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1
Jean Poiret (de son vrai nom Jean Poiré)
est un acteur, réalisateur et scénariste
français, né le 17 août 1926 à Paris, mort
d'une crise cardiaque le 14 mars 1992 à
Paris.
Il fut marié pendant de longues années
avec Françoise Dorin et ils eurent une
fille, Sylvie Poiré, née pendant les années
Soixante.
En 1951 et 1952, il tient le rôle de Fred
Transport, un des héros de la série
radiophonique Malheur aux Barbus de
Pierre Dac et Francis Blanche.
2
En 1952, il fait la rencontre de Michel
Serrault aux matinées classiques du
Théâtre Sarah Bernhardt. Ils
interprètent ensemble le sketch Jerry
Scott, vedette internationale. Ils
poursuivent rapidement leurs carrières
respectives en duo. En 1961, il écrit et
enregistre La Vache à mille francs chez
Pathé, parodie de La Valse à mille temps
de Jacques Brel. En 1973, sa pièce La Cage
aux folles connaît un triomphe
extraordinaire au Théâtre du Palais Royal
grâce à la fabuleuse interprétation de
3
Jean Poiret et de Michel Serrault. Elle
sera jouée pendant 5 ans, pour 900
représentations et 1,8 million de
spectateurs. La coopération entre ses
deux "gigantesques" acteurs était
tellement fusionnelle, qu'ils étaient
complémentaires, car au fur et à mesure
des représentations, ils improvisaient de
plus en plus et le spectacle au lieu de
durer 2 heures, pouvait aller jusqu' à 3
heures. En 1978 il a un fils Nicolas avec
l'actrice Caroline Cellier.
En 1978, l'adaptation cinématographique
4
de La cage aux folles remporte un
immense succès. L'acteur italien Ugo
Tognazzi reprend son rôle de Renato Baldi,
tandis que son partenaire Michel Serrault
y joue le rôle de Zaza Napoli qui lui vaudra
en 1979 le César du meilleur acteur.
En 1989, il épouse l'actrice Caroline
Cellier. En 1992, il réalise son premier et
unique film, Le Zèbre, interprété par
Thierry Lhermitte et sa femme Caroline
Cellier. Il meurt trois mois avant la sortie
du film. Il repose au Cimetière du
Montparnasse à Paris.
5
Michel Serrault entre à 14 ans au petit
séminaire de Conflans, il souhaite devenir
prêtre et proclame avoir deux passions : «
faire rire et m'occuper de Dieu ». C'est le
père Van Hamme qui l'oriente alors vers
son métier de comédien. Michel Serrault
dira plus tard qu'il n'aurait pas aimé le
voeu de chasteté.
En duo avec Jean Poiret, qu'il rencontre
en 1952, il a fait les belles heures des
cabarets parisiens dans les années 1950 et
1960.
Il fait également partie de la troupe Les
6
Branquignols. Au cinéma, il débute avec un
rôle dans Les Diaboliques (1953) d’Henri-
Georges Clouzot puis avec la troupe des
Branquignols dans Ah ! Les belles
bacchantes. Il participera à leurs
nombreux autres films.
Il se lance dans une longue aventure dans
le film comique Assassins et voleurs
(1957) de Sacha Guitry avec Jean Poiret,
Le Viager (1972) de Pierre Tchernia (qui le
fera tourner dans plusieurs films) avec
Michel Galabru. Michel Galabru avec qui il
tourne aussi un grand nombre de films
7
comme Les Gaspards, Room service. Il fait
ses débuts aussi avec un certain Louis de
Funès peu connu à cette époque, Nous
irons à Deauville, Des pissenlits par la
racine, Carambolages.
Figure du théâtre de boulevard, avec ses
rôles dans des pièces télévisées de Au
théâtre ce soir, il triomphe en 1973 dans
le rôle de l'excentrique travesti « Zaza
Napoli » de La Cage aux folles, qu’il
rejouera plus tard avec un succès
international[2] dans ses adaptations au
cinéma et dont le premier opus lui vaudra
8
le César du meilleur acteur en 1979.
Puis arrive L'Ibis rouge (1975) de Jean-
Pierre Mocky avec Michel Simon. C'est un
grand ami du cinéaste avec lequel il tourne
un grand nombre de films dont le plus gros
succès reste Le Miraculé (1987) où il joue
pour la dernière fois avec son vieil ami
Jean Poiret et donne la réplique à Jeanne
Moreau qu'il retrouve pour un autre face à
face truculent dans La Vieille qui marchait
dans la mer (d'après Frédéric Dard) de
Laurent Heynemann en 1991. Il reviendra à
la comédie incisive avec Rien ne va plus
9
(1997) de Claude Chabrol où il forme avec
Isabelle Huppert un couple d'arnaqueurs à
la petite semaine pris dans les mailles du
filet d'un parrain des Antilles interprété
par Jean-François Balmer. Serrault a
également servi le comique grinçant,
absurde et ubuesque de Bertrand Blier en
l'espace de trois collaborations: Préparez
vos mouchoirs (1978), Buffet froid (1979)
et Les Acteurs (2000) où, comme le reste
de la prestigieuse distribution, il
interprète son propre rôle.
L’adaptation de la pièce La Cage aux folles
10
au cinéma étant un succès international, il
est un des rares acteurs français à
pouvoir se permettre de tourner à la fois
dans de grosses productions mais aussi
des films d’art et essai, souvent à moins
grand public.
En 1977, il perd sa fille Caroline (alors
âgée de 19 ans) dans un accident de la
route à Neuilly-sur-Seine. Ce drame
familial est relativement parallèle à un
changement de cap artistique: c'est
désormais dans des rôles dramatiques que
l'acteur va exceller, soulevant parfois au
11
passage de vives polémiques notamment en
1997 lors de la présentation au Festival de
Cannes du film Assassin(s) de Mathieu
Kassovitz . Après l'obtention d'un
deuxième César pour Garde à vue (1981)
de Claude Miller, où il campe un notaire
cynique et ambigu, soupçonné d'être
l'auteur d'un double viol et homicide sur
fillettes, son dialoguiste Michel Audiard a
déclaré à son sujet : « il est le plus grand
acteur du monde ». Ce huis-clos policier où
il se confronte à Lino Ventura marque sans
conteste un grand tournant dans sa
12
carrière puisque s'ouvre devant lui la
porte d'interprétations plus ténébreuses:
il apparaît en 1982 au côté de Charles
Aznavour en petit commerçant provincial
voué aux meurtres de vieilles dames dans
les Les Fantômes du chapelier de Claude
Chabrol (adapté de Georges Simenon) ou
devient, dans Mortelle randonnée (1983)
de Claude Miller, un père qui croit
reconnaître sa fille décédée en la
personne d'une jeune meurtrière
(interprétée par Isabelle Adjani) qu'il suit
et dont il efface les traces laissées sur
13
les scènes de crime.
Il affronte ensuite, paralysé et aphone, sa
bru adultérine campée par Nathalie Baye
dans En toute innocence (1988) d'Alain
Jessua et endosse, pour Christian de
Chalonge, les oripeaux de l'abject criminel
de guerre Marcel Petiot dans Docteur
Petiot (1990). C'était par ailleurs ce
réalisateur qui avait révélé ses capacités à
endosser des rôles ambigües avec
L'Argent des autres en 1978 où il était un
bien inquiétant banquier. En 1995, Nelly et
Monsieur Arnaud, le film testament de
14
Claude Sautet, est une autre étape
décisive pour Serrault puisqu'il y fait
preuve d'une nuance dramatique qu'il avait
rarement manifestée auparavant. Sa
prestation en militaire retraité et veuf,
désenchanté, solitaire et mélancolique,
sollicitant les services d'une jeune femme
délaissée (jouée par Emmanuelle Béart)
pour rédiger ses mémoires, est
unamimement reconnue comme étant sa
composition la plus aboutie. Elle lui permet
d'ailleurs de remporter un ultime César en
1996. En 1999 dans Le Monde de Marty de
15
Denis Bardiau, il tient le rôle d'un vieillard
muet et paralysé, atteint de la maladie
d'Alzheimer mais dont la voix commente
en off les récits de son amitié naissante
avec un enfant malade de la leucémie.
À la fin de sa vie, l'acteur jouait plutôt
des rôles de « pépé » campagnard à la
française, bougon, un peu rustre, mais
avec un grand cœur, comme dans Les
Enfants du marais (1999) de Jean Becker,
avec Jacques Villeret et Jacques Gamblin,
Une hirondelle a fait le printemps (2001)
de Christian Carion, Le Papillon (2002) de
16
Philippe Muyl, Albert est méchant (2003)
aux côtés de Christian Clavier ou Les
Enfants du pays de Pierre Javaux.
Il est mort chez lui le 29 juillet 2007, à
l’âge de 79 ans, des suites d’un cancer. Le
2 août 2007, de nombreux amis du monde
du cinéma et quelques représentants
officiels ont assisté à ses obsèques en
l'église Sainte-Catherine de Honfleur. Il
est inhumé au cimetière Sainte-Catherine.
Il a écrit trois ans avant sa mort une
œuvre autobiographique :
Vous avez dit Serrault ?, et un journal:
17
Les pieds dans le plat !, dans lequel il fait
part des remarques, pensées et critiques
qui s'offrent à son regard de comédien et
à son cœur de chrétien.
Dans son autobiographie, il a expliqué
combien la foi chrétienne avait marqué son
existence et donné un sens à sa vie.
19
En 1952, l'apparition du couple Jean Poiret
et Michel Serrault au cabaret Chez Gilles
fut une véritable révélation. Poiret, qui
dans son adolescence accueillait les clients
dans une boîte de chansonniers, et
Serrault, ancien séminariste, qui était
doublure d'un comédien qui ne tombait
jamais malade, se rencontrent et décident
20
d'écrire puis jouer des sketches farfelus.
Engagés au très select cabaret " La Tête
de l'Art ", ils entraînent chaque soir les
spectateurs dans des histoires à
divagations multiples au-delà du rationnel
en les invitant à les rejoindre dans leur
délire. Le succès de Poiret et Serrault fut
tel que du jour au lendemain leur carrière
de comédiens avait changé de face et
qu'ils étaient devenus des vedettes en
puissance, même s'ils ne le savaient pas
encore. Jean Poiret s'est désentravé
définitivement des conventions théâtrales
21
en travaillant chez les chansonniers et
dans les cabarets. Il y a gagné un sens du
divertissement le soutenant dans des
tâches d'auteur qui ne lui sont pas faciles
et contre des tracs de comédien qui
l'angoissent depuis ses débuts. S'il a
choisi d'interpréter les raisonneurs, les
personnages distanciés, c'est sans doute
comme des balanciers pour le funambule
qu'il ne peut s'empêcher d'être. Son jeu
est décalé, même par rapport à ses
personnages : il les file comme un
détective narquois, plus qu'il ne les
22
incarne. Il n'aurait jamais pu se moquer de
Fortunio, ni oser partager les délires
d'Othello. Il choisirait plutôt le camp de
Iago, ce qui serait un comble de paradoxe
pour un comédien-auteur qui ne
s'entretient qu'à coups de bonne humeur.
Une bonne humeur issue de sa
fréquentation assidue, quand il était jeune,
des opérettes du Châtelet.
" Au cinéma, je préfère la liberté de la
scène. D'un soir à l'autre, on n'est jamais
pareil. Il nous arrivait, avec Serrault, de
prolonger la représentation de " La Cage
23
aux folles " de quarante-cinq minutes...
Sur le plateau, vous pouvez même vous
déculotter, si vous en avez envie :
personne n'y peut rien. Et moi, je ne me
respecte pas. Je suis un gugusse. "
Michel Serrault lui commentait son métier
et le rire de façon presque identique :
« Le rire doit être construit, basé sur la
réalité de la vie, sur des faits communs. La
folie, oui, mais avec un cadre.
Si l'acteur ne bouscule pas la réalité pour
aller plus loin dans les émotions ou dans le
rire, ce n'est plus un artiste.
24
Un acteur est quelqu'un qui doit inventer,
se laisser porter par son invention. Il est
essentiel de donner un plus, de ne pas se
contenter d'être un serviteur aveugle et
ignare.
Si je ne suis pas devenu prêtre, c'est à
cause des voeux de chasteté.
Aurais-je un jour la possibilité d'exercer
un métier qui ne me ferait pas perdre le
goût de m'amuser ? »
25
Au premier temps de la vache,
Toute seule dans son pré, elle est là,
Au premier temps de la vache,
Y a l'éleveur, y a la bête et y a moi,
Et ma faim qui bat la mesure,
26
La mesure de mon estomac,
Et ma faim qui bat la mesure,
Mesure aussi mes fins de mois.
Une vache à mille francs,
Comme ce serait charmant,
Comme ce serait charmant
Et beaucoup plus tentant
Qu'un' vache à deux mille francs,
Une vache à mille francs.
Une vache à mille francs,
F'rait l'filet à cent francs,
L'rumsteck à soixante francs,
27
Le gîte à quarante francs,
L'aloyau à trente francs,
La culotte à vingt francs.
Un' culotte à vingt francs,
F'rait la côte à quinze francs,
La poitrine à douze francs,
La bavette à dix francs,
Le collier à huit francs,
Le jarret à quatre francs.
Un jarret à quatre francs,
Ce s'rait intéressant
Et plus avantageux
Pour faire un pot-au-feu
28
Qu'un jarret à mille francs,
Un jarret à quatre francs…
Au deuxième temps de la vache,
C'est à peine si je l'aperçois,
Au deuxième temps de la vache,
Y a du monde entre la bête et moi.
Il y a l'tueur qui passe la mesure,
L'transporteur qui lui emboîte le pas,
Pendant qu'Fontanet nous assure
Que la viande de la vache ne monte pas.
Une vache à mille francs,
29
En quittant l'Morbihan,
Devient chemin faisant
Comme par enchant'ment
Un' vache à cinq mille francs
En arrivant au Mans.
Un' vache à cinq mille francs,
On ne sait pas comment,
Augment' de vingt pour cent
En traversant Le Mans,
Et d'vient par conséquent
Un' vache à six mille francs.
Un' vache à six mille francs,
C'est bougrement tentant,
30
C'est bougrement tentant
Pour les gens d'Orléans
D'en faire innocemment
Un' vache à dix mille francs.
Une vache à dix mille,
En sortant de la ville,
Pris' dans un tourbillon
Devient à Arpajon
Par un calcul habile
Une vache à vingt mille,
Cent mille à Montlhéry,
Deux cents à Juvisy,
Trois cent mille à Orly,
31
Arrivant à Paris,
À la Port' d'Italie
La vach' n'a plus de prix.
La vache est aux Gobelins
Multipliée par vingt,
Par deux cent cinquante deux
Au carr'four Richelieu,
Et par huit cent dix sept
En sortant d'La Villette…
Au dernier temps de la vache,
En rôti, sur l'étal, elle est là,
Au dernier temps de la vache,
32
Y a un monde entre sa viande et moi.
Et l'Etat, qui prend des mesures,
L'Etat qui mesure notre émoi,
Et l'Etat qui prend des mesures,
Fait monter un peu plus chaque mois.
De la vache à cent francs,
On en mangeait autant,
Autant qu'on en voulait,
Et plus qu'il ne fallait,
À midi, au dîner,
Et dans l'café au lait.
D'la vache à cinq cent francs,
33
C'est déjà plus gênant,
Moi qu'en mange en moyenne
Dix kilos par semaine,
Pour avoir mon content
Je privais les enfants.
De la vache à mille francs,
De la vache à mille francs,
Il vaut mieux carrément
Se gaver d'ortolans,
Et s'offrir des homards
Tartinés de caviar.
D'la vache à deux mille francs,
Ça s'ra pour l'jour de l'an,
34
On la mangera truffée,
Sur un grand canapé,
On gardera l'foie gras
Pour les autr's jours du mois.
D'la vache à cinq mille francs,
Ça d'viendra un placement,
Avec mes lingots d'or,
Dans mon grand coffre fort,
J'entass'rai les rumstecks
Et les coupons d'beefsteack.
D'la vache à cinq mille francs,
Ça d'vient décourageant,
C'est pas qu'on soit méchant,
35
Mais un beau jour, pourtant,
Il faudra bien qu'on sache
Qu'on n'peut plus suivr' la vache !
Oh la vache ! La sale vache …
Oh la vache nous rendra fous !
Oh la vache ! La sale vache …
Oh la vache nous rendra fous !
Oh la vache ! Oh la vache…
37
La Cage aux folles est une pièce de
théâtre comique écrite par Jean Poiret,
mise en scène par Pierre Mondy et
représentée pour la première fois au
Théâtre du Palais-Royal le 1er février
1973. Elle fut jouée près de 1800 fois (et
vue par un million de spectateurs) par
Jean Poiret et Michel Serrault et adaptée
38
au cinéma en 1978.
Dans cette pièce, deux homosexuels
tiennent un cabaret de danseurs travestis
qui s'appelle « La Cage aux folles ». Albin
fait des scènes de plus en plus fréquentes
à Georges, et ce dernier reçoit la visite de
son fils, Laurent, qui va se marier. Le
problème : les parents de la fiancée sont
très conservateurs, et ignorent tout de la
profession et du sexe des futurs beaux-
parents de leur fille...
Malgré le succès de la pièce, elle ne fut
jamais filmée en intégralité, (l'Institut
39
national de l'audiovisuel aurait retrouvé en
2009 dans ses archives un enregistrement
de la pièce) et aucun producteur français
n'accepta de l'adapter sous forme de film,
sans doute en raison de son sujet
considéré comme scabreux. C'est la raison
pour laquelle le film est une production
italienne, qui par conséquent emploie de
nombreux acteurs italiens en lieu et place
de la distribution française de la version
théâtrale (Ugo Tognazzi à la place de Jean
Poiret par exemple). Le film fut pourtant
un succès commercial, ce qui semble
40
prouver que le public de l'époque avait une
ouverture d'esprit plus large que les
producteurs ne l'imaginaient...
La pièce sera reprise en 1978 au Théâtre
des Variétés avec Michel Roux et Jean-
Jacques puis du 12 septembre 2009 au 8
janvier 2011 au Théâtre de la Porte-Saint-
Martin, avec Christian Clavier et Didier
Bourdon. Une mise en scène de Didier
41
Caron, avec Philippe Beglia, Daniel-Jean
Colloredo, Jean-Marc Coudert, Manoëlle
Gaillard, Héléna Grouchka, Philippe Gruz,
Thierry Laurion, Marie-Hélène Lentini,
Christian Pereira et Thomas Sagols.
Au début de l’année 1973 se préparait un
phénomène. Un incroyable triomphe de la
scène parisienne.
Et une nuit de Janvier, vers onze heures
42
et demie, trois monstres sacrés du
théâtre poussent la porte du Coupe-Chou.
C’étaient , et . Ils étaient accompagnés du
directeur du Palai-Royal d’alors, . Ils
avaient leurs habitudes au Coupe-Chou,
Poiret, Serrault et Mondy… mais ce soir-
là, ils allaient rester jusqu’à 6 heures du
matin !
Il faut dire qu’ils étaient en pleine
répétition d’une pièce qui allait fêter les
retrouvailles du célèbre duo. Cette pièce,
c’était bien sûr : « La Cage aux Folles ». Un
triomphe sans précédent, et d’ailleurs,
43
sans successeur. « La Cage » sera jouée 5
années consécutives au Palais Royal, puis
deux ans aux Variétés.
Mais n’anticipons pas. Pour l’heure,
personne ne pouvait prédire le succès à
venir. Personne, pas même le directeur du
théâtre qui avait déjà prévu une pièce
pour la saison suivante. D’ailleurs, tout
n’était pas au point, il y avait encore des
problèmes à régler… « La Cage » n’était
pas prête.
Et les séances de travail se poursuivaient
au Coupe-Chou.
44
« Dans une salle du fond pour être
tranquille » réclame Poiret. Bien sûr, on les
installe à la Bibliothèque. C’est studieux,
une Bibliothèque. Il fallait, d’ailleurs,
retravailler le dernier acte de la pièce.
Et tout en mangeant, Poiret et Serrault
improvisaient les répliques qui allaient
faire hurler de rires mille personnes, tous
les soirs pendant sept ans !
Et Serrault répétait son rôle au
restaurant, il rentrait petit à petit dans le
personnage de Zaza Napoli, il travaillait
ses regards langoureux, ses battements
45
de cils, et il faisait de l’œil au client de la
table d’à côté… qui commençait à
s’inquiéter pour de bon. Ce malheureux
client finissait par chuchoter à et , les
directeurs du restaurant :
« Il a changé de bord, Serrault ? »
« Non, il travaille. »
« Ah ? drôle de boulot ! »
Et le client replongeait le nez dans son
assiette, tandis que Serrault continuait
ses œillades. De son côté, Mondy était
songeur, il discutait des costumes avec
Jean-Michel Rouzière.
46
« Les robes de Serrault ne vont pas… la
perruque non plus, d’ailleurs… Excuse-moi,
Michel, mais tu es trop belle, on dirait
Edwige Feuillère. Il faut tout refaire. »
« Tu veux que je ressemble à Yvette
Horner, c’est ça ? » interroge Serrault,
faussement indigné.
« Rassure-toi, tu n’es pas obligé de te
mettre à l’accordéon ! »
47
Dans son coin, Rouzière ne mangeait pas de
bon appétit. En bon directeur, il était en
train de calculer ce que cette histoire de
robe allait lui coûter. Il ne savait pas, bien
sûr, combien ça allait lui rapporter. Ah, les
affres de la création !… Et puis, il était
tracassé, ce directeur.
« Mes enfants, dit-il, le titre ne va pas ! »
Poiret s’inquiète : « Qu’est-ce que vous
reprochez à la « Cage aux Folles » ?
« C’est vulgaire ! et puis on va avoir les
homos sur le dos, il faudrait quelque chose
de plus drôle, et de plus élégant aussi. »
48
« Et vous avez une idée ? »
L’œil de Rouzière s’allume. Visiblement, il
n’attendait que cela. Avec un petit sourire
de contentement, il finit par dire :
« Oui, il faudrait appeler ça : « Prout » !
Mondy, qui était en train de porter sa
fourchette à sa bouche, s’arrête net. L’œil
de Poiret s’arrondit, Serrault ne sait pas
quoi dire… Bref, tout le monde est
médusé.
49
Et Rouzière enchaîne : « C’est drôle, ça,
Prout, non ? mais attention, avec un point
d’exclamation ! »
« Avec un point d’exclamation ? »
« oui…
« alors, là, évidemment, avec un point
d’exclamation, ça change tout ! »
« c’est amusant, non ?… non ?… enfin, c’est
une idée, comme ça… »
« Et qu’est-ce que tu disais, Pierrot, à
propos de la robe de Michel ?… »
interrompt Poiret.
Bref, l’idée de Rouzière n’a pas été
50
retenue… Ce titre est désormais libre, avis
au auteurs !…
Et la séance de travail s’éternisa ce soir-là
jusqu’à six heures du matin. Seuls dans le
restaurant, ils ont peaufiné « la Cage aux
Folles ». Christian Azzopardi et Francis
Nani se sont couchés bien tôt ce matin-là,
mais on ne bâtit pas des légendes toutes
les nuits… Ni dans tous les restaurants.
51
Un soir de novembre 1967, Jean Poiret et
Michel Serrault assistent à la première de
"L’Escalier", une pièce de Charles Dyer
racontant les tourments d’un couple
homosexuel vieillissant. Après le
spectacle, ils réfléchissent à une pièce
similaire mais traitée en franche comédie
(ils ont également en tête un de leurs
52
sketchs, joué huit ans plus tôt dans les
cabarets, "Les Antiquaires"). Poiret
n’écrira La Cage aux folles qu’en 1972, sur
l’insistance de Jean-Michel Rouzière, le
directeur du théâtre du Palais-Royal.
Jean Poiret est Georges, directeur d’une
boite de travestis à Saint-Tropez, et
Michel Serrault est Albin, dit "Zaza" sur
scène. "J’avais énormément travaillé mon
rôle, explique ce dernier. (…) En même
temps que mes costumes, j’avais essayé
plusieurs compositions pour ma voix.
J’avais trouvé une assez bonne solution qui
53
consistait en de brusques envolées dans
l’aigu, préférables à une voix de fausset en
permanence. L’extravagance du personnage
Zaza autorisait ces saisissants crescendos
qui marquaient la surprise, la colère ou la
joie et soulignaient mieux la démesure que
ne l’aurait fait une voix de bout en bout
affectée." La pièce est un triomphe, elle
est jouée 1500 fois pendant cinq ans. À la
millième, Poiret cède sa place à d’autres
comédiens : Henri Garcin, Michel Roux puis
Pierre Mondy (metteur en scène de la
pièce) se succèderont.
54
Les producteurs français ne se bousculent
pas pour autant pour en acheter les droits.
Seul Christian Fechner insiste auprès de
Pierre Mondy mais Poiret n’est pas
d’accord. "Il craignait la confusion. "Si
c’est pour faire "Les Dégourdis de la
11ème" ou "Deux folles sous les drapeaux"
disait-il, faisant référence aux films joués
par les Charlots, ce n’est pas la peine…""
C’est finalement un Italien, Marcello
Danon, qui obtient les droits en 1977. La
Cage aux folles va donc être une
coproduction franco-italienne, ce qui
55
nécessite un acteur transalpin pour jouer
le rôle de Georges (qui devient Renato à
l’écran). Ugo Tognazzi], pilier de la
comédie italienne, est choisi. "Ça me
convient très bien, me dit Jean, qui me
voyait triste pour lui, raconte Serrault. Je
t’assure que je n’ai pas de regrets !" Le
danseur américain Benny Luke conserve le
rôle de Jacob, le domestique noir, et
Serrault demande à ce que Michel Galabru
(son partenaire dans de nombreux films,
dont Le Viager) interprète le député
conservateur, rôle que tenait Marco Perrin
56
sur scène (et dont le nom passe de
Dieulafoi à Charrier).
Edouard Molinaro, qui sort d’un tournage
chaotique avec Alain Delon sur L’Homme
pressé, se voit proposer la réalisation. Il
connaît bien Serrault pour avoir tourné
trois films avec lui (dont La Chasse à
l’homme). "Il m’assura qu’il était heureux
de faire ce film avec moi, explique
l’acteur, même si ses préférences
n’allaient pas à ce genre-là. Sa franchise
l’honorait." Molinaro suggère que Jean
Poiret écrive l’adaptation de sa pièce avec
57
lui. Mais le travail est éprouvant.
"L’enthousiasme initial de Jean se
dégradait à mesure qu’il prenait
conscience de la spécificité de l’adaptation
cinématographique, qui n’avait rien à voir
avec l’écriture d’une pièce de théâtre. De
mon côté, je découvrais jour après jour la
fragilité de Jean et son extrême
sensibilité. Notre collaboration prit fin le
jour où il me déclara en pleurant (il
pleurait vraiment) qu’il n’y arriverait
jamais…"
Molinaro reprend alors le travail avec
58
Francis Veber. Dans un hôtel de l’île de
Saint-Martin, puis à Rome et enfin à
Deauville chez Claude Lelouch, le tandem
se heurte aux mêmes difficultés. "Il me
faut reconnaître ici l’acharnement du
travail de Veber. Je n’ai jamais connu
d’auteur capable, comme lui, de souffrir
des mois entiers sur un texte avant d’être
certain de son efficacité." Le scénario est
enfin terminé et accepté ; le tournage
peut commencer à Rome, aux studios de
Cinecitta.
Dans ses mémoires, Michel Serrault écrit
59
qu’"avec Ugo Tognazzi, l’entente fut
parfaite. Ugo avait bien vu, dès le départ,
que le rôle que tenait Jean dans la pièce
n’était pas le plus excentrique. Le
personnage qui allait faire de l’effet
restait Zaza Napoli, ses crises de jalousie
et ses colliers de perles. Ugo Tognazzi
avait compris que ça ne marcherait jamais
si son personnage voulait rivaliser avec le
mien. Il était trop grand acteur pour
tomber dans un piège pareil." Mais les
témoignages sur ce point divergent…
Très vite, l’acteur italien refuse de jouer
60
en français. "Il s’y était engagé par
contrat, raconte Veber, mais voyant à quel
point Serrault était prodigieux dans son
rôle, il décida de lui donner la réplique en
italien. Cela posa un double problème, au
tournage d’abord, au doublage ensuite.
Serrault ne parlant pas italien, il devait
guetter le dernier mot de la réplique de
Tognazzi pour enchaîner. Et Tognazzi, soit
par perversité, soit parce qu’il savait mal
son texte, changeait souvent ce dernier
mot. S’il devait dire "marmelade", il disait
"confiture" et Serrault se mettait à
61
patauger."
Molinaro tente un jour de le raisonner, lui
expliquant que son attitude n’aide ni son
partenaire, ni son metteur en scène.
Tognazzi entre dans une colère noire et,
jusqu’à la fin du tournage, fait régner une
ambiance d’affrontement, comme s’en
souvient Francis Veber. "Pendant des
semaines, il arrivait sur le plateau et
injuriait Molinaro devant toute l’équipe. À
l’italienne, hurlant, arrachant des pages du
script, s’attrapant les couilles à pleines
mains, pour mieux montrer son mépris." Le
62
cinéaste confirme que le tournage se
terminera "sans que jamais l’ambiance du
plateau ne retrouve un semblant de
sérénité".
Dans cette ambiance délétère, Michel
Serrault trouve du réconfort en la
personne du chef opérateur Armando
Nannuzi. "Je jouais pour cet homme dont,
à la fin des prises, j’apercevais les yeux
plissés par le rire silencieux, avec parfois
une petite larme de jubilation. Lorsque je
n’étais pas satisfait de mon jeu, Armando
le comprenait immédiatement et c’est lui-
63
même qui me disait :
"Tou vo pas le réfaire ? Pour moi…""
Serrault n’est pas le seul à être maquillé
et habillé de façon extravagante. Pour
échapper aux journalistes qui entourent le
bâtiment de la boîte de nuit, le député
Charrier doit se déguiser en femme. "On
me fait lever à quatre heures du matin, se
souvient Michel Galabru… On me maquille
longuement, avec minutie… On me
transforme en pouffiasse royale… En
talons hauts… Il était écrit que je devais
rouler un patin à Ugo Tognazzi. Quand il
64
m’a vu, il a articulé : "Qué horror ! Je
n’embrasserai pas oune telle horror…" Un
grand roman d’amour fut immédiatement
avorté !"
Un premier montage est projeté à Paris,
sans musique et avec la voix de Tognazzi.
Edouard Molinaro et Francis Veber sont
consternés mais Pierre Tchernia, appelé en
consultation, leur prédit un succès. Le
doublage en français "fut un véritable
casse-tête, explique Veber. Il y a toujours
une syllabe de plus en italien. "Vin" devient
"vino" et "putain", "putana". Beaucoup
65
d’acteurs tentèrent de doubler Tognazzi."
Plusieurs solutions sont également
envisagées ; dans la bande-annonce, Renato
parle ainsi français avec un accent italien.
C’est finalement Pierre Mondy qui prête sa
voix à Tognazzi, et sans accent (Michel
Beaune et Serge Sauvion lui succèderont
dans les deux suites).
La Cage aux folles rassemble cinq millions
de spectateurs et vaut un César à
Serrault, ainsi que trois nominations aux
Oscars (décors, scénario et réalisation).
67
Poiret et Serrault au cinéma
Jean Cléry a tout pour être heureux, il a
pour compagne la belle Lili et exerce sa
profession de chanteur dans la boîte de
68
Nuit de Paul Latour. Malheureusement ce
dernier est dans la ligne de mire de la
police qui le soupçonne d'être mêlé à
certaines affaires louches. Paul décide de
quitter la ville et confie la garde de sa
fille Brigitte à Jean. Mais Brigitte qui a
été élevé dans un pensionnat de luxe n'est
pas le prototype de la petite écolière sage,
elle est séduisante et déclenche
d'énormes catastrophes sur son passage.
Lili regarde ce baby sitting d'un très
mauvais oeil, Jean saura-t-il résister au
charme de Brigitte...
69
Roger et Paul sont amis et vendeurs dans
une maison de disques. Un jour, ils gagnent
une maison en banlieue suite à un concours
radiophonique et décident d'y cohabiter
70
avec leur épouses, Denise et Monique.
L'intrusion des beaux-parents et les
difficultés liées à la promiscuité mettent
l'amitié à rude épreuve. Finalement, les
deux hommes seront pères le même jour
et oublieront leurs petits différents...
71
Candidat aux élections municipales,
l'honnête libraire Aimé Morin est
compromis par un rival peu scrupuleux. Il
est en effet accusé publiquement de
débauche en raison d'une nuit de beuverie
dans une boîte de striptease. La gentille
soubrette Louisette aidera finalement à
l'innocenter...
72
Philippe d'Artois, voleur de classe,
surprend chez lui Lecagneux, un
cambrioleur. Il lui demande de l'aider à se
tuer, lui proposant une somme d'argent.
Mais Lecagneux a été condamne à la place
de d'Artois pour le meurtre du mari de la
maitresse de ce dernier, il y a des années.
L'assassin reste lui-même et se
débarrasse du voleur.
Anecdote : Cet avant-dernier film de
Sacha Guitry est également l'occasion
pour son auteur de renouer avec ses
premières amours : la comédie caustique.
73
L'arrestation et l'emprisonnement
d'Albert Lecagneux à la place du véritable
coupable, Philippe d'Artois, sont une
allusion évidente à son arrestation durant
la Seconde Guerre mondiale. Le film se
déroule de façon rigoureuse, jusqu'à son
cynique dénouement final. Pour la première
fois, Guitry est totalement absent de son
film : non seulement il ne joue pas, mais le
commentaire en voix off est assuré par
Jean Poiret.
74
Mme Barbara Onisse monte une
machination pour tester la fidélité de son
époux : la jeune comédienne Regina Rex le
rencontre "accidentellement", mais une
fois chez lui, le vole et se sauve. Deux
75
détectives sont charges de l'enquête, la
vérité est bientôt exposée au grand jour.
Jean-François Robignac, un professeur,
arrivé dans un lycée de province pour
76
enseigner les lettres a des troisièmes.
Très vite, il s'attire la sympathie des
élèves par sa jeunesse de langage. Mais les
parents tentent de le faire renvoyer
lorsqu'ils apprennent que Jean-François
utilise des mots d'argot pour rajeunir les
textes des écrivains.
Anecdotes : Ce n'est pas la première fois
que Michel Serrault incarne un enseignant,
deux ans auparavant, il a joué un
professeur dans un internat dans Les
Diaboliques, d'Henri-Georges Clouzot.
C'est le deuxième film dans lequel Michel
77
Serrault et Jean Poiret sont en haut de
l'affiche après le succès d'Assassins et
Voleurs, de Sacha Guitry, sorti en 1957.
À noter dans les seconds rôles Darry Cowl,
qui figurait aussi dans le générique
d'Assassins et Voleurs qui connaîtra un
succès la même année dans Le Triporteur
en tant qu'interprète principal.
78
Clara, fille d'un magnat du pétrole, ne voit
jamais ses parents. Un jour, des malfrats
la kidnappent pour demander une rançon.
Très vite, Clara conquiert ses geôliers...
79
Nina se partage entre son amant, Gérard
et son mari, Adolphe. Elle ne peut
renoncer ni à l'un, ni à l'autre. Finalement,
elle les met tous les deux au lit et décide
que vivre à trois doit pouvoir
s'improviser...
80
Miguel est un caissier de banque
injustement accusé d'avoir collaboré à un
hold-up. Un soir, dans un cabaret, il révèle
de réelles facultés de chanteur. Il est
engagé tandis que le directeur de sa
banque est démasqué. Miguel fait des
débuts très remarqués et reconquiert
l'amour de sa femme, Viviane, un instant
infidèle...
Anecdotes : Le public bon enfant du début
des années '60 pouvait reconnaitre les
têtes familières de tous les seconds et 3°
rôles (avec en prime les jeunes Jean
81
Carmet et Charles Aznavour - et Alberto
Sordi , que peu de monde avait remarqué
10 ans auparavant dans Les Vitelloni...) - et
apprécier la silhouette et le buste de
Magali Noel...
Aznavour en particulier provoquait une
vague de rires : dans la boite de nuit,
quand Moreno a lancé son final de tenor
bel canto , la cavalière d'Aznavour se
précipite vers lui, adulatrice, et Aznavour
la tire en arrière en maugréant; elle lui
lance alors : "Mais lui, il a de la voix !".
82
Le personnel de la direction des dons et
legs au ministère des cultes est
particulièrement fantaisiste, y compris
Lahirier, absentéiste fervent et
chansonnier à ses heures. Cascades de
mésaventures pour ce bureau de joyeux
compères.
83
Pauline Dupont ne veut pas épouser le
comte de Trivelin et la date de la
cérémonie approche à grands pas. Elle se
confie à un ami d'enfance, Labaule.
Malheureusement, il ne peut empêcher
l'irréparable, mais parvient à leur faire
éviter la consommation du mariage.
84
Anecdotes : Une première version de Vous
n'avez rien à déclarer ? a été tournée en
1937, réalisé par Léo Joannon, avec Raimu
et Pierre Brasseur.
Pauline Carton figure dans la version de
1937.
85
Une panthère serait la réincarnation de
l'épouse d'un colonel décédée en Afrique,
puis celle de la "future" d'un jeune homme.
Une folie que certains partagent avant que
le colonel vienne y mettre fin...
86
Le film est constitué de 7 sketches
réalisés par 7 réalisateurs français, qui
résument les étapes amoureuses des
femmes françaises dans les années 1960
:Gisèle Bazouche, neuf ans, demande
«comment viennent les enfants» à ses
parents. Ne sachant que lui répondre,
ceux-ci, concierges d’un immeuble parisien,
sollicitent l’aide de plusieurs locataires :
une prostituée, un colonel et un
enseignant…
Bichette Martin ressent ses premiers
émois d’adolescente. Effarouchée devant
87
le médecin de famille appelé en renfort,
elle le sera beaucoup moins le jour où elle
le rencontrera par hasard, à moitié nu sur
une plage.
La jeune Ginette est fiancée à François.
Ce dernier est contrarié, car Ginette,
toujours vierge, voudrait attendre d’être
mariée pour passer à l’acte. Les
tourtereaux décident finalement de
consommer à l’issue d’une sortie en boîte.
Dans le train qui les emmène en voyage de
noces, les jeunes mariés Line et Charles
commencent à se chamailler pour des
88
peccadilles et se font des scènes de
jalousie à cause du moindre regard ou
sourire échangé avec d’autres passagers.
Nicole déchante à côté de son mari Jean-
Claude, un homme imbu de sa personne.
Elle commence à flirter avec Gilles, un
jeune dragueur. Jean-Claude découvre par
hasard leur relation et va y mettre fin
tout en continuant à entretenir ses
discrètes relations adultères...
Danielle et Michel divorcent en se
promettant de rester en bons termes.
Leurs avocats et la famille vont se charger
89
de leur créer des griefs et transformer
leur relation en luttes intestines.
Un escroc, Désiré, use de ses talents de
séducteur pour dépouiller trois conquêtes
féminines esseulées.
90
Charmeur et innocent, Candide est
vigoureusement chassé par le baron, pour
avoir serré de près la mignonne
Cunégonde. La Seconde Guerre mondiale
éclate, mobilisé et fait prisonnier, il est
contraint de prendre la nationalité
allemande et se retrouve à garder le camp
où il était prisonnier. Il passe en Suisse,
mais ne disposant pas de compte en
banque, il est incarcéré pendant huit jours
pour violation de territoire. Traqué par la
Gestapo, il tue deux hommes pour délivrer
Cunégonde enfin retrouvée. Ils fuient tous
91
les deux en Argentine et leur tour du
monde commence. À Paris, à Moscou, à
New York, à Bornéo ou à Alexandrie. Ils
essaient de se conformer à la règle de vie
optimiste du docteur Pangloss. Ballotés,
séparés, ils se retrouvent vieillis et
assagis, ne pensant plus qu'à cultiver leur
jardin en bordure de la Méditerranée...
Anecdotes : Critique acerbe et satire du
monde, le film passe en revue les sujets
les plus sensibles de l'époque : la
collaboration et ceux qui ont profité de la
guerre, les camps d'extermination (on voit
92
des délégués de la Croix Rouge visiter un
camp pendant qu'une cheminée de four
crématoire fume au loin), les malgré-nous,
les guerres coloniales suivant la Seconde
Guerre mondiale, le stalinisme, les «
opérations de maintien de la paix » menées
par les États-Unis et l'Union soviétique, la
ségrégation et le port d'armes aux États-
Unis.
93
De retour avec sa moto des vacances,
Albert fait la rencontre d'une espiègle et
forte exubérante demoiselle prénommée
Françoise qui vit par procuration à travers
la presse du coeur. Elle parvient à
persuader le garçon de l'emmener à Paris
qu'elle découvre ravie, ébahie, en parfaite
provinciale. Hébergée par son oncle,
rédacteur en chef d'un journal à
scandales, notre gamine devient la vedette
d'un roman à épisodes; ce qui lui fait
rapidement tourner la tête, négligeant
stupidement les sentiments d'Albert qui
94
tente de la convaincre de la futilité de ses
aspirations...
Un éditeur de livres religieux se trouve
entrainé dans de cocasses et
95
mouvementées aventures après son
mariage avec une danseuse de twist
farfelue.
Les Quatre Vérités est un film à sketches
franco-italo-espagnol sorti en 1962. Il est
96
composé de quatre fables de La Fontaine :
Le Corbeau et le Renard, réalisation :
Hervé Bromberger
La Mort et le Bûcheron, réalisation : Luis
Berlanga
Le Lièvre et la Tortue, réalisation :
Alessandro Blasetti
Les Deux Pigeons, réalisation : René Clair
97
Au soir de la « première » de sa nouvelle
pièce dans un théâtre des Boulevards,
Germain regagne sa calme propriété
banlieusarde pour y goûter les joies de la
vie conjugale et de l'amitié. Il est
heureux, en effet, de retrouver sa
charmante épouse, Rika, sa dévouée et
jolie secrétaire, Josette, et ses deux
inséparables amis : Robert, un camarade
de guerre qui ne le quitte jamais, et Louis,
son collaborateur littéraire. Au moment où
Germain franchit le perron de sa demeure,
une cheminée s'abat presque sur lui. Cette
98
chute insolite, bientôt suivie de la rupture
des freins de sa voiture, ne laisse pas de
l'inquiéter. Ne serait-il plus en sécurité
chez lui ? Qui donc voudrait le supprimer ?
Germain charge alors un détective privé,
Rossignol, de mener l'enquête. Il croit à
tort que sa femme le trompe avec son ami
Louis et que ce dernier, aidé du parasite
Robert, ne cherche qu'à le supprimer.
Alors, pour se venger, lui, le spécialiste au
théâtre du crime parfait, décide de les
assassiner ; mais, tandis qu'il déploie des
trésors d'ingéniosité farfelue pour arriver
99
à ses fins, une main inconnue, et combien
habile, devance tous ses crimes. Il y a de
quoi perdre la tête ! Et c'est ce qui se
produit lorsque Germain, se croyant
trompé, découvre que sa secrétaire dont il
a fait, par dépit, sa maîtresse, est une
femme escroc au service du maître-
chanteur Rossignol, et que sa gentille
épouse, Rika, a décidé de supprimer les
ennemis de son mari pour le protéger.
Tout ce joli monde, survivant, sera
dépêché d'urgence à l'hôpital
psychiatrique, accueilli par un professeur
101
Henri et Sophie formeraient un couple
charmant si le jeune homme n'était pas
d'une jalousie maladive.
Sophie en souffre beaucoup dans sa vie
sociale, et il lui est impossible de garder
un travail. Un jour, elle fait la
connaissance du patron d'Henri qui voit en
elle une très bonne assistante.
Mais Henri à bien du mal a supporter
cela...
102
Une oeuvre d'art d'une grande valeur a
été volée. Passée de mains en mains, elle
échoue dans le hangar des Dujardin des
poissonniers.
Mis au courant, les antiquaires, les
resquilleurs et les chercheurs de bonnes
103
affaires ne tardent pas à arriver chez les
Dujardin qui ne savent même pas qu'ils
possèdent une œuvre d'art...
104
Les aventures rocambolesques d'une
voiture qu'un vendeur d'occasions
s'évertue à réparer. Appartenant à une
comtesse peu soigneuse, l'auto va passer
de mains en mains, débutant une carrière
de taxi, puis employée par une auto-école...
Mais la bonne occase qu'elle était est trop
endommagée, et un drôle de sort lui est
réservé.
105
Gaston Berrien est chapelier et père d'un
garçon et d'une jeune fille de 17 ans. Un
jour, arrivé dans sa boutique, un client
dont la préoccupation est beaucoup plus de
connaitre le chiffre d'affaire de Berrien
106
que de trouver un chapeau à sa taille. Et le
commerçant a raison de s'inquiéter, car
son commerce n'est qu'une couverture.
Anecdotes : les dialogues sont de Jean
Loup Dabadie, la musique de Georges
Garvarentz et les paroles de Charles
Aznavour.
107
À la frontière Gréco-Danoise, dans une
ville imaginaire, se trouve un savant
quelque peu original qui essaye de trouver
un carburant révolutionnaire.
Monsieur Baratin, son voisin qui est consul,
lui propose de continuer ses recherches à
Paris...
108
Un industriel aurait tout pour vivre
heureux si sa famille ne lui causait pas
tant de soucis.
Pour remplacer Hector Grogenol, le patron
tyrannique de l'usine "Tout pour le
camping", mis hors d'état de nuire, des
collaborateurs font appel à son cousin
109
Achille, un berger provençal, pensant se
servir de lui. Mais celui-ci va très vite
prendre son rôle de PDG au sérieux et se
montrer velléitaire. Heureusement, la
jeune secrétaire Martine, saura user de
ses charmes pour calmer cet homme ayant
soif de pouvoir.
110
Comme dans "Ces Messieurs de la Famille
", Gabriel Pelletier, directeur commercial
promis à un brillant avenir, se retrouve au
bord de l'infarctus, à cause de sa famille.
Sa fille, Nicole, s'est amourachée d'un
étudiant révolutionnaire, fils d'un truand
sicilien. Son beau-frère, Bernard, obsédé
par les femmes, est bientôt "vampé" par
une des filles dudit sicilien, Marco
Lombardi. Son frère, Albert, est cinéaste
d'avant-garde et lui aussi compromis par
Lombardi. La bonne, elle, est militante
maoïste ! Après avoir tenté de remettre
111
de l'ordre dans tout cela, Gabriel par seul
sur les chemins, loin de sa famille...
Un homme politique vit dans la crainte de
rencontrer un truand dangereux qui
112
cherche à se venger de lui. Il se fait
doubler dans tous ses déplacements
électoraux par son cousin (un parfait
sosie) pour jouer le rôle de
"paratonnerre". Les films de Pierre
Tchernia (d'une rareté hélas regrettable)
sont à chaque fois d'une évidente
sympathie. Bande de copains, clins d'oeil
cinéphile et tendre humour parsèment son
oeuvre qui garde une drôlerie constante et
procure un délassement certain.
Répliques : Un cadre du CIP : Remettre
Perrin en question à 5 jours des élections,
113
c'est vraiment du suicide.
Raoul Garrivier : Il n'y a pas que Perrin !
Le CIP, c'est pas uniquement Perrin. Pour
affronter Favereau, il ne manque pas
d'hommes au passé moins discutable.
Gilbert Brossard : En tout cas, tout le
monde n'a pas eu la chance de se retirer à
28 ans après s'être fait siffler une demi-
heure dans le Lac des Cygnes.
Gisèle Brossard : Faut se produire pour se
faire siffler ! C'est déjà une chose que
t'as pas à craindre...
Gilbert Brossard : Tout ça parce qu'on ne
114
veut pas jouer n'importe quoi. Parce qu'on
a une conception un peu élevée de l'art
dramatique, alors voilà ce qu'on entend.
Gisèle Brossard : (imitant la pub pour le
déodorant) Pschitt pschitt !
Un flic en civil : (tapotant sur le toit de la
voiture, une R5 Alpine) Ça marche bien ces
petites choses-là, on a eu du mal à vous
suivre ! (puis se présentant) Commissaire
Javert !
Jean-Louis Constant : ... ! ... ! Javert ???
Le flic en civil : Oui, oui, c'était mon
grand-père.
115
Jean-Louis Constant : Vous êtes une belle
ordure, hein !
Martial Perrin : Mesurez vos paroles,
Constant ! C'est moi (Perrin) !
Jean-Louis Constant : Oui, oui, je sais bien
Roland Favereau : (lançant le débat
télévisé) Eh bien, puisque nous en sommes
à la minute de vérité, dites-nous donc,
Perrin, le rôle exact que vous avez joué
dans cette mystérieuse affaire de
Djibouti.
Gilbert Brossard (dans la peau de Martial
Perrin) : Ah ! Ah ! Je suis heureux... je suis
116
heureux que vous me posiez la question.
C'est une question intéressante. (Long
silence, puis soudain, surprenant tout le
monde) Laissez-moi finir ! Je ne vous ai
pas interrompu quand vous parliez !
Shazaman al Rachid, cruel calife de
117
Bagdad, vient à Paris pour étudier la
guillotine au Salon de la torture et de
l'équipement de bourreau. Pendant ce
temps, le peuple français gronde. Les sans-
culottes ont faim, soif et ras-le-bol.
Quant au roi, le brave Louis XVI, il n'a
qu'une passion : la serrurerie. A Versailles,
sa petite femme chérie, Marie-Antoinette,
fille de l'empereur d'Autriche, joue à la
fermière et soigne ses blancs moutons. Le
couple royal n'interrompt ses activités
qu'à l'heure des repas, pour se gaver de
choucroute...
118
Papu, chiffonnier de son état, s'est fait
renverser par une voiture et prétend être
paralysé des deux jambes. Il envisage un
pèlerinage à Lourdes et compte sur le
119
"miracle" qui lui permettra de récupérer
l'usage de ses jambes et de garder le
magot de l'assurance. Fox, dit le Terrier
et assureur muet, se méfie de la
supercherie et prend le train des pèlerins.
Une comédie burlesque qui dénonce les
profiteurs de la foi et le commerce de la
religion, un vaudeville sans doute trop
caricatural pour être crédible...
Anecdotes : Ce film n'a pas été tourné à
Lourdes, exceptées quelques images
d'ensemble qui semblent être plus prises à
la volée que réellement pensées. En effet,
120
les autorités n'ont pas vraiment apprécié
le scénario. La grotte et son bassin, qui
n'existe d'ailleurs pas en l'état ont donc
été recrés, et légèrement modifiés pour le
film.
Dernier film dans lequel Michel Serrault
et Jean Poiret jouent ensemble.
Jean-Pierre Mocky réalisa la bande-
annonce du film (la saynète où le
réalisateur se confie au confessionnal).
Jeanne Moreau et Michel Serrault se
retrouveront en 1991 pour La vieille qui
marchait dans la mer.
121
Ce n'est pas la première fois que Mocky
s'attaque à la religion chrétienne : en
1963, il avait signé Un drôle de paroissien,
qui montrait le personnage principal
(incarné par Bourvil) piller les troncs des
églises. À noter que Jean Poiret, qui
incarne l'un des personnages principaux du
Miraculé a aussi un rôle principal dans Un
drôle de paroissien.
Mocky a bien choisi la date de sortie du
Miraculé : un 18 février. Il s'agit du jour
de la Sainte Bernadette, à qui la Vierge
serait apparue.
122
Le théâtre de Poiret Serrault :
1955 : L'Ami de la famille de Jean
Sommet, mise en scène Bernard Blier,
Comédie Caumartin
1958 : Monsieur Masure de Claude
Magnier, mise en scène Claude Barma,
Théâtre des Célestins
Jacqueline, une jeune femme qui se
trouve délaissée par son mari … comme par
son amant, prend un somnifère. Alors
qu'elle dort, Monsieur Masure, victime
d'une panne de voiture, pénètre dans la
maison pour y téléphoner, boit le verre à
123
moitié vide qui contient le somnifère, et se
retrouve endormi à côté de Jacqueline
sans l'avoir vue. Robert, le mari, arrive ….
1963 : Sacré Léonard de Jean Poiret et
Michel Serrault, mise en scène André
Puglia, Théâtre Fontaine
1966 : Opération Lagrelèche de Jean
Poiret et Michel Serrault, Théâtre
Fontaine
125
1969 : Les Grosses Têtes de Jean Poiret
et Michel Serrault, mise en scène Jean
Poiret et René Dupuy, Théâtre de
l'Athénée
1969 : Le Vison voyageur de Ray Cooney &
John Chapman, mise en scène Jacques
Sereys, Théâtre du Gymnase
126
Extrait de la Cage aux Folles
GEORGES : Bonjour
ALBIN : Bonjour Trotty
GEORGES : Ah non je t'en prie ! Cesse de
m'appeler Trotty ! A quoi ça ressemble
Trotty ?
ALBIN : Je t'ai toujours appelé Trotty.
GEORGES : Ben oui, mais y'a un age
plafond pour appeler les gens Trotty
ALBIN : Je t'appellerai pépé maintenant
GEORGES : Entre pépé et Trotty, on doit
pouvoir trouver un moyen terme…
ALBIN : Tu n'étais pas bien cette nuit ?
127
Tu as fait chambre à part !
GEORGES : Je me sentais agité. J'ai
préféré coucher dans le bureau pour ne
pas te gêner
ALBIN : Au fait tu ne m'avais pas dit que
Laurent rentrait !
GEORGES : Je te l'ai dit
ALBIN : Menteur !
GEORGES : Je te l'ai dit la semaine
dernière. Mais tu ne m'écoutes jamais
quand je parle. Tu lis le journal à table. Tu
lis modes et travaux en permanence…
ALBIN : La vérité, c'est que tu ne
128
supportes pas de partager ton fils. Mais
de là à me gommer parce que Laurent
arrive …
GEORGES : Oh ! Je ne te gomme pas ! Il
faudrait une grosse gomme à encre !
ALBIN : Tu as vraiment les nerfs à fleur
de peau, mon pauvre chéri !
GEORGES : ( Changeant de ton pour
l'amadouer ) : Oui, parce je suis fatigué.
Et je ne suis pas le seul ! Si, si. Depuis
quelques jours je remarque des anomalies
dans ton comportement. Je ne t'en parle
pas parce que j'ai soin de ton confort
129
moral… Mais tu ne vas pas bien Albin. Tu
files un mauvais coton en ce moment. Je
me demande si tu ne me fais pas un peu
d'anémie. Tu me ferais bien une petite
pointe d'anémie…
ALBIN : Pourtant je me sens bien….
GEORGES : Tu te sens bien ! Mais regarde
ta mine ! Moi, je tire la sonnette d'alarme.
Tu t'es vu, ce matin ? Tu es vert !
ALBIN : Oh ! Je suis tout bronzé !
GEORGES: Tu es vert bronze! C'est ça le
drame ! Mais c'est normal, Albin, nous
sommes en fin de saison, tu n'as pas pris
130
de vacances, c'est de la folie !
ALBIN : Je ne prends jamais de vacances
l'été !
GEORGES : Tu ne prenais pas de vacances
d'été jusqu'alors. Mais tu n'as plus vingt
ans. Seulement, ça, tu ne l'admets pas.
Alors on va ; On va jusqu'à la limite de ses
forces, et puis un beau jour on s'écroule !
ALBIN : Je t'assure que je me sens très
en forme
GEORGES : C'est curieux cet entêtement
des gens à ne pas se rendre à l'évidence !
Ménage-toi Albin !
131
ALBIN : Dis donc, il y a longtemps que tu
ne t'es pas occupé de moi avec autant de
sollicitude !
GEORGES : Je veille sur toi en
permanence, tu le sais très bien.
Seulement je le fais avec infiniment de
discrétion
ALBIN : Ca, c'est vrai. On ne s'en
aperçoit pas !
GEORGES : C'est ça la grandeur d'âme
ALBIN : Qu'est ce que tu as ma Toutoune
GEORGES : ( s'oublie un instant, puis
reprend vite son travail en douceur ) : Ah
132
zut ! Quand ce n'est pas Trotty, c'est ma
Toutoune! Je n'ai rien. J'ai simplement
que je ne tiens pas à te voir finir dans une
maison de santé, parce que, tu sais, mon
petit Albin, je te mets en garde : tu vas
craquer ! Tu es déjà plein de fissures, mais
tu vas craquer !
ALBIN : Pourquoi me dis tu ça ? Tu me
fais peur ! On t'a fait des réflexions ?
GEORGES : ( qui intensifie son travail au
corps ) : Justement ! Et c'est pour ça que
je te pose la question. On dirait que tu
crains de me parle. Qu'est ce qu'il y a ? Tu
133
te sens fatigué§ ? Tu vois, je te tends la
perche, je ne peux pas faire mieux. Tu
veux te reposer ? Tu veux arrêter le
spectacle pour te reposer, ne serais ce
que… trois jours ?
ALBIN : En septembre nous verrons
GEORGES : Pourquoi attendre septembre
? Pourquoi accumuler de la fatigue
supplémentaire ? Si tu dois te reposer,
fais le, mais fais le tout de suite. ( Décidé
) Allez ! Moi, je prends le taureau par les
cornes ! Tu sais ce que tu vas faire ? Tu
vas prendre ton petit baluchon et tu vas
134
partir trois jours, pour le week-end.
ALBIN : La vedette du spectacle ne va pas
s'absenter pour le week-end
GEORGES : La santé avant tout !
ALBIN : ( subitement affolé ) : Georges tu
as appris quelque chose. Le docteur
Deslandes t'as dit quelque chose que tu
me caches…
GEORGES : Oh ! Ne vas pas te mettre
martel en tête ! Ca n'est pas la dame aux
camélias non plus, il ne faut pas exagérer !
Mais il me semble que trois jours de repos
en fin de saison te redonneraient une
135
bouffée d'oxygène.
ALBIN : Alors partons ensemble pour
Dieppe !
GEORGES : Pour Dieppe ?
ALBIN : Trois jours à Dieppe.
GEORGES : Ah ! Non ! Moi, je ne pars pas
pour Dieppe. Le voyage me fatigue
maintenant. Avec le décalage des fuseaux
horaires. Et puis on ne va pas lâcher la
boite tous les deux en même temps.
ALBIN : Tu vas rester seul ?
GEORGES : Trois jours, je n'en mourrai
pas. Je me ferai des pâtes, j'ouvrirai des
136
boites. Et puis tu rentreras, tu seras bien
reposé : ce sera mieux pour tout le monde.
ALBIN : ( s'emportant ) :j'ai dit non ! Je
tiendrai le coup jusqu'en janvier, nous
n'aurons qu'à rester un peu plus longtemps
à la Bourboule.
GEORGES : ( adoptant le même ton ) : Je
ne sais même pas pourquoi je discute. Il
faut toujours que tu aies le dernier mot.
Tu avoueras que tu as vraiment un
caractère de cochon !
ALBIN : Oh !
GEORGES : Y'a trop longtemps que je me
137
contiens ! C'est lâché ! Il fallait que ça
sorte, sans ça j'aurais eu une éruption de
boutons sur tout le corps.
ALBIN : Dis donc mon petit Georges, je ne
suis peut-être pas très fin, mais quand on
me mets les points sur les « i », je finis
par avoir des lueurs
GEORGES : Qu'est ce qui te prend ?
ALBIN : Tu cherches à m'évincer !
GEORGES : Oh ! Pourquoi dis tu ça ?
ALBIN : Tu cherches à m'évincer pour le
week-end
GEORGES : (le regard fuyant) : pas du
138
tout
ALBIN : Il y a un homme dans ta vie !
GEORGES : Ah ! Voilà !
ALBIN : Tu en es fou et tu pars avec lui
pour le week-end
GEORGES : Oh !
ALBIN : ( dramatique) Tu veux m'éloigner
avec Jacob hein ? Pas de témoin ! Eh bien
non, je ne jouerai pas pour le week-end,
mais tu ne pourras pas faire un pas, je ne
te laisserai pas !
(Albin s'effondre en larmes)
GEORGES : Les écluses sont ouvertes !
139
ALBIN : Quinze ans ! Quinze ans de vie
commune pour en arriver là ! (Il se jette
sur le canapé)
GEORGES : Ne te répands pas sur le
canapé ; tu vas me mettre du rimmel
partout.
ALBIN : Tout ça parce que j'ai un peu
épaissi…
GEORGES : Mais ça n'a rien à voir !
ALBIN : Parce que j'ai perdu mon galbe…
GEORGES : Ce n'est pas parce que tu as
pris dix huit kilos en six semaines que tu
as perdu ton galbe ! (Albin prend un
140
coussin et en menace Georges ) Oh ! Albin
!… C'est la première fois que tu oses lever
le coussin sur moi. ( Georges prend sur la
coiffeuse une houppette ) ne recommence
pas ou je t'envoie la houppette ! Tu ne me
connais pas quand je suis en fureur ! Je
t'envoie la houppette à toute volée et je
te brise un genou ! Tu n'as pas honte ?
C'est monstrueux ce que tu fais là !
ALBIN : Quel age a-t-il ce bonhomme ?
Tout jeune? Mineur ?
GEORGES : Zut !
ALBIN : Tu as trop de tentations sur la
141
cote, je ne veux plus rester ici. Je veux
que nous vendions et que nous allions nous
installer en Corrèze ou dans un bassin
minier…
GEORGES : Tu veux t'installer dans un
bassin minier, et tu ne veux pas que je
fréquente de mineurs ! Faut être logique !
ALBIN : De toute façon, je saurai qui
c'est, parce que à partir de cet instant, je
ne te lâche plus ! Tu sors, je sors. Tu
téléphones, je prends l'écouteur. Tu ne
pourras même pas le prévenir, tu ne
pourras même pas lui donner un autre
142
rendez vous. Je ne me laisserai pas
déposséder. (Il s'écroule à nouveau)
GEORGES : C'est Sarah Bernhardt enfant
! La crise est passée ? On peut vous
adresser la parole, madame Bovary ? Bon,
alors écoute moi une seconde avec
sérénité, si ça t'es possible. Tu aimes
Laurent ? Tu as de l'affection pour lui ?
ALBIN : Qu'est ce que ça a à voir avec
Laurent ? Ne noie pas le poisson !
GEORGES : Ecoute moi. Pour le bonheur de
Laurent, pour le bonheur de l'enfant, pour
le bonheur du tout petit, il est absolument
143
indispensable que tu t'absentes trois jours
ALBIN : Expliques toi !
GEORGES : Parce que… Laurent va se
marier
ALBIN : Pauvre petit bonhomme ! Et tu
m'annonces ça comme ça !
GEORGES : Je ne vais pas t'envoyer un
faire part ?
ALBIN : Mais c'est de la folie ! Il est
beaucoup trop jeune ; il va gâcher sa vie !
GEORGES : J'ai dit, j'ai dit tout ça. Tout
ce qu'un père peut dire, je l'ai dit.
Toujours est-il qu'il a l'intention de se
144
marier, avec une fille…
ALBIN : Quelle horreur !
GEORGES : …une fille que j'ai aperçue au
début de la saison
ALBIN : Pourquoi ne m'en as tu pas parlé ?
GEORGES : Parce que Laurent sort avec
des filles depuis qu'il a quinze ans et que
je ne t'en parle pas à chaque fois
ALBIN : Tu le laisses trop libre
GEORGES : En tout cas, un fait est
certain : c'est que les éventuels beaux-
parents débarquent ici à la fin de la
semaine…
145
ALBIN : C'est pas vrai
GEORGES : Si ! Que le père se présente
aux élections contre Barnier, et que son
intention est de fermer les boites de
bonshommes
ALBIN : Elle est folle celle-là !
GEORGES : C'est te dire que ces gens ne
me semblent pas doués d'une largeur de
vue panoramique, et qu'en conséquence, il
importe qu'ils aient de cette maison une
impression irréprochable
ALBIN : Mais Georges, nous ferons tout
pour
146
GEORGES : C'est vraiment le béret
basque à la narine. Si nous devons faire
tout pour, comme tu le dis très justement,
il serait peut être souhaitable que tu ne
sois pas là lorsqu'ils viendront. Nous
aurions peut être plus de chances, toi
absent ! Je ne sais pas si je me fais bien
comprendre ?
ALBIN : Georges tu réalises ce que tu me
demandes ?
GEORGES : Tout à fait !
ALBIN : Tu me rejettes ! Tu m'exiles
comme un lépreux, quand notre fils se
147
marie !
GEORGES : Oh ! Notre fils ! Puis quoi
encore ? Tu ne veux pas une prime
d'allaitement pendant que tu y es ?
ALBIN : Tu me répudies, moi qui ai passé
des nuits entières à veiller sur sa variole…
GEORGES : C'était une varicelle !
ALBIN : Et alors ? C'est aussi contagieux !
(Albin éclate en sanglots)
GEORGES : C'est reparti !
ALBIN : Je suis donc un monstre, qu'on ne
veuille pas me montrer ?
GEORGES : Tu n'es pas un monstre, Albin,
148
mais enfin….
ALBIN : Quoi ?
GEORGES : Tu as des manières….
ALBIN : Quelles manières ?
GEORGES : Regarde-toi dans une glace de
temps à autre. Tu as des manières ! Des
manières charmantes, mais qui peuvent
surprendre des gens non avertis ! ( Il a
ponctué sa période d'un geste
particulièrement gracieux)
ALBIN : (pouffant) : Tu peux parler !
GEORGES : Quoi ?
ALBIN : Tu t'es vu toi ? ( Albin l'imite) «
149
Qui peuvent surprendre des gens non
avertis »…
GEORGES : Oui mais, la grande
différence, c'est que chez moi, ça peut
passer pour de la distinction. 9a fait
britannique. Chez toi, ça fait louche.
ALBIN : Je te parie que je donne
beaucoup mieux le change que toi !
GEORGES : Le change ? Il y a eu une
dévaluation alors… !
ALBIN : Parce que, moi, j'ai de la carrure
GEORGES : On peut appeler ça comme ça
ALBIN : Alors que toi malheureusement tu
150
fais sylphide
GEORGES : Je fais sylphide ?
ALBIN : Moi, j'ai du poids quand je
marche
GEORGES : Même quand tu ne marches
pas
ALBIN : Toi c'est « mon truc en plumes »
GEORGES : Mon quoi ?
ALBIN : « Mon truc en plumes ». Toi,
c'est zizi, c'est tout zizi !
GEORGES : En tout cas, zizi ou pas zizi,
moi je suis le père. Alors, un, ça peut aller,
le doute peut flotter. Deux, ce n'est pas
151
possible. Chlac ! Voilà ce qu'elle vous
envoie la sylphide !
ALBIN : Ecoute-moi bien, Georges, si dans
une circonstance comme celle-ci, je dois
quitter cette maison, je n'y remettrai plus
les pieds
GEORGES : Ah bon ! Le chantage !
ALBIN : C'est un affront que je ne
supporterai pas
GEORGES : Oh ! La marquise est coincée !
ALBIN : Je te le dis calmement, mais avec
une résolution inébranlable
(Ils se regardent en silence. Georges sent
152
bien qu'Albin ne bluffe pas)
GEORGES : Merci ! On ne peut pas dire
que tu me facilites la tache ! Ah ! J'en ai
marre de cette tôle ! Un jour qu'il pleuvra,
je me foutrai dans une flaque et vous ne
me retrouverez pas. Mais qu'est ce que tu
veux que je fasse de toi ?
ALBIN : Comment ça ?
GEORGES : À ces gens qui vont venir, en
tant que quoi veux-tu que je te présente ?
ALBIN : Je pourrais très bien être son
oncle !
GEORGES : Tu n'as pas une tête d'oncle !
153
Si tu veux t'incruster, je te verrais mieux
en précepteur
ALBIN : Laurent est gentil mais il n'a pas
l'air d'avoir été élevé par un précepteur
GEORGES : Je dis un précepteur, ou un
majordome ! Un vieux majordome, presque
de la famille ; un vieux valet d'écurie…
ALBIN : Tu veux vraiment me reléguer à
l'office. Si tu avais épousé une femme qui
boit, tu ne la ferais pas passer pour ta
bonne
GEORGES : Oui, mais, ce serait une femme
! Et dans un foyer, vis-à-vis des gens, une
154
ivrognesse est plus présentable qu'un
pédéraste !
ALBIN : Eh bien mon cher ami, il fallait
vous apercevoir de cela avant !
(Georges regarde Albin beurrer ses toasts
comme une vielle habituée des salons de
thé)
GEORGES : Regardez le ! Il est là, comme
un gros matou, installé dans ses confitures
et dans son beurre ; il en bave ! On
mettrait des pommes de terre en dessous,
tu ferais des frites ! Ah ! Tes enfants ne
te posent pas de problèmes à toi !
155
ALBIN : Oh ! Drame du père ! Saynète
humoristique ! Tout ça parce que tu as eu
un bébé par hasard, un soir de beuverie
GEORGES : Je t'interdis de dire ça
ALBIN : Quoi ! Tu n'étais pas saoul quand
tu t'es envoyé ta fameuse Simone, ce
boudin ?
GEORGES : (Piqué) ce n'était pas un
boudin. C'était le plus beau mannequin des
Folies Bergère
ALBIN : Toi quand tu as bu, tu te
jetterais sur n'importe qui. C'est la bête
GEORGES : Pas du tout ! Une occasion se
156
présentait : je me suis dit « Allons-y ! Il
faut tout connaître ! On en parle
tellement, faut voir ce que c'est ». Et ça a
été une très belle aventure.
ALBIN : Laisse moi rire
GEORGES : Ça a quand même duré de
minuit à trois heure moins le quart. Et ça a
suffi. La preuve : Laurent
ALBIN : Parlons en ! Elle n'en voulait pas
de ce gosse. C'est toi qui me l'as dit
GEORGES : Ben évidemment ! Elle était
avec l'ambassadeur de Bolivie à l'époque ;
c'était délicat…Mais ça a été, malgré tout,
157
une très bonne mère
ALBIN : Une bonne mère ? Elle a du le voir
quatre fois depuis sa naissance. Si je
n'avais pas été là pour l'élever !
GEORGES : Oh ! Je t'en prie ! Elle l'a
quand même porté un certain nombre de
mois. Il y a un nombre légal… je ne sais
plus treize, quatorze. Ce n'est pas toi qui
en aurais fait autant.
ALBIN : Oh ! Il me semble que j'aurai
attendu moins longtemps. En tout cas, dès
sa naissance, la mère admirable, elle te l'a
refilé, le bébé
158
GEORGES : Je ne pouvais pas abuser de
son temps indéfiniment. Puis vis-à-vis de
l'ambassadeur, ce n'était pas envisageable
ALBIN : Parce qu'il était encore avec elle
GEORGES : Non, mais il était avec moi
depuis trois mois et demi
ALBIN : Ta vie est vraiment un égout, mon
pauvre Georges
GEORGES : (dont la colère monte) ma vie
est peut être un égout, mais maintenant,
espèce de vielle chamelle !
ALBIN : Oh !
GEORGES : Il va falloir t'y mettre !
159
ALBIN : A quoi seigneur ?
GEORGES : Parce que je te préviens, si
Laurent rate son mariage par ta faute – tu
les vois mes petits poings ? Ils sont prêts
à partir–, je ne te le pardonnerai pas.
ALBIN : Comme tu me regardes ! Tu me
fais peur !
GEORGES : Ah ! Tu ne veux pas céder la
place ! Ah ! Tu veux jouer les oncles
gâteaux ! Eh bien, il va falloir qu'ils se
virilisent, les oncles ! Il va falloir qu'ils
apprennent à tenir leur biscotte comme
des males, à beurrer leur tartine comme
160
des débardeurs et à boire leur thé comme
des forts des halles, les oncles ! Allez on
se tient droit, pour commencer, pas
comme une chochotte !(Il fait voler les
coussins sur lesquels Albin est avachi)
ALBIN : (pleurniche) Mais qu'est ce qui te
prend ?
GEORGES : je vais t'apprendre, moi, à
vivre les fesses sur le velours et sur le
satin, comme une poule de luxe ! A la dure
maintenant : les fesses sur le coton. On va
te la faire ton éducation de bonhomme !
Prends ta biscotte (Albin veut prendre la
161
biscotte, de façon un peu virile et la casse.
Georges en reçoit les éclats) n'essaie pas
de me blesser avec une biscotte ! Pour
toucher l'assurance vie ! Tu crois que je ne
le vois pas ton manège ? Le crime parfait,
une biscotte en pleine tête, on n'en parle
plus. Assassine ! Reprends en une et tiens
la bien cette fois ci
ALBIN : Oui !
GEORGES : Ferme mais pas brutal ! La
biscotte de l'homme ! Tartine la confiture,
maintenant, avec la cuillère. Je vais te la
donner, ta leçon, moi ! Pas comme ça, la
162
cuillère, pas à deux doigts ! Ce n'est pas
une clochette, la cuillère ! Tenue
solidement ! (Albin empoigne la cuillère) Ce
n'est pas une cuillère à pot non plus !
(Albin essaie d'étendre la confiture
comme Georges le lui indique : Il tremble,
s'énerve et à nouveau casse sa biscotte)
ALBIN : (voyant Georges courbé sous la
douleur) : Qu'est ce qu'il y a ?
GEORGES : J'ai reçu la biscotte en pleine
poitrine ! Tu n'es qu'une truie !
ALBIN : (en larmes ) Je n'y arriverai
jamais !
163
GEORGES : (exaspéré) Ne pleurniche pas.
Cesse de pleurnicher !
ALBIN : j'ai cassé ma biscotte !
GEORGES : bien oui tu as cassé ta
biscotte ! C'est malheureux, d'accord,
mais dans une circonstance comme celle là,
tu dois réagir en homme !
ALBIN : Je le sais bien !
GEORGES : Tu dois faire face à
l'évènement. Te dire « Il vient de
m'arriver un coup dur, je viens de casser
ma biscotte, mais je suis encore jeune, je
vais remonter la pente ». Ton thé
164
maintenant. Montre moi comment tu bois.
Ca marque un homme, la façon dont-il boit !
(Albin prend sa tasse) Allez ! Avale moi ça
! Bien viril ! (Albin boit avec infiniment de
grâce) ça comme virilité, c'est Catherine
Deneuve ! Fais moi John Wayne ! Imite
John Wayne, descendant de son cheval à
Rio bravo, entrant au saloon et prenant le
thé pour son quatre heures.
ALBIN : Oh non !
GEORGES : Essaie de me faire John
Wayne !
ALBIN : Non !
165
GEORGES : (menaçant) : fais-moi John
Wayne
ALBIN : (affolé) Oui, je vais le faire, John
Wayne…. Tu crois que c'est une tenue pour
monter à cheval ?
GEORGES : (toujours menaçant) : ça va
mal se terminer nous deux
(Albin fait semblent de tirer au pistolet,
très dame)
ALBIN : Bang !!! Bang !!!
GEORGES : (lève sur lui une serviette
vengeresse) : Albin ! (Albin essayant
d'alourdir sa démarche, se dirige vers la
166
tasse de thé) . C'est mieux ! Tu vois, quand
tu veux te donner la peine !
ALBIN : (s'efforçant d'imiter John
Wayne) : dis donc, mon gars, est ce que je
pourrais avoir un petit coup de thé ?
(Albin prend la tasse)
GEORGES : Avale moi ça comme un grand !
Bien viril ! (Albin s'exécute, mais les
gestes restent très féminins) . Je vais te
dire une chose que je n'ai jamais dite à
personne : tu es désespérant !
ALBIN : Alors fait moi John Wayne, toi, si
tu es malin !
167
GEORGES : Et alors ! C'est sorcier d'avoir
l'air d'un bonhomme de temps à autre ?
C'est difficile de marcher comme un vrai
male ? (Georges se déplace d'une manière
guère plus virile qu'Albin). C'est difficile
de prendre son thé et de boire comme un
homme ?
(Georges prend sa tasse et, d'un petit
doigt détaché, la boit)
ALBIN : (pouffant) : c'est John Wayne
jeune fille !.....
GEORGES : Tu m'agaces. Va t'habiller. On
en reparlera
170
Le Canard à l'orange (The Secretary Bird)
est une pièce de théâtre comique en
quatre tableaux de William Douglas Home
(1967), adaptation française de Marc-
Gilbert Sauvajon. Elle a été diffusée à la
télévision française en 1979, réalisée par
André Flédérick. Elle fut également
reprise dans le cadre des Tournées
Charles Baret début 1974.
Hugh Preston, animateur à la BBC, passe sa
171
vie entre sa femme Liz et ses nombreuses
maîtresses. Un vendredi soir, après une
partie d'échecs, Hugh fait comprendre à
sa femme qu'il sait qu'elle a un amant.
Celle-ci, prise au dépourvu, avoue à Hugh
sa liaison avec un agent de change du nom
de John Brownlow, et le fait qu'elle
comptait partir avec celui-ci, le dimanche
matin suivant, pour Florence et Venise,
sans le prévenir.
Hugh offre à sa femme de prendre les
torts à sa charge, et de se faire prendre
en flagrant délit d'adultère au domicile
172
conjugal avec sa secrétaire, mademoiselle
Patricia Forsyth.
Hugh demande à sa femme d'inviter son
amant à passer le week-end à la maison
afin de régler les questions du divorce. Liz
refuse cette proposition qu'elle juge
incongrue. Mais lorsque Hugh lui avoue
qu'il lui a tendu un piège et qu'il ne savait
rien de sa liaison avec Brownlow, Liz,
piquée au vif, accepte pour montrer à
Hugh à quel point son amant est mieux que
lui.
Voici donc Liz (la femme), Hugh (le mari),
173
John (l'amant), Patricia (la secrétaire de
Hugh), plus Mme Grey (la gouvernante) et
un canard récalcitrant, réunis pour un
week-end au cours duquel Hugh, en joueur
d'échecs qu'il est, va tout faire pour
reconquérir sa reine.
Cette pièce a été immortalisée à la
télévision par Jean Poiret qui en avait
réécrit certains dialogues.
Jean Poiret : Hugh Preston
Christiane Minazzoli : Liz Preston
Alain Lionel : John Brownlow
Corinne Le Poulain : Patricia Forsyth
174
(Patty Pat)
Annick Alane : Mme Grey
« Dommage qu'on ne puisse pas se faire
opérer de la conscience comme de
l'appendicite ».
« Mon vieux, l'homme est un animal
pensant qui ne pense jamais à emporter sa
brosse à dents ».
« - Comment, comment, comment, mais
vous buvez du whiskey à 9h du matin! -
Oui... Ben moi je bois du whisky quand je
veux, d'une part, et d'autre part il est
9h02 ».
176
D'après son médecin, Louis Martinet, âgé
de 59 ans, n'a plus longtemps à vivre. Il
met sa maison en viager. La famille
Galipeau s'y intéresse, indexant ce viager
sur le cours de l'aluminium. Mais Martinet
177
tient bon, passe la guerre, et les Galipeau
font tout leur possible pour le faire
disparaitre, en vain...
Anecdotes : Pour interpréter le
personnage de Martinet, Michel Serrault a
demandé à porter un faux nez. Il s'agit du
dernier long métrage de Noël Roquevert,
mort en 1973. Après la scène où l'on voit
le journal télévisé, le projectionniste
demande au facteur où est Martinet. On
aperçoit alors la mystérieuse affiche d'un
film intitulé Ah ! Si j'étais restée pucelle.
Quand on veut montrer que l'officier de
178
marine a commis « une petite erreur », on
lui montre un journal avec un navire en
train de couler. Il s'agit en réalité de La
Bourrasque, coulée lors de la débâcle de
Dunkerque. Le générique précise que la
scène de l'explication du viager par des
dessins enfantins est signée « du petit
Gotlib ». Il la reprendra avec Goscinny
dans les planches de Trucs-en-vrac, en
inversé. Première réalisation au cinéma de
Pierre Tchernia, Le Viager rencontra un
succès public, attirant 2 191 183
spectateurs.