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Annales Pharmaceutiques Françaises (2010) 68, 291—300 REVUE GÉNÉRALE Place et rôle de la pharmacologie de sécurité dans le développement des médicaments Place and role of safety pharmacology in drug development J.-M. Guillon Département « Deposition Safety & Animal Research », groupe de pharmacologie, Sanofi-Aventis, 3, digue d’Alfortville, 94140 Alfortville, France Rec ¸u le 4 mars 2010 ; accepté le 25 mai 2010 Disponible sur Internet le 7 juillet 2010 MOTS CLÉS Pharmacologie sécurité ; Effets secondaires ; Effets indésirables ; ICH Résumé La pharmacologie de sécurité est un élément réglementaire incontournable dans le développement préclinique des médicaments. Avant les études cliniques de phase I, les effets du candidat médicament sur les « fonctions vitales » (systèmes cardiovasculaire, respiratoire et nerveux central) doivent d’abord être étudiés et caractérisés chez l’animal en respectant les bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Pour la fonction cardiovasculaire, les effets tensionnels et électrocardiographiques doivent être étudiés en portant une attention particulière à l’étude de la repolarisation ventriculaire car la prolongation de celle-ci est un facteur de risque majeur dans la survenue de troubles du rythme mortels, comme les torsades de pointes (TdP). Le comportement global, l’activité motrice, les réflexes et la température corporelle doivent être évalués chez l’animal. Une étude spécifique de la respiration doit être mise en place. Pour chacune de ces études, l’administration unique du composé est préconisée par la voie pré- vue chez l’homme. Le potentiel de pharmacodépendance et d’abus doit être caractérisé pour tout médicament innovant et/ou actif sur le système nerveux central. La détection des effets secondaires potentiels à un stade précoce du développement grâce à de nouvelles méthodes de criblage à haut débit est devenue un élément décisionnel stratégique pour les entreprises. Dans ce contexte, la détermination de la marge de sécurité, l’évaluation du rapport bénéfice/risque et l’explication des effets observés sont des aides à la décision majeures pour assurer la sécurité des patients qui sera encore plus grande avec l’utilisation de méthodes de modélisation permet- tant une transposition plus fiable des résultats de pharmacologie animale vers la pharmacologie clinique. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Cet article fait suite à une présentation (portant le même titre) faite à l’Académie nationale de Pharmacie le 14 mai 2008. Adresse e-mail : Jean-michel.guillon@sanofi-aventis.com. 0003-4509/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pharma.2010.05.005

Place et rôle de la pharmacologie de sécurité dans le développement des médicaments

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Page 1: Place et rôle de la pharmacologie de sécurité dans le développement des médicaments

Annales Pharmaceutiques Françaises (2010) 68, 291—300

REVUE GÉNÉRALE

Place et rôle de la pharmacologie de sécurité dans ledéveloppement des médicaments�

Place and role of safety pharmacology in drug development

J.-M. Guillon

Département « Deposition Safety & Animal Research », groupe de pharmacologie,Sanofi-Aventis, 3, digue d’Alfortville, 94140 Alfortville, France

Recu le 4 mars 2010 ; accepté le 25 mai 2010Disponible sur Internet le 7 juillet 2010

MOTS CLÉSPharmacologiesécurité ;Effets secondaires ;Effets indésirables ;ICH

Résumé La pharmacologie de sécurité est un élément réglementaire incontournable dans ledéveloppement préclinique des médicaments. Avant les études cliniques de phase I, les effetsdu candidat médicament sur les « fonctions vitales » (systèmes cardiovasculaire, respiratoire etnerveux central) doivent d’abord être étudiés et caractérisés chez l’animal en respectant lesbonnes pratiques de laboratoire (BPL). Pour la fonction cardiovasculaire, les effets tensionnelset électrocardiographiques doivent être étudiés en portant une attention particulière à l’étudede la repolarisation ventriculaire car la prolongation de celle-ci est un facteur de risque majeurdans la survenue de troubles du rythme mortels, comme les torsades de pointes (TdP). Lecomportement global, l’activité motrice, les réflexes et la température corporelle doivent êtreévalués chez l’animal. Une étude spécifique de la respiration doit être mise en place. Pourchacune de ces études, l’administration unique du composé est préconisée par la voie pré-vue chez l’homme. Le potentiel de pharmacodépendance et d’abus doit être caractérisé pourtout médicament innovant et/ou actif sur le système nerveux central. La détection des effetssecondaires potentiels à un stade précoce du développement grâce à de nouvelles méthodes decriblage à haut débit est devenue un élément décisionnel stratégique pour les entreprises. Dansce contexte, la détermination de la marge de sécurité, l’évaluation du rapport bénéfice/risqueet l’explication des effets observés sont des aides à la décision majeures pour assurer la sécurité

des patients qui sera encore plus grande avec l’utilisation de méthodes de modélisation permet-

able des résultats de pharmacologie animale vers la pharmacologie

tant une transposition plus fi clinique.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Cet article fait suite à une présentation (portant le même titre) faite à l’Académie nationale de Pharmacie le 14 mai 2008.Adresse e-mail : [email protected].

0003-4509/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pharma.2010.05.005

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292 J.-M. Guillon

KEYWORDSSafety pharmacology;Adverse effects;Unwanted effects;ICH

Summary Safety pharmacology is a key regulatory step for drug development and approval.Prior to phase I, the effects of a drug candidate should be evaluated and characterized on vitalfunctions (cardiovascular, respiratory and central nervous system) according to good laboratorypractice standards. For cardiovascular evaluation, effects on blood pressure and electrocardio-gram should be explored with a particular emphasis on ventricular repolarization prolongation,a major risk factor for life-threatening arrhythmias, like ‘‘torsades de pointe’’. Global beha-viour, motor activity, reflexes and body temperature should be evaluated in animals. A dedicatedstudy is necessary for respiratory function evaluation. All of these studies should be conductedafter single administration of the compound administered by the anticipated clinical route.Dependence potential and abuse liability should be characterized for innovative drugs and/ordrugs acting on the central nervous system. Evidence for adverse effects at discovery stage withhigh throughput systems is becoming a key step of decision-making process for pharmaceuticalindustry. Therefore, determination of the safety margin, risk/benefit ratio analysis and inves-tigation of adverse effects are major decisional elements for providing safety reassurance topatients. Safety of patients will also be improved through modelling methodologies allowing asafer transposition of experimental pharmacology results to clinical pharmacology.© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

epuis quelques années, la pharmacologie de sécurité ane place et un rôle bien définis dans l’évaluation de laécurité du médicament. Les études de pharmacologie deécurité sont des études précliniques ; c’est-à-dire, destudes menées chez l’animal, avec des candidats médica-ents, dont les propriétés doivent être caractérisées avante les administrer à l’homme. La conférence internationale’harmonisation (ICH) a défini, en 1999, le rôle, les missionst objectifs des études de pharmacologie de sécurité. Cetteremière conférence ICH est en réalité l’aboutissement’un processus débuté au Japon en 1995 avec la publi-ation d’une directive indiquant l’ensemble des étudesequises pour l’entrée des candidats médicaments en phase I1]. Ce n’est qu’en 1997 que le terme « pharmacologiee sécurité » a été utilisé pour la première fois dans leexte ICHM3 promouvant l’harmonisation internationale destudes de sécurité précliniques [2]. Ces prolégomènes,uivis de trois directives parues en 1998 aux États-Unis,n Europe, au Japon, aboutirent au texte ICHS7A quiéfinit le positionnement dans le processus de développe-ent, le contenu des études et la facon de faire (bonnesratiques de laboratoires [BPL]) [3,4]. Deux risques parti-uliers sont détaillés par ailleurs : le risque proarythmiquenotamment torsadogène) analysé dans le texte ICHS7Bt les risques d’abus et de pharmacodépendance dans unexte émanant de la European Medicines Agency (EMEA)5,6].

Avec le temps, la pharmacologie de sécurité est deve-ue un élément essentiel de l’évaluation préclinique dea sécurité des médicaments en complétant la toxicologiear une approche orientée vers la physiologie intégrée. Sonlus grand succès, encore en évolution, reste l’évaluationu risque arythmogène. Son rôle grandissant, mais déjà

ivot, dans l’évaluation du risque d’abus et de pharmaco-épendance est une preuve supplémentaire de l’apport deette discipline à l’évolution de nos connaissances dans leomaine préclinique.

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Dans ce document, le texte ICHS7A sera abordé suivie ses conséquences pratiques (approches expérimentalest choix technologiques), puis la place de la pharmacolo-ie de sécurité dans le processus d’élaboration industriel’un médicament sera décrite, ainsi que son rôle dans’évaluation du rapport bénéfice/risque.

e texte fondateur : ICHS7A

éfinition de la pharmacologie de sécurité

a pharmacologie de sécurité étudie, chez l’animal, lesffets pharmacodynamiques secondaires a priori non vou-us que peut avoir une substance médicamenteuse sur lesonctions physiologiques en relation avec l’exposition obte-ue aux doses thérapeutiques et au-delà. La pertinence dees effets secondaires observés chez l’animal au regard dea physiologie humaine doit être évaluée. La pharmacolo-ie de sécurité apporte donc des éléments fonctionnels quieuvent répondre à des questions soulevées au cours destudes de toxicologie préclinique ou au cours du dévelop-ement clinique. Ces éléments fonctionnels sont précieuxour orienter les études cliniques et leur suivi.

es grands principes

es études de pharmacologie de sécurité doivent permettree protéger les personnes (participants aux études cliniquest patients) des effets secondaires délétères produits pares substances médicamenteuses : candidats médicaments,roduits commercialisés, produits issus des biotechnologies,insi que tout médicament dont la voie d’administration, laorme galénique et la population cible sont modifiées par

apport aux autorisations initiales.

Le texte ICH7A donne quelques recommandations géné-ales pour mettre en place ces études :

l’approche, adaptée selon les propriétés particulières etles effets thérapeutiques attendus de chaque candidat

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La pharmacologie de sécurité

médicament, doit être rationnelle et scientifiquementétablie selon des standards internationalement reconnus ;

• les innovations technologiques sont encouragées si elless’appuient sur une démarche scientifique solide ;

• le choix du modèle animal doit se faire selon des critèrespharmacodynamiques, pharmacocinétiques et métabo-liques. Des modèles in vitro ou ex vivo peuvent être misen place afin de compléter l’approche ;

• les études sont menées de préférence sur des ani-maux éveillés, généralement en administration unique,en couvrant une large gamme de doses (expositions thé-rapeutiques attendues et au-delà) ;

• la voie d’administration thérapeutique prévue doit êtreprivilégiée et permettre d’obtenir une exposition au pro-duit parent et aux métabolites, au moins égale à celleattendue chez l’homme ;

• le protocole expérimental doit permettre de caractériserl’effet mesuré en termes de délai d’apparition, de durée,de relations dose—effet.

Les études précliniques prérequises pour laphase I

Le but premier est de caractériser les éventuels dysfonction-nements physiologiques induits par le candidat médicamentafin d’assurer la sécurité des volontaires participants àl’étude de phase I. Ainsi, les effets des candidats médi-caments sur le système nerveux central, les fonctionscardiovasculaires et respiratoires font partie des études pré-requises (core battery). En effet, la probabilité que deseffets délétères altèrent de facon irrémédiable la fonc-tion gastro-intestinale ou rénale, par exemple, après uneadministration unique, sans avoir été identifiés au cours desétudes de toxicologie, est extrêmement faible.

Système nerveux centralLes effets du candidat médicament sur l’activité motrice, lecomportement global, la coordination motrice, les réponsessensitives et motrices réflexes doivent être évalués.

Système cardiovasculaireLes effets tensionnels et électrocardiographiques du candi-dat médicament doivent être évalués de facon appropriéeen incluant des méthodes in vivo, in vitro et/ou ex vivoparticulières pour étudier les troubles de conduction etde repolarisation. La complexité des études précliniquesconcernant les troubles de la repolarisation ventriculaire anécessité l’élaboration d’un texte supplémentaire traitantspécialement de ce problème (ICHS7B) [5].

Système respiratoireLa fréquence respiratoire et d’autres paramètres(par exemple, le volume courant ou la saturation del’hémoglobine en oxygène) doivent être mesurés.

En fonction des résultats ou du profil pharmacologique,des études complémentaires, définies au cas par cas, vontpermettre d’expliquer ou de caractériser les effets observésdans les études prérequises ; par exemple :

293

évaluation des fonctions cognitives, de l’apprentissage etde la mémorisation ;études de neurochimie ;mesures du débit cardiaque et de la contractilité ;détermination des résistances pulmonaires et des gaz dusang.

Des études supplémentaires peuvent être nécessairesour les fonctions qui n’ont pas été étudiées dans laore battery : fonction rénale, gastro-intestinale, endo-rine, immunitaire, effets sur le système nerveux autonome.a pharmacodépendance entre dans ce cadre.

harmacologie de sécurité réglementaire

es contraintes du texte ICHS7A et du développement phar-aceutique participent aux choix technologiques et à laise en œuvre des études.

ystème nerveux central

es études prérequises pour la phase I sont relativementtandardisées, alors que les études de pharmacodépendancet d’abus sont plus complexes et adaptées selon chaqueandidat médicament.

tudes prérequisestudes prérequises :le comportement global est généralement étudié chezle rat ou la souris en utilisant le test classique d’Irwinmodifié [7]. Ce test est une évaluation subjective des dif-férents aspects du comportement animal, qui doit êtreréalisé par des expérimentateurs chevronnés pour assu-rer une reproductibilité satisfaisante. Dans la plupartdes cas, une substance de référence est incluse dans leplan expérimental afin de quantifier la sensibilité du testet de qualifier la réalité de l’observation des effets ducandidat médicament testé. Les observations sont consi-gnées au moyen d’une grille standardisée (variable selonles laboratoires) contenant de nombreuses catégoriesde symptômes et d’observations associées (convulsions,sédation, excitation, sauts, démarche, incoordinationmotrice, altération du tonus musculaire, perte du réflexed’agrippement, piloérections, stéréotypies, etc.). Plusrécemment, le test Functional Observational Battery(FOB) donne une approche plus systématique en répar-tissant les observations par domaines fonctionnels :mouvements anormaux ou involontaires (tremblements,convulsions, stéréotypies), activité (posture, activitéspontanée, mobilité et redressement), système nerveuxautonome (fréquence respiratoire, salivation, ptose pal-pébrale, fèces), excitabilité (réponse à la préhension et àla manipulation, réactivité de l’animal), neuromusculaire(tonus, réflexe de redressement, posture) et sensorimo-teur (réponse visio-olfactive, réponse au touché, réflexesauditifs et nociceptifs) [8] ;

l’activité motrice, mesurée généralement grâce à desactimètres (cellules photoélectriques infrarouges, vidéoou télémétrie), est un test donnant des mesures objec-tives de déplacement horizontal (activité locomotrice) etvertical (redressement). Un animal est placé dans un nou-
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vel environnement et va d’abord l’explorer : il faut doncdissocier les activités exploratoires de l’activité motriceproprement dite et aussi distinguer les phases diurnes(de repos) des phases nocturnes (d’activité). Les résultatssont interprétables si le candidat médicament est dénuéde propriétés sédatives ou psychostimulantes induisantdes stéréotypies. Ce test doit être interprété au regarddes résultats du test d’Irwin/FOB et de la coordinationmotrice [9] ;la coordination motrice est communément étudiée aumoyen du test de la tige tournante (rotarod). L’animalplacé sur une tige tournant à vitesse constante ou crois-sante va naturellement essayer de rester sur cette tige[10]. Les mesures (temps de maintien et vitesse tolé-rée) peuvent être faites à intervalles réguliers aprèsadministration du candidat médicament. Ce test estunidirectionnel : seules les substances diminuant la per-formance sont détectées ; cette limitation n’est pas trèsgênante dans la mesure où le risque qui doit être évaluéest une diminution de la coordination motrice ;la température corporelle est mesurée en général aucours du test d’Irwin/FOB ou du test de la tige tournanteou bien par télémétrie au cours de l’étude de l’activitélocomotrice.

a pharmacodépendance et le risque d’abusl existe trois textes majeurs traitant de ce sujet : le texteaponais traitant de la pharmacodépendance donne lesirectives à suivre pour l’enregistrement des médicaments11]. Le texte des États-Unis est une directive traitant plu-ôt de l’évaluation du risque d’abus [12]. Le texte de l’EMEAst en vigueur depuis mars 2006 [6].

La dépendance se définit comme la propriété qu’a uneubstance à induire la nécessité d’augmenter les doses poure sentir bien ou éviter de se sentir mal. La dépendancesychique conduit au besoin irrépressible et compulsif dee procurer la substance, alors que la dépendance phy-ique représente l’altération de l’état physique consécutif

l’arrêt de la prise de la substance ou à une diminu-ion de ses effets au cours des prises réitérées (tolérance).’abus concerne l’usage de la substance en dehors de sonadre médical et des pratiques usuelles. Il est établi que laépendance favorise l’abus mais il est aussi établi qu’uneubstance n’induisant pas de dépendance peut avoir leotentiel d’être utilisée de facon abusive.

Toute substance ayant un mécanisme d’action inno-ant et/ou passant la barrière hémato-encéphalique doitaire l’objet d’une évaluation de son potentiel de phar-acodépendance. Le texte de l’EMEA précise que si la

ubstance a le même mécanisme d’action que des médi-aments connus pour être dépourvus de tout potentiel deharmacodépendance, une évaluation de ce risque n’est pasécessaire. En revanche, une évaluation limitée du risquest recommandée pour les substances appartenant à unelasse pharmacologique connue pour ses propriétés addic-ives.

Une stratégie en deux étapes est clairement indiquée :la première doit analyser l’ensemble des données phar-macologiques, pharmacocinétiques et biochimiques ducandidat médicament : analyse structurale de similari-tés avec des substances connues pour induire de la

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J.-M. Guillon

pharmacodépendance, profil de liaison aux récepteurs(notamment opioïdes, cannabinoïdes, dopaminergiques,sérotoninergiques, glutamatergiques et gaba-ergiques),données fonctionnelles au niveau des transporteurs et desenzymes impliqués dans le mode d’action des neurotrans-metteurs, données concernant le passage de la barrièrehémato-encéphalique, le métabolisme, les résultats obte-nus en pharmacologie spécifique (profil comportemental,microdialyse cérébrale, tests de nociception). Cette éva-luation intégrée du risque de dépendance commenceavant l’entrée en phase I et prend en compte la duréeprévue du traitement ;en fonction de cette analyse, la deuxième étape doitpermettre une évaluation comportementale spécifique dela dépendance. Ces études doivent évaluer le syndromede manque, la tolérance pharmacologique, la discrimi-nation de médicaments (ou de drogues), les propriétésde renforcement, d’aversion et d’auto-administration,cette dernière propriété étant proche des composantesde l’abus. Ces données doivent être disponibles pourla phase III afin de permettre la mise en place éven-tuelle d’études cliniques spécifiques et en tout étatde cause, pour la demande d’autorisation de mise surle marché. À ce titre, la Food and Drug Administra-tion (FDA) indique nettement qu’elle considère que sixclasses de médicaments sont à risque : analgésiques etanesthésiques de la famille des opioïdes, antidépres-seurs/anxiolytiques/hypnotiques, stimulants (cocaïne,amphétamines et autres), hallucinogènes, cannabinoïdeset dérivés de la nicotine [12]. En réalité, les risques sontréels avec les anorexigènes, les antitussifs, les antihis-taminiques, les décongestionnants, les produits utiliséscontre la narcolepsie et ceux prescrits pour les déficitsd’attention dus aux hyperactivités [11].

hoix méthodologiques et technologiques d’étudee la pharmacodépendancees approches expérimentales sont très variables en rai-on de l’impossibilité d’avoir une approche standardiséedaptée à toutes les classes pharmacologiques. Le candidatédicament est souvent comparé à une substance caracté-

istique de l’effet recherché : le choix de ce comparateurst crucial.

La pharmacodépendance s’étudie principalement en étu-iant l’état de manque après administration réitérée duandidat médicament et arrêt brutal de son administra-ion (manque non précipité). Il est possible d’étudier,ors de l’arrêt de l’administration, le versant physique duanque (évolution pondérale, température corporelle, diar-

hée, piloérection, claquement de dents, tremblements,téréotypies, activité locomotrice) et le versant psychiquen recherchant tout un corpus d’altérations du comporte-ent, tels que comportement alimentaire, exploratoire,

pprentissage et mémorisation, hédonisme, etc. Les élé-ents « émotionnels » d’anxiété et de réaction au stress sontarticulièrement importants [6,13]. La difficulté principale

éside dans les choix de durée d’administration, de gammee doses étudiées, de type de paramètres mesurés, de tempse mesure. Un autre aspect de la pharmacodépendance esta tolérance/sensibilisation comportementale qui doit étu-ier la disparition ou l’apparition progressive des effets du
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La pharmacologie de sécurité

candidat médicament (e.g. substances libérant de la dopa-mine induisent des augmentations d’activité locomotrice aucours des traitements répétés).

L’abus est d’un abord plus complexe car beaucoup declasses de médicament peuvent être concernées. Il existedes procédures indirectes d’évaluation faisant appel à descritères subjectifs : l’animal préfère être dans un environ-nement associé à la substance ou non (préférence de placeconditionnée) ou l’effet de la substance ressemble à celuid’une substance connue pour ses propriétés renforcatrices(discrimination de médicaments/drogues). La procéduredirecte d’évaluation de l’abus est l’auto-administrationdans laquelle l’animal « travaille » pour obtenir la substanced’intérêt.

Le principe de la préférence de place conditionnée estd’associer un traitement donné à un environnement donné,puis ensuite de laisser à l’animal le choix d’aller vers unenvironnement ou un autre à l’arrêt des traitements. Géné-ralement, une cage à trois compartiments est utilisée : deuxde tailles identiques mais de formes différentes reconnais-sables par l’animal séparées par un couloir central. À l’issuede la période de conditionnement durant lequel on asso-cie un traitement à un compartiment, l’animal (qui n’estplus traité) est placé dans le couloir central et choisitd’aller vers l’un ou l’autre des compartiments, selon quela substance aura des propriétés renforcatrices ou aversives[14].

La discrimination de médicaments/drogues fait appel auxprocédures de conditionnement opérant avec des cages par-ticulières, dites « boîtes de Skinner », en référence au grandcomportementaliste américain. L’hypothèse de base est lasuivante : si le signal interne produit par une substance estpercu par l’animal comme identique à celui d’une substanceconnue pour être utilisée de facon abusive, alors il y auraun risque d’abus. L’animal est entraîné à obtenir une récom-pense (type aliment sucré) en effectuant une tâche (appuyerun certain nombre de fois sur un levier ou mettre son museaudans un trou). Pendant cette phase d’entraînement, la sub-stance connue pour ses propriétés d’abus est associée à larécompense obtenue par pression du bon levier, alors quele placebo est associé à la récompense obtenue par l’autrelevier. À la fin de cette session d’entraînement, le candidatmédicament ou son comparateur est administré : le levierque l’animal choisit de presser correspond, soit à l’effetressenti avec la substance d’entraînement, soit à celui duplacebo. L’animal va donc faire la différence entre ce qu’ilressent avec le candidat médicament et le comparateur parrapport à la substance d’entraînement. Cette procédureexpérimentale permet d’attester (ou non) des similaritésd’effet entre des substances appartenant à des classes phar-macologiques identiques (ou non) [15].

Dans le cas de l’auto-administration, l’animal (souris, ratou singe) porteur d’un cathéter intraveineux s’administrelui-même la substance étudiée en pressant un levier quidéclenche un perfuseur relié au cathéter. Ce modèle mimel’effort que fait celui qui recherche activement la substancepour l’utiliser de facon abusive. Cette procédure peut êtreutilisée avec le candidat médicament (acquisition directe).

Il peut y avoir aussi une habituation de l’animal à s’auto-administrer une drogue (type cocaïne) qui sera ensuitesubstituée par le candidat médicament ou son comparateur[16]. L’abus est évalué par le nombre d’appuis sur le levier et

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ar la quantité totale ou le nombre d’injections que l’animal’administrera par session.

ystème cardiovasculaire

’incertitude laissée par le texte ICHS7A pour l’évaluatione la fonction cardiovasculaire et la reconnaissance pares autorités scientifiques et réglementaires des troublese la repolarisation cardiaque induits par la prise de cer-ains médicaments a permis, après de nombreux débats’experts, l’émergence d’un texte traitant spécifiquemente l’évaluation du risque du retard de la repolarisation car-iaque (ICHS7B).

Quelques années après la commercialisation de la terfé-adine (1982), premier médicament antihistaminique sansropriété sédative, des cas de morts subites et d’accidentsardiovasculaires ont été rapportés dans la littérature,urtout quand la terfénadine était administrée avec desnhibiteurs des cytochromes P450 responsables de son méta-olisme [17,18]. Puis, d’autres cas d’arythmies graves oue morts subites d’origine cardiovasculaire ont été misn évidence avec des médicaments appartenant à presqueoutes les classes thérapeutiques : psychotropes, antihis-aminiques, antibiotiques, antipaludiques, inhibiteur dueflux gastro-œsophagien et de nombreux autres médica-ents [19]. Beaucoup de ces médicaments furent retirésu marché ou virent leurs indications et leur délivrancerastiquement réduites. Leur point commun n’était ni lalasse pharmacologique ni leur structure chimique, ni leurétabolisme mais leurs capacités à modifier, dans cer-

aines conditions, l’ECG en augmentant l’intervalle QTindex clinique représentant la repolarisation). Cette aug-entation de l’intervalle QT est un facteur de risque

mportant de survenue d’un type de trouble du rythmeui peut être mortel : la torsade de pointe (TdP). LadP, décrite par Desertenne, est une tachycardie ventricu-

aire polymorphe susceptible de dégénérer en fibrillationentriculaire, qui, si elle est irréversible est fatale [20]Fig. 1).

L’ECG est la résultante de l’ensemble de l’activitélectrique des cellules cardiaques (Fig. 2). Les ondes deépolarisation, issues des cellules douées d’activité myo-énique spontanée, se propagent à tout le myocarde enngendrant des potentiels d’action. Ces potentiels d’actionont dus à des mouvements d’ions au travers de la mem-rane grâce à des canaux sélectifs de chaque espèce ioniquecalcium, potassium et sodium). Ainsi, chaque potentiel’action est le résultat de la mise en jeux coordonnéee ces canaux engendrant chacun des courants transmem-ranaires entrant ou sortant, dépolarisant ou polarisant.es protéines-canal sont les déterminants moléculairese l’ECG : toute modification de leur fonctionnement seépercute sur l’ECG. La convergence des études menéesar les généticiens sur ces canaux (syndrome du QT longongénital) et des données obtenues par les électrophy-iologistes et les cliniciens ont permis de montrer que les

otassique impliqué dans la repolarisation : le canal humanther-à-gogo-related gene (hERG). Ces connaissances sont à’origine de la recommandation émise dans le texte ICHS7B21].

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296

Figure 1. Illustration du risque cardiovasculaire : ECG d’unejeune femme de 25 ans admise en réanimation après une tentativede suicide par surconsommation de thioridazine (1000 mg). A : ECGenregistré huit heures après son admission (dérivation précordiale,rythme sinusal, intervalle QT augmenté). B : ECG enregistré peuaprès A : noté la pause (p), la première torsade de pointe (TdP1),précédant un deuxième épisode plus long (TdP2). C : TdP ininter-rompue finalement stoppée par choc électrique. Trois heures plustard, il faudra un second choc électrique pour réverser un nouvelépisode de TdP. D : ECG en rythme sinusal après le second choc élec-trique. L’ECG ne sera normalisé (intervalle QT) que trois jours plustard.Illustration of cardiovascular risk: ECG of a 25-year-old womanafter admission in intensive care unit after a suicidal intent bythioridazine overdose (1000 mg). A: ECG eight hours after admis-sion (QT interval increased, sinus rhythm). B: ECG recorded shortlyafter A (note a pause (p) followed by a first Torsade de Pointesepisode (TdP1) just before a second one (TdP2). C: uninterruptedTdP that was stopped by countershock. A second countershock wasagain necessary three hours later to stop another episode of TdP. D:sinus rhythm after the second countershock. QT will be normalisedthree days later.D’après Sandøe E, Sigurd B, Arrhythmia. A guide to clinical electro-cardiology, Bingen: Publishing Partners Verlags, 1991, 373 pp. FromSl

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e texte ICHS7B et le risque arythmogènee texte ICHS7B, complément du texte ICHS7A, abordexclusivement l’étude de la repolarisation ventriculaire et’évaluation du risque arythmogène. Le texte rappelle quea prolongation de l’intervalle QT peut être due à plu-ieurs mécanismes : diminution de l’inactivation du courantntrant sodique ou calcique, augmentation de l’activationu courant calcique et inhibition d’un ou plusieurs cou-ants potassiques sortants. La démarche préclinique peutnclure les différents niveaux d’études : étude des courantsoniques, études des potentiels d’action, électrocardiogra-

hie, études des effets proarythmiques (organes isolés ourganisme entier).

Le texte ICHS7B demande de mettre en place une straté-ie de tests comprenant au moins un test in vitro étudiant le

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J.-M. Guillon

rincipal acteur moléculaire de l’allongement de l’intervalleT (le canal hERG et son courant IKr), un test in vivo mesu-

ant l’intervalle QT, associé selon les cas à un test dit derepolarisation » dans le cadre d’études complémentaires

Fig. 2). L’évaluation intégrée du risque prend en compte’indication thérapeutique et sa durée, le rapport entre lesoncentrations plasmatiques actives et celles engendrantes effets électrophysiologiques.

hoix méthodologiques et technologiquesa stratégie cardiovasculaire est généralement étudiée àrois niveaux différents d’intégration, c’est-à-dire au niveauu canal ionique (par le patch-clamp sur préparations ani-ales, tissus humains ou systèmes d’expression hétérologuees canaux d’origine humaine), au niveau tissulaire ou de’organe (études d’électrophysiologie par microélectrode ouotentiel d’action monophasique ou électrogramme sur pré-arations isolées) et finalement au niveau de l’animal entier,énéralement non anesthésié (électrocardiographie) [22].es modèles proarythmiques n’en sont qu’à leur balbutie-ent.

anaux ioniques : le patch-clampette technique permet de mesurer l’activité électrique’un fragment de membrane, donc d’un nombre limité deanaux ioniques. Une micropipette est approchée de laembrane, scellée sur celle-ci par dépression. En augmen-

ant suffisamment la dépression, la membrane se romptconfiguration cellule entière). Le milieu conducteur de laipette en contact avec le milieu intracellulaire permet deesurer le courant total traversant la membrane. En uti-

isant un type de cellule exprimant de facon stable parransfection un seul type de canal (par exemple, le canalERG), la configuration cellule entière permet d’étudier’effet du candidat médicament sur les propriétés dyna-iques du canal en soumettant la cellule à des variationse potentiel.

ellule : potentiels d’action (fibre de Purkinje deapin ou de chien/muscle papillaire de cobaye)’empalement d’une microélectrode dans une cellule per-et d’enregistrer le potentiel d’action lorsque la cellule est

timulée électriquement. Le décours du potentiel d’action,aractérisé par son amplitude, sa durée, sa vitesse de dépo-arisation, permet d’avoir une vision intégrée de l’ensemblees courants impliqués.

rganisme entier : électrocardiographie et pressionrtériellee texte ICHS7A préconisant le recours à des animaux nonnesthésiés, le choix technologique s’est porté rapidementur la télémétrie. L’implantation d’un capteur de télémétrieermet de mesurer à distance et en continu la pression arté-ielle, l’électrocardiogramme et la température corporellehez tous les animaux de laboratoire, notamment le primatet le chien, l’espèce la plus communément utilisée.

ystème respiratoire

’étude de la fonction respiratoire se fait souvent par plé-hysmographie du corps entier afin d’aborder les effetsonctionnels des candidats médicaments sur la mécaniqueespiratoire. L’animal est placé dans la chambre d’un

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La pharmacologie de sécurité 297

Figure 2. A : l’électrogenèse cardiaque et les différents niveaux d’étude (ECG/potentiels d’action/canaux ioniques).Les ondes de l’ECG : P = dépolarisation auriculaire, QRS = dépolarisation ventriculaire, T = repolarisation ventriculaire. Noter que la fin del’onde T est contemporaine de la repolarisation de fibres de Purkinje et des myocytes ventriculaires. Potentiel d’action et courants ioniques :phase 0 (dépolarisation : courant entrant sodique INa/canal Nav1,5), phase 1 (repolarisation précoce : courant potassique transitoire sortantIto/canaux Kv4,3 et 1,4), phase 2 (plateau : courant entrant ICa-L/canal CavL), phase 3 (repolarisation : courants potassiques sortants IKs etIKr/canaux KvLQT1 et human éther-à-gogo-related gene [hERG]), phase 4 (potentiel de repos : courant sortant IK1/canal Kir2,1). B : Stratégiepréclinique préconisée par le texte ICHS7B.A: cardiac electrogenesis and the different levels of investigation (ECG/action potential/ion channels). ECG waveform; P = atrial depolari-zation, QRS = ventricular depolarization, T = ventricular repolarization. Note that the end of the T wave corresponds to full repolarizationof Purkinje fibers and ventricular myocytes. Action potential and ion currents: phase 0 (depolarization: inward sodium current INa/ChannelNav1.5), phase 1 (early repolarization: transient outward potassium current Ito/channel Kv4.3 and 1.4), phase 2 (plateau: inward calcium

ssiumt IK1/

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current Ica-L/channel CavL), phase 3 (repolarization: outward potarelated gene [hERG]), phase 4 (resting potential: outward currenguideline.

pléthysmographe muni de pneumotachographes. Les mou-vements respiratoires de l’animal dans la chambre créentdes variations de pression qui permettent de mesurer la fré-quence respiratoire et le volume courant. Le volume minute,les temps d’inspiration et d’expiration, ainsi que les débitsinspiratoires et expiratoires dérivés de ce signal permettentune analyse détaillée de la mécanique ventilatoire chez unanimal éveillé et non contraint. Il est possible de mesurer lacompliance pulmonaire et de distinguer les effets centrauxdes effets périphériques par d’autres méthodes [23].

Pharmacologie de sécurité exploratoirenon réglementaire

Outre son rôle réglementaire, la pharmacologie de sécuritéa désormais sa place dans la sélection et l’optimisation descandidats médicaments. En effet, il est très avantageux deconnaître le plus précocement possible un risque pour chan-ger la stratégie de conception et/ou d’optimisation. C’est la

e

fat

currents IKs and IKr/channels KvLQT1 and human éther-à-gogo-channel Kir2.1). B: preclinical strategy recommended by ICHS7B

aison pour laquelle la pharmacologie de sécurité intervientésormais plus tôt dans le processus de développement,our mettre en place un profil exploratoire d’effets secon-aires [24]. Ce profil doit être rapide sans être le facteurimitant la découverte et la sélection de nouveaux candi-ats médicaments. Seules quelques méthodes issues de laittérature sont présentées ci-après.

rofil cardiovasculaire

es méthodologies les plus communément utilisées pour leriblage à haut débit des candidats médicaments vis-à-vis duanal hERG sont : liaison au canal (principe du binding avecéplacement d’un ligand radiomarqué de son site de fixa-ion) ; fluorescence avec des colorants sensibles au voltage ;

t enfin, le patch-clamp automatisé.

Bien que le test de binding ne fasse pas appel à un canalonctionnel, les résultats obtenus sont assez concordantsvec ceux du patch-clamp classique. Les systèmes automa-isés de patch-clamp, grand défi technologique, utilisent de

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2

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acon parallèle de 12 à 384 puits contenant des cellules culti-ées en suspension dont la membrane sera perméabilisée ouon. Le rendement plus élevé que dans le patch classiqueeste cependant encore faible [25].

rofil système nerveux central

part l’actimétrie et l’électroencéphalographie, il y a peue systèmes automatisables, sauf in vitro (électrophysiolo-ie des tranches d’hippocampe dans le cadre de l’étude duotentiel convulsivant).

n nouveau modèle : le poisson zèbre (Danioerio L)

a larve du poisson zèbre, transparente pendant leseux premières semaines de son développement, permet’étudier directement les fonctions de nombreux organesvec une visualisation des cellules vivantes nécessitantrès peu de préparation. Ce poisson possède une surpre-ante homologie génétique avec l’homme. La larve, sensibleu toucher deux jours après fertilisation, est capable deéponses d’évitement. Au cinquième jour, elle répond auxtimuli acoustiques. Il est possible de mesurer l’activité car-iaque, la motilité gastrique, la locomotion, les réflexesisuels par des méthodes vidéo [26]. Des résultats trèsncourageants ont été obtenus avec des molécules deéférence, notamment pour la détection des substances pro-ongeant l’intervalle QT, les mesures d’activité locomotrice,e réflexe sensorimoteurs et les convulsions [27]. Le modèlest en cours d’évaluation dans le cadre de la pharmaco-épendance. La voie d’assimilation de la substance testéeal définie (digestive ou transcutanée) est une limitation du

ystème.

iscussion

e rôle principal de la pharmacologie de sécurité est’anticiper la survenue d’effets secondaires susceptibles’impacter le développement de candidats médicamentst ainsi, de protéger les patients et les participants auxtudes cliniques. Ces études permettent d’établir le rap-ort risque/bénéfice, d’affiner le choix des doses uniquesui seront testées en phase I, de préciser les paramètres sup-lémentaires à surveiller au cours des essais chez l’homme,e donner les moyens pharmacologiques de contrôler lesventuels effets secondaires, c’est-à-dire d’expliquer leécanisme d’action en cause. Ces études complètent le

orpus d’études réglementaires, notamment celles de toxi-ologie préclinique. La pharmacologie de sécurité intervientussi plus tardivement avec les études de pharmacodépen-ance et d’abus qui aident à mettre en place (ou non)es études particulières chez le patient dès la phase III.outes ces études réglementaires font parties des dossiers’investigations cliniques et des autorisations de mise sur learché.

En plus du cadre réglementaire, la pharmacologie de

écurité joue aussi un rôle exploratoire important dès lesébuts de la recherche dans les choix des familles chimiquesorteuses ou non de certains toxicophores ou de pharma-ophores gênants. Les modélisations in vivo et in vitro, les

an(cd

J.-M. Guillon

tudes in silico sont en plein essor car elles sont susceptibles’apporter plus précocement des éléments indicateurs deisque potentiel [24,28].

La pharmacologie de sécurité a donc une mission multi-orme qui s’intègre dans plusieurs phases de l’élaboration’un médicament. De par sa position originale, la pharma-ologie de sécurité se nourrit en permanence des retours’informations des niveaux amont (recherche) et avaltoxicologie préclinique, études cliniques). Une analyseétrospective est donc faite à chaque étape de déve-oppement afin d’enrichir la stratégie préclinique de laéalité clinique. À l’inverse, les tests de pharmacologiee sécurité doivent pouvoir s’adapter de manière pros-ective à chaque nouveau candidat médicament porteur’innovation.

L’évaluation du risque est un processus complexe quioit s’analyser au cas par cas. Globalement, il faut tenirompte de l’affinité et de la puissance de l’effet du can-idat médicament au niveau de sa cible pharmacologique,es concentrations plasmatiques libres auxquelles appa-aissent les effets non souhaités chez l’animal par rapportux concentrations plasmatiques attendues chez l’homme,es interactions métaboliques, des concentrations tissu-aires (myocardique, cérébrales), de la fraction franchissanta barrière hémato-encéphalique et aussi de l’indicationhérapeutique et de la population cible. Ce dernier cri-ère est particulièrement important pour les psychotropesui peuvent être utilisés dans les tentatives de suicide parurdosage. De même, la marge de sécurité d’un antihis-aminique, appelé un jour peut-être à être délivré sansrdonnance, doit être la plus grande possible (exemple his-orique de la terfénadine qui a permis l’élaboration de laexofénadine, sans effet sur l’intervalle QT). L’évaluationu risque doit tenir compte non seulement de la populationénérale mais aussi des individus dont le fond génétiquest variable. À ce titre, les études de pharmacogéné-ique humaine sont de plus en plus importantes dans’évaluation du risque et il est nécessaire de transposeres connaissances cliniques dans le domaine préclinique.ar exemple, certains patients porteurs d’une mutation duanal hERG avec diminution de fonction ont une réservee repolarisation diminuée malgré un ECG apparemmentormal. Toute inhibition du canal hERG sera potentielle-ent très dangereuse. On peut alors envisager de fairees études précliniques sur ces canaux hERG, mutés deanière à évaluer le risque pour cette population donnée

21,29].L’apport de la modélisation pharmacociné-

ique/pharmacodynamique chez l’animal de laboratoirest précieux pour anticiper le processus de transpositione l’animal à l’homme et les éventuelles variations deselations dose—effet entre les patients appartenant à desopulations différentes [30]. Ces éléments de modélisationont décisifs, particulièrement pour les candidats médi-aments biothérapeutiques pour lesquels l’utilisation dea notion de No observable adverse effect level (NOAEL,ssue des études de toxicologie) pour déterminer les dosesdministrées chez l’homme est complétée par une nouvelleotion : le Minimum anticipated biological effect levelMABEL). Cette dernière est plus large que la précédente

ar elle fait appel à des notions de pharmacodynamie etonc à l’ensemble des données précliniques [31,32].
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La pharmacologie de sécurité

Conclusion

La pharmacologie de sécurité participe pleinement àl’évaluation de la sécurité du médicament, à la fois d’unpoint de vue stratégique pour l’industrie pharmaceutiquequi doit faire des choix précoces dès les phases de rechercheet d’un point de vue éthique et réglementaire pour lesvolontaires et les patients. La pharmacologie de sécuritéest devenue, à ce titre, un élément incontournable dansle développement préclinique des nouveaux médicaments.En utilisant des techniques et des principes similaires àceux de la pharmacologie traditionnelle, mais différentsdans leur contexte et leur orientation, la pharmacologiede sécurité évalue les effets potentiellement indésirablessur les organismes physiologiquement normaux : à ce titre,elle est devenue une discipline à part entière qui participeau maintien et au renouveau des approches classiques depharmacologie expérimentale et de mesure des fonctionsphysiologiques chez l’animal de laboratoire.

Son évolution dépend de la puissance prédictive deson approche dans l’évaluation du rapport risque/bénéfice.L’une de ses évolutions possibles se situera probablementdans le développement de modèles animaux intégrantun plus grand nombre de fonctions physiologiques mesu-rées simultanément, à la fois après administrations aiguësmais aussi chroniques, sur des animaux sains ou desmodèles pathologiques, mimant au plus près la situation cli-nique. En effet, beaucoup d’effets adverses n’apparaissentque lorsque plusieurs facteurs de risques sont associés.L’évaluation de la prédictivité des modèles précliniques estun facteur clé de l’avenir de la pharmacologie de sécurité.

Conflit d’intérêt

Aucun.

Remerciements

L’auteur remercie Dominique Caille, Michel Doubovetzky etMartine Magnon pour l’aide apportée au cours de la rédac-tion de ce document.

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