EHESS

Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle by Renée BÉDARIDAReview by: Étienne FouillouxArchives de sciences sociales des religions, 34e Année, No. 68.2 (octobre-décembre 1989), p. 200Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/41623423 .

Accessed: 12/06/2014 09:48

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

.

EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences socialesdes religions.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 195.34.78.207 on Thu, 12 Jun 2014 09:48:38 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Quant aux protestants, c'est dès avril 1933 qu'ils envoient un message de sympathie au Grand Rabbin de France, en manifestant leur indignation face aux persécutions anti-sémites en Allemagne. Selon Pierre Bolle, deux réfle- xes protestants apparaissent ici : la solidarité avec ďautres minorités religieuses persécutées et la référence à l'héritage commun constitué par l'Ancien Testament et les prophètes. La Fédération Protestante de France réagira aussi lors de la « Nuit de Cristal » du 9 novembre 1938. Mais l'article de P. Bolle apporte peu d'informations sur le rôle des pro- testants dans l'aide aux réfugiés (notamment après 1940, à travers la CIMADE).

C'est François Bédarida, auteur de plu- sieurs ouvrages sur l'Église pendant cette pério- de qui dresse le bilan de l'attitude catholique. Avant la guerre, ce sont surtout des personna- lités (Claude Bourdet, François Mauriac, Marc Sangnier), la revue Esprit et les jésuites (le père Chaillet, la revue Études) qui vont venir en aide aux réfugiés d'Europe centrale - surtout autrichiens. Faisant état d'initiati- ves individuelles (en 1939-41) comme celles d'Edmond Michelet, le père Chaillet, l'abbé Glasberg et les responsables du Témoignage Chrétien - qui ont permis à des réfugiés (aussi bien catholiques que juifs) de franchir la fron- tière et de sauver leur vie - F. Bédarida observe : « Ce fut avant tout la "piétaille" de l'Église - laïcs, prêtres de paroisse, religieux - qui par opposition à des lois bafouant la loi chrétienne et les droits de l'homme, accomplit des actes de résistance au profit de victimes de ces mêmes lois (...). C'est un fait bien connu que du côté de la hiérarchie de l'Église catholi- que, il a fallu attendre l'été 1942 et les grandes rafles des Juifs pour que l'épiscopat, par la voix de quelques-uns de ses membres, dénonce les persécutions, et de ce fait, invite le clergé et les fidèles à intervenir. Dès lors, de nombreux couvents et presbytères pratiquèrent le droit d'asile ».

Cette intervention a été tardive mais non dépourvue d'une certaine efficacité : selon une lettre de Laval en 1942 - citée dans la communication de D. Peschanski - les pres- sions d'une partie du haut clergé ont rendu plus difficile et plus lente la remise de Juifs aux autorités allemandes.

Michael Löwy.

68. 161 BÉDARIDA (Renée). Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle. Paris, Fayard, 1988, 330 p.

Les travaux de R.B. sur la Résistance chré- tienne sont bien connus. Ils lui ont inspiré l'heureuse idée d'écrire la vie de l'un des prin- cipaux artisans de celle-ci : le jésuite Pierre Chaillet. Comment comprendre en effet qu'un religieux promis à l'étude soit devenu le fon- dateur du Témoignage Chrétien clandestin et de l'Amitié chrétienne, organisme de sauvetage des Juifs persécutés ?

R.B. cherche moins la réponse du côté d'ori- gines franc-comtoises de chrétienté que du côté de la formation jésuite, dans le milieu lyonnais notamment. Pierre Chaillet était pro- mis à une belle carrière d'ecclésiologue. Mais ses travaux sur Jean Adam Möhler et l'école de Tübingen au XIXe siècle le conduisent en Allemagne et en Autriche pendant la montée du nazisme. Sa correspondance, avec son ami Henri de Lubac surtout, montre de façon sai- sissante la convergence entre renouveau théo- logique et opposition au néo-paganisme hit- lérien. La démonstration de cette convergence est sans doute la partie la plus neuve de l'ouvrage.

Il en résulte un ferme engagement pour l'Autriche catholique, une mission en Hon- grie pour le gouvernement français pendant la « drôle de guerre »... et une entrée précoce en Résistance à Lyon, dans le sillage d'Henri Fre- nay, puis pour son propre compte. Avec l'ai- sance que lui permettent ses recherches anté- rieures, l'auteur brosse du clandestin que devient peu à peu Chaillet un portrait sobre et pourtant chaleureux. La Libération comble ses vœux sans lui valoir la place qu'il méritait. On peut même dire que la fin de sa vie (né en 1900, il meurt en 1972) est un long dévouement dépourvu de vraie récompense. Il gère avec une efficacité obstinée les œuvres sociales de la Résistance. Témoignage Chrétien n'évolue pas toujours comme il le souhaitait. Ses efforts de réponse motivée au rayonnement commu- niste tournent court. Et la Compagnie finit par cantonner ce personnage encombrant dans des tâches subalternes. En fait, son existence a été bouleversée par une guerre qui lui a permis de donner le meilleur de lui-même.

R.B. avait la possibilité de faire une biogra- phie tapageuse du type de celles qui fleuris- sent en librairie actuellement. Elle a préféré la rigueur des documents pour décrire un com- bat qui tolère mal l'hyperbole. Nous la croyons ainsi plus convaincante... et plus utile aux his- toriens du catholicisme français contempo- rain.

Étienne Fouilloux.

200

This content downloaded from 195.34.78.207 on Thu, 12 Jun 2014 09:48:38 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions