Portrait Du Coupeur de Cabris

8/18/2019 Portrait Du Coupeur de Cabris

1/6

Portrait du Coupeur de cabris. Signifcation et

symbolisme en martinique

En écrivant sur ma religion, j’ai toujours plaisir à repenser à des souvenirs et des

expériences qui ont fortiés mon âme et mon esprit. Et je ne sais si un jour jeserai jugé apte à les comprendre, mais je me persuade qu’en les partageant avecvous, certaines de ces questions se feront oublier.

Je converserai donc avec vous sur l’identité d’un omme, ou plut!t sur saresponsabilité, qui, engagée l’espace d’un instant dans la cérémonie, n’a devaleur que dans le grand courage et la tempérance qu’il met à exécuter cepourquoi il a été destiné. Jonglant entre le monde spirituel et le monde réel, c’està se demander si lui"m#me peut se reconna$tre au moment o% il lib&re l’âme des

animaux qui s’engagent à apaiser le 'arma du ma$tre de cérémonie.

(onsécration, privil&ge) *’abit de ce personnage est vu pour bon nombred’entre nous comme l’aboutissement m#me de l’#tre s’engageant dans desniveaux de plus en plus complexes de l’indouisme populaire.

+orte personnalité, acclamée parfois de partout, sa réputation le préc&de et toutla masse populaire s’empresse et ne veut que lui pour un sans fautes -) unmoment o% son art à manier l’acier face à la cair ne dure que le temps d’unbattement de cils) /oulagement pour l’âme et le c0ur des convives quiviennent se distraire les 1eux pour des discussions autes en couleurs et rices

en go2ts.

3ais en vous écrivant, j’ai peine à me décider sur la mani&re dont je vousrestituerai ce récit, qui je dois l’avouer est la somme de divers témoignagesrecueillis lors de mes nombreuses excursions dans cet univers qui mepassionne. 3e laissant toujours avec plus de m1st&res et d’interrogations surle fonctionnement de l’arcitecture spirituelle de notre $le.

(e personnage, vous l’ave4 surement deviné, est l’omme de toutes les

convoitises, celui qui détient l’espace d’un moment la stupeur l’attention detoute l’assemblée. 5uand on le voit sortir avec ce sabre qui retient le sou6e etqui fait taire en nous parfois tout scepticisme. 7l 1 a de quoi éprouver un profondrespect sur l’étendu de cette religion 7ndo"guadeloupéenne. 8espect qui, je doisle dire, se lit sur le visage de cacun, se fra1ant un cemin à travers caqueâmes.

9tre coupeur, qu’on le dise aut et fort, n’est pas une profession, ni m#me unpasse"temps, comme me l’a un jour dit un omme). C’est un engagement àvie à la ois pour soi et pour la divinité.


2/6

7l 1 à une vraie di:érence entre ce que l’on est et ce à quoi l’on se destine, etmon regard d’aujourd’ui se pencera sur le portrait de l’omme engageanttoute son existence au service des divinités et des ommes qui les invoque.*a mani&re dont l’on se destine à #tre coupeur va de pair avec une lignée dontnous sommes issus) presque comme une identication de l’#tre qui immortaliseà son tour un peu de son ;o1ons cela comme une bre qui se transmet de générationen génération ? mon @&re était coupeur alors moi aussi je serai coupeur)Aéritage o:ert et évolution iérarcique o% tout le monde tient un r!le spirituelqui lui est d2 vis"à"vis de la communauté qui pratique les cérémonies.

Aomme de principes et de valeurs, son mode de vie reste tr&s marginal et àcaque fois qu’on le destine à #tre présent pour son savoir faire, il se doit, sansm#me qu’il ne le sace, de répondre oui si aucune obligation ne l’oblige à refuser.

7l 1 a une volonté, une ferveur, plus qu’une envie de s’engager dans cette voie, àla fois pour l’individu et pour la mémoire de ses anc#tres et le souvenir de sesdescendants. *’acte m#me de se faire coupeur - obéit à cette caine de dond’une partie de soi. Et l’on pourra objecter cela pour tout autre acte que l’on

pratiquerait dans cet univers indouiste de Buadeloupe.

3ais ce que l’on a du mal à concevoir c’est pourquoi aujourd’ui presque tous les jeunes se veulent au moins une fois vivre cet acte du sacriceC 5u’il 1 a t"il danscet instant qui attire tant la convoitise de tout un cacunC

(omme nous l’avons souligné précédemment, il 1 a tout d’abord une envie, une

attraction qui se fait désirer dans le carré sacriciel ? nous avons, nous aussi,cette envie et cette soif de connaissances et d’expériences.

9tre en possession de ce sabre, et avoir cette responsabilité de livrer aux


3/6


4/6

s’attace au moment m#me o% il détient son sabre entre ses mains et o% ilmarce pour se rendre sur les lieux m#me du sacrice.

>ous 1 verre4 un carré tapissé de bouse de vace o% l’on plante normalement unbois appelé Ii Kombe - coupé en deux dans le sens de la longueur, avec, inséré

au milieu un bouquet de Heurs garni de feuilles de v&p&lé s1mbolisant le *ingamde /iva. Ln note aussi de la *umi&re, morceau de campre qui délimite l’espacean que des forces négatives ne viennent s’emparer et déséquilibrer les énergiesqui sont emplo1ées à ce moment là.

En ce qui concerne notre coupeur, sa faon de voir, son état d’esprit cangent àpartir du moment o% on lui remet ce sabre qui se fait partie de lui et unprolongement de qui il est, puisque c’est bien lui qui mettra sa volonté et touteson énergie an que tout puisse se passer sans éclat.

(omment se sent"ilC Est"il lui"m#meC Et comment se passe son incursion dans le

monde spirituelC

@our bon nombre d’entre eu, ils témoignent qu’ils ne sont plus du tout euxm#me, perdant la notion du temps et ne se rendant compte qu’apr&s coup qu’ilvienne de sacrier des b#tes.

7l est normal de penser cela puisque cet état d’esprit obéit à l’univers qui entoure le carré sacriciel)la notion de temps se perd bien que toute une cérémonie estordonnée par cela.

;u moment o% le premier coq est sacrié en référence à /ur1a, c’est un autreniveau qui s’op&re ? les coups de tambours sont plus intenses, r1tmant à leurtour la cérémonie et marquant pour caque b#te sacriée un son ordonnéparticipant aussi à l’élévation de l’âme.

*e coupeur lui, ne se concentre que sur sa tâce. 7l atteint un niveau spirituelqu’il n’entretient qu’à ce moment précis et auquel il ne peut avoir acc&s quequand cet univers se met en place. 7l ne peut se faire comprendre que par les

expressions de son visage. *es coups de tambour le mettent en condition ande l’aider à rester à ce niveau qu’il atteint d&s que le pr#tre ou, lui"m#me, metdans sa bouce les graines de giroHes, celle"ci a1ant pour but, non seulementde le protéger, mais aussi de lui donner l’acc&s à quelque cose que seul lui esten mesure de conna$tre en rapport bien sur avec ce pourquoi il sest destiné.

/on sabre aussi n’est pas dépourvu de s1mbolisme ? de l’argent est toujours

placé dans le mance qui est remis au coupeur, avec des feuilles de v&p&lé, marquant le respect du ma$tre de cérémonie par rapport au service demandé.


5/6

Mne partie de cette somme sera remise à ceux qui maintiennent le cabri à sonemplacement. sa pointe est mis un citron destiné à protéger le sabre maisaussi un morceau de campre an que des forces négatives ne s’1 attacent. *ecampre sera placé au moment de l’acte pas loin du coupeur, et il ne faudra pas,dans la mesure du possible, qu’il s’éteigne.

=otre personnage, comme vous vous en #tes rendu compte, n’est pas facile àdécrire. *es aspirations qui l’am&nent à atteindre un niveau spirituel supérieur,au moment o% lui"m#me n’est plus en possession de ses mo1ens, nous donne dul à retordre.

=otons que dans l’image que nous avons voulu dépeindre tout au long de notrepetit récit, il s’agit principalement d’une cro1ance, une pilosopie de vie, unemani&re d’#tre et de s’émanciper dans une société qui nous a nourri de légendeset d’istoires F3adurai >eeran, Nartéli, 3aliémen, =agouloumila , ;lis&nd&)etc.Get qui a servi de mod&le d’éducation et de garant de valeurs morales dont nosanc#tres ont puisés pour nous transmettre cette passion et cet ;mour, éritagem#me du pa1s tamoul .

=otre coupeur a lui aussi son lot d’istoires, qu’il se fait parfois un plaisir deconter lors du partage du repas, témoignant de son périple, de ses frustrationsdevant le carré sacriciel, décrivant les coses qu’il a ressenti, faisant appel àson imagination, à sa passion et à son engouement pour ce à quoi il s’estdestiné.

Ln écoute ) Ln 1 prend plaisir parfois et on ne peut qu’acquiescer face à cette

institution spirituelle et traditionnelle que nos anc#tres nous ont légués.(’est plus qu’un partage du patrimoine indien qui se transmet dans cetteascension, cette fois terrestre, dont nous devons #tre ers, et nous devrionsprendre le temps, parfois d’aller onorer une invitation.

7l 1 a OPQ ans, cette faon de se réunir était une reconversion dans un réconfortmélancolique au sein duquel nos anc#tres vo1aient un vo1age spirituel vers laterre qui les avait vus na$tre et dont ils ne savaient pas s’ils 1 retourneraient.

*’7nde d’autrefois est peut #tre celle d’aujourd’ui dans nos $les, nous qui avons

su garder nos r$tes et nos traditions telles quelles, éprouvant cette nostalgie denos @&res et la manifestant lorsque nous nous adonnons au r$tes liés à notreculture Fle je2ne pour aller à la cérémonie, notre faon de cuisiner, la mani&rede se tenir en société)etcG.

7l 1 à certes un peu de nous"m#me, mais exclusivement ce sont les souvenirsparfois de ceux que nous rendons grâce par deux fois et cette fois ci dans cettederni&re espérance d’eux à s’immortaliser dans ce que l’on appel communémentsur notre $le le /emblani.


6/6

=atan /LMK; martinique

Documents

Portrait Du Coupeur de Cabris