Poemes

  • Upload
    elga74

  • View
    100

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • .

    Guy GOFFETTE .

    Je me disais aussi : vivre est autre chose que cet oubli du temps qui passe et des ravages de l'amour, et de l'usure - ce que nous faisons

    du matin la nuit : fendre la mer,

    fendre le ciel, la terre, tour tour oiseau, poisson, taupe, enfin : jouant brasser l'air,

    l'eau, les fruits, la poussire ; agissant comme, brlant pour, allant vers, rcoltant

    quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les bls puisque tout retombe toujours, puisque tout

    recommence et rien n'est jamais pareil ce qui fut, ni pire ni meilleur,

    qui ne cesse de rpter : vivre est autre chose.

    In Posie d'aujourd'hui haute voix, Posie/Gallimard.

    Jean-Luc MARION - L'enfer...

    " L'enfer, c'est les autres " est un complet contresens : l'enfer c'est la fin des autres; les autres seuls mettent fin l'enfer. L'enfer, c'est l'enfermement, l'enfermement en moi.

    in Entretien, Le Point Hors-srie n 17, avril-mai 2008.

    Henry BAUCHAU Matines

    Que lhomme dans le temps utile

    Soit limpatience dexister

  • Et lme dans les eaux nubiles

    Ouverte limmobilit

    Peu de prcptes, la clart

    Peu de paroles de prire

    Et cette sobre brit

    Dans labondance de lumire.

    ******************************

    Henry BAUCHAU La rgle

    Avec mes pierres carres

    Je tenfermerai dans une uvre

    Car tu es coureur de chagrins

    Et la rgle est dapprendre rire

    Homme

    Avant de mourir.

    In La main et lesprit Autour de la vision potique dHenry Bauchau et dAlmert Palma, d. DArt, vnementiels, films.

    Blaise CENDRARS - Pques New-York

    .Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom,

    J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion

    Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles

    Qui pleurent dans un livre, doucement monotones.

    Un moine d'un vieux temps me parle de votre mort.

    Il traait votre histoire avec des lettres d'or

    Dans un missel, pos sur ses genoux,

    Il travaillait pieusement en s'inspirant de Vous.

    A l'abri de l'autel, assis dans sa robe blanche,

    Il travaillait lentement du lundi au dimanche.

    Les heures s'arrtaient au seuil de son retrait.

    Lui, s'oubliait, pench sur votre portrait.

  • A vpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,

    Le bon frre ne savait si c'tait son amour

    Ou si c'tait le Vtre, Seigneur, ou votre Pre

    Qui battait grands coups les portes du monastre.

    Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.

    Dans la chambre ct, un tre triste et muet

    Attend derrire la porte, attend que je l'appelle !

    C'est Vous, c'est Dieu, c'est moi, - c'est l'Eternel.

    Je ne Vous ai pas connu alors, - ni maintenant.

    Je n'ai jamais pri quand j'tais un petit enfant.

    Ce soir pourtant je pense Vous avec effroi.

    Mon me est une veuve en deuil au pied de votre Croix ;

    Mon me est une veuve en noir, - c'est votre Mre

    Sans larme et sans espoir, comme l'a peinte Carrire.

    Je connais tous les Christs qui pensent dans les muses ;

    Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir mes cts.

    Je descends grands pas vers le bas de la ville,

    Le dos vot, le cur rid, l'esprit fbrile.

    Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil

    Et vos mains tout autour palpitent d'tincelles.

    Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang

    Et les femmes, derrire, sont comme des fleurs de sang,

    D'tranges mauvaises fleurs fltries, des orchides,

    Calices renverss ouverts sous vos trois plaies.

    Votre sang recueilli, elles ne l'ont jamais bu.

    Elles ont du rouge aux lvres et des dentelles au cul.

    Les fleurs de la passion sont blanches comme des cierges,

    Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge.

  • C'est cette heure-ci, c'est vers la neuvime heure

    Que votre tte, Seigneur, tomba sur votre Cur.

    Je suis assis au bord de l'ocan

    Et je me remmore un cantique allemand,

    O il est dit, avec des mots trs doux, trs simples, trs purs,

    La beaut de votre Face dans la torture.

    Dans une glise, Sienne, dans un caveau,

    J'ai vu la mme Face, au mur, sous un rideau.

    Et dans un ermitage, Bourri-Wladislasz,

    Elle est bossue d'or dans une chsse.

    De troubles cabochons sont la place des yeux

    Et des paysans baisent genoux Vos yeux.

    Sur le mouchoir de Vronique Elle est empreinte

    Et c'est pourquoi Sainte Vronique est votre sainte.

    C'est la meilleure relique promene par les champs,

    Elle gurit tous les malades, tous les mchants.

    Elle fait encore mille et mille autres miracles,

    Mais je n'ai jamais assist ce spectacle.

    Peut-tre que la foi me manque, Seigneur, et la bont

    Pour voir ce rayonnement de votre Beaut.

    Pourtant, Seigneur, j'ai fait un prilleux voyage

    Pour contempler dans un bryl l'intaille de votre image.

    Faites, Seigneur, que mon visage appuy dans les mains

    Y laisse tomber le masque d'angoisse qui m'treint.

    Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyes sur ma bouche

    N'y lchent pas l'cume d'un dsespoir farouche.

    Je suis triste et malade. Peut-tre cause de Vous,

    Peut-tre cause d'un autre. Peut-tre cause de Vous.

  • Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous ftes le Sacrifice

    Est ici, parque, tasse, comme du btail, dans les hospices.

    D'immenses bateaux noirs viennent des horizons

    Et les dbarquent, ple-mle, sur les pontons.

    Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,

    Des Russes, des Bulgares, de Persans, des Mongols.

    Ce sont des btes de cirque qui sautent les mridiens.

    On leur jette un morceau de viande noire, comme des chiens.

    C'est leur bonheur eux que cette sale pitance.

    Seigneur, ayez piti des peuples en souffrance.

    Seigneur, dans le ghetto, grouille la tourbe des Juifs

    Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.

    Je le sais bien, ils ont fait ton Procs ;

    Mais je t'assure, ils ne sont pas tout fait mauvais.

    Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre,

    Vendent des vieux habits, des armes et des livres.

    Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs dfroques.

    Moi, j'ai ce soir marchand un microscope.

    Hlas! Seigneur, Vous ne serez plus l, aprs Pques !

    Seigneur, ayez piti des Juifs dans les baraques.

    Seigneur, les humbles femmes qui vous accompagnrent Golgotha

    Se cachent. Au fond des bouges, sur d'immondes sophas,

    Elles sont pollues de la misre des hommes.

    Des chiens leur ont rong les os, et dans le rhum

    Elles cachent leur vice endurci qui s'caille.

    Seigneur, quand une de ces femmes parle, je dfaille.

    Je voudrais tre Vous pour aimer les prostitues.

    Seigneur, ayez piti des prostitues.

  • Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,

    Des vagabonds, des va-nu-pieds, des receleurs.

    Je pense aux deux larrons qui taient avec vous la Potence,

    Je sais que vous daignez sourire leur malchance.

    Seigneur, l'un voudrait une corde avec un nud au bout,

    Mais a n'est pas gratis, la corde, a cote vingt sous.

    Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.

    Je lui ai donn de l'opium pour qu'il aille plus vite en paradis.

    Je pense aussi aux musiciens des rues,

    Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l'orgue de Barbarie,

    A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier ;

    Je sais que ce sont eux qui chantent durant l'ternit.

    Seigneur, faites-leur l'aumne, autre que de la lueur des becs de gaz,

    Seigneur, faites-leur l'aumne de gros sous ici-bas.

    Seigneur, quand vous mourtes, le rideau se fendit,

    Ce qu'on vit derrire, personne ne l'a dit.

    La rue est dans la nuit comme une dchirure

    Pleine d'or et de sang, de feu et d'pluchures.

    Ceux que vous avez chass du temple avec votre fouet,

    Flagellent les passants d'une poigne de mfaits.

    L'Etoile qui disparut alors du tabernacle,

    Brle sur les murs dans la lumire crue des spectacles.

    Seigneur, la Banque illumine est comme un coffre-fort,

    O s'est coagul le Sang de votre mort.

    Les rues se font dsertes et deviennent plus noires.

    Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.

    J'ai peur des grands pans d'ombre que les maisons projettent.

    j'ai peur. Quelqu'un me suit. Je n'ose tourner la tte.

  • Un pas clopin-clopant saute de plus en plus prs.

    J'ai peur. J'ai le vertige. Et je m'arrte exprs.

    Un effroyable drle m'a jet un regard

    Aigu, puis a pass, mauvais comme un poignard.

    Seigneur, rien n'a chang depuis que vous n'tes plus Roi.

    Le mal s'est fait une bquille de votre Croix.

    Je descends les mauvaises marches d'un caf

    Et me voici, assis, devant un verre de th.

    Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos

    Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.

    La boutique est petite, badigeonne de rouge

    Et de curieux chromos sont encadrs dans du bambou.

    Ho-Koussa a peint les cent aspects d'une montagne.

    Que serait votre Face peinte par un Chinois?

    Cette dernire ide, Seigneur, m'a d'abord fait sourire.

    Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.

    Mais le peintre pourtant, aurait peint votre tourment

    Avec plus de cruaut que nos peintres d'Occident.

    Des lames contournes auraient sci vos chairs,

    Des pinces et des peignes auraient stri vos nerfs,

    On vous aurait pass le col dans un carcan,

    On vous aurait arrach les ongles et les dents,

    D'immenses dragons noirs se seraient jets sur Vous,

    Et vous auraient souffl des flammes dans le cou,

    On vous aurait arrach la langue et les yeux,

    On vous aurait empal sur un pieu.

    Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l'infamie,

    Car il n'y a pas plus cruelle posture.

  • Ensuite, on vous aurait forjet aux pourceaux

    Qui vous auraient rong le ventre et les boyaux.

    Je suis seul prsent, les autres sont sortis,

    Je suis tendu sur un banc contre le mur.

    J'aurais voulu entrer, Seigneur, dans une glise ;

    Mais il n'y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.

    Je pense aux cloches tues : - o sont les cloches anciennes ?

    O sont les litanies et les douces antiennes ?

    O sont les longs offices et o les beaux cantiques ?

    O sont les liturgies et les musiques ?

    O sont les fiers prlats, Seigneur, o tes nonnains ?

    O l'aube blanche, l'amict des Saintes et des Saints ?

    La joie du Paradis se noie dans la poussire,

    Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrires.

    L'aube tarde venir, et dans le bouge troit

    Des ombres crucifies agonisent aux parois.

    C'est comme un Golgotha de nuit dans un miroir

    Que l'on voit trembloter en rouge sur du noir.

    La fume, sous la lampe, est comme un linge dteint

    Qui tourne, entortill, tout autour de vos reins.

    Par au-dessus, la lampe ple est suspendue,

    Comme votre Tte, triste et morte et exsangue.

    Des reflets insolites palpitent sur les vitres...

    J'ai peur, - et je suis triste, Seigneur, d'tre si triste.

    "Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

    - La lumire frissonner, humble dans le matin.

    "Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

    - Des blancheurs perdues palpiter comme des mains.

  • "Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

    - L'augure du printemps tressaillir dans mon sein.

    Seigneur, l'aube a gliss froide comme un suaire

    Et a mis tout nu les gratte-ciel dans les airs.

    Dj un bruit immense retentit sur la ville.

    Dj les trains bondissent, grondent et dfilent.

    Les mtropolitains roulent et tonnent sous terre.

    Les ponts sont secous par les chemins de fer.

    La cit tremble. Des cris, du feu et des fumes,

    Des sirnes vapeur rauques comme des hues.

    Une foule enfivre par les sueurs de l'or

    Se bouscule et s'engouffre dans de longs corridors.

    Trouble, dans le fouillis empanach de toits,

    Le soleil, c'est votre Face souille par les crachats.

    Seigneur, je rentre fatigu, seul et trs morne...

    Ma chambre est nue comme un tombeau...

    Seigneur, je suis tout seul et j'ai la fivre...

    Mon lit est froid comme un cercueil...

    Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents...

    Je suis trop seul. J'ai froid. Je vous appelle...

    Cent mille toupies tournoient devant me yeux...

    Non, cent mille femmes... Non, cent mille violoncelles...

    Je pense, Seigneur, mes heures malheureuses...

    Je pense, Seigneur, mes heures en alles...

    Je ne pense plus Vous. Je ne pense plus Vous.

    Les Pques New-York.

    Joyeux Norouz tous mes amis Iraniens !

  • * * *

    La cithare du bonheur

    C'tait un homme droit et sincre qui cherchait le chemin du bonheur, qui cherchait le chemin de la vrit. Il alla un jour trouver un vnrable matre soufi dont on lui avait assur qu'il pourrait les lui

    indiquer. Celui-ci l'accueillit aimablement devant sa tente et, aprs lui avoir servi le th la menthe, lui rvla l'itinraire tant attendu : C'est loin d'ici, certes, mais tu ne peux te tromper : au cur du village

    que je t'ai dcrit, tu trouveras trois choppes. L te sera rvl le secret du bonheur et de la vrit.

    La route fut longue. Le chercheur d'absolu passa maints cols et rivires. Jusqu' ce qu'il arrive en vue du village dont son cur lui dit trs fort : C'est l le lieu ! Oui, c'est l ! Hlas ! Dans chacune des trois boutiques il ne trouva comme marchandises que rouleaux de fils de fer dans l'une, morceaux de bois dans l'autre et pices parses de mtal dans le troisime. Las et dcourag, il sortit du village pour trouver quelque repos dans une clairire voisine.

    La nuit venait de tomber. La lune remplissait la clairire d'une douce lumire. Lorsque tout coup se fit entendre une mlodie sublime. De quel instrument provenait-elle donc ? Il se dressa tout net et avana en direction du musicien. Lorsque, stupfaction, il dcouvrit que l'instrument cleste tait une cithare faite de morceaux de bois, des pices de mtal et des fils d'acier qu'il venait de voir en vente dans les trois choppes du village.

    A cet instant, il connut l'veil. Et il comprit que le bonheur est fait de la synthse de tout ce qui nous est dj donn, mais que notre tche d'hommes intrieurs est d'assembler tous ces lments dans l'harmonie.

    Conte soufi.

    Michel MONNEREAU

    .

    Il faut des mains de laine pour apaiser le cur. Ah, poser son front

    contre la vitre de lattente comme on garde

    une parole pour qui lon aime et qui viendra peut-tre,

    si lamour tourne au beau. .

    La Saison des servitudes, Cheyne diteur.

  • Clarice LISPECTOR - Prends ma main...

    . Prends ma main... Je vais l'instant te conter

    Comment je suis entre dans l'ineffable Qui a toujours t ma qute insaisissable et secrte

    Comment je suis entre dans l'interstice unissant les numros un et deux Comment j'ai connu la frontire qui spare mystre et feu

    Combien souterraine est cette frontire

    Entre deux notes de musique vibre une autre note Entre deux maintenants de vie se glisse un autre maintenant de vie

    Et deux grains de sable mme insparablement lis Sont partags par un espace infime

    Entre deux sentiments se loge un autre sentiment Et dans toute matire se love un espace

    Qui est respiration du monde. Et cette incessante respiration du monde

    N'est autre que ce que nous entendons N'est autre que le silence.

    (Traduction libre)

  • . Le Dalai Lama

    . Ce qui me surprend le plus dans l'humanit ?

    Les hommes... parce qu'ils perdent la sant pour accumuler de l'argent, ensuite, ils perdent leur argent pour recouvrer la sant.

    Et ils se perdent dans d'anxieuses penses sur le futur au point de ne plus vivre ni le prsent ni le futur.

    Ils vivent comme s'ils n'allaient jamais mourir... et meurent comme s'ils n'avaient jamais vcu.

    * * * * * * * * * *

    Vous pouvez retrouver

    toutes les phrases de la semaine sur le site:

    www.hommesdeparole.org

    Fondation Hommes de Parole

    Genve - Suisse

    Bureaux France : 38, rue Liancourt - 75014 - Paris

    (33) (0) 143 35 40 96

  • .Arian LEKA - Le thme infini

    .ils construisent leurs barques en terre ferme les vieux matelots car il y a une mer pour vivre et un ciel pour mourir

    .10me dition du Festival de posie de Lodve, Voix de la Mditerrane, 2007.

    Illustration: Blog de Marine_Lefebvre - voix-nomades.com.

    Tags: posie

    Louis ARAGON - Tant que jaurai le pouvoir de frmir...

    Tant que jaurai le pouvoir de frmir

    Et sentirai le souffle de la vie

    Jusqu'en sa menace

    Tant que le mal m'astreindra de gmir

    Tant que j'aurai mon cur et ma folie

    Ma vieille carcasse

    Tant que j'aurai le froid et la sueur

    Tant que ma main l'essuiera sur mon front

    Comme du salptre

    Tant que mes yeux suivront une lueur

    Tant que mes pieds meurtris ne porteront

    Jusqu' la fentre

    Quand ma nuit serait un long cauchemar

    L'angoisse du jour sans rmission

  • Mme une seconde

    Avec la douleur pour seul tendard

    Sans rien esprer les dsertions

    Ni la fin du monde

    Quand je ne pourrais veiller ni dormir

    Ni battre les murs quand je ne pourrais

    Plus tre moi-mme

    Penser ni rver ni me souvenir

    Ni dpartager la peur du regret

    Les mots du blasphme

    Ni battre les murs ni rompre ma tte

    Ni briser mes bras ni crever les cieux

    Que cela finisse

    Que l'homme triomphe enfin de la bte

    Que l'me jamais survivre ses yeux

    Et le cri jaillisse

    Je resterai le sujet du bonheur

    Se consumer pour la flamme au brasier

    C'est l'apothose

    Je resterai fidle mon seigneur

    La rose nat du mal qu'a le rosier

    Mais elle est la rose

    Dchirez ma chair partagez mon corps

    Qu'y verrez-vous sinon le paradis

    Elsa ma lumire

    Vous l'y trouverez comme un chant d'aurore

    Comme un jeune monde encore au lundi

    Sa douceur premire

  • Fouillez fouillez bien le fond des blessures

    Dissquez les nerfs et craquez les os

    Comme des noix tendres

    Une seule chose une seule chose est sre

    Comme l'eau profonde au pied des roseaux

    Le feu sous la cendre

    Vous y trouverez le bonheur du jour

    Le parfum nouveau des premiers lilas

    La source et la rive

    Vous y trouverez Elsa mon amour

    Vous y trouverez son air et sont pas

    Elsa mon eau vive

    Vous retrouverez dans mon sang ses pleurs

    Vous retrouverez dans mon chant sa voix

    Ses yeux dans mes veines

    Et tout l'avenir de l'homme et des fleurs

    Toute la tendresse et toute la joie

    Et toutes les peines

    Tout ce qui confond d'un mme soupir

    Plaisir et douleur aux doigts des amants

    Comme dans leur bouche

    Et qui fait pareil au tourment le pire

    C'est chose en eux cet tonnement

    Quand l'autre vous touche

    grenez le fruit la grenade mre

    grenez ce cur la fin calm

    De toute ses plaintes

    Il n'en restera qu'un nom sur le mur

  • Et sous le portrait de la bien-aime

    Mes paroles peintes

    Le roman inachev, Posie / Gallimard.

    Tags: posie

    Martin BUBER Il est une chose quon ne peut trouver

    Quen un seul lieu au monde.

    Cest un grand trsor,

    on peut le nommer laccomplissement de lexistence.

    Et le lieu o se trouve ce trsor

    est le lieu o lon se trouve.

  • SABLE ET PIERRE

    Deux amis traversent le dsert.

    A un certain moment de la journe, ils se querellent et lun frappe lautre au visage.

    Celui qui a t frapp, sans mot dire, crit sur le sable :

    Aujourdhui, mon meilleur ami ma frapp au visage.

    Ils poursuivent leur route jusqu ce quils trouvent une oasis.

    Ils dcident dy prendre un bain.

    Celui qui avait t frapp au visage senlise dans des sables mouvants, mais son ami le sauve.

    Aprs avoir atteint la rive sain et sauf, il crit sur une pierre :

    Aujourdhui, mon meilleur ami ma sauv la vie.

    Celui qui avait frapp puis sauv son meilleur ami lui demande :

    - Aprs avoir t frapp, tu as crit sur le sable et maintenant tu cris sur une pierre.

    Pourquoi ?

    Son ami lui rpond :

    - Lorsque quelquun te blesse, tu devrais lcrire sur le sable afin que le vent efface cette blessure de ta mmoire.

    Mais lorsque quelquun fait quelque chose de bon pour toi, tu dois lcrire sur la pierre afin que jamais le vent ne l'efface.

    Apprends crire tes blessures sur le sable.

    Et graver tes gratitudes sur la pierre.

    Tags: humanisme, humanit

    .

    Pablo NERUDA Tu es ton prsent

  • Tu es ton prsent, ton fruit : prends-le sur ton arbre, lve-le sur ta main, il brille comme une toile, touche-le, mords dedans et marche en sifflotant sur le chemin.

    Cest merveilleux la vie.

    .Paul LUARD - Que ma parole...

    ..

    Que ma parole pse sur la nuit qui passe Et que souvre toujours la porte par laquelle Tu es entre dans ce pome Porte de ton sourire et porte de ton corps

    Par toi je vais de la lumire la lumire De la chaleur la chaleur Cest par toi que je parle et tu restes au centre De tout comme un soleil consentant au bonheur

    Posie ininterrompue, d. Gallimard.

    .

    Paul LUARD - Nous avons fait la nuit... Nous avons fait la nuit, je tiens ta main, je veille Je te soutiens de toutes mes forces Je grave sur un roc ltoile de tes forces Sillons profonds o la bont de ton corps germera Je me rpte ta voix cache, ta voix publique Je ris encore de lorgueilleuse

  • Que tu traites comme une mendiante Des fous que tu respectes, des simples o tu te baignes Et dans ma tte qui se met doucement daccord avec la tienne, avec la nuit Je mmerveille de linconnue que tu deviens Une inconnue semblable toi, semblable tout ce que jaime Qui est toujours nouveau

    Les yeux fertiles, d. Gallimard.

    .

    Foroukh FARROKHZD - Il ny a que la voix qui reste

    Pourquoi marrterais-je, pourquoi? Les oiseaux sont partis en qute dune direction bleue Lhorizon est vertical Lhorizon est vertical, le mouvement une fontaine Et dans les limites de la vision Les plantes tournoient lumineuses Dans les hauteurs la terre accde la rptition Et des puits dair Se transforment en tunnels de liaison. Le jour est une tendue, Qui ne peut tre contenue Dans limagination du vers qui ronge un journal Pourquoi marrterais-je? Le mystre traverse les vaisseaux de la vie Latmosphre matricielle de la lune, Sa qualit, tuera les cellules pourries Et dans lespace alchimique aprs le lever du soleil Seule la voix Sera absorbe par les particules du temps Pourquoi marrterais-je? Que peut tre le marcage, sinon le lieu de pondaison des insectes de pourriture Les penses de la morgue sont crites par les cadavres gonfls Lhomme faux dans la noirceur A dissimul sa virilit dfaillante

  • Et les cafards...ah Quand les cafards parlent! Pourquoi marrterais-je? Tout le labeur des lettres de plomb est inutile, Tout le labeur des lettres de plomb, Ne sauvera pas une pense mesquine Je suis de la ligne des arbres Respirer lair stagnant mennuie Un oiseau mort ma conseill de garder en mmoire le vol La finalit de toutes les forces est de sunir, de sunir, lorigine du soleil Et de se dverser dans lesprit de la lumire Il est naturel que les moulins vent pourrissent Pourquoi marrterais-je? Je tiens lpi vert du bl sous mon sein La voix, la voix, seulement la voix La voix du dsir de leau de couler La voix de lcoulement de la lumire sur la fminit de la terre La voix de la formation dun embryon de sens Et lexpression de la mmoire commune de lamour La voix, la voix, la voix, il ny a que la voix qui reste Au pays des lilliputiens, Les repres de la mesure dun voyage ne quittent pas lorbite du zro Pourquoi marrterais-je? Jobis aux quatre lments Rdiger les lois de mon cur, Nest pas laffaire du gouvernement des aveugles local Qu'ai-je faire avec le long hurlement de sauvagerie? De lorgane sexuel animal Qu'ai-je faire avec le frmissement des vers dans le vide de la viande? Cest la ligne du sang des fleurs qui ma engage vivre La race du sang des fleurs savez-vous?

    Traduction de Mohammad Torabi & Yves Ros.

    Jean-Pierre PAULHAC - Une voix...

    Une voix Comme un sourire Une voix Comme un soleil D'ocan indien

  • Une voix Comme un horizon bleut Vers lequel voguent mes mots Aspirs d'espoir

    J'entends Des rires de palmiers qui se tordent de musique Des pas de danse qu'invente une plage espigle Des chants qui montent sur des braseros ivres Des crustacs qui crpitent leur saveur pimente

    Ici C'est le silence gris des btons dprims C'est la glace qui saisit tous les masques C'est un jadis souriant embrum d'ombre C'est l'ennui qui ne sait que recommencer

    J'entends Des guitares rastas aux cris de parfum hl Des bras nus de dsir qui dgrafent la lune Des hanches insatiables que dessoudent la salsa Des nuits secrtes aux folles sueurs de soufre

    Ici C'est le mutisme morne des grimaces polies C'est la morgue soyeuse des cravates polices C'est la cadrature troite des cercles vicieux Qui soumet ses ordres la horde quadrille

    J'entends Mes souvenirs marins d'aurores ocanes Mes remords nomades de dunes vives Ma mmoire exile qui dborde en vain De tant d'hivers que la chaleur a bafous

    Ici Le temps se tait s'tire et se dsespre Le temps n'est plus une chimre bleue Le temps se meurt de mourir de rien Et chaque ride compte un bonheur perdu

    J'entends Un rve qui papillonne son corail os Un rve qui murmure un refrain sal Un rve qui soupire son souffle de sable Sur l'ternel instant d'un t sans fin

    Une voix Comme un sourire Une voix Comme un soleil D'ocan indien Une voix Comme un horizon bleut Vers lequel voguent mes mots Aspirs d'espoir

  • ...Jorge Luis BORGES - Voir... Voir que la veille est un autre sommeil Qui se croit veille, et savoir que la mort Que notre chair redoute est cette mort

    De chaque nuit, que nous nommons sommeil. Voir dans le jour, dans l'anne, un symbole De l'homme, avec ses jours et ses annes ;

    Et convertir l'outrage des annes En harmonie, en rumeur, en symbole.

    Faire de la mort sommeil, du crpuscule Un or plaintif, voil la posie

    Pauvre et sans fin. Tu reviens, posie, Comme chaque aube et chaque crpuscule.

    La nuit, parfois, j'aperois un visage Qui me regarde au fond de son miroir ;

    L'art a pour but d'imiter ce miroir Qui nous apprend notre propre visage. On dit qu'Ulysse, assouvi de prodiges, Pleura d'amour en voyant son Ithaque

    Verte et modeste ; et l'art est cette Ithaque De verte ternit, non de prodiges. Il est aussi le fleuve interminable

    Qui passe et reste, et reflte le mme Contradictoire Hraclite, le mme

    Mais autre, tel le fleuve interminable. ...

    Lautre, le mme.

  • Bonne et heureuse anne toutes et tous.

    Laissez-moi vous souhaiter, vous toutes et tous, amoureux de la posie, une trs bonne et trs heureuse anne nouvelle.

    Que 2008 vous rserve ses plus belles et ses meilleures chances.

    Par ailleurs, puissions-nous tous tre toujours insupportables de sant, de jeunesse et de joie de vivre.

    Puissions-nous tous tre, pour les personnes que nous rencontrons, "humus d'humanit".

    Puissions - nous, enfin, largir sans cesse nos esprits afin d' "envisager" l'autre comme notre semblable qui toujours a droit nos meilleurs gards.

    Et qu'importe alors si les annes passent...!

    ClairObscur.

  • ...

    Michel de GHELDERODE - Hodie Christus natus est !

    ...

    En ce jour, un Sauveur est n ! Voil ce quautrefois les chantres et les fidles proclamaient pleine voix par cette nuit et cette journe mystiques une sorte de nuit royale que suivait un

    jour de haute liesse, la nuit de Nol. Ctait le plus grand vnement de lanne, o toute la chrtient sunissait dans la ferveur, o les foules des cathdrales disaient dans les cantiques

    leur volont dtre sauves des tnbres et de la mort. Alors aussi, il y avait linvariable, la dure condition humaine : les guerres, les moissons dtruites, les pauvres qui pleuraient aux portes des mauvais riches, les loups chasss des bois par lhiver, lpidmie qui dpeuplait les villes,

    lusurier, le spculateur ; mais alors aussi, il y avait les grandes paroles, paroles danges descendues des nuages, paroles de prophtes tailles dans le granit, paroles du Dieu vivant qui

    maintenaient les hommes debout et les confirmaient dans leur destin dtres crs pour le labeur et la souffrance.

    Voil quoi je pensais en cette nuit, qui spandait obscure, angoissante et sans issue, par la terre entire ; une nuit sans apparitions, les anges tant trs hauts, ou cachs trs loin, pour

    pleurer sans doute sur la misre du monde ; une nuit o le ciel ne senflammait pas au passage de ltoile ; une nuit qui appartenait au Dmon et ceux qui le servent aux sclrats, aux

    gens de la noce, aux repus, aux crtins qui se coiffent dun bonnet de fou et vomissent sur des femmes publiques en lhonneur du Christ naissant du Christ dont la promesse reste pourtant

    la dernire certitude de lUnivers qui vacille... Et jai pens aussi quil tait providentiel peut-tre que tant de choses vinssent manquer pour mener notre fte traditionnelle, puisquainsi

    nous tions forcs lhumilit, la pauvret ; puisquainsi, il nous fallait fter la divine naissance dans nos curs, dshabitus des ftes spirituelles. Car cest bien dans notre cur

    que Jsus doit descendre, par cette nuit sainte.

    Autrefois, il net pas t ncessaire de tenir pareils propos. Il y avait parfaite accordance entre le ciel et la terre ; dans les villes et les campagnes dOccident, personne, du plus grand

    monarque jusquau plus indigne sujet, voire mme le prisonnier dans sa gele qui ne se sentait lme transporte, inonde dune ivresse surnaturelle. Ctait lheure culminante o lanne

    commenait. Lhiver pouvait souffler le froid, blanchir la plaine, on savait bien quil namoncellerait pas davantage de tnbres ; on savait que le soleil, arriv au fond de labme

    sidral, allait remonter, chaque jour un peu plus haut, et quainsi on allait vers lenchantement de la terre, vers la sorcellerie du printemps. Mais pour linstant, on se souvenait de sa dignit de chrtien. En ce temps-l, Bethlem ntait pas loin, ou alors, sil fallait admettre que ce le

    ft, on imaginait que ce ne devait pas tre bien diffrent du village de chez nous, enseveli sous la neige, avec son glise gothique, ses arbres morts et sa rivire gele o patine la marmaille.

  • Mais oui : En ce temps-l, lenfant Jsus naissait dans la contre et la grce tait avec nous. Les bergers qui bichonnaient leur brebis dhommage parlaient le terrible patois des trs-pauvres,

    ce qui ntait pas pour faire honneur la Sainte Famille. Et les rois mages, on les savait dj en chemin, de proche en proche. Leur chanson allait clater dune minute lautre devant la

    porte. Comme ils taient censs venir de tout l-bas, ils mritaient bien dtre rconforts, nest-ce pas ? Pourtant, que faire en attendant le Minuit plein de mystre, sinon chanter aussi,

    et laisser parler les anciens, qui racontaient ce quils pouvaient se rappeler de la fuite en Egypte, du massacre des Innocents et des jeunes annes de ce Jsus, n de la plus belle des

    vierges. Le conteur devenait de plus en plus grand au regard des enfants qui lcoutaient, car les yeux des petits sagrandissaient dmerveillement ou de peur. Il ntait question que de prodiges, comme de cloches depuis des sicles et des sicles englouties dans ltang, et qui

    sonnaient cette nuit-ci, avec la permission de Dieu. Ecoutez... Les cloches parlent sous leau profonde... Oui, oui, mes enfants, je le tiens de mon aeul, qui lui-mme le tenait du sien ! Et tout cela tait vritable, infiniment plus authentique, plus rconfortant, plus juste que tout ce quaffirment les docteurs, vous savez bien, ces docteurs de la loi, avec leurs lvres minces, qui

    sont les mmes toutes les poques, et que Jsus devait confondre un jour le tout jeune Jsus qui savait tout parce quil comprenait tout et qui comprenait tout parce quil aimait tout. Et puis, ajoutaient les vieux conteurs, la science a-t-elle jamais apport le bonheur lhomme ?

    Autour de ltre o flambaient des bches dont les cendres allaient avoir des proprits curatives car rien qui net pris un tour magique par cette nuit de Nol se trouvaient runies les gnrations extrmes, les trs vieux et les trs jeunes la Famille que la vie

    dispersait pendant les quatre saisons mais qui, magntiquement, une fois, se reformait comme pour reprendre la chaleur de ltre, la lumire du foyer originel do elle avait lentement

    rayonn vers le dehors.

    La famille ! Cela, il faut le redire, ctait la vraie fte, cette runion rituelle, lappel ancestral autour du feu le feu dont on clbrait la fte aussi, sans trop le savoir, en multipliant les

    chandelles. On voyait clair cette nuit-l. Les frres retrouvaient les frres ; les grands-pres comptaient le nombre de leurs petits-enfants ; le pass et lavenir se nouaient ; lanneau de

    chair, la ronde autour de lanctre se formait, et lon savait que le cercle irait grandissant toujours. Lanctre pouvait rappeler avec humour que si Jsus avait commenc sa carrire sur la paille, lui, lancien, aux premiers jours, il navait pour tout bien que la paille garnissant ses

    sabots ; pourtant, ses descendants ne possdaient-ils pas la terre ? Cette paille, on la retrouvait lglise, minuit ; elle jonchait le sol, la fois pour tenir chaud, la fois en symbole, en

    allusion ltable sainte. La paille sous les pieds, ctait le privilge des nobles, un signe fodal ; ctait aussi le tapis sur quoi les princes marchaient dans les villes ; on ne lignorait pas

    mais en une nuit de si grande solennit, o Celui qui levait et abaissait les empereurs et rois vagissait entre un ne et un buf, les hommes taient gaux dans lorigine et la fin, le pch et la Rdemption. Voil ce quenseignait la liturgie ; voil quelle tait la leon de la paille. Dans lglise aussi, le feu et la lumire abondaient singulirement. Et sous la nef, les chants taient dallgresse, dont les mots disaient la paix promise aux hommes de bonne volont. On voyait arriver les bergers avec lagneau vivant ; ils traversaient lglise et allaient se poster prs de la

    Sainte Famille, entonnant leur chanson eux, avec des mimiques qui faisaient rire. Ah ! le merveilleux office o lon finissait par devenir hallucin, bloui par lautel tout incandescent et

    les cierges comme des abeilles de feu et les clairs dor des prtres ; on entrait en plein rve, enivr de musique ; on vacillait dans les brouillards dencens ; on se sentait couvert de tant de

    bndictions que les mauvais sorts nagissaient plus et quil ne pouvait plus rien arriver de funeste dici lanne prochaine ! Mais encore quil faisait bon sur la terre, au retour du paradis, aprs ce sjour en religion ! On retrouvait les chambres chaudes pleines dodeurs culinaires, et

    la table tait mise. Les femmes avaient accompli leur oeuvre entre-temps. Ctait du beau travail, ce qui bouillonnait, ronflait, cumait, ptaradait sur les flammes ! La nuit avanant, la

    famille devenait une troupe vorace ; la tribu mangeait la tribu qui semblait paissir, slargir, gagner encore en puissance. Cependant, depuis trs avant, veills par une vieille mre, les

    enfants dormaient. Ils le pouvaient, puisque la paix avait t clame par les anges du jub, les voix argentines des soprani ; ils le pouvaient, le mchant Hrode nosant plus revenir, avec ses

    dogues et ses soudards. Lanctre, lui, se retirait du banquet et, suivant une trs ancienne tradition, sans rien en dire personne, entrait subrepticement dans ltable, pour annoncer

  • aux btes quil appelait par leur nom aux bufs, au cheval, lne et toute cette douce animalit que le Christ tait n, et que la vie la vie ternelle, avec les saisons, le travail, les

    peines trop grandes et les joies trop petites la vie allait continuer, aprs cette halte...

    Choses et Gens de chez Nous, tome II, d. La Rose de Chne, 2001.

    * * *

    Bon Nol toutes et tous !

    * *

    .

    Eugen DREWERMANN, Sur l'homme riche.

    Il arrive un moment o la question n'est plus de continuer accumuler de nouvelles connaissances, de nouveaux discours, d'autres thories encore; tout coup il s'agit de trouver, avec sa passion, son dsir, son instinct, un point fixe d'o l'on puisse matriser les choses. La question n'est plus de l'origine des choses et de leur fonctionnement; la question urgente devient soudain celle du sens de ces donnes. (...)

    On fait alors l'exprience que ce point vers lequel tout converge, ce centre de la signification de toute chose accessible la connaissance, ce n'est pas par un effort d'nergie qu'on y accde, au contraire: toute attitude active d'acquisition de connaissances doit cder le pas une paisible attitude de contemplation, d'coute, de vision, de descente en soi.

    Cette seule chose essentielle, on ne peut pas la forcer, c'est une rencontre, quelque chose qu'on trouve sans le chercher.

    Le sens de toute chose, on ne peut l'inventer; la raison dernire des choses, on ne peut la fonder sur la raison: lorsque l'on rencontre cet essentiel, on a le sentiment d'une unit dernire, suprme, le sentiment (...) d'avoir trouv ses repres, son quilibre intrieur, o tout questionnement est dsormais inutile.

    L'unique chose qui soit essentielle est enfin trouve. Et partir de cette chose, il est enfin permis de vivre.

  • Tags: humanisme, philosophie

    Christian Erwin ANDERSEN - joie de ne savoir de l'aube que l'aube... .

    joie de ne savoir de laube

    que laube

    sentir par la phalne des narines le flux dair se rchauffer

    ne pas poser de question ignorer pourquoi et comment

    ce matin l est l hausser les paules

    quimporte que le soleil qui point

    soit rouge plutt que bleu et do il vient

    sentir se nouer sa gorge quand par la vertu de la mort

    la vie saccomplit sous nos yeux la grenouille a gob linsecte

    quelle priait linstant davant

    joie et pas dautre mot pour chapper lentrave

    du cri douloureux cette aube est la premire

    la nuit venir sera celle du chant quelle devait tre

    comme cette joie mienne prsent

    Source : [email protected]

  • Tags: humanisme, posie

    SAADI - En un soir, tout sen va

    En un soir, tout sen va : les fleurs nont plus dodeur, plus de vent embaum pour frler des ptales, plus rien ; et souffre un cur.

    En un soir, on est seul. Pleure un pleur le long d'un nez; il roule en un sourire, sr, puisquil ne faut jamais tre triste.

    En un soir, en un espoir, en un repos pour un chagrin. Jai pris ma feuille rose pour parler dun jour gris. Parler de lavenir avec espoir, sans en avoir ; parler des autres, et pour les yeux.

    En un soir et pour une ouverture. Ouvrir On ne voit rien ou bien trop tard, on ne sait pas, on ne sait plus. En une nuit pour un espoir, quon recueille entre ses bras et quon garde bien au chaud, entre ses bras.

    En un soir, entre ses bras, en une image qui me fuit, en un rve qui se dtruit, en fleurs fanes pour un printemps Pauvres immortelles, vous mourez sous la poussire.

    En un soir, en une pluie, en une larme Je taime bien sr, le sais-tu ? Je vois un rire sous ta paupire, et le vieux singe que je suis ravale son mot, en un sanglot Non, non, non : cest un rire.

    Je taime. Je lai dit et bien sr dit bien souvent. Comme un mot rpt, il a perdu son sens. Je le dis chaque fois, et je mens.

    Non, je naime pas, ce nest pas vrai cest un caprice.

    Je taime Je crois que je vais analyser, froidement, au scalpel. Je fourrage, je dcoupe dans le mot de mes sentiments. Je dtruis.

    Plus dimage et plus de mot. Je ne veux rien garder, puisque je mens.

    En un soir, je suis triste. Espoir dcompos et images effeuilles, je garde pour mon rve un rve irralisable. Alors, je construis.

    Je construis ? Non, non, je mens, encore et toujours, parce que je dtruirai ensuite, mieux que jamais. Les souvenirs quand vient le soir sont dun calme lancinant.

  • En un soir, en une nuit, en une larme, en un sanglot. Je ramne quelques mots, perdus dans ma mmoire et quelques images que je colle. Avec un grand lit blanc, dans une chambre blanche, avec des rideaux blancs, et un jour blanc, des peaux toutes blanches et de grandes plantes vertes. Un corps blanc.

    En un soupir. Le rve sabandonne, je labandonne. En quelques impressions idalises, une campagne laiteuse, dans un demi-jour baignant dans un brouillard, avec la pluie qui larme goutte goutte et les feuilles qui pleurent blanc en un son blanc.

    Nuit sans sommeil.

    En un ennui, en un soir, en un stylo, et des angoisses et des sanglots et des soupirs. Il faut crire et oublier, et laisser la main courir sur le papier, et me laisser crire que je taime, mme faux et mme idiot.

    Je taime. Oui, je taime pour la nuit blanche et pour le souvenir laiteux dun soir de coton. Je voudrais te le dire en souvenir et en rve. Car mon amour nexiste pas ; il se construit et se dtruit, fidle une mort latente et un espoir du.

    En un cri, je taime ! Jentends tes pas tout prs de moi et tes yeux noirs, je les entends me dire mille choses dans un recueillement effront.

    Jentends chaque pulsation de ton cur qui rsonne en immense cathdrale. Jentends et jenregistre, puisquen un cri la vie se meurt en raccourci.

    En un aveu : je taime ! Tu nen sauras rien, puisquil le faut bien et quil faut oublier quon sait et quon sest souvenu. Jattends ton mouvement et te tendrai les bras, en un grand signe de ma croix. Parce que je taime. O mas-tu vu et quas-tu su ?

    Pour mon dsir, je taime Cest sr. Pour un repos et un bonheur, pour long temps de malheur. Lamour est malheureux, car le partage ne se peut on ne le veut.

    Jcris a, noircissant du papier en mensonge de moi, hsitant par devers moi Pourquoi ?

    Pourquoi un soir comme tant dautres, en un souffle de regrets, jembrasse des amours mortes pour pouvoir encore y rver ?

    Pourquoi ma voix, pourquoi ma peine ? Je ne peux pas toublier.

    En un soir o je suis moi, les questions vont et senchanent, en dcouverte dun autre moi, de dcouvertes en dcouvertes. Parce que je taime et que jentends ton pas qui sonne et marche quil rsonne ! battant mes flancs, battant dans mon cerveau, en attente. Car il attend, car jattends.

    Le temps se bat avec des ges. Parce que je taime et quil ne le faut pas, parce que la glace me renvoie une image, une image qui ne me plat pas.

    Avec un rve o je suis beau. Mme ainsi je repousse mon espoir ; parce que je taime et quil ne le faut pas. Tu as vingt ans, jen ai soixante, jai trop vcu et suis le sphinx. Pour toi jai oubli.

    En un soir, bien sr

  • En un soir, jai effac lardoise dun coup dponge, jai Je mens encore et me le dois. Car tout mon souvenir, rien ne leffacera

    Je referme mon cur de plomb, et chaque battement dcrot sur le plafond. Triste, ce battement Le rve se suicide. Et son encre scoule en caractres humides sur le papier, noir ternellement.

    Ce nest quun souvenir en un soir, cependant.

    Dehors, il y a la nuit, qui frappe sur ma porte, la longue nuit, vtue de blanc dans son linceul. Sans mouette ni alouette et sans rveil ; car il pleure, dehors. Il pleure en un roulement triste et lent, mesur, timide.

    La nuit nest pas venue, ni son ivresse de gin. Elle sest assise sur un banc, dans la rue, la clart dun ple rverbre. Blanche comme une marie, mon amour blanche comme une morte, pleurant toute sa neige. La plaine se couvre dun manteau, car tout est blanc.

    La nuit nest pas venue, en ce soir. Et je suis seul, et je taime. Jai sch le papier avec un buvard blanc et jai perdu mon livre blanc. La nuit elle nest pas venue. Le ciel se meurt, car il fait froid et il fait peur. Parce que je taime et me souviens, et je dois toublier demain. Avec toi toute la nuit, te serrer dedans mes bras, te garder tout contre moi, taimer peut-tre malgr toi.

    Mais la nuit nest pas venue et je suis seul avec mes caresses, et la chaleur de mon amour, et le nid qui nattendait que toi ; et je suis seul avec tout un rve, et je suis seul avec tout un mal, puisque la nuit nest pas venue.

    Puisque la nuit nest pas venue, puisque les arbres nont pas verdi, puisque le ciel na pas blanchi, puisquun oiseau na pas chant, puisque je taime, je nai pas encore pu toublier. Et je tattends avec la nuit, la nuit des autres, et leur tl, et leur non et leur confort, et leur amour, et une lampe qui brille dans une chambre rouge. Et je tattends avec le petit matin, avec la rose, avec le soleil mais rien nest venu.

    Rien nest venu parce que je taime, et que mon cur est dans ton cur, puisque ta peine est dans ma peine, puisque ta joie s'est faite mienne. Je t'aime en souvenir - c'est une belle histoire : Viens !

    En un soir, cest fini. La nuit est arrive, le charme sest rompu, la peine sest casse. En un soir, et sans pluie et sans pleurs. Je ne tai pas aim, pas ador, toi le soir qui descend. Toi, lombre chre, je ne tai pas aime. Je nai pas entendu battre ton cur, je n'ai pas entendu ton me respirer.

    Sur tes lvres, un baiser Et jai got ton me. Saveur triste dinfini, de rose qui se fane. Comme ton sourire qui vient de se faner. Je ne tai pas aim, souvenir ador.

    Et tes lvres sont rouges. Et jai got ton cur, l'espace d'un miroir. Et le miroir m'a dit que je me trompe souvent. Que la vie, la beaut, lodeur, le got des choses, tout passe et tout soublie, fors le parfum des roses.

    Jai pris un magnolia fleurissant doucement, jai compos ses fleurs, jai tu mon tourment. Sur la table aujourdhui, un pot de roses rouges. Le parfum men revient, en ce soir, sur tes lvres. Car je taime, si tu veux ; car je mens, mon cur dans tes cheveux.

  • J'effleure tes cheveux, je t'embrasse, je t'aime. J'cris un chant damour do je bannis la haine. Jcris mes sentiments, barre la conclusion. Je taime, cest ainsi : cest mon absolution.

    Jcris un chant damour et tu es mon pome. Tu es mon chant de vie : je taime ! Ce soir, il a fait bon : jtais auprs de toi. Rien dautre nexistait ; seuls : toi et moi.

    Sur la table, des roses rouges. Et tes lvres, en rose rouge. Cest un cur o je me noie. Et tes doigts entre mes doigts. Cest ta main dedans la mienne. Cest ton me contre la mienne.

    En un soir il fait beau. Tu es une clart. Et ton corps a rosi. Et ton corps est troubl.

    Jai offert des roses blanches. Jai gard un peu de sang partag, ten souvient-il ? Et ce soir dans laube blanche, dans un souvenir troublant, je serre sur mon cur des roses rouges.

    De mes doigts coule du sang.

    Tags: posie, pome, littrature_persane

    .Illustration : perso.orange.fr/.../acoeurecrit.htm

    ClairObscur - Prire pour ne pas mourir

    .A la manire de Louis CALAFERTE

    .Voudrais, moi, Qu'on me sagesse Qu'on me dlicatesse Qu'on me tendresse Qu'on me noblesse Qu'on me liesse Qu'on me gentillesse Qu'on m'allgresse Qu'on m'enchante Qu'on me clmence Qu'on me certitude Qu'on m'altruisme Qu'on me concorde Quon me girouette

  • Voire quon me magnanime

    Voudrais, moi, qu'on me philanthrope Qu'on me misricorde Qu'on me nonchalance Qu'on m'insolence Qu'on me courtoise Qu'on m'en-joie Qu'on m'optimise Qu'on m'innocente, Qu'on m'indulgente Qu'on me complaisance Quon me fervente Quon me gourgandine Quon me tartarinne Quon me tarasconne Quon minvulnrable Quon me conviviale Qu'on me gentille Qu'on me fantaisie Quon me fantasque Quon me lunatique Qu'on me chatouille Qu'on me fripouille Qu'on m'audace Qu'on m'esprance Quon marc-en-cielle Qu'on m'enthousiasme Qu'on m'enivre Qu'on me comique Qu'on m'picure Qu'on m'extase Qu'on m'envote Qu'on me gte Quon me fanfaronne Quon me trublionne

    Voire quon mimportune

    Voudrais, moi, Quon me gnreuse Qu'on me fraternise Qu'on me fascinationne Quon me camlonne Qu'on m'ensorcelle Qu'on me chahute Qu'on me chambarde Qu'on me tapage Qu'on me tumulte Qu'on me vacarme Qu'on me bahute Qu'on m'encanaille Qu'on me bouffonne Qu'on me blague

  • Qu'on m'aventure Qu'on m'anticonformisme

    Voire quon me dgrise

    Voudrais, moi, Quon me rature Qu'on me potise Qu'on me versifie Qu'on me grammaire Qu'on me littrature Qu'on me livre Quon me smantme Qu'on m'encyclopdise Qu'on me dramaturge Qu'on me littraire Quon mitinraire Quon me romance Quon me romanesque Quon me fleur bleue Quon me lyrique Quon me bel augure

    Voire quon meuphorise

    Voudrais, moi, Quon mocane Qu'on me lames de fond Qu'on me navire Qu'on m'nigmatique Qu'on m'illusionne Quon me rose pourpre Quon me souveraine Quon me Carnet mondanise Quon me bruxelloise Quon mathne Quon me perse Quon me france Quon me canadienne Quon me banquise Quon me pandore Quon me polynsie Quon me poussire d'toiles Quon me romane Quon me gothique Qu'on m'Aurore... au crpuscule

    Voire quon me terre terre

    Voudrais, moi, Quon me recette Quon me proportionne Quon me cuisine pour tous Quon me fromage Qu'on me poivre Qu'on me farce

  • Qu'on me moulinette Quon me desserte Quon me culinaire Quon mmulsionne Qu'on me casserole Quon me marinade Quon me poissonne Quon me mollusque Quon me crustace Quon me batrace Quon meau douce Quon me moutonne Quon me volaille Quon me canarde Quon me dinde Quon me dindonne Quon me pigeonne Quon me pintade Quon me salade Quom me pte choux Quon me sucre Quon me crme Quon me poudingue Quon me friture Quon me glace Quon me feuillette Quon me tartelette Qu'on me loukoum Quon me rissole Quon me braise Qu'on me rtisse Qu'on m'accommode Qu'on m'agrmente Qu'on me rserve Quon mentremette Quon me djeune, Quon me dne Quon me serve

    Voire quon me ClairObscure

    Mais veux surtout pas qu'on m'enterre !

  • Pablo NERUDA - Il semble qu'un navire...

    .Il semble qu'un navire autre que tous les autres devra, l'heure venue, se montrer sur la mer. Il n'est pas en acier. Ses pavillons ne sont pas orangs : nul ne sait d'o il vient ni quelle heure on le verra : mais tout est prt et il n'est de plus beau salon dress pour ce fugace vnement. L'cume est dploye comme un luxueux tapis tout d'toiles tiss, et plus loin c'est le bleu, le vert, le mouvement ultra-marin, l'attente gnrale. Et les rochers ouverts, lavs, nets, ternels, ont t disposs sur la table comme un cordon de chteaux, un cordon de tours. Tout est prt, on a invit le silence, et les hommes eux-mmes, toujours distraits, esprent bien ne point perdre cette prsence : ils se sont habills comme pour un dimanche, ils ont fait briller leurs souliers, ils ont pass le peigne en leurs cheveux. Ils ont vieilli, ils ont vieilli, et le bateau n'arrive toujours pas.

    . In La rose dtache et autres pomes, Posie / Gallimard.

    .Almeida GARRETT

    .Voici quel est l'unique privilge des potes : jusqu' leur mort ils peuvent tre amoureux.

    .Voyages dans mon pays, d. Unesco.

  • .Don Miguel RUIZ - Les quatre accords toltques

    .Que votre parole soit impeccable. Parlez avec intgrit, ne dites que ce que vous pensez. N'utilisez pas la parole contre vous-mme, ni pour mdire sur autrui.

    Ne ragissez rien de faon personnelle. Ce que les autres disent et font n'est qu'une projection de leur propre ralit, de leur rve. Lorsque vous tes immunis contre cela, vous n'tes plus victime de souffrances inutiles.

    Ne faites aucune supposition. Ayez le courage de poser des questions et d'exprimer vos vrais dsirs. Communiquez clairement avec les autres pour viter tristesse, malentendus et drames. lui seul cet accord peut transformer votre vie.

    Faites toujours de votre mieux. Votre "mieux" change d'instant en instant, quelles que soient les circonstances, faites simplement de votre mieux et vous viterez de vous juger, de vous culpabiliser et d'avoir des regrets.

    Ces accords sont dcrits dans l'ouvrage : Les quatre accords toltques, Don Miguel Ruiz, Jouvence Editions

    Tags: humanisme

  • . Illustration : http://anecdot.ouvaton.org/blog/index.php?2006/12

    .Colette FELLOUS - Plein t (citation)

    .

    J'ai un secret. Je sais qu'il est rest cach dans l't, mais o, quand, comment, pourquoi, lequel ? Le ciel est absolument blanc dans ma tte et je crois que je dois repeindre ma vie la chaux, comme aprs l'hiver, pour mieux voir les couleurs. Regarder dans les coins, derrire les choses, entre les feuilles, avec cette unique rgle que je voudrais maintenant me donner : courir dans tous les ts de ma vie, jusqu' retrouver ce que j'ai cach. .

    Colette FELLOUS, Plein t, d. nrf/Gallimard. Cit dans le Magazine littraire N 467 - septembre 2007, p. 17.

    Tags: philosophie, humanisme, posie

    .Illustration : Stphane Kindler.

    ..Louis ARAGON - Les mains d'Elsa

    .Donne-moi tes mains pour l'inquitude Donne-moi tes mains dont j'ai tant rv Dont j'ai tant rv dans ma solitude Donne-moi tes mains que je sois sauv

    Lorsque je les prends mon pauvre pige De paume et de peur de hte et d'moi Lorsque je les prends comme une eau de neige Qui fond de partout dans mes mains moi

  • Sauras-tu jamais ce qui me traverse Ce qui me bouleverse et qui m'envahit Sauras-tu jamais ce qui me transperce Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

    Ce que dit ainsi le profond langage Ce parler muet de sens animaux Sans bouche et sans yeux miroir sans image Ce frmir d'aimer qui n'a pas de mots

    Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent D'une proie entre eux un instant tenue Sauras-tu jamais ce que leur silence Un clair aura connu d'inconnu

    Donne-moi tes mains que mon cur s'y forme S'y taise le monde au moins un moment Donne-moi tes mains que mon me y dorme Que mon me y dorme ternellement.

    Le Fou d'Elsa, d. Gallimard.

    Florence SAILLEN - Hommage Louis Aragon sur son pome

    " Les mains d'Elsa "

    Donne-moi tes mains pour le partage Donne-moi tes mains qui me rendent rel Qu'elles effleurent doucement mon visage Qu'elles me rvlent un got de ciel Du bout des doigts tu traces le sillage De nos amours ternelles

    Lorsque je parlerai d'Elsa Je dsire vos curs remplis de respect Pour celle qui toujours restera Une me sur une partie de moi Elle qui effaa le mot jamais De mon credo et de ma foi

    Donne-moi tes mains que je t'emmne Sur les sentiers du bonheur sans fin Toi mon toile bohme Qui me fais oublier la soif et la faim Toi qui sais si bien toucher mon me Elsa mon doux amour ma flamme

    Bouleversement de nos certitudes Prends ma main et allons-nous-en Loin des envieux loin des curieux Dans un lieu o le temps Rendra notre parcours moins sinueux Nous dlivrant de nos servitudes

    Donne-moi tes mains pour notre salut Notre me ainsi mise nu Donne-moi tes mains que mon cur s'y dpose Ainsi que mes espoirs et mes proses Que cette offrande O mon Elsa Soit l'image de mon Amour pour toi

  • .Phrase de la semaine

    A loccasion du 60 anniversaire de la libration de lInde, voici deux extraits de "Gandhi" , le magnifique film de Richard Attenborough avec Ben Kingsley, voir ou revoir sans faute...

    Quand je dsespre, je me souviens que tout au long de l'histoire la voie de la vrit et de l'amour a toujours triomph. Il y a dans ce monde des tyrans et des assassins et pendant un temps ils peuvent sembler invincibles. Mais la fin ils tombent toujours. Pense cela : toujours ! Je veux simplement prouver aux hindous ici et aux musulmans l-bas que les seuls dmons de ce monde sont ceux qui grouillent dans notre propre coeur et que c'est l que doivent se livrer tous nos combats.

    "Aussi longtemps qu'existera la superstition selon laquelle les hommes doivent respecter des lois injustes, leur asservissement existera." Gandhi.

    P.S. Vous pouvez retrouver toutes les phrases de la semaine sur ce site: www.hommesdeparole.org

    Illustration: qualily.nl

    Tags: humanisme

  • .Kathleen RAINE - Antienne de la cration

    .Dans la fleur nat une graine, Dans la graine pousse un arbre, Dans l'arbre grandit une fort.

    Dans la fort brle un feu, Un feu dans lequel fond une pierre, Dans la pierre un anneau de fer.

    Dans l'anneau on voit un O Dans cet O regarde un oeil, Dans cet oeil flotte une mer,

    Dans la mer le reflet du ciel, Dans le ciel brille le soleil, Dans le soleil un oiseau d'or,

    Dans l'oiseau bat un cur, Et du cur s'coule un chant, Et du chant monte une parole.

    Dans la parole parle un monde, Parole de joie, monde de peine, Des joies et des peines jaillit mon amour.

    Amour, mon amour, jaillit un monde, Et sur le monde brille un soleil Et dans le soleil brille un feu,

    Dans le feu se consume mon cur Et dans mon cur bat un oiseau, Et dans l'oiseau s'veille un oeil,

    Dans lil la terre, la mer, le ciel, Terre et mer et ciel dans un O Telle la graine dans la fleur.

  • Le Royaume invisible, coll.Orphe, d. de La Diffrence. Tags: posie, philosophie

    .

    .

    Wolfgang Amadeus MOZART .

    .

    Je cherche les notes qui s'aiment .

    .

    Tags: posie

    .Jean DESMEUZES - Sur la route de Vzelay...

    Sur la route de Vzelay, Un vieux platane m'a parl ; Non point de saint Bernard, Car il naquit trop tard Pour voir les chevaliers Partant pour la croisade, Droits sur leurs palefrois tout roides...

  • C'est plutt des nouveaux Croiss Que le platane m'a parl, De mes frres de rsistance Qui marchent lentement et pensent l'ombre de la Madeleine Ou au soleil des utopies, Sans ressentiment et sans haine, Fantmes fidles et pies.

    Qui sont ces frres, direz-vous ? Ce sont des musiciens, Des potes, des fous, Des peintres, des picuriens, Des philosophes, des savants, Des gens comme Romain Rolland, Max Pol Fouchet, Rostropovitch, Un petit homme la barbiche, Serge Gainsbourg et Jules Roy, Fernand, Jean-Louis, de Fontenoy, Et Delagneau, et puis Clavel, Un Franciscain de Sermizelles, Un Jean Charleux Rtif d'Auxerre, Un Saint-Martin de Villemer, Un vigneron de Vincelottes Avec son bon ami Hosotte Et Marc Meneau ses fourneaux...

    Sur la route de Vzelay, Un vieux platane m'a parl De ces prires essentielles Qui naissent l, sur la colline Et qui confient l'ternel La vaine petite musique, La valse folle et pathtique, Le pauvre accord de mandoline Des hommes en qute du Ciel.

    IRANCIENNES, d. Arcam, 2000. Tags: pome, spiritualit

  • .

    Marceline DESBORDES-VALMORE - Les Roses de Saadi .

    J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes Que les noeuds trop serrs n'ont pu les contenir.

    Les noeuds ont clat. Les roses envoles Dans le vent, la mer s'en sont toutes alles,

    Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ; La vague en a paru rouge et comme enflamme. Ce soir, ma robe encore en est tout embaume...

    Respires-en sur moi l'odorant souvenir. .

    Posies posthumes.

    ..Marie-Amlie CHAVANNE - Invocation

    Laisse-moi contempler ton regard, Ton regard o s'attardent les nuages, Que traverse un doux vol d'oiseaux,

    Beaux oiseaux tristes aux ailes de naufrage Qui s'en reviennent

    Pour mourir dans le couchant... Laisse-moi m'enivrer de ta voix,

    Ta grande voix qui dchire l'espace, Qui me blesse et m'apaise,

  • Ta grande voix Qui fait trembler les toiles...

    Laisse-moi m'tourdir de ta splendeur Pour oublier la terre

    Et ses souvenirs... Dans ton ombre laisse-moi dormir,

    Prs de ton me reposer, Laisse-moi l'ternit

    L'ternit pour t'aimer... Tags: posie, rve

    Variations sur un thme... .

    B. Cantat/Noir Dsir - Le vent nous portera .

    Je n'ai pas peur de la route Faudrait voir, faut qu'on y gote Des mandres au creux des reins

    Et tout ira bien Le vent l'emportera

    Ton message la grande ourse Et la trajectoire de la course

    A l'instantan de velours Mme s'il ne sert rien

    Le vent l'emportera Tout disparatra

    Le vent nous portera La caresse et la mitraille

    Cette plaie qui nous tiraille Le palais des autres jours

    D'hier et demain Le vent les portera

    Gntique en bandoulire Des chromosomes dans l'atmosphre

    Des taxis pour les galaxies Et mon tapis volant lui

    Le vent l'emportera Tout disparatra

    Le vent nous portera Ce parfum de nos annes mortes

    Ceux qui peuvent frapper ta porte Infinit de destin

    On en pose un, qu'est-ce qu'on en retient?

  • Le vent l'emportera Pendant que la mare monte

    Et que chacun refait ses comptes J'emmne au creux de mon ombre

    Des poussires de toi Le vent les portera

    Tout disparatra Le vent nous portera

    Des visages Des figures. .

    Forugh Farrokhzad - Le vent nous emportera .

    Dans ma nuit, si brve, hlas Le vent a rendez-vous avec les feuilles.

    Ma nuit si brve est remplie de l'angoisse dvastatrice coute ! Entends-tu le souffle des tnbres ?

    De ce bonheur, je me sens tranger. Au dsespoir je suis accoutume.

    coute ! Entends-tu le souffle des tnbres ? L, dans la nuit, quelque chose se passe

    La lune est rouge et angoisse. Et accroche ce toit

    Qui risque de s'effondrer tout moment, Les nuages, comme une foule de pleureuses,

    Attendent l'accouchement de la pluie, Un instant, et puis rien. Derrire cette fentre,

    C'est la nuit qui tremble Et c'est la terre qui s'arrte de tourner.

    Derrire cette fentre, un inconnu s'inquite pour moi et toi. Toi, toute verdoyante,

    Pose tes mains - ces souvenirs ardents - Sur mes mains amoureuses

    Et confie tes lvres, repues de la chaleur de la vie, Aux caresses de mes lvres amoureuses

    Le vent nous emportera ! Le vent nous emportera !

    .

    Pome extrait du film Le Vent nous emportera dAbbas Kiarostami. .

    .

    M , , .

    ; , .

    . Ecoute! ;

    , , .

    ,

    , , , , .

  • ,

    . , .

    , "verdoyante", - -

    , repues ,

    !

    .

    Translation from French to Greek by Silvio Corsini. Tags: posie

    .Octavio PAZ - Entre s'en aller et rester...

    .Entre s'en aller et rester hsite le jour, amoureux de sa transparence. Le soir circulaire est dj une baie: dans son calme va-et-vient se berce le monde. Tout est visible et tout est lusif, tout est proche et tout est intouchable. Les papiers, le livre, le verre, le crayon reposent l'ombre de leurs noms. Battement du sang qui dans ma tempe rpte la mme syllabe ttue de sang. La lumire fait du mur indiffrent un thtre spectral de reflets. Dans le centre d'un oeil je me dcouvre; il ne me regarde pas, je me regarde dans son regard. L'instant se dissipe. Sans bouger je reste et je m'en vais: je suis une pause.

    Tags: posie

  • . Zno BIANU - Je crois...

    .

    . je crois

    la vie la mort la grande amour donne

    ou traverse je crois

    la vraie gravit la tendresse impitoyable

    je crois au cur de la nuit au cur de la pluie

    je crois quil faut mourir puis vivre

    mourir avant de mourir pour ne plus aimer mourir

    . Infiniment proche, d. Gallimard, coll. LArbalte.

    Tags: posie

    .

    .

    Ahmad SHMLOU *

    Tu as contempl le voyage du corps jusqu' la terre Contemple le voyage de l'me de la terre au cosmos

    Si tu me cherches

  • Saisis l'herbe ! Assieds-toi avec les arbres !

    .H. STUART MERRILL - La visitation de l'amour

    Je veux que l'Amour entre comme un ami dans notre maison, Disais-tu, bien-aime, ce soir rouge d'automne O dans leur cage d'osier les tourterelles monotones Rlaient, palpitant en soudaine pmoison. L'Amour entrera toujours comme un ami dans notre maison, T'ai-je rpondu, coutant le bruit des feuilles qui tombent, Par-del le jardin des chrysanthmes, sur les tombes Que la fort treint de ses jaunes frondaisons. Et voici, l'Amour est venu frapper la porte de notre maison, Nu comme la Puret, doux comme la Saintet ; Ses flches lances vers le soleil mourant chantaient Comme son rire de jeune dieu qui chasse toute raison. Amour, Amour, sois le bienvenu dans notre maison O t'attendent la flamme de l'tre et la coupe de bon vin. Amour, toi qui es trop beau pour ne pas tre divin, Apaise en nos pauvres curs toute crainte de trahison !

    Et l'amour est entr en riant dans notre maison, Et nous ceignant le cou du double collier de ses bras, Il a forc nos bouches closes et nos yeux ingrats A voir et dire enfin ce que nous leur refusons. Depuis, nous avons ferm la porte de notre maison Pour garder auprs de nous le dieu errant Amour Qui nous fit oublier la fuite furtive des jours En nous chantant le secret ternel des saisons. Mais nous l'ouvrirons un jour, la porte de notre maison, Pour que l'Amour, notre ami, aille baiser les hommes Sur leurs lvres et leurs yeux - aveugles et muets que nous sommes ! - Comme il nous baisa sur les ntres, ce soir plein d'oraisons ! Et ce sera Pques alors autour de notre maison, Et l'on entendra prier les morts autour des tombes, Et l'on verra s'essorer comme des mes les colombes Entre le soleil mort et la lune ne l'horizon.

    La visitation de l'amour, Les Quatre Saisons, Pomes, d. Mercure de France. Tags: posie

  • .

    .

    Thierry HUE - SOURIONS...

    PASSEREAU Il vole et il fait cui-cui Il a une tte d'oiseau

    Je supporterai tout de lui Mais pas ce rot.

    .

    T'ES QUI MONO ? Tu bosses en centre ar Tu fais faire des activits

    Mais pour apprendre le judo Tu es qui mono ?

    .

    HOMOPATHE Sa cuisine est trs russie

    Mais ses oublis parfois m'patent Elle met du sel dans le riz

    Mais l'omet aux ptes. .

    LABEL Pour les poulets bien nourris

    Label poulet fermire Pour les diles en leur mairie

    Label maire. .

    PHARMACIE Au bord de la mer

    J'avais une blessure lgre J'tais mes habits

    Et prs du phare m'assis. .

    CINMA MUET Cette fille fait du cinma On ne lui en raconte pas

  • Elle est timide ? Que nenni ! Alors elle est hardie.

    .

    BALEINE La dfense des baleines

    Tu dis : c'est assez. On massacre les ctacs

    Et tu t'en bats l'aine. .

    CONFIDENCES Pour pouvoir manger tard

    On gavait des canards C'tait quand on y pense

    Des confits denses. .

    MAL AUX DENTS Tu as mal aux dents

    Et c'est navrant Mais quoiqu'il arrive Passe l'agence Yves.

    .

    PRISE DE TTE Les nains de jardin

    Font l'objet de menus larcins Alors je les abrite

    Pour pas qu'on sache o mes nains gtent. .

    SANG NEUF Un vampire fut arrt

    Avec sa teuf-teuf A 60 c'tait limit Il se faisait du 109.

    .

    VOLE QU'ANNICK Dans sa boutique, Annick,

    Fait pourtant trs attention Mais les voleurs font irruption

    Et ne volent qu'Annick. .

    ARQUS AU LOGIS Dans la Rome antique

    On ne les trouve pas que dans les lieux publics Car les dmes sont aussi

    Arqus au logis. .

    MIDI SIX Mes quatrines faut que j'les russisse

    Quelle que soit l'heure Mais la meilleure

    C'est la quatrine de midi six. .

    DU LARD OU DU COCHON Mes doigts ptrissent l'argile

    Et donnent forme des canons

  • C'est pas du cochon, dans ce cas, non C'est de l'art, Gilles.

    .

    CEINTURE On peut les vnrer Pour leur droiture Et pour la chastet

    Que les saintes eurent. .

    MOLIRE Au thtre cette metteuse en scne

    Etait un sacr phnomne Elle changeait souvent de manires Dure aujourd'hui, mais molle hier.

    .

    CHROMOSOMES Elle voulait astiquer les chromes

    Mais ses hommes ne voulaient pas Alors, frustre, elle laissa Les chromes aux hommes.

    .

    MENSONGE La bonne prtend

    Que j'ai achet ces journaux Mais c'est entirement faux

    Car la bonne ment. .

    RUDE HIVER Pour ne pas avoir froid chez toi

    L'hiver on te conseilla Sans tarder de scier du bois

    Alors t'en scias. .

    ECHAUFFEMENT Tu fais de la musculation Tu muscles un peu le dos

    Pour les jambes, tu es trs bon Mais pour les bras, zro.

    .

    LA JEANNE D'ARC ESPAGNOLE Comme elle ne voulait pas bcher

    On la mit sur un bcher Elle passa de vie trpas

    Et, perdant son sang, grilla. .

    CRS "Alors, brigadier, quoi de neuf ? - Les manifestants taient vingt.

    - Ah, moi j'en ai compt 19. - Tu te goures d'un."

    .

    OSCILLATION Je sais que c'est ridicule

    Mais je n'ai

  • Jamais vu un pendule Aussi laid.

    .

    BONHEUR Ils furent heureux

    Des serments d'hier Ces amoureux

    Que des mots lirent. .

    PROCDURE Avocat au barreau Telle tait sa nature Il voulait tre un pro

    Mais tre un pro, c'est dur. .

    MI-MOLLET PAR LE FEU Elle avait de l'eau jusqu' mi-mollets

    Et moi, j'tais amoureux Elle m'avait mis le feu

    Jusqu' mi-mollets. .

    PHOSE SCEPTIQUE Phose tait un taureau Courageux et qui ose Je blme les toreros

    Quand ils mettent mort Phose. .

    L'TAT GRE Les conomies

    Souvent gnrent De srieux conflits

    Que les tats grent. .

    MA VERTE EBRE Est-ce la colonne vertbrale

    De l'Espagne ou du Portugal ? Toujours est-il qu'elle est clbre

    Ma verte Ebre. .

    44 A Nantes un ancien passait sans malice

    Souvent au travers des mailles d'la justice Mais ce n'tait pas anecdotique

    Qu' Nantes la loi rate l'antique. .

    GROTESQUE On ne te reconnat plus

    Quand tu passes dans la rue Tu t'es fait drlement beau T'as chang d'aspect, Lo.

    .

    DIOGNE On descend la rivire en canot

    Et on se promne

  • Mais y a quelqu'un dans un tonneau Et cet idiot gne.

    .

    ON CONNAIT MARAT Il ne savait rien de l'Irlande

    Mais rpondant la demande Robespierre un jour dclara : "Moi aussi je connais Marat."

    .

    POTEMKINE "Le beef est mal pass

    Il m'est rest sur l'estomac - Dans ce cas tu le laisses, Thomas,

    J'ai pas d le faire cuire assez." .

    KOALA En Australie, dans les montagnes Je vais o ma voix m'accompagne

    Mes sons se ref ltant plus bas J'allais donc o l'cho alla.

    .

    LES PIS NETS DES VOSGES On a du vin, mais on droge Parfois au lait on fait la fte

    Car chacun sait que, dans les Vosges, Toutes les vaches ont les pis nets.

    .

    DROLE D'OISEAU C'tait un drle d'oiseau

    Et, par un triste soir Sans lui dire un seul mot Il laissa son pre choir.

    .

    VA DONC EH PATATE L'autre jour en Italie

    Un accident m'est arriv Et ma foi j'ai bien failli

    Pas arriver Parme entier. .

    SANSCRIT Aprs leur bain dans le Gange Se grattant o a les dmange

    On sait cela par leurs crits Les Hindous dans tous les sens crient.

    .

    PARADIS PERDU Un jour, Eve est partie

    Te laissant les bras ballants Et puisqu'elle s'est enfuie

    Pour l'amour, tu te brosses, Adam. .

    T'AS PAS 100 BALLES ? Si tu n'as pas un rond Et que tu as la dalle

    Prends des tapas, c'est bon Car les tapas emballent.

  • .

    LA MONTAGNE N'ayez pas peur de l'cho

    Et de son ironie Car jamais dans votre dos

    L'cho ne rit. .

    EN LOZRE Un dentiste distrait

    Dit un d'ses patients Dont le dentier restait :

    "Ah, c'est bte, j'ai vos dents." .

    BERGER C'est fou comme il bosse

    Il a trois moutons L'hiver il les brosse

    Et l't les tond. .

    LES BEAUX VARIENT Flaubert a pos le problme Dans ses romans, ses posies,

    Les moches sont toujours les mmes Car souvent, seuls les beaux varient.

    .

    BTE RAVE ( PARTIE) A une bte rave partie

    Le DJ avait menti Ce fut dommage mon avis

    Que toute la salle s'y fie. .

    MAIS DORS Mon pre n'est pas un chien

    Mais ma mre, qui pourtant l'adore Lui rpte du soir au matin :

    " Allons ! Mais dors ! " .

    REVERDIR Elle est drle ma posie

    Parfois, de la lire, j'en verdis, Alors je me mets au boulot

    Pour qu'on puisse en rigoler tt. .

    AU PARTI SOCIALISTE Pour citer Jean de La Fontaine Nos militants, on en prend soin

    Je peux vous dire qu'on a des chnes Mais que l'on a de roseaux, point.

    .

    A ANGOULME Comme nous tions six dans la bande

    Que nous avions tous de gros nez, On nous appelait la Bande,

    La Bande des Six Nez. .

  • L'APPAT QUI S'TEND Devant la menace inique

    Empchons tant qu'il en est temps L'Inde, puissance atomique,

    De mordre l'appt qui s'tend. .

    BANALITS Le temps est chaud

    Dit le croque-mort d'un ton beau Rien n'est moins sr

    Rpond le moine d'un ton sr. .

    BALI VERNE Et si aprs tout jules Verne

    Etait n un jour Bali ? Aprs tout, moi, ce que j'en dis C'est pour clairer votre lanterne

    Mais c'est peut-tre des balivernes. .

    PANNE Vous tes-vous trouv un soir Coinc bord de votre auto

    Au beau milieu d'la Fort Noire ? Croyez-moi, c'est pas du gteau !

    .

    AUTO FAUX-CULSSS On dit que je suis hypocrite

    Quand l'herbe monte, dans le vallon Je prendrais soi-disant la fuite

    Et bien, Monsieur, c'est faux, je tonds. .

    LE BARON PERCH C'tait un cas bizarre

    Il grimpait dans les arbres Mais c'tait un cas rare

    Qui me laissait de marbre. .

    HISTOIRE OFFICIELLE L'U.R.S.S.

    A dress sans faiblesse A coups de chars et sans pudeur

    Ceux qu'elle nommait Etats-Soeurs. .

    SERGE ENGARCIA Serge Engarcia, ce sombre hros,

    Etait un lve accompli Il fut trs brillant l'crit

    Mais se fit planter aux oraux. .

    PHILOSOPHE La reine des fleurs Superbe se pavane

    Mais j'ai bien trop peur Que cette aristo fane.

  • .

    GULLIVER Gulliver a fait des voyages

    Une grande partie de son ge Il chantait tort, travers

    Grave l't, aigu l'hiver. .

    Quatrines (Extraits). Tags: posie, humour

    Illustration : La marionnette par Genevive Van der Wielen.

    Louis ARAGON - Ce qu'il m'aura fallu de temps...

    Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre Je vois souvent mon ignorance en d'autres yeux Je reconnais ma nuit je reconnais ma cendre Ce qu' la fin j'ai su comment le faire entendre Comment ce que je sais le dire de mon mieux

    Parce que c'est trs beau la jeunesse sans doute Et qu'on en porte en soi tout d'abord le regret Mais le faix de l'erreur et la descente aux soutes C'est aussi la jeunesse l'toile des routes Et son lourd hritage et son noir lazaret

    A cet instantan ma vieille et jeune image Peut-tre lirez-vous seulement mes vingt ans Regardez-le de prs et c'est un moyen-ge Une sorcellerie un gchis un carnage Cette piti d'un ciel toujours impnitent

    Charlatan de soi-mme on juge obligatoire Ce qu'un simple hasard vous a fait prononcer Demain ce n'est qu'un sou jet sur le comptoir Ce qu'on peut vingt ans se raconter d'histoires Et l'avenir est tributaire du pass

  • On se croit libre alors qu'on imite On fait l'homme On veut dans cette norme et plate singerie Lire on ne sait trop quelle aventure la gomme Quand btement tous les chemins mnent Rome Quand chacun de nos pas est par avance crit

    La Grande Gat.

    Tags: posie

    Chef Indien Seattle - Vous devez apprendre vos enfants ...

    Vous devez apprendre vos enfants que le sol qu'ils foulent est fait des cendres de nos aeux. Pour qu'ils respectent la terre, dites vos enfants qu'elle est enrichie par les vies de notre race. Enseignez vos enfants ce que nous avons enseign aux ntres : que la terre est notre mre; que tout ce qui arrive la terre arrive aux fils de la terre; et que si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mmes.

    Tags: humanisme, humanit

  • Victor HUGO - L'univers, c'est un livre, et des yeux ...

    L'univers, c'est un livre, et des yeux qui le lisent. Ceux qui sont dans la nuit ont raison quand ils disent : Rien n'existe ! Car c'est dans un rve qu'ils sont. Rien n'existe que lui, le flamboiement profond, Et les mes, les grains de lumire, les mythes, Les moi mystrieux, atomes sans limites, Qui vont vers le grand moi, leur centre et leur aimant ; Points touchant au znith par le rayonnement, Ainsi qu'un vtement subissant la matire, Traversant tour tour dans l'tendue entire La formule de chair propre chaque milieu, Ici la sve, ici le sang, ici le feu ; Blocs, arbres, griffes, dents, fronts pensants, auroles ; Retournant aux cercueils comme des alvoles ; Mourant pour s'purer, tombant pour s'lever, Sans fin, ne se perdant que pour se retrouver, Chane d'tres qu'en haut l'chelle d'or rclame, Vers l'ternel foyer volant de flamme en flamme, Juste clos du pervers, bon sorti du mchant, Montant, montant, montant sans cesse, et le cherchant, Et l'approchant toujours, mais sans jamais l'atteindre, Lui, l'tre qu'on ne peut toucher, ternir, teindre, Le voyant, le vivant, sans mort, sans nuit, sans mal, L'ide norme au fond de l'immense idal ! La matire n'est pas et l'me seule existe.

    Rien n'est mort, rien n'est faux, rien n'est noir, rien n'est triste. Personne n'est puni, personne n'est banni. Tous les cercles qui sont dans le cercle infini N'ont que de l'idal dans leurs circonfrences. Astres, mondes, soleils, toiles, apparences, Masques d'ombre ou de feu, faces des visions, Globes, humanits, terres, crations, Univers o jamais on ne voit rien qui dorme, Points d'intersection du nombre et de la forme, Chocs de l'clair puissance et du rayon beaut, Rencontres de la vie avec l'ternit, fume, coutez ! Et vous, coutez, mes, Qui seules resterez tant souffles et flammes, Esprits purs qui mourez et naissez tour tour : Dieu n'a qu'un front : Lumire ! et n'a qu'un nom : Amour !

  • Gabriel CELAYA - Cantos Iberos

    [...] J'ai appris chanter la ncessit, la simplicit, la joie. De mes mains, j'ai touch la vie.

    J'ai appris chanter la ncessit, douce qui est fort,

    et ce qui est mon affaire d'homme, la joie de lutter.

    De mes mains j'ai touch la vie, les limites qui donnent forme mon impulsion,

    le dsir d'infini mis au fait du jour. J'ai respir la mer,

    et j'ai suivi dans la courbe de ses sourires fminins, perdus,

    le possible paraphe d'un trait de paix. De mes mains j'ai touch la vie,

    la ncessit, la simplicit, la joie, l'vidence en moi qui crie.

    J'ai appris chanter tout ce qui dans le peu que je suis s'exalte vers la gloire,

    clame ralit, coup aprs coup

    dans ma poitrine gagne sa libert. Libert oblige,

    la libert de l'homme qui en soi-mme ne contient la croissance hroque remplir son destin.

    J'ai appris chanter, avec douceur et gravit je m'incline vers le futur

    pour obir aux lois dont le cours vers la paix conduit mon impulsion.

    La ncessit, la simplicit, la joie, la force d'tre un homme, la tangible conqute,

    la justice qu'enveloppe un sourire ! J'ai appris chanter,

    pour toi, pour tous, pour moi jusqu' mourir, la savoureuse, la douce, la triste ralit

    et l'histoire interminable. Je suis, tant un homme, libert.

    Je grandis quand je m'accepte laborant ma paix, et je deviens mon chant si je chante l'espoir. [...]

    Cantos Iberos.

    Tags: posie

  • Pablo NERUDA - Muere lentamente... Il meurt lentement celui qui ne voyage pas,

    Celui qui ne lit pas, Celui qui n'coute pas de la musique,

    Celui qui ne sait pas trouver grce ses yeux. Il meurt lentement

    Celui qui dtruit son amour-propre, Celui qui ne se laisse jamais aider.

    Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude Refaisant tous les jours les mmes chemins

    Celui qui ne change jamais de repre, Ne se risque jamais changer la couleur

    De ses vtements Ou qui ne parle jamais un inconnu

    Il meurt lentement celui qui vite la passion Et son tourbillon d'motions

    Celles qui redonnent la lumire dans les yeux Et rparent les coeurs blesss

    Il meurt lentement Celui qui ne change pas de cap

    Lorsqu'il est malheureux Au travail ou en amour,

    Celui qui ne prend pas de risques Pour raliser ses rves,

    Celui qui, pas une seule fois dans sa vie, N'a fui les conseils senss...

    Vis maintenant ! Risque-toi aujourd'hui !

    Agis tout de suite ! Ne te laisse pas mourir lentement !

    Ne te prive pas d'tre heureux !

    * * * * * * *

    Muere lentamente quien no viaja, Quien no leye,

    Quien no oye msica, Quien no encuentra gracia en s mismo,

    Muere lentamente. Quien destruye su amor propio,

    Quien no se deja ayudar. Muere lentamente

    Quien se transforma en esclavo del hbito Repitiendo todos los dias los mismos trayectos,

    Quien no cambia de marca,

  • Quien no se atreve a cambiar el color de su vestimenta O bien no conversa con quien no conoce.

    Muere lentament Quien evita une pasin y su remolino de emociones,

    Justamente estas que regresa el brillo A los ojos y restauran los corazones destrozados.

    Muere lentamente quien no gira el volante Cuando esta infliz

    Con su trabajo, o con su amor, Quien no arriesga el cierto ni el incierto

    Para ir detrs de un sueo Quien no se permite, ni siquiera una vez en su vida,

    Huir de los consejos sensatos... Vive hoy

    Arriesga hoy Hazlo hoy

    No te dejes morir lentamente No te impidas ser feliz

    Tags: posie

    Michel CAMUS Proverbes du silence et de lmerveillement Silence et paroles de feu se font la guerre pour nous tenir en veil

    Quel est ce feu sans nom, quel est ce feu secret dans l'infinie saillie de la vie. Quel silence de feu et de glace avant comme aprs l'incen- die de la naissance et de la mort Dans le silence qui nous traverse jaillissent trop d'clairs de penses, trop de flammes blanches d'motion comme des torrents d'images fuyantes : notre propre infini nous chappe

    L'homme des mots est un symbole bris tranger son Double-de-silence. Ses paroles : d'obscurs signaux la rencontre de l'nigme qui les met d'un ct et de l'autre ct les efface en silence Qui sait si le silence ne serait source inpuisable de la corne d'abondance que dans notre ignorance nous appelons la vie Qui sait si le silence ne serait l'invisible tissu du Vivant reliant

  • les hommes aux toiles Qui sait si le silence ne serait l'unique intimit sans fond de tout ce qui nat et meurt Qui sait si le silence ne serait la racine et la floraison de toute langue Et si tout tait silence, rien ne serait isol de rien. Tout tre serait silence, toute chose serait silence. Et tout langage. Et toute musique. Toute vie. Toute mort L'homme que l'blouissement tient en veil s'oublie soi-mme dans le silence Qui dira la richesse du merveilleux le suc infini qui coule dans ses veines Qui dira le sang le saint sang du silence En vain face gisante de la vie cherches-tu le sommeil la surface ombreuse de la nuit. L'autre face t'entend rver En vain, plissant d'angoisse l'ide de perdre ton ombre, cherches-tu sous tes pas ta lumire

    De jour comme de nuit, en nous, autour de nous, indchirable : l'intime substance des songes dont est tiss le monde O est l'Ouvert. O la lumire. Au cur de l'veil ? Au fond du sommeil ? Dans le silence qui relie l'homme l'infini ? Surdit suprieure. Aveuglement suprme O saint nom du silence en l'effacement du nom Il y a du merveilleux voir en allant voir derrire les yeux Du silence entendre en ouvrant l'oreille entre rve et sommeil De l'infini caresser dans la cleste chaleur animale de l'amour Il suffit d'un rien, d'un clair, d'un instant toujours trop aveu- glant, toujours indchiffrable Encore du merveilleux dans le visage aveugle des pierres De la joie sous l'corce des arbres Le mme chant dans le rayonnement des toiles La musique du vide ensemence le ciel et la terre Ce que laisse entendre le silence seul le silence l'entend Le merveilleux rde autour de nous,

  • devant nos fentres fermes, le mur d'angoisse de notre face, la chambre obscure de notre cur Seulement les tres poreux se laissent envahir par l'merveillement du silence Et l'horreur ? Et si l'horreur venait de l'homme coup du merveilleux Avons-nous jamais entendu natre le souffle Avons-nous peru le silence o s'origine la parole Ouvrons-nous toujours les yeux la lumire de nos rves Les portes du merveilleux sont ouvertes Qui en nous les voit ouvertes ? Le silence Seul le silence est silence Seul le silence se connat L'homme est debout dans l'ignorance Au commencement tait le-Mme Et le-Mme tait Silence Et le Silence s'est fait posie : Vdas, Tao-Te-King, Cantique des cantiques, Hraclite Le-Mme en moi spar de moi n'est personne en personne Sans tre nous-mmes, il est en nous-mmes notre propre silence Le silence est sans fond o prend fond la posie Pierre nue, vrit nue, pierre sans nom sous mon nom dans l'image-mre de la pierre Si je fus, qu'ai-je t. Nous sommes tous le-Mme au cur du silence L'Autre du Mme : Toi sous mon nom L'ombre du Mme ou la fiction de l'autre ou de soi Et la vie des mots qui masquent le silence O il y a silence, je ne suis plus moi-mme O il n'y a rien ni personne rgne infiniment le-Mme Impensable, la dit du silence ne

  • peut se penser qu'en Dieu Dieu ne pense que pour panser l'angoisse de son propre silence Je prcde ma naissance, se dit Dieu. J'illuminerai ma mort Ds prsent, sans notre Double-de-silence, rien ne nous survivrait, mme pas Dieu en nous Il y a en tout homme une flamme de silence qui sait ce que son ombre ne sait pas Seule porte ouverte pour sortir de soi, le silence Seule porte ouverte pour sortir de la langue, le silence Et si le pome s'crivait sans sortir du silence Prsence informelle du silence au cur de l'homme comme l'art en tmoigne au dehors La musique dans le ruissellement des silences Le pome en son propre dpassement dans le silence L'rection sur les sables des tours de silence Et si l'blouissement sans forme donnait forme ce qu'il nous inspire Dans l'absolu silence o vie et mort concident, dans l'absolu silence o personne n'est absolument vivant ni mort, les yeux du vide sont ouverts Mtaphore de nos blouissements sans nom Seul et unique levier d'Archimde pour soulever l'univers-du-langage, trouer le tissu des songes ou du monde, s'enraciner dans le mythe du pome ou s'ouvrir l'Indtermin : le silence Toujours le silence est abrupt. Il n'est rponse rien et ne rpond de rien Les mots trpassent en lui comme les amants plus loin qu'eux-mmes dans l'amour Si le silence est l'envers du langage la posie est l'endroit du silence Le vent fou ni l'orage ne troublent

  • les toiles. Mais les ombres des mots cachent le feu du silence comme les