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<*•<*'•• SPC/Medicinal Plants/W.P. 29 8 Novembre 1973 ORIGINAL : FRANÇAIS COMMISSION DU PACIFIQUE SUD CONFERENCE TECHNIQUE REGIONALE DES PLANTES MEDICINALES Papeete, Tahiti, 12-17 novembre 1973 POISONS VEGETAUX DE PECHE DES ANCIENS POLYNESIENS Par R. BAGNIS, G. BOURLIGUEUX, J. DROLLET et P. PETARD Avec la collaboration technique de S. THEVENIN et F. NANAI Institut de Recherches Médicales Louis Malardé B.P» 30-Papeete-Tahiti-Polynésie Française INTRODUCTION Peuple de pêcheurs par excellence les anciens Polynésiens con naissaient depuis longtemps l'art de capturer le poisson au moyen de certaines plantes. Dans les îles à récifs barriérèsj cette pêche s'ef- fectuait dans les pâtés coralliens qui parsèment les lagons et dont les innombrables excavations servent de refuge aux poissons. Aux îles de la Société et aux Marquises les indigènes employaient essentiellement le fruit du Hotu (Barringtonia asiatica) ou les feuilles, tiges et racines de Tephrosia pifpurea (hora des Tahitiens, kohuhu des Marquisiens). Ellis, missionnaire qui vécut en Polynésie de 1816 à 1824, fut parmi les premiers à le relater : . / .

Poisons Vegetaux de Peche Des Anciens Polynesiens

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SPC/Medicinal Plants/W.P. 298 Novembre 1973

ORIGINAL : FRANÇAIS

COMMISSION DU PACIFIQUE SUD

CONFERENCE TECHNIQUE REGIONALE DES PLANTES MEDICINALES

Papeete, Tahiti, 1 2 - 1 7 novembre 1973

POISONS VEGETAUX DE PECHE DES ANCIENS POLYNESIENS

Par

R. BAGNIS, G. BOURLIGUEUX, J. DROLLET et P. PETARD

Avec la collaboration technique deS. THEVENIN et F. NANAI

Institut de Recherches Médicales Louis MalardéB.P» 30-Papeete-Tahiti-Polynésie Française

INTRODUCTION

Peuple de pêcheurs par excellence les anciens Polynésiens connaissaient depuis longtemps l'art de capturer le poisson au moyen decertaines plantes. Dans les îles à récifs barriérèsj cette pêche s'ef-

fectuait dans les pâtés coralliens qui parsèment les lagons et dontles innombrables excavations servent de refuge aux poissons.

Aux îles de la Société et aux Marquises les indigènes employaientessentiellement le fruit du Hotu (Barringtonia asiatica) ou les feuilles,

tiges et racines de Tephrosia pifpurea (hora des Tahitiens, kohuhu desMarquisiens).

Ellis, missionnaire qui vécut en Polynésie de 1816 à 1824, futparmi les premiers à le relater :

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" - Près des récifs et du rivage, beaucoup de poissons sontM pris en préparant un mélange intoxicant fabriqué avec les noix du Hatu," Betonica splendida, ou du Hora, autre plante indigène. Lorsque l'eau

" est imprégnée de ces mélanges, les poissons arrivent de leurs retraites" en grand nombre, flottent à la surface et sont facilement attrapés ".

A la même époque, le pasteur Orsmond écrivait à propos du Hotu Mawises notes inédites, reprises par sa petite fille ^ Teuira Henry :

" - Les graines sont amères et contiennent un narcotique puis-" sant ; râpées, elles donnent une poudre que l'on jette dans la mer où" elle engourdit complètement les poissons que l'on peut alors aisément" saisir à la main ".

Moorenhout enfin dans ses récits de voyage, publiés dès 1835remarqua que " les habitants de toutes les îles Polynésiennes savaient,comme le font certaines nations de l'Amérique continentale, enivrer lepoisson au moyen de quelques-uns de leurs végétaux, tels que le "nora"(Aphrosia piscatoria), le "noutou" (Barringtonia speciosa) et 1'éreva

(cerberia) qui, .jetés dans l'océan, le frappaient d'une espèce d'étour-dissement, et le faisaient en peu de temps, surnager comme mort à lasurface ",

Le rapport de ces faits intéressa les naturalistes de passage.Mais seuls ceux qui eurent la possibilité de séjourner assez longtempsen Polynésie purent étayer les simples observations empiriques de considérations botaniques et physiologiques plus précises.

A cet égard les études de Nadeau et Cuzent, au siècle derniertoujours, contribuèrent à mieux connaître les modes d'utilisation etd'action des plantes ichtyotoxiques indigènes. A propos du Hora, Nadeaunote dans ses carnets originaux inédits " le Tephrosia piscatoria estemployé pour enivrer le poisson mais les boeufs qui en sont très friands,en sont nullement incommodés. Son écorce et ses feuilles sont purgatives...

propriétés qui n'ont rien de surprenant quand on songe à l'action généralede tant de légumineuses sur le tube digestif et à leur influence toxiqued'autant plus marquée qu'elle s'adresse à des animaux plus inférieurs.Ainsi le Hora enivre le poisson et le tue parfois.=. Plusieurs canardssont morts pour avoir mangé de la pâtée destinée à la pêche .«. l'hommen'en est que faiblement affecté ". Quant au Hotu " il intéresse parses fruits qui enivrent le poisson, ce qui permet de les prendre à lamain " toujours selon Nadeau, tandis que pour Cuzent " le fruit du Hotucontient une amande volumineuse et sphérique que les indigènes râpentet mélangent avec différents mollusques pour enivrer le poisson ".

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Petite légumineuse papil/ionacée autrefois très répandue à Tahitiet Moorea sur les plages et les collines basses ; c'était alors le poisonde pêche le plus employé ; de plus les graines servaient de vermifuge etde purgatif pour les enfants. Aujourd'hui il est devenu difficile de s'enprocurer, car son habitat favori, les premières collines qui bordent lamer, a été envahi par Lantana camara Linn., arbuste épineux qui formedes buissons impénétrables et finit par étouffer toute végétation herbacée»

Herbe vivace, dressée, atteignant 70 cm de haut. Feuilles alternes, composées imparipennées, formées d'un# pétiole légèrement pu-bescent^ et de 9 à 11 folioles presque sessiles, obovales, parallé-linerves, échancrées au sommet, atteignant 200 mm de long sur 8 mmde large. A l'insertion du pétiole commun se trouvent deux stipulessubulés dont la longueur ne dépasse pas 7 mm. Gousses aplaties, légèrement arquées, acuminées au sommet, gardant à leur base les restes ducalice. 5 à 7 graines épaisses, reniformes, à hile profondément échancré,

surface lisse, tégument fauve parsemé de taches brun foncé.

Le poison n'est pas localisé dans les racines, comme pour lesDerris mais existe dans toutes les parties de la plante. Les grainesen sont environ deux fois plus riches que les racines. Les indigènesavaient remarqué depuis longtemps l'activité des parties aériennes etse servaient de la plante entière pour endormir le poisson. Le principe actif serait la téphrosine, extraite de l'ensemble de la plante,surtout des feuilles. Il s'agit d'une substance cristalline dont laformule serait C H 0 ? . Selon Tabrah (1966) la téphrosine entraînerait la mort de poissons à des dilutions de l'ordre du I :50.000.000. Elle serait sans danger pour les mammifères, par voie di-gestive. Cependant selon Stokes (1921), elle aurait été utilisée commepoison humain. Tabrah rapporte même qu'à Hawaii un homme serait mortaprès avoir ingéré accidentellement une préparation de Hora. De plus,selon Arnold (19^), la téphrosine a une DLM de 10 mg/kg chez le lapinet le chien ; la mort survient dans un tableau de paralysie respiratoire»

Ces données contradictoires concernant la toxicité de la téphrosine pour les mammifères impose une étude pharmacologique plus pousséede cet intéressant composé, surtout depuis que l'on sait que la rotenoneinhibe l'oxydation de l'acide glutafeiique et bloque certains transferts

d'électrons dans les Witochondrf.es . On pense que la téphrosine pourraiten outre, être un dépresseur cardiaque.

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3 - DERRIS ULIGINOSA Roxb.

Synonyme : Derris trifoliata Lou r.

Noms indigènes :

A Tahiti et aux Iles sous-le-Vent : Hora papua ; Hora rctrotonga.

Espèce non indigène, d'introduction récente, puisque la florede Drake De Castillo (1893) ne mentionne pas le genre Derris. Les indigènes n'étaient pas d'accord sur l'origine de cette plante ; les unsl'appelaient " hora papua ", la disant originaire de Nouvelle-Guinée,les autres la désignent sous le nom de " Hora rft-rotonga ", affirmant

qu'elle vient des Iles Cook. Nous pensons que ce Derrig a été importéde Nouvelle-Guinée à R%rotonga par des missionnaires anglicans, etqu'il a été introduit à Tahiti par les indigènes de Rarotonga, asseznombreux à Tahiti, où ils formaient une petite colonie de pêcheurset d'agriculteurs. Il a rapidement détrôné T. purpurea. Aux Nouvelles-Hébrides cette liane entre dans la composition des poisons de flèche.

Le hora papua était cultivé à proximité des cases. Sans tuteur»la liane rampe à la surface du sol ; si elle trouve un support, elles'y enroule et grimpe à une hauteur de plusieurs mètres.

Feuilles composées imparipennées à 5 ou 7 folioles, entièrementglabres. Pétiole commun creusé en gouttière à sa face supérieure. Stipules très réduits. Folioles entières légèrement obovales, acuminées,dimensions moyennes 15 cm sur 7 cm. Nervures secondaires rares et espacées. Racines fasciculées, riches en fibres, renfermant un suc la-tescent et douées d'une odeur' pénétrante.

Pour la pêche, les Tahitiens se contentaient de contusionnergrossièrement la racine friche et de la diviser en fragments, qui sontenfermés dans des sachets de aa haari (tissu papyracé qui se trouve àl'aisselle des jeunes feu:'.lles de cocotier). Chacun de ces sachets

est lié à l'extrémité d'une perche et introduit dans une excavationdu pâté de corail. Au bou•'; de quelques minutes, les poissons à demi-engourdis sortent de leur abri et sont aussitôt harponnés par lesplongeurs qui entourent 1 ; rocher. Il est rare que le poisson puisseêtre pris à la main ; ce :ésultat exige une concentration en toxiquequ'il est difficile d'obtenir dans les conditions où s'effectue cettepêche.

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Nous avons repris cette méthode ancestrale et suivi le comportement des poissons au contact du hora papua, tant sur le terrainqu'au laboratoire.

- Expérimentation en mer/

Les racines de Derris, préalablement contusionnées avec unepierre, sont introduites dans une anfractuosite corallienne servantd'habitat à de nombreux iihi de l'espèce M. murdjan à environ sixmètres de profondeur. Après agitation manuelle, un exsudât blanc laiteux commence à diffuser dans l'eau et, grâce à un courant favorableà envahir l'abri. Dès lors on distingue trois phases chronologiquesdistinctes :

a) Une réaction de fuite, centrifuge à partir du trou à iihi. Au bout

de une a deux minutes les formes jeunes de rougets jaillissent desdiverses petites failles du massif madréporique, rapidement suiviespar l'ensemble de la faune ichtyologique vagile (lutjans, loches,pteroîs, rougets adultes etc.....). En l'espace de cinq minutesc'est une auée de poissons de diverses tailles qui fuit dans toutesles directions.

b) Une phase d'incoordination motrice

Les poissons présentent alors un état d'incoordination motriceavec soubresauts musculaires, mouvements brusques d'ascension, auxquels succèdent d'amples arabesques. Pendant cette phase ataxique,chaque individu semble se diriger sans discernement et heurte lesobstacles du voisinage. Cette période dure une dizaine de minutesenviron.

c) Une phase paralytique

Enfin les animaux se couchent sur le flanc, flottant entredeux eaux, remontent parfois à la surface ou se laissent entraînerpar le courant, plongeant au cours de l'expérimentation.

- Expérimentation au laboratoire /

On place 50 grammes de racines de hora contusées dans un cris-t^llisoir de 10 1 d'eau régulièrement oxygénée et à températureambiante.

Un cristallisoir témoin reçoit 10 litres d'eau. On plonge depart et d'autre trois Tilapia de 90 à 120 grammes.

On observe une phase d'excitation quasi immédiate, suivie d'une

phase de polypnée avec soubreseuts. L'agonie s'installe en 7 à 8minutes-, et la mort survient au bout de 10 minutes.

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Le principe actif majeur est la roténone, cétone hétéroeycliquenon azotée, qu'on rattache actuellement aux isoflavones, avec lesquelleselle^ est reliée biogénétiquement. On trouverait également des substancesvoisines dites roténoïdes. La déguéline est un isomère avec 2 noyaux

dihidrobenzo-pyrane ; la téphrosine, le toxicarol, le sumatrol possèdent des hydroxyles phénol/iques. A une diffusion dans l'eau de l'ordre du millionième, ces drogues stupéfient les poissons ; à concentration plus élevée, ils sont tués.

Les propriétés insecticides, connues et utilisées par les horticulteurs chinois et indiens, ont été étudiées systématiquement enEurope et aux Etats-Unis vers 1930.

La toxicité de la roténone s'exerce sur les animaux à sang froidpar ingestion ou simple contact et pour des dilutions de l'ordre de1 x 10 . La déguéline est environ 10 fois moins active, la téphrosinekO fois et le toxicarol ^+00 fois moins. Chez l'homme et les animauxà sang chaud, ces différentes substances sont pratiquement dépourvuesde toxicité par voie buccale ; mais, par injection intraveineuse, ellespeuvent provoquer la paralysie respiratoire et la mort.

^ - DERRIS ELLIPTICA Benth.

Nom indigène à Tahiti : hora papua, hora

" " aux Samoas : Fue Fai Ava

Les racines de Derris elliptica sont utilisées comme poison depêche par les indigènes des Samoas, de même que celles de Derris uli-ginosa.

A première vue, il est possible de confondre ces deux lianes,l'une et l'autre stériles et de ports exactement semblables ; la distinction est facile d'après les caractères des feuilles :

- Derris uliginosa : 3, 5 ou 7 folioles, pétiole commun et nervures

centrales glabres ; folioles grandes (15 cm sur7 c m ) , ovales, à marge ondulée.

- Derris elliptica : 9, 11 ou 13 folioles ; pétiole commun et ner

vures centrales pubescentes ; folioles petites(12 cm sur 3 ) , obovales, entières.

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Ce Derris était autrefois utilisé en Malaisie comme ichtyotoxique.A Tahiti cette papilionacée, dont les principes actifs et l'action physiologique sont semblables à celle de la précédente, n'a pratiquement jamais

été utilisée comme poinon de pêche du fait de sa rareté.

5 - RHYNCHOSIA MINIMA De Candolle

Noms indigènes : à Nuku-Hiva : Papa Kaoià Hiva-Oa : Papaà Rurutu : Paulepipià Râpa : Pipitai

Petite légumineuse rampante très répandue sur les plages et dansles vallées des Marquises, spécialement dans la partie désertique deNuku-Hiva ; moins fréquente aux îles de la Société. Tiges pubescentes.Feuilles composées, trifoliées. Folioles ovales, rhomboîdales, acuminées,atteignant 6 cm de long et 5 cm de large, face inférieure pubescente etparsemée de poils glanduleux. Gousée longue d'environ 1 cm, légèrementarquée, acuminée. Racines fasciculées, traçantes, cassantes et pauvresen fibres.

Rhynchosia minima est utilisée comme poison de pêche par lesMarquisiens et les habitants des îles Australes. A Tahiti, la plantes'emploie en médecine indigène, mais ses propriétés piscicides semblent inconnues.

Parmi les légumineuses ichtyotoxiques, cette espèce semble occuper une place à part : tandis que d'ordinaire le principe actif setrouve concentré soit dans les racines (Derris), soit dans la planteentière(Tephrosia), dans le cas de Rhynchosia minima, la localisationmajeure se situe dans les parties aériennes,

La nature du principe toxique est encore inconnue. Certains auteurs dont Pétard (1969) pensent qu'il pourrait s'agir d'une ou plusieurs substances voisines de la roténone. On a signalé, en effetnotamment dans les Tephrosia, l'existence de plusieurs dérivés de laroténone (Téphrosine, Toxicarol), qui ne donnent pas les réactions de

cette substance. Il est possible que l'activité des feuilles de Rhyn-chosia leur soit attribuable.

6 - BARRINGTONIA ASIATICA Kurz :

Synonyme : Barringtonia speciosa l'orster

Noms polynésiens : hotu, hutu, tira hutu, tira, utu.

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Le faux manguier, arbre de 6 à 12 mètres de haut à l'écorceplutôt rugueuse, lactifère. Pétioles de 1 à 2 cm de long. Feuilleselliptiques. Fleurs, au parfum dèeœllet > très prononcé le soir, mono

pétales, en plateau ; 5 segments de calices lancéolés ; corolles de4 cm de diamètre, blanches au centre rose ; 5 étamines style filiformeavec un large stigmate capité. Fruit ellipsoïde de 5 à 7 cm de long ;exocarpe fin, charnu, endocarpe fibreux ; endosperme charnu.

On trouve le Rêva dans la plupart des îles hautes de Polynésie.Les indigènes savaient que les fruits étaient vénéneux et ils les utilisaient pour des empoisonnements ou des suicides. C'est ainsi queF.B.H. Brown (1931) a pu écrire :

11 Aux Marquises, les fruits qui contiennent un glucoside très toxique" analogue à celui trouvé dans les graines de Thevetia étaient em

ploy és pour le suicide. Ceux qui voulaient en finir avec la vie, se re-M tiraient dans un marae et mangeaient deux ou trois fruits. A Rurutu,11 selon A.M. Stokes, ces fruits étaient vénéneux pour l'homme mais non" pour les chèvres ; les indigènes fabriquaient un extrait pour appli-" cation externe ".

Les propriétés ichtyotoxiques du Rêva utilisées autrefois enNouvelle-Calédonie (Rageau, 1957) étaient également connues des Mar-quisiens et des habitants des Australes qui râpaient l'endocarpe fibreuse des fruits, l'enveloppaient dans une feuille de purau et allaient

le déposer dans un trou de rocher. Le faux manguier n'a pratiquementjamais été utilisé comme poison de pêche à Tahiti. Toutefois dans unecommunication personnelle, M^R. Millaud, Chef du Service de l'EconomieRurale nous a déclaré avoir consommé autrefois sans trouble des chevrettes capturées à l'aide d'une pâte de Rêva déposée dans l'eau d'untorrent de la vallée de Fautaua (Tahiti).

Les expériences réalisées avec l'endocarpe râpé du Rêva,dans les mêmes conditions et aux mêmes doses que celles employées pourle hotu, ont été moins spectaculaires et n'ont entraîné la mort qu'aubout de trois heures après une longue période d'hyperpnée puis de torpeur.

En revanche, l'utilisation des doses beaucoup plus faiblessemble avoir au contraire faciliter leur survie, observation qu'ilserait intéressant de préciser.

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Le principe actif majeur serait un cerbéroside identique àla thévétine B, hétéroside stéroïdique rattaché aux cardénolides.C'est un trioside donnant par hydrolyse acide 2 molécules de glucose,

une molécule de thévétose et une génine : la digitoxigénine (FrèreJacques, 1958 ; Bloch, Rangas Wani et Schindler, 1960 ) . Il existeraitaussi d'autres substances toxiques telle l'acétylneisiifoline. Les extraits de Rêva pourraient être piscicides par un effet cardiotoniqueen excès»

CONCLUSION

Les poisons végétaux utilisés pour la pêche, par les anciensPolynésiens, procèdent de trois groupes chimiques différents. C'est

ainsi qu'on peut distinguer :

- Les plantes à roténoîdes (T. purpurea, D. uliginosa, D. elliptica)

- Les plantes à saponosides : B. asiatica et S» saponaria

- Les plantes à cardénolides : Ca manghas

Pour l'activité ichtyotoxique, la première place revient incontestablement au Derris uliginosa qui a détrôné la plupart despoisons piscicides indigènes. Mais son emploi oonme tel est actuellementinterdit. Toutefois sa toxicité sélective pour les animaux à sang froidet son inocuité pour les mammifères en général lui confèrent des propriétés insecticides non négligeables à une époque où on est à la recherche de relais pour de nombreux insecticides chimiques ̂

Avec Cerbera manghas, c'est l'arsenal phytothérapique quipourrait s'enrichir d'une nouvelle espèce. La présence dans ses fruitsde thévétine B fait de cette Ap*bynacée de Polynésie un matériel biologique à ne pas mésestimer lors "tout inventaire de plantes à hété-rosides cardiotoniques. Le caractère ichtyotoxique de la drogue pourrait n'être dû qu'à un surdosage. Les résultats très préliminairesobtenus avec des doses moindres militent en faveur d'une telle hypo

thèse. Ils ouvrent la voie à une expérimentation beaucoup plus pousséedans des laboratoires spécialisés.

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