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Le Postillon | numéro 0 - mai 2009 | 1 Le Postillon N° 0 | mai 2009 | un euro parution à l’improviste - ALLO SAINT-BRUNO, BOBOS p. 4-7 - POURQUOI LE DAUBÉ EST-IL DAUBÉ p. 8-10 - LES J.O PERDUS, LES PROJETS DE PRESTIGE RESTENT p. 14-15

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Le Postillon | numéro 0 - mai 2009 | 1

Le PostillonN° 0 | mai 2009 | un euro

parution à l’improviste-

ALLO SAINT-BRUNO, BOBOS p. 4-7 -

POURQUOI LE DAUBÉ EST-IL DAUBÉ p. 8-10 -

LES J.O PERDUS, LES PROJETS DE PRESTIGE RESTENT p. 14-15

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2 | Le Postillon | numéro 0 - mai 2009 Le Postillon | numéro 0 - mai 2009 | 3

Déjà en 1753, Mandrin, le plus célèbre des contrebandiers dauphi-nois, disait : « A Grenoble, il manque deux choses : la mer et un bon journal ». Presque 3 siècles plus tard, si nous ne nous plaignons pas que le réchauffement climatique n’ait toujours pas fait venir la mer à Grenoble , nous pestons par contre sans cesse

contre la pauvreté de l’information locale. Quelle injure au café de devoir l’accompagner chaque matin de la lecture du Dauphiné Libéré ! Et pourtant nous sommes bien obligés de nous y coller afin de saisir un tant soit peu ce qui se déroule autour de chez nous. Nous nous résignons même jusqu’à feuilleter tout ce qui est produit localement, du plus mauvais (les Affiches de Grenoble et du Dauphiné) au moins pire (Grenews) en passant par l’insigni-fiant (Grenoble&moi). Quel dépit d’en être réduit à lire ces articles insipi-des, reprenant pour l’essentiel les communiqués des autorités et n’ébréchant jamais l’ordre établi.

Ainsi, comme beaucoup avant nous, nous en sommes donc venus à affirmer la nécessité de faire exister un vrai journal papier à Grenoble. Un journal centré sur la cuvette, compilant enquêtes fouillées, infos dénichées, et témoignages décalés. Un journal régulier, à fréquence élevée, distribué largement. Un journal fâché avec presque tout le monde, dur mais juste, n’ayant de compte à rendre ni aux annonceurs ni aux décideurs.

Nous aurions aimé tenter de réaliser ce journal « idéal », - hélas ! - nous souffrons de multiples vices. En bons enfants de notre époque, nous sommes atteints d’au moins trois maux : la « culture du zapping » , la « tentation du loisir » et la « fainéantise ». La « culture du zapping » risque de nous inciter à aller faire des reportages sur la consommation de vodka à Odessa plutôt que de rester dans la capitale des Alpes. La « tentation du loisir » risque de nous pousser à préférer des cueillettes de morilles ou des concerts de zouk plutôt que des dizaines d’heures passées devant des articles, des bouquins et des ordinateurs. Quand à la « fainéantise », elle risque de nous jeter dans les bras de siestes ensoleillées à la Bastille et de canapés molletonneux plutôt que dans ceux de la rigueur et de l’effort intellectuel. Enfin l’état peu flamboyant de nos porte-monnaies risque de nous inciter à dépenser plus d’énergie pour la recherche d’oboles que pour du travail bénévole.

Qu’importe ! Si nous sommes imparfaits, nous réaliserons donc un journal imparfait, sûrement incomplet, sans doute trop irrégulier, et à l’humour assu-rément douteux. Nous n’aurons pas d’autres prétentions que de traiter de sujets locaux avec esprit critique et de lancer des postillons dans la cuvette.

Frémissant d’une impatience malsaine propre à la jeunesse, nous nous sommes lancés dans la conception du numéro zéro sans avoir résolu quelques questions hautement métaphysiques, comme celle de la distribution (faut-il passer par les grands distributeurs ou plutôt construire un réseau alternatif ?) et celle du financement (dans un monde de requins, quelle est la solution la moins marteau : un prix élevé ? détourner des subventions ? organiser des concerts de soutiens ?). Parviendrons-nous à les résoudre ? Suspens...

CRISE : LA VILLE AGIT (1)« A Grenoble, il n’y a qu’un seul hôtel 4 étoiles avec 32 chambres, ce qui est ridicule pour une agglomération de 400 000 habitants avec autant d’activité dans le tourisme et la recherche » (Daubé, 21 avril 2009) Pour remédier à ce grave problème social, Philippe de Longevialle, adjoint à l’urbanisme, annonce la construction d’un hôtel 4 étoiles sur la ZAC de Bonne. Comme l’annonce la couverture des Nouvelles de Grenoble de mars/avril 2009 : « Crise, la ville agit ».

CRISE : LA VILLE AGIT... (2)...et augmente les impôts locaux de 9%. La Métro, quand à elle augmente les taux de la TEOM (taxe sur enlèvement des déchets) de 44 % et crée un nouvel impôt. Heureusement, les indemnités des élus à la Ville de Grenoble ont été augmentées de 25% l’année dernière...

CRISE : MÊME DANS LE HIGH-TECHAlors que les élus justifient leur soutien massif aux entreprises high-tech par leur retombées en terme d’emplois « dura-bles », les grandes entreprises comme STMicroéletronics ou Soitec multiplient les périodes de chômage partiel et n’embauchent plus. Et même au CEA, l’ambiance est morose. Une salariée précaire à Minatec : « Depuis quelques mois, à cause de la baisse d’activités chez STMicroéletronics et Soitec, on se retrouve désœuvré. Comme on travaille essentielle-ment avec eux, nos carnets de commande sont vides. Moi et les autres CDD avons peur que nos contrats ne soient pas renou-velés. » A quand une séquestration de Jean Therme, patron du CEA ?

CEACITYLes échos, 21 Janvier 2008 : « Le directeur du CEA [Jean Therme] nous fait courir, mais nous suivons », reconnaît Geneviève Fioraso, députée PS et présidente de la SEM Minatec, à propos du projet GIANT.

CATERPILLAR : INFLITRATION PAR LES ANARCHISTES ?Pour le Figaro du 23 avril 2009, la radica-lisation des ouvriers de Caterpillar est dûe à des « anarchistes infiltrés » : « Début janvier, les négociations entre l’intersyn-dicale et la direction avaient pourtant débuté aussi sereinement que possible dans de telles circonstances. Le tournant a été pris le 2 mars, tandis que 100 à 200 salariés (sur 2 700) au chômage partiel, et non pas en grève, manifestaient dans l’usine. Un groupe d’anarcho-libertaires est venu les rejoindre. Les syndicats ont perdu le contrôle de ce petit groupe », relate un salarié. D’occupation d’usine en séquestration de cadres, en trois semaines, la tension est montée. Nicolas Sarkozy lui-même s’est engagé à « sauver le site » et à rencontrer les salariés. Lesquels ont refusé de répondre à l’invitation de l’Élysée, exigeant une visite sur place du président. « L’ultragauche ne crée pas les opportu-nités, elle les utilise », estime un observa-teur local. » Une analyse-bidon qui doit bien faire rire du côté des salariés mobilisés de Caterpillar, qui ont répété plusieurs fois au sujet des étudiants ou « anarchistes » venus exprimer leur solidarité : « On a besoin de personne pour être en colère ».

SAUVER CATERPILLAR ?Si, depuis 4 mois que dure la « lutte » des Cater’, tout le monde s’accorde pour déclarer sa « solidarité » avec les ouvriers menacés de licenciements, quasiment-personne ne pose la question de l’utilité sociale et écologique de cette entreprise. Bien entendu, il est souhaitable que les ouvriers licenciés partent avec un maximum d’indemnités prises dans les poches des actionnaires, mais faut-il lutter pour autant pour « sauver Caterpillar », entreprise qui produit des buldozers et autres engins de destruction ? Ne faut-il pas plutôt espérer la faillite de cette multinationale, contribuant directement au saccage de l’environnement et à l’aseptisa-tion des villes ?

1 MILLION D’EUROS POUR UN EMPLOI Pour rester compétitif mondialement dans la course semi-conducteurs, STMicroélectronics continue de détruire la vallée du Grésivaudan et, en s’alliant avec IBM, crée Crolles 3. C’est le résultat d’un chantage à la délocalisation réalisé par la direction de ST aux collectivités locales et à l’Etat qui subventionnent grassement l’opération avec 650 millions d’euros (sur un budget de 3,4 milliards d’euros d’in-vestissement). Tout ça pour la création de 650 emplois, soit 1 million d’euros d’argent public par emploi. C’est-à-dire de quoi payer quelqu’un au SMIC pendant plus de 900 mois, soit 75 années.

LA RUMEURSuite à la séquestration des cadres de Caterpillar, Michel « Ségo » Destot leur aurait écrit une lettre pour s’excuser : « Ces actes n’engagent ni Grenoble, ni les Grenoblois, ni les Grenobloises. Nous demandons votre pardon suite aux propos injurieux qui ont pu vous être adressés. Sachez que nous ferons tout notre possible (subventions, facilitements...) pour que vous continuiez à investir dans notre région et que vous puissiez y faire un maximum de bénéfices. »

ON S’EN FOUTSimone Monnot, voyante, était longue-ment interrogée dans le Daubé en début d’année. Elle prédisait la victoire du GF38 face à Lyon : « Je vois Grenoble gagner. De peu, sûrement d’un petit but, mais en principe, ils gagneront ». Manque de bol, son pendule lui fit un tour - de trop - et Grenoble perdait sur son terrain 2 à 0. Elle s’enfonçait de plus belle à la question suivante : « Grenoble, ville candidate fran-çaise pour les JO de 2018? », Simone n’hé-sitait pas un instant : « Oui. C’est Grenoble qui va remporter la candidature au mois de mars. Aucun doute là-dessus »...

BRÈVESPourquoi « Le Postillon » ?« Le Postillon » est en fait une résurrection car c’était le titre d’un journal grenoblois ayant paru entre mai 1885 et mai 1886. Le Postillon de l’Isère, journal à parution à l’im-proviste, n’avait « pas de programmes ; car les programmes sont gênants ; on a trop l’occasion d’y manquer ensuite. Les députés de l’endroit ne diront pas le contraire. » Il fait exception parmi les dizaines de vieux journaux locaux, car « il ne respectait rien, se hâtait de rire de tout et cinglait les politiciens ». (Henry Rousset, La Presse à Grenoble, 1700-1900)

EDITO

Anecdote(s)

Duel de presse Il fut un temps où les journaux, qui n’avaient pas leur fadeur actuelle, déchaînaient les passions et les pulsions. Ainsi en 1878 Le Petit Dauphinois et Le Réveil, deux quotidiens grenoblois, se menaient une lutte acharnée qui finit au corps à corps : « les polémiques devinrent en si peu de temps si méchantes, on échangea tant de coups de plumes qu’un duel devint inévitable entre MM. Naquet [rédacteur en chef du Petit Dauphinois] et Minvieille, alors rédacteur en chef du Réveil. Naquet, presque un vieillard, s’était déjà battu plusieurs fois. Minvieille, dans la force de l’âge, semblait un adversaire redoutable. Tout Grenoble se passionnait donc pour cette rencontre. Ce fut un drame. Le duel eut lieu à l’épée, dans une cour d’une maison du quai de la Graille (..). Au deuxième engagement, Naquet, dans un mouvement irréfléchi, saisit de la main gauche l’épée de Minvieille et le blesse avec son épée restée libre (..) » in Henry Rousset, La Presse à Grenoble, 1700 - 1900, Quand verrons nous Henri-Pierre Guilbert (patron du Dauphiné Libéré) provoquer Jean-Claude Cellard (patron des Affiches de Grenoble et du Dauphiné)

Le Journalisme mène à toutOn connaissait Michel Destot randonnant avec le journaliste (l’animateur, pardon) Thibault Leduc de Télégrenoble et ancien rédac chef de Spot, un gratuit sportif. « Dimanche dernier, j’ai réussi à « voler » quelques heures pour monter à la Croix de Belledonne, avec Thibault Leduc et Emmanuel Armand. » écrit Michel Destot sur son blog le 14 novembre 2006. Notre maire sait aussi brosser dans le sens du poil certains journalistes pour qu’ils se traînent jusqu’à son paillasson boulevard Jean Pain : c’est le cas d’Eric Angelica, journaliste au Dauphiné Libéré qui a rejoint l’équipe de communication de la municipalité grenobloise. Il faut dire que l’ancien rédac chef (lui aussi !) de Sortir, gratuit du Daubé, faisait partie du comité de soutien officiel du candidat Destot lors des municipales. Et comme disait Jules Janin : « le journalisme mène à tout, à condition de s’en Sortir ».

Directeur de la publication : le chevalier Bayard (séquestré) Comité de Rédaction : Emile Bazin, Basile Pévin, Julien Farkas et leurs ami-e-s Les textes ne sont pas signés mais n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. N°ISBN : héhé ! - Contact : [email protected] Adresse : pour le prochain numéro - Formule d’abonnement : haha ! - Tirage : 1000 ex. Distribution : à la criée, à l’arrache et dans tous les bons lieux de la cuvette.

AFFICHAGE SAUVAGE:1/ PUB:0Sur la rue Nicolas Chorrier, sous le pont de l’Estacade, un grand espace publicitaire de 4 mètres par 3 polluait l’espace visuel comme sait si bien le faire JC Decaux. Sauf que depuis quelques mois, le panneau était sans arrêt recouvert par des affiches politiques ou annonçant des évènements culturels, tant et si bien que la publicité n’était visible que lors des premiers jours de son installation. Sûrement jugé comme pas assez « rentable », le panneau vient d’être enlevé. Il n’y a plus qu’à aller recou-vrir les autres.

GIANT : L’ÉTOILE QUI BRILLE DANS LA NUIT.Claude Vasconi est l’architecte en charge de Giant, le projet de requalification de la presqu’île scientifique. Quand il en parle, c’est rempli d’émotion et à grands coups de lyrisme :

« Ancien « polygône », territoire d’accueil de la recherche scientifique depuis des décen-nies, cette presqu’île – cette « confluence » - cette « belle au bois dormant » ne demande qu’à être révélée - à s’ouvrir à la ville - à s’émanciper et s’affranchir de ses barrières et autres clôtures ou einceintes protégées pour devenir le site d’expansion du coeur de ville, d’une ville contemporaine et dynamique dont la mixité, la lisibilité, l’innovation et l’accessibilité feront demain du centre-ville le coeur battant de l’agglo-mération. Aujourd’hui innaccessible - peu fréquenté – véritable « trésor caché » - ce territoire devient l’enjeu majeur du déve-loppement urbain de la Grande Cité - de la Métropole Grenobloise. » (Dans le dossier du Plan Local d’Urbanisme sur GIANT)

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Gentrification : « terme venant de l’anglais « gentry » désignant le processus par lequel le profil économique et

social des habitants d’un quartier se transforme au profit d’une couche sociale supérieure ». Synonyme familier : boboïsation.

Aux détours d’une balade dans le quartier Saint-Bruno, on peut tomber sur : le « Central Park » rue de New-York, la « Closerie d’Alembert » rue d’Alembert, « Hermes 2 » et le « Saint Georges » rue René Thomas, le « Murano » rue du Vercors, le « Patio » et le « Carré des Halles » au square des Fusillés ... Un peu partout dans le quartier fleurissent les grands panneaux promouvant une nouvelle résidence « prochainement ici ». D’une similarité troublante, les rési-dences présentées sur ces panneaux sont « de standing », généralement blanches, carrées, bordées d’espaces verts aux allées peu chaleureuses. Quelques coups de fils aux promo-teurs immobiliers (BNP Paribas, Bernard Teillaud) nous confirment que la clientèle attirée n’a pas de problèmes de fins de mois, le prix du m2 flirtant avec les 4000 euros. Bien entendu, afin d’éviter à la municipa-lité PS-Modem-Droite de Grenoble d’être hors-la-loi, et afin d’alléger la liste des 13 000 demandeurs de loge-ments sociaux de l’agglomération; chaque projet compte son petit pour-centage de logements sociaux.

Derrière les panneaux, quand les grues ne tournent pas déjà afin de faire pousser le béton, les pelleteuses s’appliquent à faire disparaître les anciens bâtiments, témoins d’un passé ouvrier et populaire.

Le quartier Saint-Bruno ? Ancien

noman’s land marécageux, s’éten-dant historiquement de la ligne de chemin de fer au Drac, le quartier s’est développé au moment de la révo-lution industrielle et de l’installation d’usines (tels que Raymond Boutons, Établissements Joyas, Bouchayer-Viallet, Lustucru, les ganteries...) profitant de terrains à moindre coût. Au début du XXème siècle, la popu-lation du quartier, gonflée par l’exode rural et l’arrivée massive d’étrangers, compte 75% d’ouvriers et d’em-ployés modestes. A cette époque, « la convivialité était très forte. Les soirs d’été, les gens se retrouvaient dans les rues, assis sur une chaise devant leur maison, et devisant tardivement entre eux des potins du quartier. » La vie était rude, le travail pénible et long, le confort souvent inexistant : WC sur le palier, pas de commo-dités, ni chauffages, ni baignoires; mais « il existait une grande solida-rité, celle des gens modestes. » . Des grèves dures à répétition, aboutissant à quelques avancées pour les ouvriers (repos hebdomadaire, augmentations, congés payés), ainsi que des mani-festations contre l’extrême droite en 1934 et une participation active à la Résistance; donnent au quartier une réputation de « rebelle » et « fron-deur ».

Le déclin des industriesLa seconde guerre mondiale a commencé à ronger l’outil industriel, les manques de main d’oeuvre et de débouchées des années 1950 - 1960 ont fini de l’affaiblir. Les grandes entreprises (hormis Raymond Boutons) ont fermé les unes après les autres, abandonnant leurs bâti-ments. Au début des années 1980, « les patrons qui on fait la prospé-rité du lieu sont partis vers le centre

ville ou la banlieue résidentielle tout en gardant la propriété de nombreux bâtiments. Le quartier devient encore plus populaire. ». Et cosmopo-lite, notamment par une importante immigration d’origine nord-afri-caine. Quelques squats occupent les anciennes usines; les logements vacants sont vite réoccupés en raison de leur faible coût; et quelques arti-sans maintiennent une activité.

Mais parallèlement au départ des industries traditionnelles a commencé à émerger sur le site voisin du Polygone un pôle de nouvelle tech-nologies, au départ autour du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) et du nucléaire. Ce qui entraîna une batterie d’autres entreprises et insti-tutions (CNRS, STMicroélectronics, Synchrotron, Minatec...), et donc l’arrivée de régiments d’ingénieurs, cadres supérieurs ou techniciens cher-chant à habiter sur place. Ce qui ne déplaît pas forcément aux « anciens » du quartier.

Paul Faure, 81 ans, membre de l’Union de quartier et surnommé « l’historien du quartier », est né ici et « préfère le Cours Berriat à la

promenade des Anglais. ». Comme d’autres personnes âgées rencon-trées, il ne voit pas d’un mauvais oeil le développement scientifique et technologique et l’arrivée de nouvelles populations. Pour lui, cela permettra de rajeunir la moyenne d’âge des habitants et de redonner du dynamisme au « quartier qui est depuis plusieurs années plongé dans une certaine torpeur ».

Un boulanger du Cours Berriat partage ce sentiment : « le quartier meurt petit-à-petit, les commerces ferment les uns après les autres, et j’ai de moins en moins de clients. Avant c’était beaucoup plus vivant. » Mais une patronne d’un bar - égale-ment cours Berriat - de se demander : « je ne sais pas si les habitants des nouvelles résidences vont venir chez nous. En tous cas pour l’instant on voit pas trop de nouveaux. On se questionne pour le futur. »

Pour la patronne d’un bar voisin des nouvelles résidences de la rue du Docteur l’Hermitte, la réponse est amère : « Avant il y avait l’usine Lustucru en face du bar, le café était très souvent rempli, surtout par des ouvrières. Maintenant, il y

Allô Saint-Bruno, bobosComment le passé ouvrier du quartier Saint-Bruno n’est plus qu’un lointain souvenir

Comment boboïser une ville ?Michel Destot et les élus de la ville de Grenoble semblent avoir lu de près les dix comman-dements pour boboïser une ville, écrits par le très bon journal local amiénois Fakir, qu’on peut retrouver sur son site www.fakirpresse.info. On se contentera ici d’en citer un :

« Commandement n°5 : La Culture tu chérirasC’est par la Culture, surtout, tu le sais bien, que les quartiers s’embourgeoisent. D’abord parce que, à l’instar des étudiants, les photographes, maquettistes, peintres, gens de théâtre, journalistes, etc. font d’excellents intermédiaires : ni vraiment du peuple, ni tout à fait de la bourgeoisie, et un peu des deux. Ensuite parce qu’on n’attire pas les gentri-ficateurs avec du vinaigre : il leur faut ce supplément d’âme artistique. Enfin parce que le consensus régnant autour de la Culture, de son industrie, de son cosmopolitisme, de ses sanctuaires, neutralise les rapports de force sociaux, déguise les desseins financiers sous les oripeaux du « cool » et du « sympa ».Quel populiste s’opposerait à l’implantation d’un théâtre ou d’une bibliothèque ? Pourtant, l’Opéra Bastille à Paris et le Musée de la Charité à Marseille furent les fers de lance dans la « reconquête » immobilière de ces quartiers. »Une analyse à méditer pour Saint-Bruno, connu pour ses nombreux lieux artistiques et culturels plus ou moins alternatifs, dont certains (comme La Bobine, ou les Bas Côtés) sont d’ailleurs menacés par des projets immobiliers de « résidences de standing ».

Le quartier arabe ?« Quand tu vas à Marrakech ou à Alger, que tu dis que tu viens de Grenoble, on te demande « de Saint Bruno ? ». Saint-Bruno, c’est connu à l’étranger... » Pour ce patron d’un bar à chicha place Saint-Bruno, la réputation du quartier dans le Nord de l’Afri-que est un peu biaisée : si le quartier – en fait uniquement la place et ses alentours – est très animé par les populations maghrébines, de moins en moins habitent ici et beaucoup viennent en fait d’autres endroits de l’agglomération (Fontaine, Echirolles, l’Alma, la Villeneuve...). Pour lui, aujourd’hui, les communautés se mélangent très peu, ce qui semble se confirmer dans les relations tendues entre l’Union de Quartier (compo-sée uniquement de blancs) et la population maghrébine. Il regrette l’époque de son enfance, dans les années 1980, où le quartier était beaucoup plus populaire, les loyers bon marché et les relations entre les différentes communautés bien plus sympathiques. « Dans les petites rues autour de la place Saint-Bruno, il y avait du linge qui séchait sur des cordes tendues entre les immeubles... Ca ressemblait à Naples... et puis le tram est arrivé et ils ont dit que « ça », ça faisait sale... »

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à « humaniser Europole » « ajouter une touche de convivialité » (le Daubé, 15 août 2002), c’est-à-dire à rajouter quelques plantes vertes et des bancs – oui mais pas trop grands pour éviter que des « personnes indé-sirables » viennent s’y installer.

Un avenir en-cadréL’avenir du quartier, c’est donc ça : des chercheurs, des étudiants, des avocats, des industriels. C’est has been, le bleu de travail, les petits jardins ouvriers, les cafés populos remplis d’ouvriers à six heures du matin, les solidarités entre personnes pauvres. Le présent, le futur, c’est de vouloir être la métropole du XXI ème siècle, la « silicon valley à l’euro-péenne » capable d’attirer les inves-tisseurs. L’avenir, c’est d’avoir les mêmes magasins, les mêmes bâti-ments, les mêmes aspirations, les mêmes publicités que toutes les autres « métropoles », mais avant tout le monde - puisque on est à Grenoble...

Dans cette optique, il fallait donc relifter ce coin de la ville, stratégique car proche de la gare et du Polygone scientifique, afin d’offrir aux cadres débarquant sur Grenoble une image branchée et moderne correspondant à leurs attentes. Travail commencé avec la réalisation d’Europole (débuté dans les années 1980), pour-suivi aujourd’hui par la construction de dizaines de résidences de stan-ding, et achevé demain avec la réali-sation de GIANT (Grenoble Isère Alpes Nano Technologies). Ce vaste

projet comprend - entre autres - la requalification urbaine du Polygone scientifique et de la cité Jean Macé, autre ancien quartier ouvrier égale-ment réputé très convivial, « dernier village gaulois », destinés à devenir un « agrandissement du centre-ville ».

Dans cette optique, il fallait donc donner également une bonne image aux cadres ne faisant que passer par Grenoble grâce à la rocade, et donc raser en grande partie la friche Bouchayer-Viallet pour en faire un nouveau quartier mêlant également habitats, bureaux, et espaces cultu-rels et de loisirs.

Dans cette optique, il fallait donc remiser toutes les traces du passé ouvrier aux oubliettes et les trans-former en faire-valoir pour un quar-tier « sympa ». Les élus et archi-tectes des nouvelles résidences ne manquent donc pas une occasion pour rappeler « l’histoire ouvrière de ce quartier » et décident le maintien à côté du neuf de tel ancienne tour industrielle, telle ancienne enseigne d’usine afin de « conserver l’identité du quartier ». Joli pied de nez qui n’est pas pour déplaire à la nouvelle population bobo du quartier. Saint-Bruno, qui reste encore pour toutes les personnes rencontrées un quar-tier « où il fait bon vivre, malgré tout » compte en effet nombre d’ha-bitants sensibles à ce passé comme aux thématiques écologistes, comme en témoigne les 30% de votes Verts aux dernières municipales. Ce qui ne manque pas d’agacer Jean : « Tout le

monde parle de l’écologie, du bio, du passé, du respect, des traditions, mais tout sonne faux. C’est comme la Talemelerie [ndr : une chaîne de boulangeries] : ils disent qu’ils font du pain en respectant la tradition, ils essayent d’imiter une ambiance d’antan et en fait c’est une grosse boîte, avec des serveuses qui disent tout le temps pareil; et on voit partout exactement les mêmes en ville. »

C’était mieux avant ?Bien entendu il ne s’agit pas de magnifier un passé ouvrier laborieux, dur, basé sur l’exploitation d’une masse de petites gens pour l’enrichis-sement de quelques grands patrons. Encore moins de porter aux nues des industries particulièrement actives dans l’« effort de guerre » : fabri-cation d’obus à Bouchayer-Viallet, approvisionnement de l’armée en pâtes (Cartier-Millon) ou biscuits (Brun), fabrication de canons chez Joya, ou de pièces pour les tenues des militaires (Raymond Boutons ou Terray).

La transformation de Saint-Bruno, outre d’être un bel exemple de boboï-sation d’un quartier populaire, est symptomatique d’un changement d’époque. Aux ravages de l’alcoo-lisme, on préfère aujourd’hui les ravages de la télévision et de la vie numérique. Si le confort est à la portée du plus grand nombre, il est généralement accompagné des affres de l’individualisme, du repli sur soi, des dépressions ; et de la baisse des solidarités et de l’entraide.

Promouvant l’idée que la technologie est la solution de tous nos problèmes, les responsables pensent pouvoir guérir le mal par le mal et relancer de la convivialité et de la solidarité par Internet. La Mairie de Grenoble a donc lancé le site « peuplades », afin que des voisins puissent se rencon-trer et se demander des services sur le Web puisque que l’urbanisme, et l’époque ne permettent plus de le faire dans la rue. Plus qu’un remède sans doute faut-il y voir un constat d’échec. L’initiative est en tous cas par... la BNP Paribas !

a les nouveaux immeubles; j’en ai pas encore vu un venir boire un coup. Ils payent tellement cher, comment voulez-vous qu’ils viennent dans le bar ? »

Saint Bruno, c’est plus bon marché (à part sur la place)Et c’est vrai qu’ils payent cher : anciennement connu pour son marché immobilier bon marché pour Grenoble, le quartier figure main-tenant dans le peloton de tête des prix élevés : avec 2640 euros par m2 en moyenne pour l’ancien et 3500 euros pour le neuf, il talonne, suite à une hausse de plus de 100% en cinq ans, les quartiers bourgeois de l’Ile Verte et de l’Hypercentre. Selon un

agent immobilier, les ache-teurs du neuf correspondent à deux profils : soit ce sont des personnes âgées habitant déjà dans le quartier et voulant réin-vestir dans le neuf; soit ce sont plutôt des couples ou familles travaillant sur le Polygone.

Jean a la soixantaine passée et habite dans le quartier depuis quarante ans. Autour d’une mousse dans un bar cours Berriat, c’est difficile de l’ar-rêter quand il parle du Saint-Bruno d’avant, de ses premières

années passées ici. Quand on aborde le présent, les nouvelles résidences, il est par contre moins loquace et lâche seulement l’air triste : « maintenant c’est tout pour le fric; le reste n’a plus sa place. A l’époque, on était plus pauvre mais le fric pourrissait pas tout. »

A l’époque la ligne de chemin de fer, surnommée la « barrière » au croi-sement avec le Cours Berriat sépa-rait deux mondes : « A l’ouest de la barrière, c’était le quartier popu-laire, pauvre, ouvrier, méprisé par les « gens de l’est », plus embourgeoisés, plus collet monté. A l’ouest, on portait le bleu de travail, à l’est on arborait cravate et chapeau. »

Aujourd’hui, il n’y a plus de barrière, mais une surévaluation du train, et plus de distinction entre les deux côtés. Alors qu’après guerre, il y avait 55 cafés sur le Cours Berriat (entre la barrière et le pont du Drac), aujourd’hui il n’y en a plus qu’une dizaine. Aujourd’hui, hormis la place et ses alentours, le quartier n’est pas vraiment vivant : ambiance calme et lisse. Après guerre, derrière la gare, on trouvait de vieux entrepôts et une brasserie « La Frise ». Aujourd’hui, il y a Europole, le quartier d’affaires de Grenoble.

Vous êtes-vous déjà promené dans Europole ? Avez-vous ressenti une once de bien être ? Grandes tours de verres, restaurants de luxe, école de commerce « Grenoble Management », palais de justice, trottoirs et espaces verts froids, World Trade Center, 8 enseignes de banques différentes en 200 mètres : ici rien ne semble être fait pour les humains, tout pour les requins décidés à n’avoir de vie qu’économique.

En tous cas, c’est une ambiance radi-calement opposée à celle du Saint-Bruno populaire d’antan. Ce qui peut laisser dubitatif face aux positions de Paul Faure et du reste de l’Union de Quartier : comment peut-on être à la fois fier d’un passé ouvrier et populaire et se réjouir d’Europole ? Comment peut-on accepter qu’il n’y ait plus aucune place pour les anciens « héros » du quartier - les gens modestes ?

Pour les élus, c’est clair : avec Europole, c’en est fini des ouvriers. Ainsi Pierre Kermen, Vert ancien élu adjoint à l’urbanisme déclarait-il : « Nous voulons que ce quartier soit celui de la mixité, où des étudiants pourront côtoyer des chercheurs et des avocats. » (le Daubé, 15 août 2002). La mixité oui ! Mais entre gens bien, sans les pauvres ! Reste juste

La BNP parie hautQuasiment toutes les nouvelles résidences actuellement en construction dans Saint-Bruno (à part sur le site de Bouchayer-Viallet) sont des projets immobiliers de Meunier Rhône-Alpes, une filiale de la banque BNP Paribas. Comme d’autres banques investissant le secteur immobilier, elle essaye de tirer un maximum de profits de la crise de l’immo-bilier : en tant qu’agent immobilier grâce de grosses marges sur les opérations immobi-lières, puis, en tant que banque, grâce à une forte augmentation des montants des prêts effectués. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une politique de compression des coûts des salariés entraînant impératif de rentabilité, pression, stress, très peu d’augmentations de salaires (+0,8%) (1). Les dividendes des actionnaires de la sixième banque mondiale (en terme de chiffres d’affaires), épanouis par les 7,8 milliards d’euros de bénéfices de 2007, ont par contre augmentés de 8%. Une entreprise qui entretient de très bons rapports avec les pouvoirs locaux, comme en témoigne la présence de Michel Destot à l’inauguration d’une nouvelle agence greno-bloise le 16 mai 2008.

(1) (http ://www.humanite.fr/2008-04-22_Politique_BNP-l-insupportable-pression-sur-les-salaries )

Saint Bruno en chanson« C’est un quartier mal foutu, un peu flou sur les bordsun grand tricot de ruesdéchiré vers le NordUn quartier pas bégueuleSans frime et sans apprêtUn quartier fort en gueuleOu l’bourgeois s’fait discret (....)

Overdoses d’autosl’abbé Gregoire digèreLa tête à Saint-Brunoles pieds dans les eaux clairesPour flâner rue ChorrierIl faut beaucoup d’espoirTouristes circulezY’a vraiment rien à voir. (...)

Le marché Saint-BrunoAgite ses appeauxLes marchands d’oripeauxSe partagent le gâteauC’est truffé de fabriquesMélangées aux maisonsLes entrepôts s’imbriquentEt dessinent l’horizon

Assommoirs débonnairesBistrots ripolinésSuivent le boeuf des affairesAu rythme des tournéesc’est un quartier lèv’tôtQui boit pas que de l’eaupetit blanc du matinN’arrête pas le Pèl’rin

Grand territoire bâtardSaint Bruno ocre et vertL’gazon chauve de ton squareVa-t-il passer l’hiverTu fais pas l’distingoTu mélanges les souchesmais ton charme fait mouche »

Extraits d’une chanson de Patrick Boirot sur Saint Bruno, date inconnue (avant 1985)

(...)

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L’histoire de la naissance du Dauphiné Libéré ressemble à beaucoup d’histoires de l’après-guerre. Ce qui s’est passé à Grenoble pour la presse s’est passé dans les autres régions, s’est passé au niveau national, s’est passé pour d’autres secteurs. A la Libération, les résistants rêvent de « lendemains qui chantent » soutenus par une presse de qualité ne sombrant pas dans les égarements du passé. Découvrons comment le Dauphiné Libéré a fait fi de ses idéaux.

Août 1944. Grenoble est libérée de l’oc-cupation. Après le temps de la Résis-tance et de la répression, vient celui des règlements de comptes. Dans la popula-tion, la haine est forte envers ceux qui

ont collaboré et particulièrement envers les jour-naux ayant continué à paraître pendant les heures sombres de l’occupation, ne rechignant pas à relayer les communiqués des Allemands et à déni-grer les résistants. Au premier rang de ceux-ci se trouve Le Petit Dauphinois, journal d’informa-tion sans positions politiques marquées - c’est-à-dire plutôt à droite - tirant à 190000 exemplaires en 1939. C’est le quotidien local de référence.

Comme ses confrères, il a tout d’abord fermement soutenu le régime de Vichy, vouant une admi-ration christique au Maréchal. Ainsi pouvait-on lire, juste avant une visite de Pétain à Grenoble : « Aux jours rassérénés nous en reparlerons. Il y aura un jour des Dauphinois qui, se remémorant un fait ancien, diront : c’était avant ou après la Visite. » (Petit Dauphinois, 19 mars 1941). Par la suite, il approuve toutes les orientations du régime et diabolise les résistants : « ils préparent une ère de brigandage, le retour à la nuit des périodes troubles de notre histoire » aussi préconise-t-il de se ranger aux côtés des forces de l’ordre car « aucun Français ne peut excuser les crimes du terrorisme et la prolongation de l’état de choses qu’il a crée ne pourrait qu’amener la disparition de la France dans la misère, dans la guerre civile et dans l’anarchie. » (PD, 31 mars 1944).

L’attitude du Petit Dauphinois comme des autres journaux (La République du Sud-Est et La Dépêche Dauphinoise) n’est ni oubliable, ni excusable; aussi à la Libération les résistants décident de suspendre leur parution, de placer leurs biens sous séquestre judiciaire et de les mettre à dispo-sition des médias « résistants ». Trois journaux sont autorisés à paraître : Le Travailleur Alpin, d’obédience communiste; Le Réveil, catho-lique et Les Allobroges, journal commun du Front National (FN - communisant) et du Mouvement de Libération Nationale (MLN - socialisant).

Les trois journaux ont la volonté de tourner la page de la presse pourrie par les trusts, de ne plus dépendre des puissances d’argent, et de réaliser une presse « dure et pure » loin de celle de l’avant-guerre qui faisait la part belle au sensationnel et aux faits divers. Mais les résistants manquent de savoir faire tech-nique, et font donc appel à des personnes ayant collaboré, tant au niveau de la rédaction que de l’impression.

Aux Allobroges, journal le plus vendu (à 200 000 exemplaires), apparaissent vite des tensions entre les militants du FN et du MLN. Ces derniers, emmenés par Louis Richerot, un influent hôtelier grenoblois, se sentent lésés par le ton du journal trop « commu-nisant » et exigent le droit à faire paraître leur propre journal qu’ils veulent appeler « Le Dauphinois Libre ». Après plusieurs rebondissements - et notamment, suite à une polémique, le changement du nom à cause de sa trop grande proximité avec le Petit Dauphinois - le premier numéro du Dauphiné Libéré sort le 7 septembre 1945 en tant que quotidien du MLN et du parti socialiste SFIO et avec pour devise : « Le libre journal des hommes libres ».

Dès les débuts de la coexistence, les relations sont assez tendues entre Le Dauphiné Libéré et Les Allobroges, qui doivent partager les anciens locaux du Petit Dauphinois, avenue

Alsace-Lorraine. Les Allobroges attaquent avec virulence leur concurrent, en tentant de l’assimiler au Petit Dauphinois et à son passé nauséabond. Ce qui, au début, n’est pas tout-à-fait vrai car ses créa-teurs n’avaient pas fait appel à des fonds patronaux et qu’il est né « libre ».

Le Dauphiné Libéré réussit ses débuts et atteint

C’est une affaire entendue depuis des dizaines d’années : dans les bistrots, les ateliers, les salles d’attente ou les chaumières; à Grenoble ou ailleurs, on appelle le Dauphiné Libéré le « Daubé ». Ce surnom lui va si bien, résonne tellement comme une évidence que personne ne se donne la peine de l’expliquer. D’où vient-il ? Un hasard, un mauvais jeu de mots ? On ne sait pas. Le Dauphiné Libéré est daubé, voilà tout. Pourquoi perdre son temps à le démontrer ?Mais à trop se reposer sur cet acquis, on en ignore les enseignements. Car chercher à comprendre pourquoi le Dauphiné Libéré est daubé permet bien plus que de s’interroger sur le bien-fondé d’un surnom. Cela permet de faire un voyage au coeur de l’histoire de la Presse Quotidienne Régionale, de la presse en générale et de la vie politique grenobloise et d’en ramener des éléments de compréhension et du critique du monde dans lequel on vit. Tel est le but de ce feuilleton qui tâchera d’étudier l’histoire, le développement et le fonctionnement actuel du Daubé.

Episode 1 : Le Renoncement aux idéaux de la Résistance.

Grand Feuilleton

Pourquoi le Daubé est-il daubé ?

Sports et faits divers : les mamelles du DaubéEn mars 2009 le quotidien a consacré 66% de ses unes aux sports et faits divers.Vendu à 250 000 exemplaires chaque jour , le Daubé rayonne par son monopole et sa vision arbitraire de l’information locale. Nous avons décortiqué les 30 unes du mois de mars 2009 de l’édition Isère Sud, celle que l’on dégotte notamment à Grenoble. Depuis la montée du club de foot grenoblois en ligue 1, les résultats du promu prolifèrent en couverture du quotidien : « GF38 : ce soir, il faut gagner », « fin de série pour Grenoble » ou encore le préten-tieux et mensonger « Tout Grenoble attend ce match ». Six unes à la gloire du GF38, soit une tous les 5 jours (20%). Si l’on rajoute la candidature de la ville au JO 2018 et le hockey sur glace, le sport gagne haut la main le prix de la couverture locale avec 13 unes pour le mois de mars (43%). Vient ensuite les faits divers qui, comme le disait de son vivant un sociologue « font diversion » aux titres racoleurs « Grenoble, agressées par un déséquilibré », « sanglante bataille pour la drogue », « un enfant de 11 ans tués par un train ». Ils occupent 23% des couvertures. Alors que les entreprises licencient à tour de bras en Isère, cette information n’est mis en avant qu’une seule fois : « Rossignol coupe dans les effectifs » .Que resterait-il du Daubé si ses journalistes sportifs et rappor-teurs de faits divers venaient à mourir mangés tout cru par un chien égaré ? Des confettis?

Daubé du mois de mars (30 unes) - Edition Isère sud

- Sports :13 (43 %)- Faits divers : 7 (23%)

- Pseudo questions de société : « Alcool : que doit-on interdire? » : 3 (10%)- Culture : 2 (6,6%)- Question d’emploi : 2 (6,6%)- Info nationale : 1 (3,3%)- inclassable : 2 (7%)

= 66%

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Sébastian Roché a 48 ans et, entre autres fonctions, il enseigne à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble. Sur les photos

qu’on peut voir de lui, il ressem-ble un peu à Jack Lang avec son air faussement cool et intello. Mais son truc, à Seb, c’est la sé-cu-ri-té : sur la grosse dizaine de bouquins qu’il a écrits, six au moins comportent dans leur titre les mots « sécurité » ou « insécurité », sans compter tous les « articles scientifiques ». Quand on sait la place que tiennent ces mots dans les bouches des médias et des politiques depuis quelques années, on se dit déjà qu’au niveau marke-ting, c’est assez bien vu de sa part. Ainsi, il est le politologue de service préféré de nos cons-frères du Daubé et de tous les grands médias natio-naux : dès que se pointe à l’horizon le spectre de « violences urbaines », c’est très souvent son avis d’expert qui nous est servi.

Si l’envie nous prend de savoir quel est le pédigrée de l’animal, c’est très facile, il suffit tout d’abord de consulter son CV en ligne . Et là, ô joie, on constate qu’entre les flics et lui, c’est une grande histoire d’amour, jugez plutôt (extraits) :• Secrétaire Général de la Société Européenne de Criminologie (ESC, Cambridge University).• Enseignant au DESS métiers de la sécurité, Paris V-Sorbonne, au DESS de l’École Nationale Supérieure de la Police, de St Cyr au Mont d’Or (Lyon).• Membre du conseil d’administra-tion de l’École Nationale Supérieure de la Police.• Prix Gabriel Tarde, Mention Spéciale du Jury, décerné par l’As-sociation Française de Criminologie en 1993.• Prix Littéraire de la Gendarmerie Nationale (catégorie Oeuvres de réflexion) en 1997.• Conférencier invité aux Assises Nationales de la Police de proximité

en mars 2000 (table ronde Police Partenariale au service du public).• Conférencier invité au colloque de Villepinte organisé par le ministère de l’Intérieur en octobre 1997 (table ronde citoyenneté).• Réalisation du diagnostic local de sécurité de Marseille (en collabora-tion) et d’autres villes.

Diantre ! On sent que le monsieur a vraiment une envie folle d’aider la maréchaussée. Il veut clairement améliorer la police. Mais pas n’im-porte comment, cela va de soi. C’est un universitaire, il cherche, il réflé-chit. On ne va tout de même pas renforcer la police en multipliant le nombre de Taser en circulation, on est entre gens civilisés. Non. Il y a beaucoup plus fin que ça : la police de proximité. Seb est un de ces plus fervents théoriciens et défenseurs. Pas une des ses apparitions médiati-ques ne se déroule sans qu’il y fasse référence.

La police de proximité ? Cette doctrine, inspirée des polices britanni-ques ou suisses (les « grandes démo-craties » auxquelles Seb fait souvent référence), est apparue en France dans les années 90 et mise en place par Chevènement sous le gouvernement Jospin. C’est la théorie du flic proche de la population, mi-travailleur social, mi-bourreau, souriant mais ferme. Autrement dit, la vieille blague de la police « de gauche », la matraque bio, la garde à vue équi-table, la bavure à visage humain, le flic citoyen ou le citoyen flic, on ne sait plus trop. Les positions de Seb cadrent d’ailleurs parfaitement avec le vocabulaire hypocrite de ceux qui, à Grenoble comme ailleurs, détien-nent le pouvoir. Ainsi il déclare au sujet de la vidéosurveillance qu’elle « n’est pas en elle-même liberticide; ce sont les usages d’une technologie nouvelle qui doivent être codifiés et encadrés ». On connaît la chanson : qui veut encore croire qu’une arme à feu n’est pas dangereuse en soi,

du moment que son utilisation bénéficie d’une législation ? Dans le même temps, Sebastian Roché ajoute : « La méfiance vis-à-vis de la vidéosurveillance ou du fichage provient largement du manque de transparence des décisions et des finalités qui ne sont pas toujours avouées. Il est souhaitable que les citoyens se méfient de technologies qui sont potentiellement liberticides. Heureusement que cela est possible dans les démocraties. Mais il est souhaitable que les responsables les rassurent en établissant des procé-dures de contrôles transparentes, en commanditant des évaluations indépendantes. » Ainsi, pour lui il faut comprendre que le refus de la surveillance généralisée est forcé-ment irrationnel, basé sur des peurs que les gestionnaires doivent désa-morcer en communiquant davantage. Point de place donc pour une critique politique de ce flicage de l’espace publique. Puisque toute opposition est déraison, il faudrait laisser faire les évaluations, procédures et autres commissions dont on sait bien que le rôle n’est que de légitimer un état de fait.

Mais revenons à la fameuse « police de proximité ». Son bon fonction-nement repose notamment sur, pour le dire poliment, la « coopération » des autorités locales, de l’éduca-tion nationale, des transports, des bailleurs sociaux et du secteur asso-ciatif, autrement dit le mouchar-dage global, pour les pauvres bien entendu. Même si Sarkozy a mis fin à cette doctrine en réinstaurant la bonne vieille police répressive à papa, on reparle ces derniers mois d’un retour de la police de proxi-mité, notamment en Isère. Peut-être se rend-on compte en hautes sphères que tabassages et gazages massifs à la moindre occasion ne sont pas si payants que ça. Qu’en tous cas, il y a mieux à faire pour maintenir l’ordre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : que tout le monde reste bien

calme, à sa place. C’est tout à fait le but ultime de Seb. Par exemple, après les émeutes de 2005 dans les banlieues, il va évidemment y aller de son petit livre (« Le frisson de l’émeute. Violences urbaines et banlieues ». Avec un titre pareil, digne des meilleures enquêtes de Femme Actuelle, on ne doute pas un instant que Seb a pu arrondir un peu les fins de mois…). Dans ce bouquin, le machin-logue veut bien entendu expliquer les émeutes, mais aussi proposer des solutions pour que cela ne se reproduise pas, autrement dit imposer la paix sociale. Voici comment son livre est présenté sur le site de la l’Université Pierre Mendès France :« Sebastian Roché a scruté l’évène-ment, sa chronologie, l’engrenage de la révolte, le profil des émeutiers et leur goût du frisson, l’attitude des pouvoirs publics et du ministre de l’Intérieur, celle des médias et des juges. La conclusion est simple : sans un changement profond de nos insti-tutions policières et de nos outils de réflexion et de gestion, le risque d’une nouvelle vague d’émeutes menace. S’appuyant sur une analyse scrupu-leuse des faits, loin des tabous, des clichés et des idéologies, Sebastian Roché propose des solutions réflé-chies et pragmatiques. »

Sebastian, merci, tu assures. Que ferait-on sans toi ? Tu nous apportes une fois de plus la preuve que les sciences sociales, asservies avec allégresse aux pouvoirs, courent de commissions parlementaires en tables rondes pour livrer clés en mains des solutions de flicage. Du fond du cœur, vraiment, merci. Ne nous posons jamais, au grand jamais, la question de quel ordre il s’agit de maintenir. Du moment que les résul-tats sont là, qui pourrait trouver à y redire ? Tout de même pas les milliers d’adolescents envoyés chaque années en taule en Angleterre par une police déjà très… proche.

La noix d’honneur

Sébastian Roché critiqué au lance-pierresSi les médias - locaux comme nationaux - n’arrêtent pas d’interroger Sébastian Roché, sociologue grenoblois spécialiste de l’insécurité, ils n’ont jamais analysé le personnage. Nous réparons cet oubli.

le tirage de 135 000 exemplaires à la fin de 1946. Comme les autres journaux, il doit faire face à l’inflation qui monte en flèche à partir de 1946 et doit donc s’assurer de gagner des lecteurs. C’est dans cette optique qu’il abandonne la manchette « organe de presse du PS SFIO » et qu’il opère un recentrage marqué par un certain anticommu-nisme de plus en plus virulent. Il adopte petit-à-petit un positionnement « apolitique », supposé neutre, dans le but de ne pas choquer la moindre fraction d’un lectorat qu’il aimerait le plus large possible. Le Dauphiné Libéré, plus que les autres journaux, multiplie les opérations de communica-tion afin de séduire les lecteurs. Ainsi lance-t-il le désormais célèbre Critérium, une course cycliste, ou de multiples concours et appels à dons pour des opérations charitables. La surface publicitaire, qui équivalait à 4% de la surface du journal avant 1947, augmente régulièrement. Ce retour à la tradi-tion du Petit Dauphinois s’opère également sur le plan financier. Le journal tente de se muer en une entreprise rentable en ouvrant son capital à des nouveaux actionnaires, dont A.Raymond et Louis Merlin, patrons des entreprises éponymes et Maurice Gabriel, patron de Neyrpic. Ces patrons, auparavant irrités par le ton trop anticlérical du Dauphiné Libéré et par le manque de « noblesse » de son patron Louis Richerot, décident d’aider Le Dauphiné Libéré, dans le but de faire barrage aux Allobroges et au communisme. L’arrivée de Jean Gallois, rigoureux gestionnaire, comme expert-comptable en 1948 représente également un impor-tant changement. Pour lui, un journal est une entre-prise commerciale qui doit être gérée suivant des critères de profit.

Le Dauphiné Libéré, qui avait à ses origines le slogan « vérité, loyauté, clarté », devient de plus en plus opaque. Alors qu’il s’associe aux puissances d’argent, qu’il dépend de leur soutien, il n’explique pas ses choix à ses lecteurs et refuse de publier son bilan financier. Mais ses lecteurs, de plus en

plus nombreux - il réalise les plus gros tirages à partir de 1948 -, ne lui en tiendront pas rigueur et le Dauphiné Libéré va petit-à-petit gagner la partie l’opposant aux communistes.

Tout d’abord car les Allobroges va changer de ton. En effet, le Travailleur Alpin, dont les ventes chutent, se mue en hebdomadaire en février 1948, laissant les Allobroges devenir le quotidien commu-niste, de plus en plus contrôlé directement par le parti. Le ton s’en ressent gravement, les Allobroges glissant d’un journal d’informations avant tout, à un journal partisan, devenant un moyen au service d’une cause. Ce glissement va rebuter de nombreux lecteurs non « communistes pures et dures », préfé-rant acheter désormais le Dauphiné Libéré.

Un autre évènement qui aide Le Dauphiné Libéré, c’est le retour en grâce de Marcel Besson, ancien patron du Petit Dauphinois. En effet, à la fin des années 1940, l’heure est de plus en plus à la complaisance et la clémence vis-à-vis des colla-borateurs, notamment journalistes qui auraient « évité le pire ». Localement Le Petit Dauphinois et Marcel Besson sont blanchis et le séquestre sur ses biens est levé en 1950. Besson, qui apprécie le Dauphiné Libéré, va s’associer avec lui dans une société d’impression et va attaquer Les Allobroges en lui demandant une importante créance impli-quant une mise en faillite.

Les Allobroges vont alors lancer « la bataille des Allos », et grâce à une forte mobilisation mili-tante, vont réussir à lever assez de fonds pour s’en sortir. Mais cette mésaventure marque le début de la fin des Allobroges, dont les ventes vont baisser progressivement avant qu’il disparaisse en 1958.

Quant au Réveil, qui n’a jamais rivalisé avec les deux grands quotidiens, il va survivre jusqu’en 1951, en s’alliant de fait avec le Dauphiné Libéré mais en restant indépendant des puissances d’ar-gent et en réalisant des enquêtes de qualité. Mais la

forte hausse du prix du papier du début des années 1950 finiront par l’obliger à demander le soutien du Dauphiné Libéré, qui lui permettra de paraître jusqu’en février 1952 avant de le laisser mourir.

Au début des années 1950, le Dauphiné Libéré triomphe donc petit-à-petit. Même s’il n’aura le monopole de la presse qu’en 1958, il n’a plus peur de ses concurrents et devient le quotidien de référence. Mais le journal s’éloigne de plus en plus des idéaux des résistants. La part du texte est réduite au profit des titres, les rubriques « sexys » et les publicités augmentent, les articles d’enquêtes diminuent. Moins d’informations politiques, plus de faits divers et d’exploits sportifs. Il assume maintenant d’avoir repris la formule qu’il a jadis combattue, celle du Petit Dauphinois, celle du journal du juste milieu, ami de l’ordre établi et du conservatisme, modelant l’opinion publique malgré une prudence affichée. Louis Richerot, le 8 août 1951 : « Maintenant, on peut le dire la tête haute, Le Dauphiné Libéré est la suite logique du Petit Dauphinois. » (Les Allobroges, 15 août 1951)

68 ans plus tard, cette filiation est partout reconnue à tel point que le Daubé lui-même - qui rappelons-le est né en 1945 - peut faire un article préten-dant qu’un centenaire, Edouard Blanc-Brude, est « lecteur du DL depuis 1923! » (Daubé, 7 Décembre 2008).

Entre le Petit Dauphinois, journal collabo, et le Dauphiné Libéré, rien ne donc semble avoir changé si ce n’est le nom. Voici la première raison qui nous amène à affirmer que le Daubé est daubé : il a renoncé aux rêves, illusions ou convictions de la Libération.

L’essentiel des informations présentes dans ce texte proviennent du livre « La Presse Grenobloise de la Libération. 1944 - 1952 », Bernard Montergnole, P.U.G, 1979

Union de Quartier du Centre-ville recherche karcher pour nettoyer faune traînant le soir au Jardin de Ville et clodos devant Monoprix, devenus « zone de non-droit ». Mairie de Grenoble et Préfecture cherchent moyens pour fermer le Jardin de Ville la nuit sans faire de vagues. Union de Quartier Saint-Bruno cherchent producteurs pour mettre en place un marché « bio » à Europole. Paysans sans cravates, s’abstenir. Produits bio-technologiques acceptés. Les derniers bâtiments de la Caserne de Bonne sortent de terre. On brade les appartements de standings encore vides à partir de 500 000 euros seulement. Direction de Caterpillar recherche membres CGT ou CFDT autoritaires pour recadrer contestation ouvriers trop virulents. Alerte à la grippe porcine : le Préfecture de l’Isère recommande de ne plus aller voir les spectacles de Serge Papagalli.

Un musée des troupes de montagne ouvre au sommet de la Bastille. Comme pour Paques ou l’ouverture d’IKEA, les célèbres bulles marqueront l’occasion en prenant l’allure d’obus. Mairie de Grenoble lance appel à dons pour payer la rançon des enfants pris en otage lors de la contre-parade anti-olympique. La Rocade Nord figure en belle place sur la carte des projets grenello-incompatibles, éditée par l’Alliance pour la Planète. Après le faux sondage, les consultations-bidons et l’étude tronquée, le Conseil Général de l’Isère recherche donc un Nicolas Hulot ou un Yann Arthus-Bertrand pour redorer le blason de ce projet. Suite à l’échec de la candidature grenobloise aux JO, une cellule de soutien psychologique s’est mise en place afin d’éviter aux personnes impliquées de sombrer dans la dépression. Michel D, Stéphane S et Florence M sont déjà passés par nos services et en sont sortis revigorés. Vous êtes patron d’une entreprise de BTP, sportifs de haut niveau ou responsable d’une station de ski et n’arrivez pas à dormir depuis le 18 mars ? Venez nous voir ! Contact : [email protected]

Vous voulez avoir un équipement culturel à Grenoble ? Vous voulez toucher des milliers d’euros de subvention des collectivités locales ? Une seule solution : adhérez au PS ou soutenez publiquement Michel Destot ! Selon votre désir, vous pouvez rejoindre la liste des soutiens à Michel Destot lors des élections municipales avec Michel Warren (directeur de la Cinémathèque), Jacques Panisset (directeur du festival de Jazz), Serge Papagalli (éternel comédien à moustache) ; adhérer au PS comme Michel Orier (manager de la MC2) ; apparaître dans un clip de soutien à sa candidature comme Jean Claude Galotta (chorégraphe ) ou Gilles Rousselot (chercheur de fonds pour Cap Berriat et l’Adaep/Stud) ; installer vos bureaux dans ceux du service Animation de la Ville comme Loran Stahl (directeur du Cacabaret frappé) ; voire même faire partie de ses adjoints, comme Eliane Baracetti (ancienne directrice de la Rampe à Echirolles). Bien entendu, afin d’éviter toute baisse de vos aides, contentez vous de faire de l’Art, tâchez d’éviter les sujets politiques – en tous cas les remises en cause des politiques menées à Grenoble -, et répétez régulièrement votre satisfaction de la politique culturelle de la mairie de Grenoble.

PETITES ANNONCES

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L’ART AU SECOURS DES SCIENCESL’Hexagone de Meylan, le Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle (CCSTI) et le CEA organisent conjointement, avec quelques autres comparses, la cinquième édition des « Rencontres I », ou « Biennale Arts-science 2009 ». Une multitude de petits évènements plus ou moins insignifiants est organisée du 21 mars au 23 octobre 2009. Les rencontres I, c’est « une biennale pour partager les imaginaires des artistes, des scientifiques et des citoyens. » , c’est-à-dire pour que personne n’ait l’idée de remettre en cause l’imaginaire des scientifiques. Et pour que cet imaginaire soit développé afin de trouver des débouchées aux « innovations scientifiques » et de faciliter le travail du Minatec Idea’s Lab, censé trouver une utilité sociale aux nanomerveilles. Comme les années précé-dentes, ces rencontres auront donc pour but de promouvoir l’acceptation sociale des nouvelles technologies, à travers la médiation de l’Art. Cette année, pour illustrer les dégâts du développement technologique sur l’environnement, les organisateurs ont choisi d’articuler leur biennale autour du thème de « l’abeille », actuellement en voie de disparition. Des ruches sont donc installées un peu partout en ville afin de réaliser un « miel béton ». Et pour parachever ce foutage de gueule, certaines ruches sont nommés « squat » ou « mouvement social ».

FATAL FLATTERIELa BIFF (Brigade Internationale des Fatals Flatteurs) sévit depuis plusieurs mois sur les forums Internet en couvrant d’éloges des personnalités médiatiques ou intellectuelles afin de les ridiculiser. Généralement cela marche car « les ânes convaincus de leur génie n’imaginent pas qu’on puisse rire à leurs dépens ». Cela fonctionne-t-il également avec des personnalités locales non célèbres ? Apparemment oui, en tous cas pour notre première victime, Philippe De Longevialle, adjoint à l’Urbanisme à la Mairie de Grenoble et président du Modem-Isère. Echange de mails :

----------From : XXXXTo : [email protected] Sent : Tuesday, February 24, 2009 3 :02 PMSubject : Merci pour votre tribune

Bonjour,Je viens de lire votre tribune dans le dernier numéro des Nouvelles de Grenoble « Jeux Olympiques : la passion et la raison. » Je voulais simplement vous remercier car vous avez su trouver les mots justes pour parler des JO et des opposants. Cela fait plusieurs mois que je suis profondément excédé par les personnes qui ne veulent pas des JO mais je ’arrivais pas à conceptualiser ma colère. Ce que je cherchais c’était des phrases comme « ...Ne pas vouloir vivre ça dans sa ville, c’est ignorer l’essence même de la vie. C’est nier notre part d’humanité.... ». L’éternel argument du trop grand coût des JO m’irritait également beaucoup, et je n’arrivais pas à y répondre car il me manquait une formule comme celle que vous avez employé « mais se poser la question du coût en ces termes, c’est comme demander à un myope si retrouver la vue vaut le prix de ses lunettes. »Merci donc pour tous ces arguments si bien formulés.Avez-vous écrit des livres ? (je n’en ai pas trouvé en cherchant sur Internet). Ou sinon pouvez-vous m’envoyer d’autres écrits de vous ?Cordialement,

XXX

ANNONCES LEGALES

Le Daubé, 13 mai 2008, lendemain de l’accession de Grenoble à la Ligue 1 : « Michel Destot (député-maire de Grenoble) : (...)

C’est l’aboutissement d’un rêve que je poursuis depuis 13 ans que je suis maire de Grenoble. C’est la démonstration que Grenoble n’est pas seulement une ville scientifique mais aussi une ville de foot. »

Ah bon ? Grenoble, qui, en 1995 possédait deux clubs jouant en 4ème et 5ème division. Grenoble, dont le club a connu l’élite seulement pendant deux saison en 1960-1961 et en 1962 -1963. Grenoble, dont le club, jusqu’il y à quelques mois, ne déplaçait que quelques centaines de supporters.

Grenoble, donc, serait une ville de foot ? Curieuse idée que de vouloir qualifier une commune d’une qualité intrinsèque. Comme si un endroit - tout comme un être vivant d’ailleurs - avait une « nature » indépendante de son conditionnement social, politique et économique. On pour-rait alors dire que Cadarache est une ville du nucléaire, Limoges une ville de porcelaine, l’agglomération d’An-necy une ville du lotissement, Gilly-sur-Isère une ville de cancers d’inci-nérateurs et Villiers-le-Bel une ville d’émeutes.

Non, Grenoble n’est pas une ville de foot, pas plus qu’elle n’est une ville scientifique. Grenoble n’est rien d’autre qu’une ville, mais son image et sa réputation sont construites jour après jour par ceux qui veulent la

vendre, à savoir les élus et les élites économiques ou scientifiques.

Après 13 ans d’activisme forcené de Michel Destot et son équipe, voilà que le club de Grenoble rentre dans l’élite des 20 clubs les plus performants de France. Pour la 18ème agglomération de France, cela n’a rien d’incroyable et surtout cela n’a absolument rien à voir avec la situation géographique ni avec la composition sociologique de la population.

Prenez n’importe quel endroit de France comportant une densité importante de population. Choisissez deux ou trois clubs locaux galérant dans de basses divisions. Unifiez-les et investissez des millions d’euros dans leur développement. Si l’argent vous manque, n’hésitez pas à faire appel à n’importe quel investisseur, fusse-t-il japonais et inventeur du portable pour chiens. Construisez, en passant outre les résistances, un méga-stade ultra moderne, à la pointe de l’innovation sécuritaire et technologique. Saupoudrez le tout de grandes campagnes de publicité, et du soutien des journaux locaux. Patientez quelques temps, réinves-tissez quelques millions et attendez que votre club réalise de bons résul-tats et atteigne la Ligue 1.

Vous obtiendrez alors à coup sûr le résultat escompté : un stade plein de supporters, des scènes de joie en ville... Vous pourrez alors exulter et proclamer que l’endroit choisi, Monceau-les-Mines, Brives-la-Gaillarde, Perpignan, ou Charleville-Mézières, est une « ville de foot ».

Facile.

Facile, si on a du fric, car le football est avant tout affaire de gros sous. Comme les choses sont bien faites, les affaires de gros sous sont aussi très dépendantes du football. Voilà pourquoi les élus et les élites écono-miques misent tant sur le football, parce que cela permet « d’attirer les investisseurs » :

Le Daubé, 14 mai 2008 : « C’est tout Grenoble qui profite de ce nouvel élan donné par les onze grenoblois et leur stade flambant neuf. Très présente lundi soir dans les tribunes du Stade des Alpes, enthousiasmée par cette performance footballis-tique, la communauté économique grenobloise a immédiatement décrypté les retombées de l’évène-ment, en notoriété, y compris inter-nationale. Celle-ci leur permettra de nouer de nouveaux partenariats d’af-faires et d’attirer de nouveaux inves-tisseurs. (...) Gilles Dumolard, prési-dent de la CCI : « Le président de la République a évoqué la victoire dans le cadre d’une réunion économique : on voit donc bien l’impact d’un club qui monte. C’est obligatoirement un plus pour la région. Il va se créer une émulation économique qui va déborder l’enceinte du stade. »

Une émulation économique, c’est-à-dire un développement, une expan-sion, une poussée de plus de la métro-pole, ce qui fait évidement bien plaisir à Jacques Chanut, président du BTP 38 : « Tout cela va doper le business. De l’intérêt accru des investisseurs étrangers, jusqu’à cette opportu-

nité pour les décideurs grenoblois de profiter de cet élan médiatique et sportif pour se rencontrer. » *

Chic ! Encore plus de béton, encore plus de constructions, encore plus de croissance urbaine et technologique, encore plus d’investisseurs étran-gers attirés ! Ce qui remplit de joie également Jean Paul Giraud, « socia-liste », ancien président de l’Agence d’Etudes et de Promotion de l’Isère. Il ne voit pas de problèmes que l’ac-tionnaire principal du club soit Index Corporation - société japonaise ayant inventé le téléphone portable pour chiens (Le Monde, 13 Mai 2008) - car pour lui « c’est un signe positif de la mondialisation du football » *. C’est surtout un signe positif pour les dirigeants des entreprises françaises trouvant des débouchées au Japon, et vice et versa.

Le signe positif pour les salariés reste à trouver, si ce n’est la « satisfac-tion » de pouvoir voir de « grands » matchs de football. Encore que cet aspect soit également à mettre au bénéfice des élites qui ont tout-à-gagner de l’occupation du peuple par un « divertissement ». Car dans divertissement, il y a diversion.

Une diversion, ça peut éviter de se poser trop de questions sur sa vie ou sa condition économique misé-rable et de la remettre en cause. De « grands » matchs de football, ça permet de canaliser les frustrations dans un défouloir chauviniste. Tout bénéf’ pour les élites car , comme dirait Michel Destot, « les investis-seurs n’ont pas envie de venir dans des villes où les voitures brûlent dans les banlieues. » (séance du Conseil Général du 19 Octobre 2007)

Le football de haut niveau est égale-ment bien pratique pour faire passer la pillule sécuritaire : contrôles biométriques dans le stade, caméras de vidéosurveillance dans le stade et en ville pour «surveiller les suppor-ters», hélicoptère avec projecteur braqué sur la ville le soir des matchs à risques..

Au lieu de « ville de foot », ne serait-ce donc pas plus judicieux de quali-fier Grenoble de « ville du fric et des flics » ?

* Daubé, 14 mai 2008

Grenoble, ville de foot ?

----------De : Philippe de LONGEVIALLE <[email protected]>Objet : Re : Merci pour votre tribuneÀ : XXXDate : Mardi 3 Mars 2009, 0h56 Cher ami, Merci pour votre message et sympathie et votre soutien pour les JO. C’est effectivement un grand projet pour Grenoble et une grande chance pour la ville si nous pouvons les avoir. Je n’ai pas écrit de livre. Mais j’aurai l’occasion d’écrire de nouvelles tribunes ou sur mon blog.Bien cordialement Philippe de LONGEVIALLEAdjoint au Maire de Grenoble - UrbanismePrésident MODEM Isère

RÉINVENTER LA TECHNOCRATIEEt c’est reparti ! Après les forums « Libération » en 2007 et 2008, après son forum de la « Nouvelle Critique Sociale » en 2006, la « République des Idées » remet ça et organise un forum « Réinventer la démocratie », du 8 au 10 mai à la MC2 de Grenoble. Le concept n’a pas changé : deux spécialistes d’accord sur l’essentiel palabrent à la tribune pendant que le public docile lutte pour ne pas s’endormir sur les canapés molletonneux de la Maison du Culture. « La République des Idées » ? C’est un club de réflexion d’intel-lectuels médiatiques réunis autour de Pierre Rosanvallon. Après avoir vanté pendant plusieurs années les bienfaits de l’ultra-libéralisme, ils défendent aujourd’hui à longueur de livres et d’articles un libéralisme mou et « régulé » et un métissage culturel, en s’opposant aux « nouveaux réactionnaires » et libéraux intégraux. Ce sont les penseurs de la droite complexée , qui produisent l’essentiel des nouvelles « idées » du Parti Socialiste, avec le succès qu’on lui connaît.

On se souvient qu’en 2006, des opposants à Minatec venus exprimer leurs idées et illustrer concrètement « la nouvelle critique sociale » s’étaient faits expulser manu-militari. Il faut dire que l’on était entre gens biens et que les organisateurs avaient veillé à ce qu’à la tribune,

aucun ouvrier, employé, allocataire des minima sociaux ou militant syndical (exception faite d’un représentant de la Confédération Général des Cadres) ne surcharge en critique ou en social ces trois jours de « nouvelle critique sociale ».

L’édition 2009, sponsorisée par la Ville de Grenoble, Sciences Po, le Nouvel Obs, France Inter ou Le Monde, devrait également jouir d’une couverture médiatique élogieuse et totalement disproportionnée. On peut hypothé-quer qu’elle ressemblera plus à un meeting du PS pour les européennes qu’à un « débat citoyen ». Le Destotisme, qui, à travers l’alliance PS-Modem et les structures donnant l’illusion au citoyen de participer, oeuvre à « réinventer la démocratie » sera très certainement largement promo-tionné.

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Que reste-t-il de la candidature grenobloise perdante aux JO de 2018, hormis un trou d’au moins 3 Millions d’euros dans les caisses de la ville dépensés pour draguer le Comité Olympique Français (des « Jeux de Neige » aux affiches dans le métro parisien) ?

Vendredi 3 avril dernier se tenait à l’Hotel de Ville de Grenoble un « comité de pilotage » pour discuter de quel suite donner aux grands projets urbains liés à la candida-ture : reconfiguration du quartier de l’esplanade en « marina » sur l’Isère, rénovation d’Alpexpo et du Palais des Sports, agrandissement de la gare, transports par câble vers les stations... Une réunion, donc, pour décider d’une bonne partie du Grenoble de demain, qui avait été annoncée dans Le Daubé et sur Greblog, sans toutefois que l’heure du rendez-vous soit précisée. Notre curiosité aguichée par un si beau programme, nous tentons donc, le 2 avril, de connaître les modalités exactes de la réunion. Ne trouvant rien ni sur Internet, ni dans la presse locale, nous appelons la Mairie. Le premier standardiste n’est pas au courant mais nous en passe une

seconde qui ne voit aucun « comité de pilotage » dans l’agenda : la troi-sième, enfin nous apprendra que ces réunions ne sont pas ouvertes au public.

Déception et incrédulité. Nous qui croyions habiter à Grenoble, LA ville de la démocratie locale, la ville des unions de quartier et des réunions de concertation, la ville de la toute nouvelle Charte de la Démocratie Locale, nous apprenons d’un coup d’un seul que les réunions où se décident le futur de l’agglomération ne nous sont pas ouvertes, à nous, simples habitants. Loin de nous toute tentation de cynisme, aussi n’en déduirons nous pas que la démo-cratie participative ne sert à rien si ce n’est à produire des illusions et de la communication. Non, nous patien-terons gentiment jusqu’aux grandes « réunions publiques » auxquelles nous serons conviés , lorsque les décisions auront été prises et qu’il s’agira de les faire accepter, comme pour tous les derniers grands projets : Bouchayer-Viallet, caserne de Bonne, Minatec, Giant, Rocade Nord... Car la vie locale, c’est comme les candi-datures aux JO : peu importe les moyens, l’important, c’est de parti-

ciper.

Le comité de pilotage du 3 avril a abouti à la création de « groupes de réflexions » autour des dynami-ques crées lors de la candidature (dynamique « montagne, sport et tourisme » ; dynamique « écono-mique et promotion de l’image de Grenoble ; « aménagement intercom-munal »), qui rendront leurs conclu-sions d’ici l’été. Autant dire que pour participer aux « grands projets struc-turants de l’agglomération », il va falloir attendre. Aussi n’avons nous pas résisté à la tentation de se pencher sur les quelques informations dispo-nibles pour l’instant :

- La Mairie veut donc réaménager le quartier de l’Esplanade, qui, avec un parking gratuit, un terrain de boule et de simples habitations complètement has been, n’est pas du « rentable » pour l’instant. Accessoirement, il s’agit de trouver un enrobage à la rocade qui passera en viaduc au dessus du quartier. A donc été imaginé un nouveau quartier pour une entrée de ville « apaisée » : plein de résidences (plusieurs milliers d’habitants), le tram E (qui reliera Grenoble au Fontanil) et l’autoroute déclassée au profit d’un boulevard

urbain « ressemblant au boulevard Foch » (Daubé, 26 Février 2009). Le boulevard Foch, c’est vrai que ça donne envie non ?

Pour la communication, ils préten-dent créer une « marina sur l’Isère » avec bâtiments et promenade longeant la rivière. Une marina étant « un complexe résidentiel incluant un port » (Wikipedia), on attend avec impatience la création du port de Grenoble d’où partiront les pêcheurs à la truite dopée au bromure de sili-ciumCrolles3© et les plaisanciers tentés par un petit Grenoble-Fos-sur-Mer en voilier.

Sinon, pour l’instant, il n’y a pas d’emplacement prévu ni pour la Foire des Rameaux, ni pour les cirques, qui ne doivent guère inté-resser les investisseurs. Ceux qui ont l’habitude de se garer sur le dernier grand parking gratuit de Grenoble non plus, ils n’auront qu’à - écologie oblige - trouver des places payantes. « Mais où iront toutes les voitures qui ont aujourd’hui l’habitude d’ar-river Porte de France ? Delphine Chenevier (chargé des J.O à la Mairie de Grenoble) : « Elles ne seront plus forcées de traverser Grenoble, puis-qu’il y aura la rocade Nord qui termi-

Déménagement du territoire, de l’Esplanade à la montagne

Les J.O. perdus, les projets de prestige restentCe qu’il y a de terrible avec les J.O, c’est que même quand on perd, on ne rentre pas bredouille. Grenoble garde ainsi de sa candidature heureusement avortée aux J.O de 2018 plusieurs projets visant à booster la compétitivité de l’agglomération. En a-t-on vraiment besoin ?

nera le contournement de la ville. » Donc, soit vous prenez la Rocade Nord, soit vous ne rentrez pas dans Grenoble, c’est logique non ?

- Pour mener à bien ce formidable projet, un « grand » architecte a été embauché. Après Claude Vasconi pour la Presqu’île scientifique, qui a dans ses bagages le « magnifique » palais de Justice de Grenoble, le CEA de Saclay, le siège de Renault-Billancourt ou des hôtels à La Défense ou Dubai, voici Christian de Portzamparc qui, lui, a travaillé avec Bouygues Immobilier, la Société Générale ou Le Monde. A noter qu’il a participé à une consultation sur le Grand Paris, afin d’imaginer « Paris, la métropole du futur ». Dans sa contribution, « il met l’accent sur la nécessité de faire coexister dans ce Paris du futur deux géographies qui y cohabitent aujourd’hui diffici-lement : celle de la compétitivité de grande métropole et celle de la vie

quotidienne » (Rue 89, 4 avril 2009). On imagine qu’il entend aussi, avec Grenoble, faire cohabiter « compé-titivité de grande métropole et vie quotidienne ». Se rendra-t-il compte que favoriser la première rend impos-sible la bonne tenue de la seconde ?

- Les télécabines reliant la vallée à Chamrousse, l’Alpe d’Huez ou au Vercors sont censés être à « la pointe de l’écologie ». Pourtant ils favori-seront avant tout le développement durable des stations, en incitant des personnes travaillant à Grenoble, conquises par ce « transport vert », d’aller habiter dans la montagne. Les sommets de Belledonne et du Vercors seront-ils bientôt la banlieue de Grenoble ?

- L’écologie sert de paravent à un développement effréné. Ainsi l’amé-lioration des dessertes ferroviaires et de la gare ne sont pas faites dans le souci de l’environnement mais avant tout pour permettre aux cadres de se

rendre plus vite de Paris à Grenoble et vice-versa, en arrivant dans une gare aseptisée et donc « accueillante ». Plus de cadres = plus d’investisseurs = plus de monde = saturation des transports = nécessité de « désen-claver » Grenoble dans 20 ans + pollution... Pourtant qui pourrait être contre le développement des trans-ports en commun ?

Le réaménagement de l’Esplanade, les télécabines vers les stations ou la rénovation du Palais des Sports, d’Alpexpo ou de la gare sont dans la continuité du développement de l’agglomération. Rien de nouveau sous le ciel pollué de Grenoble. Ils s’inscrivent dans le même « projet de territoire » que les projets antérieurs aux J.O comme la Rocade Nord ou GIANT (le réaménagement de la pres-qu’île scientifique). C’est la logique du plus haut, plus vite, plus fort, plus bétonné, plus pollué, plus innovant-à-la-pointe-du-progrès, plus compé-

titif. Il s’agit toujours de vouloir construire une métropole attractive pour les investisseurs, vendue avec un vernis écologique. La commu-nication est axée sur « l’énergie positive », le « zéro carbonne » les « panneaux photovoltaiques » ou les « transports propres » mais si les bétonneurs mettent un peu de vert dans leur gris, c’est avant tout pour continuer à saccager le territoire et assurer le développement durable de la technopole. Cette fuite en avant, appuyée par le « chantage à l’em-ploi », est présentée comme inéluc-table tant par la quasi-totalité des élus que par les entreprises ou la presse.

Pourtant les pics de pollution, les bouchons ou le mitage des campa-gnes environnantes devraient inciter à changer de paradigme et à penser au bien vivre plutôt qu’à « l’attrac-tivité du territoire ». De penser au « mieux » plutôt qu’au « plus ».

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