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Août 2014 • N° 191 Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 DOSSIER P.7 Du traitement paysager à la politique paysagère ? DANS L’ACTU P.2 MISSION DE PRÉFIGURATION DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS FOCUS P.3 TOURISME : DE L’INTÉRÊT COMMUNAUTAIRE À LA STRATÉGIE TERRITORIALE DROIT P.15 • TRANSFERT DES POUVOIRS DE POLICE SPÉCIALE FINANCES P.16 AUTONOMIE FINANCIÈRE ET AUTONOMIE FISCALE DES COLLECTIVITÉS JEUX D’ÉTÉ P.19 MOTS CROISÉS, QUIZZ ET PERSONNAGE MYSTÈRE

politique paysagère ?

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Page 1: politique paysagère ?

Août 2014 • N° 191 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 €

DOSSIER P.7

Du traitement paysager à lapolitique paysagère ?

DANS L’ACTU P.2 • MISSION DE PRÉFIGURATION DE LA MÉTROPOLE

DU GRAND PARIS

FOCUS P.3• TOURISME : DE L’INTÉRÊT COMMUNAUTAIRE

À LA STRATÉGIE TERRITORIALE

DROIT P.15• TRANSFERT DES POUVOIRS DE POLICE SPÉCIALE

FINANCES P.16• AUTONOMIE FINANCIÈRE ET AUTONOMIE FISCALE

DES COLLECTIVITÉS

JEUX D’ÉTÉ P.19• MOTS CROISÉS, QUIZZ ET PERSONNAGE MYSTÈRE

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GRAND PARIS

La mission de préfi guration entre en travaux

La carte des régions en débat

La carte des régions françaises fait débat depuis des décennies. Conçue dans les années d’expansion d’après-guerre, inspirée de travaux plus anciens comme ceux du géographe Vidal de la Blache ou du ministre Clémentel, cette carte a été confrontée à la nécessité de procéder par agrégation des départements. Utilisée au départ pour aménager les tranches régionales du Plan puis constituer des préfectures de région, elle a servi de trame, à périmètre inchangé, à la régionalisation des années 1980. Depuis lors, nombreux sont ceux qui ont jugé trop nombreuses et trop exigües nos 22 régions métropolitaines. La quasi-totalité des anciens Premiers ministres de la Ve République se sont prononcés un jour ou l’autre pour la réduction de leur nombre. Mais comme l’ont montré les débats parlementaires des débuts de l’été, le consensus sur l’objectif ne préjuge pas d’un accord général sur les options de regroupement. Loin s’en faut.

Située au point de jonction de préoccupations géographiques, culturelles et identitaires, socio-économiques et bien sûr politiques, la nouvelle carte régionale comprendra nécessairement sa part d’arbitraire, suscitant critiques et ressentiments. Une fois tracée, elle ouvrira le débat sensible sur la localisation de la capitale administrative. Le choix fait par les députés d’arrimer un maximum de ces nouvelles régions à des métropoles a, dans ce contexte, de nombreux mérites en imposant un critère de choix majeur. Comme l’explique très bien le récent rapport « France 2025 » du Commissariat général à la prospective, les métropoles ne doivent pas être conçues comme des « isolats » mais comme les catalyseurs des économies régionales. Les régions de demain, via leurs compétences économiques, auront un rôle déterminant pour organiser la complémentarité des territoires à travers des réseaux urbains et des « chaînes de valeur » bien structurés. Encore faut-il qu’elles puissent s’appuyer sur les fonctions supérieures et les emplois hautement qualifi és qui se polarisent, c’est un fait, dans les métropoles. À l’aune de ce critère, la carte des futures régions telle que sortie de l’Assemblée nationale prend davantage sens que celle qui y est entrée.

« Les métropoles doivent être conçues comme les catalyseurs des économies régionales »

Lancée début juillet 2014, la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris dispose d’un an pour achever ses différents chantiers. Tour d’horizon d’une feuille de route très dense.

L a mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris a officiellement débuté ses

travaux le 8 juillet dernier sous la coprésidence du préfet de région Jean Daubigny et de Daniel Guiraud, président du syndicat mixte Paris Métropole. Au calendrier notam-ment : un premier rapport prévu pour le 26 septembre prochain sur la réécriture de l’article 12 de la loi Maptam, qui crée la métropole du Grand Paris. Dans une communi-cation gouvernementale datant du 9 juillet, le Premier ministre Manuel Valls a donné le feu vert à cette réé-criture en indiquant « sa volonté que le Parlement examine une révision des dispositions relatives au statut des territoires, sans remettre en cause l’objectif de solidarité ». L’objectif est de trouver le moyen de pérenniser les formes de coopération inter-communale existantes, qui devaient disparaître juridiquement au profit de la métropole. Ces modifications devraient intervenir dans le cadre de l’examen du projet de loi « NOTR » (nouvelle organisation territoriale de la République), prévu à l’automne.

Des chantiers d’envergureL’objectif officiel de la mission de pré-figuration demeure la création de la métropole au 1er janvier 2016 (date fixée par la loi Maptam) et l’achève-ment de ses propres travaux six mois avant. Les délais sont donc courts et les enjeux extrêmement lourds. À titre d’exemple, la mission devra aussi définir l’intérêt métropolitain et se pencher, avec l’ensemble des com-munes membres, sur les travaux pré-paratoires au pacte financier et fiscal devant organiser la redistribution de

la fiscalité économique qui, en l’état de la loi, remontera à la métropole. Ces travaux préparatoires seront d’autant plus compliqués dans un contexte marqué par la baisse de 11 milliards d’euros sur les dotations de l’État aux collectivités et l’annonce de la suppression des conseils géné-raux à l’horizon 2020.Par ailleurs, la mission devra préparer le « diagnostic général, social, écono-mique et environnemental du terri-toire métropolitain », prévu pour le mois suivant l’élection du président de la métropole en 2016, et étudier les conséquences de la création métropolitaine sur les personnels concernés.

Quel périmètre ?Un autre chantier important sera celui du périmètre géographique : la délimitation du périmètre défi-nitif de la métropole doit être fixée avant le 31 janvier 2015. Pour faci-liter l’opération, les 46 communes limitrophes des départements de petite couronne pouvant décider de rejoindre ou non la métropole ont vu leur délai de réflexion prolongé du 30 septembre au 15 novembre 2014.Dépassant le cadre institutionnel de la métropole du Grand Paris, dans sa communication du 9 juillet dernier, le Premier ministre a éga-lement confirmé les engagements de l’État concernant la construc-tion de logements et le finance-ment des transports. Manuel Valls a annoncé la tenue début octobre d’un « conseil interministériel consa-cré au Grand Paris » sous son égide pour « construire un grand projet métropolitain », citant l’importance de soutenir des projets « porteurs

d’emplois, notamment ceux de Saclay, du Genopole, de Roissy, d’Orly, de Marne-la-Vallée et de Confluence Seine-Oise ». Atte Oksanen

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Elle l’a dit...

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dont l’examen débutera cet automne au Parlement, prévoit d’intégrer des volets prescriptifs aux schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire.

« Comment avoir des documents d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme, des schémas de cohérence territoriale qui prennent en compte le redressement de notre pays si nous n’avons pas un schéma régional global d’aménagement du territoire, avec des infrastructures et une action publique renforcées ? »

Marylise Lebranchulors de la séance de questions

au gouvernement du 15 juillet 2014

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Daniel Delaveau président de l’AdCF

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TOURISME

De l’intérêt communautaireà la stratégie territorialeLongtemps oublié des pouvoirs publics, réser-vé aux collectivités riches d’un patrimoine bâti ou naturel exceptionnel, le tourisme se déve-loppe progressivement au sein des collectivi-tés. Si celles-ci ont compris son potentiel en matière d’économie et d’attractivité pour leur territoire, elles ont également perçu le carac-tère concurrentiel de ce secteur et l’importance de porter une politique touristique digne de ce nom. Le tourisme comme stratégie territoriale ? Tour d’horizon.

Redonner au tourisme la place centrale qui lui revientAvec 83 millions de visiteurs étrangers, la France est la 1re destination touristique mondiale, mais la 3e en termes de retombées financières. Fort de ce constat, le président de la République a fait du tourisme une grande cause nationale. Les Assises du tourisme, organisées en juin dernier, ont permis d’élaborer un programme d’actions dans lequel les collectivités constituent des acteurs de premier plan.

L a contribution du tourisme à la richesse nationale est largement sous-estimée. Ce secteur génère 2 millions

d’emplois directs et indirects, représente 7,35 % du PIB et contribue à hauteur de 12 milliards d’euros à l ’excédent de la balance des paiements en France, soit plus que l’agroalimentaire. Depuis dix ans, la croissance moyenne de l’emploi dans ce secteur est de l’ordre de 27 000 emplois par an. Le tourisme suscite également des activités induites dont les retombées ne lui sont pourtant pas directement rattachées.La France, territoire aux atouts incontestés, occupe le premier rang mondial en matière d’accueil de touristes. Pour autant, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, à l’heure de l’émergence de nouvelles destina-tions et alors que l’Organisation mondiale du tourisme estime une croissance annuelle du nombre de touristes internationaux de 4 %, la France voit sa part dans les recettes du tourisme international baisser (6,4 % en 2000 et 5,7 % en 2009).

Clarification des rôles des collectivitésRépondre à ces chiffres par une politique touristique d’envergure, telle était la raison d’être des Assises du tourisme de juin 2014. À la suite d’une grande consulta-tion publique mobilisant les ministères et l’ensemble des acteurs publics et privés du tourisme, cet évènement a été l’occa-sion d’élaborer un programme d’actions

concrètes (voir encadré). Objectif : conser-ver la première place mondiale en nombre de touristes accueillis, dégager le premier solde positif touristique de tous les pays européens et renforcer l’attractivité de la France.Le constat était partagé : la multi-plicité des intervenants et des stra-tégies déployées dans le tourisme entraîne une dispersion des moyens publics en matière de tourisme, qui représentent 1,2 milliard d’euros par an. Aussi, Laurent Fabius a annoncé « qu’au niveau local, le gouvernement a décidé, à travers la réforme territoriale, de cla-rifier le partage des compétences. (…) Le millefeuille administratif nous empêche

parfois de rassembler nos forces, notam-ment financières, et nuit à notre compéti-tivité. (…) Nous avons décidé que ce serait la région qui, désormais, jouerait d’une

façon officielle le rôle de chef de file. » Elle serait ainsi chargée, à ce titre, d’élaborer le schéma régional de développement touristique (équivalent de la convention territoriale d’exercice de la compétence partagée dans ce domaine) qui fixerait les

objectifs stratégiques d’aménagement, de développement et de promotion touris-tiques, préciserait les actions des collectivi-tés, prévoirait les modalités de financement et de mutualisation des services et pourrait organiser la fusion d’organismes locaux de tourisme des collectivités locales. Les comités régionaux ou départementaux du tourisme deviendraient facultatifs et pourraient être créés à l’échelle respective de plusieurs régions ou départements.Cette clarification de compétence figure au menu du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dont l’examen débutera au Parlement à l’automne 2014.

Fabienne Boucher

Assises du tourisme : les propositions clefsLes Assises du tourisme ont dégagé cinq priorités : renouveler l’image touristique de la France en la rendant plus attractive ; tra-vailler sur l’ensemble du parcours des touristes ; retrouver le sens de l’hospitalité ; s’appuyer sur la « french tech » ; redynamiser le tourisme des Français en accompagnant plus particulièrement les primo-vacanciers.Parmi les annonces faites par Laurent Fabius, cinq pôles d’excel-lence (dotés de 15 millions d’euros dans un premier temps) devraient être créés : gastronomie et œnotourisme, sport et mon-tagne, écotourisme, savoir-faire (artisanat et luxe) et tourisme urbain. L’objectif d’amélioration de la chaîne d’accueil passera par des actions en matière de transports, de signalétique ou encore d’ouverture des commerces le dimanche en « zones touris-tiques d’affluence exceptionnelle ». Le ministre souhaite faire de la France le leader du e-tourisme (wifi gratuit dans les aéroports et hôtels, géolocalisation améliorée, concours d’applications

innovantes…) et identifie le tourisme comme l’un des trois sec-teurs stratégiques pour la mise en place de 100 000 formations prioritaires prévues en 2014. D’autres mesures devraient per-mettre de renforcer la formation professionnelle. Enfin, un fonds de 75 millions d’euros destiné à la rénovation du patrimoine tou-ristique accessible aux ménages à revenus modestes, une « offre touriste » spécialisée ou encore un portail internet sélectionnant des offres à prix préférentiels concourront à rendre les vacances accessibles à un public plus large.Si certaines de ces décisions sont d’ores et déjà applicables, une ordonnance de simplification comportant un volet tourisme sera publiée avant la fin 2014 pour celles qui sont de nature législative. Afin de pérenniser ces assises, un « conseil de la promotion du tourisme » sera installé en vue de définir, en concertation avec tous les partenaires privés et publics, un « plan tourisme » pour 2020.

Le tourisme génère 2 millions d’emplois et représente 7,35 % du PIB

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

FOCUS 3

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« Les élus locaux sont des interlocuteurs incontournables pour nos professions »

L’UMIH fédère 80 000 professionnels de l’hôtellerie dans toutes les régions et départements de France. Taxe de séjour, plateformes de réservation, politique nationale du tourisme : son président revient sur les grands sujets d’actualité pour ces professionnels.Êtes-vous satisfait des 30 mesures annoncées par Laurent Fabius à l’occasion des Assises du tourisme ?Avec ces propositions, on considère enfin le tourisme comme une industrie à part entière, levier de croissance et d’emplois, dont il faut soutenir la compétitivité pour réaffirmer la primauté de la France comme première destination touristique mondiale. Nous appelons à la mise en œuvre immédiate de ce plan d’actions avec l’implication de tous les acteurs, notamment des élus locaux. Les profes-sionnels cafetiers, hôteliers et restaurateurs sont prêts. Nous devons gagner des parts de marché dans une compétition mondiale intensifiée, et redonner envie aux Français de partir à la découverte de nos territoires. La promotion de destinations phares et la constitution de pôles d’excellence représentent, pour nos territoires, des opportunités de mettre en avant leur richesse et leur diversité.

Que pensez-vous de l’augmentation de la taxe de séjour prévue dans le projet de loi de finances pour 2014 ?La plupart des collectivités confrontées à des problèmes de financement ont recours à des augmentations ciblées de cette taxe, alors même qu’elle est destinée à financer des dépenses pour la promotion du tourisme. Nous nous opposons à un tel détournement et demandons que le produit de cette taxe

soit mieux utilisé, en associant les hôteliers aux prises de décision. Nous demandons également que la taxe de séjour puisse véritablement s’appliquer à toutes les formes d’hébergement et notamment aux meublés touristiques.Les deux surtaxes adoptées par les députés, sans concertation et en contradiction avec les conclusions des assises, sont totalement

irresponsables et dangereuses. Elles vont pénaliser nos entreprises et fragiliser le pouvoir d’achat des Français. Nous en demandons le retrait pur et simple.

Que reprochez-vous aux plateformes de réservation ?Les sites de réservation en ligne ont offert aux hôteliers une nouvelle visibilité sur le net. Mais, du fait de leur taille et de leur domina-tion, elles leur ont imposé un durcissement des relations contractuelles. Aujourd’hui, l’hôtelier n’a plus son mot à dire. Ces cen-trales pèsent sur la construction du prix des chambres, qui doit pourtant rester de la seule responsabilité de l’hôtelier. De plus, le client a une fausse perception du prix, car ces sites jouent sur l’affichage en omettant d’indiquer la taxe de séjour, la TVA, les frais, ou encore en affichant de fausses promo-tions. Enfin, les commissions perçues par ces centrales échappent à toute fiscalité en France. L’UMIH a engagé de nombreuses actions depuis plus de deux ans pour réé-quilibrer les relations avec les centrales de

réservation en ligne et pour la mise en œuvre d’un partenariat gagnant-gagnant.

Quelles sont vos attentes face aux élus locaux ?Les élus locaux, et plus spécialement les élus communautaires, sont des interlocuteurs indispensables pour nos professions. Au quotidien, nos 2 000 professionnels, pré-sents sur tout le territoire, rencontrent et sensibilisent les élus sur le rôle déterminant du secteur du tourisme et de l’hôtellerie-restauration en termes de dynamisme économique, d’emploi, de lien social et d’aménagement du territoire.Nous demandons aux nouveaux élus com-munautaires de mieux prendre en compte le secteur et d’agir pour : le respect des lois et des réglementations par tous les acteurs du tourisme, la simplification des démarches administratives liées à nos entreprises, le maintien de l’emploi touristique dans les territoires ainsi que la promotion de la destination, notamment via les supports numériques. Propos recueillis par FB

« L’échelle pertinente d’une destination est celle qui répond aux attentes des clients »

De plus en plus de collectivités se lancent dans la création de marques de territoire et dans des démarches de communication dédiées.François Perroy et Denis Dupouy, collaborateurs au sein d’une agence de marketing touristique, décryptent les grandes tendances de ce marché.

Qu’est-ce que le marketing touristique ?Le marketing touristique consiste à aider les territoires à identifier l’espace où ils sont les plus visibles. Dans un contexte de mul-tiplication des offres, il s’agit de trouver un créneau que d’autres territoires n’occupent pas. Par ailleurs, il est important de définir la cible afin de proposer une offre adaptée aux pôles d’intérêt ou aux types de voyages.Aujourd’hui, le marketing touristique doit s’appuyer sur une marque forte qui réponde aux besoins de chaque client, afin de donner sens à sa consommation dans un contexte d’hyperconcurrence et de transparence accrue du marché, lié notamment à inter-net. Le client cherche principalement le bon rapport qualité-prix, à vivre une expérience unique, rencontrer des gens et pouvoir ensuite partager ses souvenirs de vacances.

Le marketing touristique peut-il faire de tout territoire une destination touristique ?Il est possible de développer du tourisme sur presque tous les territoires mais l’intensité de l’activité touristique ne sera pas la même partout et les retombées économiques seront plus ou moins présentes.Suite à un travail de veille en France et à l’étranger, nous avons remarqué que face aux mutations de la demande et aux évolutions

liées aux technologies de l’information, six tendances fortes révolutionnent le marketing touristique : l’essor de la distribution et de la commercialisation sur internet en relation directe entre prestataire et prospect, sans intermédiaire ; la forte mobilité du client ; le besoin d’immédiateté de l’information ; le poids des réseaux sociaux ; l’économie colla-borative alternative ; la relation humaine in situ via des suggestions ciblées et un accom-pagnement humain. Chaque destination touristique doit pouvoir ainsi prendre en considération ces aspects. À cet égard, de nouveaux outils tels que l’internet de séjour

et l’e-conciergerie que nous développons au sein de la société Agitateurs de Destinations Numériques tentent de répondre à cette nouvelle forme de services.

Existe-t-il une échelle pertinente pour construire une destination touristique ?L’échelle pertinente pour une destination touristique est celle qui permet de répondre aux attentes de la clientèle. La réponse est donc avant tout dans l’offre et les moyens de la mise en valeur. Les échelles territo-riales passent en quelque sorte au second plan, quelle que soit la taille du territoire sur

lequel nous sommes amenés à travailler. Néanmoins, les projets que nous animons aujourd’hui portent le plus souvent sur des territoires intercommunaux ou inter-communautaires, même si des communes réfléchissent toujours à leur positionnement marketing. L’objectif d’économie d’échelle est certes louable mais il n’est pas forcé-ment efficient dans le cadre d’une stratégie touristique.L’organisation touristique est également impactée par le « millefeuille adminis-tratif ». Si le touriste ne perçoit pas cette multiplicité d’acteurs, il existe néanmoins un manque de clarté néfaste à l’économie touristique. Bien que ce ne soit pas le bassin de vie qui doive décider de la pertinence de la destination, il est important qu’un échelon administratif supérieur coordonne les actions. Finalement, la proposition et la tenue d’expériences à vivre et à raconter sont les attentes premières des touristes. Le marketing du moment rejoint la quête d’une qualité dans tous les maillons de la chaîne touristique. De nouveaux métiers apparaissent, notamment liés à la produc-tion et à la diffusion de contenus séduisants et informatifs, couplés à des propositions ciblées et rémunératrices en prestations annexes de restauration, de loisirs culturels ou sportifs. Propos recueillis par FB

Nous nous opposons au détournement de la taxe de séjour

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François Perroy, directeur d’Emotio Tourisme et cofondateur d’Agitateurs de Destinations Numériques

et Denis Dupouy, chargé d’études chez Emotio Tourismeview

Roland HéguyPrésident confédéral de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)view

nous sommes au vert toute l’année, week-ends et jours fériés.

Campagne de promotion du territoire de Franche-Comté. / © Région Franche-Comté

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FOCUS TOURISME4

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COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PAYS DE SOUILLAC ROCAMADOUR

Quand tourisme rime avec fusionAu 1er janvier 2015, huit communautés de communes de la vallée de la Dordogne devraient fusionner à la suite de leur rapprochement autour de la compétence tourisme. Leur slogan pourrait être : « Une fusion pour une véritable destination touristique ». Présentation.

D e renommée mondiale, la cité mariale de Rocamadour doit son rayonnement à sa situation, son

architecture et sa grotte des Merveilles ; elle attire plus d’un million et demi de visiteurs par an. Commune isolée avant 2010, elle s’avère fortement convoitée par les communautés voisines, bien que les charges financières inhérentes à un tel patrimoine inquiètent les élus.L’action déterminante de la région Midi-Pyrénées, appuyée par le département, permet de mobiliser 25 millions d’euros pour soutenir la mise en valeur de la cité. Sous l’impulsion de son président Gilles Liébus, la communauté de communes de Souillac est alors la première à lui proposer d’intégrer son périmètre : Rocamadour la rejoint au 1er janvier 2010.Gilles Liébus a pour priorité de faire de ce territoire une véritable destination tou-ristique : « L’économie touristique étant tellement concurrentielle, la mise en œuvre

de véritables destinations est essentielle et ne peut se faire si nous restons seuls. »

Destination « Vallée de la Dordogne »Dès le départ, les élus de la communauté de communes désormais rebaptisée « du Pays de Souillac Rocamadour » sont conscients du potentiel de leur territoire, ainsi que du fait qu’il est plus facile d’attirer des tou-ristes que des entreprises. Ils souhaitent structurer leur offre et associer fortement

les socioprofessionnels du monde du tou-risme. Cette organisation intercommunale, à côté de celle de Sarlat, fait comprendre aux autres communautés que si elles ne rejoignent pas celle de Souillac Rocamadour dans ce projet touristique, cette dernière

se tournera vers d’autres intercommuna-lités. Comme le précise son président, « le touriste ne connaît pas les frontières ». À partir de 2010, sept communautés de com-munes rejoignent donc celle de Souillac Rocamadour au sein du syndicat mixte de la Vallée de la Dordogne, pour former un ensemble de huit groupements pour 83 communes et 50 000 habitants.En 2012, l ’office de tourisme Vallée de la Dordogne, grâce à la renommée de Rocamadour, est classé catégorie 1.

Les socioprofessionnels, animant dix  commissions thématiques au sein de l’office de tourisme, parti-cipent à la stratégie touristique. Ils ont ainsi arrêté un plan marketing et une nouvelle marque de territoire

« Vallée de la Dordogne - Rocamadour - Padirac ». Les élus ont quant à eux voté une contribution de 10 euros par habitant (population DGF) à laquelle ils ont ajouté la totalité de la taxe de séjour perçue par les communes, constituant ainsi un budget tourisme de près d’un million d’euros. En parallèle, un exercice de rationalisation des moyens a été réalisé sur l’ensemble du territoire : fermeture de trois offices de tourisme, mise à disposition gratuite des locaux d’accueil par les communes, financement d’un standard téléphonique ainsi que de neuf bureaux permanents et embauche de deux saisonniers. Afin d’opti-miser la collecte de la taxe de séjour, deux agents sont dédiés à cette veille avec une rentabilisation très rapide. Des boutiques se sont ouvertes afin de soutenir les filières d’artisanat d’art, de producteurs et d’ar-tistes locaux. Un webmaster a également été recruté. La dynamique est bel et bien engagée et devrait déboucher sur une fusion

des huit communautés au 1er janvier 2015. Un bel exemple de recherche de périmètre pertinent pour fédérer les acteurs et porter une destination touristique.

Fabienne Boucher

COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LA VALLÉE DE SAINT-AMARIN

Friches : les mailles d’une reconversion économique et touristique

En 2003, la fermeture de l’usine de Wesserling marque profondément la vallée de Saint-Amarin : les 230 licenciements, l’apparition de friches industrielles et une forte diminution des recettes fiscales locales mettent en difficulté le territoire. Réactivité et inventivité à travers un projet économique et touristique d’envergure, tel sera le leitmotiv des élus de la communauté de communes.

C réée en 1762, la manufacture de Wesserling occupait près de 70 hec-tares au centre de la vallée de Saint-

Amarin. Dédiée à l’impression de tissus de grande qualité sous les marques Romanex et Boussac, elle a su résister aux crises qui ont jalonné ses deux siècles et demi d’exis-tence. Pour tenter de parer aux soubresauts de cette économie déclinante, le conseil général du Haut-Rhin avait racheté en 1986 l’ensemble des actifs non industriels de la manufacture, soit 12 ha de parcs et jardins autour du château, 5 ha aux abords de la ferme et 30 ha d’espaces naturels. Des aménagements avaient été réalisés et, avec le concours d’associations et des habitants de la vallée, un espace découverte de l’agriculture de montagne et du goût

avait vu le jour dans la ferme, ainsi qu’un musée de l’industrie textile. En 1998, du fait de sa valeur patrimoniale, le parc se voit inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Un ambitieux projet touristique émerge alors.

Les friches, un atoutÀ la fermeture de l’usine de Wesserling en 2003, les élus décident d’acquérir les 24 ha et les 60 000 m² de bâtiments industriels afin d’y développer un projet de reconversion économique et touristique respectant la grande qualité patrimoniale du site. Au-delà

de la nécessité de faire avancer rapidement ce projet sur des friches qui se dégradent très vite, François Tacquard, président de la communauté de communes, mobilise forte-ment les élus et les multiples partenaires. Le montage financier des travaux est organisé

autour de quinze tranches, subvention-nées à hauteur de 65 % par l’Europe, l’État, la région et le département. Le reste est financé grâce à un emprunt de l’intercom-munalité, dont les annuités sont rembour-sées par la location des locaux. Par ailleurs, pour chaque projet, les élus privilégient la

création d’une nouvelle structure, généra-lement associative, qui gère les activités et cherche les financements.Le site héberge un hôtel d’entreprises arti-culé autour du savoir-faire textile, d’arti-sanat local, de logistique ou touristique,

mais également l’Écomusée textile, des boutiques, des ateliers d’artistes ainsi que la Grande Chaufferie qui, avec ses nombreuses tuyauteries et gigantesques machines, représente un

lieu unique d’expression pour les créateurs, artistes et designers textiles.Aujourd’hui, Wisserling accueille 70 PME pour près de 250 emplois, 300 habitants et 80  000 visiteurs par an. L’objectif à terme : 300 emplois, 500 habitants et 100 000 visiteurs. FB

Un exercice de rationalisation des moyens touristiques a été réalisé sur l’ensemble du territoire

Les élus privilégient la création d’une structure souvent associative gérant activités et fi nancements

Canoë en famille sur la Dordogne. / ® P. Soissons / Lot Tourisme

Contrat de destinationDans un contexte concurrentiel intensif et un environnement économique com-plexe, les contrats de destination ont pour objectif de consolider les destina-tions existantes et d’en faire émerger de nouvelles, structurées, à visibilité internationale.

Qu’est-ce qu’un contrat de destination ?Ce contrat fédère les acteurs publics (État, collectivités territoriales, ins-titutionnels du tourisme, CCI…) et privés (hébergeurs, transporteurs, prestataires d’activités sportives et de loisirs…) d’un même territoire autour de thématiques identifiées. Il a pour objectif de construire une offre tou-ristique cohérente et lisible, en France et à l’international. Cet objectif straté-gique se décline sur un ou plusieurs marchés cibles. Le contrat s’appuie pour cela sur une analyse du contexte touristique et des besoins spécifiques. Il suit des logiques territoriales et/ou thématiques avec des échelles diffé-rentes, en visant la mutualisation de moyens à la taille critique pertinente.Il porte simultanément sur la structu-ration et le développement de l’offre, sur la qualité d’accueil, la promotion et l’observation des marchés et des retombées économiques. Le contrat se développe sur plusieurs années, à travers des engagements contractuels concrets dans le cadre d’un calendrier d’actions, et constitue une démarche intégrée.

À ce jour, cinq contrats de destina-tion ont été signés : Tarn-et-Garonne, Alsace, Centenaire de la Grande Guerre, Tourisme de mémoire en Nor-mandie, Massif des Vosges.

Sources : Atout France et DGCIS

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

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COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND NANCY

Un palais des congrès pour développer le tourisme d’affaires

Trois places du XVIIIe siècle classées au patrimoine mondial de l’Unesco, 7 musées, 10 événements annuels de rayonnement national… l’identité touristique du Grand Nancy n’est pas à démontrer. Néanmoins, lors du précédent mandat, la communauté urbaine a entamé un nouveau voyage au cœur de la compétence tourisme. Carnet de route.

L’ année 2007 marque une étape importante pour Nancy à travers l’achèvement de la liaison TGV et les

transformations de la place Stanislas, deux paramètres décisifs pour les acteurs du tou-risme. Deux ans plus tard, la communauté

urbaine engage un audit sur le poids du tourisme pour le territoire. Celui-ci révèle une forte connotation économique, à travers les retombées de l’hôtellerie et de la restauration mais également par le flux de personnes venant pour leurs affaires

professionnelles. Les élus de la commu-nauté urbaine décident alors d’investir la compétence tourisme par l’entrée de l’économie. L’office « Nancy Tourisme » acquiert une dimension intercommunale et se voit chargé du « rayonnement du Grand Nancy » : un tiers de ses financements lui sont désormais apportés par la commu-nauté urbaine.

Le passage au tourisme d’affairesParallèlement, la CU du Grand Nancy conduit une réf lexion sur l’avenir du palais des congrès vieillissant. L’approche croisée entre la com-mande des collectivités locales et le travail du Conseil de déve-loppement et de l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération amène alors les élus à voter la construction d’un nouveau palais des congrès sur la gare TGV. Adossé à l’ancien centre de tri postal construit par Claude Prouvé, l’équipement est baptisé du nom de ce dernier ; une société publique locale (SPL) dont Nancy et la communauté urbaine sont les deux seuls actionnaires en assure la gestion. Dans un souci d’offre

unique, cette même société gère également le parc des expositions depuis le mois de mai dernier.Cette approche économique incite les élus à penser plus globalement le tourisme d’affaires. La présence sur l’agglomération d’équipements nombreux et variés en taille permet en effet de répondre à une telle demande : la CU décide alors d’investir ce champ. « Nancy Tourisme » devient « Nancy Tourisme et Événements » et se dote d’un bureau de l’événementiel, assu-rant la promotion de la destination pour

le tourisme d’affaires et offrant de nou-veaux services liés à l’activité de congrès du territoire. Le centre des congrès Prouvé a été inauguré en juin 2014 avec succès : 18 000 visiteurs ont été dénombrés sur un week-end. L’ouverture officielle aura lieu en septembre 2014 : 70 événements sont déjà programmés jusqu’à la fin de l’année.

FB

COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PAYS D’APT LUBERON

Affi rmer la destination « Provence en Luberon »La communauté de communes Pays d’Apt Luberon est issue de la fusion de deux communautés au 1er janvier 2014. Cette fusion, ainsi que les élections de mars dernier, doivent jeter la base d’un projet touristique porté durant le mandat 2014-2020. Avec le changement de nom de l’office de tourisme intercommunal, désormais baptisé « Provence en Luberon », la ligne éditoriale est définie. Objectif suivant : affirmer la destination.

«N ous avons un territoire béni des dieux. Jusqu’à aujourd’hui, nous faisions un "tourisme de

cueillette", tant il n’y avait pas d’efforts à faire pour que les touristes viennent » : tel est le constat de Jean-Jacques Rodriguez, directeur de l’office de tourisme inter-communal de la communauté de com-munes du Pays d’Apt Luberon. En effet, ce territoire est célèbre pour son massif des Ocres du Luberon mais également pour ses multiples sites touristiques tels que Apt, avec ses faïences et ses fruits confits,

ses villages perchés comme Roussillon, sa route des vins, ses sites naturels excep-tionnels, son observatoire astronomique SIRENE, ses itinéraires de randonnées… Néanmoins, comme ailleurs, les profes-sionnels observent une certaine stagna-tion, certes relative, du marché. Aussi, à l’issue de la fusion de deux communautés en janvier 2014 et des élections commu-nautaires de mars, les élus ont souhaité

réfléchir à une stratégie touristique pour le nouveau mandat : « Aujourd’hui nous sommes un territoire touristique, l’objectif est de devenir une destination touristique », explique Jean-Jacques Rodriguez.

Du territoire à la destination touristiqueLa pléthore de sites remarquables et de labels sont individuellement intéressants, mais n’identifient pas clairement le terri-toire. Modifier le nom de l’office de tourisme participe de ce projet. Cependant, comme

le précise son directeur, « il n’est qu’un outil de la com-munauté de communes et la compétence tourisme ne peut pas se résumer à cet outil, elle doit être plus générale et générique ».

En juin dernier, un séminaire a été organisé pour que les élus redéfinissent la notion et le périmètre de la compétence tourisme. Cet été, une enquête sera réalisée auprès des touristes, de la population, des élus et des prestataires afin d’assurer une adéquation entre offres et attentes, mais également afin de quantifier les flux et d’étudier si un site émerge suffisamment pour porter la poli-tique marketing du territoire. En octobre,

des Assises du tourisme permettront à tous les acteurs de contribuer à la réflexion pour aboutir à un schéma de stratégie touristique budgétisée à la fin 2014.En parallèle, les bâtiments de l’ancienne gare SNCF d’Apt ont été achetés par la col-lectivité et transformés en 450 m² d’accueil-expositions avec un étage administratif. La communauté souhaite doter son territoire d’un hub de transports (bus, taxis…) et

de six points d’information. Côté héber-gement, sachant que seule la moitié des 15 000 lits marchands du territoire s’avèrent classés ou labellisés, l’office de tourisme, qui gère en direct la taxe de séjour, incite financièrement les hébergeurs à remédier à cette situation. Tout est mis en place pour faire de « Provence en Luberon » une des-tination touristique. FB

Une SPL assure la gestion du palais des congrès

Nous sommes un territoire touristique, l’objectif est de devenir une destination touristique

Le sentier des Ocres de Roussillon. / © Shutterstock / Epiceum

Le nouveau centre des congrès au cœur de l’agglomération nancéienne. / © Atelier Marc Barani Architecte

AOÛT 2014 • N° 191 • www.adcf.org

FOCUS TOURISME6

Page 7: politique paysagère ?

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Du traitement paysager à la politique paysagère ?

La collectivité responsable dans la production du paysageEn avril dernier, le Parlement a engagé l’examen du projet de loi biodiversité. Le paysage est l’objet du titre VI, un texte court portant sur les atlas de paysage et les objectifs paysagers que les documents d’urbanisme locaux doivent définir. Pas de révolution majeure mais certainement une recherche de quelques avancées pragmatiques dans la gestion de ce bien commun. L’occasion, pour Intercommunalités, de revenir sur la place du paysage dans les politiques locales.

Q uelle place la notion de « paysage » a-t-elle dans l’action publique ? Est-ce une politique sectorielle ou

un enjeu si transversal qu’il doit guider l’en-semble des actions de la collectivité voire en être un des éléments forts d’arbitrage ? Quel regard porter sur l’appropriation politique du paysage que le droit français place comme élément du patrimoine commun de la nation ? Quelques quest ions parmi celles auxquelles ce dossier tente d’apporter de réponses, notamment sous forme d’analyse et de témoignages de communautés particulière-ment investies sur cette préoccupation. Ce dossier offre surtout l’occasion de revenir

sur la définition même du terme – un enjeu devant l’acception très large que recouvre le mot « paysage » – et de pointer en fili-grane les indispensables progrès à opérer pour tendre localement vers une culture partagée de cette notion.

Jusqu’alors réservée aux sites remarquables, la notion de paysage semble avoir défini-tivement gagné son élargissement aux paysages ordinaires. Si cette avancée est unanimement saluée, elle souligne avec

une acuité renforcée la responsabilité poli-tique de ce qui « fait paysage ». Nombre d’élus constatent avec désolation les pay-sages produits par le développement éco-nomique et notamment commercial en périphérie des villes, la standardisation

des espaces résidentiels et notam-ment les lotissements de maisons individuelles, la monotonie des constructions qui casse l’identité de l’habitat vernaculaire, les effets d’une gestion mal organisée des espaces ouverts… Sur tous ces champs, la collectivité locale a

pourtant une part de responsabilité.De très nombreux progrès sont, il est vrai, constatés ces dernières années. La sensibilité de l’élu au traitement « paysa-ger » des opérations d’aménagement ou

projets urbains qu’il initie ou autorise s’est notamment affirmée. L’interprétation du paysage comme élément identitaire reste cependant faible. Le passage d’un paysage « vu » à un paysage « compris » et partagé entre les acteurs du territoire (comme le souligne le témoignage de la vallée de la Bruche) reste rarement observé. L’enjeu de l’échelle d’intervention se pose encore une nouvelle fois. Si elles ne peuvent toutes parfaitement respecter dans leur périmètre les « unités paysagères », les communau-tés offrent indéniablement un espace de réflexion et d’intervention plus pertinentes pour construire une culture commune du paysage et faciliter l’irrigation de toutes les politiques sectorielles par cet enjeu de premier plan.

Philippe Schmit

Les communautés offrent indéniablement un espace de réfl exion et d’intervention pertinent pour construire une culture commune du paysage

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

7DOSSIER

Page 8: politique paysagère ?

Le paysage, un objet politiqueSpécialiste du paysage et des politiques paysagères, Anne Sgard procède à un cadrage bienvenu sur la notion de paysage comme objet de politiques publiques. L’occasion de remettre en cause quelques idées reçues,

en insistant sur l’importance des paysages ordinaires, du quotidien – et non pas seulement des sites remarquables –, ainsi que sur l’objectif de protection mais aussi et surtout de gestion du paysage par les acteurs publics et privés.

L e paysage est un objet à part dans les politiques publiques. Entré dans la loi depuis maintenant 20 ans, ren-

forcé en 2000 par la Convention euro-péenne du paysage (CEP), il s’est diffusé progressivement dans les politiques locales, les pratiques, les manières de voir et de faire. Cependant, il reste encore un objet quelque peu incongru. Si certains acteurs clés, comme les parcs naturels régionaux (PNR), s’en sont emparés dès la loi Paysage, bon nombre d’élus et de techniciens se montrent toujours réservés. Trop lié à la subjectivité, à l’esthétique, au sensible, à des valeurs entre lesquelles il semble difficile d’arbitrer. Flou, insaisissable, impossible à encadrer dans les politiques en place et à positionner dans les organigrammes. Trop conflictuel aussi car touchant aux sentiments identitaires, aux racines, à l’espace public et au chacun chez soi. Ou alors appréhendé comme un phénomène de mode, rapidement remplacé par d’autres priorités : la biodiversité, la densification, la transition énergétique…Pourtant, la conflictualité potentielle de toute action sur le paysage montre bien que, aussi subjectif et inclassable qu’il soit, il est difficile de l’extraire du débat public et d’ignorer les enjeux qu’il met au jour. La rénovation d’une place, la construc-tion d’une tour, des éoliennes, une zone

d’activités, un lotissement suscitent des réactions et parfois des conflits. Pourquoi ne pas transformer cet obstacle en levier d’action publique ?Les recherches sur la dimension fondamen-talement politique du paysage ont permis de mieux appréhender cet objet, des outils et des dispositifs ont été expérimentés, des

écoles aujourd’hui nombreuses forment des paysagistes aptes, parmi d’autres, à accompagner les collectivités locales dans leur réflexion sur leur cadre de vie et son évolution possible, souhaitée.Trois tendances récentes peuvent être mises en lumière pour défendre une place charnière du paysage dans les politiques publiques.

Du paysage remarquable au paysage ordinaireTout d’abord, la notion de paysage elle-même s’est très largement renouvelée et enrichie. Longtemps cantonnée à des contextes exclusivement ruraux ou naturels,

elle s’est étendue à tous les territoires, et les expressions de « paysage urbain » ou de « paysage industriel » se sont banalisées. Cette conception du paysage, portée par la CEP, permet d’englober tous les cadres de vie : « dans les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires dégradés comme dans ceux de grande qualité, dans

les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien ». Cette position forte conduit à reconsi-dérer l’ensemble des pratiques et des logiques de gestion des pay-sages. Il ne s’agit plus seulement de protéger des paysages reconnus comme exceptionnels, ce qui reste

indispensable pour permettre leur contem-plation par tous ; il s’agit aussi d’inventer de nouvelles manières de qualifier et de gérer le cadre de vie quotidien, les paysages ordinaires.Les paysages remarquables sont le résultat d’un processus de découverte-valorisation-patrimonialisation étroitement lié au développement du tourisme. Les paysages ordinaires sont affaire de familiarité, de proximité, de connivence, d’attachement ; leur fréquentation tisse des liens entre les usagers et les lieux, liens qu’il faut identifier et analyser dans une perspective de gestion sur le long terme. Si l ’on ne restreint pas le paysage à une sélection de sites patrimonialisés, où l’on tente de limiter les transformations, cela implique aussi de reconnaitre les dynamiques à l’œuvre à la fois du côté des composantes matérielles du paysage, et du côté des pratiques et des regards que les usagers portent sur eux. La sélection de paysages remarquables parie sur le consensus, la reconnaissance des paysages ordinaires suppose d’accepter la diversité et la variabilité des regards, des pratiques, des valeurs.

Un outil de cohérence et de transversalitéL’enjeu n’est pas mince : il s’agit de défendre le droit de chacun à un cadre de vie qui permette la création de ces liens sensibles, de ces sentiments d’appartenance dans leur pluralité.On le voit, l’attention se déplace du spec-tacle aux spectateurs.La gestion des paysages, qu’ils soient remarquables ou ordinaires (et le paysage exceptionnel des uns est le paysage quo-tidien des autres), invite à mobiliser une grande diversité d’outils et de procédures, au-delà de la seule logique de protection, qui passe essentiellement par des interdic-tions. Une « politique paysagère » renvoie ainsi à des procédures et des outils, à des acteurs, mais aussi à un projet qui dépasse la seule intervention sur des composantes

paysagères pour englober un territoire et la manière dont son devenir est perçu par ses usagers. Elle questionne donc l’échelle d’intervention et la gouvernance en intro-duisant d’autres découpages : une unité paysagère, des perspectives, des continuités sensibles qui pourront nourrir le projet. Elle est toujours transversale : un projet de développement touristique en zone de montagne peut difficilement faire l’impasse sur le paysage à promouvoir et implique ainsi agriculteurs, éleveurs, forestiers ; une politique paysagère en aggloméra-tion est étroitement liée aux politiques de mobilités, etc. Plutôt qu’un frein ou un obstacle, l’entrée paysagère peut dès lors être un outil de concertation et de mise en cohérence. Nombre d’expériences ont en outre montré l’intérêt des démarches participatives autour du paysage, exploité les ressources du paysage en tant qu’outil de médiation, justement parce qu’il s’adresse à la subjectivité, aux sens, à l’attachement, à la mémoire, et permet de faire parler du territoire, de partager son histoire et de débattre de son devenir.

Un bien commun ? Une aide à l’arbitrage ?La proposition n’est pas de faire du paysage une solution à tous les projets de territoire, mais de mesurer ce que cet objet incongru peut apporter du fait même de sa spécificité. Une expression s’est diffusée depuis peu à propos du paysage et retient l’attention :

le « bien commun ». Elle suggère que, à diverses échelles, les valeurs collectives attachées au paysage justifient son impor-tance et sa place dans la conception d’un projet de territoire. Le bien commun diffère du patrimoine car il n’est pas forcément un legs du passé, à conserver et à trans-mettre ; c’est un bien collectivement défini, négocié aujourd’hui et autour duquel on tente de construire un accord, ce qui ne passe pas forcément par le consensus. Où construire, que protéger, où faire passer une rocade, quelle perspective préserver ou créer ? Affirmer que le paysage est un bien commun est en soit une revendica-tion : arbitrer au nom d’un paysage partagé pour dépasser les intérêts individuels. Si les procédures de patrimonialisation et de protection ont leur pertinence pour des sites considérés comme exceptionnels ou menacés, on ne peut pas conserver et figer tous les paysages ; les générations actuelles et futures ont aussi à inventer de nouveaux paysages, de nouvelles pratiques, à forger d’autres regards.

Reconnaître les paysages ordinaires suppose d’accepter la diversité des regards, des pratiques, des valeurs

Nombre d’expériences ont montré l’intérêt des démarches participatives autour du paysage

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Anne SgardProfesseur au département de géographie et environnement de l’université de Genève

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« Les paysages ordinaires sont affaire de familiarité, de proximité,de connivence et d’attachement. » / © Shutterstock / Epiceum

AOÛT 2014 • N° 191 • www.adcf.org

8 DOSSIER PAYSAGE

Page 9: politique paysagère ?

« Le paysage nécessite un portage politique assumé »

Pour Christophe Degruelle, « tout est paysage ». Élu local et maître de conférences associé à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois, il tente de faire du paysage un volet récurrent de chacune des politiques portées dans l’agglomération. Une expertise qui l’a conduit à être auditionné dans le cadre du projet de loi biodiversité. Il nous livre ici sa vision de la place du paysage dans les politiques publiques locales.

Comment donner une définition politique du paysage ?Il est essentiel de partir de la Convention européenne du paysage, entrée en vigueur en France le 1er juillet 2006. Avant cette convention, lorsque l’on parlait du paysage, la définition de référence était plus ou moins celle du dictionnaire, à savoir « l’ensemble d’un lieu qui s’offre à la vue ». Le point de vue consacré par cette définition était celui de l’observateur, selon une approche très picturale.

L’article 1 de la Convention européenne définit le paysage comme une « partie de territoire telle que perçue par les popula-tions, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Plusieurs éléments sont ici fondamentaux. D’abord, la notion de « perception » : elle est plus large que celle d’ « obser-vation », puisqu’elle peut être visuelle mais également auditive, sensible, intellectuelle… Ensuite, cette perception du paysage est un phénomène collectif, elle n’est plus le fait d’un seul individu. Enfin, la convention décrit le paysage comme produit et façonné par les actions de l’homme. C’est tout à fait le cas en France : des archéologues ont d’ailleurs daté les plus anciennes traces d’action de l’homme sur le paysage à l’ère néolithique. Cette conception anthropisée du paysage permet de sortir de la sacralisation d’un territoire vierge et végétal.

Quelle est la place du paysage ainsi défini au cœur des politiques publiques ?Notons tout d’abord que la Convention européenne du paysage identifie trois axes devant guider les politiques publiques paysagères : la protection, la gestion et l’aménagement.L’une des questions aujourd’hui fonda-mentales est ensuite de savoir si le paysage doit constituer une politique publique spé-cifique, ou si la préoccupation paysagère doit irriguer toutes les politiques publiques de façon transversale. C’est une question complexe, à laquelle je ne suis pas sûr qu’il soit possible de répondre de façon tranchée.Le paysage doit infuser dans chaque poli-tique publique : il est essentiel que chaque projet détienne un angle « paysager », car tout est paysage. Mais il est également crucial que les élus élaborent et portent

politiquement une vision paysagère. Ce portage politique est notamment nécessaire afin qu’une telle stratégie puisse être menée à son terme, avec des investissements liés. Le fait que des syndicats mixtes de Scot ou des parcs naturels régionaux poursuivent des objectifs paysagers est une bonne chose, mais une gouvernance assumée est néces-saire afin de parvenir à ces objectifs. Oscar Wilde avait dit : « Avant Turner, il n’y avait pas de brouillard à Londres ». Et bien l’élu doit être Turner avec son brouillard : il doit donner à voir le paysage quotidien qu’il souhaite porter par son projet politique.

À ce propos, pensez-vous que le titre « paysage » du projet de loi biodiversité soit incitatif en la matière et propose des outils adéquats ?Le titre 6 du projet de loi biodiversité est effectivement consacré au paysage. Il aurait d’ailleurs pu avoir sa place dans la loi Alur : cela témoigne de la double dimension de ce concept, qui relève à la fois de la biodiversité et de l’aménagement.

Dans l’ensemble, les dispositions proposées (généralisation des atlas du paysage, affir-mation des objectifs de qualité paysagère) vont dans le bon sens.Je me pose toutefois la question de savoir si les objectifs de qualité paysagère qui doivent être intégrés dans le Scot n’auraient pas dû également être contenus dans le PLU ou le PLUi, afin d’aller plus loin s’agissant de leur prise en compte dans les politiques locales d’aménagement.

Cela pose la question de l’échelle d’action locale en matière de paysage et de ses outils…Oui, effectivement. À ce titre, la dimension intercommunale du paysage me paraît être une évidence : celui-ci ne s’arrête pas aux frontières de la commune !De façon un peu provocatrice, j’avais proposé de rebaptiser le PLU intercom-munal « PLUP » : plan local d’urbanisme et de paysage. Car finalement, ce qui fait l’intercommunalité, c’est bien le paysage. D’ailleurs, l’essentiel des projets publics en matière de paysage sont portés par

des intercommunalités, voire des syndi-cats mixtes de Scot ou des parcs naturels régionaux.

Pour autant, il semble que les élus ne soient que faiblement sensibilisés à cette thématique…C’est vrai. Le paysage n’est pas encore une préoccupation des élus, et ce pour plusieurs raisons.D’abord, c’est un concept com-plexe que l’on peine à rendre concret. Il n’existe pas de « code du paysage », mais on le retrouve dans cinq codes : urbanisme, environne-ment, patrimoine, agriculture et forestier. C’est donc une notion très diffuse, que les élus n’identifient pas.De plus, lorsque l’on parle de politique publique du paysage, on pense trop souvent à la protection de grands sites classés ou de paysages de nature remarquables : tous les élus ne se sentent pas concernés. Or, le paysage est bien autre chose, nous l’avons vu plus tôt. Les outils français de protection

du patrimoine sont plutôt performants ; mais beaucoup de progrès restent à faire en matière de gestion du paysage quotidien, ou même en matière de dialogue paysager entre l’urbain et le périurbain.Nous sommes, enfin, confrontés à un pro-blème d’identification et de compréhen-sion du métier de paysagiste. Trop souvent,

celui-ci est associé uniquement au travail du végétal. Les collectivités manquent de compétences paysagères dans leurs équipes, et ne sont donc pas à même d’organiser un dialogue de qualité avec les professionnels du paysage (bureaux d’études, etc.). Or, ce dialogue entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre est fondamental si une collecti-vité souhaite porter des politiques fortes en matière paysagère. J’avais, à ce sujet, souhaité soutenir au nom de l’AdCF un

amendement porté par l’association inter-professionnelle du paysage Val’hor sur le projet de loi biodiversité, qui visait à faire reconnaître une profession de paysagiste concepteur. C’est une piste à suivre si l’on souhaite que ce métier soit connu et reconnu.

Comment avez-vous mis en œuvre une politique paysagère dans votre communauté ?L’enjeu était chez nous majeur, le Val de Loire ayant été classé par l’Unesco au patri-moine mondial de l’humanité.J’ai d’abord fait de la pédagogie auprès de mes élus et de mes services. J’enseigne à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois depuis 2002. Je ne voulais donc pas que mon intérêt pour

les problématiques de paysage résonne comme une « obsession du président », mais je souhaitais convaincre. Nous avons com-mencé par un diagnostic, opéré par le paysagiste conseil de la direction départementale du ter-ritoire (DDT). Il a été suivi par la constitution d’un groupe de vice-présidents (à l’aménagement, au développement durable, à la com-mande publique…) qui a remis une série de propositions, dont l’idée d’embauche d’une paysagiste. Celle-ci a été placée directement

auprès du DGS, ce qui lui garantit une place et un rôle transversal dans l’organigramme.Nous avons également engagé deux pre-miers projets assez symboliques. Le premier était l’acquisition pour démolition d’une vieille station-service qui ne fonctionnait plus et enlaidissait énormément le paysage le long de la route Blois - Chambord. Le

second était l’opération « Fenêtres sur Loire », qui a consisté à créer des ouvertures le long du chemin cycliste des bords de Loire, là où la végétation était devenue tellement dense que l’on ne pouvait plus dis-tinguer le fleuve. Les résultats de

ces deux opérations ont été très visibles et ont contribué à la prise de conscience autour de cet enjeu.Aujourd’hui, nous organisons également des promenades lectures, afin de faire prendre conscience aux habitants de la nécessité d’habiter et de parcourir leur paysage. La première a eu lieu dans une zone industrielle, et la seconde sur les bords de Loire.

Propos recueillis par Apolline Prêtre

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Christophe DegruellePrésident de la communauté d’agglomération de Blois, Agglopolysview

Comme Turner avec le brouillard, l’élu rend visible le paysage

La dimension intercommunale du paysage me paraît être une évidence

À la CA de Blois, nous avons commandé un diagnostic opéré par un paysagiste

Agglopolys réalise des percées sur la Loire pour en valoriser la vue depuis les sentierset les routes qui la bordent. / © Agglopolys

AVANT APRÈS

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

9DOSSIER

Page 10: politique paysagère ?

La notion juridique de paysageSi elle est encadrée par la Convention européenne du paysage, la notion de paysage transparait de façon diffuse dans le droit français, dans des codes différents et selon des approches (protection, gestion) variables. Tour d’horizon.

R atifiée par la France en 2006, la Convention européenne du paysage constitue le cadre des politiques

publiques en matière de paysages. Elle donne une définition juridique du paysage, « partie du territoire telle que perçue par les populations et dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », pour laquelle les politiques publiques doivent permettre d’atteindre des objectifs de qualité qui correspondent, pour un paysage donné, aux « aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ». Les autorités publiques doivent ainsi mettre en œuvre une politique en formulant « des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’amé-nagement du paysage ». Cette politique ne saurait d’ailleurs se limiter aux « paysages remarquables » mais doit aussi concerner les « paysages du quotidien » ainsi que les « paysages dégradés ».

Les politiques publiques du paysageLa protection du paysage – actions de « conservation et maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage » – est sans doute l’approche la plus « traditionnelle » de la prise en compte du paysage par le droit français ; elle concerne avant tout les paysages « remarquables ». Dès le début du XXe siècle, la loi sur les distributions de l’énergie prévoyait que ces installations devraient satisfaire à des conditions techniques « au point de vue […] de la protection des paysages ».L’aménagement du paysage – actions présentant un « caractère prospectif par-ticulièrement affirmé visant la mise en valeur, la restauration ou la création de

paysages » – concerne essentiellement les paysages « dégradés » ou la « création » de nouveaux paysages répondant à des besoins sociaux. Cette notion a été identifiée en France à partir de 1976, avec l’institution d’un diplôme de paysagiste.

La gestion du paysage – actions visant « dans une perspective de développement durable, à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, écono-miques et environnementales » – concerne surtout l’immense part des paysages « du quotidien ». Elle constitue l’un des enjeux essentiels de l’aménagement du territoire.

Un droit essentiellement « protecteur »C’est encore très largement sous le seul angle de la protection que le droit français prend en compte le paysage.Dès 1960, les parcs nationaux sont créés « lorsque […] les paysages […] présentent un intérêt spécial et qu’il importe d’en assurer la protection » ;

la charte de parc national définit ainsi « les objectifs de protection du patrimoine naturel, culturel et paysager ». Objectif similaire poursuivi par la création, en 1967, des parcs naturels régionaux qui « consti-tuent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages ».La loi relative à la protection de la nature (1976) affirme d’ « intérêt général » la protection des paysages. Fin 1996, la loi sur l’air range les sites et paysages dans le « patrimoine commun de la nation ». Le Code de l’urbanisme affirmant de son côté que le territoire français est également le patrimoine commun de la nation, les collectivités publiques doivent harmoniser

leurs prévisions et décisions d’utilisation de l’espace pour assurer « la protection […] des paysages ». Un souci de préser-vation réitéré successivement par les lois Montagne (1985), Aménagement (1985), Littoral (1986) ou relative au développe-

ment des territoires ruraux (2005), ou encore par la plupart des schémas territoriaux d’aménagement (Padduc, SAR, DTADD…). Dans le cadre, enfin, des autorisations administratives auxquelles les projets – publics ou privés, individuels ou col-lectifs – concernant l’occupation ou l’utilisation des sols (pris de façon très

large, bien au-delà des seules autorisations d’urbanisme) peuvent être assujettis, c’est encore la « protection » du paysage qui doit être quasi systématiquement intégrée. Exemples types : l’installation d’infrastruc-tures et d’équipements de communication, la délivrance d’autorisations d’exploitation commerciale ou d’exploitation d’une instal-lation de stockage de déchets inertes, etc.

Un paysage à gérerQuelques approches territoriales intègrent désormais des préoccupations d’aména-gement voire de gestion du paysage. C’est le cas, par exemple, des directives de pro-tection et de mise en valeur des paysages prévues par le décret d’application de la loi Paysage de 1994 ou encore des trames vertes et bleues, des Scot et des PLU depuis la loi Grenelle II.

Jean-Philippe Strebler,Directeur de la Fédération

nationale des Scot

Le droit français prend très largement en compte le paysage sous le seul angle de la protection

En 1996, la loi sur l’air range les sites et paysages dans le « patrimoine commun de la nation »

Le paysage dans les documents d’urbanismeVingt ans après la loi Paysage, la loi Alur vient renforcer la prise en compte des paysages dans les documents d’urbanisme, consolidant ainsi la mise en œuvre de la Convention euro-péenne du paysage.

Dans les ScotLes Scot ont désormais l’obligation de formuler des « objectifs de qualité paysagère ».Ces objectifs doivent être justifiés dans le rapport de présentation. Ils peuvent notamment aider à l’identif ication, désormais obligatoire, des secteurs avec un potentiel de densification.Depuis la loi Alur, le projet d’aména-gement et de développement durables (PADD) du Scot doit fixer des « objec-tifs de qualité paysagère ». Conformé-ment à la définition de la Convention européenne du paysage, ces objectifs « désignent la formulation par les auto-rités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie », signifiant notamment que les objectifs de qualité paysagère peuvent relever de la protection, de la gestion et/ou de l’aménagement des paysages.Le document d’orientation et d’ob-jectifs (DOO) du Scot pouvait déjà « définir les conditions de valorisation des paysages ». Selon la loi Alur, il « peut » désormais affiner les objectifs de qualité paysagère formulés dans le PADD. Depuis la loi Grenelle II, les localisations préférentielles des équi-pements commerciaux et artisanaux doivent aussi prendre en compte les objectifs de préservation des paysages.

Dans les PLULe paysage fait désormais son appari-tion parmi les orientations générales que doit définir le PADD du PLU, et ce dans le prolongement des objectifs de qualité paysagère introduits dans le Scot.La refonte du règlement du PLU permet à ses auteurs de développer une approche paysagère selon différents niveaux de prescription : dans le cadre d’un changement de destination en zone naturelle de bâtiments présentant un intérêt architectural et patrimonial, ou dans le cadre de règles relatives à l’as-pect extérieur des constructions ayant pour objectif de contribuer à la qualité paysagère.Sur les territoires non couverts par un PLU ou autre document d’urbanisme, il est prévu que « le conseil municipal peut (…) identifier et localiser un ou plu-sieurs éléments présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique, et définir, si nécessaire, les prescriptions de nature à assurer leur protection. »

Le parc urbain de la ZAC Victor Hugo à Saint-Ouen. / © Xavier Testelin/CIT’images

Pour aller plus loin :Retrouvez l’article complet

relatif à la notion de paysage dans le droit sur le site de l’AdCF

(Rubrique « urbanisme ») ou en flashant le code ci-dessous :

Pour aller plus loin :Consultez la fiche du ministère du Logement et de l’Égalité des territoires consacrée au « paysage dans les documents d’urbanisme » sur le site du ministère ou en flashant le code ci-contre :

AOÛT 2014 • N° 191 • www.adcf.org

10 DOSSIER PAYSAGE

Page 11: politique paysagère ?

Politique paysagère : les outils à la disposition des collectivitésAtlas, plan, objectifs de qualité paysagère : tour d’horizon des outils dont disposent les collectivités pour mettre en œuvre les politiques paysagères.

C omme nous y invite la Convention européenne du paysage, la mise en œuvre d’une politique de dévelop-

pement et d’aménagement durables des territoires passe par une réflexion sur le devenir de nos paysages, et notamment ceux qui constituent « notre cadre de vie quotidien ». Différents outils ont donc été développés par le ministère pour permettre aux collectivités d’agir sur une évolution choisie de leurs paysages, et ce, en connais-sance de cause.Le principe est le suivant : formuler une connaissance partagée et objective des paysages, puis, sur cette base, exprimer des orientations en matière de qualité du cadre de vie et bâtir in fine un projet de territoire spécifique et exigeant.

Atlas : clé d’une compréhension collective du paysageLes atlas de paysages sont des documents de connaissance des paysages mis en œuvre depuis plus de 20 ans, soit au niveau dépar-temental soit au niveau régional. Ils ont pour objet « d’identifier, de caractériser et de qualifier les paysages infrarégionaux en tenant compte des dynamiques qui les modifient et des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs socio-économiques et les populations concer-nées ». Ils s’appuient en particulier sur les concepts de structures paysagères et d’unité paysagère, les structures paysa-gères constituant les traits caractéristiques

d’une unité paysagère, c’est-à-dire les traits caractéristiques d’un paysage donné. Pour tenir compte des évolutions permanentes des paysages, ces atlas sont actualisés tous les dix ans environ. Les observatoires pho-tographiques du paysage peuvent également être mobilisés comme outils de suivi de l’évolution des paysages et ainsi contribuer à alimenter, dans le temps, la connaissance des paysages.Actuellement, la quasi-totalité du territoire français est couverte par un atlas de pay-sages. À disposition des acteurs publics, ce socle de connaissances peut être considéré

comme la clé d’une compréhension collec-tive des paysages sur laquelle les collectivi-tés peuvent utilement s’appuyer pour bâtir leur politique territoriale.

Des objectifs de qualité paysagère au service d’un projetLes collectivités locales (intercommunalités notamment) sont invitées à définir, pour chacun des paysages identifiés dans l’atlas de paysages et présents sur leur territoire, des « objectifs de qualité paysagère ». Le plan de paysage est l ’outil qui leur est dédié depuis les années 1990. Il vise à

leur permettre d’appréhender l’évolution des paysages de manière prospective et de définir le cadre de cette évolution. Il facilite, en outre, la projection dans l’espace du projet politique de la collectivité et donc en rend la définition plus aisée. Élaboré en concertation avec les acteurs du territoire et les populations, le plan de paysage exprime le projet de la société en matière de qualité du cadre de vie.C’est donc à la fois un outil stratégique, partagé sur un territoire (entre élus, acteurs économiques, habitants...), et un outil d’aide à la décision (document-cadre qui permet d’orienter les interventions futures). C’est aussi un document qui comprend des axes d’interventions spécifiques en vue de répondre directement à certains objectifs de qualité paysagère formulés. Ces axes peuvent être de nature réglementaire, opérationnelle ou relever de la sensibilisa-tion. Document non contraignant, le plan de paysage est ainsi le fruit d’une démarche volontaire de la collectivité.Aujourd’hui, cette approche va pouvoir être mise en œuvre directement dans les Scot, suite à la loi Alur, puisque ceux-ci doivent désormais contenir des « objec-tifs de qualité paysagère ». Demain, cette approche sera également partie intégrante des chartes de PNR, comme le prévoit le projet de loi biodiversité.

Perrine Laon et Marie Villot,bureau des paysages et de la publicité

du ministère de l’Écologie

Démarche « plan de paysage » : mettre le paysage au cœur des politiques d’aménagementProcessus volontariste, le plan de paysage constitue un outil permettant une projection spatiale, à l’échelle du paysage, d’objectifs participant du projet du territoire. Ce document est une aide précieuse des collectivités dans leur politique d’aménagement ; il fait l’objet d’un soutien particulier du ministère de l’Écologie. Présentation.

F ondé sur une démarche concertée, le plan de paysage est un document qui vise à élaborer et mettre en œuvre

une stratégie paysagère, c’est-à-dire une stratégie en faveur de la qualité du cadre de vie. Celle-ci, qui a pour objet d’orienter qualitativement l’évolution des paysages, permet de faciliter l’émergence, la défini-tion et la mise en œuvre du projet du ter-ritoire. Partagé entre les différents acteurs de ce territoire (élus, habitants, acteurs économiques…), le plan de paysage vise ainsi à anticiper et à orchestrer les diffé-rentes interventions envisagées. Il s’agit

donc d’une démarche qui invite à repenser notre manière de concevoir l’aménage-ment du territoire en remettant au cœur du processus ce qui fait l’originalité et la

richesse de ce territoire, et qui par ailleurs est porteur de sens pour les populations : le paysage. À travers cette démarche, le paysage est ainsi appréhendé comme un levier de développement local, et le plan de paysage comme un outil permettant de renforcer l’attractivité d’un territoire.

L’expression spatiale d’un projet politiqueCette démarche volontaire est fondée sur une méthodologie simple : formuler des objectifs en matière de paysage, « les objectifs de qualité paysagère », c’est-à-dire

des orientations qui per-mettent de guider, dans le sens souhaité, l’évolution des paysages. Le plan de paysage est ainsi l’expres-sion spatiale d’un projet politique. Les objectifs

que la collectivité s’est fixés l’aident à définir sa politique en matière d’urbanisme, de transports, d’infrastructures, d’énergies renouvelables, puis à concevoir des projets

de façon à ce qu’ils s’inscrivent en cohé-rence avec les principes de protection, de gestion ou d’aménagement qu’elle s’est fixés et, enfin, à les mettre en œuvre. Parce qu’il permet de se projeter dans l’espace et en particulier dans l’échelle du paysage, le plan de paysage constitue donc un outil au service des élus et de la politique qu’ils souhaitent mettre en œuvre.

Le soutien du ministère à la démarcheEn vue d’accompagner les avancées et réflexions législatives récentes ou en cours (loi Alur et projet de loi biodiversité), le ministère a élaboré un plan de relance du paysage et a en particulier lancé, en fin d’année 2012, un appel à projets « plans de paysage ».Objectifs : accompagner techniquement les lauréats de l’appel à projets dans la for-mulation des objectifs de qualité paysagère et dans leur traduction opérationnelle, afin ensuite de tirer les enseignements des différentes expérimentations menées et de

capitaliser au niveau national sur la métho-dologie, pour enfin promouvoir et diffuser cette démarche sur l’ensemble du territoire. Le ministère porte en effet l’ambition que cette approche méthodologique soit mise en œuvre sur tout le territoire national, que ce soit par l’intermédiaire des Scot, des chartes de PNR ou des plans de paysage, de façon à permettre un aménagement du territoire de qualité.Depuis le lancement de l’appel à projets « plans de paysage » en 2012, un club a été mis en place, avec pour objectif d’accompa-gner techniquement les collectivités qui se sont engagées dans la démarche. Le Club national « plans de paysage » constitue un lieu d’échanges et de partage d’expériences entre et au service des territoires.Les travaux législatifs en cours devraient permettre d’asseoir ce cadre. Par ail-leurs, un nouvel appel à projets sera lancé prochainement.

Perrine Laon et Marie Villot

Panneau du projet d’aménagement d’un « parc-promenade » dans le quartier Marbé à Mâcon,aujourd’hui réalisé et sélectionné pour les Victoires du Paysage 2014. / © Richard Damoret / REA

À travers cette démarche, le paysage est appréhendé comme un levier de développement local

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11DOSSIER

Page 12: politique paysagère ?

COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE VÈRE-GRÉSIGNE

La charte paysagère : guide et réservoir d’idées pour l’urbanisme local

En 2011, la communauté de communes de Vère-Grésigne décide de se doter d’un PLUi ainsi que d’une charte paysagère. Deux documents étroitement liés, qui ont permis aux élus de traduire la vision qu’ils avaient de l’urbanisme sur leur territoire. Récit.

D ix-neuf communes pour 4 500 habi-tants sur un territoire rural à forte valeur ajoutée en patrimoine bâti et

naturel. Si un tel contexte offre à la com-munauté de communes de Vère-Grésigne un potentiel touristique apprécié, il la place également face à un défi de maintien et de renouvellement de sa population, de son économie, de développement du tourisme et de préservation de son paysage. Des enjeux auxquels les élus ont répondu en s’armant d’un plan d’urbanisme intercommunal et d’une charte paysagère.

Guider sans contraindreObjectif de la démarche : trouver le moyen d’accueillir de nouvelles populations tout en préservant la richesse du patrimoine bâti et naturel du territoire et en « gardant le caractère rural des villages », tel qu’exprimé

dans la charte paysagère. Les élus ont donc choisi de travailler sur « comment bâtir », et notamment sur l’intégration paysagère des constructions. Problème toutefois : comment guider les constructions nouvelles sans aller trop loin dans la contrainte ? Le

PLU intercommunal pose en effet un rapport de conformité qui peut encadrer de façon parfois très stricte les nouvelles construc-tions. « C’est là que les élus ont eu l’idée de la charte paysagère comme document de transition entre l’approche par le règlement du PLUi et leurs idées et visions pour le ter-ritoire », explique Cécile Danesin, chargée de mission urbanisme à la communauté. Cette charte consiste en effet en un guide permettant d’expliquer, d’accompagner et de faire ressentir les volontés des élus sur le territoire.

Pédagogie et accompagnementLa démarche a débuté par un exercice de pédagogie à destination des conseillers com-munautaires : visites de territoires en bus, arrêts dans les villages et hameaux, tour du patrimoine local, identification des sites et

bâtis à préserver et de la façon de le faire… La commande publique faite au bureau d’études conte-nait elle-même un volet paysager affirmé, l’amenant à s’associer à un architecte patrimoine.Le résultat consiste en une charte très pédagogique, portant certes

sur la préservation et la restauration, mais également sur la façon de bâtir des construc-tions nouvelles. Pour Cécile Danesin, « ce n’est pas qu’une charte "restauration de vieilles pierres" : on accepte évidemment les aménageurs et les maisons individuelles,

mais les élus souhaitaient montrer que ces projets pouvaient se faire de manière inté-grée au paysage et à l’existant. » La charte insiste ainsi sur l’orientation des construc-tions, les volumes, la façon de prolonger un hameau, les choix de matériaux et de teintes…

Une inspiration pour le PLUiLa réflexion menée dans le cadre de la charte paysagère a ensuite directement inspiré le PLUi : élaborée en même temps que ce dernier, la charte a permis de constituer un réservoir d’idées, dans lequel les élus ont choisi les orientations qu’ils souhaitaient rendre conformes en les incorporant au plan d’urbanisme. Parmi les axes choisis : l’intégration des nouvelles constructions

dans le paysage existant et la végétalisa-tion des villages. « La charte a servi de fil conducteur au règlement, analyse Cécile Danesin. Là où le règlement est perçu comme une contrainte, la charte a constitué une bonne approche car elle permettait d’aider les habitants à mieux construire. »Un guide très utile dans le cadre de l’ins-truction des autorisations d’urbanisme et du conseil en amont, tous deux assurés par la communauté. « La charte n’oblige pas les habitants et les aménageurs à faire, mais ils sont à l’écoute lorsqu’on leur présente ce document synthétisant la vision des élus », commente la chargée de mission urbanisme. Avec, au final, une prise de conscience renouvelée du paysage.

Apolline Prêtre

NÎMES MÉTROPOLE

Trois chartes pour refl éter la diversité d’un territoire

Sur un territoire caractérisé par la diversité de son cadre de vie, Nîmes Métropole s’est faite partenaire de trois chartes paysagères. Si chacune est adaptée aux caractéristiques des communes qu’elle couvre, les objectifs poursuivis sont partagés : préservation du paysage, soutien à l’économie locale et développement du territoire.

N îmes Métropole regroupe 27 com-munes allant de 600 à 140 000 habi-tants, sur des paysages très variés

mais caractérisés par leur grande qualité. Ce constat a amené la communauté à se doter dès 2004 d’une compétence « préservation de l’identité des paysages ». Une politique paysagère a depuis été soutenue par une démarche photographique de connaissance des paysages et par le développement de trois chartes paysagères. Celles-ci consti-tuent pour la communauté des outils non réglementaires permettant une prise de conscience et une mobilisation des différents acteurs sur des projets liés au paysage. Nîmes Métropole est d’ailleurs partenaire à part entière de chacun de ces documents, qui couvrent aujourd’hui tout le territoire de l’agglomération.

Trois chartesLa première charte, élaborée à l’initiative du Syndicat des vignerons des Costières de Nîmes, s’inscrit dans le paysage typique des

Costières et couvre 24 communes. Signée en 2007 à la suite d’un partenariat entre la communauté, le syndicat des vignerons et la DREAL Languedoc-Roussillon, elle a pour objectif la valorisation d’un milieu, de sa biodiversité et de ses ressources, afin de le préserver mais également de générer des retombées économiques. Parmi les actions menées : plantation de haies composites, conseil en architecture pour les bâtiments agricoles ou encore zonage com-munal des potentiels paysagers et environnementaux.La charte de la Vaunage s’ins-crit dans un contexte très dif-férent : elle est le projet de l’Association des communes de la Vaunage (ACV), six  communes associées afin de lutter contre la pression foncière, l’enfrichement des parcelles agricoles et un possible éclatement administratif. Signée en 2011 par l’ACV, le Pays Garrigues et Costières de Nîmes et Nîmes Métropole, la charte a

notamment porté un projet d’identification des terres abandonnées afin de favoriser leur remise en culture, ainsi qu’une base de données à l’échelle de la parcelle destinée à aider l’installation des jeunes agriculteurs. Les six communes de la Vaunage se sont largement approprié le document, chacune le citant dans son PLU.

Signée par 14 communes des garrigues nîmoises, la charte des garrigues inter-communales de Nîmes Métropole a pour objectif la gestion des espaces naturels, la restauration des milieux agricoles et la valorisation touristique des garrigues, sur un territoire confronté à l’étalement urbain et à la fermeture des milieux naturels. Elle

a notamment permis l’écriture d’un guide des loisirs en garrigues, dans un but de pro-tection de l’espace.

Cohérence entre les chartesPoints communs à toutes ces chartes : la volonté de préserver un patrimoine, mais également de favoriser un développement équilibré du territoire et de perpétuer l’activité économique. Deux chartes sur trois (Costières et Vaunage) ont émergé du volontarisme d’acteurs locaux, le Syndicat des vignerons des Costières et l’Association des communes de la Vaunage. La troisième a été proposée par Nîmes Métropole aux communes des garrigues. Enfin, dans chacune des chartes, la communauté a été un partenaire fort du projet, favorisant la cohérence des initiatives sur le territoire et le dialogue entre ces documents. En 2013, les trois chartes se sont d’ailleurs associées autour d’un projet d’inventaire des arbres remarquables sur le territoire.

Apolline Prêtre

Les toits ont une grande importance dans les paysages de Vère-Grésigne, ici le village de Vieux. © Atelier Lavigne - Architectes associés

La charte porte sur la préservation, mais également sur la façon de bâtir des constructions nouvelles

La charte de la Vaunage a porté un projet d’identifi cation des terres abandonnées afi n de les remettre en culture

AOÛT 2014 • N° 191 • www.adcf.org

12 DOSSIER PAYSAGE

Page 13: politique paysagère ?

« Le paysagiste n’est pas qu’un concepteur d’espaces verts »

Interprofession du paysage et du végétal en France, Val’hor regroupe les organisations professionnelles du secteur de la production, de la distribution et du commerce horticole ainsi que du paysage et du jardin. Entretien avec son délégué général, Jean-Marc Vasse, sur le métier de paysagiste et sa place dans et aux côtés des collectivités.

Comment définiriez-vous le métier de paysagiste ?Le paysagiste est un concepteur et maître d’œuvre de projets et d’études d’aménage-ment des espaces extérieurs, quelle qu’en soit l’échelle. Il ne réalise pas lui-même les travaux qu’il conçoit. Il doit avoir une vision très transversale. Il est également un spécialiste du végétal, donc du vivant. Cela rend sa profession différente de celle d’un urbaniste ou d’un architecte. Dans tous les cas, il n’est pas qu’un concepteur de parcs ou d’espaces verts, et encore moins un ingénieur.Le paysagiste aborde un projet donné selon des angles multiples. Il le perçoit, tout d’abord, en quatre dimensions : les trois dimensions classiques de l’espace, mais également le facteur « temps ». En effet, un paysage évolue dans le temps : le paysagiste doit savoir lire et s’adapter à ce mouvement.Le paysagiste obéit ensuite à des approches, sensible, de mesures (géomètres), cultu-relle (du fait de la dimension identitaire du paysage) ou ornementale. Cette dernière notion est intéressante : avec le temps, les éléments qui ont longtemps été construits pour des raisons esthétiques deviennent multifonctionnels. Aujourd’hui, les espaces verts ne sont plus seulement décoratifs, mais ont des vertus écologiques (trames vertes et bleues, corridors écologiques, etc.) et sociales par exemple. Cette transversa-lité, cette pluralité d’approches confèrent au paysagiste une compétence de mise en scène du paysage.

Quelle est la place du paysagiste dans un projet d’aménagement ?Du plus petit espace au plus grand territoire, tout est paysage. La ville toute entière est paysage ! Lorsque les enfants se rendent à l’école le matin, ils empruntent un circuit paysager. Par conséquent, si chaque projet est paysage, alors il faut un paysagiste pour chaque projet. Une commande relative aux

circulations appelle nécessairement un volet « paysage ». Les projets paysagers ne sont d’ailleurs souvent pas les plus coûteux : dans un contexte de moyens financiers restreints, c’est intéressant.Une fois cela posé, il s’agit d’affirmer, dans ces commandes, le rôle de maître d’œuvre du paysagiste. La reconnaissance de cette fonction est loin d’être acquise. Avant, on avait la direction départementale de l’équipement (DDE) et ses ingénieurs.

Tout projet était abordé sous l’angle de l’ingénierie. Aujourd’hui, les collectivités doivent apprendre à faire appel à un pay-sagiste. Celui-ci peut être un agent de la collectivité, et s’occuper du suivi de travaux ou de la maîtrise d’œuvre dans le cas d’un fonctionnement en régie par exemple ; il peut également exercer sa profession dans un bureau d’études et prendre en charge la maîtrise d’œuvre d’un projet, ou encore proposer des prescriptions et conseils.Dans tous les cas, le paysagiste doit être respecté pour ce qu’il apporte, et doit participer à un dialogue productif avec le maître d’ouvrage et les autres maîtres d’œuvre (architectes, ingénieurs, etc.). Il faut combiner tous ces regards pour réécrire les paysages.

Cette place est-elle reconnue ?Nous avons analysé 77 000 appels d’offres de maîtrise d’œuvre. Seulement 250 men-tionnent des paysagistes : c’est très peu. Néanmoins, les collectivités ont de plus en plus recours à cette profession, alors que c’est une question qu’elles ne se posaient pas du tout avant. Avec Atout France, nous publions une étude sur l’attracti-vité touristique du paysage en ville. Les résultats sont très parlants : le paysage

n’est pas que décoratif, il a un réel impact sur la qualité de vie et le développement d’un territoire. D’autres travaux ont été menés afin de déterminer la valeur d’un paysage. La ville de Versailles, par exemple, a chiffré chacun des arbres de son territoire afin d’estimer leur coût compte tenu de leur type, situation et âge. Au cours d’un projet, cela permet aux maîtres d’ouvrage de prendre des décisions rationalisées : on se rend compte qu’arracher un arbre n’est pas que symbolique, cela peut coûter très cher ! La prise de conscience progresse donc.Je suis élu communautaire et maire d’une commune de Normandie. Nous conduisons un projet de pôle EAU d’envergure, pouvant traiter jusqu’à 330 000 m3 d’eau par an, sur un site de 8 hectares qui est également une zone de biodiversité. Nous aurions pu nous contenter d’un traitement architectural et d’ingénierie, mais j’ai exigé un paysa-giste concepteur. Celui-ci a pu mener un travail de mise en cohérence de toutes les approches (celle des ingénieurs, des archi-tectes et de la commande publique). Notre projet final s’insère dans le paysage cauchois et en respecte l’identité. Il constitue en cela un véritable projet d’aménagement en plus d’un projet d’équipement.

Comment favoriser la reconnaissance du métier de paysagiste concepteur ?Cette profession n’est aujourd’hui pas régle-mentée. Nous nous sommes donc dotés d’un référentiel Afnor de bonnes pratiques ainsi que d’un code de déontologie afin d’encadrer l’exercice du métier.Nous travaillons par ailleurs à l’harmo-nisation des diplômes. Aujourd’hui, plu-sieurs écoles existent (Versailles, Blois, Lille, Angers, Bordeaux, Paris) et ne délivrent pas les mêmes diplômes. D’autres diplômes peuvent être acquis en Belgique ou en

Suisse. Notre objectif est de dénombrer les formations et de les transformer en masters (aujourd’hui, beaucoup sont des diplômes à bac+4). Nous travaillons égale-ment avec le CNFPT et la Fédération natio-nale des centres de gestion sur l’accès des paysagistes aux concours de la fonction publique : aujourd’hui, seuls les élèves issus d’écoles d’ingénieurs paysagistes peuvent y participer.

Propos recueillis par Apolline Prêtre

Aujourd’hui, les espaces verts ne sont plus seulement décoratifs, mais plurifonctionnels

Nous travaillons à l’accès des paysagistes aux concours de la fonction publique

© D

R

Jean-Marc VasseDélégué général de l’interprofession Val’horview

Val’hor, organisateur des Victoires du PaysageL’interprofession Val’hor organise chaque année les Victoires du Paysage, concours visant à mettre en valeur des réalisations paysagères de grande qualité. « Cette année, nous avons eu 130 dossiers et 70 présélectionnés. Tous ont été visités par notre jury », explique Jean-Marc Vasse, délégué général de Val’hor. Ils seront classés en deux catégories, « collectivités » et « entreprises », puis en thématiques selon le type d’aménagement ou la superficie de la réalisation. Pour Jean-Marc Vasse, « l’objectif est bien de récompenser le maître d’ouvrage. Ce concours doit s’adresser aux paysagistes et aux professionnels du paysage. » La remise des prix aura lieu le 2 octobre prochain, en présence du jury placé sous la direction d’Éric Orsenna. La promenade du Paillon, réalisée par la métropole Nice Côte d’Azur

et sélectionnée pour les Victoires du Paysage, catégorie « parc ou jardin urbain ». / © Val’hor

emplois directs et induitsemplois directs et induits

300 000paysagistes concepteurs2 500

entreprises du paysage regroupant 92 000 actifs

28 000

entreprises de production rassemblant plus de 30 000 professionnels

5 000

professionnels au sein de la fonction publique territoriale

80 000

Sou

rce

: Val

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La filièrepaysage en chiffres :

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

13DOSSIER

Page 14: politique paysagère ?

COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LA VALLÉE DE LA BRUCHE

Passer du paysage « vu » au paysage « compris »

Territoire rural du massif vosgien, la vallée de la Bruche s’est très tôt engagée dans une démarche de réhabilitation paysagère pour réagir à la déprise industrielle et agricole à l’origine de la fermeture des paysages. Avec 25 années de politique paysagère, la communauté de communes de la Vallée de la Bruche a aujourd’hui définitivement inscrit le paysage au cœur de son projet de développement local.

T erritoire façonné au fil du temps par la présence d’une double activité d’ouvriers-paysans, la vallée de la

Bruche a longtemps bénéficié d’un paysage « jardiné et léché » où la moindre parcelle était valorisée.Le délitement du tissu industriel textile à la fin des années 1960 a contraint les ouvriers à chercher du travail à l’extérieur et à abandonner l’activité agricole. Les effets sur le paysage n’ont pas tardé à se faire ressentir : abandon des terres les plus éloi-gnées, plantations importantes de résineux sur les anciens prés, dynamique de friches herbacées puis arborées autour et au sein même des villages… Le constat est amer : le paysage se ferme, l’économie est en perte de vitesse, le lien social se délite et « quand on ne se voit plus, on ne se parle plus et de fait, on n’est plus à même de construire des projets ensemble », fait remarquer Pierre Grandadam, le président de la communauté de communes de la Vallée de la Bruche (CCVB).

De la prise de conscience à l’action« Quand j’ai été recruté en 1990, on m’a chargé de construire une démarche autour d’un plan de paysage avec, pour mission, de “redonner de la lumière à la vallée”, et surtout d’associer un maximum d’acteurs (habitants, propriétaires, élus, agricul-teurs…) avec comme seule volonté de sortir de cette spirale négative », souligne Jean-Sébastien Laumond, chargé de mission paysage et environnement au sein de la CCVB.Les traductions concrètes n’ont pas manqué : reconquête de terres abandonnées

(500 hectares de terres communales, 500  hectares de terres privées) ; sup-pression de boisements qui dénaturent les paysages et les berges des ruisseaux à travers des opérations communales ; création de 21 associations foncières pas-

torales (regroupant plus de 3 500 parcelles appartenant à plus de 1 600 proprié-taires) ; acquisition de par-celles par les communes ; préservation de sites natu-rels inscrits ou non en sites Natura 2000 ; création de deux fermes relais agricoles pour soutenir l’installation

de nouveaux agriculteurs ; mise en œuvre de mesures agro-environnementales en partenariat direct avec les professionnels agricoles, etc.Petit à petit, le fond de la vallée princi-pale s’ouvre ; les vallées secondaires aussi. Les villages se dévoilent, les prairies ver-doyantes prennent le pas sur les friches, les méandres de la Bruche réapparaissent. Vaches, moutons, chèvres paissent à nouveau. Un paysage de montagne de grande qualité est mis au jour. Ses prin-cipaux acteurs, les agriculteurs, ont vu leurs effectifs augmenter et leur population rajeunir depuis 1980.

Un courant de renouveau est né dans la vallée« Le paysage est comme un petit enfant qu’il faut éduquer. Les enjeux sont souvent contradictoires : maintenir une unité pay-sagère et intégrer des intérêts particuliers, sauvegarder un patrimoine naturel et s’ou-vrir aux nouvelles possibilités économiques, préserver des terres agricoles et accueillir de nouveaux habitants… Le paysage est un axe de travail à part entière qui mobilise les élus de la Bruche, à l’image de la démarche de plan de paysage établie sur plusieurs années ou du poste de chargé de mission qu’ils ont créé il y a 25 ans dans leur communauté pour mettre en œuvre l’ensemble des outils. L’effort d’investissement est notable pour l’amélioration du cadre de vie. C’est un acte politique fort, souligne Jean-Sébastien Laumond. Le paysage compris par tous est la porte d’entrée de nos actions sur la gestion de l’espace. Mon rôle est de ras-sembler autour de cette valeur portée par les élus. »

En Bruche, le paysage, c’est l’affaire de tousEn 2011, dans le cadre du Réseau rural régional d’Alsace, la vallée de la Bruche a été

soutenue pour la mise en œuvre d’un pro-gramme intitulé « Vision paysagée, vision partagée », qui s’est déroulé sur deux années et dont l’objectif principal était d’amener les principaux acteurs du territoire à croiser leurs regards et surtout comprendre que, derrière un espace « réouvert » en prairie, se cache un milieu naturel écologiquement riche, une ressource fourragère pour des animaux, un produit agricole de qualité, un cadre de vie pour l’habitant…

La prise de conscience de l’importance du « paysage » et du travail engagé sur ces vingt-cinq dernières années va bien au-delà de la simple définition de paysage : « étendue qui s’offre à la vue ». Le paysage permet d’être le moteur d’une dynamique qui associe à la fois la dimension sociale (implication de tous les acteurs : « Le paysage, c’est l’affaire de tous en Bruche »), la dimension économique (augmentation du nombre d’actifs agricoles sur les vingt-cinq dernières années), et la dimension environnementale (mise en œuvre de mesures agro-environnementales terri-toriales, préservation des terres agricoles, démarche de concours Prairies fleuries).« En Bruche, on est plus enclins à parler de “paysage” que de “développement durable”. Au final, il est évident que l’on obtient les mêmes résultats et que les acteurs les comprennent d’autant mieux », conclut le chargé de mission paysage de la com-munauté de communes.

Philippe Schmit

Pour aller plus loin :www.cc.valleedelabruche.fr, rubrique « Voir la vallée »

Opération de déboisement sur la commune de Barembach : un gain d’ensoleillement pour le village de deux heures par joursur deux mois de l’année. / © CCVB

Reconquête d’un paysage en fond de vallée : la suppression de sapinières a permis de conforter l’installation d’un jeune agriculteur. / © CCVB

AVANT

AVANT

APRÈS

APRÈS

En Bruche, on est plus enclins à parler de "paysage" que de "développement durable" et au fi nal, il est évident que l’on arrive au même résultat Un plan de paysage avec,

pour mission, de redonner de la lumière à la vallée

AOÛT 2014 • N° 191 • www.adcf.org

14 DOSSIER PAYSAGE

Page 15: politique paysagère ?

POUVOIRS DE POLICE SPÉCIALE

Quelle répartition des rôles en cas d’opposition des maires au transfert ?Si les maires conservent leur pouvoir de police générale, les présidents de communauté se voient transférer de façon automatique certains pouvoirs de police spéciale dès lors que leur communauté est compétente dans le champ concerné, afin de favoriser la coordination entre ces pouvoirs et les compétences exercées par les communautés. La loi prévoit néanmoins la possibilité, pour les maires des communes membres, de s’opposer à ces transferts dans les six mois suivant l’élection du président (lequel peut aussi y renoncer). Comment les rôles se trouvent-ils dès lors répartis entre chacun ?

Champ d’action(entre parenthèses :

compétence correspondant au pouvoir de police spéciale)

Ce qui relève de la compétencede la communauté

Ce qui relève du pouvoir de police spécialeconservé par le maire

(compétence du même nom)

Adoption du règlement de service qui définit les prestations assurées par le service et les obligations de l’exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires (art. L. 2224-12 du CGCT)

Facturation, instauration de la redevance (art. L. 2224-12-1 et suiv. du CGCT)

Délimitation des zones d’assainissement, de limitation de l’imperméabilisation des sols et de collecte des eaux pluviales, le cas échéant (art. L. 2224-10 du CGCT)

Les attributions de police concernées par le transfert du pouvoir de police spéciale visé à l’article L. 5211-9-2 du CGCT :

Art. L. 1311-2 du code de la santé publique : édiction de dispositions particulières en vue d’assurer la protection de la santé publique, au moyen d’arrêtés, en complément des décrets en Conseil d’État

Art. L. 1331-1, al. 2, du code de la santé publique : exonération de l’obligation de raccordement au réseau public de collecte ou prolongation du délai pour s’y conformer (dans une limite de dix ans)

(compétence du même nom)

Définition des modalités d’organisation du service

Possibilité d’instituer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) (art. 1520 du code général des impôts et L. 2333-76 du CGCT)

Réglementation de la présentation et des conditions de la remise des déchets, notamment par la définition des modalités de collecte sélective et de séparation de certaines catégories de déchets

(Art. L. 2224-16 du CGCT)

(compétence du même nom)

Construction, entretien et gestion des aires d’accueil et des terrains de passage

Adoption du règlement d’utilisation des aires d’accueil et des terrains de passage

Dès lors que la commune satisfait aux obligations du schéma départemental d’implantation des aires :

Possibilité d’interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées

Possibilité de saisir le préfet pour qu’il mette en demeure les occupants de quitter les lieux en cas d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique

(Art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ; rép. min. à la QE n° 19449, JO Sénat, 22 mars 2012)

(compétence voirie)

Gestion des voies sur lesquelles la communauté est compétente :

Construction

Entretien

Installation des équipements nécessaires à leur utilisation

Perception des redevances d’occupation temporaire du domaine public

Réglementation de la circulation et du stationnement sur toutes les voies en agglomération et sur les voies du domaine public routier communal et intercommunal hors agglomération, y compris si la commune n’est plus compétente, sous réserve des pouvoirs du préfet sur les routes à grande circulation

(Art. L. 2213-1 à 2213-6-1 du CGCT)

(compétence voirie)

Délivrance des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi, en fonction de listes d’attente rendues publiques

(Art. L. 2213-33 du CGCT et L. 3121-5 du code des transports)

(compétence habitat)

Varie selon le libellé de la compétence exercée par la communauté (exemples : politique du logement et du cadre de vie, programme local de l’habitat, équilibre social de l’habitat, etc.)

Possibilité de procéder d’office aux travaux nécessaires pour mettre fin à une situation d’insécurité manifeste dans un établissement recevant du public utilisé en tout ou partie à des fins d’hébergement, sous certaines conditions (art. L. 123-3 du code de la construction et de l’habitation)

Lorsque des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d’entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d’occupation, possibilité de prescrire leur remise en état de fonctionnement ou leur remplacement, en fixant le délai dans l’arrêté (art. L. 129-1 à L. 129-6 du code de la construction et de l’habitation)

Lorsque des murs, des bâtiments ou édifices menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou qu’ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, possibilité de prescrire leur réparation ou leur démolition. En cas de péril grave et imminent, possibilité d’ordonner les mesures provisoires pour garantir la sécurité, dont l’évacuation, à la suite du rapport produit par un expert nommé par la juridiction administrative (art. L. 511-1 à L. 511-4, L. 511-5 et L. 511-6 du code de la construction et de l’habitation)

Pour aller plus loin : Consultez la note juridique de l’AdCF « Les modalités de transfert des pouvoirs de police administrative spéciale aux présidents de communauté », actualisée en juin 2014, sur www.adcf.org (rubrique « publications » puis « notes techniques et juridiques ») ou en flashant le code ci-contre :

Dans les domaines de police spéciale transférés, les arrêtés de police sont désormais signéspar le seul président de communauté. / © Fred / Fotolia

Habitat

indigne

Assainissement

Collecte

des déchets

Aires d’accueil et

terrains de passage

des gens du voyage

Circulation

et stationnement

Autorisation

de stationnement

des taxis

D ans l’hypothèse où les maires s’op-posent au transfert des six pouvoirs de police spéciale concernés par un

transfert automatique1, dans le cas où la communauté est compétente, il convient de distinguer les rôles du maire et de la commu-nauté en identifiant ce qui relève du pouvoir de police spéciale conservé par le premier et ce qui relève de la compétence exercée par la seconde, laquelle organise le service correspondant. Par ailleurs, il faut avoir à

l’esprit que les pouvoirs de police spéciale s’articulent avec le pouvoir de police générale des maires, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques2.

Simon Mauroux

1- L’art. L. 5211-9-2 du CGCT régit la question des transferts des pouvoirs de police administrative spéciale aux présidents de communauté.2- Art. L. 2212-2 du CGCT.

www.adcf.org • N° 191 • AOÛT 2014

DROIT 15

Page 16: politique paysagère ?

Autonomie fi nancière et autonomie fi scale : la grande illusion ?Si les notions d’autonomie fiscale et d’autonomie financière semblent être passées dans le langage commun, que recouvrent-elles vraiment ? La loi apporte-t-elle des garanties suffisantes pour protéger l’autonomie financière des collectivités ? La dynamique des assiettes fiscales permet-elle une réelle autonomie fiscale ? Alors que de sévères coupes franches dans les dotations de l’État menacent les équilibres budgétaires des collectivités sans que la reprise économique ne puisse en atténuer les effets, ces questions méritent d’être posées.

A utonomie f isca le, autonomie financière : bien que proches, ces notions recouvrent en fait des réa-

lités différentes.Si la notion d’autonomie financière des collectivités locales est inscrite dans la Constitution depuis les lois de décen-tralisation, les collectivités locales étant supposées dis-poser de « recettes fiscales et autres ressources propres qui représentent une part déter-minante de l’ensemble de leurs ressources », c’est à la loi orga-nique de 2004 qu’il est revenu d’en donner une définition plus précise, en réaction au mouvement continu de substitution des recettes fiscales des collectivités locales par des dotations de l’État.

Cette loi a ainsi juridiquement définit cette « part déterminante » sous forme d’un « ratio d’autonomie financière » corres-pondant au rapport entre les ressources des collectivités d’une part et leurs ressources totales d’autre part. L’article 4 précise que la part de ressources propres (produit des

redevances locales et des impôts locaux, mais également fiscalité transférée de l’État) ne peut être inférieure à un seuil minimal correspondant à celui constaté en 2003 : 60,8 % pour les collectivités du bloc

communal, 58,6 % pour les départements, 41,7 % pour les régions. Il définit égale-ment la nature des ressources à prendre en compte, excluant notamment « les emprunts, les ressources de compétences transférées à titre expérimental... ». Ce ratio fait l’objet d’un suivi annuel.

Une approche très critiquée de l’autonomie financièreCette approche de l’autonomie financière a fait l’objet de très nombreuses critiques, en raison du caractère très large et de l’hétérogénéité de la notion de ressources propres, incluant notamment de la fiscalité transférée sans pouvoir local de taux ou à pouvoir de taux encadré (CVAE, TIPP…). Les élus locaux préfèrent, pour leur part, considérer que les « ressources propres »

correspondent principalement à des res-sources dont ils peuvent librement moduler l’assiette et fixer le taux.Très rapidement, les évolutions de la fis-calité locale et son érosion au profit de dotations de compensation leur ont donné raison, révélant la faiblesse du ratio « d’au-tonomie financière ». Notons également que la situation d’autonomie est appréciée de façon globale, alors qu’elle peut varier fortement d’un extrême à l’autre pour les collectivités prises individuellement.

Une autonomie fiscale très encadrée et très relativeL’autonomie fiscale représente, quant à elle, la capacité pour une collectivité de fixer librement, sur son territoire, le niveau des recettes fiscales nécessaire à l’équilibre de

L’obsolescence des bases fi scales rend caduque toute notion d’autonomie fi scale

Où en sont nos voisins européens ?Analyse comparée des niveaux d’autonomie financière et d’autonomie fiscale en Europe.

L’ analyse de l’autonomie financière ou fiscale des collectivités locales en Europe n’est pas un exercice

aisé, tant les organisations institution-nelles sont différentes d’un pays à l’autre (États fédérés ou non, nombre de niveaux de collectivités…). Par ailleurs, la France n’est pas la seule à connaitre des réformes institutionnelles importantes : poussés par la crise économique, de nombreux pays

ont entamé de lourdes réorganisations territoriales en vue de renforcer l’efficacité de l’action publique.Les statistiques d’Eurostat et du Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE) apportent des éclairages sur le poids des recettes et le montant des dépenses au niveau local, qu’il convient toutefois de manier avec prudence. CD

1, 2, 3… niveaux de collectivitésLes organisations institutionnelles des 27 pays européens sont très inégales : 11 pays n’ont qu’un seul niveau de collectivités locales (celui des communes), tandis que 9 pays comportent deux niveaux (communes et régions) et 7 pays trois niveaux. Les dix dernières années ont été marquées par des mouvements de réduction du nombre de communes (Danemark, Grèce, Allemagne, Portugal, Finlande...) et, pour certains pays, par des processus de recentralisation réduisant l’autonomie des collectivités territoriales. Parallèlement, la coopération intercommunale a été encouragée en Italie, en Angleterre et en Irlande, accompagnant un mouvement général de métropolisation.

Recettes : le poids des dotationsLes recettes du secteur public infranational représentent en moyenne un quart (25,5 %) de l’ensemble des recettes publiques en Europe. Les dotations et les subventions sont, pour de nombreuses collectivités infranationales européennes, la principale source de revenus : c’est le cas en Roumanie, en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni…

Les recettes f iscales infranationales, pour leur part, comprennent des recettes fiscales propres et des recettes fiscales partagées avec l’État (ou l’échelon supérieur au niveau infranational), qui cède alors une fraction des impôts nationaux (impôt sur les bénéfices au Portugal, impôt sur le revenu en Espagne et en Italie, TVA en Allemagne, TIPP en France…). Concernant les recettes fiscales propres, l’impôt foncier, étroitement associé à la fourniture de services dits de proximité, est l’impôt le plus répandu.

Les recettes fiscales propres ou partagées ont été for-tement affectées ces dernières années par les crises économiques et sociales. Dans le même temps, les dota-tions sont, dans de nombreux pays, gelées ou orientées à la baisse du fait des différents plans de réduction des dépenses publiques.

Suède ••

Allemagne •••

Finlande •

France •••

Espagne •••

Portugal •

Italie •••

Danemark ••

Irlande •

Belgique •••

Grèce ••

Royaume-Uni •••

Pays-Bas ••

Roumanie ••

26 % 60 % 14 %

29 % 53 % 18 %

28 % 44 % 28 %

35 % 45 % 20 %

37 % 55 % 8 %

46 % 29 % 25 %

48 % 41 % 11 %

49 % 33 % 18 %

61 % 14 % 25 %

62 % 19 % 19 %

70 % 8 % 22 %

71 % 13 % 16 %

71 % 9 % 20 %

82 % 11 % 7 %

Dotations et subventions Recettes fiscales propreset partagées

Autres recettes (recettes tarifaires,produit du patrimoine)

Nature des recettes infranationales en 2011 (en %)

Niveaux de collectivités :

• 1 niveau

•• 2 niveaux

••• 3 niveaux

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FINANCES16

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son budget. Elle a vocation à responsabili-ser des élus locaux en matière de pression fiscale.Cette liberté est néanmoins très encadrée et très relative. Très encadrée du fait des nom-breuses règles qui pèsent sur la possibilité de faire évoluer les taux des recettes fiscales (plafonnement, règles de lien entre taxes sur les entreprises et taxes sur les ménages…) et de l’impossibilité pour les collectivités de créer leur propre taxe. Très relative en raison de l’atonie des assiettes fiscales observée ces dernières années. En période de récession économique et de précarisation des ménages, le levier fiscal est délicat à manier. La capacité à faire évoluer les taux de la fiscalité locale n’est en effet réelle que dans la mesure où les assiettes fiscales sont dynamiques. L’obsolescence des bases fiscales rend caduque toute notion d’autonomie fiscale.De nombreuses collectivités sont ainsi contraintes à des taux d’effort fiscal élevés pour financer leurs charges, tandis que d’autres disposent de capacités plus importantes pour accueillir de nouveaux contribuables (économiques ou ménages) et peuvent conserver des taux plus faibles.

À ce titre, les dispositifs de péréquation ont vocation à compenser une inégale réparti-tion des richesses fiscales et de leur capacité de mobilisation.La révision des valeurs locatives (engagée sur les locaux commerciaux et en cours de mise en œuvre pour les locaux d’habi-tation), qui permettra d’introduire plus

d’équité entre les contribuables et de mettre les assiettes fiscales en relation avec les services qui leur sont offerts en matière d’équipements collectifs, de logements, de transport, d’aménagement, etc., prend ici tout son sens.

Autonomie de la ressource, autonomie de la dépenseEnfin, si le plus souvent l’autonomie est appréciée au regard des ressources, il faut également regarder du côté de la dépense.

La croissance des dépenses contraintes du fait des normes, des injonctions à faire (financement de l’évolution des rythmes scolaires) ou encore de la modification de règles sur lesquelles les collectivités n’ont pas la main (évolution indiciaire de la fonction publique par exemple) res-treint fortement le degré d’autonomie de

ces dernières et les possibili-tés de décider librement de leurs dépenses. Ce « pilo-tage par la dépense » s’est accru au cours des dernières années, avec la tentation tou-jours plus vive d’encadrer les dépenses locales et de flécher leur affectation. C’est donc paradoxalement en matière

d’autonomie des dépenses et non d’auto-nomie des recettes que la situation finan-cière des collectivités territoriales paraît la plus fragile.Les travaux de l’AdCF1 témoignent de la progression de la dépendance des collec-tivités du bloc communal aux dotations de l’État, liée notamment à la réforme de la taxe professionnelle.C’est dans ce contexte que s’engage une baisse d’une ampleur inédite des concours de l’État aux collectivités (11 milliards

d’euros sur la période 2015-2017) qui vient mettre à mal l’autonomie financière des collectivités. De façon paradoxale, cette baisse des dotations de l’État aura pour effet d’améliorer le ratio d’autonomie financière des collectivités, alors que leur capacité budgétaire s’en trouvera affectée.On le voit bien, la protection que voulait introduire la loi organique de 2004 est bien fragile… et la question de l’autono-mie fiscale ou financière des collectivités toujours d’actualité !

Claire Delpech

1- Géographie financière et fiscale des ensembles intercommunaux,AdCF - Françoise Navarre,Marie-Paule Rousseau, 2013.

Retrouvez l’étude AdCF « Géographie financière et fiscale des ensembles

intercommunaux » sur le site de l’association, ou en flashant

le code suivant :

Paradoxalement, la baisse des dotations aura pour effet d’améliorer l’autonomie fi nancière des collectivités, alors que leur capacité budgétaire s’en trouvera affectée

Poids de la dépense publique infranationaleEn 2011, les dépenses du secteur public infranational ont représenté 16,7 % du PIB et 34 % des dépenses publiques des pays de l’Union européenne. Les disparités quant au niveau moyen de dépenses sont très fortes. Elles portent tant sur l’importance des dépenses du secteur public (en euros/hab.) que sur la place prise par le niveau local. Les pays du Nord de l’Europe (Finlande, Suède, Danemark…), où la décentralisation est plus marquée, affichent un niveau de dépense des structures infranationales par habitant supérieur aux moyennes européennes. Dans les pays fédéraux (Allemagne, Belgique), une large partie de la dépense est pilotée au niveau fédéral.

Les principaux domaines de dépenses du secteur public infranationalC’est sans doute en raison de l’amplitude des champs qu’ils recouvrent (logement, environnement, culture et loisirs…) que les équipements collectifs arrivent en première position des domaines de dépenses du secteur public infranational. Selon l’organisation locale à un, deux ou trois niveaux, l’implication des collectivités du secteur infranational diffère fortement et les comparaisons restent difficiles. Les pays nor-diques, par exemple, n’ont pas de niveau intermédiaire, alors que les régions italiennes ont en charge la définition et la mise en œuvre des politiques de santé.

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000

Suède ••

Allemagne •••

Finlande •

France •••

Espagne •••

Portugal •

Italie •••

Danemark ••

Irlande •

Belgique •••

Grèce ••

Royaume-Uni •••

Pays-Bas ••

Roumanie ••

Ensemble des dépensesdu secteur public

Dépenses du secteur publicinfranational

0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 100 %

Allemagne(secteur local seul)

Finlande •

France •••

Espagne(secteur local seul)

Portugal •

Italie •••

Danemark ••

Irlande •

Belgique(secteur local seul)

Grèce ••

Royaume-Uni •••

Pays-Bas ••

Roumanie ••

Équipements collectifs

Action sociale (aides à la personne, aides aux familles)

Éducation

Services généraux

Santé

Ensemble des dépenses du secteur public et des dépenses du secteur public infranational en euros/hab.

Source des graphiques : Eurostat 2011/2012 (certains pays ne sont pas représentés) et Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE), 2012

Dépenses du secteur public infranational/

Ensemble des dépenses du secteur public (en %)

Grèce 6 %

Irlande 12 %

Belgique * 13 %

Portugal 14 %

Espagne 15 %

Allemagne * 17 %

France 21 %

Roumanie 26 %

Royaume-Uni 27 %

Italie 31 %

Pays-Bas 33 %

Finlande 41 %

Suède 49 %

Danemark 64 %

* État fédéral

Niveaux de collectivités :

• 1 niveau

•• 2 niveaux

••• 3 niveaux

Niveaux de collectivités :

• 1 niveau

•• 2 niveaux

••• 3 niveaux

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FINANCES 17

Page 18: politique paysagère ?

VAL D’ARGENT

« Bienvenue en terre précieuse »

L a communauté de communes du Val d’Argent a lancé sa marque de territoire, « Capitale de la Minéralogie ». Objectif

pour ce territoire alsacien rural : mettre en valeur les atouts que constitue son patrimoine des mines et des minéraux afin de renforcer la visibilité de la communauté, et fédérer les acteurs locaux sous une stratégie d’attractivité commune. Le Val d’Argent est en effet réputé pour ses mines (parc minier Tellure, mine Saint-Louis Eisenthür, mine Saint-Barthélémy ou encore mine Gabe Gottes), son espace musée consacré à l’histoire minière, ses activités de spéléologie, ou encore son exposition annuelle Mineral & Gem. Cette dernière, qui accueille chaque année des exposants venus de plus de 50 pays, figure dans le top 3 mondial des salons liés à la pierre. Un site internet a été lancé pour l’occasion : capitale-mineralogie.fr.

ROANNAIS AGGLOMÉRATION

Un réseau de bus solidaire et innovantÀ partir du 1er septembre 2014, les habitants du Roannais bénéficieront d’un nouveau réseau de bus qui viendra desservir l’ensemble du territoire de l’agglo. Un maillage marqué par l’innovation, grâce à la création de lignes sur réservation, et par la solidarité à travers une grille tarifaire refondue, profitant notamment aux ménages les plus modestes.

L a mobilité est fondamentale sur un territoire ; elle l’est plus encore dans le cadre d’un élargissement

de périmètre. Mailler l’agglomération et permettre l’inclusion de tous les ter-ritoires, jusqu’aux plus périphériques : telle est la réflexion qu’ont dû mener les élus du Roannais après le passage de leur communauté de 6 à 40 communes. Dans le même temps, le contrat de délégation de service public de transport urbain arrivait à son terme. Les conditions étaient ainsi réunies pour permettre la restructuration globale du service.

« Le premier objectif était de structurer en un seul et même réseau le réseau urbain du STAR (Service des trans-ports de l’agglomération roannaise) et le réseau périurbain, avec l’intégra-tion des lignes que gérait auparavant le conseil général », explique dans les colonnes de Roannais Mag Jean-Luc Chervin, vice-président aux transports,

aux déplacements et aux mobilités. Le réseau a été également renforcé. Ce sont donc au final 20 lignes régulières qui desserviront les communes de l’agglo, dont neuf ne bénéficiaient jusqu’alors d’aucun réseau de transport.

Bus sur réservationAutre grande nouveauté pour les habi-tants du Roannais : ils bénéficieront désormais de six lignes… activables par réservation ! À destination des zones d’activités économiques et commer-ciales, ces lignes pourront être activées

par téléphone ou par internet jusqu’à une heure avant le départ demandé. Ce dispo-sitif, appelé communément « transport virtuel », offre l’avantage de maintenir un service de transport dans des

zones où la demande est plus faible, à un coût moins élevé pour la communauté.Le réseau STAR représente en effet un investissement important pour l’agglo : 6 millions d’euros sont dépensés pour le fonctionnement du service de transport. Pour Jean-Luc Chervin, ce budget permet « d’offrir (…) un service public de qualité au plus grand nombre, dans

un souci d’équité. (…) Il y a également un enjeu environnemental : il s’agit de limiter autant que possible la part de la voiture en faveur du transport collectif. » La communauté estime ainsi que, sans sa contribution financière, le coût du ticket à l’unité s’élèverait à 5,70 euros. Un coût largement supérieur au prix actuel de 1,25 euro le ticket.

Tarification solidaireLa refonte du réseau a d’ailleurs permis la mise en place d’une nouvelle tarifica-tion, souhaitée plus simple, plus lisible et plus solidaire. Plus simple et lisible car les prix seront les mêmes sur tout le territoire de l’agglomération. Plus soli-daire car, au-delà d’une baisse générale des montants des abonnements (tout public et jeune de moins de 26 ans), la tarification prendra en compte le niveau de ressources de l’abonné et proposera des réductions, identiques dans chaque commune, allant de 20 à 80 %. Pour le vice-président aux transports, il s’agit d’ « autant de mesures qui vont per-mettre de toucher un public plus large (…) tout en maîtrisant les charges finan-cières. Avec un objectif de 3,5 millions de voyages par an d’ici 2019. »

Tenez-nous informés dela vie de votre communauté !

Envoyez vos journaux communautairesà l’AdCF – 22 rue Joubert – 75009 Paris

Objectif pour le nouveau réseau : 3,5 millions de voyages par an d’ici 2019. / © Roannais Agglomération

Le parc Tellure propose un parcours initiatique du monde des mineurs. / © Pio3

La tarifi cation prendra en compte le niveaude ressources de l’abonné

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18 TERRITOIRES

Abonnement 1 an (11 numéros) 1 x 50 € = ......... €

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nnem

ent AdCF Assemblée

des communautés de France AdCF Les élus

de l'intercommunalité

à découper et à retourner à ABO Intercommunalités19, rue de l’Industrie - BP 90053 - 67402 Illkirch cedexTél. : 03 88 66 26 19 – Mail : [email protected]

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Édité par l’AdCF - 22, rue Joubert - 75009 Paris - Tél. : 01 55 04 89 00 - Fax : 01 55 04 89 01Directeur de la publication : Daniel DelaveauRédaction, tél. : 01 55 04 89 09Rédactrice en chef : Apolline Prêtre([email protected])Déléguée agence : Pauline GuillotRéalisation, mise en page et secrétariat de rédaction :

- Correctrice : Angéline BlardOnt collaboré à ce numéro : Christophe Bernard, Fabienne Boucher, Floriane Boulay, Claire Delpech, Damien Denizot, Simon Mauroux, Atte Oksanen, Nicolas Portier, Apolline Prêtre, Philippe SchmitAbonnements : Intercommunalités Service abonnements - Abopress - 19, rue de l’Industrie -67400 Illkirch - Tél. : 03 88 66 26 19 Mail : [email protected]égie publicitaire : AdCFSecrétaire général : Christophe Bernard - [email protected] - Tél. : 01 55 04 89 00 - Fax : 01 55 04 89 01Commission paritaire n° 0514 G 85995Dépôt légal : Août 2014 - Impression : FREPPEL-EDAC, 68920 Wintzenheim - ISSN 1253-5230

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Le mystèreInterco vous présente le visage de la réforme territoriale.Saurez-vous retrouver les six parlementaires qui se cachent dans cette photo, et qui ont porté l’intercommunalité durant l’examen des récentes lois de réforme territoriale à l’Assemblée nationale et au Sénat ?

N°. . . . . . . . . . : Dominique Potier, député de Meurthe-et-MoselleN°. . . . . . . . . . : Jean-Claude Lenoir, sénateur de l’OrneN°. . . . . . . . . . : Michel Piron, député de Maine-et-LoireN°. . . . . . . . . . : Estelle Grelier, députée de Seine-MaritimeN°. . . . . . . . . . : Valérie Létard, sénatrice du NordN°. . . . . . . . . . : Jacqueline Gourault, sénatrice de Loir-et-Cher

Pour fêter la période estivale, l’équipe de l’AdCF vous propose de jouer autour de l’intercommunalité.Saurez-vous répondre aux défis que nous vous lançons dans cette page ?

Mots croisésRemplissez les cases à l’aide des définitions proposées et découvrez le mot mystère.

Indice : Les fusions les ont fait évoluer.

Union européenne

Région

Département

Bloc local

Quizz !Maîtrisez-vous le vocable territorial ?Les acronymes sont légion dans le vocabulaire des politiques publiques et des territoires. En connaissez-vous toutes les subtilités ? Passez le test…

1/ Parmi les acronymes suivants, rayez les trois qui n’existent pas :

CLECT – CCAS – ZAPA – PLUP – NUTS – ANAH – PAPI –SR2CE – ZNIEFF – SNIF – ICPE

2/ Reliez ces acronymes aux champs thématiques auxquels ils appartiennent :ADIL •

RODP •BHNS •

SEMOP •TRI •

GPECT •PAVE •TCFE •

• Numérique• Prévention des risques• Déchets• Électricité• Management• Transports• Logement• Gestion des services publics locaux

3/ Les acronymes suivants désignent tous des documents. Replacez-les sur le schéma en fonction de leur échelle d’élaboration :

PLU – SRADDT – CPRDFP – SDAGV – SRCAE – PDI – PO/FEDER – PDU – SCOT

Le mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystèreLe mystère

N’hésitez pas à envoyer vos réponses à la rédaction(AdCF – Jeu de l’été Intercommunalités – 22 rue Joubert – 75009 Paris) avant le 8 septembre.Un gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et se verra remettre un lot.N’oubliez pas d’inscrire vos coordonnées :

1. Haut lieu de la mixité parlementaire (acronyme).2. Il n’est rendu qu’à terme.3. Matière première de l’aménagement.4. Compétence où les risques de débordement sont majeurs (acronyme).5. Ils participent au potentiel touristique de Carnac.6. Qu’il soit capacitaire, universel ou exprimé, les candidats souhaitent son nombre élevé.7. Préoccupation majeure de nos concitoyens, les élus y répondent par la création de maisons

pluridisciplinaires.8. De délégués, ils n’en ont plus le nom, mais ils restent communautaires.9. Elle en a une gueule.10. Ils restent bien plus nombreux que les communautés.

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JEUX D'ÉTÉ 19

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