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Pollution atmosph~rique et pollution de/'air POLLUTION ATMOSPHF/_RIQU E ET SANTId" PUBLIQUE Fran(;ois-Marie Pailler a Dans le cadre d'une prise de conscience collective de I'existence de nuisances ecotoxicologiques poly-factofielles et des consequences qu'elles peuvent avoir sur la sante publique, il est apparu interessant au Comite scientifique de la Revue Francophone des Laboratoires de proposer & ses lecteurs une reflexion sur la pollution atmospherique. Ce deuxi(}me numero ,, environnementaliste ,, fair suite & celui paru en 2004 qui traitait de I' ,, Assurance qualite des eaux de consommation humaine ,,. 1. G6n(~ralit6s Le niveau ultime d'organisation du monde vivant est consStue par I'ensemble des 6cosystemes de la plan~te, c'est-&-dire la biosphere, qui se subdivise en trois compartiments de nature physique differente : - la lithosphere qui est limitee aux couches les plus superficielles de I'ecorce terrestre, c'est-&-dire les terres ~mergees qui ne constituent que quelque 34 % de la surface du globe, soit une superficie d'environ 135 000 M de km 2 ; - I'hydrosph~re, milieu liquide qui recouvre les sept dixiemes de la surface planetaire soit 365 000 M de km 2 ; - I'atmosphl~re, zone la plus periph6rique de notre plan~te qui enveloppe les deux prec6dents milieux. L'atmospht~re est donc la couche d'air qui entoure le globe terrestre et dont la composition chimique comprend pour I'essentiel de I'azote (78 0/0), de I'oxyg~ne (21 o/0), des gaz rares (argon, n6on, helium, ...) et dans les basses couches, de la vapeur d'eau et du dioxyde de carbone. La composition chimique de I'atmosph~re et la structure qui en r~sulte permettent de distinguer graduellement trois enveloppes atmosph6riques : - la troposphbre, couche atmosphefique la plus proche du sol, renferme 99 o/0 de la vapeur d'eau atmospherique ; a Ancien chef de service de pharmacie hospitalibre de I'hSpital du Val-de-Gr&ce et professeur titulaire de la Chaire des sciences pharmaceutiques, toxicologie et expertises dans les Arrnees 1748, av. Roger-Salengro 92370 Chaville 9 Elsevier SAS. Revue Fran(;aise des Laboratoires,mars 2006, N ~ 380 19

Pollution atmosphérique et santé publique

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Pollution atmosph~rique et pollution de/'air

POLLUTION ATMOSPHF/_RIQU E ET SANTI d" PUBLIQUE

Fran(;ois-Marie Pailler a

Dans le cadre d'une prise de conscience collective de I'existence de nuisances ecotoxicologiques poly-factofielles et des consequences qu'elles peuvent avoir sur la sante publique, il est apparu interessant au Comite scientifique de la Revue Francophone des Laboratoires de proposer & ses lecteurs une reflexion sur la pollution atmospherique.

Ce deuxi(}me numero ,, environnementaliste ,, fair suite & celui paru en 2004 qui traitait de I' ,, Assurance qualite des eaux de consommation humaine ,,.

1. G6n(~ralit6s

Le niveau ultime d'organisation du monde vivant est consStue par I'ensemble des 6cosystemes de la plan~te, c'est-&-dire la biosphere, qui se subdivise en trois compartiments de nature physique differente :

- la l i thosphere qui est limitee aux couches les plus superficielles de I'ecorce terrestre, c'est-&-dire les terres ~mergees qui ne constituent que quelque 34 % de la surface du globe, soit une superficie d'environ 135 000 M de km 2 ;

- I 'hydrosph~re, milieu liquide qui recouvre les sept dixiemes de la surface planetaire soit 365 000 M de km 2 ;

- I'atmosphl~re, zone la plus periph6rique de notre plan~te qui enveloppe les deux prec6dents milieux.

L'atmospht~re est donc la couche d'air qui entoure le globe terrestre et dont la composition chimique comprend pour I'essentiel de I'azote (78 0/0), de I'oxyg~ne (21 o/0), des gaz rares (argon, n6on, helium, ...) et dans les basses couches, de la vapeur d'eau et du dioxyde de carbone.

La composition chimique de I'atmosph~re et la structure qui en r~sulte permettent de distinguer graduellement trois enveloppes atmosph6riques :

- la t roposphbre, couche atmosphefique la plus proche du sol, renferme 99 o/0 de la vapeur d'eau atmospherique ;

a Ancien chef de service de pharmacie hospitalibre de I'hSpital du Val-de-Gr&ce et professeur titulaire de la Chaire des sciences pharmaceutiques, toxicologie et expertises dans les Arrnees 1748, av. Roger-Salengro 92370 Chaville

�9 Elsevier SAS.

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Pollution atmosph6rique et pollution de I'aff

- la stratosphbre, dans laquelle I'on retrouve la couche d'ozone. Cette derniere est essentielle a la vie sur la terre car elle absorbe la majorite des rayons solaires ultraviolets, extr6mement nocifs pour tout etre vivant ;

- la mesosphere, dans laquelle la temperature decroft avec I'altitude pour atteindre - 80~ & une altitude d'environ 80 km.

2. Notion de pollution atmosph6rique

Les particules et les gaz de I'atmosphere sont constamment echanges avec le sol, I'eau et les organismes vivants.

Selon les lois de I'equilibre et des pressions relatives, la vitesse & laquelle des gaz s'ajoutent & I'atmosphere est contrebalancee par la vitesse equivalente a laquelle d'autres gaz la quittent, conduisant & un equilibre de composition qui a fait que pendant de nombreux siecles, la composition de I'atmosphere est restee presque constante.

Cependant, cet 6quilibre a ~t6 rompu par I'emission dans I'atmosphbre de substances diverses d'origine anthropique (derives du soufre, de I'azote, du fluor, du carbone, particules solides de diametres variables, 10 pm ; 2,5 IJm), emission de plus en plus importante qui trouve ses origines dans une densification de la popu- lation et des habitations, une augmentation du trafic automobile et une industria- lisation croissante.

Les principaux x~nobiotiques atmospheriques se repartissent en deux groupes en fonction de leurs proprietes physiques : les gaz, qui representent 90 0/o de la masse polluante globale et les particules (poussieres, fumees), les 10 0/o qui restent.

La Ioi sur I'air definit en son article 2 la pollution atmosph6rique comme : ,, I'introduction par I'Homme, directement ou indirectement, dans I'atmosphere et les espaces clos, de substances ayant des consequences prejudiciables de nature & mettre en danger la sante humaine, & nuire aux ressources biologiques et aux ecosystbmes, & influer sur les changements climatiques, & deteriorer les biens materiels, & provoquer des nuisances olfactives ,,.

3. Pouvoirs publics et envirovigilance

Les notions d'environnement raisonne, de developpement durable, donc d'environnement durable, sont nees apres la Conference des Nations Unies sur ,, I'environnement et le developpement ,, dite ,, Sommet de la Terre ,, qui s'est tenue & Rio de Janeiro en 1992.

Ce concept de developpement durable, un peu flou et mal pergu par certains, me paraft quant & moi, porteur d'avenir, car il a pour objectif de concilier le developpement eco- nomique avec te progres social et la protection de I'environnement mais sous-tend neces- sairement une actMte de communication intense au sein du triangle de responsables gouvernements/societe civile/entreprises.

Arrive dans notre vocabulaire en 1980, & I'initiative d'un organisme priv6, I' ,, Alliance mondiale pour la nature ,,, le developpement durable a ete defini et popularise en 1987 par le Premier Ministre norvegien, Gro Harlem Brundtland, Iors d'un rapport qu'il fit & I'ONU.

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Pollution atmosph#rique et pollution de/'aft

,, Est durable, un developpement qui repond aux besoins du present sans compromettre les capacites des gen6rations futures & r~pondre aux leurs ,,.

En septembre 2002 & Johannesburg, Iors du <, Sommet mondial pour le developpement durable ,,, il fut ais6 de constater que les bonnes r6solutions d'envirovigilance prises 10 ans plus t6t & Rio n'avaient pas abouti.

Le sommet de Kyoto s'6tait deroul6 entre temps en 1997 et avait prevu pour les pays acceptant de le ratifier une diminution de 6 o/0 des gaz & effet de serre, dioxyde de carbone, oxydes et protoxyde d'azote, chlore et chlorofluorocarbone.

A 1'6t6 2003, en France, en pleine canicule, etait annonce un projet de Charte de I'environnement qui trouverait sa place dans le preambule de notre Constitution.

Apr~s la declaration des droits de I'Homme (1789) et les Droits economiques et sociaux (1946), on pouvait Iogiquement esperer que le droit & I'environnement qui reconnait & chacun ,, le droit de vivre dans un environnement equilibr6 et favorable a sa sante ,, serait bientSt le troisi~me pilier de la V e Republique.

Force est de reconnaitre qu'en France, la conjonction des comp6tences devrait conduire & des actions efficaces.

La Ioi 96-1236 du 30 decembre 1996, ,, relative & Fair et & I'utilisation rationnelle de I'energie ,,, a institue neuf mesures allant de la surveillance et I'information aux contr61es et sanctions en passant par trois plans.

La Ioi 98-535 du ler juillet 1998, ,, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contr61e de la securit6 sanitaire des produits destines & I'Homme ,,, complete le Code de la Sante publique (CSP) et le Code rural, et ream6nage autour de quatre titres la s~curit~ environnementale du citoyen consommateur en mettant en interrelation d'activite et d'information : - I'lnstitut de veille sanitaire (Invs) ; - I'Agence frangaise de securit6 sanitaire des produits de sant6 (Afssaps) ; - I'Agence fran?aise de s6curite sanitaire des aliments (Afssa) ; - I'Agence fran?aise de securite sanitaire de I'environnement (Afsse), devenue fin 2005, Agence fran?aise de securit6 sanitaire de I'environnement et du travail (Afsset).

Si la mission des trois agences apparaft clairement puisqu'elles ont chacune un qualificatif d'activite, celle de I'lnvs m6rite d'etre precis6e & la lumi~re de la lecture de I'article 2 du titre 1 er de la Ioi.

,, Ulnstitut est charge : - d'effectuer la surveillance et I'observation permanente de 1'6tat de sante de la popu-

lation, en s'appuyant notamment sur ses correspondants publics et prives, partici- pant & un r~seau national de sant~ publique ;

- d'alerter les pouvoirs publics, notamment Afssaps et Afssa, en cas de menace pour la sante publique quelle qu'en soit I'origine, et de leur recommander route mesure ou action appropriee ;

- de mener & bien toute action n6cessaire pour identifier les causes d'une modifica- tion de I'etat de sante de la population, notamment en situation d'urgence ,,.

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4, Les marqueurs du suivi de la qualit~ de I 'environnement

A la lecture des missions confer6es & I'lnvs par la Ioi de 1998, on voit qu'il s'agit clairement de sante et I'Homme qui se trouve au sornmet de la chafne trophique est I'ultime beneficiaire apres les ecosyst6mes, de I'amelioration ou de la deterioration de la qualite de son environnement.

La sante publique est menacee et en 2004, le Gouvernement a inscrit dans ses priorites 2004-2008, I'objectif sant~-environnement (PNSE = Plan National Sante- Environnement) & une place toute proche de celle de la lutte contre le cancer, ces deux objectifs etant pour partie tres etroitement lies.

Pour mener & bien les charges qui sont les leurs et atteindre leurs objectifs, les acteurs de sante doivent assurer le suivi : - de la concentration des aero-polluants et notamment des quatre majeurs que sont

I'ozone, le dioxyde de soufre, le dioxyde d'azote et les particules gr&ce aux 2 000 cap- teurs repartis dans les endroits strategiques de 59 villes fran?aises, ce qui ne semble pas poser de difficulte analytique particuliere (voir I'article de Christian Elichegaray) ;

- de la sante publique des citoyens par la raise en oeuvre d'enqu~tes &pid&miologiques. En France, un programme de surveillance air et sante fonctionne depuis 1997 dans neuf villes fran?aises (PSAS-9) et en Europe, le programme APHEIS (Air pollution and Health European Information System) est active.

I'exploitation des resultats de ces etudes demontrent que, tous les ans, des dec6s surviennent en France en raison de la pollution qui entrafne, chez les personnes les plus fragiles, des maladies des voles aero-digestives superieures et des pathologies cardio- vasculaires. Le nombre varie en fonction des regions et selon I'lnvs, en 2002, 1 884 d6ces imputables & la pollution ont eu lieu & Paris et dans la petite couronne, 221 & Lyon et 229 & Marseille. De m6me, au cours de Pete de la canicule en 2003, il a ete etabli que dans certaines regions, 10 & 40 % des dec6s etaient dus & la pollution & I'ozone.

Enfin, la rapport entre le cancer du poumon et la pollution atmospherique est fortement suspecte et une expertise collective de I'lnstitut national de la sante et de la recherche medicale (Inserm), realisee en 2004, fait une analyse tres critique de la relation ,, cancer et environnement ,,.

Au terme de cet editorial, nous faisons remarquer & nos lecteurs que ces etudes et ces suivis s'inscrivent bien st3r et aussi dans le cadre d'un souhait de developpement durable et de lutte contre le changement climatique.

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