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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. L’Encéphale (2008) Supplément 3, S111–S114 journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Comparaison escitalopram/citalopram dans les dépressions sévères Une étude de Moore [12] a montré que l’escitalopram pré- sente une supériorité d’efficacité sur le citalopram à la hui- tième semaine dans les formes sévères (score initial moyen à la MADRS = 36) (Fig. 2). Dans la même étude, l’analyse des taux de patients répondeurs (réduction d’au moins 50 % à la MADRS entre le début et la fin de l’étude) et celle des Place de l’escitalopram dans les épisodes dépressifs sévères B. Millet CHU de Rennes, 108 avenue du Général Leclerc, 35011 Rennes cedex Pertinence de l’analyse de l’efficacité des antidépresseurs en fonction de la sévérité de la dépression Les dépressions sévères ont moins de chances de rémission spontanée ; elles peuvent nécessiter des traitements plus longs ; de plus, elles s’accompagnent d’un taux plus élevé de suicides. Par ailleurs, la sévérité de l’épisode dépressif caractérisé est un prédicteur de réponse aux antidépres- seurs. Ainsi, les patients hospitalisés répondent mieux aux antidépresseurs tricycliques [9]. Des études anciennes ont montré que la réponse à la désipramine est meilleure pour des scores HAM-D élevés (1983), et que l’amitriptyline est supérieure au placebo seulement quand le score initial à l’échelle HAM-D est supérieur à 12 [14, 15] ; enfin, les patients déprimés légers ont plus de chances de répondre au placebo [4, 5], ce qui a conduit la Haute Autorité de Santé à ne pas privilégier les antidépresseurs dans cette indication. Évolution des scores à l’échelle HAM-D en fonction de la sévérité Les résultats d’une méta-analyse de 15 essais, randomisés, contrôlés vs placebo en double-aveugle (Northwest Clinical Research Center, USA) réalisés entre 1995 et 2003, mon- trent que plus le score à l’échelle d’Hamilton est impor- tant, plus la différence entre un antidépresseur et le placebo est manifeste (Fig. 1). * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur a déclaré être intervenant ponctuel pour le laboratoire Lundbeck. Figure 1 Évolution de la HAM-D en fonction de la sévérité (D’après 8). Mini n=3 n=5 Moyen n=4 n=6 n=3 n=4 Sévère n=2 n=2 –30 –25 –20 –15 –10 –5 0 * 6 6 ** ** 8 1 ** ** 2 3 Placebo Antidépresseur *** 7 6 *** HAM-D modéré mineur : ≥ 13-≤ 22 HAM-D modéré majeur : ≥ 23-≤ 25 HAM-D sévèrement modérée : ≥ 26-≤ 28 HAM-D sévère : ≥ 29-≤ 35 Variation moyenne du score HAM-D en fonction de la sévérité * p < 0,05 vs placebo ** p < 0,01 vs placebo *** p = 0,001 vs placebo Moyen/ sévère

Place de l’escitalopram dans les épisodes dépressifs sévères

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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2008) Supplément 3, S111–S114

journa l homepage: www.e l sev ier.com/ locate/encep

Comparaison escitalopram/citalopram dans les dépressions sévères

Une étude de Moore [12] a montré que l’escitalopram pré-sente une supériorité d’effi cacité sur le citalopram à la hui-tième semaine dans les formes sévères (score initial moyen à la MADRS = 36) (Fig. 2). Dans la même étude, l’analyse des taux de patients répondeurs (réduction d’au moins 50 % à la MADRS entre le début et la fi n de l’étude) et celle des

Place de l’escitalopram dans les épisodes dépressifs sévèresB. Millet

CHU de Rennes, 108 avenue du Général Leclerc, 35011 Rennes cedex

Pertinence de l’analyse de l’effi cacité des antidépresseurs en fonction de la sévérité de la dépression

Les dépressions sévères ont moins de chances de rémission spontanée ; elles peuvent nécessiter des traitements plus longs ; de plus, elles s’accompagnent d’un taux plus élevé de suicides. Par ailleurs, la sévérité de l’épisode dépressif caractérisé est un prédicteur de réponse aux antidépres-seurs. Ainsi, les patients hospitalisés répondent mieux aux antidépresseurs tricycliques [9]. Des études anciennes ont montré que la réponse à la désipramine est meilleure pour des scores HAM-D élevés (1983), et que l’amitriptyline est supérieure au placebo seulement quand le score initial à l’échelle HAM-D est supérieur à 12 [14, 15] ; enfi n, les patients déprimés légers ont plus de chances de répondre au placebo [4, 5], ce qui a conduit la Haute Autorité de Santé à ne pas privilégier les antidépresseurs dans cette indication.

Évolution des scores à l’échelle HAM-D en fonction de la sévérité

Les résultats d’une méta-analyse de 15 essais, randomisés, contrôlés vs placebo en double-aveugle (Northwest Clinical Research Center, USA) réalisés entre 1995 et 2003, mon-trent que plus le score à l’échelle d’Hamilton est impor-tant, plus la différence entre un antidépresseur et le placebo est manifeste (Fig. 1).

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected]’auteur a déclaré être intervenant ponctuel pour le laboratoire Lundbeck.

Figure 1 Évolution de la HAM-D en fonction de la sévérité (D’après 8).

Minin=3 n=5

Moyenn=4 n=6 n=3 n=4

Sévèren=2 n=2

–30

–25

–20

–15

–10

–5

0

**

6 6

****

8 1

****

2 3

PlaceboAntidépresseur

***

7 6

***

HAM-D modéré mineur : ≥ 13-≤ 22HAM-D modéré majeur : ≥ 23-≤ 25HAM-D sévèrement modérée : ≥ 26-≤ 28HAM-D sévère : ≥ 29-≤ 35

Vari

atio

n m

oyen

ne d

u sc

ore

HAM

-Den

fon

ctio

n de

la s

évér

ité

* p < 0,05 vs placebo** p < 0,01 vs placebo*** p = 0,001 vs placebo

Moyen/sévère

B. MilletS112

le taux de patients en rémission à l’issue de l’étude est signifi cativement supérieur avec l’escitalopram à 20 mg qu’avec la venlafaxine à 225 mg [2, 11] (Fig. 4).

Amélioration à moyen terme (6 mois) dans les états dépressifs majeurs sévères

Une étude de Boulenger [3] a comparé le maintien de l’amélioration à 6 mois sous escitalopram et sous paroxé-tine dans les épisodes dépressifs majeurs sévères (score initial à la MADRS ≥ 30), évalué par l’évolution des scores à la MADRS. Une différence signifi cative se manifeste dès la 4e semaine et se maintient durant les 24 semaines de l’étude (Fig. 5).

Dans cette étude, non seulement le taux de patients en rémission complète (MADRS ≤ 5) est signifi cativement supé-rieur sous escitalopram par rapport à la paroxétine, mais on observe de plus une augmentation de la différence au fur et à mesure que la sévérité initiale à la MADRS aug-mente (Fig. 6).

Figure 2 Escitalopram versus citalopram dans score total MDD MADRS (D’après 12).

-30

-25

-20

–15

-10

-5

00 1 4 8

Semaine de traitement

ESC (n = 138)CIT (n = 142)

** p = 0,05Résultats basés sur la population ITT

Vari

atio

n m

oyen

ne a

just

éede

puis

l'in

clus

ion,

sco

re t

otal

MAD

RS

Score total MADRS à l'inclusion :Escitalopram –36,3Citalopram –35,7

Trouble dépressif majeur

Figure 4 Comparaison du escitalopram et de la venlafaxine LP : rémission en fi n d’étude (D’après 2, 11).

Escitalopram 20 mg (n = 97)Venlafaxine XR 225 mg (n = 98)

Population totale

Escitalopram 20 mg (n = 62)Venlafaxine XR 225 mg (n = 59) * p < 0,05

Population sévère (MADRS ≥ 30)

0

20

40

60

MADRS ≤ 12 rémissions

Pour

cent

age

de p

atie

nts

0

20

40

60

MADRS ≤ 12 rémissions

Pour

cent

age

de p

atie

nts

*

Figure 3 Escitalopram versus citalopram : répondeurs et rémissions (D’après 12).

0

20

40

60

80

≥ 50 % réduction MADRS MADRS ≤ 12

*

**

NNT = 7

NNT = 9

Escitalopram (n = 138)Citalopram (n = 142)

NNT = nombre à traiter

Pour

cent

age

(S8)

* p < 0,01** p < 0,05

Figure 5 Amélioration à 6 mois dans les états dépressifs majeurs sévères (MADRS ≥ 35) (D’après 3).

-30

-25

-20

-15

-10

-5

0

0 4 8 12 16 20 24SemaineCh

ange

men

t es

tim

é du

sco

re M

ADRS

Paroxetine (n = 107)

Escitalopram (n = 115)* p < 0,05FAS, LOCF, ANCOVA

****

*

*

taux de patients en rémission (score fi nal à la MADRS ≤ 12) montre également une différence signifi cative en faveur de l’escitalopram (Fig. 3). Un indicateur largement utilisé aujourd’hui est le NNT (number needed to treat ou nombre requis à traiter, pour montrer une différence entre un pro-duit et un autre) : dans la même étude, ce NNT pour mon-trer une supériorité de l’escitalopram sur le citalopram est de 7 pour le taux de patients répondeurs, et de 9 pour le taux de patients en rémission [10].

Comparaison escitalopram/venlafaxine dans les dépressions sévères

Les résultats des études comparant escitalopram et venla-faxine montrent des tendances similaires. Dans les épiso-des dépressifs caractérisés d’intensité sévère (MADRS > 30),

Place de l’escitalopram dans les épisodes dépressifs sévères S113

Méta-analyse des taux de réponse et de rémission chez les patients déprimés sévères

Une autre façon de montrer l’intérêt d’un produit peut se faire au travers des méta-analyses. Celle réalisée par Kennedy [7] montre, par l’analyse d’études poolées, que l’odds ratio des taux de réponse et des taux de rémission de l’escitalopram est supérieur versus l’ensemble des compa-rateurs actifs, que l’analyse se fasse versus tous les compa-rateurs, qu’elle se fasse versus les IRS, ou qu’elle se fasse versus la venlafaxine (Fig. 7).

Dans cette même méta-analyse, l’examen séparé des données sur les taux de rémission et les taux de réponse dans l’ensemble des populations de déprimés traités et dans la sous-population des patients les plus sévères (MADRS > 30) montre un taux de rémission signifi cative-ment supérieur sous escitalopram, par rapport à l’ensem-ble des comparateurs, pour les patients les plus sévèrement déprimés (Fig. 8).

Effi cacité de l’escitalopram dans les dépressions du sujet âgé

Différentes études ont été menées sur une population de patients déprimés particulièrement diffi ciles à traiter : les sujets âgés. Elles ont montré l’effi cacité de l’escitalopram versus les différents comparateurs lors de traitements en aigu. Une étude à plus long terme (40 semaines) a été menée récemment sur la récidive des rechutes dépressives chez le sujet âgé [6]. Elle montre, comme cela apparaît nettement sur une courbe de Kaplan-Meier, un taux de rechute beaucoup moins important sous escitalopram que sous placebo (Fig. 9).

Figure 6 Escitalopram vs paroxétine : rémission complète (MADRS ≤ 5) (D’après 3).

Augmentation de la différence en fonction de la sévérité :p = 0,0148

0

10

20

30

40

50

60

70

Tous ≥ 32 ≥ 34 ≥ 36 ≥ 38 ≥ 40

Taux

de

rém

issi

on c

ompl

ète

(MAD

RS ≤

5)

(%)

Score total MADRS à l’inclusion

***

****

***

***

Escitalopram (n = 228)Paroxetine (n = 223)* p ≤ 0,05 ESC vs PAR** p ≤ 0,01 ESC vs PAR*** p ≤ 0,001 ESC vs PAR

Figure 7 Méta-analyse : réponse et rémission chez les patients déprimés sévères (D’après 7).

Odds ratio à la fin de l’étude(LOCF, patients déprimés sévères), 95 % IC

0,1 1 10

ESC vs tous

ESC vs SSRI

ESC vs VLF

ESC vs tous

ESC vs SSRI

ESC vs VLF

Réponse

Rémission

2,03

1,61

1,59

1,56

1,72

1,93(1,41–2,64)

(1,42–2,92)

(0,85–3,04)

(1,16–2,16)

(1,09–2,26)

(0,90–3,25)

Figure 8 Méta-analyse de l’effi cacité de l’escitalopram : réponse et rémission (D’après 7).

01020304050607080

Réponse Rémission Réponse Rémission

66 62 58 55

*

68 58 54 46

***

Tous Sévère (MADRS ≥ 30)

Escitalopram Comparateurs* p < 0,01 ; ** p < 0,001

Taux

rép

onse

/ré

mis

sion

(%)

Figure 9 Prévention des rechutes dépressives chez le sujet âgé [6].

0,6

0,7

0,8

0,9

10

12 16 20 24 28 32 36 40Semaines

Esti

mat

ion

Kapl

an-M

eier

EscitalopramPlacebo (n = 115)

B. MilletS114

Tolérance comparée de l’escitalopram et des autres comparateurs dans les études à court terme

L’un des indicateurs les plus pertinents pour évaluer la tolérance d’un médicament antidépresseur est le taux de sortie d’essai pour événement indésirable. Une publication récente [1] montre un taux de sortie d’essai dans les 8 pre-mières semaines signifi cativement inférieur sous escitalo-pram par rapport à la paroxétine et à la venlafaxine.

Conclusions

Les conclusions de la Commission de la Transparence (13/10/2004) illustrent l’intérêt du produit : « Dans les étu-des de non-infériorité, l’effi cacité de l’escitalopram n’a pas été inférieure à celle de la venlafaxine LP (75-150 mg/j) et de la paroxétine (20-40 mg/j) » ; « Les signes et symptômes survenus à l’arrêt du traitement ont été moins fréquents sous escitalopram que sous venlafaxine LP et sous paroxé-tine ». Il a donc été conclu à une Amélioration du Service Médical Rendu (Commission de la Transparence – 13/10/2004), avec une ASMR de niveau 4 par rapport au citalopram en termes d’effi cacité. Cette conclusion d’amélioration du ser-vice médical rendu s’est appuyée sur les différentes études menées selon différentes tranches d’intensité de la dépres-sion, l’analyse renforçant l’établissement de la supériorité d’effi cacité par rapport au racémique.

Depuis l’avis de la Commission de la Transparence, d’autres études prospectives ont été menées, montrant l’effi cacité de l’escitalopram dans la dépression sévère, dans des travaux versus citalopram, versus paroxétine, et versus venlafaxine. Leurs résultats ont été confi rmés par les méta-analyses réalisées, montrant l’intérêt de l’escita-lopram versus citalopram, mais aussi versus IRS et versus venlafaxine.

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