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1 INRA Centre de Nancy Biogéochimie des Ecosystèmes Forestiers 54280 Champenoux tel 03 83 39 40 68 fax 03 83 39 40 67 Plantations de Douglas et durabilité des sols forestiers et de la qualité de l’environnement Jacques RANGER, Dominique GELHAYE, Pascal BONNAUD Réalisé par l’INRA dans le cadre de la Charte forestière du Morvan Novembre 2009

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INRA Centre de NancyBiogéochimie des Ecosystèmes Forestiers54280 Champenouxtel 03 83 39 40 68 fax 03 83 39 40 67

Plantations de Douglas et durabilité des sols forestiers et de la qualité del’environnement

Jacques RANGER, Dominique GELHAYE, Pascal BONNAUD

Réalisé par l’INRA dans le cadre de la Charte forestière du MorvanNovembre 2009

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Résumé

Le Douglas (Pseudotsuga menziesii Franco) est une essence performante qui produit du bois dequalité dans des stations pas nécessairement très riches. L’objectif de ce document est de rappeler leséléments concernant l’autécologie de cette essence et en particulier ses exigences pour l’eau et leséléments nutritifs. Les résultats de la recherche en écologie forestière sont synthétisés et traduits enrecommandations pour une gestion durable des sols forestiers pour toutes leurs fonctions.

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1- Introduction

Le Douglas couvre environ 400 000 ha en France et c’est une essence très appréciée pour diversesraisons : production forte, bois de qualité, effets supposés assez limités sur l’environnement.

La question des relations entre cette essence, son traitement et l’environnement se pose, car la« réputation » du Douglas comme étant le plus feuillu des résineux, n’est pas clairement étayée pardes données concrètes. En effet, c’est une essence à développement rapide et forte croissance, quipeut être traitée en révolutions moyennes (50 ans). La mécanisation de la sylviculture, la montée enpuissance des énergies renouvelables sont autant de sollicitations aux écosystèmes qui s’ajoutent auxcontraintes propres à chaque essence et qu’il est indispensable d’évaluer.

Le Douglas a été introduit relativement récemment en France, sur des sols marginaux en particulieren moyenne montagne, parfois sur des déprises agricoles. Il faut évaluer si la production despremières générations reflète bien le potentiel à long terme des stations. Ces plantations peuventutiliser de manière minière une fertilité chimique non renouvelable. C’est le cas pour les reliquats defertilité agricole, mais également à un moindre degré pour toute première génération lors d’unesubstitution d’essence : cet aspect est toujours très difficile à évaluer. Le risque est qu’unediminution de la production au cours des générations successives soit faussement attribuée à d’autresfacteurs, environnementaux en particulier.

Ce document tente de faire le point sur les risques éventuels pour les sols et les écosystèmesdépendants, associés aux plantations de Douglas. Les conclusions s’appuient sur les données de lalittérature et sur les résultats de deux sites-ateliers de recherche suivis pendant 7 à 10 ans chacun,l’un situé dans les Monts du Beaujolais l’autre dans le Morvan. Le tableau 1 ci-dessous résume lescaractéristiques de ces sites.

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2- Quelques rappels sur la fertilité des sols forestiers

La fertilité d’un sol à trois composantes : physique, chimique et biologique. En fait, ces trois aspectssont en forte interaction. Par exemple, la pauvreté chimique du sol entraîne à la fois des problèmesde structure, donc de transfert de fluides et par là même de diversité et d’activité biologique, pouvantcontraindre certaines de ses fonctions importantes.

La fertilité physique a plusieurs composantes : i- la structure du sol liée à l’état d’agrégation desparticules entre elles. Plus la structure est exprimée et stable, plus la porosité est forte, plus vitel’excès d’eau est drainé et plus l’oxygénation du sol est correcte et l’activité biologique forte, ii- lamasse volumique du sol ou densité apparente et sa variation sur le profil de sol. Elle rend compte del’état de la porosité et indirectement de la résistance du sol et, iii- la résistance du sol qui déterminela capacité qu’auront les racines à pénétrer dans les horizons et dans les agrégats.

La physique du sol détermine directement la capacité en air et en eau du sol, et par conséquent,l’activité biologique et l’alimentation en eau et en air des plantes.

La fertilité chimique qui doit s’entendre de trois façons: i- la capacité à fournir les éléments sachantque les réserves minérales inaltérées des sols forestiers sont souvent limitées et toujours nonrenouvelables,et ,qu’en climat tempéré, les minéraux primaires très altérables ont disparu, lesminéraux restants, plus résistants, conduisent à des flux de nutriments (Ca, K, Mg) limités, ii- lacapacité à retenir les éléments car les cations nutritifs (Ca, Mg voire K) ne sont pas très compétitifspour se maintenir sur le sites actifs d’échange du sol en milieu acide et tendent à être exclus dusystème. L’acidification amplifie le phénomène ; les anions sont adsorbés de manière plus ou moinsspécifique. De plus, les supports de la fertilité actuelle, minéraux argileux, oxydes, matière organiquedu sol sont vulnérables par dissolution, par aluminisation, voire par minéralisation, pour les sitesd’origine organique, et iii- la capacité de l’écosystème à recycler les éléments. En fait, la fertilité dessols forestiers est plus complexe que les deux premières notions empruntées à l’agronomie desplantes annuelles ne le prévoient. C’est le processus de cycle biogéochimique qui caractérise ladisponibilité des éléments nutritifs pour les organismes du sol et pour la végétation. Les élémentsprélevés dans le sol ne sont fixés que pour une part limitée dans les tissus pérennes, étant très vitealloués vers les tissus en croissance (cycle biochimique). Ils sont restitués au sol par les litièresaériennes et souterraines (cycle biologique). Une masse d’éléments, significative par rapport auximmobilisations des plantes, est apportée par les dépôts atmosphériques qui ne sont jamais nuls,même en milieu non pollué. L’ouverture des cycles a également lieu par les pertes d’éléments auniveau des horizons profonds du sol avec le flux d’eau drainé alimentant les aquifères et les eaux desurface (cycle géochimique) (Ranger et Bonneau, 1984).

Le sol est une ressource non renouvelable pour ce qui concerne la fertilité chimique. Il se comportecomme une série de systèmes tampons au sens chimique du terme, plus ou moins actifs en fonctiondu pH, libérant les éléments en fonction de la stabilité des minéraux qui les contiennent, les plussolubles se libérant rapidement (cas des sols jeunes riches en minéraux altérables), les moins solublesse libérant très lentement (cas des sols pauvres dépourvus de minéraux facilement altérables). Dansun sol riche, la libération d’éléments par altération météorique et biologique des minéraux primairesconduit à un flux significatif d’éléments, donnant un poids important à la partie GEOCHIMIQUE ducycle. Dans un sol pauvre, le flux d’altération est faible et c’est la partie BIOLOGIQUE des cyclesqui domine, en particulier dans le processus de décomposition de la matière organique (figure 1).

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Figure 1 : Effets de la richesse du sol sur la hiérarchie des flux dans un écosystèmeforestier

Type I - écosystèmes pauvres: cycle BIOgéochimique

Type II - écosystèmes riches: cycle bioGEOchimique

Cycle biochimiqueTranslocations internes

Cycle géochimiquealtération

Cycle biologiqueLitières, récrétion,minéralisation,prélèvement,exportation

Type 1 : la fertilité du sol est précaire et dépend du recyclagepuissant de type biologique en particulier ; rôle majeur desMOS et de la réactivité du sol minéral (Sols pauvres,typiquement sols tropicaux)

Type II : le sol peut supporter des aléas de gestion car sa

capacité de restauration propre est importante (résilience)(sols riches en minéraux altérables)

…………..

Cycle géochimiqueApports atmosphériques

Cycle géochimiquedrainage

Réserves du solélevéeslimitées

La végétation est adaptée à cet état de fait et dans les sols de fertilité chimique moyenne à faible, lanutrition minérale des peuplements, et sa pérennité dépendent essentiellement d’un flux limitéd’éléments, recyclés rapidement. La végétation pérenne utilise par ailleurs toutes les ressources dumilieu : capture des polluants atmosphériques, translocations internes d’éléments dans la plante, forterestitution par les litières, prospection racinaire très forte des humus (mat racinaire dense) (Laclau etal., 2004), substitution d’éléments pour pallier le déficit d’un élément majeur (Na/K, Laclau et al., ),forte prospection du sol quand celui-ci le permet (sol peu résistant, bien drainé) (Charnet, 1999).

L’exemple du Douglas du Beaujolais (tableau 2) illustre ce propos. Les résultats correspondent auxvaleurs moyennes des flux intégrés pendant une révolution de 60 ans à partir des mesures réaliséessur une chrono-séquence de peuplements. On constate que la demande du peuplement pour élaborersa biomasse est forte, mais que les éléments peuvent avoir jusqu’à trois origines : le sol(prélèvement), l’atmosphère (capture des dépôts ; N en particulier) et la plante elle-même(translocations internes). Le système est très bien adapté pour satisfaire une demande forte à partir deréserves absolues limitées du sol. Le prélèvement ne peut se faire que si les éléments y sont présentsen quantité suffisante, au bon endroit et au bon moment (10 à 20 fois le prélèvement pour leséléments mobiles comme Ca , Mg ou nitrates et 50 fois pour les peu mobiles comme P voire NH4 etK dans certains sols argileux). Les litières restituent entre 65 et 85% du prélèvement (sauf pour K quiest très soluble et lessivé par les eaux de pluie sur l’arbre dans le processus de récrétion), de sorteque l’immobilisation définitive est faible (entre 12 et 18 % du prélèvement dans l’exemple présenté).La frugalité des peuplements forestiers cache une réalité complexe et il ne faudrait pas conclurequant aux besoins réels des peuplements à partir de la seule immobilisation…

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Tableau 2 : Flux biologiques moyens annuels pour une révolution de Douglas de 70 ans et réserves du sol :exemple du site de Vauxrenard (Beaujolais)

La dynamique de ces paramètres au cours du développement du peuplement montre que la demandetotale et le prélèvement au sol sont les plus forts pour les peuplements jeunes. La plante jeune estessentiellement constituée de tissus actifs, concentrés en éléments nutritifs, et de plus, le processusde transferts internes dans la plante, recyclant les éléments des tissus âgés vers les organes encroissance n’est pas très opérationnel. La stabilisation des paramètres a lieu dans le cas présent àpartir de 40 ans, indiquant que pour ce qui concerne la plante, le seuil critique est situé vers cet âge.Au delà, seule va compter l’accumulation annuelle d’éléments immobilisés, qui sera en faitrelativement proportionnelle à celle de la biomasse : carbone et éléments nutritifs se comportentpratiquement de la même façon (figure 2).

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

20 ans 40 ans 60 ans

Figure 2 : Dynamique de la demande, du prélèvements des transferts internes et de l’immobilisationd’azote minéral dans la chrono-séquence de Vauxrenard (Beaujolais)

Demande totale en éléments

prélèvement

transferts internesimmobilisation

N kg. ha-1

La fertilité biologique qui correspond en fait à une diversité forte qui permet au fur et à mesure desmodifications des conditions du milieu, que toutes les fonctions importantes soient satisfaites par desgroupes fonctionnels complémentaires (par exemple la minéralisation de la matière organique oùl’altération biologique des minéraux du sol, les symbioses ).

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3- Rappel sur l’autécologie du Douglas

Les synthèses faîtes aux USA dans l’aire naturelle du Douglas (Burns et Honkala, 1990), ou enEurope (France, Jacamon, 2001) et Belgique (Weissen et al., 1991) conduisent aux mêmesconclusions. Le Douglas est un calcifuge strict, qui supporte les sols acides voire très acides, àcondition qu’ils ne soient pas hydromorphes (Lévy et Lefèvre, 2001). C’est une essence mésophile,qui préfère les sols à texture équilibrée, sablo-limoneuse. Il est sensible au compactage. Il va de soique plus le sol est riche, sans être carbonaté, meilleur sera l’état général du Douglas, état sanitaire etproduction. C’est typiquement une essence des sols acides développés sur roche-mère cristalline, debasse et moyenne altitude.

4- L’alimentation en eau du Douglas

L’efficience d’utilisation de l’eau, qui présente deux aspects, d’une part la capacité à utiliser laressource et, d’autre part, la quantité de matière sèche produite par litre d’eau consommé, est un bonindicateur pour comparer les essences. Le Douglas est performant dans l’utilisation de la ressource etbien placé pour la relation consommation / production de biomasse (Aussenac, 1980)

C’est une essence mésophile, dont le comportement est intermédiaire entre les essences tolérantescomme le chêne pubescent et évitantes comme les pins noir et sylvestre. En période de sécheresse, lafermeture stomatique n’apparaît que pour des états de dessiccation élevés du sol (Black, 1979). LeDouglas peut utiliser une eau relativement fixée dans le sol, car présente dans la porosité capillaire :ceci n’est pas anodin quant à la nutrition minérale, car cette eau n’a pas la même compositionchimique que l’eau plus libre. Dans les sols tempérés possédant encore des minéraux altérables, l’eauliée a un temps de résidence plus élevé que l’eau libre et par la même une composition chimiquedifférente, plus favorable car les réactions chimiques y tendent vers l’équilibre (par exemple lerapport aluminium/calcium est plus faible) (Ranger et al., 2002).

Le Douglas présente une très bonne résistance aux sécheresses moyennes pour plusieurs raisons : i-son système racinaire prospecte efficacement le sol si celui-ci le permet sol profond sans horizoninduré (Curt et al., 1998), ii- il a indice un foliaire élevé et donc une bonne efficacitéphotosynthétique, mais la densité des peuplements doit être adaptée, car c’est une essence de lumière(Bréda et al.,1999), iii- sa régulation stomatique est tardive (Black, 1979), et, iv- il dispose d’unehydromasse (masse d’eau contenue dans la biomasse de l’arbre) importante qui constitue un systèmetampon efficace (Nnyamah et al., 1978).

Il est par contre sensible aux sécheresses exceptionnelles, conséquence directe de la régulationstomatique tardive qui le caractérise. Ayant épuisé ses ressources pour résister aux sécheressesmoyennes, il est dépourvu face aux fortes sécheresses prolongées. Ses tissus conducteurs peuventsubir des altérations graves, voire irréversibles (Charnet, 1999).

L’alimentation en eau d’une essence dépend de facteurs qualitatifs et quantitatifs : un sol profondmême à faible rétention par unité de volume, peut constituer une réserve favorable, contrairement àun sol superficiel. Le tableau 3 emprunté au Guide ONF du Douglas (Angelier, 2007) et légèrementmodifié d’après les données de la littérature, résume le degré de satisfaction des situations de solspour les plantations de Douglas. Il anticipe un scénario de sécheresse accrue, excluant le Douglas dessituations limites, où le risque de dépérissement devrait augmenter à l’avenir.

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Pluviométrie

>1000mm.an-1+ >400 mm en été

700< P< 1000mm.an-1+ >250 mm en été

700< P< 1000mm.an-1+ < 250 mm en été

<700 mm.an-1+ < 250 mm en été

Profondeur du sol Profondeur du sol Profondeur du sol À proscrire

autre calcaire*autrecalcaire

> 40 cm < 40 cm

autre calcaireautrecalcaire

> 40 cm < 40 cm

autre calcaire

> 40 cm < 40 cm

Roche-mère Roche-mère Roche-mère Roche-mère Roche-mère

+++ + + (À proscrire)

À proscrire

- À proscrire-structure structure

autre autrefiltrante filtrante

À proscrire

À proscrire-++ +

Tableau 3 : Sol, pluviométrie et Douglas (d’après A Angelier, 2007)

* Présence de carbonate de Ca dans le sol

5- Les besoins du Douglas en éléments nutritifs

Trois niveaux de diagnostic existent, des diagnostics « classiques » qualitatif au niveau du sol ou dela plante elle-même quand elle existe dans une situation donnée, des diagnostics quantitatifs enraisonnant en masse d’éléments présents dans le sol pour satisfaire des besoins, égalementquantifiables.

Le diagnostic sol consiste à déterminer sur le profil complet, la présence d’éléments nocifs pour leDouglas (calcaire actif, traces d’hydromorphie actuelle), et estimer le niveau des éléments favorables(éléments nutritifs, N, P, K, Ca, Mg, K).

Les tableaux résument la situation qualitative (tableau 4) et quantitative (tableau 5).

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Elé m ent assim ilable et/ou é changeable

sol suffisa m mentpourvu

sol moy enne mentpourvu

sol pauvr e

1- hori zon humifèreP205 p1000K me q p 100 g

C a meq p 100 gMg meq p 100 g

>0, 30>0, 6>2

>0, 8

0, 015 à 0,300, 4 à 0,6

1 à 20, 6 à 0,8

<0, 15< 0,4< 1<0, 6

1- hori zon miné rauxP205 p1000K me q p 100 gCa me q p 100 gMg meq p 100 g

>0, 100, 2

>1> 0,25

0, 06 à 0,100, 2 à 0,120, 3 à 1,0

0, 15 à 0,25

< 0,06< 0,12< 0,3< 0,15

P ass imilabl e : mˇthode DUCHAUFOUR-BONNE AU, 1959ˇlˇment s ˇchange ables : m̌ thode Plevenˇlˇment s semi- tot aux : HCl boui l lant 25Ź% pendan t 1 heure.

Tableau 4 : Diagnostic de fertilité des sols (éléments majeurs) (d'après M. BONNEAU, 1995)

FEUILLUS

DiagnosticNorme de déficience Diagnostic

Norme de base Diagnostic

Norme de réserve Diagnostic

K2O 410 560 900CaO 620 900 2500

MgO 200 300 500P2O5* 420 600 1100

RESINEUX

DiagnosticNorme de déficience Diagnostic

Norme de base Diagnostic

Norme de réserve Diagnostic

K2O 290 400 650

CaO 420 600 1650MgO 150 220 400

P2O5 300 400 750

réserves très insuffisantes et carence à court

terme

réserves insuffisantes et

risque de carence à moyen

terme

réserves optimales par rapport aux besoins

pas de prolème

réserves très insuffisantes et carence à court

terme

réserves insuffisantes et

risque de carence à moyen

terme

réserves optimales par rapport aux besoins

pas de prolème

Tableau 5 : Diagnostic basé sur les réserves des sols

Le diagnostic plante :

- aspect qualitatif : le diagnostic foliaire

Cette technique ancienne consiste à comparer les résultats d’une analyse foliaire normalisée(Bonneau, 1995) réalisée sur un peuplement donné à une base de donnée la plus large possible,donnant pour une essence les différents seuils de son alimentation minérale :carence, critique etoptimum. Bonneau (1995) a donné les fourchettes pour les différentes essences. Le Douglas estplutôt frugal, avec des seuils voisins de ceux de l’épicéa, montrant même un optimum inférieur pourle phosphore, élément très limitant dans les sols acides (tableau 6).

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carence

niveau

critique optimum carence

niveau

critique optimum carence

niveau

critique optimum carence

niveau

critique optimum carence

niveau

critique optimum

Pin laricio 0,8-1,0 1-1,2 1,2-1,5 0,08-0,1 0,12-0,15 0,2-0,3 0,3-0,4 0,5 0,1-0,12

Epicea 1-1,3 1,3-1,5 1,5-1,9 0,1-0,15 0,15 0,18-0,21 0,3-0,4 0,4-0,5 0,6-0,8 0,05-0,1 0,2-0,5 0,06 0,10-0,14

Douglas 1-1,3 1,3-1,5 1,5-1,9 0,1-0,15 0,15 0,15-0,18 0,3-0,4 0,4-0,5 0,6-0,8 0,05-0,1 0,2-0,5 0,06 0,10-0,14

Hêtre 2-2,3 0,22-0,30 1,5-1,7 0,5-0,8 0,1 0,2

Chênes

MgN P K Ca

Tableau 6 : Diagnostic foliaire pour quelques essences dont le Douglas

- Efficience des essences dans l’utilisation des éléments nutritifs pour produire leurbiomasse : Une manière de comparer les essences en absolu est de calculer une efficience globaleexprimée en matière sèche produite par kg d’élément consommé dans la biomasse ligneuse. Lesconifères sont plus efficients que les feuillus, et, le Douglas est plus performant que l’épicéa (tableau7). Il est évident qu’il faut ensuite pondérer à la production pour exprimer la demande au sol.

Douglas Epicéa Chênes Hêtre

N 0,6 - 0,9 0,45 - 0,75 0,31 - 0,45 0,46 - 0,72

P 8 - 13 4 - 13 4,82 - 8,99 5,33 - 7,32K 0,9 - 3 0,8 - 1,5 0,66 - 0,87 0,68 - 0,70Ca 0,8 - 2 0,6 - 0,9 0,39 - 0,51 0,75 - 0,50

Mg 7 - 14 4 - 7 2,81 - 6,95 3,95 - 3,59

Tableau 7 : Efficience de quelques essences dont le Douglas pour produire la biomasse (données exprimées ent de biomasse ligneuse aérienne produite par kg d’élément consommé)

- Aspect quantitatif : le contenu minéral (minéralomasse) des peuplements de Douglas

Les peuplements contiennent des éléments nutritifs qui reviennent au sol, totalement en forêtnaturelle, y compris les troncs, et jamais pour les compartiments exploités des forêts cultivées. Larichesse des compartiments varie pour toutes les essences dans le même sens : aiguilles > branches =écorces > bois de tronc, mais la biomasse suit une loi quasiment inverse pour les peuplementsmatures. La synthèse des mesures effectuées sur les peuplements de Douglas, soit seulement unedizaine au total en France, permet cependant d’estimer avec une précision suffisante, les exportationsen fonction des récoltes pour l’objectif de quantification des restitutions à apporter au sol. La figure 3présente à titre d’exemple la relation entre le contenu en azote et la biomasse aérienne ligneuse totaledu Douglas. La prise en compte de la seule variable « peuplement », sans référence à sa situationédaphique, conduit déjà à une relation satisfaisante pour une large gamme de production (100 à 400 tde Ms.ha-1) résultant de plantations d’âge variant entre 20 et 60 ans.

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R2 = 0,75

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500

N kg.ha-1

Biomasse ligneuse t.ha-1

Figure 3 : Relation générale pour le Douglas entre la biomasse aérienne ligneuse et le contenu en azote dupeuplement. Exemple d’abaque indispensable pour quantifier les restitutions à apporter dans les sols dont les

réserves sont jugées insuffisantes.

Les données disponibles permettent de simuler tous les scénarii pour les éléments majeurs (N, P, K,Ca, Mg). Un modèle très sophistiqué permet de simuler automatiquement les exportations enfonction des compartiments exploités (modèle Simcop développé par JM Ottorini Inra Nancy, 1995)

6- Le Douglas et le sol

61-Effets directs

- Effet humus : l’humus est un bon révélateur d’une part de l’activité minéralisatrice du sol etd’autre part du pouvoir dégradant des matières organiques solubles. C’est donc par conséquent, unbon indicateur de la capacité de recyclage des éléments issus des résidus organiques, clef du bonfonctionnement de l’écosystème (Jabiol et al., 1995). Plus les couches holo-organiques de l’humussont épaisses, plus l’activité biologique y est faible, plus la décomposition est lente plus les élémentssont récyclés lentement, limitant leur mise à disposition pour la plante (tous les éléments nutritifssont concernés),. De plus, la dégradation du sol risque de se produire car les acides organiqueslibérés par la décomposition sont agressifs et ne sont pas biodégradés par une microflore peu active.Les résultats des tests comparatifs d’essences montrent que le Douglas génère un humus àdécomposition plutôt rapide, souvent aussi bonne que pour les feuillus. Les résultats de Breuilsituent effectivement le Douglas parmi le groupe des humus doux à décomposition rapide, dans legroupe des plantations de feuillus, chêne et hêtre.

- Biodiversité : plus elle est forte, plus la probabilité de trouver des groupes d’organismesactifs pour une fonction, dans des situations trophiques différentes, est grande. Cettecomplémentarité entre groupes fonctionnels est déterminante pour la résilience du système, ici priseau sens de maintenir une fonction vitale quand les conditions ne sont pas optimales (sécheresse parexemple).

Les champignons et les bactéries ont été particulièrement étudiés sur le site de Breuil (Morvan) parcequ’ils représentent les groupes dont l’activité dans la symbiose et la décomposition des matièresorganiques voire minérales, est des plus importantes pour le fonctionnement du sol et del’écosystème.

Les relevés mycologiques pendant 7 années ont montré une diversité de 330 espèces au total. Si ontraite à part le Taillis-sous-futaie, qui présente 185 espèces, les plantations sont moins riches car lesniches écologiques y sont moins variées (monospécificité, bois morts, trouées par exemple). LeDouglas et le pin Laricio présentent la diversité fongique la plus limitée avec 70 espèces observées

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contre 115 pour le hêtre, 110 pour le sapin de Nordmann, 105 pour l’épicéa et 85 pour le chêne. Ladiversité génétique des populations différentie les feuillus des conifères (Buée et al., 2009).

Les essences structurent les populations microbiennes, fongiques et bactériennes. La biomassemicrobienne ne diffère pas significativement entre les essences, qui contrôlent par contre fortementla structure génétique des populations : le Douglas est nettement plus proche des feuillus que del’épicéa pour ce critère (Lejon et al., 2007).

- Environnement ; qualité des eaux : la qualité des eaux de surface dépend de beaucoup defacteurs dont le climat, la végétation, le sol, et le transfert dans le sous-sol. Il apparaît que le Douglasstimule la nitrification y compris en sol très acide. Dans ce dernier cas, les nitrates produits ne sontpas totalement absorbés et leur excès génère de l’acidité que le sol doit neutraliser. Cette réactionproduit des composés mobiles dans le sol qui sont en majorité des nitrates d’aluminium car le sol estpauvre et son complexe absorbant est garni majoritairement par l’aluminium. Ce composé mobilemigre dans les eaux de drainage du sol et peut contaminer les eaux de surface s’il n’est pasimmobilisé dans le sous sol. Il s’agit donc d’un risque potentiel à prendre en compte dans la gestionsylvicole : le sol perd de l’azote, les eaux de surface risquent de s’enrichir en nitrates (eutrophisation)et en aluminium (dystrophie, acidification, toxicité potentielle car le seuil pour les salmonidés est de0,2mg.L-1). Les expériences du Beaujolais et du Morvan démontrent parfaitement ces processus. Deplus, dans le Morvan, l’apport d’amendements et de fertilisants en quantité limitée (800kg de Ca et100kg de P par ha) les premières années après la plantation, s’avère très bénéfique y compris à cetégard : les amendements et fertilisants stimulent les microorganismes du sol, faisant disparaîtrel’excès de nitrates et par là même la contrainte potentielle aux eaux de surface.

L’appauvrissement d’un sol et le déséquilibre de l’offre alimentaire pour les organismes, conduit à ladiminution de la production, mais est également facteur de risques pour l’environnement.

62- Effets indirects : rôle de la sylviculture.

- Intensité de la récolte : quelle que soit l’essence, les éléments nutritifs sont les plusconcentrés dans les petits compartiments de biomasse (Ranger et al., 1995). La conséquenceimmédiate est que la récolte des rémanents d’exploitation risque d’avoir des effets dramatiques dansles écosystèmes les plus pauvres comme le montre les expériences réalisées en milieu tropical(Deleporte et al. 2007). Cacot et al. (2007) définissent les règles à respecter pour une durabilité dessols dans le « guide d’utilisation des rémanents d’exploitation forestière ». Ces rémanents ne sont pasdes déchets, ils ont un rôle majeur dans la fertilité actuelle des sols car ils constituent le pool actifd’éléments circulant rapidement via le cycle biologique. Il faut donc s’assurer avant d’exploiter cesrémanents que l’écosystème peut tolérer de telles exportations : la durabilité de l’écosystème est enjeu.

Concernant le Douglas, pour un peuplement adulte, les feuilles contiennent 1,5% d’azote, lesbranches et écorces de tronc 0,5% et le bois de tronc 0,05%. Compte tenu de la distribution de labiomasse, <5% du total aérien pour les aiguilles, 12 % pour les branches, 12% pour les écorces et73% pour le bois de tronc, les aiguilles contiennent 27% de la minéralomasse d’azote de l’arbre,alors que le bois de tronc n’en contient que 41% (Ranger, 1995). La figure 4 montre les relationsentre biomasse des compartiments et quantité d’éléments retenus dans un peuplement adulte deDouglas de 60 ans dans le Beaujolais (cf caractéristiques dans le tableau 1).

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13

aiguilles

branches

bois de tronc

écorce de tronc

4 %

11 %

73 %

41 %

18 %

14 %

27 %

Biomasse Azote

12 %

Figure 4 : Relation entre l’intensité de récolte de la biomasse et l’exportation d’éléments nutritifs(exemple d’un peuplement de Douglas de 60 ans dans le Beaujolais)

Il ne faut pas oublier que l’andainage qui rassemble les rémanents dans les zones non plantéesconduit à peu près aux mêmes conclusions, si on considère la fertilité des seules zones plantées. Ilfaut y ajouter les risques de tassement du sol lors de la réalisation des andains et d’érosion quand ilssont positionnés dans le sens de la plus grande pente.

- Structure des peuplements, gestion des éclaircies : d’une manière générale, plus unpeuplement est dense, moins les niches écologiques sont diverses, moins la diversité et l’activitébiologiques sont fortes. Les éclaircies fortes représentent des perturbations certaines auxécosystèmes, perdurant quelques années. Les humus se minéralisent en raison de la modification del’énergie, de la lumière et de l’eau arrivant au sol. Les risques de pertes accrues par drainageaugmentent.

Au total, il faut réaliser au plus vite, plutôt vigoureusement et le plus régulièrement possible leséclaircies, de façon à avoir un couvert peu variable au cours du temps. Les couverts peu denses sontbeaucoup plus favorables que les couverts denses, pour toutes les fonctions du sol.

63- Les bilans de fertilité

C’est le diagnostic le plus complet, mais également le plus complexe à réaliser. Il s’agit de quantifiertous les flux d’éléments nutritifs entrants et sortants d’un système dont on a fixé les limites, pendantune période donnée. Compte tenu de la variabilité spatiale et temporelle des écosystèmes, c’est unexercice difficile qui ne peut être réalisé que sur quelques écosystèmes modèles. La méta-analyse desdonnées, isues d’un nombre suffisant de cas d’étude, permettra de mettre en évidence les grandsfacteurs de contrôle du fonctionnement des écosystèmes (Ranger et Turpault, 1999).

Un bilan pour un écosystème simple, s’écrit (Ranger et Bonneau, 1984) :

Evolution des réserves biodisponibles du sol = Entrées (apports atmosphériques + Altération desminéraux du sol) – Sorties (éléments exportés avec les récoltes + pertes par drainage).

Un tel bilan de fertilité a été réalisé pour le Douglas à partir d’une chrono-séquence de troispeuplements du massif des Aiguillettes dans le Beaujolais. Les bilans ont été calculés pour ledéveloppement courant des peuplements, puis intégrés pour la révolution complète, incluant la phasede récolte et re-plantation, en simulant des scénarii d’intensité de récolte et de longueur derévolutions.

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- Bilans courants calculés pour un stade de développement donné du peuplement (figure 5) :

Plus le peuplement est âgé et plus les bilans tendent à s’équilibrer. Les présents bilans varient enfonction des seules sorties, car les entrées (apports atmosphériques, flux d’altération) sont plus oumoins constantes au cours de la vie du peuplement. Ce sont donc l’immobilisation dans la biomasseet les pertes par drainage qui font les bilans. L’immobilisation d’éléments dans la biomasse varieparallèlement à sa production courante et en fonction des transferts internes dans la plante quiaugmentent avec l’âge du peuplement : elle diminue donc fortement avec le temps. Le drainage variehabituellement à l’inverse de l’immobilisation puisque le prélèvement épuise les éléments et larésiduelle en solution est faible : à Vauxrenard, ce n’est pas le cas, les pertes par drainage sontmaximum dans le jeune peuplement qui se développe sur un ancien sol agricole (cf explication plusloin).

Drainage

Bilan

Dépôts atmosphériques totaux

Biomasse

0,0

10,0

20,0

30,0

0 40 80

N

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

0 40 80

Ca

0,0

0,5

1,0

1,5

0 40 80

Mg

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

0 40 80

N

0,0

3,0

6,0

9,0

12,0

0 40 800,0

1,0

2,0

3,0

0 40 80

Mg

0,0

15,0

30,0

45,0

0 40 80

N

0,0

10,0

20,0

30,0

0 40 80

Ca

0,0

3,0

6,0

9,0

12,0

0 40 80

Mg

-45,0

-30,0

-15,0

0,0

15,0

0 40 80

N

-30,0

-20,0

-10,0

0,0

10,0

0 40 80

Ca

-10,0

-5,0

0,0

5,0

0 40 80

Mg

Age du peuplement

Figure 5 : Flux courants annuels et bilans courants annuels pour N, Ca et Mg, pour les peuplements de Douglasde 25, 45 et 65 ans (carrés pleins) et moyens pour la révolution simulée à 75 ans (ronds pleins) : exemple du

site de Vauxrenard (Beaujolais)

Pertes par drainage au moment de la coupe à blanc : il est encore difficile de prévoir les pertes pardrainage dans un écosystème donné. Les travaux américains des années 70 avaient été malinterprétés par les diffuseurs d’information, laissant croire que la coupe à blanc était nécessairementune période de forte perte d’éléments par drainage. La réalité est plus complexe : il y a perte quand laminéralisation de la matière organique et la nitrification sont fortes après l’élimination des arbres etquand la végétation spontanée est éliminée, autrement dit quand le sol reste à nu. Dans tous les autrescas, les pertes peuvent être limitées, mais cela dépend fortement de l’essence : cela a été le cas àVauxrenard, où aucune augmentation dramatique des pertes par drainage n’a été observée après lacoupe à blanc. L’origine de ce comportement réside dans le fait que la nitrification contrôlée par leDouglas à plutôt régressé après la coupe et que la végétation spontanée s’est développée

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notablement, prélevant les éléments potentiellement entraînables par les eaux de drainage. Ceséléments stockés temporairement dans une biomasse à turnover rapide constituent un volant trèsintéressant d’éléments. La gestion de la végétation spontanée, concurrente des plants, à uneimportance notable pour la durabilité du système.

- Bilans intégrés pour la révolution complète et scénarii sylvicoles (figure 6):

En absolu, quelle que soit la longueur de la révolution, le bilan est toujours déficitaire pour leséléments majeurs. Deux observations importantes sont à souligner :

- le déficit est d’autant plus fort que l’intensité de la récolte est forte : récolter la biomasse totale àun coût élevé pour le sol. Ceci se déduit très facilement des inventaires de minéralomasseréalisés, car le poste ‘exportation’ a un poids élevé dans le bilan. Comme les récoltes totales sonttoujours plus exportatrices que les récoltes partielles, le déficit du bilan ne peut que s’accroîtreavec cette pratique.

- le déficit est d’autant plus fort que la révolution est courte : les révolutions inférieures à 40 anssont à proscrire sauf si l’on rapporte sous forme d’engrais les éléments exportés…mais le fera t-on ? et si oui le fera t-on correctement ? car il faut apporter les bonnes doses au bon momentsous la bonne forme…

25 ans 45 ans 65 ans

25 ans 45 ans 65 ans

Figure 6 : Simulation des bilans minéraux pour différentes longueurs de révolutions et différentes intensités derécolte du Douglas : exemple du site de Vauxrenard (Beaujolais)

Dans ce sol acide aux antécédents agricoles, l’afforestation se traduit par plusieurs phénomènesparticuliers :

- les pertes par drainage sont élevées dans le jeune peuplement : l’introduction de Douglas modifiel’équilibre du sol, et en particulier celui de son compartiment organique. Le nouvel équilibre quis’instaure conduit à des pertes élevées par drainage.

- l’effet spécifique du Douglas : cette essence stimule la nitrification, déjà forte dans ces ancienssols agricoles malgré leur acidité. Les nitrates sont trop abondants pour être consommés par lesorganismes et ils sont lixiviés dans les eaux de drainage avec les cations disponibles Ca, Mg etsurtout Al.

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le reliquat de fertilité du système agricole : malgré une agriculture probablement assez extensive, lessols cultivés ont toujours été plus ou moins fortement enrichis par des apports de fertilisants dont lefumier. Il existe donc toujours dans les sols issus de déprise agricole, une part de fertilité minéraleconstituée par ces reliquats. Cette part non renouvelable, consommée par les peuplements, donne unpotentiel artificiel au sol qui va s’atténuer au cours des révolutions successives. La productivitéactuelle du sol est supérieure à son potentiel réel. Il est probable que la production du Douglas nesera pas affectée immédiatement par un baisse de fertilité, mais il le sera fatalement sur le longterme. De plus, le déficit en Ca est préoccupant car cet élément n’est pas abondant et les pertesmontrent un changement notable d’équilibre, malgré un cycle très conservatif. Le calcium a un rôlede catalyseur biologique plus important que son rôle d’élément nutritif. Sa déplétion a desrépercussions majeures sur l’écosystème (cf les observations de Breuil – Morvan) (figure 7).

T Breuil T Breuil Breuil Morvan 21 21 0 cm114 162

56 270

6 11

458230

75 108

34 50

34 51

3727

161

21

61

29

1620

1410

kg.ha-1.an-1

µmol.L-1

Caech kg.ha-1

Douglas témoin30 ans

Douglas amendé30 ans(fertilisé en P 100kg.ha-1deP et amendé en 1979et 1983 800kg.ha-1de Ca)

Site Ore F-ORE-T Breuil Morvan : m.e.p. M Bonneau et Coll. 1976

pluie

15

Calcium

Figure 7 : Illustration du caractère très conservatif du cycle du calcium en sol pauvre : Ca n’apparaît dans le peuplementamendé que dans la partie biologique du cycle biogéochimique (exemple du site de Breuil (Morvan)

0 cm

30 cm

60 cm

humus

Quelle est la généricité des résultats obtenus dans le Beaujolais?

Le problème de la généralisation des résultats est réel car elle est indispensable mais impossible àtraiter directement par la multiplication des sites d’étude. Il faut donc intégrer les résultats dans unréseau de suivi d’écosystèmes. Pour la France, ce sont les sites de recherche de l’Observatoire deRecherche en Environnement (ORE F-ORE-T coordonné par le Gip Ecocor) et le réseau Renécofor(géré par l’ONF). Quand on veut approfondir le problème posé par une essence, ici le Douglas, on neva trouver au mieux qu’un ou deux sites ! C’est exactement ce qui se passe. Le site Ore de Breuilapporte un complément d’informations en mettant en évidence d’une part le contrôle de lanitrification par le Douglas, et, d’autre part, le rôle de la fertilité minérale du sol sur la consommationou non des nitrates produits.

On peut donc dire que les bilans calculés à Vauxrenard ont bien un caractère général, mais que ledéficit initial est fortement amplifié par l’antécédent agricole, augmentant l’amplitude despertes pour la révolution. Il est probable que dès la seconde génération, les pertes par drainageseraient plus faibles sous le jeune peuplement. Le dispositif existe pour tester cette hypothèse, mais ilfaudrait trouver les moyens matériels pour assurer le suivi.

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17

7- Rôle des amendements et/ou fertilisation

Les amendements minéraux sont destinés à améliorer la fertilité du sol sur le moyen et le long terme,la fertilisation pour résoudre les problème actuelle de carence. Les amendements évitent enparticulier l’acidification en neutralisant les acides, quelle qu’en soit leur origine et il redynamisentles cycles en activant les micro-organismes du sol. Il ne s’agit plus d’appliquer à la forêt lesméthodes de l’agriculture intensive pour amener tous les sols à un niveau optimal de fertilitéchimique, mais de veiller à ce que les éléments exportés par les récoltes soient restitués, quand lesréserves du sol sont trop faibles, et, que leur niveau est jugé critique pour que l’écosystèmefonctionne normalement.

La forêt est certes frugale, beaucoup plus frugale que les cultures pérennes, mais le sol forestier nepeut remplir toutes ses fonctions, dont la production, que s’il n’est pas dégradé. Les deux principalescauses étant en milieu tempéré, l’acidification qui se traduit par l’élimination des ‘cations’ basiques(désaturation) et la baisse du pH du sol, et, la dégradation de la structure du sol liée à la mécanisation(tassement), dont les effets sont amplifiés par l’acidité du sol qui ralentit la restauration naturelle dela porosité du sol (Lamandé et al., 2005).

Les amendements associés à une fertilisation ‘homéopathique’ visant à rétablir les équilibres entreéléments, redynamisent le système et leur action est très durable, beaucoup plus que ce que l’onpensait encore récemment. L’expérience de Breuil (Morvan) où les éléments sont suivis enparticulier dans les solutions, beaucoup plus sensibles que le solide pour montrer le fonctionnementactuel du sol, montre que 25 ans après leur application, 50% des amendements apportés sont encoreactifs dans le système où ils améliorent la production et les fonctions environnementales del’écosystème. Dans cet écosystème très pauvre, les amendements (et la fertilisation limitée) ont unrôle majeur pour la durabilité et on peut penser que leur action peut perdurer pendant toute larévolution. L’intérêt concerne toutes les fonctions du sol :

i- la production : le gain de production a été estimé à de 46% pour la biomasse ligneuseaérienne du bois de tronc de Douglas, soit environ 150 m3 .ha-1 (Sicard et al., 2006). Ce gain justifieéconomiquement cette pratique. De plus les arbres mieux nourris ont une vigueur plus forte lors deséclaircies.

ii- la biodiversité ne semble pas ou peu affectée par les amendements ce qui ne veut pas direque l’activité ne soit pas plus forte.

iii- la qualité des eaux de surface : l’amélioration de l’équilibre de l’offre nutritive du sol, activela « boucle microbienne » et évite d’une part les pertes d’acides organiques agressifs vis-à-vis desminéraux du sol, et, d’autre part, celles de nitrates excédentaires (figure 8a) et des protons associés,ces derniers s’échangeant contre les éléments les plus abondants, l’aluminium en sol acide (figure8b). Cet élément est particulièrement toxique pour la faune aquatique.

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18

732 410

4663 4239

755590

276 298

172 175

75 45

4465

244

126

176

331

107353

55363

kg.ha-1.an-1

NO3 µmol.L-1

Norg kg.ha-1

Douglas témoin30 ans

Douglas amendé30 ans(fertilisé en P 100kg.ha-1deP et amendé en1979 et 1983 800kg.ha-1de Ca)

Site Ore F-ORE-T Breuil Morvan : m.e.p. M Bonneau et Coll. 1976

pluie

31

Ecosystème saturé en N Ecosystème non saturé en N

rôle des microbes ?

Figure 8a : Effets d’une fertilisation et d’un amendement apportés à la plantation sur le cycle de l’azote : les nitratesexcédentaires n’apparaissent que dans les solutions du sol du peuplement témoin appauvri en nutriments (exemple du sitede Breuil (Morvan)

0 cm

30 cm

60 cm

humus

Nitrates

Figure 8 b : Effets d’une fertilisation et d’un amendement apportés à la plantation sur le cycle de l’aluminium :l’amendement initial réduit les nitrates excédentaires dans les solutions du sol du peuplement enrichi en nutriments etl’aluminium toxique suit la même dynamique (exemple du site de Breuil (Morvan)

V Nitrates 4663 4663 671

6,4 8,2

2,82,7

29,5

53,2

21,9

83,3

37,983,6

32,487,8

kg.ha-1.an-1

µmol.L-1

Alech kg.ha-1

Douglas témoin30 ans

Douglas amendé30 ans(fertilisé en P 100kg.ha-1deP et amendé en1979 et 1983 800kg.ha-1de Ca)

Site Ore F-ORE-T Breuil Morvan : m.e.p. M Bonneau et Coll. 1976

pluie

1,7

Aluminium

0 cm

30 cm

60 cm

humus

670

1200

670

1200

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19

8- Le problème de la dégradation physique du sol

Le Douglas étant très sensible à la compaction et à l’hydromorphie, il convient avant tout d’éviter lesdégâts aux sols liés à la mécanisation : sclapage, orniérage, tassement, érosion mécanique. Le risquediminue si les interventions ont lieu sur des sols ressuyés, en utilisant les cloisonnements, et, enévitant de positionner les andains dans le sens de la pente. Le Douglas ne devrait pas être implantésur des sols sensibles, mais de fait, tout sol très humide soumis à une forte pression mécanique ledevient.

La restauration de la qualité des sols peut être nécessaire : la restauration naturelle est très lente, et letravail du sol ne présente pas que des avantages (émissions de CO2, érosion mécanique, pertesd’éléments par drainage….).

Il serait bon d’éviter l’encombrement des réseaux de drainage, quand ils existent. Le sols à tendancehydromorphe peuvent se dégrader très vite et le Douglas, qui ne devrait pas s’y trouver, va y dépérir.

9- Conclusion

Les aménagements peuvent avoir des conséquences importantes sur les différentes fonctions del’écosystème

1- Fonction de production : la substitution d’essence modifie le milieu, mais les traitementssylvicoles ont des effets souvent plus importants. La dégradation du sol se traduit à plus ou moinslong terme sur la production. Le Douglas peut entraîner une acidification du sol par les récoltesabusives et la sur-nitrification : il faut impérativement gérer l’équilibre nutritif du sol.

2- Fonction écologique : l’effet actuel des substitutions d’essence et des perturbations est important,sur la biodiversité, la structuration des populations, et leur activité en termes de fonctions clés tellesla biodégradation des MOS, la minéralisation de N, ou l’altération biologique. Le Douglas n’est pasune essence très dégradante à cet égard.

3- Fonctions environnementales : le Douglas a un effet potentiel sur la qualité des eaux de surfaceissues de sols acides (toxité Al). On note le rôle intéressant des fertilisations-amendements‘homéopathiques’. Sur les deux sites étudiés, le Douglas stimule fortement la nitrification, acidifie lesol et conduit au transfert d’Al toxique.

L’amendement peut rétablir durablement une situation satisfaisante pour toutes les fonctions du sol :c’est une pratique écologiquement relevante.

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Références bibliographiques citées dans le document

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