide des matières azotées — augmentation des membranes).

Chez les légumineuses, la teneur en matière sèche est inversement propor-tionnelle à la pluviométrie des dernières semaines. Les conditions météorolo-giques défavorables produisent des modifications analogues à celles des graminées (vieillissement des tiges).

3° VARIATIONS AVEC LA FUMURE.

Chez les graminées, une fumure azotée moyenne à forte augmente la teneur en matières azotées des tiges et des feuilles et ralentit sa diminution à l'épiaison; en outre chez certaines variétés le rapport FIT peut se trouver augmenté. Corré-lativement l'azote non protéique des fourrages, en particulier les nitrates, augmen-tent au printemps et à l'automne. La fumure azotée diminue par contre la teneur en glucides protoplasmiques.

La fumure phosphatée tend à accélérer la maturité des plantes. La fumure potassique tend à favoriser la synthèse des glucides et à diminuer

la teneur en matière azotée.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 61

Chez les légumineuses, la fumure azotée tend à déprimer la croissance, augmenter la teneur en matière azotée. Par contre, P. K et Ca tendent à augmenter la teneur en sucres non réducteurs et en protéines solubles.

3° FACTEURS DE VARIATION DES CONSTITUANTS MINÉRAUX.

a) Stade de développement : le rapport feuilles/tiges.

Dans le cas des graminées, durant le premier cycle, les variations de composition minérale sont étroitement liées à l'évolution rapide du rapport limbes/gaines + - tiges.

D'une façon générale, la concentration de tous les éléments minéraux (Na excepté) diminue considérablement au cours du premier cycle, car les limbes foliaires sont plus riches en minéraux (P, Ca, Mg, K) que les gaines et les tiges. En revanche, au cours des cycles suivants (où la proportion des gaines et tiges est faible) les variations de composition sont parallèles aux variations des limbes. Enfin, à stade équivalent, les teneurs en minéraux varient au cours des différents cycles.

Ainsi, selon GUEGUEN et FAUCONNEAU, chez la Fétuque des prés, les plantes des derniers cycles peuvent être deux fois plus riches en Ca ou Mg que celles du leT cycle; au contraire elles peuvent être beaucoup plus pauvres en phosphore.

Dans le cas des légumineuses (Luzerne) les teneurs en éléments minéraux varient assez peu ou très irrégulièrement au cours des différents cycles.

b)Climat.

En année sèche, la disponibilité du sol en P2O5 diminuant, les graminées sont généralement plus pauvres en phosphore. En saison chaude et humide, il y aurait, par contre, accroissement des teneurs en K.

Sol.

Les plantes poussant sur des sols pauvres en phosphore sont également pauvres en cet élément et ne couvrent pas les besoins des animaux (accidents )sseux, troubles de fertilité).

1) Espèce.

Toutes conditions étant égales de stade et de milieu : — les légumineuses sont beaucoup plus riches en calcium que les graminées

en moyenne 4 fois plus). Elles sont aussi plus riches en magnésium, et en manga-ièse, mais plus pauvres en sodium;

— le sodium est beaucoup plus abondant dans le Dactyle queldans la ?étuque des prés (en moyenne 30 fois plus).

— le magnésium est beaucoup plus abondant chez la Fétuque des près que -hez le Ray-grass anglais ou la Fléole,

62 FOURRAGES

4° DIGE$TIBILITÉ.

Le coefficient de digestibilité de la matière organique d'un fourrage de, prairie varie dans des limites très larges, de l'ordre de 50 à 85 %. Il en résulte des variations encore plus grandes de la valeur énergétique de ce fourrage : 0,30 ài 1 UF/kg de matière sèche.

La concentration énergétique exprimée en France par la valeur fourragère (UF/kg de matière sèche) peut être estimée par la formule de BREIREM.

UF/kg de MS = 2,36 MOD. — 1,20 MOI'

a) Variations avec l'âge et le stade de développement.

Graminées. — La digestibilité des graminées exploitées l'année du semis est très élevée et diminue peu avec l'âge : elle reste comprise entre 85 et 80 % pour le Ray-grass anglais; entre 80 et 75 % pour le Dactyle.

Au cours du premier cycle, en autre année d'exploitation, la digestibilité est maximale en début de croissance et présente un palier plus ou moins marqué suivant les espèces :

maximum de 85 %, palier marqué, pour le Ray-grass anglais et la Fétuque des prés;

maximum de 80 %, palier quasi-absent, pour la Fléole et le Dactyle. La digestibilité diminue ensuite d'une façon presque linéaire d'environ 0,4

point par jour, pour atteindre 60 à 65 % environ à la floraison. Au cours des cycles ultérieurs, la digestibilité des repousses, même jeunes,

est toujours inférieure à celle des fourrages correspondants de début de premier cycle. Cependant, elle diminue beaucoup moins vite avec l'âge.

La digestibilité diminue de 0,1 à 0,2 point par jour pour les repousses feuillues et de 0,2 à 0,3 point par jour pour les repousses épiées.

Les digestibilités les plus faibles sont enregistrées sur les fourrages du deuxième cycle en particulier sur ceux qui sont épiés, correspondant à une exploitation précoce du premier cycle. A âge égal, leur digestibilité est de 5 points inférieure à celle de repousses feuillues, correspondant à une exploitation tardive du premier cycle.

En résumé, il apparaît qu'un des éléments principaux de variations de la digestibilité est le rapport feuilles/tiges.

Légumineuses. Comme chez les graminées, au cours du premier cycle, la digestibilité d'une Luzerne ou d'un Trèfle violet diminue d'environ 0,4 point par jour. D'environ 80 %, elle tombe à 60 % à l'apparition des premières fleurs, chez la Luzerne; à 70 % au même stade chez le Trèfle violet. Comme chez les graminées, la digestibilité des repousses de légumineuses, même jeunes, est toujours inférieure à celles du début de premier cycle; elle diminue ensuite très lentement avec l'âge, et à âge égal, elle augmente avec le numéro de la coupe.

1. MOD. : Matière organique digestible; MOI. : Matière organique indigestible;

Les quantités sont exprimées en grammes par kilogramme de matière sèche.

1650 En moyenne, une variation de un point du coefficient de digestibilité entraîne une varia-

tion de 0,02 UF/kg de matière sèche.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 63

b) Variations avec la famille botanique, l'espèce, la variété.

Famille. Les graminées sont plus riches en énergie que les légumineuses. En effet :

— elles sont plus riches en glucides solubles, entièrement digestibles; — leurs tiges sont moins lignifiées, donc plus digestibles. Espèce. A stade ou âge équivalent, un Ray-grass anglais ou une Fétuque des

près a une digestibilité supérieure à celle d'un Dactyle ou d'un Ray-grass d'Italie; un Trèfle violet est plus digestible qu'une Luzerne.

Variété. Une variation variétale semble exister, pour la digestibilité, tout au moins chez les espèces les moins digestibles (Dactyle, Fétuque élevée).

c) Variations avec le milieu.

En premier cycle, le milieu a peu d'influence sur la digestibilité . Par contre, la digestibilité des repousses varie avec certains facteurs : date de la première exploitation, fertilisation, climat de l'année.

En particulier, selon DEMARQUILLY , le déprimage (pâturage très précoce de printemps, pratiqué surtout sur prairie de fauche) augmente très notablement la digestibilité du premier cycle ultérieur, par rapport à un cycle normal (+ 6 à + 8 points chez un Ray-grass anglais, + 18 à + 20 chez une Fléole). II est alors possible par le déprimage de récolter, par exemple, le 10 juillet une Fléole aussi digestible que le 15 mai en exploitation normale.

5° ESTIMATION DE LA VALEUR NUTRITIVE DES FOURRAGES.

La valeur nutritive des fourrages a été jusqu'à présent estimée, en France, à partir des « tables hollandaises » qui donnent la valeur amidon en fonction de la teneur en cellulose brute.

Une estimation basée sur le stade de développement ou le pourcentage des feuilles devrait permettre dorénavant (1970), une bien meilleure estimation de la digestibilité des fourrages que la teneur en cellulose (Tableau III-3).

TABLEAU III-3. — Évolution au cours du premier cycle de végétation de la valeur nutritive et des productions de matière sèche et d'éléments nutritifs à l'hectare pour les fourrages verts (d'après C. DEMARQUILLY, 1968).

ESPÈCE STADE VÉGÉTATIF

VALEUR NUTRITIVE/KG DE MS PRODUCTION A L'HA .

VÉGÉTALE Dig. UF MAD MS UF MAD MO (kg) (kg)

Montaison (épi à 10 cm) 78,0 0,83 155 2 700 2 210 430 1 semaine avant début -

épiaison 77,0 0,81 155 3 100 2 540 480 Dactyle Début épiaison 73,5 0,76 110 3 600 2 740 400

1 semaine après début épiaison 70,5 0,70 90 4 800 3 330 435 Floraison 58,5 0,48 55 7 100 3 430 405

64 FOURRAGES

TABLEAU III-3 (suite)

ESPÈCE VÉGÉTALE STADE VÉGÉTATIF

VALEUR NUTRITIVE/KG DE M S PRODUCTION A L'HA .

Dig. UF MAD MS UF MAD MO (kg) (kg)

Montaison (épi à 10 cm) 81,0 0,90 160 2 200 2 000 360 1 semaine avant début

Fétuque épiaison 79,0 0,87 120 2 800 2 500 360 des prés Dé but épiaison

1 semaine après début 76,0 0,83 95 4 000 3 300 410

épiaison 72,0 0,75 80 5 400 4 100 440 Floraison 65,0 0,61 70 5 900 3 600 460

Montaison (épi à 10 cm) 77,0 0,85 85 4 600 3 900 390 1 semaine avant début

épiaison 70,0 0,73 60 6 700 5 000 410 Fléole Début épiaison 67,0 0,67 52 7 800 5 360 410

1 semaine après début épiaison 63,0 0,58 37 9 000 5 400 370

Floraison 58,0 0,50 33 9 800 5 300 375

Montaison (épi à 10 cm) 83,0 0,93 130 3 600 3 400 460 1 semaine avant début

Ray-grass épiaison 75,0 0,80 80 6 700 5 000 410 anglais Début épiaison 72,5 0,76 80 7 900 5 910 610

1 semaine après début épiaison 70,0 0,71 55 8 100 5 750 445

Floraison 65,5 0,63 40 9 500 5 900 376

Montaison (epi à 10 cm) 79,0 0,87 110 3 100 2 710 350 Ray-grass 1 semaine avant début

italien épiaison 73,0 0,77 80 5 800 4 320 445 Début épiaison 70,5 0,72 71 7 300 5 210 520 1 semaine après début

épiaison 67,5 0,66 65 7 700 4 920 460 Floraison 63,0 0,58 45 8 300 4 510 420

Végétatif : 30 cm 78,0 0,84 210 2 000 1 725 430 Végétatif : 60 cm 73,0 0,75 185 4 000 3 000 700

Luzerne Début bourgeonnement 68,0 0,67 170 5 200 3 300 785 Bourgeonnement 67,0 0,64 160 5 400 3 530 800 Début floraison 63,0 0,57 150 6 000 3 445 870 Pleine floraison 59,0 0,51 140 6 200 3 375 930

Trèfle Végétatif : 30 cm 83,0 0,91 3 500 3 220 violet Début bourgeonnement 76,0 0,81 155 5 000 4 050 775

Bourgeonnement 75,0 0,80 145 5 300 4 240 770 Début floraison 70,0 0,70 130 5 500 3 850 710 Floraison 68,0 0,66 115 5 000 4 050 775

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 65

Une autre méthode dite de la digestibilité in vitro consiste à faire fermenter dans un tube une petite prise de fourrage en présence d'un jus de rumen prélevé sur un animal donneur.

La teneur en matières azotées digestibles (MAD en %) peut, quant à elle être estimée de façon très précise à partir de la teneur en matières azotées totales (MAT en %) de la façon suivante :

Graminées : MAD = MAT — 4,0 Légumineuses : MAD = MAT — 4,5.

B. ACCEPTABILITÉ.

Les quantités de matière sèche ingérées par animal et par jour peuvent varier dans des proportions considérables.

Selon DEMARQUILLY : — 8 à 17 kg par jour pour une vache de 600 kg; — 8 à 15 kg par jour pour un boeuf de 500 kg; — 0,6 à 2,4 kg par jour pour un mouton de 60 kg.

1° INFLUENCE DU STADE DE CROISSANCE.

Plus un fourrage est jeune, plus il est digestible, et plus il est ingéré en grande quantité.

L'acceptabilité varie dans le même sens que la digestibilité. Dès lors l'effet « digestibilité » et « acceptabilité » se juxtaposent, le stade auquel l'herbe est ingéré va retentir considérablement sur le niveau de production permis (Tableau IIl-4).

A une même variation de la digestibilité peuvent toutefois correspondre des variations très différentes de l'acceptabilité suivant l'année, l'espèce ou la famille botanique. D'autre part, à digestibilité égale, deux fourrages peuvent être ingérés en quantité très différentes (de 1 à 2) : les légumineuses sont mieux ingérées que les graminées; les Ray-grass d'Italie sont mieux ingérés que les Dactyles.

D'autres facteurs que la digestibilité interviennent dans l'acceptabilité, notam-ment la vitesse de digestion des fourrages dans le rumen.

2° INFLUENCE DE LA VITESSE DE DIGESTION DANS LE RUMEN.

Chez le ruminant, le contenu du rumen après le repas est relativement constant. La quantité des fourrages qu'il peut ingérer est donc d'autant plus élevée que le rumen se vide rapidement, c'est-à-dire que la plante est jeune et peu diges-tible; mais à digestibilité égale, il existe des différences importantes suivant la famille et l'espèce végétale :

— la digestion des légumineuses est plus rapide que celle des graminées; — la digestion d'un Ray-grass d'Italie est plus rapide que celle d'une Fétuque

élevée ou d'un Dactyle.

3° INFLUENCE DE LA TENEUR EN MATIÈRE SÈCHE.

A qualité égale, la quantité de matière sèche ingérée est d'autant plus grande que l'herbe est plus riche en matière sèche.

66 FOURRAGES

TABLEAU III-4. -Evolution au cours du premier cycle de végétation de la quantité de matière sèche ingérée par les vaches et de la production laitière théorique permise (d'après DEMARQUILLY).

PRODUCTION LAI- DIGESTI - TIÈRE PERMISE

BILITÉ QUANTITÉ

I NGÉRÉE (KG/VACHE)

ESPÈCE DATES - STADE VÉGÉTATIF DE LA

EN KG MATIÈRE

MS/J/ ORGA- NIQUE

VACHE par les UF

par les MAD

27/4 - 3/5 Feuillu 80,1 13,8 13,8 32,7 Fétuque 4/5 - 10/5 Montaison 79,9 13,95 20,3 26,5 des Prés 11/5 - 17/5 Début épiaison 73,9 13,30 16,0 16,6 S 215 18/5 - 24/5 Épiaison 71,8 11,95 12,9 12,1 (1964) 25/5 - 31/5 Épiaison . 70,2 12,00 11,8 10,6

1/6 - 7/6 Début floraison 65,2 9,40 4,5 4,3

3/5 - 9/5, Montaison 78,6 13,60 19,1 19,2 Dactyle 10/5 - 16/5 Début épiaison 75,1 12,05 13,5 12,0 Prairial 17/5 - 23/5 Épiaison 72,2 10,00 7,9 12,0 (1965) 24/5 - 30/5 Épiaison 67 0 11,30 7,2 5,8

31/5 - 5/6 Épiaison 65,0 9,00 2,4 3,7

12/4 - 18/4 Feuillu 79,6 13,45 18,6 41,8 Ray-grass 19/4 - 25/4 Montaison 78,0 14,25 20,1 37,9

italien 26/4 - 2/5 Montaison 79,2 14,55 22,5 30,9 + 3/5 - 9/5 Montaison 76,6 14,75 20,4 28,2

Trèfle 10/5 - 16/5 Début épiaison 75,1 14,90 19,6 27,7 violet 17/5 - 23/5 Épiaison 69,8 13,75 13,5 20,3 (1965) 24/5 - 30/5 Épiaison 68,2 12,75 11,0 14,4

31/5 - 4/6 Épiaison 67,5 13,00 10,8 15,2

4° INFLUENCE DES QUALITÉS GUSTATIVES.

Des phénomènes d'appétence ou beaucoup plus vraisemblablement d'inappé-tence peuvent modifier les quantités ingérées. Cet élément peut varier considé-rablement en fonction de nombreux facteurs, dont notamment :

- la composition chimique de la plante (teneur en eau et teneur en sucres principalement). Dès lors l'appétence peut varier considérablement avec le stade végétatif. Un Dactyle ou une Fétuque élevée pourront être appétents au stade feuillu et refusés par le bétail à l'épiaison;

- certaines caractéristiques physiques de la plante. La présence d'une cuti-cule siliceuse réduit l'appétence ; la flexibilité des feuilles chez la Fétuque élevée est en corrélation étroite avec l'appétence;

- le climat. Aux époques de sécheresse, les animaux recherchent en général, les plantes aqueuses, aux périodes humides, c'est l'inverse;

- la fumure. L'apport d'engrais azoté améliore l'appétence de l'herbe, plus spécialement celle des graminées;

CARACTÈRES BIOLOGIQUES DE L'HERBE 67

— l'état sanitaire de la plante. Une graminée fortement rouillée (rouille couronnée sur Ray-grass, par exemple) est généralement refusée par les animaux;

— les souillures diverses. Les débris végétaux (parties mortes), particules terreuses, excréments, sont autant de facteurs de refus par l'animal.

C. CONSÉQUENCES AGRONOMIQUES.

I ° CHOIX D'UN STADE OPTIMUM POUR LE BÉTAIL. Tant du point de vue valeur nutritive qu'acceptabilité, le stade de dévelop-

pement apparaît avoir un rôle fondamental dans la valeur alimentaire de l'herbe.

a) Herbe très jeune.

Une herbe très jeune est trop pauvre en matière sèche et structures membra-naires, trop riche en matières azotées et déséquilibrée au point de vue minéral.

1° Pauvreté en matière sèche. Les vaches qui récoltent une herbe très jeune, absorbent alors des quantités très importantes d'eau (85 kg d'eau pour 15 kg de matière sèche si l'herbe est à 15 % MS). Le tractus digestif est soumis alors à un travail d'absorption très intense conduisant l'animal à un état diarrhéique, à une élimination de grandes quantités de sels minéraux (sodium), et à des besoins plus élevés en certains oligoéléments, tel le cuivre indispensable aux fonctions de résorp-tion (d'où des phénomènesÿde carence'associés,'aux diarrhées persistantes).

20 Pauvreté en structures membranaires. L'herbe jeune, pauvre en éléments cellulosiques, peut présenter des inconvénients mécaniques et chimiques pour l'animal :

— insuffisance mécanique. En l'absence de structures fibreuses (tiges), l'herbe ingérée forme dans le rumen une masse compacte se prêtant mal au malaxage avec la salive et favorisant la rétention des bulles de gaz, d'où météo-risation;

— insuffisance chimique. L'influence de glucides membranaires et structures grossières peut modifier profondément le faciès microbien de la panse, l'orienta-tion des fermentations, la quantité d'acide acétique formée et finalement la syn-thèse des matières grasses par la mamelle. Ces mécanismes expliquent les chutes du taux butyreux observées chez les vaches passant brutalement du régime en aliments grossiers à celui du pâturage d'une herbe très jeune (à la mise à l'herbe).

3° Richesse excessive en matières azotées. Les teneurs nécessaires de 100 à 110 g de matières azotées digestibles (13 à 15 % de matières azotées totales) par kilogramme de matière sèche sont largement dépassées par les jeunes graminées et légumineuses. Les animaux consomment alors deux à trois fois plus d'azote que leurs besoins, d'où certains dangers comme :

— l'élimination importante d'urée, fatiguant foie et reins; — la dégradation rapide dans la panse d'une partie des constituants azotés;

cette dégradation est accompagnée d'une libération importante d'ammoniaque dont une fraction passe dans le sang véneux à travers la paroi du rumen. Cette absorption d'ammoniaque pourrait alors non seulement entraîner une alcalose mais aussi diminuer l'absorption de certains minéraux, tels que le magnésium.

68 FOURRAGES

L'hypomagnésiémie qui s'ensuit semblerait être un des facteurs responsables de la tétanie d'herbage, accident fréquent à la mise à l'herbe.

40 Déséquilibre au point de vue minéral. La teneur en sodium est généralement insuffisante (moins de 6 g par kilogramme de matière sèche); celle en phosphore est aussi très souvent inférieure aux besoins des fortes laitières (3-3,5 g par kilo-gramme de matière sèche) ; par contre, excès de potassium, pouvant conduire à une diminution de l'absorption du magnésium et à des risques de tétanie (BROUWER 1956; FONTENOT, 1956).

b) Herbe - très âgée.

Une herbe très âgée, c'est-à-dire après floraison ou longue repousse, a une : — valeur nutritive médiocre, en raison de sa pauvreté en matière azotée

totale et digestible, en glucides solubles, en éléments minéraux; en raison de sa richesse en cellulose et lignine;

— acceptabilité médiocre, car moins digestible et moins appétente. En résumé, la période optimale de pâturage se situera, en premier cycle,

entre le début de la montée et l'épiaison. Le stade optimum sera dans cet inter-valle d'autant plus précoce que les besoins en MAD de l'animal seront plus impor-tants. Dès lors ce stade optimum du point de vue zootechnique, peut n'être guère différent de celui que nous avons déterminé d'un point de vue essentiellement phytotechnique, à savoir le stade « 7-10 cm de montée ».

Aux cycles suivants, une durée de repousse satisfaisant au critère « fréquence d'exploitations » (30-50 jours) pourra aussi satisfaire les exigences de l'animal (faible variation de la richesse en éléments minéraux, de la digestibilité notam-ment).

2° FERTILISATION RATIONNELLE.

Étant donné l'influence des éléments fertilisants, de l'azote en particulier, sur la qualité de l'herbe, tant les doses que les dates d'apport devront être raisonnées non seulement en fonction des critères de production végétale, mais aussi en tenant compte des données zootechniques (appétence, valeur nutritive, risques d'accidents, de carences, etc...).

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE III

BARLOY (7.) et BOUGLE (B.). 1964. —Physiologie et Biologie des graminées cultivées. Applications pratiques., 55 p. BLONDON (F.). 1965. — Évolution des conceptions sur les exigences pour la floraison des graminées prairiales. Bull. Ec.

Nle. Sup. Agro. Nancy, 17-2, 101-110. BLONDON (F.). 1966. — Facteurs externes capables de provoquer la floraison du Dacylis glomerata L. — Action de la

durée journalière et du niveau d'éclairement à la température de 17. C. C. R. Acad. Sc., Ser. D. 263-1, 48-51. CRtiasIER (L.) et DEMARLY (Y.). 1968. — Action de la dent, du piétinement et des déjections sur la production d'un

Dactyle. Fourrages 35, 39-50.

Suite bibliographie de ce chapitre, page 106

CHAPITRE IV

LA PRAIRIE PERMANENTE

I. ASPECT GÉNÉRAL DE LA PRAIRIE PERMANENTE EN FRANCE.

Occupant plus de 13 millions d'hectares, les prairies permanentes représen-tent l'élément prédominant de la production fourragère française. Cependant leur rendement moyen à l'hectare très bas, 1 500 UF, montre que la prairie perma-nente demeure une forme de production fourragère très extensive.

1° Ces prairies ne sont, en effet, le plus souvent l'objet d'aucun soin d'entre-tien, aucun (ou très mauvais) drainage, aucun ébousage, pas de fauchage des refus après pâturage, aucune lutte contre les plantes envahissantes, aucune fumure ou presque (purin).

2° Ces prairies sont le plus souvent exploitées en pâturage libre exclusif ce qui conduit fréquemment au sous-pâturage, comme au surpâturage.

3° Leur flore est généralement complexe, car dégradée (faible pourcentage de bonnes espèces).

4° Enfin par voie de conséquence, leur production, non seulement faible, est également très irrégulière, très saisonnière.

Au début du printemps, il y a une grande pousse d'herbe, débordant fréquem-ment les possibilités de consommation du cheptel. Mais dès le début de l'été, et plus encore en année sèche, c'est l'arrêt de croissance. Les prairies prennent l'allure de « paillassons ». Enfin, aux premières pluies d'automne, un regain d'herbe peut être disponible.

Très schématiquement, la courbe de production de la prairie permanente présente deux maxima inégaux séparant un « trou d'été » plus ou moins accentué (fig. IV-1).

Compte-tenu des divers facteurs d'évolution de la flore antérieurement étudiés (chap. it), il est possible cependant d'appliquer aux prairies permanentes Production

70 FOURRAGES

un certain nombre de techniques susceptibles d'en améliorer la productivité, la régularité de production et la qualité fourragère.

II. AMÉNAGEMENT DES PRAIRIES.

A. RÉGULARISATION DU RÉGIME DE L'EAU.

1° L'EXCÈS D'EAU. a) De très nombreuses prairies ne sont pas ou sont mal drainées. Or l'excès

d'eau est un des principaux agents de dégradation de la flore des prairies (remplace-ment des bonnes graminées et légumineuses par les Carex, Prêles, Houlque lai-neuse, Cardamine).

Par ailleurs, l'excès d'eau raccourcit la période d'herbe en raison du sol froid, au printemps, ne se réchauffant que très lentement, et de la rapide asphyxie des racines à laquelle il conduit à l'automne.

L'humidité excessive associée au piétinement des animaux est aussi un agent de destruction de la structure du sol, et réduit par la même la longévité des bonnes espèces.

Enfin, les prairies humides hébergent de nombreux parasites animaux (cocci-diose, douve, strongillose).

L'abaissement du plan d'eau constitue donc, dans la plupart des cas, la pre-mière condition d'amélioration des prairies permanentes.

b) Il ne faut pas pour autant assécher la prairie, puisque les meilleures plantes de prairies (graminées) ont un système radiculaire très superficiel.

Il y a donc un niveau optimal du plan d'eau à déterminer pour chaque milieu et en particulier en fonction du pouvoir de rétention en eau du sol.

Ex. : Aux Pays-Bas, sur sol sableux (Groningue) dès que le plan d'eau s'abaisse au-dessous de — 40 cm, il y a regression des rendements en foin.

Plan d'eau à Production de foin Plan d'eau à Production de foin — 0,40 19,8 t/ha — 0,70 m 15,5 t/ha — 0,55 m 16,2 t/ha — 1,10 m 11,8 t/ha

Les procédés utilisés pour abaisser le plan d'eau sont divers : — Simple nivellement. Il peut parfois suffire (modelé de surface). — Rigoles ou fossés à ciel ouvert entourant la parcelle (ce système implique :

un curage au moins annuel, malheureusement trop rarement réalisé). — Drainage par tuyaux de poterie ou galeries. C'est le procédé le plus

onéreux, mais seul efficace dès lors que la prairie se situe sur un sous-sol imper-méable (horizon argileux).

2° MANQUE D'EAU. Toutes les prairies permanentes ne sont pas des prairies humides; de vastes

étendues souffrent au contraire du manque d'eau, en particulier en été, et sur sol peu profond (sols sur arênes granitiques ou sur rendzines).

71

Éléments de départ d'une clôture élec-trique (accumulateurs et bobines) facile-ment transportables.

Photo S.C.P.A

Chaque fois qu'un approvisionnement en eau abondant et peu coûteux est possible, il conviendra donc de songer à l'irrigation. Les disponibilités en eau pourront être assurées :

— soit par l'aménagement des fossés et rigoles d'assainissement eux-mêmes, à l'aide de barrages et de vannes (récupération des eaux de drainage);

— soit par création de lacs collinaires (en association avec d'autres agri-culteurs, dans le cadre de travaux de remembrement par exemple);

— soit par pompage dans un cours d'eau proche. Ces procédés ne s'excluent pas les uns les autres.

B. CLOTURES . Les types de clôture sont nombreux et caractéristiques de chaque région. 1 0 La haie vive, végétation arbustive spontanée poussant généralement sur

talus, constitue la clôture typique du bocage (Normandie-Bretagne). Elle constitue un brise-vent remarquable; est un facteur de maintien de la nappe phréatique à un certain niveau; enfin apporte de l'ombre aux animaux. Cependant,- son entretien est assez coûteux et dès lors que celui-ci n'est pas réalisé, il y a abondance de végé-tation, épaississement de la haie (jusqu'à 3 à 5 m), et concurrence de la végétation prairiale sur une largeur de 10-15 m.

La restructuration du parcellement après remembrement a conduit ces dernières années à un arasement quasi systématique des talus et des haies vives en pays de bocage. Il faut souhaiter cependant que la haie vive soit maintenue chaque fois que possible, en raison de son rôle très important dans l'économie de l'eau et des possibilités qu'offre aujourd'hui la mécani-sation de son entretien.

2° La haie sèche (murette) est fréquente en certaines régions, sur sous-sol calcaire notamment.

3° La clôture métallique (fil de fer barbelé ou non, treillage à grande maille) la clôture électrique sont de plus en plus fréquemment utilisées, tout particulièrement dans le cadre de la compartimentation des herbages pour exploitation intensive, en pâturage tournant ou rationné.

C. ABRIS ET ABREUVOIRS. Fixes ou mobiles, il est important que des abris et des abreuvoirs soient aména-

gés en certains points de la prairie; ceux-ci, moyennant un système particulier d'accès, peuvent desservir plusieurs parcelles.

72 FOURRAGES

III. EXPLOITATION INTENSIVE DES PRAIRIES PERMANENTES.

A. INCONVÉNIENTS DU PATURAGE LIBRE.

a) Gaspillage d'herbe. L'extensivité de cette méthode d'exploitation se traduit nécessairement par

une charge très faible à l'hectare, c'est la production minimale saisonnière qui définit cette charge. Dès lors, notamment au printemps, toute l'herbe de bonne valeur nutritive à un instant donné, ne peut être consommée par le troupeau. L'excédent va vieillir, s'appauvrir en protéines, s'enrichir en cellulose, devenir de moins en moins digestible.

Compte tenu des limitations de consommation imposées par l'encombrement de sa ration, l'animal ne pourra consommer ultérieurement cet excédent.

Des bovins laissés sur prairies à « herbe vieille » riche en cellulose, sont vite rassasiés au point de vue lest, mais sont, en fait, condamnés à une sorte de famine, d'où des refus importants.

Si l'on y ajoute les refus imputables aux déjections, au piétinement, à l'envahissement de certaines adventices (Chardons) c'est bien à un gaspillage d'herbe que l'on est obligé de conclure.

b) Méconnaissance des exigences physiologiques de la plante.

L'herbe se trouve soumise à un rythme d'exploitation qui n'est jamais celui qui lui convient. L'herbe étant choisie par l'animal,

— les espèces les plus succulentes sont soumises à un rythme d'exploitation extrêmement rapide, épuisant leurs réserves, arrêtant leur croissance dès que les conditions hydriques (été) ou thermiques (automne-hiver) sont défavorables,

— les espèces les moins succulentes sont au contraire sous pâturées et contri-buent à former les refus.

c) Méconnaissance des besoins de l'animal.

Tous les animaux sont soumis à la même ration, alors que leurs besoins peu-vent être très différents. De plus cette ration est variable suivant la saison : plé-thore au printemps, disette en été.

d) Manque d'entretien.

Il ignore ou rend difficile les travaux d'entretien indispensables.

B. LE PATURAGE TOURNANT.

Le système du pâturage tournant a été préconisé pour la première fois, semble-t-il vers 1598 par l'agronome écossais NAPIER; puis exposé à nouveau par l'abbé ROZIER dans le Dictionnaire Universel d'Agriculture en 1786; il fut appliqué pour la première fois en 1917, par WARMBOLD à l'École d'Agriculture de Hohen-heim (près de Stuttgart). C'est seulement vers 1928 qu'il fut expérimenté en France, à Courcelles-Chaussy par DER KATCHADOURIAN.

PRAIRIE PERMANENTE 73

1° PRINCIPES.

Ce système, encore appelé système Warmbold, consiste essentiellement à diviser chaque herbage en un certain nombre de parcelles de telle façon que :

— à la présence permanente du cheptel se substitue une présence intermit-tente, laissant à l'herbe la possibilité de repousser entre chaque pâturage et ainsi de reconstituer des réserves;

— le bétail puisse pâturer une herbe constamment au bon stade, sur le plan de la production du végétal lui-même et de l'animal (qualité);

— l'on puisse, après chaque pâturage procéder aux soins d'entretien indis-pensables (fauche des refus, ébousages...) et aux fumures.

Ce système présente, en outre, un certain nombre d'avantages. a) Le troupeau peut être divisé en plusieurs groupes (ou « lignes ») d'après les

aptitudes et exigences spécifiques : — une première ligne d'animaux pourra être constituée des fortes laitières; — une deuxième ligne sera formée, par exemple, des moyennes laitières; — une troisième ligne sera constituée des vaches taries et jeunes animaux. b) Il y a possibilité, au printemps, lorsque la pousse est rapide et que certaines

parcelles dépassent le stade optimum de pâturage avant que les animaux ne puis-sent y parvenir, de récolter l'herbe pour la mettre en réserve sous forme d'ensilage ou de foin. Corrélativement on s'arrangera, dans une même année et sur un ensemble d'années, à faire alterner pâture et fauche sur une même parcelle pour assurer le maintien d'un bon équilibre graminée-légumineuse.

c) La période de pâturage peut être considérablement allongée : — au printemps par apport d'une fumure azotée précoce et rapidement

assimilable; — à l'automne, l'absence de piétinement permet de poursuivre le pâturage

très tard en saison.

2° RÉALISATION DU PATURAGE TOURNANT.

Simple dans ses principes, le système du pâturage tournant peut poser cepen-dant quelques problèmes dans sa réalisation et sa conduite.

a) Détermination du nombre de parcelles.

Si nous appelons T le temps de repos dont disposera l'herbe entre chaque passage d'animaux; t, le temps de séjour des animaux sur chaque parcelle, le nombre N de parcelles à prévoir est tel que :

T = (N —1) t soit N = i 1.

S'il y a m lignes d'animaux, N sera égal à t + m.

Le temps de séjour, t doit nécessairement être court si l'on veut que les ani-maux pâturent l'herbe à un stade de repousse déterminé et en la gaspillant le

74 FOURRAGES

moins possible. t peut donc être fixé au départ par l'agriculteur. Il sera de l'ordre de 2 à 4 jours maximum, par exemple.

Le temps de repos, T, par contre, va nécessairement varier avec la saison : de l'ordre de 25 à 40 jours au printemps, il pourra s'élever à 55-65 jours en été ou automne.

N ne pouvant être variable, on prendra pour déterminer le nombre de par-celles un temps de repos moyen, par exemple 6 semaines = 42 jours et N sera fixé

à 3 + 1 = 15 parcelles.

Dans ces conditions, au printemps, le temps de repos pouvant être inférieur à 6 semaines, 2 ou 3 parcelles seront temporairement sorties de la rotation et ensilées ou fanées. En été ou en automne, au contraire, où le temps de repos pourra être plus long que 6 semaines, le troupeau sera ou temporairement retiré de l'her-bage ou réduit partiellement, de telle sorte que le temps de séjour puisse être un peu allongé (de 3 passer à 4 jours).

b) Superficie de chaque parcelle. Pour une surface herbagère S donnée, et un nombre N de parcelles que l'on

vient de déterminer, la surface s d'une parcelle se déduit immédiatement : S

s= N •

Cependant il faut évidemment que cette surface élémentaire puisse satis-faire à chaque passage durant les 2 à 4 jours de pâturage, les besoins du troupeau.

Si nous appelons q = la quantité de matière sèche nécessaire par animal et par jour (en kilogramme) ;

t = le temps de séjour (en jour); A = le nombre d'animaux (exprimés en U.G.B.); Q = la quantité de matière sèche disponible à l'hectare (en kilogramme); K = le taux de consommation.

On peut écrire que la surface minimale de chaque parcelle doit être :

s' (ares) = q X t X A X 100 QXK

Exemple :

q = 12,5 kg; t = 3 jours; A = 20 U.G.B.; Q = 2 000 kg; K = 4 12,5X3X20X10 On a = = 50 a.

2 000 x 0,75

Il faudra donc que la superficie s = S/N soit sensiblement égale à s'. Si elle lui est inférieure, il faudra réduire le nombre d'animaux, ou accroître la surface herbagère à inclure dans le pâturage tournant.

Cet « équilibrage » de la surface parcellaire avec la charge d'animaux conduit à la notion d'intensité de broutage I (Voisin) que l'on peut mesurer par le

poids vif d'animaux X temps de séjour rapport I =

surface parcellaire

Exemple : I = 20X 500 kg x 3 = 60 t/j/ha. 0,50

Photos S.P.I.E.A . Iturage tournant.

A gauche : Le couloir d'accès aux parcelles et à l'abreuvoir. A droite : Limite de deux parcelles, l'une en cours de pâturage, l'autre récemment pâturée.

FIG. IV-2 . Schéma type d'un pâturage tournant.

Il est évident que cette intensité est d'autant plus grande que la surface par-cellaire est plus restreinte pour une charge d'animaux donnée, c'est-à-dire que la production de la prairie est plus élevée, donc, elle-même plus intensive.

c) Réalisation du cloisonnement.

Il est nécessaire de tenir compte de la topographie et de la nature du sol dans l'aménagement du cloisonnement, car toutes les parties d'une prairie n'ont pas nécessairement la même valeur.

Même lorsque la prairie ne comporte qu'un seul abreuvoir, il est possible de disposer le cloisonnement de telle sorte que toutes les parcelles y soient reliées : par l'entremise d'un couloir d'accès. Cetteldisposition est souvent préférable à celle, à priori plus simple, où les parcelles rayonnent autour de ce point d'eau; dans ce cas, on aboutit à des parcelles finissant en pointe, mal adaptées aux récoltes mécaniques et propices aux bousculades à l'abreuvoir. Les clôtures seront de préférence en poteaux de bois ou ciments, supportant 2 oup rangs de fils de fer galvanisé (ou 1 fil électrifié), on évitera le barbelé.

3° SOINS D'ENTRETIEN.

a) Fauchage des refus. Ceux-ci arrivent à subsister durant les premières années d'exploitation, soit en raison d'un chargement antérieur insuffisant, soit d'un défaut d'ébousage. Ces refus devront être fauchés après chaque passage d 'animaux.

FiG. IV-3. Cercles ébouseurs .

76 FOURRAGES

b) Ébousage. 70 à 90 kg de déjections sont émis par une seule vache journel-lement. Or les bousats sont générateurs de refus, alors que par ailleurs, ils repré-sentent une fumure organique à bon compte. Ils seront éparpillés à la fourche, avec des herses spécialisées ou mieux aux cercles ébouseurs .

c) Amendements (voir, ci-dessous la fertilisation, p. 79). d) Irrigation. Dans la mesure où les disponibilités en eau peuvent être facile-

ment assurées (rivières proches, lac collinaire ...) l'irrigation estivale peut contri-buer à régulariser la production de l'herbage.

Les besoins en eau de l'herbe se situent à 500-800 kg par kilogramme de matière sèche produit, alors qu'ils se situent à 300-500 kg chez la plupart des plantes annuelles. Ceci corres-pond à une pluviométrie annuelle de l'ordre de 700 à 800 mm qui devrait se répartir selon WOHLTMANN, en 500 à 550 mm pendant la saison de végétation dont environ la moitié en mai juin et juillet.

Il est donc certain, et quelques expériences l'ont démontré, que l'arrosage d'appoint devrait augmenter et surtout régulariser la production de nombreuses prairies permanentes en France.

e) Désherbage chimique. En complément des moyens physiques déjà très effi-caces (abaissement du plan d'eau, fauchage des refus, ébousage, amendements,...) et de la fertilisation, la lutte chimique peut contribuer fortement à l'amélioration de la flore, surtout à la mise en place du pâturage tournant. On pourra détruire :

— au 2,4-D ou même au MCPA, au stade bouton floral, les Renoncules, Plantains, Cardamines et dicotylédones à rosette (application au début du prin-temps ou en fin d'été;

— au 2,4, 5-T ou au mélange 2,4-D + 2,4,5-T, les espèces pérennes ou semi ligneuses à enracinement profond (Chardons, Panicauts, Orties, Arrête-boeuf);

— au 2,4-D + 2,4,5-T additionné de chlorate de soude, les Joncs, par pulvé-risation en mai juin.

4° CONDUITE DU PAT URAGE. LE JOURNAL DE PATURAGE.

La bonne conduite de la prairie (rythme d'exploitation, fertilisation), et celle du troupeau, exigent qu'en permanence l'herbager dispose d'un moyen de contrôle de la production de l'herbage.

77

Fauche des refus après pâtu- rage, sur un pâturage tournant.

Photo S.P.I.E.A .

Dans le cas des prairies pâturées, le moyen le plus simple pour l'exploitant est la tenue d'un journal de päturage. Ce journal comporte en principe trois caté-gories de feuillets.

a) État général du bétail mis à l'herbe. Sur ces feuillets est porté un inventaire du cheptel, par espèce et catégorie (âge, date d'entrée au pâturage, date de sortie, poids vif à différentes époques, mise-bas, accidents, etc...). Ceci permet en parti-culier de répartir les animaux en groupes homogènes et de chiffrer la charge correspondante, d'autre part de situer les besoins alimentaires des animaux (entretien, production, ou croît).

b) Feuillets journaliers de parcelles. Sur un feuillet réservé à chaque parcelle sont consignées les dates de séjour des animaux par catégorie, la production lai-tière correspondante, l'alimentation complémentaire et des observations diverses (accidents, mises bas, etc...).

c) Feuillets parcellaires de travaux et de résultats. Par parcelle sont enregis-trés, d'une part les travaux (entretien, fumure, coupe à foin ou ensilage), d'autre part, à récapituler, les résultats techniques et financiers.

Compte tenu : — du nombre de journées de pâturage de chaque type d'animaux sur la

parcelle; — de la production laitière ou du croît de ces derniers; — des besoins journaliers en UF correspondants (rations d'entretien et de

production) on peut déduire le nombre d' UF consommées par les animaux. En leur ajoutant celles récoltées en foin ou ensilage, et retranchant celles des

aliments de complément, on obtient le rendement UF/ha de la parcelle: En fonction des frais d'exploitation correspondants, le prix de revient de

l'unité fourragère (UF) peut être déduit.

C. LE PÂTURAGE RATIONNÉ.

1° EFFICIENCE DU PATURAGE TOURNANT.

Bien qu'accroissant très notablement, de deux à trois fois, la productivité et la rentabilité de la production d'herbe, le pâturage tournant n'est pas parfait. Il n'évite pas totalement le pâturage sélectif ni le gaspillage d'une certaine quantité

Photos S .

Au stade de repousse Peu avant l'épiaison des graminées. Développement de Trèfle blanc sur prairie surpâturée et insuffisamment fertilisée en azote

d'herbe piétinée ou souillée par les déjections. Il est difficile d'adapter exactement le chargement d'animaux aux variations de l'intensité de la végétation dans le temps et l'espace.

Pratiquement selon divers auteurs ( JARRIGE et JOURNET, BoscH), 60 à 70 seulement des UF disponibles seraient effectivement consommées. Pour accroître son efficacité, on a proposé de perfectionner le pâturage tournant par le système plus simple du pâturage rationné ou « strip grazing ».

2° PRINCIPE DU PATURAGE RATIONNÉ. Dans son aspect le plus simple, il consiste à exploiter l'herbage en le frac-

tionnant, à l'aide d'une clôture mobile (clôture électrique) en un certain nombre de bandes correspondant à la ration d'une journée ou d'une demi-journée. Ce système n'est, en somme, que la transposition moderne du très vieux système du pâturage au piquet (ou « au tiers ») pratiqué dans de nombreuses régions; système dans lequel l'animal attaché par une corde de trois à quatre mètres à un piquet déplacé plusieurs fois par jour, est de même limité dans son aire de pâturage.

Sous un aspect plus élaboré, le troupeau se trouve limité dans son aire de pâturage non seulement par un fil « avant» mais aussi par un fil « arrière », , empê-chant les animaux de pénétrer sur les surfaces précédemment pâturées. D'autre part, ce système peut se superposer au pâturage tournant lui-même; le pâturage de chaque parcelle étant subdivisé par déplacement d'une clôture électrique, en trois bandes d'une journée chacune par exemple, ou six d'une demi-journée.

3° RÉSULTATS. Dans ces conditions, le -taux de consommation de l'herbe peut atteindre 75 à

80 % et la qualité de l'herbe consommée peut encore s'accroître; la charge à l'hectare peut en conséquence être augmentée.

PRAIRIE PERMANENTE 79

D. L'AFFOURAGEMENT EN VERT OU ZÉRO-PÂTURAGE.

Ce système consiste à récolter chaque jour mécaniquement l'herbe (et tous autres fourrages) à la transporter et la distribuer aux animaux maintenus en per-manence à l'étable. Ce système, très ancien en réalité, connaît un certain regain de faveur aujourd'hui pour deux raisons principales :

— avènement d'une mécanisation toujours plus perfectionnée de la récolte, du transport des fourrages et de leur distribution;

— possibilité d'exploiter en totalité le potentiel herbager, donc de supprimer le gaspillage observé au pâturage.

En dépit de nombreux avantages : — pour la prairie, utilisation plus complète de la production; exploitation

plus rationnelle (absence de pâturage sélectif, de sous ou sur-pâturage), respect de la structure du sol; -

— pour l'animal, plus grande régularité et meilleure qualité de l'alimentation; le zéro-pâturage n'est pas sans inconvénients : charges de travail, d'équi-penient (tracteur et « ensileuses » très puissants), de constructions, de fonction-nement supplémentaires, approvisionnement en paille plus important.

Aujourd'hui (1969) les données chiffrées ne sont pas assez nombreuses pour qu'il soit possible de porter un jugement sur la valeur technique et surtout écono-mique d'un « zéro-pâturage intégral ».

IV. LA FERTILISATION INTENSIVE.

A. LES DONNÉES DU PROBLÈME.

a) Données agronomiques.

L'objet de la fumure sera, soit de maintenir, soit plus souvent encore d'amé-liorer le niveau de fertilité du sol. Or, d'après ce qui a été vu antérieurement (Chap. III, pp. 52-57).

a) La prairie exporte des quantités importantes mais très variables d'éléments fertilisants :

— variations en fonction de la flore plus ou moins riche en bonnes graminées et légumineuses;

— variations en fonction surtout du mode d'exploitation.

Pratiquement les besoins d'une prairie se situent aux environs de : N = 60 à 200 kg/ha K20 = 80 à 200 kg/ha

P20, = 60 à 100 kg/ha CaO = 100 à 200 kg/ha

b) Le sol de la prairie est de moins en moins accessible aux engrais : — en raison du tassement du sol, ralentissant notamment la nitrification;

une prairie permanente bénéficiera donc beaucoup moins bien des engrais ammo-niacaux que toute autre prairie;

80 FOURRAGES

— en raison du caractère de plus en plus compact du feutrage racinaire (rôle d'écran à l'égard de toute fumure).

b) Données physiologiques.

a) Le système radiculaire des graminées est de moins en moins apte à profiter de fortes fumures : volume de prospection de plus en plus réduit; minéralisation des réserves des systèmes anciens de plus en plus lente en raison de l'anaérobiose I du milieu et de son acidification.

b) Caractère saisonnier de l'activité des racines : printemps et automne prin-cipalement pour la plupart des espèces.

c) Données économiques.

Le niveau d'intensité que doit revêtir la fumure dépendra de la réponse de la prairie aux éléments apportés, pratiquement du nombre d'UF obtenus par kilo-gramme d'éléments supplémentaires apportés. Or cette réponse peut varier consi-dérablement d'une prairie à l'autre, selon principalement la nature de sa flore et son alimentation en eau.

L'expérience a montré cependant que des apports supérieurs à 100 kg/ha/an d'azote, d'acide phosphorique et de potasse peuvent être rentables sur prairie permanente (15-18 UF possibles par kg d'azote, d'après le SPIEA).

B. LES AMENDEMENTS.

a) Le chaulage.

L'acidification progressive du sol, dans l'horizon prospecté par les racines, corrélativement la dégradation de la flore (Rumex, Digitales), sont les éléments qui pourraient induire à effectuer des apports de calcium sur vieilles prairies. Toute-fois l'expérience montre que le chaulage ne peut à lui seul « refaire » une prairie dégradée.

Les apports de calcium pourront donc se limiter à la satisfaction des besoins alimentaires des plantes en cet élément. Ils pourront se faire sous forme de scories ou de nitrate de chaux par exemple, dans le cadre des fumures phosphatées ou azotées.

b) La fumure organique.

La prairie étant elle-même productrice d'humus, il peut paraître paradoxal d'envisager l'apport d'une fumure organique sur prairie.

Or, cette fumure aura, de même que le chaulage, pour but d'améliorer la nutrition des plantes : elle leur apportera de la matière organique en voie de miné-ralisation, par-dessus celle qui ne peut être utilisée.

a) Apport de fumier. Celui-ci améliore effectivement les rendements mais diminuera cependant la régularité de production et surtout le taux de consomma-tion.

PRAIRIE PERMANENTE 81

Dans une étude comparative : chaulage et fumier, faite à Courcelles-Chaussy , les résul-tats suivants ont été obtenus ( REBISCHUNG, 1956).

TRAITEMENTS

RENDEMENT ANNUEL RÉGULARITÉ

DE PRODUCTION TAUX DE

CONSOMMATION

1951 1952

100

113,5

122

1953 Moy.

100

98,2

127,5

1951 1952 1953 Moy. 1951 1952 1953 Moy .

62,8

73,2

48,8

62,8

60,6

42,5

80,2

80,7

78,6

71,5

73,8

62,1

100

25,8

69

100

86,3

88,3

100

110

70,5

100

91

73,6

Témoin

Chaulage

Fumier

100

95,5

112

100

89,2

169

Dans tous les cas d'utilisation du fumier sur pâture l'abaissement du taux de consomma-tion est très important surtout en I1 e exploitation. Dès lors cette ire exploitation devrait être récoltée mécaniquement, les autres seulement étant pâturées.

L'apport de fumier (10-15 t/ha) tous les 3 ans peut donc être bénéfique à condition d'être épandu suffisamment longtemps avant le premier pâturage.

b) Apport de purin. Les purinages constituent traditionnellement la seule forme d'engrais apportée sur de nombreuses prairies. C'est effectivement un excellent engrais, contenant des quantités appréciables d'azote organique et de potasse (en moyenne par m3, azote : 1,5 kg; phosphore : 0,25 kg; potasse: 4 kg). Le purin peut être utilisé en épandage, après l'avoir étendu suffisamment d'eau, ou en irri-gation (canon arroseur).

Il ne faut cependant pas surpuriner car on peut provoquer une modification importante de la flore, (développement d'ombellifères : grande berce, grande ciguë), la rendant incapable de réagir nettement aux doses croissantes de fumure.

C. LA FUMURE MINÉRALE. Celle-ci devra constituer l'élément essentiel de la fumure.

a) Phosphore. La fumure phosphatée sera essentiellement de type agrologique étant destinée à

élever ou maintenir le niveau des réserves du sol. Selon la richesse du sol et le système d'exploitation (pâture, fauche), elle pourra donc varier d'environ :

— 60 à 80 kg/ha/an, en sols bien pourvus et sur prairies pâturées (apports correspondant aux exportations).

— 80 à 120 kg/ha/an, sur sols très mal pourvus ou prairies de fauche. L'apport sera effectué soit à l'automne sous forme insoluble (scories, phosphates naturels),

soit en fin d'hiver sous forme soluble (superphosphates).

b) Potasse. Le potassium est, avec le calcium, l'élément majeur de compétition entre les

graminées et les légumineuses (voir chapitre Ill). D'autre part, cet élément est moins fortement retenu par le complexe absorbant que le phosphore. Dès lors :

— en fumure de fond (automne) les apports moyens annuels seront de l'ordre de 80 à 120 kg/ha/an ;

82 FOURRAGES

— après fauche : à l'épiaison, un apport de 40 à 50 kg pourra profiter parti-culièrement aux légumineuses en remédiant à un épuisement possible du sol par les graminées;

— dans la mesure où des purinages importants ont été réalisés, la fertilisa-tion potassique pourra être réduite (sinon il y a risques d'excès de légumineuses).

c) Azote.

Compte tenu de la lente minéralisation de l'azote organique accumulée sous la prairie par les graminées (système radiculaire) et les légumineuses (nodules) !. et de la grande mobilité de cet élément, une fertilisation azotée minérale impor-tant s'impose et elle sera essentiellement physiologique.

a) Le fractionnement des apports sera dicté par le rythme d'activité des racines et le rythme d'exploitation :

— fortes doses en fin d'hiver (50 à 70 kg/ha) et après chaque pâturage de printemps (30 kg/ha);

— un apport de fin d'été (30 à 40 kg/ha) pour la repousse d'automne (tallage). Pratiquement, annuellement une prairie permanente de flore convenable

doit recevoir une fumure azotée au moins égale à 150 kg/ha (50 -}- 33 -}- 33 + 33). b) La forme de l'azote sera la plus souvent ammonitrique, sauf en climat

excessif (froid, sécheresse) où la forme nitrique, bien que plus onéreuse, garde toute sa valeur.

D. RÉSULTATS ET LIMITES DE L'INTENSIFICATION DES PRAIRIES PERMANENTES.

1 0 Des prairies permanentes extensives (mal exploitées et peu fertilisées) peuvent passer, grâce à une intensification progressive de la fumure et un système d'exploitation rationnel, de 2000 UF/ha à 5-6 000 UF.

20 Toutefois l'amélioration potentielle d'une prairie permanente est étroite-ment liée à la qualité de la flore au départ : au-delà d'un certain seuil de dégrada-tion, variable avec les conditions de milieu, la réponse de la prairie à l'intensifi-cation peut s'avérer insuffisante et non rentable.

A Pixérécourt (Meurthe-et-Moselle) la production moyenne d'une prairie permanente bien alimentée en eau (en bordure de la Meurthe, 760 mm de précipitations) est passée pro-gressivement de 2 830 UF en 1951 à 4 662 en 1960, certaines parcelles atteignant certaines années, des pointes de 6 500 UF (troupeau laitier).

Au Haras du Pin (Orne) une prairie naturelle avec un fort pourcentage de graminées moyennes ou médiocres au départ (1957), n'a pu fournir après six années d'intensification que 4 800 UF/an, le témoin sans azote en fournissant 3 600.

30 D'autre part, cette réponse ne peut être que progressive. Un certain nombre d'années (5 à 6 souvent) sont donc nécessaires avant que la prairie n'atteigne une pleine production.

40 Enfin, la masse végétale plus importante à laquelle conduit l'intensifica-tion de la prairie permanente, nécessite un changement des méthodes d'utilisa-tion (introduction de l'ensilage par exemple).

83

de la fumure sur imposition de la les prairies.

atre. Influence de )rt de phosphore

potasse sur le )ppement du Trè-l'équilibre grami égumineuses .

essous. Limitation éveloppement des [tices sur une par-bien fertilisée et tement exploitée.

Photos S.C.P.A .

5° Dès lors, pour une certaine fraction des prairies permanentes, notamment celles situées sur des sols anciennement cultivés, peut se poser le problème de la régénération ou du retournement.

V. RÉGÉNÉRATION ET RETOURNEMENT.

1 0 RÉGÉNÉRATION.

Cette première technique consiste en façons superficielles (pulvériseurs à disques, herses, extirpateurs, houes rotatives) destinées à déchiqueter le gazon et le « feutre» sous jacent . C'est sur ce « lit» de matière organique en voie de décom-position que sera directement réalisé le resemis .

L

84 FOURRAGES

2° RETOURNEMENT.

Dans ce cas, au travail superficiel préalable réalisé en été, succède un mois après par exemple, un travail plus profond (charrue à disques ou à rasettes).

L'intérêt comparé du semis après façons superficielles seules ou après labour est encore très discuté. En réalité, les résultats dépendent beaucoup de la nature du sol et il n'est pas rare que les façons superficielles soient plus bénéfiques que le labour.

A Courcelles-Chaussy (Moselle), REBISCHUNG (1954) a montré qu'un travail superficiel (hersage énergique) produit l'accroissement le plus sensible et le plus durable de la production (quantité-régularité).

Au Haras du Pin (Orne) LAISSUS (1967) a montré que sur sols humides et asphyxiants, le travail en surface (disques d'hiver suivis de disques de printemps ou paraquat seul) peuvent s'avérer supérieurs au labour d'hiver (rendements /ha de 10 à 15 % supérieurs).

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