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Hiver 2006 La place des documents dans l’enseignement de l’histoire Sources : Granier G., Picot F. (2003). «La place des documents dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie». In Hagnerelle M. (dir). Apprendre l’histoire et la géographie à l’École. Actes du colloque organisé à Paris les 12, 13 et 14 décembre 2002. Versailles : CRDP de l’académie de Versailles, p. 177-184 Définition et typologie des documents (p. 178-179) La définition même du mot «document» ne va pas de soi. Étymologiquement ce mot est issu du latin documentum, « ce qui sert à instruire », d’où le sens contemporain (selon le Petit Robert): «tout ce qui sert de preuve, de témoignage». Au sens pratique du terme, un document est tout support pédagogique de travail permettant de transmettre des connaissances et de faire acquérir des compétences méthodologiques. L’usage de ce mot est donc devenu très extensif. […] Si l’on veut mieux décider de formes d’utilisation du document avec des élèves, il convient par conséquent de dresser une typologie. On distingue différents types. Le premier, le «document- source» est le document par excellence. C’est l’outil à partir duquel travaille le chercheur en histoire, souvent un texte ou un document iconographique. Il convient de ne pas oublier l’image animée pour le XXe siècle, l’œuvre de fiction ou l’image d’actualité. C’est parmi eux que l’on trouve les documents majeurs, à caractère «patrimonial ». Cette notion de document-source n’est pas toujours évidente en histoire, car son statut et sa valeur peuvent être sujets à débat. […]. En fait, c’est le regard du chercheur qui confère le statut de document (sur lequel va s’appuyer une éventuelle démonstration) à toute source qui avait souvent d’autres usages initiaux. C’est le cas de l’œuvre d’art par exemple. […] Un problème pédagogique important se pose car ce type de document est souvent difficile à étudier avec les élèves. Il nécessiterait un apprentissage qui ne relève pas des objectifs centraux de l’enseignement secondaire [paléographie, épigraphie, numismatique, archéologie…] ou qui exigerait des outils d’interprétation adaptés aux élèves et qui sont encore balbutiants, bien que cette piste mérite d’être explorée. Le second type de document est le document «produit de la recherche». On y trouve tout document extrait de la publication d’un universitaire: texte, graphique, tableau statistique, croquis, schéma, etc. Il pose souvent le même problème de compréhension par les élèves que la source [historique]. Le troisième type de document est le «document sélectionné» dans l’actualité par le pédagogue. Il s’agit d’un type surtout propre à la géographie (ou à l’éducation civique): sélection d’un article de journal, d’un document de communication voire de publicité. Le dernier type enfin est le «document construit» par un pédagogue, auteur de manuel ou professeur. Il peut s’agir d’un document adapté, de manière plus ou moins inavouée, pour rendre les deux premières catégories de documents accessibles aux élèves. Il s’agit très fréquemment de textes adaptés dans le sens de la simplification, d’où la mention fréquente dans les manuels: « d’après tel auteur ». Le plus souvent, ces documents sont produits spécifiquement dans un but de travail avec les élèves. […] Approches didactiques en histoire HEP Lausanne / Sciences humaines / LKaufmann / 13.11.06 Page 6

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Hiver 2006

La place des documents dans l’enseignement de l’histoire

Sources : Granier G., Picot F. (2003). «La place des documents dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie». In Hagnerelle M. (dir). Apprendre l’histoire et la géographie à l’École. Actes du colloque organisé à Paris les 12, 13 et 14 décembre 2002. Versailles : CRDP de l’académie de Versailles, p. 177-184

Définition et typologie des documents (p. 178-179)La définition même du mot «document» ne va pas de soi. Étymologiquement ce mot est issu du latin documentum, « ce qui sert à instruire », d’où le sens contemporain (selon le Petit Robert): «tout ce qui sert de preuve, de témoignage». Au sens pratique du terme, un document est tout support pédagogique de travail permettant de transmettre des connaissances et de faire acquérir des compétences méthodologiques. L’usage de ce mot est donc devenu très extensif. […]

Si l’on veut mieux décider de formes d’utilisation du document avec des élèves, il convient par conséquent de dresser une typologie. On distingue différents types. Le premier, le «document-source» est le document par excellence. C’est l’outil à partir duquel travaille le chercheur en histoire, souvent un texte ou un document iconographique. Il convient de ne pas oublier l’image animée pour le XXe siècle, l’œuvre de fiction ou l’image d’actualité. C’est parmi eux que l’on trouve les documents majeurs, à caractère «patrimonial ». Cette notion de document-source n’est pas toujours évidente en histoire, car son statut et sa valeur peuvent être sujets à débat. […].

En fait, c’est le regard du chercheur qui confère le statut de document (sur lequel va s’appuyer une éventuelle démonstration) à toute source qui avait souvent d’autres usages initiaux. C’est le cas de l’œuvre d’art par exemple. […] Un problème pédagogique important se pose car ce type de document est souvent difficile à étudier avec les élèves. Il nécessiterait un apprentissage qui ne relève pas des objectifs centraux de l’enseignement secondaire [paléographie, épigraphie, numismatique, archéologie…] ou qui exigerait des outils d’interprétation adaptés aux élèves et qui sont encore balbutiants, bien que cette piste mérite d’être explorée.

Le second type de document est le document «produit de la recherche». On y trouve tout document extrait de la publication d’un universitaire: texte, graphique, tableau statistique, croquis, schéma, etc. Il pose souvent le même problème de compréhension par les élèves que la source [historique].

Le troisième type de document est le «document sélectionné» dans l’actualité par le pédagogue. Il s’agit d’un type surtout propre à la géographie (ou à l’éducation civique): sélection d’un article de journal, d’un document de communication voire de publicité.

Le dernier type enfin est le «document construit» par un pédagogue, auteur de manuel ou professeur. Il peut s’agir d’un document adapté, de manière plus ou moins inavouée, pour rendre les deux premières catégories de documents accessibles aux élèves. Il s’agit très fréquemment de textes adaptés dans le sens de la simplification, d’où la mention fréquente dans les manuels: « d’après tel auteur ». Le plus souvent, ces documents sont produits spécifiquement dans un but de travail avec les élèves. […]

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Petite typologie de l’utilisation des documents en classe d’histoire

«Document illustratif» : auxiliaire du discours et des faits amenés par l’enseignant ou le manuel.

«Document preuve» : sert de preuve aux propos tenus par l’enseignant ou le manuel.

«Document outil» : sert de support à l’activité des élèves et à l’acquisition par ceux-ci de la méthode historienne d’utilisation des sources et documents.

«Document obstacle» : dans les démarches articulées autour de la résolution de problème didactique ou de situation-problème, le document joue alors le rôle de l’obstacle1 à franchir pour l’élève.

Il n’est plus l’objet du seul apprentissage de la méthode historienne, mais il sert, une fois le problème posé, à le résoudre et à l’expliquer.

Le document peut aussi jouer le rôle de l’amorce et du déclencheur de l’activité.

«Document patrimonial» : Une autre tendance consiste en un renouvellement de l’histoire traditionnelle autour de la notion de patrimoine. Cette catégorie est apparue en France dans les instructions officielles à l’occasion des programmes de collège de 1995-1998.

Le document patrimonial devrait être enseigné pour lui-même en raison de son importance, de son caractère emblématique, dans un but civique; il s’agirait de fonder une culture commune à tous les élèves quelle que soit leur origine sociale ou culturelle. On y trouve des documents de nature très variée : des textes, des monuments, des oeuvres artistiques picturales, des objets techniques, des films emblématiques d’une période, etc. Le terme de «document» est utilisé ici dans un sens très large.

Prolongement de lecture relativement à l’évolution de l’utilisation des documents en classe d’histoire de la fin du 19e siècle au milieu des années 1980 en France :

Leduc J., Marcos-Alvarez V., Le Pellec J. (1994). Construire l’histoire. CRDP-Midi Pyrénées, pp. 43-49

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1 Obstacle de nature didactique ou épistémologique