281

Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait
Page 2: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

POURTOISEULEMENT

Pourtoujoursetàjamais#1

E.L.TODD

Page 3: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Ceci est une œuvre de fiction. Tous les personnages et évènements dépeints dans ceroman sont fictifs ou utilisés fictivement. Tous droits réservés. Aucune partie de celivre ne peut être reproduite ou utilisée sous quelque forme ou par quelque moyenélectronique ou mécanique, y compris par stockage et retrait d’information, sans leconsentement écrit préalable de l’éditeur ou de l’auteur, à l’exception de l’inclusion debrèves citations dans une critique ou un compte-rendu de lecture.

Pour toi seulementHartwick Publishing

Copyright © 2018 par E. L. ToddTous droits réservés

Page 4: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Pour Kristina,

Qui a encore plus aimé la série que moi, l’a lue trois fois avantque je la publie et a adoré le monde et les personnages que j’aicréés. Tu m’as toujours poussée vers l’avant même quand ledoute me paralysait. Tu as toujours été là pour moi et m’as

toujours donné tes impressions les plus honnêtes. Merci de tantaimer mes romans et d’être la meilleure amie qui soit. Ce roman

t’est dédié avec amour et reconnaissance.

Page 5: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre1

SCARLET

Pénélope était assise en face de moi. Nous étions dans unpetit bar sur la Cinquième Avenue qui servait le meilleur café quej’aie jamais goûté. Je pouvais entendre la voix de Michael Bubléen arrière-fond. La mélodie apaisante me rappelaimmédiatement celle jouée dans un ascenseur ou un restaurantOlive Garden, puisque ces deux endroits affectionnaientparticulièrement cet air. Pénélope buvait son café, muette depuisun bon moment, réorganisant ses pensées. J’ignorais pourquoielle m’avait demandé de la rejoindre ici, mais cela semblaitimportant.

L’éclairage tamisé du café faisait reluire les mèches sombresde ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leurcouleur me rappelait la mienne, un ton plus clair. Nous avions lemême teint de peau. Elle portait une robe que je lui avais prêtéeaprès l’avoir achetée en solde au centre commercial, et qui luiallait aussi bien qu’à moi. Nous faisions à peu près la même tailleet le même poids, ce qui était pratique pour pouvoir nouséchanger nos vêtements. Pénélope était une femme splendide,mais également brillante et intelligente. Le rêve de tout homme,en vérité. Je n’étais pas surprise que Sean soit si entiché d’elle.

Page 6: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Qui ne le serait pas ? Aussi étrange que ce soit, si j’avais été unhomme, j’aurais tout fait pour l’avoir, moi aussi. Je m’adossai àma chaise et attendis qu’elle prenne la parole. Mes stilettos mefaisaient mal aux pieds. Encouragée à les porter toute la journéepour travailler, j’avais appris à ignorer la douleur qu’ils mecausaient. Nous échangeâmes quelques banalités d’usage àpropos de nos boulots et de notre nouvelle routined’entraînement à la salle de sport, mais rien d’important. Jesavais qu’elle était nerveuse rien qu’à l’entendre parler debroutilles. En temps normal, nous riions comme des baleines etéchangions des blagues que nous étions les seules à comprendre.Ces taquineries habituelles étaient absentes aujourd’hui.Patiemment, j’attendis qu’elle plonge au cœur de son histoire,qu’elle me révèle pour quelle raison elle avait voulu me voir –sans Sean.

— Scarlet, laisse-moi commencer par te dire que…,commença-t-elle en jouant nerveusement avec la bague à samain droite.

C’était un anneau tout simple avec ses initiales gravées dansle métal : une bague que Sean lui avait offerte des mois plus tôt.Elle la triturait d’une main tremblante.

— Sean est un mec génial – un des hommes les plusextraordinaires que je connaisse. Et je tiens beaucoup à lui.

En écoutant son petit discours, je sentis mon cœur martelerdans ma poitrine. J’avais largué suffisamment d’hommes dansma vie pour comprendre immédiatement le message, le coup degrâce – elle allait rompre avec Sean.

— Mais, entre lui et moi, ce n’est plus pareil, continua-t-elletout bas. Je ne vois pas où cette relation nous mène et… J’ail’intention de le quitter.

Je la dévisageai longuement— Qu’est-ce que tu veux dire ? Je sais que Sean t’a déjà

Page 7: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

emmenée au domaine familial, dans le Connecticut. Il estcomplètement épris de toi. Même moi, je vois très bien où cetterelation vous mène !

Je tentai de ravaler ma colère, en vain. Cette conversationn’avait vraiment aucun sens.

— C’est difficile à expliquer. Notre relation…Je levai la main pour l’interrompre.— Tu t’en tapes un autre, c’est ça ?Elle cessa de caresser l’anneau à sa main et croisa mon

regard. À en juger par ses yeux écarquillés, j’avais tapé dans lemille – elle sortait déjà avec un autre mec.

— Ça fait longtemps ? demandai-je.— Quelques mois, peut-être plus, répondit-elle évasivement

en haussant les épaules.J’inspirai profondément, contrôlant la fureur qui me

parcourait les veines. Je ne m’étais pas battue à mains nuesdepuis le lycée, mais j’aurais aimé lui foutre mon poing dans lafigure – en plein milieu du café. Si elle voulait quitter Sean,c’était son droit. Je n’avais pas le pouvoir de l’en empêcher.C’était sa décision et c’était complètement idiot – mais letromper était impardonnable.

— Tu comptes lui dire ?— Je n’en avais pas l’intention, répondit-elle simplement.— Il a le droit de savoir.— Ça le tuera, Scarlet. Je romps déjà avec lui. Tu crois que

c’est nécessaire de lui dire que je le quitte pour un autre ?Elle glissa une mèche de cheveux derrière son oreille, révélant

les boucles d’oreilles en diamant que Sean lui avait offertes pourNoël. Cette vision me donna de nouveau envie de lui en collerune. Sean la traitait comme une déesse. Je ne comprenais paspour quelle raison une femme aurait pu vouloir le quitter. Il étaitl’un des hommes les plus séduisants que je connaisse. Il était

Page 8: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

également intelligent, bien foutu, brillant et venait d’une familleriche. Toutes les filles voulaient lui sauter dessus.

— Alors pourquoi me le dis-tu, à moi ? demandai-je. Qu’est-ce qui te fait croire que je ne lui dirai pas ?

— Peu importe que tu lui dises ou non, répondit-elle. C’est àtoi de voir.

Je baissai les yeux vers mon thé au lait, qui ne me donnaitplus du tout envie. Je pouvais sentir la bile remonter dans magorge. Cette histoire me donnait envie de vomir. Sean était monmeilleur ami et je n’arrivais pas à croire qu’elle lui fasse ça. Je nepouvais qu’imaginer à quel point il serait abattu. Nous avionstous deux connu des ruptures douloureuses par le passé, maiscelle-ci serait complètement différente. Cette séparation ledétruirait. Je ne me réjouissais pas de ramasser les morceaux.

— Quand comptes-tu lui dire ?— Ce soir.— Pourquoi m’as-tu prévenue en premier ?— Tu es sa meilleure amie, Scar. Je sais qu’il aura besoin de

toi. Sean sera trop bouleversé pour en parler, donc je pensais tetenir au courant pour que ce soit plus facile pour lui.

— Comme c’est attentionné, dis-je d’un ton sarcastique.Je levai les yeux au ciel avant de les poser sur la fenêtre. Je

savais que Sean était au travail, profitant de ce beau jour d’été àManhattan, ignorant tout de l’humiliation qui lui serait infligéedans quelques heures. Quelques semaines plus tôt, Sean et moiavions acheté sa bague de fiançailles. Après quelques heures derecherche, il avait fini par faire faire une bague sur mesure qu’ilavait jugée digne de sa future femme. Il n’avait même pas encorefini de la payer. Je ne pus contenir ma colère :

— Tu fais une grosse erreur, Pénélope. Sean est un mec génial– le meilleur homme que je connaisse. Je te promets que tu leregretteras. Qui que soit ce mec, il ne lui arrive probablement pas

Page 9: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

à la cheville – et ce n’est pas peu dire.— Tu as sans doute raison, dit-elle en hochant la tête.— Il compte te demander en mariage. J’ai choisi la bague avec

lui.— Eh bien, c’est une chance que je le quitte maintenant, alors

– avant qu’il ne soit trop tard.— C’est déjà trop tard, Pénélope.Pénélope resta muette pendant un instant. Elle toucha à

nouveau la bague à sa main droite, la triturant nerveusementsous mon regard rempli de haine. Avant ce jour, j’aimais bienPénélope. Et pas seulement parce qu’elle était parfaite, maisparce que Sean l’adorait tellement. Elle le rendait heureux – et, àprésent, elle allait lui fendre le cœur. Si j’avais pu faire quoi quece soit pour arrêter ça, je l’aurais fait. Je savais que Sean aimaitvraiment Pénélope. Vraiment, vraiment. Même si, sur le coup,chaque fibre de mon être la détestait, je savais que je devais toutfaire pour la convaincre de changer d’avis. Sean ne pardonneraitjamais à sa petite amie de l’avoir trompé mais, pour Pénélope, ilferait peut-être une exception. Il l’aimait à ce point.

— Pourquoi tu n’y réfléchirais pas un peu ? demandai-je. Tusais bien que tu le regretteras, sinon.

— C’est tout réfléchi, dit-elle tout en secouant la tête. J’enaime un autre.

— Et tu n’aimes plus Sean ?— Bien sûr que si, répondit-elle vivement. Mais je ne suis

plus amoureuse de lui.— Quelle réplique originale, sifflai-je.Pénélope resta assise en silence pendant quelques instants.

Le silence se fit soudain assourdissant dans la pièce et la voix deMichael Bublé s’étouffa en provenance des haut-parleurs. Jeregardai Pénélope dans les yeux. Elle me rendit mon regard,manifestement mal à l’aise devant notre proximité. Le moment

Page 10: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

était tendu. Notre amitié était terminée. Je ne pouvais ravaler macolère et sentis mes lèvres se pincer en me renfrognant. Jesecouai légèrement la tête en rejouant la conversation dans matête. Elle était vraiment stupide.

— Eh bien, je ferais mieux d’y aller, dit Pénélope en serelevant.

— Oui, tu ferais mieux, dis-je sans bouger de ma chaise.Elle resta plantée là, attendant que je me lève pour la prendre

dans mes bras – c’était ce que nous faisions quand nous étionsencore amies. Mais je ne la voyais plus du même œil. Jen’arrivais pas à croire qu’elle allait faire ça à Sean – il méritaitbien mieux qu’elle. Je ne bougeai pas d’un centimètre. Je refusaimême de croiser son regard.

— Adieu, Scar.— Je te souhaite malgré tout une vie heureuse, Penny.

Page 11: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre2

JE M’ASSIS SUR LA CHAISE EN FACE DU BUREAU ET REGARDAI MON

patron, Carl Rogers. C’était un homme d’âge mûr et épais. Leskilos superflus qu’il traînait au niveau de son ventre le faisaienttoujours transpirer, peu importe la température. Il me dévisagealonguement. Je me doutais déjà que j’étais là pour me faireréprimander pour quelque chose. Il n’avait aucune autre raisonde m’appeler dans son bureau.

— Vous êtes très en beauté aujourd’hui, dit-il.— Quoi ? lâchai-je en haussant un sourcil. Enfin… Je veux

dire… Merci.— Vous devriez venir chez moi pour dîner ce soir.Je sentis mon cœur accélérer. J’avais déjà entendu des

rumeurs au sujet de ce pervers, mais je n’y avais jamais prêté foi.— Je pensais que vous vouliez discuter du manuscrit que je

vous ai soumis.— C’est le cas, dit-il en souriant comme un prédateur. En

dînant.— Pourquoi ne pouvons-nous pas en discuter ici ? demandai-

je en croisant les jambes.Son sourire se volatilisa.— Ce manuscrit était médiocre. Avez-vous pris la peine de

Page 12: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

relire vos corrections avant de me le soumettre ?Je sentis la moutarde me monter au nez. Je savais que j’étais

la meilleure correctrice de la boîte, lui compris.— Oui. Et je sais que j’ai fait de l’excellent travail.— Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas d’accord. Et

si vous voulez garder votre poste, je vous suggère d’accepter moninvitation à dîner.

Je n’arrivais pas à croire ce qui était en train de m’arriver. Jeme faisais harceler et menacer par mon patron et je ne pouvaisrien y faire.

— Non merci.— Vous feriez mieux de ne pas me contrarier, Scarlet. Je vous

suggère de faire ce que je vous dis.Ce qui m’énerva encore plus.— Non merci, répétai-je.Il plaça sa main sur le manuscrit posé sur son bureau avant de

lever les yeux vers moi.— C’est votre dernière chance.Je me levai pour quitter son bureau. Je refusais d’être la cible

de son harcèlement. Je n’allais pas me prostituer juste pourgarder mon boulot. S’il voulait prouver que je n’avais pas relu etcorrigé ce manuscrit, il n’avait après tout qu’à le remplacer parune ancienne version. Je retournai à mon bureau et m’assis,pensive. Levant les yeux, je le vis me fusiller du regard. Il m’avaitsuivie jusqu’à mon box et me dominait de toute sa taille. Sesyeux étaient brûlants et il semblait furieux.

— Quand je vous demande de corriger quelque chose,j’attends que vous le fassiez, tonna Carl Rogers en lançant lemanuscrit sur mon bureau, manquant de peu de renverser matasse de café. Et de le faire correctement, ajouta-t-il avec unregard noir, avant de reculer et de croiser les bras.

Tous mes collègues cessèrent leur travail pour nous regarder.

Page 13: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

J’étais fustigée devant tous les employés, réprimandée non paspour une faute professionnelle, mais parce que je refusais dem’offrir à mon supérieur. Je sentis les larmes perler sous mespaupières. Je refusais de m’abaisser à pleurer devant mon patronet mes collègues, mais, dès qu’il serait parti, je savais que je meprécipiterais dans la salle de bain pour laisser libre cours à meslarmes. Les yeux de Carl semblaient énormes à travers les verresgrossissants de ses lunettes et ils amplifiaient son apparenceformidable. J’ignorais comment il pouvait s’en sortir en secomportant de manière si hostile. Que faisaient donc lesressources humaines, à part ignorer la politique d’entreprise ?

— Vous ne cessez de vous vanter de votre diplôme deHarvard, mais vous n’avez aucun talent pour l’utiliser, continua-t-il tout en poussant le manuscrit vers moi. Corrigez-moi çasans faute et, s’il n’est pas parfait, cette fois, vous pourrez voustrouver un autre boulot.

Rogers partit en trombe et me laissa seule à mon bureau.Je fermai les yeux et soupirai profondément, tentant de

conserver mon sang-froid devant l’assemblée qui medévisageait. Je ramassai le manuscrit et parcourus lesmodifications. J’effectuais toujours mes modifications en rouge,mais je vis trois remarques faites à l’encre bleue et reconnusl’écriture de Carl. Une virgule n’était pas placée entre deuxpropositions indépendantes et un point-virgule était barré etremplacé par un point pour construire deux phrasesindépendantes. Or, l’auteure très en vue, Christine Dirkson,m’avait assuré qu’elle voulait conserver ce formatage dans sonroman. En dernier lieu, Carl avait marqué comme erreur uneindentation de paragraphe incorrecte, ce qui était pourtant uneautre requête particulière de l’auteure. L’auteur conservaittoujours le droit de modifier le formatage de son livre avantpublication et, soit Carl négligeait complètement cette règle, soit

Page 14: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

il l’avait oubliée. Dans les deux cas, Carl Rogers était un vraicrétin.

Je reposai le manuscrit sur la table et réfléchis de manièrerationnelle pendant un moment. Je pouvais retourner dans sonbureau et défendre mon cas, ce qui était entièrement justifié, etlui demander des excuses pour m’avoir manqué de respect ethumiliée devant tous mes collègues, ou je pouvais me rendre auxRH et leur exposer la situation. Je savais déjà qu’ils ne medéfendraient pas, mais mon troisième choix était de ne rienfaire. Même si je me détestais pour cette faiblesse, je choisis latroisième option. J’étais si furieuse que je me fichais de tout.

— Tout va bien ? demanda Janice en s’approchant de moi.Son box était directement à côté du mien. Nous étions

devenues amies dès que j’avais commencé à travailler dans cettemaison d’édition, quelques années plus tôt.

— Rogers est parfois un enfoiré.— Parfois ? crachai-je. Ce type me déteste depuis le premier

jour, ce que je ne comprends pas puisque c’est lui qui m’aembauchée.

— Tu as déjà entendu parler de la promotion canapé ?demanda Janice.

Je la dévisageai, bouche bée, pendant un instant.— Pardon ?— C’est un queutard. Ne me dis pas que tu ne le savais pas !?

La plupart des éditeurs et des secrétaires ont couché avec luipour conserver leur poste. R & R est une des meilleures maisonsd’édition du pays. Les gens se battent pour bosser ici.

— Ça me dégoûte, dis-je en secouant la tête.— Moi aussi, dit-elle tout bas.Candice, une autre éditrice, nous dépassa pour se rendre à la

fontaine d’eau près du mur. Nous la laissâmes passer sans riendire. Janice retourna à son bureau en face du mien et sourit,

Page 15: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tentant de me remonter le moral. Je savais déjà que c’était peineperdue.

Janice avait de longs cheveux blonds et une taille de guêpe, etelle était facile à aimer. Nous nous étions entendues dès lepremier jour. Si elle n’était pas là pour brider ma colère, j’auraissans doute déjà assassiné mon patron. Et fait sauter tout l’étagepour faire bonne mesure.

— Tu as… Tu sais ? demandai-je tout bas.Janice me lança un regard dégoûté.— Bien sûr que non ! répondit-elle vivement. Je préférerais

travailler chez Taco Bell que me retrouver à poil devant lui.— Moi aussi, acquiesçai-je.— Tu vas lui dire quelque chose ? demanda-t-elle.— Non. Que veux-tu que je dise ? demandai-je avant de

m’éclaircir la gorge. Carl, tu es un minable, un salaud, unhorrible éditeur en chef et personne ne veut te baiser parce quetu as une tête de cul ? Et que tu es un crétin ?

Janice écarquilla les yeux en entendant mes paroles. Mavulgarité l’avait prise par surprise. J’avais chuchoté pour quecette conversation reste à l’abri des oreilles indiscrètes, maisJanice n’en avait pas raté un seul mot. Elle pouffasilencieusement et tenta de retenir son fou rire.

Lorsqu’elle parvint enfin à se contrôler, elle reprit la parole :— Si tu lui avais vraiment dit ça, je pense que tu serais

devenue le héros de tout le bureau, murmura-t-elle.— Je mériterais une médaille.— Oui, dit-elle en riant. Alors, que vas-tu faire ?— Aucune idée, soupirai-je. Je déteste travailler sous les

ordres de quelqu’un. Tous mes patrons ont été des salaudsincompétents. J’en ai ma claque.

— Alors tu devrais démissionner, Scarlet. Tu vaux mieux quece merdier, de toute manière. Lance ta propre maison d’édition !

Page 16: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Si seulement, dis-je.— Fais-le, Scarlet. Sans rigoler. Tu en es plus que capable.— Non, dis-je en secouant la tête. J’ai encore des prêts

étudiants à rembourser et je n’ai pas suffisamment d’argent decôté pour m’y risquer.

— Et Sean ?— Non. Je ne veux pas lui demander de l’argent.— Pourquoi pas ? demanda-t-elle.— Je n’en ai pas envie.— Et ta mère ?— Huh huh, répondis-je en secouant la tête.Carl Rogers quitta son bureau et claqua la porte derrière lui. Je

me détournai immédiatement de Janice et ouvris le manuscritaux pages qu’il avait marquées. Il s’approcha et s’arrêta juste àcôté de mon bureau, les bras croisés. Les lèvres pincées, lessourcils froncés, il m’observa sans rien dire pendant plusieurssecondes. Je pouvais sentir l’hostilité dans l’air, comme latempérature qui grimpait lors d’un jour d’été. Carl continua à mefixer des yeux. Je sentais la moutarde me monter au nez.L’environnement de travail était si rébarbatif que j’envisageaisfranchement de me barrer, mais je ne pouvais pas. Je meretrouverais sans le sou. Lorsque mes yeux croisèrent les siens, ilme décocha un regard noir avant de s’éloigner.

— Va te faire foutre, murmurai-je.Janice posa les yeux sur moi et je soutins son regard. Elle leva

les yeux au ciel et retourna à son ordinateur. Je m’attelai à latâche et effectuai les trois petites modifications au manuscritpour pouvoir le rendre à l’enfoiré que je détestais tant.

Page 17: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre3

— TU VEUX QU’ON PRENNE UN TAXI JUSQU’À LA SALLE ? DEMANDA JANICE

alors que nous franchissions les grandes portes d’entrée de R &R.

J’étais soulagée que la journée de travail soit enfin terminée.Durant la dernière heure, j’avais rêvé d’enfoncer des trombonesdans les orbites de Carl pour l’empêcher de fermer les paupières.Plus un fantasme qu’un rêve, en réalité. C’était à ce moment-làque j’avais su que je devais sortir d’ici. Je commençais àressembler à Patrick Bateman dans American Psycho.

La chaleur était étouffante et la ville humide. Il faisaitirrespirable. Les habitants de Manhattan, nous dépassant sur letrottoir, portaient des shorts et des sandales. Les rues étaientsaturées de touristes venus visiter les attractions phares de NewYork. Personnellement, je me fichais bien de l’Empire StateBuilding ou de la Statue de la Liberté. Je préférais la couleurlocale, celle des habitants de la ville. Le simple fait d’observer lesclients d’un café ou les coureurs dans Central Park suffisait àexprimer l’atmosphère pittoresque de la ville : la plus belle villedu pays.

— Non merci, j’ai quelque chose à faire, répondis-jetristement.

Page 18: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Ma robe bleu marine remonta sur mes cuisses et je la rabaissaien m’approchant de la chaussée. Je devais me rendre chez Sean.Je ne lui avais pas rendu visite la veille, car j’ignorais combien detemps leur conversation durerait et je ne voulais pas lesinterrompre. Je m’étais retenue de l’appeler et de lui envoyer desmessages toute la journée.

— Alors à demain, ajoutai-je en faisant un signe de main àJanice.

Un taxi s’arrêta à ma hauteur en m’entendant siffler. J’entraiet donnai l’adresse de son appartement, situé quelques rues plusloin. J’aurais préféré y aller à pied, mais mes talons me faisaientsouffrir le martyre.

Sortant du taxi devant son immeuble, je passai d’abord par lapizzeria d’à côté avant d’aller le retrouver. Je nous commandaiune grande pizza quatre saisons et achetai quelques bières àemporter. Quand quelque chose me déprimait, Sean m’amenaittoujours de la pizza et de la bière. Nous étions comme desmeilleures amies qui se préparaient du thé avant de déblatérersur leurs copains, leurs règles ou pousser une gueulante justepour se défouler. Je trouvais toujours ça touchant. Après avoirdévoré notre pizza, nous avions l’habitude de dormir tous lesdeux dans ma chambre et de changer de sujet pour me remonterle moral. Sean était toujours là quand j’avais besoin de lui. Et,aujourd’hui, je devais lui rendre la pareille. Le portier m’ouvrit etun autre homme appuya sur le bouton de l’ascenseur, ce qui mepermit d’atteindre la porte de Sean sans rien laisser tomber. Jetoquai à la porte plusieurs fois avant qu’il ne l’ouvre. J’étaissurprise qu’il m’ait répondu.

Ses lèvres étaient pincées et il avait des poches sous les yeux,comme s’il avait une réaction allergique ou n’avait pas dormidepuis trois jours. Il passa une main dans ses cheveux bruns enme voyant sur le pas de sa porte, indiquant son malaise. Je

Page 19: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pouvais voir son désespoir dans ses yeux bleus. Je ne l’avaisjamais vu avec une tête pareille. Le spectacle me brisa le cœur.

— Ce n’est pas le bon moment, Scar, dit-il sans conviction. Jene suis pas d’humeur.

Normalement, Sean était calme et serein en toute situation.Fier et solide, ses épaules n’étaient jamais affaissées et il setenait toujours droit. Mais, aujourd’hui, sa silhouette semblaitbrisée. Ses mâchoires et ses lèvres étaient tendues par le stress.Sean était toujours beau, mais il me faisait pitié. Il me rappelaitun chien sans propriétaire : perdu.

Je m’invitai à l’intérieur et entrai dans le salon. Je posai lapizza sur la table de la cuisine et rangeai les bières au frigo. Ilsoupira en refermant la porte derrière moi. J’ignorai sondésespoir et tentai d’agir normalement.

— Le match des Yankees commence dans quelques minutes,dis-je en ouvrant deux bouteilles de bière et en lui en tendantune.

Il la tint dans sa main sans la boire. Ce simple fait m’indiquason désarroi. Sean ne négligeait jamais une bonne bière bienfraîche. Je portai la pizza dans le salon et allumai la télévision. Ilne protesta pas et s’installa à mes côtés sur le canapé. Il finit parboire une gorgée sans parler.

Nous étions amis depuis longtemps, mais je n’avais jamais vuSean si déprimé par une rupture. Il était doué pour masquer sesémotions et prétendre l’indifférence, mais j’étais liée à luicomme personne. À chaque battement, je pouvais presqueentendre son cœur hurler à l’agonie. Je détestais le voir souffrirautant, surtout quand c’était inutile. Pénélope n’aurait jamais dûle quitter.

Ce n’était pas la première rupture que nous avions vécueensemble, mais c’était certainement la pire. À l’université,j’avais un copain et notre relation avait été instable et branlante.

Page 20: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Certains jours, nous nagions dans le bonheur, d’autres, nousvoulions nous étriper. Sean avait fini par y mettre un terme,m’affirmant qu’il détestait ce type et qu’il voulait que je trouvequelqu’un de mieux. J’avais rompu sans hésiter. Je m’ensouvenais comme si c’était hier...

—ÇAVA ?Nous étions assis à l’ombre d’un chêne près de l’entrée du

campus. J’étais en train d’arracher des touffes d’herbe et Seanregardait droit devant lui. C’était un samedi après-midi et nousn’étions ni l’un ni l’autre d’humeur à sortir. J’étais tropdéprimée pour m’amuser et je savais que Sean ne me quitteraitpas tant qu’il ne serait pas certain que j’allais bien.

— Je m’en remettrai, Sean.— Ne fais pas ça, s’il te plaît, dit-il en se tournant vers moi

pour me regarder. Tu es ma meilleure amie, alors ne fais passemblant d’être plus brave que tu ne l’es. Ce baratin ne marcherapas avec moi. Parfois, c’est normal de fondre en larmes.

— Je pensais que tu détestais que les femmes s’effondrentcomme des cruches, qu’elles se morfondent d’avoir perdu leurpetit ami.

— C’est vrai, dit-il en riant. Mais avec toi, c’est différent. Jet’adore.

— Tu m’adores ? le taquinai-je.Il me sourit et je me sentis soudain bien mieux. Je savais déjà

qu’il tenait beaucoup à moi, mais c’était agréable de l’entendrede sa bouche de temps en temps.

— Ouais, répondit-il en riant. Tu n’es pas comme toutes lesautres filles que j’ai rencontrées. Pas étonnant que les mecs tesautent dessus tout le temps.

Page 21: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Mais pas toi… Il y a une raison particulière ? demandai-jemalicieusement.

— J’imagine que, comme je suis sorti avec ton amie Nancyavant de te rencontrer, j’ai toujours pensé que tu étais synonymede zone interdite. Peut-être que si je t’avais rencontrée enpremier, les choses auraient été différentes. Mais je dois avouert’avoir reluqué le derrière plus d’une fois.

— Ne sois pas vulgaire ! dis-je en lui tapant l’épaule.Il éclata de rire.— Tu sais que je te respecte, Scarlet. Prends-le comme un

compliment.— Mais je préférerais que tu ne me mates pas, taquinai-je.— Tu es canon, tu sais ? demanda-t-il en souriant.— Ouais, c’est ça…Sean passa son bras autour de mes épaules et je blottis ma

tête contre lui. Quelle que soit sa manière de s’y prendre, il meremontait le moral sans effort, savait distraire mes pensées etme faire oublier mon chagrin. Il me rendait heureuse. Je mesentais en sécurité avec lui. Je savais que j’avais le droit d’êtrebouleversée ou déprimée, mais, en même temps, il chassait laraison de mon chagrin. Il m’aidait à oublier mes problèmes.

— Tu as faim ? demanda-t-il.— J’ai toujours faim.— Alors, allons manger une pizza et boire de la bière, dit-il en

riant.— Je sais que je suis aussi cool qu’un mec, mais je suis une

meuf. J’ai un vagin.— Tu vas devoir m’en fournir la preuve.— Dégueu ! m’exclamai-je en lui tapant l’épaule à nouveau.— OK. Alors qu’est-ce que tu préférerais ? Une salade et des

fruits, ou quoi ?Je secouai la tête en signe de dégoût et réfléchis un instant.

Page 22: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Va pour une pizza et de la bière.— Les femmes…, soupira Sean avant de lever les yeux au ciel.Il se releva et me tendit la main. Je plaçai la main dans la

sienne et il m’aida à me relever.

L’ARRIVÉE des pubs brisa le fil de mes pensées, me ramenant à laréalité. J’étais toujours assise sur le canapé, une bière froide à lamain.

Nous passâmes une heure ou deux à regarder le match et Seanne mentionna pas une seule fois Pénélope. Je ne m’étais pasattendue à ce qu’il en parle, mais, après quelques tours de batte,les Yankees menaient et Sean se détendit un peu. Il commença àgueuler en direction de l’écran, comme toujours quand sonéquipe de base-ball favorite jouait.

Puis il ouvrit la boîte de la pizza et en dévora la moitié,retrouvant enfin son appétit et oubliant temporairement sadétresse. Mais, quand le match se termina, il reprit son airrenfrogné, ce qui me déprima. Je tentai de détendrel’atmosphère.

— J’ai décidé de ne pas me décolorer les cheveux, finalement.— Bonne nouvelle, dit-il en souriant. Ça ne t’irait pas du tout.— Oh, merci de ne jamais manquer de tact avec moi, rigolai-

je en levant ma bière. Elle te plaît ? C’était tout ce qui restaitdans le magasin.

Il posa la bouteille vide sur la table.— Je bois de tout, dit-il. Tu me connais.Sean croisa enfin mon regard. Ses traits se décomposèrent

lorsqu’il vit mon air de pitié.— Tu es au courant.— Oui.

Page 23: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il hocha la tête.— Tu n’es pas obligé de m’en parler, Sean.— Ouais, dit-il. C’est la dernière chose dont j’ai envie – en

parler.Il se tourna vers les pubs à la télé, mais je savais qu’il ne les

regardait pas vraiment. J’étais certaine qu’il repensait à cettesalope, cette imbécile. Pénélope me donnait des envies demeurtre. J’espérais qu’elle se ferait écraser par un taxi,n’importe quoi. Ou, encore mieux, qu’on lui refile une chaude-pisse super rare et qu’elle meure d’un écoulement inarrêtable depus dans sa chatte…

— Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il.Je repensai immédiatement à la scène qui s’était déroulée au

travail et à ce crétin, Carl Rogers. Mais je décidai de ne pas enparler à Sean. Ce détail insignifiant de mon quotidien n’étaitrien, comparé à sa douleur. L’amour de sa vie venait de le quitter.Je n’allais pas mentionner cette broutille, qui ne ferait que ledémoraliser davantage.

J’étais furieuse d’apprendre que mon patron m’avaitembauchée parce qu’il voulait me sauter. Le pire, c’était qu’ilmenaçait de me licencier si je ne coopérais pas. Ce genre dechose me faisait douter de mes talents de relectrice-correctrice.Aurais-je décroché le poste si j’avais été moche ? Je secouai latête pour chasser ces pensées de mon esprit.

— Ouais, pas trop mal. Rien d’important. Mais j’ai vu unvendeur de hot-dog lancer un petit-pain à la figure d’une femmevenue lui commander un truc à bouffer. Elle n’arrêtait pas de seplaindre de l’insalubrité de son stand.

Sean éclata de rire, ce qui me fit sourire.— Qu’est-ce que tu étais en train de faire, pendant que ça se

passait ? demanda-t-il avant de boire une gorgée.— Je commandais un hot-dog, dis-je.

Page 24: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il s’esclaffa à mes paroles.— Et toi, ça ne te dérangeait pas ?— Non, répondis-je en secouant la tête. J’ai fait tomber mon

hot-dog par terre, mais je l’ai mangé quand même.— Oh mon Dieu ! dit-il en se penchant en avant, s’esclaffant

de bon cœur.Il s’agrippa le ventre en se tordant de rire. Il finit par

s’adosser à nouveau au canapé et par retrouver son sérieux. Seanme regarda dans les yeux pendant quelques instants.

— Merci, Scar. D’être là pour moi.— Aucun problème, dis-je en opinant. Tu as été travailler

aujourd’hui ?Je terminai ma bière et posai la bouteille vide sur la table, à

côté de la sienne.— Je me suis fait porter pâle, répondit-il.— Tu veux aller à un club de danseuses ? demandai-je.Je n’avais jamais été dans un tel club, mais je savais que

c’était ce que faisaient les mecs célibataires en ville. Ils payaientune jolie fille pour danser et se dénuder. Ce n’était pas mongenre de proposer un truc pareil, mais je voulais à tout prix luiremonter le moral.

Sean me décocha un regard surpris.— Pour quoi faire ? demanda-t-il très sérieusement.— Ce n’est pas ce que font les mecs quand ils sont déprimés ?— Ce n’est pas mon truc et tu le sais.— Je pensais que tu voudrais peut-être essayer quelque chose

de différent.— Un nouveau goût de crème glacée, pourquoi pas, ouais.— Tu es si viril, raillai-je.— T’as raison là-dessus.Il but sa bière cul sec juste pour étayer ses propos.— Tu aimerais aller manger une glace à Central Park ?

Page 25: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

demandai-je.Sean secoua la tête en souriant, apparemment amusé par ma

suggestion.— Pourquoi pas ? Après tout, j’ai à peine bougé mon cul du

canapé, j’ai bu trois bières et mangé une demi-pizza, donc unecrème glacée en plus, ça ne va pas me tuer.

— Ouais, comme si tu devais te soucier de ton poids, Sean,dis-je en levant les yeux au ciel.

Nous fréquentions la même salle de sport et je l’avais vus’entraîner. Il effectuait des routines d’entraînement intensespour raffermir et tonifier ses muscles, et il avait à peine un poilde graisse. Si je devais emprunter une ruelle sombre, jen’hésiterais pas à lui demander de m’escorter.

— Allons-y.Nous nous promenâmes dans Central Park pendant une

heure. Nous parlâmes d’un nouveau client pour lequel iltravaillait dans sa firme ; un truc incroyablement chiant qui megavait plus que tout, mais je l’écoutai en sachant qu’il voulaitsimplement se changer les idées. Il radota sur le sujet pendantvingt minutes interminables. Je rêvais de l’interrompre, mais jefaisais une exception pour aujourd’hui. Mes pensées ne cessaientde dévier vers mon patron et mes fantasmes de le buter. J’ypensais si souvent que ma soif de violence ne me surprenaitplus.

Le soleil se coucha derrière les gratte-ciels de Manhattan etles ombres s’allongèrent dans le parc. C’était un répit agréableaprès cette canicule. Sean termina enfin son histoire fastidieuseet nous marchâmes en silence. J’avais terminé ma petite crèmeglacée depuis longtemps, mais Sean léchait toujours la sienne.

— Comment l’as-tu su ? demanda-t-il.Je savais très bien à quoi il faisait allusion.— Elle m’en a parlé.

Page 26: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Quand ça ? demanda-t-il d’une voix triste.— Hier midi – avant de t’en parler.— Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu, Scar ? demanda-t-il

d’une voix affligée, trahie.— Ça n’aurait rien changé, Sean. Elle m’a prévenu

uniquement pour que je sois là pour toi. Ce n’est pas mon rôled’interférer dans tes relations amoureuses. De plus, je pense queça n’aurait fait qu’empirer les choses.

Ses yeux brillaient toujours de colère. Je savais qu’il étaitbouleversé.

— Je suis désolée, Sean. J’ai tenté de la convaincre de sonerreur, mais je n’ai pas réussi à la faire changer d’avis.

Il jeta sa glace à moitié terminée à la poubelle et je jetai monpot vide à mon tour. Puis, les mains dans les poches, il continuaà marcher en silence. Je décidai de ne pas prolonger inutilementla conversation. Nous retournâmes à son appartement sansprononcer un autre mot. Son silence suffisait à exprimer sacolère.

De retour chez lui, je rassemblai mes affaires pour rentrerchez moi.

— Tu pourrais dormir ici, ce soir ? demanda-t-il en se postantdevant moi.

Il baissa les yeux vers le sol. Ses épaules baraquées étaientaffaissées sous le poids de son chagrin et ses yeux étaientéteints, comme morts. Ma haine pour Pénélope ne fit quecroître.

— Je n’ai pas fermé l’œil hier soir et je ne m’attends pas àdormir mieux cette nuit. Enfin, si je suis seul.

Sa demande ne me dérangeait pas. Nous avions dormi l’unchez l’autre des tas de fois, parfois dans le même lit, d’autresfois sur le canapé. Ce n’était pas inhabituel entre nous, surtoutdans une telle situation. Rien ne s’était jamais passé et Pénélope

Page 27: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

ne s’était jamais sentie menacée par notre amitié. Elle affirmaittoujours que si quelque chose devait se passer entre nous, ça seserait passé il y a longtemps.

— Bien sûr que oui, dis-je en souriant. Ça ne me dérange pasde dormir sur le canapé.

Je massai doucement son épaule pendant un moment, avantde baisser la main.

— Ne sois pas stupide, Scar. Tu peux dormir dans mon lit. Cene serait pas la première fois.

— Si tu veux, dis-je tout bas.Sean me tendit un t-shirt et un short de jogging propres, mais

bien trop grands. Je me rendis dans la salle de bain pour mechanger et, quand j’en sortis, il s’était déjà glissé sous lacouverture. Je m’allongeai de l’autre côté du lit et réglai monréveil pour ne pas arriver en retard au boulot. J’avais dans l’idéed’emmener un des couteaux tranchants de Sean pour allertravailler.

— Elle t’a dit pourquoi ? demanda-t-il.Je savais ce qu’il me demandait. J’ignorais si c’était à moi de

lui révéler la vérité ou s’il la connaissait déjà. Je restai silencieuseun instant, face à un dilemme.

— Non, finis-je par répondre. Elle t’en a parlé ?— Oui et non, dit-il. Elle a baratiné sur le fait qu’on s’était

éloignés et qu’elle ne pouvait imaginer un avenir avec moi. Mais,bordel, je suis sûr qu’elle me mentait.

— Peut-être, dis-je évasivement.Sean se couvrit le visage des mains et soupira tout haut.— Je ne sais pas quoi faire.— Tu t’en remettras, Sean.— Non, dit-il en secouant la tête. Je l’aime. Je l’aime

vraiment.— Je sais.

Page 28: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je ne sais pas quoi faire, répéta-t-il.— Et si tu allais travailler demain ? Commencer par le début ?Je l’entendis soupirer.— J’imagine que c’est un début.

Page 29: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre4

SEAN

— Tu n’as pas l’air malade, mais tu as une sale gueule, ditBrian en entrant dans l’ascenseur et en prenant place à côté demoi.

Les portes se refermèrent et l’appareil resta immobile uninstant avant d’entamer sa longue montée jusqu’au trentièmeétage, où se trouvait ma firme. Mes lèvres étaient tendues à forcede faire la moue et mon cœur m’élançait en permanence. Dans ledos de Scarlet, j’avais bu deux bières avant de partir travailler cematin. C’était juste pour me détendre un peu, mais je me sentaisvraiment mal. Mes pensées se tournaient constamment versPénélope. Je tentais de les chasser de mon esprit, mais elles necessaient de me tourmenter. J’en oubliai même la présence deBrian à mes côtés.

— Y a quelqu’un ? demanda Brian en agitant une main devantmes yeux.

D’habitude, ce genre de comportement puéril m’irritait, maisj’étais si déprimé que je m’en fichais.

— Salut, me contentai-je de répondre.Brian me dévisagea, se demandant sans doute si j’allais le

frapper ou le menacer. Il devait voir que je n’étais pas moi-

Page 30: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

même.— Qu’est-ce qui s’est passé ? Quelqu’un est mort ?— Je ne veux pas en parler.Je remontai la lanière de mon sac sur mon épaule et regardai

droit devant, vers les portes fermées de l’ascenseur. Par nosreflets déformés, je pouvais voir Brian m’étudier. Je n’avaisaucune envie de parler à quiconque et je voulais qu’on me laissetranquille. J’aurais fait semblant d’être malade si Scarlet nem’avait pas forcé la main. Elle avait insisté sur le fait quetravailler me permettrait de me distraire. Elle avaitgénéralement raison, même si je ne l’avouais jamais devant elle.L’écran digital affichait le défilement des étages et je necomprenais pas pourquoi l’ascenseur montait si lentement. Jevoulais sortir de là.

— Pénélope a dit non ?Je serrai les dents, détestant Brian d’avoir prononcé ce nom.

Je détestais l’entendre de la bouche d’un autre. Cette femme,l’amour de ma vie, était la dernière personne dont je voulaisparler. Je pensais que j’allais l’épouser, qu’elle ressentait lamême chose pour moi. Visiblement, j’avais eu tort. J’inspiraiprofondément.

— Je ne lui ai pas fait ma demande.Brian me regarda, bouche bée. Il resta coi si longtemps que je

me sentis soulagé que la conversation soit terminée. J’avais desenvies de me jeter dans la cage d’ascenseur. Que la corde serompe sous le poids de mon chagrin et que je chute vers mamort. J’emporterais Brian dans ma tombe.

— Quelque chose s’est passé avec Pénélope ? demanda Brian.Je me dandinai d’un pied sur l’autre et poussai un soupir. Cet

ascenseur allait-il bientôt arriver, oui ou merde ? Je n’avais nullepart où aller, aucune échappatoire face à mon collègue. Au fondde moi, j’espérais que Pénélope me reviendrait et que je n’aurais

Page 31: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pas à annoncer notre rupture au monde entier, mais j’étais sûrque ça n’arriverait pas. Elle avait été très claire.

— On a rompu.— Quoi ? fit-il, incrédule. Que s’est-il passé ?— Aucune idée.— Alors, c’est elle qui t’a plaqué ?Je hochai la tête.Brian posa sa main sur mon épaule.— Ça va aller, mec. Je suis là pour toi.Je hochai la tête pour le remercier, trop déprimé pour parler.L’ascenseur finit par s’arrêter et les portes s’ouvrirent.

J’empruntai immédiatement le couloir, sans saluer qui que cesoit, pas même mon assistante, et entrai dans mon bureau.Fermant la porte, je m’assis à mon bureau et me plongeai dans letravail. Mes tâches suffirent à me distraire pendant quelquesheures, mais Pénélope envahissait mes pensées toutes lesquelques minutes. Après le déjeuner, je lui laissai la place. Jeposai des yeux vides sur mon écran et pensai à elle. Je rejouai lasoirée où elle m’avait quitté et me souvins précisément de sondiscours. Malgré le contrôle que j’exerçais généralement sur mesémotions, je sentis mes yeux se voiler de larmes. Je les refoulaide toutes mes forces. J’étais au travail. Je ne pouvais pas éclateren sanglots. La confusion était une autre émotion puissante quim’écrasait. Pourquoi m’avait-elle quitté ? Je pensais que nousétions heureux. J’avais été heureux. Je lui avais donné tout cedont elle avait besoin, y compris ma dévotion éternelle et mafidélité. Ce n’était pas rien, dans une relation. Pourquoi ne medésirait-elle plus ? J’avais un bon boulot, je venais d’une familleprospère, je prenais soin de moi et, plus important, je prenaissoin d’elle. Tous les jours, je lui disais à quel point elle était belle.Quand nous faisions l’amour, je m’assurais qu’elle soit toujourssatisfaite. Je lui laissais son indépendance et ne me montrais

Page 32: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

jamais jaloux quand je la voyais en compagnie d’autres hommes,même si ça me tuait de les voir la toucher. Où m’étais-je planté ?

Le souvenir de notre récent voyage dans le Connecticut merevint. Nous étions allés rendre visite à ma famille. Ça s’étaitpassé il y a quelques semaines à peine. Le savait-elle déjà ? Je larevoyais encore comme si c’était hier. La robe qu’elle portaitmoulait ses courbes de façon à faire bondir mon cœur dès que jela regardais. Les mèches qui s’échappaient de sa pince à cheveuxm’émerveillaient. Je n’avais jamais vu de plus belle femme. Je lelui avais dit sur la piste de danse, au mariage de mon cousin. Ellem’avait souri.

—MERCI.Je caressai ses mèches et les replaçai derrière son oreille. Elle

me regardait tandis que je la cajolais. Je m’étais demandé à quoielle pensait durant ce moment, si elle ressentait ce que jeressentais.

— Je t’aime, dis-je.Elle se pencha vers moi et m’embrassa tendrement.Je voulais la demander en mariage. J’y pensais depuis un bon

moment, mais je cherchais toujours une manière de faire mademande qui soit digne d’elle. Je voulais que ce soit incroyable,que ça l’inspire. Je voulais la faire pleurer. Il fallait que ce soitparfait. Rien d’autre ne serait acceptable pour l’élue de moncœur.

— Je n’arrive pas à croire ma chance, murmurai-je.Elle attrapa ma main et joua avec mes doigts.— Je sais.Je raffermis mon emprise autour de sa taille et la serrai contre

moi. Toute ma famille était là, sans doute en train de nous

Page 33: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

regarder, mais je m’en fichais. Rien ne m’empêcherait demontrer mon affection à la femme de mes rêves. Je l’aimais etj’affichais mon amour sans honte. J’avais annoncé à ma mèreque Scarlet m’avait aidé à choisir une bague et elle avait sembléheureuse pour moi. Heureuse que j’aie trouvé quelqu’un.

LE TÉLÉPHONE de mon bureau sonna et m’arracha à mespensées. Je décrochai, me demandant pourquoi mon assistanteavait transféré l’appel sans d’abord passer par moi.

— Allô ?— Salut, dit-elle de sa voix particulière. Comment se passe ta

journée ?Je soupirai. Scarlet.— Elle passe.Elle ne dit rien pendant un instant.— Qu’est-ce que tu as mangé au déjeuner ?— Rien, répondis-je. Et toi ?— Un hot-dog.Malgré l’élancement dans ma poitrine, je ris.— Chez le même vendeur ?— Oui, avoua-t-elle.Je pouvais entendre le sourire dans sa voix.— Tu l’as fait tomber, celui-là ?— Non, répondit-elle en riant. J’ai eu de la chance.— Je vois que tu as enfin un peu plus de classe, la taquinai-je.— De classe ? Je suis une vraie femme, pas un fantasme irréel,

et ça me plaît comme ça.Je hochai la tête, même si elle ne pouvait pas me voir.— Tu me plais comme ça aussi.— Non, répliqua-t-elle. Tu m’aimes comme ça.

Page 34: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Oui, je le reconnais, dis-je en souriant.— Bon, je ferais mieux de m’y remettre, annonça-t--elle. On

se voit plus tard ?Je soupirai, ne voulant pas mettre un terme à cette

conversation. Pour la première fois de la journée, je me sentaismieux et je voulais m’accrocher à elle. Scarlet était la seule quipouvait émousser ma douleur. Grâce à elle, je me sentais revivre.

— Merci… De m’avoir appelé.— À plus, Sean.— À plus.J’attendis qu’elle raccroche en premier et écoutai la tonalité

un instant avant de reposer le combiné. L’écran blanc de monordinateur brillait devant mes yeux et je repris ma lecture là où jem’étais arrêté. Or, mes pensées se tournaient constamment versScarlet. Je décidai d’aller la retrouver dès que ma journée seraitterminée. J’avais besoin d’elle.

Page 35: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre5

SCARLET

Janice et moi nous rendîmes au resto d’en face durant notrepause de midi. Mon amie me suggéra de ramener un sandwich àCarl pour me faire pardonner, et je dus me retenir de la frapper.Quel commentaire ridicule ! Elle me sourit en voyant mes yeuxs’écarquiller de rage.

— Ça m’étonnerait qu’un sandwich bon marché y change quoique ce soit, Janice.

— Ouais. C’est vrai que ça ne rivalise pas avec une pipe.J’éclatai de rire malgré la vulgarité de son commentaire et

faillis m’étouffer en mangeant mon sandwich. Janice me tenditsa bouteille d’eau pour que je puisse me rincer la gorge.

— Tu as raison, dis-je. Carl t’a déjà traitée comme ça ?— Oui, répondit-elle. Mais pas aussi cruellement que toi. Tu

vois, je fais mon boulot, moi.— Va te faire foutre, Janice !Je savais qu’elle plaisantait, mais cette répartie peu

professionnelle sortit toute seule. Sachant que je blaguais, moiaussi, elle éclata de rire et retroussa sa manche pour vérifierl’heure sur sa montre.

— Qu’est-ce que tu devais faire, hier ? demanda-t-elle en

Page 36: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

rabaissant sa manche. Tu m’as dit que tu avais quelque chose deprévu.

— Ouais, je devais aller voir Sean.— Pourquoi c’était si urgent ?— Il… traverse une mauvaise passe, répondis-je lentement.

On a traîné ensemble et puis j’ai dormi chez lui.Je n’avais aucune intention de divulguer ses secrets à

quelqu’un qu’il ne connaissait pas.— Quoi ? demanda-t-elle. Vous avez baisé ?— Non ! m’exclamai-je. Bien sûr que non.— Sean doit être homo.— N’importe quoi !— Il doit être bi, au moins.— Janice – il n’est pas gay.— Alors il y a quelque chose qui ne va pas chez lui. Allez,

Scarlet ! Tu es magnifique. Chaque fois qu’on sort, les mecs fontla file pour s’arracher le cœur et te l’offrir. Quelque chose a biendû se passer entre vous à un moment donné. Une amitiéplatonique entre un homme et une femme, ça n’existe pas – s’ilssont tous les deux hétéros.

— Eh bien, notre amitié est platonique. Et non, il ne s’est rienpassé entre nous – jamais. Et il n’est pas gay. Sa petite amie delongue date vient de le quitter et il a le cœur brisé.

— Tu inventes tout ça ?— Non, soupirai-je. Je suis sérieuse.— Alors, il doit être hideux.— Pas du tout, rétorquai-je. Il est très beau.Janice m’observa longuement. Je savais déjà ce qu’elle allait

dire.— Tu as des sentiments pour lui, pas vrai ?— Non, Janice. C’est mon ami, c’est tout.Elle croisa les bras et resta silencieuse. J’espérais qu’elle

Page 37: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

lâcherait le sujet, mais je connaissais Janice comme ma poche.— Tu n’as pas de copain depuis aussi longtemps que je te

connais, dit-elle. Je ne t’entends jamais parler des mecs avec quitu sors. Ou des mecs que tu trouves mignons.

— Ce n’est pas parce que je ne partage pas ma vie privée queje n’en ai pas.

— Mais en revanche, tu parles beaucoup de Sean…— C’est parce que tu me poses toujours des questions sur lui.— Je crois que tu…— Non ! l’interrompis-je. Allez, laisse tomber, Janice.— D’accord, d’accord, dit-elle. Mais tu dois me laisser

t’arranger le coup avec quelqu’un.— Je suis capable de trouver mes propres rencards, lâchai-je.— Alors, trouve-toi un rencard pour ce week-end. Je veux la

preuve de ce que tu avances.— Pas possible. Je vais à un gala de bienfaisance pour la firme

de Sean samedi soir.— Et vendredi soir ? insista-t-elle. Si tu ne trouves personne,

je peux t’aider.Elle se tortilla sur sa chaise, clairement ravie à l’idée de me

trouver mon prochain petit ami et, pourquoi pas, mon âme sœur.— Et de ton côté, Janice ? Qu’est-ce qui s’est passé avec

Russell ?Elle leva les yeux au ciel.— Je m’en suis débarrassé comme d’une vieille chemise. Il ne

me convenait pas du tout.— Et tu voudrais que je t’arrange le coup avec quelqu’un ?

demandai-je pour lui rendre la pareille.— Que dirais-tu de Sean ? demanda-t-elle en me

dévisageant.— Tu rigoles ?— Non, répondit-elle en souriant malicieusement. Tu as dit

Page 38: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

qu’il était libre, pas vrai ? Et il ne t’intéresse pas, apparemment.— Il vient de vivre une rupture douloureuse, Janice. Sean est

au trente-sixième dessous.— Ça ne me dérange pas.Elle continua à se marrer, mais son sourire se volatilisa en

voyant le malaise gravé sur mes traits.— Si tu ne veux pas que je le saute parce que tu as des

sentiments pour lui, je comprendrais tout à fait.— Ce n’est pas la raison, lâchai-je.Je n’étais pas d’habitude si sèche avec Janice, mais mon

amitié avec Sean était un sujet délicat.— Bien sûr que si.— Je te hais, Janice.— Moi aussi, je t’aime.Je lui souris. Je ne pouvais m’empêcher d’être attendrie par

son charme. Elle était ma seule amie à R & R, surtout maintenantque tous mes collègues pensaient que je faisais du mauvaisboulot. La journée ne s’était pas trop mal passée. Carl ne s’étaitpas pointé au bureau ce matin-là – du moins, je ne l’avais pas vu– et j’avais posé le manuscrit corrigé dans la boîte la veille. Peut-être s’était-il fait écraser par une voiture et était-il mortlentement et douloureusement ? Je chassai ces pensées de monesprit. Elles étaient bien trop divertissantes.

Lorsque nous retournâmes au bureau, je remarquai que Carlétait arrivé, à mon plus grand déplaisir. Je m’assis dans mon boxen tentant de l’ignorer. Mais j’étais sûre qu’il reviendrait bientôtà la charge.

Je vérifiai mes emails et répondis à la demande d’une auteurequi nous avait envoyé son manuscrit un mois plus tôt. Elle avaitdes questions sur le roman que je venais de corriger, celui pourlequel je m’étais fait engueuler. Je lui répondis que le travail étaiteffectué et que je venais de l’envoyer à l’éditeur en chef. Je

Page 39: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

joignis une copie de mon travail.— Bonjour, mademoiselle Reese.La voix de la femme me fit presque bondir. Je ne l’avais pas

entendue approcher. En levant les yeux, je reconnus Gloria, laresponsable des ressources humaines, et je sentis mon cœurchavirer. J’étais sûre que sa présence n’annonçait rien de bon.

— Veuillez me suivre, s’il vous plaît, dit-elle sérieusement.Je m’assis le dos droit, hésitant quant à quoi faire. Devrais-je

rassembler mes affaires, puisqu’elle allait me renvoyer ? Je finispar me lever de ma chaise et me tourner vers Janice, les yeuxgrands ouverts de panique. Je suivis la femme dans le couloir etjusqu’au département des ressources humaines.

Lorsque nous entrâmes dans son bureau, elle se retourna etme regarda.

— Installez-vous, dit-elle en indiquant le fauteuil devant sonbureau.

Je me laissai tomber dans le fauteuil et joignis mes mainsmoites de sueur. Je restai calme, posée, stoïque, malgré monprofond malaise.

— Nous avons été informés du fait que vous propagiez defausses rumeurs et manquiez de respect à l’éditeur en chef devotre département, Carl Rogers. Ce genre de harcèlement eststrictement interdit au sein de notre société et nous vous l’avonsexpliqué le jour de votre embauche. Vous avez même signé unaccord.

Quoi ?— Je suis désolée, Gloria…— Mme Peterson, corrigea-t-elle.— Je veux dire… Mme Peterson. Je peux vous assurer que je

n’ai aucune idée de ce dont vous voulez parler. Si ça ne vousdérange pas d’expliquer l’incident en question…

— Très bien, soupira-t-elle en enfonçant le bouton de

Page 40: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’interphone pour parler à son assistante. Veuillez demander àCandice de venir à mon bureau, Jean.

— Tout de suite, Mme Peterson, répliqua Jean.J’étais encore plus déroutée. J’ignorais ce que Candice, ma

collègue éditrice, avait à voir avec cette réunion. Je ne lui avaispratiquement jamais adressé la parole – jamais.

Mme Peterson approcha un document et lut tout haut :— Apparemment, vous auriez fait des commentaires

inappropriés sur la vie privée et l’apparence physique deM. Rogers à une autre femme de votre bureau, déclarant qu’ilétait, je cite, « un minable, un salaud » et qu’il avait « une têtede cul ». Pardonnez ma vulgarité.

Je sentis mon cœur palpiter. Oui, j’avais bien prononcé cesmots, mais à une seule personne : Janice. Face à la trahison decelle que je considérais comme mon amie, je me sentis enragée.Je n’arrivais pas à croire qu’elle m’ait fait une telle chose.

— Niez-vous ces allégations ? demanda-t-elle.J’ignorais quoi faire. Mon esprit tourbillonnait à la recherche

d’une solution. Il me faudrait inventer un mensonge plausiblepour me sortir de ce pétrin. Même si je détestais mon boulot, jene voulais pas être virée – je devais payer le loyer.

— Bien sûr que je les nie.— Vraiment ? demanda-t-elle en levant un sourcil. Parce que

nous avons un témoin qui affirme le contraire.Je secouai la tête.— Je ne nie pas avoir prononcé ces mots, mais je ne voulais

pas parler de M. Rogers.— Alors de qui parliez-vous ?— De mon petit ami – Sean, répondis-je vivement, lâchant le

nom de la première personne qui m’était venue à l’esprit. Jereconnais que je n’aurais pas dû discuter de ma vie privée avecune collègue, et je m’excuse si mes paroles ont été mal

Page 41: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

interprétées, mais je ne faisais aucunement référence à monpatron et collègue, M. Rogers.

Mme Peterson me dévisagea longuement, scrutant monvisage pour y détecter un mensonge.

— Eh bien, il semblerait que notre témoin va trancher.— Candice vient d’arriver, Mme Peterson, résonna la voix de

Jean dans l’interphone.Gloria enfonça le bouton.— Envoyez-la-moi.Candice entra dans la pièce sans m’accorder un seul regard.

J’ignorais ce que cette femme avait à dire. Son box était à l’autrebout du bureau. Comment elle avait pu entendre notreconversation était un mystère. Puis, soudain, je réalisai qu’elleétait allée à la fontaine d’eau pendant que je discutais avecJanice. Je n’arrivais pas à croire qu’elle m’ait dénoncée. Jepensais que tout le monde détestait Carl.

— Pourriez-vous nous dire ce qui s’est passé, Candice ?— Bien sûr, dit-elle. Scarlet s’est tournée vers notre collègue

Janice et lui a dit qu’il avait une tête de cul et que personne nevoulait le baiser. Elle a aussi ajouté qu’il était un horrible éditeuren chef.

— Et comment savez-vous qu’elle faisait référence àM. Rogers ? demanda Mme Peterson.

— Elle a prononcé son nom, répondit Candice.Quelle salope, putain ! J’étais sûre qu’elle pensait bénéficier

d’une manière ou d’une autre de mon licenciement.— Pas du tout, contrai-je. Je n’ai jamais mentionné le nom de

Carl.— Mais avez-vous dit éditeur en chef ? demanda

Mme Peterson. Vous ne l’avez pas nié.— Oui, j’ai bien dit éditeur en chef.Candice finit par me regarder.

Page 42: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Elle l’avoue. Elle faisait référence à Carl, le seul éditeur enchef du bureau. Elle ne pouvait pas parler de quelqu’un d’autre.

J’aurais pu lui enfoncer mon point dans la figure à cettepétasse !

— Il y a d’autres éditeurs en chef dans le monde, tu sais,Candice. Peut-être qu’en entendant le mot éditeur, tu assupposé que je parlais de Carl, ce qui n’était pas le cas.

— Vous voulez dire que Sean est éditeur en chef ? Votre petitami ? demanda Mme Peterson.

— Oui, répondis-je.— Eh bien, quelle coïncidence !Elle me regarda pendant un instant avant de poser les yeux

sur Candice.— Merci, Candice. Vous pouvez reprendre votre travail.Candice sortit du bureau et ferma la porte derrière elle.— Puisqu’il n’y a pas d’autres témoins de l’événement, je vais

ignorer cet incident. Mais si vous créez d’autres problèmes, nousnous réservons le droit de vous licencier sous le motif deperturbation de l’environnement de travail.

J’avais du mal à croire ce qui était en train de se passer. Carlétait le problème, pas moi. C’était lui qui avait baisé la moitié dubureau et menacé de renvoi toute employée qui refusait sesavances !

— Vous pouvez y aller, dit-elle.— Merci, me forçai-je à répondre.Je quittai la pièce et refermai la porte derrière moi. Je

retournai à mon box et m’assis dans mon fauteuil, me remettantau travail comme si de rien n’était. Je ne regardai ni Candice niJanice, conservant ma façade d’indifférence. Carl serait furieuxque je n’aie pas été renvoyée et je voulais paraître complètementà l’aise après l’interrogatoire. Je voulais gagner.

Janice se rapprocha de moi.

Page 43: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle.— Je t’envoie un email.Je ne voulais pas que quiconque nous entende, et encore

moins être surprise en train d’écrire un email personnel sur monordinateur de travail. Je composai donc l’email sur montéléphone, de mon adresse perso, et l’envoyai à Janice. Jel’entendis hoqueter de surprise en le lisant.

Carl s’approcha de mon bureau et je le sentis me fusiller duregard. Après l’avoir laissé poireauter là un moment, je metournai vers lui en souriant, tentant de rester professionnelle. Jesavais que tout le monde observait notre interaction et je voulaisparaître aussi confiante que possible. Je devais garder ce boulotle temps d’en trouver un autre.

Carl posa une brique de cinq cents pages sur mon bureau.— Il me le faut pour demain matin.Je n’eus pas à le feuilleter longtemps pour me rendre compte

que c’était un roman de fiction historique, pas vraiment mondomaine d’expertise. Il me faudrait vérifier tous les faits etréférences historiques. Il me serait impossible de le terminer endouze heures. L’idée était risible. J’avais été embauchée en tantque correctrice de romans de fiction. Je regardai le reçu attachéau manuscrit et lus l’heure de réception. Il avait été envoyé ànotre bureau deux heures plus tôt. Je savais précisément à quoiCarl jouait. Il était résolu à trouver une excuse légitime pour melicencier.

— Aucun problème, répondis-je d’un ton agréable.Il fronça les sourcils en entendant ma réponse. Je vis un éclair

de colère traverser ses yeux. Toujours de mauvaise humeur, Carls’éloigna et retourna à son bureau. Je posai la tête sur le roman,écrasée par un sentiment de désarroi. Je voulais vraiment jeterl’éponge. Carl n’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas eu ce qu’ilvoulait. Mieux valait démissionner que de me faire virer.

Page 44: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je posai les yeux sur Janice, qui me décocha un regard desympathie.

— Je vais t’aider, murmura-t-elle. J’ai quelques faveurs àdemander. Je peux te trouver d’autres éditeurs.

— Merci, Janice.— Tu sais que je suis là pour toi.

Page 45: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre6

DÈS QUE NOUS SORTÎMES DU BUREAU, JE COMMENÇAI À VIDER MON SAC.— Je n’arrive pas à y croire ! Il se fout de moi ou quoi ?— Moi non plus, dit Janice. Peut-être que tu devrais lui tailler

une pipe et oublier tout ça.— Putain, non, lâchai-je.Rien que l’idée de fourrer sa bite dans ma bouche me donnait

la nausée.— Alors peut-être que tu ferais mieux de démissionner, dit-

elle tristement. Tu sais, il va continuer à t’enfoncer…Elle regarda le manuscrit qu’elle tenait en main et soupira.— Tu pourrais te battre. Aller aux ressources humaines et leur

montrer le reçu, qui dit qu’on vient juste de le recevoir. Et leurfaire remarquer que c’est Candice qui est chargée de corriger lesromans historiques, pas toi.

— Non.— Pourquoi pas ? demanda-t-elle. C’est ta seule option.— La directrice vient de me dire que si je causais d’autres

problèmes, la boîte aurait le droit de me licencier. Que c’est légalsi je crée un environnement hostile ou un truc comme ça.

— C’est n’importe quoi !— Tu parles.

Page 46: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Alors qu’est-ce que tu vas faire ? Continuer à sauter d’uncerceau à l’autre jusqu’à ce que tu tombes d’épuisement ?

— Je dois payer mon loyer, dis-je. Il faudra bien que jecontinue jusqu’à ce que je trouve un autre boulot. Et je ne vaispas pouvoir commencer ma recherche ce soir.

— Tu ne pourrais pas emprunter de l’argent pour un mois oudeux ?

— Non. J’ai déjà une fortune à rembourser en prêts étudiants.— Bon ben, alors faudrait qu’on s’y mette. Chez moi ou chez

toi ?— Allons chez moi. Je viens d’aller faire des courses.— OK.Nous étions sur le point de héler un taxi quand je vis Sean

s’approcher de nous, sur le trottoir. Il portait un de ses costumeshors de prix avec une cravate bleu clair et son sac sur l’épaule. Ilsortait manifestement du bureau. Sean semblait encoremélancolique, déprimé et en manque d’affection, mais il avaitmeilleure mine que la veille. Une bonne nuit de repos avait faitdes merveilles.

— Salut, dit-il. Je suis passé voir si tu voulais qu’on dîneensemble ?

Il s’arrêta en arrivant à notre hauteur et jeta un coup d’œil àJanice.

— Salut, je suis Sean, fit-il en tendant la main. C’est unplaisir de te rencontrer.

— Tout le plaisir est pour moi, répondit-elle, un sourireaguicheur aux lèvres quand elle lui serra la main.

Je levai les yeux au ciel.— Ce serait un plaisir de vous inviter toutes les deux, dit-il

poliment.— Je suis désolée, Sean, mais Janice et moi avons beaucoup de

boulot ce soir.

Page 47: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Janice s’éclaircit la gorge avant de prendre la parole :— Tu ne croiras jamais ce qui…Je lui donnai un coup de coude dans le ventre et elle se tut

immédiatement.— Tu peux nous accompagner chez moi, mais on doit

absolument terminer ce projet pour demain matin.— L’échéance est courte.— Oui, on a vraiment procrastiné, sur ce coup-là.Sean me lança un regard dubitatif. Je n’avais jamais

procrastiné de ma vie. En vérité, c’était contraire à mesprincipes. Mais je ne voulais pas l’accabler avec mes problèmes :je savais qu’il avait déjà assez de soucis comme ça. De plus, ilserait furieux envers mon patron. Il n’hésiterait pas à le traîneren justice ou à le tabasser dans une ruelle sombre.

— Je peux vous aider ? demanda-t-il.— Non, ne t’inquiète pas, m’exclamai-je.— Oh oui ! S’il te plaît, enchaîna Janice. On a besoin de toute

l’aide qu’on peut trouver.Je la fusillai du regard.Sean s’éloigna pour héler un taxi. J’en profitai pour la

réprimander.— Laisse-le en dehors de ça ! Il déprime à mort, et il a besoin

de souffler.— Tu as déjà été déprimée, dans ta vie ? rétorqua-t-elle. Il a

besoin d’une distraction. Et tu sais qu’on est désespérées. Avecun tel costume, je suis sûre qu’il s’y connaît un peu engrammaire et en syntaxe. Il pourrait nous aider avec ça. Ou ilpourrait faire des recherches historiques pour nous. Je necomprends pas pourquoi tu ne veux pas lui dire ce qui se passe. Ilest au courant ?

— Non, répondis-je en secouant la tête. Je ne veux pasl’emmerder avec tout ça.

Page 48: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Et tu es sûre de ne pas éprouver de sentiments pour lui ?Je levai les yeux au ciel.— Bien sûr que j’aime Sean. C’est mon meilleur ami, mais

c’est tout.— OK, soupira-t-elle.Elle s’éloigna et monta à l’arrière du taxi. Sean nous tint la

porte pour que nous prenions place.Quand le taxi se glissa dans la circulation, Sean se tourna vers

moi.— Qu’est-ce qui se passe, Scar ?— Rien, mentis-je. On est juste à court de temps.Je pus voir à sa tête qu’il ne me croyait pas, mais, à mon plus

grand soulagement, il n’insista pas. Il se tourna vers la fenêtretandis que nous roulions vers mon appartement. Le taxi s’arrêtaen double file et Sean nous tint la portière pour nous laissersortir. Puis il nous suivit jusqu’à chez moi.

Nous nous installâmes à la table de la cuisine. Je donnai àJanice mon ordinateur de secours et Sean sortit le sien de sonsac. Nous nous attelâmes à la tâche monumentale.

Janice ouvrit la copie numérique et plissa les yeux en lisant lespremières lignes.

— La nuit va être longue, dit-elle.Je parcourus quelques pages et me rendis compte que c’était

un récit détaillé de la guerre froide en Russie. Je n’avais aucuneconnaissance ou compréhension particulière sur cette période.J’avais suivi des cours d’histoire à l’université, mais je n’yconnaissais rien aux guerres russes. Les seules guerres quim’étaient quelque peu familières étaient les deux mondiales et,même celles-là, je n’en connaissais pas les détails.

Sean posa les yeux sur la version papier et remarqua le reçusur la page de couverture.

— Le livre a été reçu aujourd’hui, fit-il remarquer. C’est quoi

Page 49: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’urgence ? Je ne reconnais même pas le nom de l’auteur.— C’est une longue histoire.— Eh bien, j’ai toute la nuit, annonça-t-il.Je détournai les yeux de mon écran et croisai son regard.— Tu n’es pas obligé de nous aider, Sean. Mais tu peux

prendre mon lit si tu veux dormir ici.Du coin de l’œil, je vis Janice lever les yeux de son écran et

sourire. Je savais ce que ce regard signifiait. Elle ne croyaittoujours pas que mon amitié avec Sean était platonique.

— Et tu n’es même pas relectrice de fiction historique, Scar.Ça n’a aucun sens.

Il continua à me dévisager, mais je posai les yeux sur monécran. Je pouvais sentir ses yeux bleus sur ma peau, me perçant àjour. Il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Et ilm’en voulait de lui mentir.

— Janice travaille comme relectrice de fiction historique.J’essaie juste de l’aider.

Il tendit la main et attrapa mon poignet. Je ne reculai pasquand il le serra. Il me touchait rarement, mais ce contact ne medérangeait pas.

— Tu me caches quelque chose.— Sérieusement, ne t’inquiète pas, Sean. J’ai des échéances

et des horaires à respecter comme dans n’importe quel boulot.Ce n’est pas toujours de la tarte.

— OK, céda-t-il en s’adossant à sa chaise et en tirant lemanuscrit vers lui. Comment puis-je t’aider ?

— Relis-le.Il posa les yeux sur le manuscrit puis sur moi.— Tout ? demanda-t-il.— Oui.— Il fait au moins cinq cents pages…— Je sais.

Page 50: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Sean soupira en tournant la première page.— Tu as de la chance que je sois ton ami.— C’est discutable, plaisantai-je en souriant.Je rejetai mes longs cheveux bruns derrière mon épaule et me

débarrassai de mes stilettos. C’était une véritable torture pourmes pieds. Ma robe était en train de remonter, mais je m’enfichais. Ça ne dérangerait ni Sean ni Janice.

Nous travaillâmes toute la nuit, sans parler la plupart dutemps. Nous commandâmes une pizza vers minuit et ladévorâmes comme des loups affamés. Sean nous prépara du caféet nous resservit à plusieurs reprises. Vers cinq heures du matin,il referma l’ouvrage et le poussa sur le côté.

— J’ai terminé, lança-t-il.— Merci, le remerciai-je avec sincérité. De mon côté, j’ai

ajouté quelques commentaires concernant le contenu et j’aichangé quelques dates. Les évènements n’apparaissaient pastous dans l’ordre.

— J’ai trouvé des erreurs aussi, ajouta Janice.Sean passa ses mains dans ses cheveux bruns puis massa sa

nuque.— Je suis épuisé, dit-il.— Tu peux encore rentrer dormir quelques heures avant

d’aller travailler.— Ça te dérange si je dors ici ?— Non, bien sûr que non, répondis-je. Tu sais que tu es

toujours le bienvenu. Tu as la clé, après tout.Janice secoua la tête et je surpris son regard.— OK, alors je vais aller me coucher, déclara-t-il en se levant

de table avant de se tourner vers Janice. C’était sympa de terencontrer.

Celle-ci lui sourit et hocha la tête.— Et merci de m’avoir laissé me joindre à vous, Scarlet.

Page 51: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je lui souris. Sean semblait calme et posé, mais je savais qu’ilétait vraiment déprimé. Les émotions luttaient dans son cœur,dans l’abîme de son âme, et l’accablaient. Je me sentaisimpuissante : je ne pouvais pas l’aider. Seul le temps luipermettrait de se remettre de sa rupture. Sean entra dans machambre et referma la porte derrière lui.

Janice leva les yeux de son écran et, anticipant sa remarque, jelui coupai l’herbe sous le pied.

— J’ai capté.— Vous êtes vraiment bizarres, tous les deux.— On est amis – qu’est-ce qu’il y a de bizarre là-dedans ? Tu

n’as jamais eu un ami ?— Bien sûr que j’ai des amis, ricana-t-elle. Mais on a toujours

été plus loin à un moment ou un autre. On n’a pas forcémententretenu une liaison, mais on a franchi quelques limites. Alorstu n’as jamais voulu tâter le terrain ?

— Non.— Sean est mignon – craquant, même. Tu ne le trouves pas

attirant ? Je commence à croire que tu es lesbienne.— Je le trouve très beau gosse et il est parfait sous tout

rapport, mais non, je ne le considère que comme un ami.— Tu le connais depuis longtemps ?— Depuis le premier cycle.— À Harvard ? demanda-t-elle.— Oui. J’ai étudié en lettres. Sean a étudié en affaires.— Et vous êtes amis depuis aussi longtemps ?— C’est toute l’histoire – rien de plus.Janice hocha la tête. Elle n’en rajouta pas sur le sujet. Je sentis

que le chapitre était clos – et, franchement, j’étais fatiguée detoujours défendre notre amitié. J’espérais que l’interrogatoireétait terminé et qu’elle avait fini par accepter mon histoire. Seanétait mon ami et rien de plus.

Page 52: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Bon, ben, j’ai fini. Et toi ? demanda-t-elle.— Moi aussi.— Tu sais que s’il trouve une seule erreur, il te virera ?— Oui. Mais je pense qu’on a couvert le tout.— Et s’il te donne un autre manuscrit ?Je secouai la tête, refusant de penser à cette éventualité.— Je le poignarderai avec mon Bic.— Je t’aiderai, dit-elle en faisant cliquer son stylo à bille.Épuisée, mes yeux se fermant d’eux-mêmes, j’éclatai

néanmoins de rire. Parfois, l’épuisement rendait la réalité plusmarrante qu’elle ne l’était – comme sous l’influence de l’alcoolou de drogues.

— Bon, on pourrait dormir quelques heures, suggérai-je.Janice secoua la tête.— Je dois rentrer prendre une douche et me changer.— Je peux toujours te prêter quelque chose. On fait la même

taille. Sinon, tu perdras du temps à rentrer chez toi avant d’allertravailler. C’est ton choix.

Elle y réfléchit un instant.— Alors j’accepte ton offre.— Super, dis-je en me levant de ma chaise.J’allai lui chercher une jupe crayon moulante et un chemisier

rose, puis lui tendis une serviette propre pour qu’elle puisseprendre une douche.

— Le canapé est tout à toi, dis-je. Dors bien.Elle entra dans la salle de bain et referma la porte. J’entrai

dans ma chambre et vis Sean endormi dans mon lit, en boxer. Ilavait replié ses vêtements correctement sur une chaise pouréviter de les froisser encore plus qu’ils ne l’étaient déjà. Avant deme coucher, je sortis la planche et repassai ses vêtements,lissant le tissu. Quand j’eus terminé, sa chemise était commeneuve. Je la pendis à un cintre et m’effondrai dans mon lit,

Page 53: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

m’endormant dès que ma tête toucha l’oreiller.Mon réveil sonna une seconde plus tard – du moins, c’est ce

qu’il me sembla. Je roulai hors du lit comme un zombie, à larecherche de mes chaussures et de mon sac. L’acide meremontait dans l’œsophage et mon corps était endolori departout. Sean se rassit dans le lit et se frotta les yeux, tentantd’apaiser la douleur derrière ses paupières. Il se glissa hors du litet s’approcha de ses vêtements. Je le regardai, debout en boxer,dans ma chambre, et admirai son physique parfait, puissant etathlétique. Il s’empara de son costume et remarqua le tissuparfaitement repassé. Sean s’habilla puis noua sa cravate.

— Merci, dit-il.— De rien, répondis-je. C’était le moins que je puisse faire.

Tu m’as sauvé la mise, Sean.— Tu sais, je ne fais que te rendre la pareille.Je rassemblai mes affaires et nous nous dirigeâmes tous vers

la porte. Sean me fit un signe de la main avant de s’éloigner dansla direction opposée. Sa firme se trouvait à l’est. Janice et moimarchâmes en silence jusqu’au bureau. Je me raccrochais aumanuscrit corrigé comme si c’était un trésor.

Nous arrivâmes avant l’heure et je posai le premier jet corrigédans la boîte de Carl. Je voulais qu’il s’y trouve avant même qu’iln’arrive. Je m’assis à mon bureau et vérifiai ma boîte deréception. Sean m’avait envoyé un court email depuis sontéléphone. Merci pour tout, Scar, disait-il simplement. Je medemandai pourquoi il ne m’avait pas envoyé un message à laplace, mais ne m’attardai pas longuement sur ce détail. Peut-être savait-il que je vérifiais mes emails en premier ? Qui sait ?

Carl sortit de l’ascenseur et me décocha un regard noir tout ens’approchant de son bureau. Il supposait sans doute que jen’avais pas accompli la tâche dans les temps. Au fond de moi,j’espérais qu’il le pensait et que, par inattention, il ne vérifierait

Page 54: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pas sa boîte avant de me harceler. Je sus que mon rêve le plus fouvenait de se réaliser quand je le vis parader vers mon box, sousles yeux de tous mes collègues, qui attendaient l’orage qui allaitsuivre.

— Alors, où est-il ? Je vous préviens : si vous êtes incapablede faire votre boulot, je trouverai quelqu’un qui le fera à votreplace.

— M. Rogers…— Je n’accepterai pas d’excuses, Scarlet, hurla-t-il. Vous

n’avez pas fait votre boulot et je vous renvoie de votre poste.— M. Rogers !— Vous êtes renvoyée. Inutile de protester.Charlie, son assistante, s’approcha de Rogers avec le

manuscrit en main. Je ne pus ravaler mon sourire.— Le voilà, monsieur. Il était dans votre boîte. Je viens de le

trouver.Carl posa les yeux sur sa jeune assistante puis sur moi.— Il a intérêt à être parfait, Scarlet.— Je ne déçois jamais, rétorquai-je en souriant.Carl tourna les talons et s’éloigna en trombe. Janice me jeta

un coup d’œil et se risqua à me toper la main.— On lui en as mis plein la gueule, dit-elle.

Page 55: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre7

SEAN

Mes yeux ne cessaient de se fermer tout seuls, mais je lesforçai à rester ouverts et me concentrai sur mon écran. Je n’avaisdormi qu’une heure ou deux et j’en payais les frais. J’ouvris monsac et regardai les médocs que j’avais conservés à la suite d’uneopération, me demandant s’ils me soulageraient. La douleurcausée par l’abandon de Pénélope était toujours vive et jecherchais une échappatoire. Je savais que Scarlet serait furieuseque j’aie recours à une telle tactique ; je rangeai le flacon dansmon sac et le refermai.

Je reposai les yeux sur l’écran, mais mon esprit ne cessait dedivaguer, incapable de se concentrer sur le compte que j’étaiscensé analyser. Pénélope était constamment dans mes pensées.Elle ne m’avait pas appelé ni contacté d’aucune autre façon. Jen’avais reçu aucun coup de fil ou message de sa part. Chaque foisque le téléphone sonnait, je priais pour que ce soit elle. Aprèsavoir relu le même paragraphe trois fois, je sortis mon téléphonede ma poche et regardai l’écran. Toutes nos conversationsétaient toujours dans mes messages et je me sentais incapable deles supprimer. Elles étaient tout ce qui me restait d’elle.

Voir son nom sur l’écran me donna envie d’appuyer sur

Page 56: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’icône d’appel et lui parler. Je voulais la supplier de me donnerune autre chance, de me reprendre. Je ferais tout ce qu’ellevoudrait pour recoller les morceaux, tout. Mais, après avoirinspiré profondément, je verrouillai l’écran et rangeai letéléphone dans ma poche. J’étais certain qu’elle n’en avait rien àfaire de mes suppliques. Mon sac était posé sous monbureau, contre ma jambe, et je le sortis pour chercher l’écrin quej’y avais rangé. Je sortis la bague de fiançailles que j’avaisachetée pour Pénélope et la contemplai longuement. Enl’achetant, j’avais imaginé qu’elle la porterait partout. Si un mecla draguait, elle répondrait « Je suis prise » avec un sourire auxlèvres. Ç’avait été mon rêve de l’épouser, de la revendiquer etqu’elle soit mienne. Que les autres hommes, jaloux, regardentavec envie la femme à mon bras. Je voulais qu’elle devienne lamère de mes enfants et la femme aux côtés de qui je vieillirais.J’avais toujours du mal à croire que ce rêve n’était plus. Nousétions faits l’un pour l’autre. Comment pouvait-elle ne pas levoir ?

Je rangeai l’écrin dans la poche de mon sac, le dissimulant àma vue. La bague m’avait coûté une fortune, mais, à mes yeux,elle était tout ce que Pénélope méritait. Je ne l’avais pas ramenéeau bijoutier parce qu’une part de moi espérait – priait – qu’elleme revienne, qu’elle réalise son erreur. De plus, elle avait étéfaite sur mesure et son nom y était gravé. Je ne récupéreraisqu’une fraction de ce que j’avais déboursé. Ils récolteraient lesdiamants que j’avais choisis pour elle, les pierres les plusprécieuses que j’aie trouvées, et recycleraient l’or blanc pour enfaire une autre bague pour une autre future mariée. Je n’étaistout simplement pas encore prêt à l’accepter.

Scarlet n’avait pas mentionné Pénélope une seule fois. Je luien étais reconnaissant. Enfin, à part quand elle m’avait avouéque Pénélope lui en avait parlé avant de me larguer. Je ne

Page 57: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

comprenais toujours pas pourquoi Pénélope avait averti Scarletla première : ça ne la regardait pas. J’avais fait l’erreur de croireque ma petite amie aurait la courtoisie de rompre avec moid’abord, avant d’en parler à quelqu’un d’autre. Ça me donnaitl’impression d’être un moins que rien.

L’écran de l’ordinateur s’était mis en veille, ce qui me rappelale travail que j’étais en train de négliger. Je continuai ma lecturependant une bonne heure et, quand la journée de travail futenfin terminée, je rentrai chez Scarlet en utilisant ma clé. Je nevoulais pas être seul et je n’avais aucune honte à le reconnaître.

Scarlet rentra quelques minutes plus tard et ne sembla passurprise de me trouver sur son canapé, devant la télévision, latélécommande en main.

— Je suis surprise que tu ne dormes pas encore, dit-elle enposant son sac sur la table.

Scarlet ôta ses chaussures à talons et massa ses pieds. Lesescarpins faisaient partie du code vestimentaire de sa boîte, maisils lui faisaient mal aux pieds. Cela dit, ils lui faisaient aussi unbeau petit cul.

— Je t’attendais.Elle entra dans sa chambre et ferma la porte. Supposant

qu’elle se changeait, je restai dans le salon jusqu’à ce qu’elleressorte. Quand la porte s’ouvrit, elle portait un de mes vieuxpulls d’université et un short tout simple. Elle s’étaitdémaquillée. Je la trouvais tout aussi belle au naturel.

— Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-elle ens’installant à côté de moi.

Je haussai les épaules. Ma journée avait été déprimante et jene voulais pas en parler.

— Et la tienne ? Ton patron a été satisfait par ton travail ?— Ça, il l’était, répondit-elle en souriant.— Bien joué, dis-je en tapotant sa cuisse.

Page 58: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je m’enfonçai entre les coussins et sentis mes paupièress’alourdir. Même si la journée avait été épuisante, je savais que jene parviendrais pas à dormir seul. Je souffrais trop. Quand j’étaisavec Scarlet, mon corps se détendait vraiment.

— Tu m’accompagnes toujours au gala demain ?— Évidemment, répondit-elle.— Cool, fis-je, les yeux fermés.Je la sentis tapoter mon épaule.— Allez, lança-t-elle. Allons nous coucher. Je dois faire une

sieste. Ensuite, on pourrait aller au ciné. Ça fait longtemps.J’ouvris les yeux et me relevai.— Ça marche.Nous entrâmes dans sa chambre et je me débarrassai de mes

vêtements. Je ne dormais généralement pas tout nu, mais jen’avais pas de vêtements de rechange et je refusais de mecoucher en costume. Scarlet ne sembla pas dérangée par la vuede mon corps à moitié dénudé. Elle m’avait déjà vu en caleçon. Jeme couchai à ses côtés.

— Tu vas bien ? demanda-t-elle.— Non. Mais ça va un peu mieux.Elle se tourna vers moi.— Ça ira mieux, tu sais ?Je sentis sa main se glisser dans la mienne et ne la lâchai pas.— Je l’espère bien.— J’en suis sûre.Scarlet me serra la main et je fermai les yeux, m’endormant

immédiatement.

Page 59: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre8

EN ME RÉVEILLANT, JE SENTIS SA PETITE MAIN CHAUDE DANS LA MIENNE.Elle était couchée sur le côté, dans la même position quelorsqu’elle s’était endormie. Les mèches de ses cheveux brunsbouclaient autour de son visage et faisaient ressortir sespommettes. Elle semblait en paix et reposée. Je ne l’avais jamaisregardée dormir avant et j’avais l’impression de la reluquer.

Elle ouvrit les yeux et me regarda. Son sourire habituel fenditses lèvres et elle retira sa main de la mienne, s’étirant sur toutela longueur du lit.

— Tu as bien dormi ? murmura-t-elle.Je passai une main dans mes cheveux puis frottai mes yeux

pour évacuer le sommeil. Dormir était un luxe rare ces temps-ci.Mon esprit était constamment distrait par la douleur sourde quim’élançait la poitrine. J’avais du mal à me détendresuffisamment pour tomber dans l’inconscience. Et, quand c’étaitle cas, je faisais d’horribles cauchemars à propos de Pénélope quime quittait. C’était un cercle vicieux. Heureusement, la présencede Scarlet soulageait tous mes maux. Elle était comme monattrape-rêve, chassant les cauchemars qui me tourmentaient.Sans elle, j’ignorais vraiment ce que j’aurais fait.

— Pas trop mal, en vérité, répondis-je tout bas.

Page 60: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Elle se leva du lit et s’approcha de son armoire. Ellecontempla un moment sa penderie avant d’en sortir une petiterobe et une paire de sandales.

— Tu veux toujours aller voir un film ?— Je vois bien que tu en as envie, répondis-je en souriant.— Alors, dépêche-toi de t’habiller.Elle entra dans la salle de bain et disparut. Je me levai à mon

tour et revêtis mon costume. Je n’avais aucune envie de porterune tenue si habillée, mais j’avais tellement peur de meretrouver seul dans mon appartement – ne serait-ce quequelques minutes – que je ne rentrerais pas sans êtreaccompagné de Scarlet. C’était vraiment lamentable. Tout dansmon appartement me rappelait Pénélope. Je ne pouvais pas mecoucher dans mon lit sans penser au nombre de fois où nous yavions fait l’amour. Manger à table me remémorait les soirs oùelle avait cuisiné pour moi. Dans la salle de bain, je revivais nosmoments intimes sous la douche. Pourquoi Pénélope m’avait-elle quitté ? Pourquoi les choses avaient-elles changé ? J’avaisété si heureux avec elle.

Scarlet sortit de la salle de bain, vêtue d’une robe dorée qui luiallait bien au teint. Elle était si belle, comme toujours, que je medemandai pour la énième fois pourquoi elle ne fréquentaitpersonne. Elle aurait pu avoir qui elle voulait.

— Tu vas porter ça pour aller au ciné ? demanda-t-elle en meregardant. T’es qui ? Donald Trump ?

J’éclatai de rire.— Je n’ai pas d’autres vêtements.— On pourrait passer par chez toi avant d’y aller, suggéra-t-

elle.— Heu, bredouillai-je. C’est bon, vraiment.Elle me dévisagea un instant. Cette femme pouvait lire en moi

mieux que quiconque – même Pénélope.

Page 61: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Reste ici et j’irai te chercher un truc à enfiler, ça te va ?Je soupirai. Scarlet était merveilleuse et je savais que je me

comportais comme une mauviette.— Non. On va y faire un saut en chemin.— Tu es sûr ? demanda-t-elle en me regardant dans les yeux.— Ce n’est pas si mal quand tu es avec moi, répondis-je en

hochant la tête.Nous quittâmes son appart et prîmes un taxi jusqu’à mon

immeuble. En arrivant devant ma porte, je triturai nerveusementmon trousseau de clés avant d’insérer la bonne dans la serrure.Scarlet franchit le seuil et se dirigea directement vers machambre. Elle sortit un jean et une chemise grise de monarmoire, qu’elle me lança avant de sortir de la pièce.

Je souris en m’habillant. Je savais qu’elle voulait m’aider àsortir de là aussi vite que possible. Lorsque je revins dans lesalon, toutes les photos de Pénélope s’étaient volatilisées. Cellesqui se trouvaient sur la table basse et les autres, accrochées aumur, avaient disparu. Je comptais m’en débarrasser moi-même,mais j’en avais été incapable. J’espérais toujours que Pénélopeme revienne et que je n’aie pas à faire ça. Scarlet m’aidait à fairele pas, et je lui en étais reconnaissant.

— Merci, murmurai-je.— Allons-y, dit-elle sans me prêter attention.Nous sortîmes de l’immeuble et nous rendîmes au cinéma le

plus proche à pied. La nuit était tombée et la température n’étaitplus aussi étouffante. Une brise légère soufflait dans la rue et lesallées, faisant voler les longues mèches de Scarlet. Je mis lesmains dans les poches et marchai à ses côtés. Le trottoir étaitbondé de passants, mais la foule ne me dérangeait pas. J’en avaisl’habitude. Un courant d’air froid, sorti de nulle part, me rappelasoudain Seattle.

— Comment va Ryan ? demandai-je.

Page 62: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Elle eut un mouvement de recul en entendant ma question.— Bien… Je crois.— Tu ne lui as pas parlé récemment ?— Pas trop, non, répondit-elle en haussant les épaules.— J’ai vu un tatouage qui devrait lui plaire ! Je lui ai envoyé

par message l’autre jour.Son frère était tatoueur, mais n’avait pas d’encre sur la peau.

J’avais toujours trouvé ça ironique.— Je suis sûre que ça lui a beaucoup plu.Scarlet avait toujours été très proche de son frère et sa

réponse sèche m’inquiéta. En règle générale, elle ne savait pas setaire à son propos.

— Quelque chose ne va pas, Scar ?Ma question la ramena à la réalité.— Non ! s’exclama-t-elle vivement. C’est juste que ça fait un

moment que je ne lui ai pas parlé.Je décidai de laisser tomber le sujet. Peut-être s’étaient-ils

disputés, même si c’était improbable. Ils se chamaillaient et sebouffaient le nez, mais ils avaient toujours été proches. Quand ilsétaient ensemble, ça se voyait qu’ils étaient très bons amis.J’avais toujours trouvé leur relation étrange, mais, aprèsquelques années, je m’y étais habitué.

Quand nous arrivâmes au cinéma, Scarlet passa son bras sousle mien. Elle ne se montrait pas d’ordinaire aussi affectueuse etme touchait rarement, mais son geste m’apaisa. Elle étaittoujours là pour moi. Je baissai les yeux vers elle, attendri, maiselle était absorbée par les affiches des films.

— Qu’est-ce que tu aimerais voir ? demanda-t-elle.— Je peux choisir ? Tu ne me laisses jamais choisir !— C’est ton jour de chance, soupira-t-elle en haussant les

épaules.— Je devrais me faire larguer plus souvent.

Page 63: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Elle me décocha un beau sourire.— Tu as une préférence ?— Rien qui parle d’amour ou de trucs sentimentaux.— OK, d’ac. Moi, je m’en fous de ce qu’on va voir.— Depuis quand ? fis-je en riant.— Allez, choisis, insista-t-elle en me pinçant le flanc.— Je veux voir un film avec des flingues, des explosions et des

cadavres partout.Elle leva les yeux au ciel.— C’est vraiment cliché…— Eh ! Tu m’as dit que je pouvais choisir, non ?— J’ai dit que tu pouvais choisir le film. Je n’ai jamais dit que

je ne pouvais pas me moquer de ton choix.Elle s’approcha du guichet et m’entraîna dans son sillage.— Et si on allait voir le nouveau James Bond ?— Ça roule, dis-je en opinant.— Il y aura des flingues, des explosions et des cadavres… Et il

y aura plein de bombes sexuelles.— Tu crois que je ne le savais pas ? pouffai-je.Elle me lança un regard noir puis avança vers la vitre. Elle

commanda nos billets, que je payai malgré ses protestations,puis nous entrâmes. Je détestais que Scarlet paie pour quoi quece soit. Je savais combien ses prêts étudiants pesaient sur sesépaules. Mes études avaient été financées par mes parents, maisScarlet n’avait pas eu ce luxe. J’avais offert de l’aider àrembourser ses prêts, mais, en femme têtue qu’elle était, elleavait refusé mon aide. Mes parents aimaient Scarlet comme leurpropre fille. Si je leur avais demandé de régler ses dettes, ilsl’auraient fait sans hésiter. Cela dit, Scarlet n’accepterait jamaisça non plus.

— Tu veux manger quelque chose ? proposai-je.— Tu plaisantes ? répondit-elle en haussant un sourcil.

Page 64: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Quoi ?— C’est une question sérieuse ? demanda-t-elle. Bien sûr que

je veux manger quelque chose.— C’est vrai, j’avais oublié ! Tu es une goinfre.— Une goinfre canon, dit-elle en souriant.— Sexy ! ajoutai-je en sifflant.Nous fîmes la file et je commandai quand ce fut notre tour.— Juste un sachet de popcorn, s’il vous plaît, dis-je en

ouvrant mon portefeuille.Scarlet me coupa le sifflet :— Ajoutez un paquet de Skittles, un Milk Duds et un autre

popcorn.Je la dévisageai, abasourdi.— Je pensais qu’on allait partager un popcorn ?— J’ai très faim.J’éclatai de rire. Scarlet ne cessait jamais de me surprendre. Je

sortis l’argent de mon portefeuille et le tendis à la caissière.Nous rassemblâmes nos collations et entrâmes dans la salle.

— Je pensais aller dîner après la séance, dis-je.— Moi aussi.Elle s’installa dans un siège et commença à dévorer ses

popcorns. Les sucreries attendaient leur tout sur l’accoudoir.— Tu es affamée ou quoi ? pouffai-je.— Non, répondit-elle en me fusillant du regard. J’aime juste

manger.— Apparemment.Elle me lança un popcorn, qui rebondit sur mon épaule.— Eh ! Je fais du sport.— Heureusement !Elle me visa à nouveau.Le film commença et je me tournai vers l’écran. Je m’adossai

à mon siège et me plongeai dans l’action du film. Je voulais me

Page 65: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

distraire, oublier la réalité perturbante de mon esprit. À la moitiédu film, Scarlet posa sa tête sur mon épaule et je la laissai faire.Au début, je pensai qu’elle se montrait simplement affectueuse,mais je me rendis compte qu’elle se servait dans mon seau depopcorn car elle avait fini le sien.

— T’es pas possible, murmurai-je avant de rire sous capepour ne pas déranger nos voisins.

— On me le dit souvent, marmonna-t-elle, la bouche pleinede popcorn.

Je tentai de me contrôler, mais son commentaire me fitpleurer de rire. La dame âgée assise à côté nous regarda detravers avant de faire « chut ».

Scarlet prit un popcorn et le lui lança, la heurtant en pleinvisage. La femme la dévisagea d’un air choqué, incapable d’encroire ses yeux. Son visage s’empourpra puis elle se tourna surson siège, entraînant son mari aussi âgé qu’elle hors de la salle.Lorsqu’ils furent partis, j’éclatai de rire.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies fait ça, dis-je.Scarlet continua à manger mes popcorns.— Les touristes devraient connaître leur place.— Comment sais-tu qu’ils ne sont pas d’ici ?— Tu plaisantes ? murmura-t-elle. Aucun habitant de

Manhattan n’oserait nous dire de nous taire dans un cinéma.— Et personne ne serait suffisamment idiot pour lancer du

popcorn à une vieille dame, ajoutai-je. Elle avait au moinssoixante-dix ans ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?

Même si je pensais que Scarlet avait mal agi, je la trouvaishilarante. C’était bien son genre, de s’en sortir impunément.

— Elle s’en remettra, dit-elle avant de reporter son attentionsur le film.

Je la contemplai un moment, étudiant sa manière de placer lepopcorn salé dans sa bouche. Ses lèvres étaient rouges et

Page 66: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

brillaient à la lueur de l’écran. Ses ongles arboraient un vernisrose pâle, une couleur qui lui allait bien au teint. Je me rendiscompte que j’agissais bizarrement : je reluquais ma meilleureamie pendant qu’elle regardait le film. Je reportai mon attentionsur James Bond pour le voir tuer quelques méchants, sauter unenana puis passer à l’action suivante. Durant tout ce temps, je necessai de penser aux lèvres et aux ongles de Scarlet, sans savoirpourquoi. Ils avaient capturé mon attention.

À la fin du film, nous quittâmes la salle et Scarlet jeta toutesses boîtes vides à la poubelle. Son seau de popcorn était si proprequ’on aurait dit qu’elle l’avait reléché. Arrivé à la porte, je la luiouvris pour qu’elle sorte en premier.

— Je suppose que tu es gavée. Si je mangeais autant depopcorn, je serais malade.

Elle passa ses doigts dans ses cheveux, ce qui porta ses onglesà mon attention.

— Où veux-tu manger ?— Tu plaisantes ou quoi ? demandai-je en riant.— Un restau italien, ça te dit ? On pourrait aller là où on va

toujours.Je me mis en marche et la suivis. Je regardai sa robe mouler

son ventre plat et ses jambes galbées.— Allez, dis-moi franchement… Où mets-tu tout ça ?— Ne t’inquiète pas. J’en ferai les frais à la salle demain, puis

je m’affamerai toute la semaine.En arrivant au restaurant italien que Scarlet adorait, nous

vîmes la longue file à l’extérieur. Je regardai par la vitre et merendis compte que l’endroit était bondé.

— Tu veux aller ailleurs ? demandai-je.Elle secoua la tête.— On y est déjà…Je soupirai.

Page 67: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Il y a au moins une heure d’attente !Elle battit des cils et entortilla ses cheveux autour d’un doigt,

me charmant du regard.— D’accord, soupirai-je de nouveau.— Merci, répondit-elle en souriant.Je m’approchai de l’hôte et lui demandai d’inscrire nos noms

sur la liste d’attente. En retournant vers Scarlet, je sentis mavessie sur le point d’exploser. Nous venions de regarder un filmde deux heures et j’avais vraiment besoin de pisser. Je balayai lafoule du regard et la trouvai assez inoffensive. Je savais queScarlet pouvait se débrouiller comme une grande, mais je nevoulais pas la laisser seule dans les rues de la ville. Ce n’était pasmon genre. Scarlet était futée. Je ne m’inquiétais pas souventpour elle, car elle ne se mettait jamais volontairement en danger.Si elle sortait la nuit, elle était généralement accompagnée parses amies et, parfois, elle m’appelait pour la ramener, juste pourne pas devoir rentrer chez elle toute seule. Ça ne me dérangeaitjamais qu’elle m’appelle. En réalité, j’appréciais son geste.J’ignorais ce que je ferais si quelque chose lui arrivait. Je m’étaismontré un peu autoritaire avec Pénélope, pour m’assurer qu’ellen’aille jamais nulle part toute seule. Je savais que ça la gavaitparfois, mais je ne pouvais tolérer l’idée que ma petite amie sefasse violer, attaquer, kidnapper ou tuer. Je ne pouvais vivre aveccette pensée.

— Ça ne te dérange pas que j’aille aux toilettes ? demandai-je.— Quoi ? s’écria-t-elle en levant les yeux au ciel. Tu veux que

je te tienne la porte ?— Non, répondis-je en riant. Mais ça ira ? Je serai parti

quelques minutes.Elle regarda la foule qui l’entourait. Un couple âgé attendait à

côté de nous. L’homme avait une béquille et la femme était entrain de prendre un médicament.

Page 68: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je crois que je survivrai, assura-t-elle avec sarcasme.— OK.J’entrai dans le restaurant et me dirigeai vers les toilettes.

L’éclairage tamisé me détendit. La musique d’ambiance était unchant d’opéra et je la trouvai incongrue. Cet opéra était-il italien? Il n’y avait personne dans les toilettes, heureusement. Je necomptais plus le nombre de fois où un autre type avait regardémon paquet aux urinoirs. Pour ma part, je ne regardais jamaispersonne sous le cou. Je quittai les toilettes et, un instant plustard, je sortis retrouver Scarlet. Mais la vue me fit serrer lespoings.

Un homme était debout devant Scarlet, penché vers elle, bientrop près de son visage. Il avait une bière en main et ne cessait derenverser le liquide doré sur le trottoir. À l’évidence, il l’avaitremarquée alors qu’il était au bar et, maintenant qu’il étaitsaoul, il avait eu le courage de venir lui parler. Ce n’était pas monrôle d’empêcher d’autres hommes de draguer Scarlet, mais ellene cessait de reculer, apparemment mal à l’aise. Elle avait croiséles bras sur sa poitrine et ses traits étaient déformés par la peur.Elle était insolente en toute situation et le fait qu’elle se montresi passive m’inquiéta. Cela dit, le mec était un colosse. Il étaitplus grand que moi et avait un regard malfaisant. Je comprenaisqu’elle soit intimidée.

J’empoignai le bras du type et le forçai à reculer.— Laisse-la tranquille, ordonnai-je en entendant Scarlet

soupirer de soulagement.Le mec chancela en reculant et renversa de la bière sur sa

chemise. Lorsqu’il retrouva ses repères, il me lança un regardnoir et empreint de colère.

— Tu crois que t’es qui, putain ? rugit-il en me repoussant.Je ne voulais pas que les choses dégénèrent. Je voulais

simplement qu’il laisse Scarlet en paix. Celle-ci me contourna

Page 69: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pour éviter de se retrouver entre nous. Je ne reculai pas devantlui et m’intercalai entre eux.

— Dégage. Maintenant.Il fracassa son verre par terre pour le transformer en arme.

Tous les spectateurs poussèrent des cris de surprise ets’éloignèrent. La vieille femme qui était sous médicaments hurlade terreur. J’entendis Scarlet me dire de reculer. Mais je netournerais jamais le dos à quelqu’un qui avait une armetranchante. J’avais appris ça il y a longtemps.

J’attendis qu’il s’élance. Il approcha le tesson de mon ventre,mais j’attrapai son bras et le fis tourner sur lui-même, leplaquant dans son dos avant de donner un coup de pied àl’arrière de ses genoux pour le faire tomber. Il tenta de résister,mais, après un instant, s’immobilisa.

— Lâche-moi, enfoiré !— La police est en route, dit l’hôte.Plusieurs serveurs sortirent du restaurant et maîtrisèrent le

fauteur de trouble.— Vous devriez y aller, me prévint l’hôte avec un regard

entendu.Je le regardai à mon tour. Il avait raison. Je n’avais aucune

envie de me retrouver face à la police. Je m’approchai de Scarlet,saisis son bras et l’éloignai de l’entrée du restaurant. Je passaimon bras autour de sa taille et la serrai contre moi. J’ignoraispourquoi, mais je voulais m’assurer qu’elle soit en sécurité etdans mes bras. Nous restâmes silencieux pendant plusieursminutes tout en nous éloignant du restaurant.

— Ça va ? finis-je par demander.Nous nous arrêtâmes sur le trottoir et je baissai les yeux vers

elle. Elle ne semblait pas blessée.— Oui, ça va, répondit-elle calmement. Et toi ?— Moi ça va, dis-je en opinant.

Page 70: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Merci.Je ne réagis pas à son commentaire. Tout sourire, je tentai de

détendre l’atmosphère.— Je ne peux pas te laisser seule une minute, pas vrai ?— Je ne sais pas pourquoi j’attire tous les types louches, se

plaignit-elle en secouant la tête.Je levai un sourcil.— Quels types louches ?Elle glissa une mèche derrière son oreille en se dandinant

d’un pied sur l’autre.— Qu’est-ce qu’on va manger, maintenant ?Sa mention de nourriture fit gronder mon estomac vide.— C’est moi qui choisis, cette fois ?— Après ce fiasco, je pense que tu as mérité ce droit, gloussa-

t-elle.— Pizza ? suggérai-je en haussant les épaules.— On mange toujours des pizzas.— Je pensais que je pouvais choisir…— Et je n’ai jamais dit que je ne pourrais pas me moquer de

toi.Je la dévisageai un instant, émerveillé par son calme après

une telle épreuve. Quand le type avait tenté de lui forcer la main,elle avait eu l’air d’avoir peur, mais, maintenant, elle semblaitavoir repris du poil de la bête.

— Allons-y, dis-je en souriant.Nous marchâmes jusqu’à trouver un restaurant qui servait des

pizzas et de la cuisine italienne. Nous nous installâmes à unetable à l’arrière et partageâmes une grande pizza quatre saisons,comme d’habitude. Je commandai une bière, mais Scarlet optapour de l’eau, ce qui me surprit.

— Alors, tu es sûre que ça va ? m’enquis-je. Qu’est-ce qu’ilt’a dit ?

Page 71: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Rien d’intéressant, répondit-elle en posant les yeux surson assiette.

— Tu veux en parler ?À son silence, je savais qu’elle était contrariée. Scarlet était

incapable de se taire, même quand je lui demandais.— Il n’y a rien à dire, répondit-elle sans me regarder.— Tu sais que je te protégerai toujours, pas vrai ? Tu n’as pas à

t’inquiéter.— Je sais, Sean, répliqua-t-elle en croisant enfin mon regard.Scarlet tritura sa pizza et mangea une autre bouchée. Elle

s’essuya la bouche avec une serviette puis repoussa son assiette,manquant d’appétit. Elle n’avait pas mangé autant que jel’aurais cru, mais je décidai de ne pas la charrier avec ça.

— Tu veux bien dormir chez moi ?Elle me demandait rarement une telle chose. En fait, je ne me

souvenais pas de la dernière fois où elle m’avait demandé ça. J’enavais l’intention de toute manière, mais sa requête me pinça lecœur. Si j’avais pu tuer toutes les ordures de ce monde, jen’aurais pas hésité. Hiroshima version 2.0 !

— Avec plaisir.Je payai l’addition et nous rentrâmes chez elle. Elle resta

silencieuse durant tout le trajet et je ne la poussai pas à parler.Quand nous entrâmes dans l’appartement, elle verrouilla laporte et son comportement changea. Elle commença enfin à sedétendre.

— Tu veux regarder un film ? proposa-t-elle en s’asseyant surle canapé.

Elle étala une couverture sur ses jambes et saisit latélécommande.

— Ouais, répondis-je en m’asseyant à côté d’elle.Elle opta pour un autre James Bond, ce qui me fit sourire. Je

savais qu’elle ne regarderait jamais ça toute seule. Elle tentait

Page 72: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

toujours de me remonter le moral. Après un temps, elle entradans sa chambre et se changea en short et en t-shirt avant derevenir sur le canapé. Durant le film, nous nous endormîmestous les deux. Je sentis son corps chaud étendu sur ma poitrine etsa peau douce contre ma main. L’odeur de ses cheveux enflammames narines et je rêvai d’un champ de fleurs sauvages.

Page 73: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre9

SCARLET

En me réveillant, je sentis le cou de Sean contre mon visage.J’étais couchée sur le côté, le dos appuyé sur le dossier ducanapé, et mon ami était face à moi. Son souffle régulier balayaitmon front et me berçait, me donnant envie de me rendormir. Majambe était passée autour de la sienne et sa main était enrouléeautour de ma taille et posée dans mon dos. Nous avions souventdormi ensemble, mais nous ne nous étions jamais câlinés ainsi.C’était loin de me déranger.

Sean ouvrit les yeux et en cligna plusieurs fois pour mieux mevoir.

— Bonjour, marmonna-t-il.— Bonjour, bâillai-je.Il ne bougea pas sa main de mon dos. En fait, il me serra

encore plus fort dans ses bras avant de blottir son visage dans lecreux de ma gorge.

— Je ne veux pas me lever.— Moi non plus, soupirai-je.— Mais j’ai faim.J’éclatai de rire.— C’est ta manière subtile de me demander de préparer le

Page 74: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

petit déjeuner pendant que tu te détends ?— Ça a marché ?Je pouvais entendre le sourire dans sa voix.— Pas le moins du monde.— Mince, dit-il en soupirant.— Allez, aide-toi, l’encourageai-je. Ce sera marrant.Il fit une grimace de dégoût.— Cuisiner n’est pas marrant. C’est le rôle des femmes.— Pardon ? m’offusquai-je.— Euh, c’est très viril, rectifia-t-il vivement. Ce serait un

honneur de cuisiner avec toi.Je levai les yeux au ciel.— D’accord, je vais cuisiner.Je me levai du canapé et entrai dans la cuisine. J’ouvris le frigo

pour en sortir un carton d’œufs. Lorsque je me retournai, il étaitdebout à côté de moi.

— Je peux ? fit-il en me prenant le carton des mains.Il s’approcha du plan de travail et s’attela à la préparation

d’œufs brouillés. Je m’occupai de la cafetière puis préparai lebacon et les crêpes. En travaillant ensemble, nous préparâmes lepetit déjeuner en un tour de main.

Nous nous assîmes à table et mangeâmes en silence.Après avoir tout dévoré, il dit :— Tu es une excellente cuisinière, Scarlet. Mes œufs sont

lamentables.— Je les trouve très bons, Sean, dis-je en avalant une autre

bouchée, réprimant une grimace de dégoût.Il éclata de rire.— Je vais m’améliorer. Tu as cuisiné tant de fois pour moi.

J’aimerais te rendre la pareille.Je souris. Ce geste m’allait droit au cœur. Il n’avait même pas

fait ce pas pour Pénélope. Je me demandais s’il l’oubliait plus

Page 75: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

facilement maintenant que nous passions tant de tempsensemble. J’espérais sincèrement qu’il n’avait pas trop pensé àelle ces derniers jours. Je détestais le voir si malheureux. Depuisqu’il m’avait protégée la nuit dernière, repoussant le goujat quim’avait harcelée, je le respectais encore plus. Pénélope avait eula chance d’avoir le cœur d’un homme qui aurait tout fait pourelle, qui aurait sacrifié sa vie pour la protéger. Sean pouvait êtrevulgaire et sarcastique, mais il avait un cœur d’or. Il ferait toutpour moi. J’hésitais à lui parler de mon patron et du harcèlementque je subissais au travail, mais je savais qu’il deviendraitenragé. De plus, je ne voulais pas que mon meilleur ami s’occupede mes problèmes à ma place, même si c’était la voie facile.

— Tu veux aller à la salle ? demanda Sean.S’il était prêt à se remettre au sport, c’était qu’il allait mieux.

Même si je n’avais aucune envie d’aller à la salle un samedi, jesavais que Sean en avait besoin.

— Pourquoi pas.— Super, dit-il. Tu en as besoin.Je haussai un sourcil en le regardant.— Pardon ?— Après tout le popcorn que tu as avalé hier, tu ne rentreras

plus dans ton pantalon, me taquina-t-il.Je levai les yeux au ciel.— Eh, les mecs aiment les femmes qui ont des courbes !— C’est vrai, avoua-t-il en riant.— Tu me trouves trop grosse ?Il me regarda un bon moment.— Tu es magnifique, Scar. Ne laisse aucun homme te dire le

contraire.— Merci du compliment.— Alors, tu es prête ?— Laisse-moi me changer.

Page 76: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

J’entrai dans ma chambre et enfilai mon legging en lycra, quime donnait l’air plus mince et grande, en plus de bien moulermon derrière. Puis j’enfilai ma brassière de sport et un topmoulant. En me regardant dans le miroir, je hochai la tête,satisfaite par mon reflet.

Sean me regarda à son tour avant de détourner le regard.— Tu me matais ? demandai-je.— Juste ton popotin, ricana-t-il.— Bon, allons-y, fis-je en levant les yeux au ciel.Nous fîmes un saut chez Sean pour qu’il se change et nous

dirigeâmes vers la salle de sport. Quand nous entrâmes, Sean setourna vers moi.

— Je vais aller faire un peu de muscu.— OK, dis-je en me dirigeant vers les appareils de cardio.Je montai sur le tapis roulant et me mis à courir. Je

m’efforçais de m’entraîner cinq fois par semaine pendant uneheure. Je faisais du cardio léger pour brûler des graisses et,parfois, je soulevais des poids libres. Je posai les yeux surl’espace de musculation et vis Sean s’entraîner au développé-couché. Il soulevait un haltère assez lourd et ses bras étaient entrain de trembler. L’homme qui l’assistait leva les yeux, me vit etsourit. C’était Dan, le mec avec qui Sean s’entraînait souvent. Ilétait grand et mince, assez athlétique et beau. Ses cheveuxblonds contrastaient avec ses yeux bleus. Il était assez populaire,même dans une ville de sept millions d’habitants. Il étaittoujours célibataire, ce qui me surprenait vraiment.

Lorsque je terminai mon entraînement, je m’approchai de lafontaine d’eau et bus comme un dromadaire dans le désert. Enfinissant de m’abreuver, je vis que Dan se tenait à côté de moi.

— Salut, dit-il en souriant. Comment s’est passé tonentraînement ?

Des gouttes de sueur perlaient sur son front et trempaient son

Page 77: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

maillot de corps, mais il était toujours aussi délicieux.— Encore mieux maintenant que c’est terminé.— Je vois, gloussa-t-il.— Et le tien ?— Pas si bon que ça, avoua-t-il en s’approchant, tout sourire.

Il n’est pas encore terminé.— Je suis désolée de l’entendre.Il étouffa un rire.— Et si on s’entraînait demain ? On pourrait traverser ce

calvaire ensemble. Ensuite, on pourrait aller casser la croûte.Je sentis mon cœur battre la chamade. Dan m’invitait à sortir

avec lui. Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule et vis Seanà la machine à câble. Il ne nous regardait pas, entièrementconcentré sur son entraînement. J’ignorais pourquoi je m’étaistournée vers lui. Je ne me sentais pas menacée par Dan. Il étaittrès sympa. Toutes les filles lui bavaient dessus.

— Désolée, mais je suis déjà prise demain, mentis-je. J’aibeaucoup de boulot.

— Aucun problème, répondit-il. Alors on pourrait aller dînerun soir de la semaine. J’aimerais beaucoup t’inviter.

Je sentis mes mains devenir moites. Rien ne clochait chezDan, mais je n’avais pas envie de sortir avec lui. Ça faisait desplombes que je n’avais pas eu de copain. Je ne me souvenaismême pas de la dernière fois où je m’étais envoyée en l’air. Jesavais juste que ça faisait longtemps – très longtemps.

— Pardon, mais je suis vraiment très occupée.Il tenta de cacher sa déception face à ma rebuffade, en vain.

Mais il se reprit rapidement.— Sans soucis, lança-t-il en souriant. Peut-être une autre

fois.Sans prononcer un autre mot, il se retourna et disparut.Je me sentais mal de l’avoir rejeté, mais j’ignorais quoi faire

Page 78: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

d’autre. Je posai les yeux sur Sean et le vis nettoyer la machinequ’il venait d’utiliser. Il semblait avoir terminé sonentraînement. Il jeta la serviette à la poubelle et s’approcha.

— Tu as terminé ?— Oui, répondis-je.— Super. Je vais aller prendre une douche avant d’y aller.— Ouais, tu pues, fis-je en fronçant le nez.Il se pencha vers moi et renifla mon cou. Sa proximité me fit

frissonner.— Tu pues encore plus.— Mon œil ! Les femmes ne puent pas.— Scarlet, tu n’es pas une vraie femme, s’esclaffa-t-il.Je tentai de lui taper l’épaule, mais il dévia mon coup.— Eh !— À tout de suite, dit-il en s’éloignant.Dix minutes plus tard, il sortit du vestiaire et nous quittâmes

la salle de sport. Nous retournâmes à mon immeuble, à quelquesrues de là, fendant la foule de passants sur le trottoir.

— Alors comme ça, tu l’as rejeté ?— Quoi ? demandai-je en haussant un sourcil.— Dan, précisa-t-il. Tu l’as rejeté.— Comment le sais-tu ?— Il me l’a dit.Je sentis le doute m’envahir.— Tu lui as dit de m’inviter ?— Non, répondit-il en secouant la tête. Pourquoi aurais-je

fait ça ?Je me sentis stupide d’avoir posé la question.— Pourquoi as-tu refusé son invitation ? poursuivit-il en me

regardant. Il est beau gosse.— Pas mon genre, bredouillai-je en haussant les épaules.Sean continua à me regarder dans les yeux.

Page 79: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Et c’est quoi, ton genre, Scar ?Je me sentis mal à l’aise face à ses questions personnelles. Je

n’avais jamais eu peur de tout dire à Sean, mais, pour une raisonque j’ignorais, ce sujet était délicat.

— Je ne suis pas intéressée, c’est tout.Sean soutint mon regard sans insister. Quand nous arrivâmes

chez moi, il s’arrêta devant ma porte.— Je vais rentrer me préparer chez moi. Je dois aller récupérer

mon costume au pressing.Je le regardai longuement.— Tu veux que je t’accompagne ?— Je vais bien devoir m’y habituer, Scar, dit-il en secouant la

tête.Il baissa les yeux vers le sol et évita mon regard. Ces derniers

jours, ma présence l’avait grandement aidé, mais je pouvaistoujours voir les dégâts causés par Pénélope. Sean n’était quel’ombre de lui-même.

— Préviens-moi si tu changes d’avis.— D’accord.Je m’approchai de lui et le serrai dans mes bras pour chasser

son désespoir. Je détestais voir Sean si bouleversé. Ça me tuait.J’aurais aimé pomper toute sa douleur et la faire disparaître.

— Merci pour tout, Scar, murmura-t-il. Je ne peux pas…parler à mes potes comme je te parle à toi. Ils ne comprendraientjamais. Ils me jugeraient pour mes émotions et me diraient desauter une autre nana pour l’oublier.

— Tu n’as pas à te montrer fort pour moi, expliquai-je. Tu esen sécurité.

— Je sais, dit-il en posant son menton sur ma tête et en meserrant un peu plus. Alors à tout à l’heure.

Il me libéra de son emprise et s’éloigna.— Sean ?

Page 80: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Hmmm ? fit-il en se retournant.— Je t’adore.— Je t’adore aussi, Scar, répliqua-t-il en souriant.

Page 81: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre10

JE FIXAI LES BOUCLES D’OREILLES EN OR À MES LOBES PUIS VÉRIFIAI MA

coiffure une dernière fois dans le miroir. J’avais entendu Seanentrer avec sa clé plus tôt, et je savais qu’il m’attendait sur lecanapé pour que nous puissions nous rendre au gala debienfaisance de sa boîte. La robe de satin noir que je portaisépousait parfaitement mes formes et accentuait la courbe de messeins, les faisant ressortir comme un livre qui se déploie. Lebracelet en or que mon ex m’avait offert brillait sous les lampesde la salle de bain. Je jugeai mon apparence comme étantexceptionnelle. Je mis une dernière touche à mon maquillageavant d’éteindre toutes les lumières et d’entrer dans le salon.Sean portait un costume noir très classique. Il leva les yeuxlorsque je fis mon entrée. Apparemment, mon look l’émerveilla,ce qui me fit sourire. J’adorais avoir cet effet sur lui. Je ne m’étaisjamais considérée comme une bombe. Et, à côté de Pénélope, jeme sentais hideuse. Savoir que Sean me trouvait séduisantestimulait mon ego. Ses commentaires flatteurs étaient utilesaussi.

— Tu es très jolie, dit-il en se remettant debout.— Jolie ?— Je voulais dire belle, rectifia-t-il en souriant.

Page 82: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Dernière chance.Il secoua la tête.— Tu es canon, sexy, bandante, etc. Voilà, contente ?— Oui, répondis-je en souriant.— Et moi ? demanda-t-il en me lançant un regard de braise.— Tu es très joli.— Joli ? répéta-t-il en imitant ma voix perçante.— Je voulais dire beau, dis-je en pouffant.— Dernière chance.— Une vraie bête de sexe.Il hocha la tête et passa ses mains sur les revers de son

veston.— Ça m’ira.Sean s’approcha de la porte et me l’ouvrit. Puis il referma

avec sa clé ; pratique pour que je n’aie pas à transporter lesmiennes dans ma pochette minuscule.

— Merci de m’accompagner, reprit-il quand nous entrâmesdans l’ascenseur. Il n’y a rien de pire que de se pointer seul à unesoirée après avoir été plaqué. Au moins, avec une fille canon àmon bras, je n’essuierai pas tous les commentaires de pitié.

— Ils m’ont déjà rencontrée. Ils savent qu’on est juste amis.— Ouais, mais c’est toujours mieux que d’être seul.— Si tu le dis.— Tu ne m’as jamais invité à une soirée professionnelle.Ce n’était pas une question, mais une affirmation. J’ignorais

ce qu’il voulait dire par là. Était-il vexé que je ne l’invite jamais ?— Qu’est-ce que tu veux dire ? demandai-je. Pourquoi

penses-tu que je t’inviterais, toi ?Nous sortîmes de l’ascenseur et traversâmes le hall d’entrée,

puis nous retrouvâmes à ciel ouvert. Sean fit signe à un taxi.— Tu invites d’autres hommes à tes soirées du boulot ? Je

pense que je m’en souviendrais, si c’était le cas.

Page 83: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je ne comprenais toujours pas où cette conversation menait etme sentais presque interrogée.

— Eh bien, non, pas vraiment.— Alors pourquoi montes-tu sur tes grands chevaux ?— Je suis juste irritée que les gens supposent que je ne

fréquente jamais d’hommes.— Parce que tu sors avec quelqu’un ?— Non, tu as raison, reconnus-je.Je regardai les panneaux lumineux de Manhattan défiler en

route vers le Plaza. Je me fichais un peu de ce genre de soiréechic, mais je savais que Sean se souciait de sa réputation et demaintenir un rapport avec son patron. Il était toujours présent àl’avant-plan de ces soirées.

— Il y a une raison ? demanda-t-il.— Je n’ai pas rencontré quelqu’un qui m’intéresse.— Tu attends l’homme idéal ?— Non. Comme je l’ai dit, personne ne m’intéresse.— Et tu n’as jamais envie de t’envoyer en l’air ?Je lui tapai l’épaule.— Ne sois pas vulgaire !— Je ne suis pas vulgaire, rétorqua Sean. Les femmes ont

besoin de sexe autant que les hommes. Je ne voulais pas temettre mal à l’aise. C’est juste que tu ne fréquentes personnedepuis un certain temps. Ça ne te manque pas ?

— Un peu, répondis-je honnêtement.Ça faisait tellement longtemps que je me sentais parfois

frustrée, sexuellement parlant. Avoir un partenaire ne medérangerait pas.

— Je peux t’arranger le coup avec quelqu’un, si tu veux. Net’inquiète pas, je choisirai un bon parti.

Ses paroles me hérissèrent les poils. L’idée qu’il m’arrange lecoup avec un de ses collègues ou un ami du baseball me mettait

Page 84: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

en rogne.— Non merci !— OK. Préviens-moi si tu changes d’avis.— Je n’en changerai pas, dis-je fermement.Le taxi s’arrêta devant l’hôtel et Sean ouvrit la portière pour

m’aider à sortir. Nous entrâmes et je m’émerveillai devant lasalle grandiose et les meubles en cerisier dans le lobby. Descentaines de gens étaient présents, buvant du champagne dansdes verres en cristal, discutant en petits groupes. Je vis unefemme qui portait une robe noire moulante similaire à lamienne, quoique beaucoup plus courte.

Sean s’approcha directement du bar et je restai à sa hauteur.Il commanda du champagne pour deux.

— Waouh ! Tu te remets vite en selle, pas vrai ?Un homme vêtu d’un costume sombre s’approcha de Sean et

lui tendit la main. Sean la serra puis remit sa main dans sapoche.

— Pénélope t’a quitté il y a à peine quelques jours et tu teretrouves une jolie poulette en claquant des doigts ?

Je vis Sean serrer le poing à ces paroles. J’ignorais si c’était laréférence à son ex ou sa manière vulgaire de me décrire, mais jesavais que Sean était furieux. L’impoli ne s’était même pasprésenté.

— Oui, si on veut, Peter.Sean but son champagne sans rien ajouter.— C’est quoi, ton secret ? Tu fais tes emplettes sur la

Huitième ou la Neuvième ?Je saisis le bras de Sean et le serrai doucement, lui rappelant

sans rien dire que nous étions en public. Ce goujat étaitmanifestement ivre et je savais que Sean n’hésiterait pas àfrapper un homme qui me manquait de respect. Il l’avait prouvél’autre soir. Parfois, il se montrait trop protecteur. Je sentis les

Page 85: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

muscles de son bras se détendre à mon toucher.— Allez, viens, murmurai-je dans son oreille.Je l’éloignai lentement du poivrot. Plus nous nous

distancions, plus Sean retrouvait le contrôle de ses émotions.— Tu vas bien ?— Oui, répondit-il. Je suis désolé que cette enflure t’ait parlé

comme ça.— Ne t’inquiète pas pour moi. Il était vraiment bourré.— Quand même…Sean balaya la foule du regard et aperçut son patron un peu

plus loin.— Je dois aller faire de la lèche. Mon patron est un peu

pervers et apprécie que les jeunes femmes flirtent avec lui. Ça nete dérangerait pas de faire semblant qu’on sort ensemble et teprêter au jeu ? Je comprendrais si ça te mettait mal à l’aise…

— Non, c’est bon. Ça m’est déjà arrivé de dire que tu étaismon petit ami au boulot.

— Ah bon ? Pourquoi ça ?— C’est une longue histoire, mais, en gros, c’était pour me

mettre à mon avantage.— Ça ne me dérange pas. Allez, suis-moi.Sean plaça sa main sur ma chute de reins et me guida vers son

patron, M. Perkins, qui se tenait avec deux autres hommes. Ilsétaient tous vêtus de costumes noirs identiques et avaient à lamain un verre d’alcool ambré. Sean passa son bras autour de mataille quand nous arrivâmes devant son patron. Je lui décochai unsourire charmeur et il me rendit la pareille.

— Bonsoir, M. Perkins, dit Sean en tendant la main. Puis-jevous présenter ma compagne, Scarlet ?

— Bonsoir, saluai-je en tendant la main, tout sourire.Au lieu de la serrer, il la porta à ses lèvres et la baisa.Je continuai à sourire, bien que ses avances me dérangeaient.

Page 86: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il devait avoir au moins la cinquantaine. Je vis l’anneau à sondoigt gauche et me sentis encore plus mal. J’avais vécu tellementde mauvaises expériences avec les hommes que ça commençait àme sortir par tous les trous. Peut-être se montrait-il toutsimplement charmant, mais je restais sur mes gardes.

— C’est un plaisir de vous rencontrer, très chère, dit-il avantde se tourner vers Sean. Vous avez très bon goût, Sean.

— Merci. Si seulement j’étais aussi doué au travail !M. Perkins éclata de rire, suivi par les deux autres hommes.— Bonsoir, Stan, dit Sean à son collègue. Robert, ajouta-t-il

en serrant la main du dernier.Je leur serrai également la main. Le mec de gauche, Stan,

reluqua ouvertement ma poitrine et je voulus lui mettre un coupde genou dans les couilles. Robert me décocha un sourire torve.Je commençais à croire que tous les courtiers et analystesfinanciers étaient des porcs. Sean était l’exception.

— Alors, Scarlet, dit M. Perkins en me déshabillant du regard.Que faites-vous dans la vie ?

Je n’arrivais pas à croire que je faisais ça pour Sean. Mais jeravalai vite ma colère : après tout, il m’avait prévenue. Je n’avaisaucune raison de lui en vouloir.

— Je travaille comme relectrice-correctrice.— Intéressant, dit-il, même si le ton de sa voix dénotait le

contraire. Et où travaillez-vous ?La chose que je détestais le plus à ces soirées mondaines,

c’était cet échange de banalités inutiles. Les gens parlaient etparlaient, mais ne disaient jamais rien d’important. J’étaiscertaine que cet homme ne se rappellerait pas un seul mot denotre conversation lorsque j’aurais le dos tourné – à part mesmensurations.

— Chez R & R. C’est une importante maison d’édition.— Je vois. Vous aimeriez également écrire ?

Page 87: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Bien sûr, répondis-je en souriant.— Sur quoi travaillez-vous ?Je lui décochai un sourire poli.— Un auteur ne révèle jamais son premier livre avant qu’il ne

soit publié.M. Perkins éclata de rire.— J’aime beaucoup son esprit, Sean.— Oui, elle est très divertissante, dit celui-ci en hochant la

tête.Il me décocha un regard et je sus qu’il était reconnaissant que

je tolère leurs singeries. J’avais l’impression d’être une pute deluxe.

M. Perkins termina son verre et le tendit à l’homme qui setrouvait à sa droite, sans prendre la peine de le regarder.

— Sean, venez au club avec nous. Vous jouez au racquetball,pas vrai ?

— Oui, répondit Sean. Mais je ne pense pas être à la hauteur,monsieur.

— Nous verrons bien, dit-il en étouffant un rire avant de setourner vers moi. Ce serait un plaisir si vous vous joigniez ànous, Scarlet. Nous pourrions jouer en couple.

— Tout le plaisir serait pour moi, mentis-je.Je préférais encore être au boulot et affronter mon obsédé de

patron que de passer plus de temps avec ce pervers dégoûtant.— Bien, déclara-t-il en tapant ses mains. C’est réglé. Sean, je

vous préviendrai de l’heure la semaine prochaine.— Merci beaucoup, monsieur.— Et Scarlet, c’était un vrai plaisir de vous rencontrer.Il saisit à nouveau ma main. Il ne la serra pas et ne la baisa

pas, mais la conserva entre les siennes. Je repoussai l’envie de luibriser les doigts un à un, mais c’était une torture.

— De même, M. Perkins.

Page 88: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il s’éloigna avec ses deux compères et entama la conversationavec un autre pauvre type. Sean retira sa main de ma taille etj’avalai d’un coup le reste de mon champagne. Puis je pris leverre de Sean et le vidai à son tour.

— Tu en veux un autre ? demanda-t-il.— Beaucoup d’autres, répondis-je.Sean me regarda longuement.— Merci, Scar. Il ne m’a jamais invité à faire quoi que ce soit

en dehors du boulot. C’est un vrai progrès.— On ne va pas vraiment aller jouer avec lui, si ?Sean soupira.— Je suis désolé, Scar. Mais… Je dois y aller, s’il te plaît. Je me

fiche bien de jouer au racquetball, mais je n’ai pas le choix. Tu neserais pas ravie que ton patron te demande de le fréquenter endehors du travail ?

Je repensai à Carl.— Non, pas du tout.— Tu n’aimes pas ton patron ?Je n’avais aucune envie de discuter de ça ici, ce soir. Je savais

qu’il serait furax s’il découvrait la vérité, et je voulais éviter de lefâcher. Les blessures causées par Pénélope étaient toujours à vif.Je le voyais dans ses yeux. J’avais peur que cette histoire lui fassepéter un plomb et je voulais le protéger.

— J’accepte pour cette fois, mais c’est tout. S’il nous invite àautre chose après ça, je n’irai pas.

— Je comprends.Un serveur s’approcha avec un plateau de champagne et je

saisis deux verres, tous deux pour moi, que je bus l’un aprèsl’autre. Sean sourit en me regardant boire l’alcool comme sic’était de l’eau. Nous restâmes seuls un instant avant que Brian,que Sean considérait comme un ami, ne s’approche de nous.

— Salut, dit-il à Sean. Comment ça va, mon pote ?

Page 89: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Brian lui tapa l’épaule comme si Sean avait cinq ans. Il avaitsans doute pitié de lui après la rupture. Je n’aimais pas samanière de traiter Sean, mais je m’abstins de tout commentaire.Sean entendrait mon opinion plus tard.

— Salut, Scarlet, ajouta-t-il en se tournant vers moi. Mercid’avoir accompagné Sean au banquet. Il est le centre de toutesles conversations, au bureau – son histoire avec Pénélope s’estrépandue comme une traînée de poudre.

— Et je me demande comment la rumeur a commencé, dis-jesarcastiquement.

Sean me fusilla du regard, mais je ne réagis pas à son regardhostile. Brian, quant à lui, ne semblait pas avoir comprisl’allusion.

— En fait, j’ai demandé à Sean de m’inviter. J’adore cessoirées, poursuivis-je en passant mon bras sous le sien tout enme rapprochant de lui.

Je voulais qu’il ait l’air d’un étalon devant tous ses collègues.S’ils pensaient que je bavais sur lui, il n’aurait pas l’air aussipitoyable. Je n’avais jamais compris le code des hommes, mais jesavais que Sean devait briller devant l’assemblée. C’étaitpourquoi je portais une robe si moulante et que mes cheveuxétaient si brillants.

Brian but une gorgée de champagne et plissa les yeux en nousvoyant nous toucher.

— Je trouve ces soirées barbantes, personnellement. C’estcomme être au boulot, mais en léchant encore plus de bottes.

— Je suis on ne peut plus d’accord, acquiesça Sean.Brian regarda par-dessus l’épaule de Sean pendant un

moment, semblant avoir reconnu quelqu’un à l’autre bout de lapièce.

— Bon, ben, passez une bonne soirée, dit Brian en s’attardantun peu trop longtemps sur mon corps avant de me regarder dans

Page 90: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

les yeux. À la prochaine, Scarlet !Je hochai la tête et Brian s’éloigna.Sean retira son bras avant de me regarder.— Qu’est-ce que tu penses de lui ?— Que veux-tu dire ?— Est-ce qu’il t’intéresse ?— Pourquoi me poses-tu cette question ?Sean haussa les épaules.— Il pose souvent des questions sur toi – surtout sur tes

fréquentations du moment. Je pourrais t’arranger le coup, si tuvoulais.

Son obsession de me trouver un mec commençait vraiment àme taper sur les nerfs.

— Je pensais que tu ne m’arrangerais le coup qu’avec un bonparti.

— C’est un bon parti.— Brian est crétin.Sean éclata de rire.— C’est un type bien, Scarlet. Il est juste un peu bizarre en ta

présence parce qu’il en pince pour toi. Tu sais ce que c’est. Je t’aivue te ridiculiser devant cet entraîneur personnel, il y a desannées.

Je m’esclaffai en revivant la scène. Quand le coach était passédevant mon tapis roulant, j’avais fait tomber mon iPod etmanqué de m’étaler par terre tant j’étais captivée par la vue. Lemec m’avait rattrapée et avait enfoncé le bouton « stop » avantque je ne tombe tout à fait de la machine.

— Ce n’est pas pareil, Sean.— Je ne vois pas en quoi, commenta-t-il en souriant.Un autre serveur s’approcha et Sean se servit du champagne.

Il le but rapidement et posa le verre vide sur une table proche.— Donc il ne t’intéresse pas ? demanda-t-il.

Page 91: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je regardai Sean longuement. Plus il insistait, plus je mesentais frustrée. Je ne voulais pas être casée avec quelqu’un –surtout pas par lui. Je pouvais me trouver mon propre rencard sij’en avais envie.

— Non.Il me regarda comme s’il allait continuer sur le sujet, mais se

ravisa en voyant mon air déterminé. Je voyais bien qu’il étaitlégèrement éméché après tout le champagne que nous avions bu.Je pouvais moi aussi en ressentir les effets. Mes joues étaientchaudes et j’avais les jambes en coton. Sean balaya la pièce duregard puis revint à moi.

— Tu veux sortir d’ici ?— Non, répondis-je. Je sais que tu dois encore flatter

quelques supérieurs.— Mais je crois que j’en ai fait assez, insista-t-il en souriant.

J’ai fait mon apparition et je suis prêt à partir.Sean fendit la foule et je le suivis jusqu’à ce que nous nous

retrouvions sur le trottoir. Un groupe de petites frappes étaitrassemblé près de l’entrée et ils me reluquèrent lorsque noussortîmes. Sean s’interposa entre les racailles et moi, me cachantà leur vue avec son corps. D’un geste possessif, il me serra contrelui jusqu’à ce que nous trouvions un taxi.

Sean donna l’adresse au chauffeur et celui-ci nous conduisit àun bar en centre-ville. L’endroit était bondé, comme tous lessamedis soir, donc nous restâmes debout au bar. Plusieurshommes posèrent les yeux sur moi avant de les détourner en mevoyant debout à côté de Sean. C’était sympa d’être accompagnéeet de ne pas m’inquiéter de me faire draguer. Nouscommandâmes verre après verre sans prononcer un mot. Je finispar commander un scotch et par décider que ce serait le dernier.J’étais pompette.

Sean tenait mieux l’alcool que moi, mais je pouvais voir qu’il

Page 92: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

était ivre à ses gestes maladroits et à son teint rougi.— Tu vas me dire ce qui se passe, Scar ? demanda-t-il

soudain.Sa question sortie de nulle part me prit par surprise. Peut-

être était-ce dû à l’alcool.— Je sais que tu t’inquiètes à cause de Pénélope, mais tu es

plus bizarre que d’habitude.Je me sentis piégée. Des tas de choses se passaient dans ma

vie et, à présent, je me sentais mal de les lui avoir cachées.J’étais vraiment perturbée par les évènements au boulot et jesavais que ce serait un soulagement d’en discuter avec lui. Jedécidai de tout lui raconter, glissant une mèche derrière monoreille avant de prendre la parole :

— En gros, mon patron m’en fait vraiment baver. Si jen’accepte pas de le sucer, je risque de perdre mon boulot. Et si jevais me plaindre aux ressources humaines, je me ferai virer parcequ’ils pensent que je suis une mauvaise influence. Puis, Carl m’adonné cette brique à corriger, espérant que je raterais l’échéanceridicule pour avoir une bonne raison de me virer. Mais je ne peuxpas démissionner parce que je dois payer le loyer. Et remboursertous mes prêts étudiants.

Cracher le morceau me soulagea immédiatement de monstress. Sean était mon ami et j’aurais dû lui dire la vérité dès ledébut. J’avais l’impression de lui mentir en lui cachant une tellehistoire. J’attendis qu’il réagisse, sachant que mes paroles lerendraient fou furieux, mais il ne prononça pas un mot. Je finispar le regarder et vis qu’il n’avait rien écouté de mon histoire.Son visage était tendu de désespoir et de rage, son regard tournévers l’autre bout de la pièce. Je le suivis et vis ce qu’il était entrain de regarder : Pénélope qui embrassait un mec à une table.Le type, qui portait un costume chic et une coupe de cheveux àdeux cents dollars, avait glissé la main sous sa robe et lui palpait

Page 93: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’intérieur des cuisses. Avec sa crinière blonde et ses yeux bleus,il ne ressemblait pas du tout à Sean. De son côté, Pénélope faisaitcourir ses doigts dans ses cheveux et haletait lorsque leurs lèvress’éloignaient. Elle semblait savourer intensément les caresses del’homme et je sentis la rage brûler en moi. Je regardai Sean denouveau, mais il la contemplait toujours sans ciller, l’air trahi.Mon cœur se brisa en deux en voyant la douleur grandir dans sesyeux. Je n’arrivais pas à croire ce qui était en train de se passer.J’aurais voulu l’aider, mais j’ignorais comment. J’avais peur queSean aille vers eux et attaque l’homme à qui Pénélope roulait despelles, mais il resta de marbre et ne cligna pas des yeux.

Pénélope éloigna ses lèvres et appuya son front contre celuide l’homme en lui souriant. Son désir pour lui était plusqu’évident. Je ne l’avais jamais vue regarder Sean comme ça, etje ne comprenais pas pourquoi. Ce type était bel homme, mais jetrouvais Sean bien plus craquant. Cela dit, j’étais biaisée.

Ils quittèrent leur table et s’approchèrent du bar. Avant que jene puisse détourner les yeux, Sean saisit mon visage etm’embrassa à pleine bouche, glissant ses doigts dans mescheveux en m’attirant contre lui. Au début, je ressentis un élande panique. Mais l’alcool m’avait décomplexée et je réagis à soncontact. Ses lèvres caressèrent les miennes puis il glissa salangue dans ma bouche. Je me sentis excitée par son baiser.J’ignorais que Sean embrassait si bien. Je laissai mes mainsparcourir son corps puis les enfonçai dans ses mèches. Nousnous embrassâmes pendant ce qui me parut une éternité.J’ignorais combien de temps s’était vraiment passé. Tout ce queje savais, c’était que j’aimais ça.

Sean fit courir sa main dans mon dos et je sentis mon corpsfondre sous ses caresses tant je les savourais. La confusion noyamon esprit tandis que j’analysais les évènements. J’étais en traind’embrasser Sean et je n’avais aucune envie de m’arrêter là. Mon

Page 94: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

cœur battait la chamade et je sentais mon entrejambe brûler enm’imaginant faire autre chose avec lui. Je ne l’avais jamaisconsidéré autrement qu’un ami avant, mais, maintenant que jem’autorisais ces pensées, je me rendais compte à quel pointj’étais attirée par lui. J’aurais aimé qu’il n’y ait personne d’autredans la pièce, que nous puissions continuer ce baiser en privé etvoir où ça menait. Nous ne l’avions jamais fait avant, n’avionsjamais franchi ce pas, mais voilà. Je savais que ce n’était quepour rendre Pénélope jalouse après ce qu’elle lui avait fait.Pourtant, je n’avais rien fait pour l’en empêcher. Sean finit paréloigner sa bouche, mais ne me lâcha pas. Il porta ses lèvres àmon oreille et ses mots fracassèrent mon instant de passion.

— Est-ce qu’elle nous a vus ? demanda-t-il.Il commença à embrasser ma gorge pendant que je balayais le

bar du regard. Ses baisers mouillés me firent frissonner. Je mefichais bien que Pénélope soit là ou non, mais je regardai quandmême. Et je ne la vis nulle part. Elle devait déjà être sortie. Je medemandais si elle nous avait vus, ou si elle avait été trop captivéepar son nouveau Jules pour remarquer Sean en train d’embrassersa meilleure amie.

— Elle n’est plus là, Sean, dis-je sans m’éloigner de lui.Il cessa de m’embrasser et regarda à son tour. Réalisant

qu’elle était vraiment partie, il se retourna vers le bar etcommanda trois shots de téquila. Je savais que la soirée n’allaitpas bien se terminer.

— Rentrons, suggérai-je.Il ne dit rien et avala rapidement les shots. Je savais qu’il était

furieux et blessé. C’était plus qu’évident. Il était redevenul’homme brisé que j’avais consolé le lendemain de sa rupture.Nous avions fait tant de progrès, mais, à présent, c’était retour àla case départ. J’étais surprise qu’il n’ait pas étranglé le type.Peut-être avait-il été trop choqué pour réagir.

Page 95: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Allez, Sean, dis-je en tirant sur son bras. Tu as assez bucomme ça.

— Quelle salope, putain ! cracha-t-il.— Je suis d’accord.— Quelle pute !— Tu es trop bien pour elle, Sean.— Tu m’étonnes.— Allez, rentrons.Je secouai doucement son bras, espérant qu’il me suivrait

tranquillement et sans faire de scène. Il était furieux et en avaitle droit. Je fis courir mes mains dans son dos et il soupira ensentant mes caresses. Sean déposa soixante dollars sur lecomptoir du bar et me suivit. Nous hélâmes un taxi et je donnaimon adresse au chauffeur.

Quand nous arrivâmes devant ma porte quelques minutesplus tard, Sean batailla un instant avec la clé avant de parvenir àouvrir la porte. Nous entrâmes dans le salon et il lança sonportefeuille sur la table puis son veston sur le canapé. Ils’empara d’un cadre sur la table, une photo de Pénélope, lui etmoi à Central Park, et la fracassa contre le mur. Le cadre se brisaen plusieurs morceaux. Il ne prit pas la peine de nettoyer lesdébris. Sean entra dans ma chambre et je le suivis. Il était uneheure du matin et j’étais fatiguée.

Il se déshabilla puis se mit au lit. Pendant longtemps, ilregarda le plafond sans rien dire. Je fouillai dans mes tiroirs, à larecherche de quelque chose de propre à porter pour dormir, et lesentis me regarder. Je me tournai vers lui et il soutint monregard.

— Je suis désolé, Scarlet, soupira-t-il.— C’est bon, répondis-je, ignorant à quoi il faisait référence.Les pervers du gala de bienfaisance, son comportement

violent ou son baiser inattendu ? Quoiqu’il en fût, je lui

Page 96: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pardonnerais chacune de ces transgressions. Il sortit du lit ets’approcha derrière moi. Je pus le sentir frôler mon dos. Sachaleur rayonna jusqu’à ma peau quand il se pressa contre moi.Son souffle balaya ma nuque et mon cœur manqua unbattement. Ses lèvres effleurèrent mes cheveux et je me sentisfondre.

Je retins ma respiration, ignorant ce qu’il allait faire. Nous nenous étions jamais retrouvés dans cette position, si proche.Après notre baiser, je ne savais pas à quoi m’attendre. Je sentisSean attraper la tirette de ma robe en satin et la baisser.

Mon cœur s’emballa quand ma robe tomba par terre. J’étaisdebout, perchée sur mes talons, vêtue d’un string et d’unsoutien-gorge noir assorti. Son torse était pressé contre mondos, chaud et accueillant. Mais j’hésitais quant à ses intentions.Ses lèvres frôlèrent ma nuque et je restai immobile, savourantles sensations de sa bouche sur ma peau. Il posa les mains surma taille et remonta dans mon dos, s’arrêtant au niveau de monsoutien-gorge. Il le dégrafa et celui-ci tomba par terre, dénudantma poitrine.

Une part de moi désirait ceci. Je n’avais pas fréquentéd’hommes depuis si longtemps – plus d’un an – et notre baiseravait suscité des émotions que je n’avais plus ressenties depuisdes mois. Sean était mon ami, mais, pour la première fois, je nele voyais pas uniquement de cette manière. Je le désiraissexuellement. Il était l’homme le plus respectable que jeconnaisse. Je savais qu’il agissait sous l’influence de l’alcool,mais j’étais sûre qu’il ne profiterait pas de moi ou de notreamitié. Si Sean avait l’intention de coucher avec moi, c’étaitparce qu’il m’aimait et rien d’autre. Ces quelques derniers jours,le temps que nous avions passé ensemble, me firent comprendrequ’il avait des sentiments pour moi. Sa manière de me défendreau restaurant et de se blottir contre moi quand nous dormions

Page 97: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

me persuada de son affection. Quand il avait suggéré dem’arranger le coup avec ses amis, c’était simplement pour jaugermes sentiments et déterminer si je ressentais la même chose. Iln’y avait aucune autre explication. Sean ne me ferait jamais uncoup bas. Il m’aimait et je savais que je l’aimais. Ç’avait toujoursété lui.

— Tu es magnifique, Scar, dit-il en attrapant mes seins pourles pétrir.

Mon souffle s’accéléra quand il les pinça et toute penséelogique s’évapora. Je le désirais. Je n’avais jamais tant désiréquelqu’un de toute ma vie. Il était mon meilleur ami et,maintenant, il était mon amant. Je n’aurais pas pu trouvermieux. Il deviendrait un mari loyal et un père formidable. Ils’occuperait de moi jusqu’à ce que je trouve un autre boulot etme protégerait contre mon patron psychotique. Il me feraitl’amour toutes les nuits comme je le méritais et me chériraitcomme une déesse. J’avais envié sa manière de traiter Pénélope,de l’idolâtrer, et j’étais impatiente d’être traitée de la mêmemanière.

Je me retournai pour embrasser ses lèvres et il réagit avecpassion. Il s’empara de mon visage, puis glissa une main vers maculotte, jouant avec l’élastique en dentelle. Je me réjouissaisqu’il m’en débarrasse. Tout en m’embrassant, il me guida vers lelit et se coucha sur moi. Il ôta mon string et se délecta de la vue.Je ne me sentis ni honteuse ni gênée. Heureusement, je m’étaisrasée.

La vue de ses pectoraux et de ses abdos m’excita et je sus queje le voulais. Sean était bel homme et avait un physique de rêve,mais je n’avais encore jamais fantasmé sur son corps nu. Jevoulais savoir ce qui se cachait en coulisse. Je saisis l’élastique deson boxer et le baissai. Je gémis à la vue. Il était impressionnant.

J’écartai les cuisses et il se pencha sur moi.

Page 98: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

De la main, il frôla ma cuisse, se rapprochant lentement demon entrejambe. Mon corps se raidit d’excitation, impatient desentir ses doigts me toucher. Je mouillais déjà et je le désirais –plus que tout. Il appuya son front contre le mien puis glissa sesdoigts en moi. Je gémis immédiatement.

— Sean…Du pouce, il massa mon clitoris et me fit trembler. J’écartai

encore plus les jambes. Il accéléra les préliminaires et je me misà griffer son dos.

— Oui, Sean ! Putain…J’avais peur de ne pas tenir jusqu’à la pénétration. Après

l’orgasme, je ne serais plus excitée. Ç’avait toujours été commeça avec les hommes. Cela dit, j’étais gênée d’être excitée sirapidement. Je ne me rappelais même pas à quand remontait madernière partie de jambes en l’air.

— Tu vas jouir, murmura-t-il.— Oui, répondis-je en mordillant ma lèvre.— Jouis pour moi, Scar. Allez.Il fit travailler ses doigts plus vite et plus fort. Son pouce fit

des cercles autour de mon clitoris et mon cœur palpita.— Sean, gémis-je. Sean ! Oui !— Je veux te voir jouir.Je plantai mes ongles dans son dos en sentant l’orgasme

poindre à l’horizon. Il circula dans mes veines et atteignit chaquenerf de mon corps. Je savais que ce serait détonant, l’explosion laplus puissante que j’aie connue. J’allais jouir si fort que j’enhurlerais.

— Sean, je vais jouir !— Je sais, murmura-t-il.L’orgasme me frappa comme une bombe atomique.— Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! hurlai-je. Sean, oui ! Oui,

putain !

Page 99: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il me regarda tandis que je rejetais la tête en arrière etcambrais le dos, que je me convulsais sous les vagues de plaisirqui me traversaient le corps.

Il continua à titiller mon clitoris jusqu’à ce que la vague deplaisir s’estompe.

— J’ai adoré te regarder jouir.Je fis courir mes doigts dans ses cheveux en le regardant dans

les yeux. Il se pencha vers moi et lécha la sueur qui avait perléentre mes seins. Cette vue m’excita.

— Je veux recommencer, murmura-t-il.Ses paroles me firent frissonner.Il remonta mes jambes et plaça sa queue juste devant mon

entrée. Sentir son gland contre mon clitoris me fit tremblerd’excitation. Il le frotta contre moi et je sentis du liquides’écouler de son extrémité. Je mordis ma lèvre pour me retenirde gémir. Je le désirais tant. Jamais je n’avais eu plus envie desexe dans ma vie. Sean était un dieu au lit. Si seulement je l’avaissu plus tôt.

Il m’embrassa tendrement et entrouvrit ma bouche avec salangue. Quand nos lèvres s’éloignèrent, il grogna, ce qui me fitplaner. Ses mains chérissant mes cheveux me donnaientl’impression d’être la plus belle femme au monde. L’attentecommença à me frustrer. Je voulais qu’il me baise de toutes sesforces. Je voulais le sentir en moi. Maintenant.

— Sean, m’écriai-je, empoignant ses fesses pour l’approcherde moi.

Il rompit notre baiser et me regarda dans les yeux.— Je vais te baiser, Scarlet.— Oui, s’il te plaît !Il me sourit et posa son front contre le mien. Puis il s’inséra

lentement en moi. Sa queue était grosse, plus grosse qu’aucun demes amants précédents, mais je mouillais tant que je ne sentis

Page 100: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

aucune résistance. Sean prit soin d’y aller lentement. Quand ilfut plongé jusqu’à la garde, je pensai jouir sur le champ. Songabarit impressionnant m’étira et m’envoya au septième ciel. Jesoupirai d’aise. Pourquoi avions-nous attendu si longtemps ?Qu’avait bien pu penser Pénélope ? Sean lui faisait l’amour tousles soirs et elle n’en voulait plus ? Il commença à se déhancheren moi et je suivis sa cadence. C’était si bon, si juste. Je necomprenais pas pourquoi ça n’était pas arrivé avant. Je mecramponnai à ses épaules et gémis bruyamment. Sean sourit envoyant mon enthousiasme.

— Scar, gémit-il. Tu mouilles tellement…Je n’avais pas les idées claires.— Oui, Sean. Et tu es incroyable.— Toi aussi.Je continuai à gémir. L’expérience était si merveilleuse que

mon corps était dépassé. Je tremblais de partout.— Plus fort.— Tu veux que je te baise plus fort ?— Donne-moi tout ce que tu as, Sean, dis-je en me

mordillant la lèvre.Il posa son front sur le mien et m’embrassa doucement. Il

accéléra le rythme de ses va-et-vient et m’étira encore plus. Iltoucha mon col, ce qui me fit grogner de plaisir. Le sexe n’avaitjamais été aussi bon. J’avais du mal à croire qu’il parvienne à mepénétrer complètement. C’était sans doute dû à mon excitation.Sinon, ç’aurait été douloureux.

Il embrassa ma gorge puis me pénétra avec force. Je sentis sestesticules claquer contre mes fesses.

— Tu vas jouir.— Oui.— Jouis pour moi, Scar.— Oui, Sean. Fais-moi jouir !

Page 101: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Aucun problème.Il se déhancha de plus belle et je me mordis la lèvre.— Oh, ça vient ! Oui ! Oui !Les flammes de mon plaisir me dévorèrent l’esprit.

L’explosion me consuma. L’orgasme était encore meilleur que ledernier. Jamais je ne m’étais sentie si comblée.

Il ralentit l’allure de ses coups de reins après mon orgasme, sedéhanchant plus langoureusement. Mon corps était endolori etson toucher plus tendre était incroyable.

Notre union était l’incarnation de la perfection. Je jouis ànouveau, murmurant son nom encore et encore. Pénélope étaitsi stupide de le quitter. Sean était parfait. J’avais toujours eu dumal à jouir quand je m’envoyais en l’air avec d’autres mecs. Jem’étais toujours sentie frustrée et inassouvie, mais pas avecSean. Jamais je n’avais tant joui avec un homme.

Nous ne baisions pas. Nous faisions l’amour, et je comprisque je l’avais aimé durant toute la durée de notre amitié. Il étaitcelui que je désirais, le seul et unique. À cet instant, je sus queSean éprouvait la même chose. Il m’aimait. Et je comprenais àprésent pourquoi je n’étais sortie avec personne d’autre.Pourquoi je ne donnais aucune chance aux hommes. C’étaitparce que j’étais amoureuse de Sean. J’avais toujours craint qu’ilne ressente pas la même chose, que je ne sois que son amie.Maintenant que je savais que j’avais eu tort, j’étais si heureusequ’il soit à moi. Nous étions faits l’un pour l’autre. Dommagequ’il nous ait fallu si longtemps pour nous en rendre compte.

Je saisis son visage et l’embrassai passionnément.— C’est ton tour.— Tu en veux un autre ? demanda-t-il en souriant.— Non, je veux te regarder jouir en moi.Il saisit mes hanches et me prit de toutes ses forces. Pas une

fois il ne détourna les yeux.

Page 102: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Baise-moi, Sean.Il gémit en m’entendant. Je griffai son dos et il se déhancha

de plus belle.Son corps se tendit sous la vague de plaisir. Ses va-et-vient

s’intensifièrent quand il libéra sa semence.— Putain, oui ! Putain, Scar…Il ne s’était pas retiré, car il savait que je prenais la pilule,

même si j’avais peu de relations sexuelles. Puis il m’embrassapendant plusieurs secondes avant de se retirer. Ce faisant, jesentis un vide.

Il se coucha à côté de moi et je passai mon bras autour de sontorse. Je posai ma tête sur sa poitrine et fermai les yeux. Je tentaide m’endormir, mais j’en étais incapable. J’étais bien tropheureuse. Je ne m’étais jamais sentie si satisfaite. Maintenant,j’avais le petit ami dont j’avais toujours rêvé. Il était monmeilleur ami et le meilleur amant que j’aie connu. Sean étaitl’homme idéal et j’avais du mal à croire qu’il soit à moi. J’étaistriste que Pénélope l’ait quitté parce qu’il en avait bavé, maisj’étais aux anges après ce qui s’était passé. Je m’endormisquelques heures avant qu’un rêve n’interrompe mon sommeil.J’avais rêvé que nous faisions l’amour et je me réveillai,l’entrejambe en feu. Un voile de sueur recouvrait mes seins.

Sean dormait toujours, mais je baissai la couverture et mepenchai sur lui. Je tendis la main pour caresser sa queueramollie. En quelques secondes, il bandait. Je saisis sa queue etl’enfonçai avidement dans ma bouche tout en léchant sa peausoyeuse. Je détestais sucer, mais c’était différent avec Sean. Jevoulais lui donner autant de plaisir qu’il m’en avait donné.

— Scar, murmura-t-il. Putain !Il rejeta la tête en arrière et gémit. Il glissa une main dans

mes cheveux puis empoigna ma nuque avec force. Je l’avalaiencore plus loin.

Page 103: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Quand je retirai sa queue de ma bouche, je passai ma languesur son gland. Il gémit de plus belle.

— Tu en veux plus ? demandai-je en continuant à le lécher.Il saisit ma nuque et me fit remonter avant de me repousser

sur le lit. Je sentis mon cœur palpiter quand il se positionna au-dessus de moi. Un autre homme aurait exigé que je le suce puisque j’avale, mais Sean était différent des autres hommes. Ilm’aimait et sa priorité était de me donner du plaisir.

Sean ramena mes genoux vers ma poitrine et écarta mesjambes. J’attendis qu’il me pénètre, mais le vis approcher sonvisage de ma chatte. En comprenant ses intentions, je gémis. Ilglissa sa langue en moi et la fit tournoyer, la plaquant contre mesparois. Je serrai les draps et le laissai attiser le feu qui meconsumait. Des doigts, il caressa mon clitoris tout en meléchant.

— Oh oui ! Sean, dis-je en tirant sur ses mèches.Il augmenta la pression sur mon clitoris et me fit trembler.

Puis il éloigna sa bouche pour parler.— Allez. Tu y es presque, dit-il avant de réinsérer sa langue.Ses mots me firent planer et je jouis en criant son nom. J’étais

comme une marmite à pression sur le point d’exploser. Le plaisirvoilait ma poitrine de sueur. Quand l’orgasme se dissipa, iléloigna son visage.

— Ça t’a plu ?— Sean… Je… oh !— Je vais prendre ça pour un oui, dit-il en souriant.Il rampa sur moi et posa mes chevilles sur ses épaules. Mon

derrière fut soulevé du matelas et il y appuya ses cuisses. Jen’avais jamais fait l’amour dans cette position, mais je savaisque j’adorerais ça.

— Sean ! m’écriai-je dès qu’il plongea en moi.Je sentis sa queue frotter contre ma chair endolorie et la

Page 104: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

douleur se mêla au plaisir.— Tu es incroyable.— C’est toi qui es incroyable, murmura-t-il. J’adore te baiser.

Tu es si bonne.J’empoignai ses avant-bras et le laissai me sauter

agressivement. Je n’avais jamais ressenti autant de plaisir dansma vie. L’orgasme n’était pas loin et il s’enflammerait à toutmoment.

La sueur perlait sur le torse de Sean et je l’essuyai de la main.Il ferma les yeux et son corps se mit à trembler. Je savais qu’ilallait éjaculer d’un moment à l’autre.

— Sean.— Je ne vais pas durer très longtemps, prévint-il en faisant

claquer son bassin contre le mien, pantelant. Allez, Scar. Jouis !Je sentis mon corps dérailler sous l’effet du plaisir.— Oh oui ! Sean, c’est si bon ! Mon Dieu !Il accéléra la cadence en jouissant. Le voir se vider en moi me

combla encore plus. Je cambrai le dos et sentis une vagued’émotions déferler en moi. Sean se pencha vers moi etm’embrassa tendrement.

— Ça devrait te satisfaire pour le reste de la nuit.— Peut-être, dis-je en souriant.Il se coucha à côté de moi et je le pris dans mes bras. Je me

sentais en sécurité avec lui. J’oubliai tout du drame au travail, del’horrible gala et du chagrin qui m’avait pesée si longtemps.J’étais enfin heureuse.

Page 105: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre11

J’OUVRIS LES YEUX ET REGARDAI SEAN. IL DORMAIT TOUJOURS PAISIBLEMENT.Je ne pus retenir mon sourire en le voyant. Il semblait sidifférent que ces dix dernières années. Aujourd’hui, il était àmoi.

Je me penchai vers lui et embrassai doucement ses lèvres. Ilouvrit un œil et me regarda. Au début, sa bouche ne remua pas,puis il réagit à mon baiser.

— Bonjour, murmurai-je en passant ma main sur son torse.En entendant ma voix enjouée, je souris encore plus.— Bonjour, répondit-il en souriant, semblant remarquer ma

joie. S’envoyer en l’air fait des merveilles, pas vrai ?Je l’embrassai à nouveau.— Tu veux manger quelque chose ?— Ça dépend, répondit-il. Qu’est-ce que tu vas préparer ?— Des crêpes, du bacon et des œufs.— Alors d’accord, acquiesça-t-il en bâillant.Je sortis un t-shirt de mon tiroir et l’enfilai avant d’entrer

dans la cuisine. Je commençai à préparer le petit déjeuner enfredonnant, me déhanchant au son de la musique dans ma tête.Quand tout fut prêt, nous nous assîmes et mangeâmes.

— Je dois travailler aujourd’hui, dis-je en buvant mon café.

Page 106: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je n’avais pas assez dormi, mais je ne m’étais jamais sentie sireposée.

— On est dimanche, Scar.— Je sais, soupirai-je. Mais j’ai un autre manuscrit à corriger.— Ton patron te surmène, fit-il remarquer entre deux

bouchées.La mention de mon patron me rappela la veille. Je lui avais

enfin raconté tout ce qui se passait dans ma vie, mais il n’avaitpas écouté un seul mot tant il avait été perturbé en voyantPénélope. Je me sentais un peu blessée qu’il fasse abstraction demes problèmes à cause d’une femme qui se fichait bien de lui,mais je décidai de lui pardonner. Maintenant que nous étionsensemble, ça ne me semblait plus si important.

— Je devrais y aller, fis-je en empilant les assiettes dansl’évier. Comme j’ai cuisiné, tu pourrais faire la vaisselle ?

— Sans problème.J’entrai dans ma chambre, me changeai et retournai dans la

cuisine. Je me penchai vers lui et l’embrassai tendrement. Il eutun léger mouvement de recul au contact de mes lèvres, mais merendit mon baiser.

— Alors à plus tard, dis-je en ouvrant la porte. Tu peux resterici jusqu’à ce que je rentre, si tu veux.

— OK, lança-t-il. À plus, Scar.Je hélai un taxi et me rendis au bureau, sautillant de joie en

avançant vers l’immeuble. Je ne m’étais pas remaquillée depuisla veille et j’avais même enfilé des vêtements froissés, mais jem’en fichais. Je ne m’étais jamais sentie aussi belle.

La journée allait être merveilleuse. Je le savais. La plupart demes collègues seraient absents, Carl y compris, et je pourraistravailler en paix. Je souris à Janice en m’approchant de monbureau, et elle me rendit un regard choqué.

— Tu sais qu’on est dimanche, pas vrai ?

Page 107: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Oui, répondis-je en riant.— Et pourtant te voilà – au travail.— Je ne suis pas débile, tu sais, blaguai-je.J’ouvris le nouveau manuscrit que j’avais reçu et me mis au

travail, consciente que je ne devais pas seulement respecterl’échéance, mais me démener à deux cents pour cent si je voulaisgarder mon boulot. Janice continua à m’observer un moment.Elle examina mes cheveux décoiffés et mes vêtements froissés,et comprit.

— Tu t’es envoyée en l’air hier soir, devina-t-elle. Et pasqu’un peu, je dirais.

Mon sourire s’étira encore plus malgré moi. Je n’avais jamaisété aussi heureuse – jamais. Sean était tout pour moi. Je necomprenais pas pourquoi je n’avais pas tenté le coup plus tôt.Nous étions si parfaits ensemble, sous tous les niveaux… C’étaitcomme si nous étions faits l’un pour l’autre.

— Peut-être, dis-je en restant évasive.— Petite coquine, pouffa-t-elle. Alors, c’était qui ?J’étais stupéfaite qu’elle ne pense pas tout de suite à Sean.

Maintenant que nous étions enfin ensemble, Janice semblaitcroire que je n’éprouvais pas de sentiments pour lui. C’étaitironique, mais probablement pour le mieux : je ne voulais pasrévéler ma relation avec Sean. Pas encore. Je ne voulais pasreconnaître qu’elle avait eu raison. Je planais, ivre de bonheur, etje ne voulais pas encore revenir sur terre.

— Je ne te le dirai jamais, répliquai-je en souriantmalicieusement.

— C’est quelqu’un que je connais ? Carl ?— Dis-moi que c’est une blague ! m’exclamai-je. Et non, tu

ne le connais pas, mentis-je.Je me sentais coupable de mentir à mon amie, surtout après

tout ce qu’elle avait fait pour m’aider l’autre nuit, mais je ne

Page 108: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

voulais pas divulguer mon secret.— Tu me le présenteras ?— Oui, un jour.Elle plissa les yeux en me regardant.— La prochaine fois que je m’enverrai en l’air, je ne te dirai

rien, Scarlet.— Mon cul, la taquinai-je. C’est toi la pipelette, pas moi.— Venant de la femme qui s’est presque fait virer pour s’être

moquée de son patron au boulot.J’éclatai de rire.— Tu n’as pas tort.Je me rendis sur mon profil Facebook et changeai mon statut

à « En couple », le signe catégorique que j’étais dans unerelation sérieuse. Puis je m’occupai du manuscrit et commençaimes corrections, mais mes pensées ne cessaient de se tournervers Sean et je devais me concentrer pour ne pas penser à lui. Jeme réjouissais déjà de rentrer après le boulot. Je voulais lui fairel’amour encore et encore.

Nous planchâmes en silence pendant plusieurs heures. Janicetravaillait régulièrement le dimanche, et je me joignais parfois àelle. L’objectif était que le reste de la semaine soit moins intenseen prenant de l’avance le week-end, quand le bureau était pluscalme.

— Tu sais quoi ? fit soudain Janice.— Quoi ? demandai-je sans détourner les yeux de mon écran.—J’ai oublié ma clé USB chez toi, quand on a corrigé l’autre

manuscrit. Elle contient des références dont j’ai besoin pour celivre.

— Je n’ai pas encore terminé, mais tu peux passer lachercher. Sean devrait être chez moi, il t’ouvrira.

— Merci, dit-elle. Je suis vraiment trop tête en l’air.Elle prit son sac à main et son téléphone, puis se releva.

Page 109: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Bon, alors à demain. Bonne soirée.— À toi aussi, dis-je en souriant.

Page 110: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre12

SEAN

Je zappai de chaîne en chaîne sans rien trouver d’intéressantà regarder. Scarlet avait enregistré un documentaire animaliersur les ours sauvages d’Amérique du Nord, donc je décidai deregarder ça. J’avais enfilé le pantalon et la chemise de moncostume, mais j’avais laissé ma cravate et mon veston dans sachambre. Dormir avec elle m’aidait à panser mes plaies. Toute lasemaine, des cauchemars sur Pénélope n’avaient cessé de metourmenter. Chaque fois, j’avais retenu un cri d’angoisse. Scarletm’aidait à chasser mes cauchemars. Tout semblait plus simpleavec elle, plus tolérable.

Je ne savais pas trop ce qui m’était passé par la tête quand jelui avais sauté dessus la veille. En me réveillant, j’avais craint saréaction avec le recul, mais l’attitude de Scarlet avait chassé mesinquiétudes et mes doutes. Elle semblait avoir pris son piedautant que moi. Sa manière de se cramponner à mes épaules, deme supplier de la baiser plus fort et plus vite, m’avait excité àfond. J’ignorais totalement que je pouvais être aussi attiré parune femme que j’avais vue dégobiller, piquer une crise, seridiculiser ou manger un hot-dog qui était tombé par terre. Elleétait incroyablement sexy. Notre coup d’un soir m’avait

Page 111: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

vraiment remonté le moral. Je ne culpabilisais plus en voyantqu’elle n’était pas contrariée et qu’elle savait exactement ce quec’était ; une petite baise entre amis. C’était très agréable.

Nous n’avions jamais fait ça avant et je devais dire que jen’éprouvais absolument aucun regret. Je pensais en avoir autantbesoin qu’elle, quoique pour d’autres raisons. La douleur del’abandon de Pénélope m’avait mis le cœur à vif, et cette nuitintime avec une personne si proche avait soulagé ma peine decœur. L’alcool avait manipulé mon esprit dans une certainemesure et je m’étais comporté plus agressivement qu’en tempsnormal. Je pensais que cette impulsivité avait encouragé notrecomportement. Scarlet n’avait pas tiré son coup depuis un bail,donc j’avais été surpris de la trouver si bonne au lit. J’avaissavouré chaque instant, mais, quand je songeai à remettre lecouvert, je rejetai immédiatement l’idée pour le bien de notreamitié. J’avais toujours trouvé Scarlet belle et séduisante, mais jene l’avais jamais désirée sexuellement. Elle pouvait se taper quielle voulait, donc j’ignorais pourquoi elle était restée libre etcélibataire si longtemps. C’était évident qu’elle aimait le sexe.Pourquoi ne le pratiquait-elle pas plus régulièrement ?

Quand elle m’avait embrassé avant de partir travailler, jen’avais pas su quoi faire. C’était inattendu. Puis, je m’étais ditqu’elle me remerciait simplement pour la nuit que nous avionspassée ensemble. J’étais heureux de l’avoir satisfaite et, plusencore, soulagé qu’elle ne m’en veuille pas. Je savais que Scarletcomprendrait ce qui m’avait pris, le fait que j’étais en manque etrien de plus. Notre amitié n’en souffrirait pas et j’étais encoreplus relax en sachant ça. J’étais toujours amoureux de Pénélope,mais cette nuit m’avait fait comprendre que je pourrais l’oublier– avec le temps.

Quelqu’un toqua à la porte, ce qui me fit sursauter. J’étaispresque sûr que ce n’était pas Scarlet : je ne voyais pas pourquoi

Page 112: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

elle frapperait à la porte de son appartement. Je me levai ducanapé et regardai à travers le judas. C’était Janice.

Elle me sourit quand j’ouvris la porte.— Salut, Sean.— Coucou, Janice. Scarlet est au boulot, mais je lui dirai que tu

es passée.— En fait, je venais juste récupérer ma clé USB. Je l’ai oubliée

ici l’autre jour.J’ouvris la porte en grand et la laissai entrer, avant de

refermer derrière elle.— Tu sais où elle est ?— Oui, dit-elle en fouillant dans la pile de journaux qui

jonchait la table de la cuisine. La voilà.Elle la trouva cachée quelque part sous la pile. Elle commença

à jouer avec en me souriant. Je pensais qu’elle allait partir, maiselle restait plantée là, sans cesser de me sourire. Elle se montraitespiègle et j’ignorais pourquoi.

— Comment ça va ? demanda-t-elle.— Ça peut allerJe glissai les mains dans les poches et me dandinai d’un pied

sur l’autre. Je n’avais aucune intention de parler de messentiments avec Janice, une femme que je connaissais à peine.Mon désespoir était réservé à Scarlet.

— Les ruptures, ça craint, ajouta-t-elle en s’approchant demoi.

Elle effleura délicatement mon bras avant de baisser la main.Son contact me désarçonna. Ça s’était passé si vite que je l’avaisà peine senti.

J’ignorais que Scarlet lui avait parlé de Pénélope. Il me fallutun moment pour me remettre du choc.

— Oui. Ce n’est pas facile.— Eh bien, elle a eu tort de te quitter, Sean. Tu es vraiment

Page 113: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

craquant.Elle me sourit et je pus voir le désir dans ses yeux. Je me

faisais souvent draguer, que ce soit au sport ou dans un bar, etj’étais sûr que cette femme était en train de flirter avec moi. Sonsourire et son allure provocante en disaient long. Elle voulait mesauter. Je trouvais ça étrange étant donné qu’elle était amie avecScarlet, mais je chassai cette idée. Le fait que nous ayons passé lanuit ensemble n’empêcherait jamais Brian de coucher avecScarlet. Si elle écartait les cuisses pour lui, il risquerait notreamitié sans l’ombre d’une hésitation. Et, franchement, je ne luien voudrais pas.

Je décidai donc de jouer franc-jeu.— Je ne suis pas prêt à sortir avec quelqu’un.Je pensais que l’honnêteté était la meilleure option. Je ne

voulais pas que l’amitié entre Janice et Scarlet souffre de mesactions. En disant la vérité – que je ne cherchais pas une petiteamie – je pensais éliminer toute confusion.

— Je m’en doutais, dit-elle en touchant mon bras. Scarlet m’adit que tu étais déprimé.

À sa manière de me toucher, je sus qu’elle comprenait lesous-entendu.

— Ah… Je suis ravi qu’elle me montre sous un si beau jour,ricanai-je avec sarcasme.

Janice éclata de rire et resta tout près de moi. Elle se penchaun peu, m’invitant à faire le premier pas, sans se coller à moi. Laballe était dans mon camp et elle m’invitait à la renvoyer.Apparemment, Janice voulait juste baiser, et ça m’intriguaitsérieusement. Je la trouvais séduisante, avec ses longs cheveuxblonds et ses beaux yeux bleus, et j’avais remarqué ses seinsvolumineux la première fois que je l’avais rencontrée. Elle avaitde longues jambes minces et je me demandais à quoi ellesressemblaient sous sa robe. L’excitation me parcourut les veines

Page 114: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

à l’idée de m’envoyer en l’air avec elle. Cette pensée finit par mesuffoquer l’esprit et par contrôler mon corps. J’eus la gaule enm’imaginant sauter une femme que je connaissais à peine. Je mesentirais mieux, sans pour autant être blessé ou risquer un cœurbrisé.

J’approchai mes lèvres et elle réagit immédiatement. Souspeu, elle faisait courir ses mains sur mon corps, palpant mesabdos et mon torse sous ma chemise. Son agressivité et son désirme surprenaient et alimentaient mon excitation. Je n’avaisjamais couché avec deux femmes en l’espace de quelquesheures : ce serait une première. Mes émotions faisaient de moiune épave ; j’étais perdu et confus et je décidai que moncomportement était excusable. De plus, je ne faisais rien de mal.J’étais célibataire.

Janice m’arracha ma chemise puis s’attaqua à mon pantalon.Son enthousiasme était contagieux. Cette femme voulait mesentir en elle le plus vite possible. Elle était pratiquement àgenoux. Je décidai d’aller dans la chambre de Scarlet, où nousserions plus à notre aise. J’eus un instant d’hésitation enréalisant que j’allais sauter sa copine dans son lit, mais je cessaide m’inquiéter : Scarlet s’en ficherait. Je soulevai Janice dansmes bras et elle enroula ses jambes autour de ma taille. Je laportai jusqu’à la chambre et la posai sur le lit. Puis je lui ôtai sesvêtements et pressai mon corps nu contre le sien.

Sa peau était impeccable. Elle était très belle et séduisante.Ses jambes bronzées me serraient et me suppliaient de lapénétrer. Mon corps trembla d’impatience. L’idée de baiser uneinconnue m’excitait plus que tout. J’avais eu une relationsérieuse pendant si longtemps que j’avais oublié ce que c’était.

J’hésitai une dernière fois en pensant à Scarlet. Il me faudraitrassembler toutes mes forces pour reculer, sachant à quel pointelle mouillait pour moi.

Page 115: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je ne veux pas ruiner ton amitié avec Scarlet. Je ne sais pascomment elle le prendra.

Elle saisit ma queue et la caressa doucement, me faisantgémir.

— Je lui ai demandé plus de cent fois, dit-elle. Elle n’a pas desentiments pour toi. Ça ne la dérangera pas qu’on coucheensemble.

Elle n’avait pas tort. Si Scarlet avait affirmé à sa meilleureamie qu’elle n’avait pas de sentiments pour moi, alors elle nedevrait pas le prendre mal. Et puis, c’était l’affaire d’une fois.Elle n’en saurait sans doute rien. J’embrassai la gorge de Janicepuis pelotai ses seins volumineux. C’était mal de comparerJanice à mes autres partenaires, mais j’avais remarqué qu’elleavait la plus grosse poitrine de toutes, ce qui m’excitait à fond.Ses tétons étaient ronds et j’eus envie de les prendre dans mabouche. L’idée de baiser ses seins me donna une gaule d’enfer. Jevoulais la prendre, mais je ne pouvais pas le faire sansprotection. Je ne baisais jamais sans capote tant que je n’étaispas sûr qu’une femme soit clean. Je connaissais à peine Janice,donc je devais trouver un préservatif. Je n’en avais pas sur moi.Je m’approchai de la table de nuit de Scarlet et fouillai son tiroirjusqu’à en trouver un, puis je déchirai l’emballage et le tendis àJanice. Les yeux emplis de désir, elle le déroula sur mon érection.La voir recouvrir ma queue de latex me fit bander comme un fou.J’avais l’impression d’être un cheval sauvage sortant de l’écuriepour la première fois.

J’écartai ses jambes et les repoussai vers sa poitrine pour mepencher sur elle. Je ne l’embrassai pas ni ne la touchaiautrement. Nos ébats n’étaient pas romantiques et je n’allais pasprétendre le contraire. Je fis claquer mon bassin contre le sien etla pompai violemment. Dès que je fus en elle, j’eus envie dejouir. Mais je me retins pour la faire jouir en premier. Sa chatte

Page 116: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

commençait déjà à se contracter et je savais que je n’aurais paslongtemps à attendre. Elle se mit à crier mon nom, à le hurler,plutôt.

— Baise-moi plus fort, exigea-t-elle en griffant mon dospratiquement à sang.

Sa requête me rendit fou. C’était torride qu’elle aime le sexebrutal. J’accélérai la cadence et elle rejeta la tête en arrière, semordillant la lèvre de plaisir.

— Tu aimes ça ?— Putain, oui, gémit-elle.Son corps se cambra sous le mien et je sus qu’elle était prête à

exploser. Elle agrippa mes fesses et m’attira en elle.— Ouais, continue comme ça, hurla-t-elle.Ses cris de plaisir me firent perdre mon sang-froid. Je tentais

toujours de satisfaire mes partenaires autant que possible avantde me vider. La nuit dernière, j’avais fait jouir Scarlet cinq foisparce que je savais que ça faisait longtemps qu’elle n’avait pasété bien baisée. Maintenant que Janice avait joui, je me laissaialler et me sentis béat. Tout s’était passé en un éclair. Elle restacouchée à côté de moi en souriant, apparemment satisfaite dema performance. Janice se leva du lit et enfila ma chemise ; jerestai allongé sur place.

— C’était sympa, dit-elle en souriant.— Je suis ravi de t’avoir rendu service. J’espère que Scarlet ne

m’en voudra pas.— Je lui ai demandé des tas de fois si elle éprouvait quelque

chose pour toi et elle a toujours répondu non. Ça ne la dérangerapas.

— Non, je veux parler des draps. Je vais devoir les laver.Janice me lança un regard dégoûté.— Ouais, vaudrait mieux les mettre dans la machine.J’éclatai de rire puis me levai du lit.

Page 117: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je vais prendre une douche, annonçai-je. Tu vas rester unpeu ?

— Si ça ne te dérange pas. Je vais mettre les draps de Scarlet àlessiver.

J’entrai dans la salle de bain et, avant de refermer la porte, jeme tournai vers elle.

— Merci.— Pour quoi ? demanda-t-elle. La baise ou les draps ?— Les deux, gloussai-je.

Page 118: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre13

SCARLET

Quelques heures plus tard, j’étais la seule personne toujoursau bureau. Maintenant que je faisais autant d’heuressupplémentaires, je me rendais compte à quel point j’étais sous-payée. Je cessai d’y penser et me remis au travail. Vers dix-septheures trente, j’entendis la porte du bureau s’ouvrir. Je supposaique c’était le concierge, mais, à ma plus grande horreur, ce futCarl qui entra. Je sentis mon cœur palpiter. Je me retrouvaiscomplètement seule avec lui, et il n’y avait pas de caméra dans lapièce. Je tendis le bras vers mon téléphone, mais me ravisaiquand il posa les yeux sur moi. Il s’approcha de mon bureau.Sans réfléchir, je composai le numéro de Sean et le laissai sonnerjusqu’à tomber sur la messagerie. Paniquée, je le rappelai. Jereposai le téléphone qui sonnait toujours sur la table et vis Carldevant mon bureau.

— Que faites-vous donc ici, Scarlet ? demanda-t-il.Son sourire était grotesque et je sentis mes paumes devenir

moites. Sean avait toujours insisté pour que je porte un Taser surmoi et, quand j’avais refusé, il m’en avait acheté un – que jelaissais toujours à mon appart. J’aurais aimé l’avoir sur moi.

— Je travaille, répondis-je, me retournant vers mon écran en

Page 119: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’ignorant.Je me demandais si mon appel était passé sur la messagerie

ou si Sean avait décroché. Quoi qu’il en soit, il saurait où j’étaiset où me trouver si quelque chose se produisait. Je priais pourqu’il nous écoute.

— Eh bien, voilà qui est admirable, lança-t-il d’une voixsuave.

Son attitude était si changeante que j’ignorais commentréagir. J’aurais préféré qu’il recommence à me hurler dessus,qu’il se comporte comme d’habitude. Ce ton calme et sinistre meterrifiait bien plus.

— Vous savez ce que vous pourriez faire pour vous éviter toutça, n’est-ce pas ? Peut-être même devenir la nouvelle assistantede rédaction.

Putain. Je n’arrivais pas à croire qu’il me harcèlesexuellement.

— C’est le poste de Cécilia, dis-je. Et elle fait un excellenttravail.

— Eh bien, je pourrais toujours la muter.— Merci beaucoup, mais je ne suis pas intéressée. Je suis

contente de mon poste.— Moi pas, gronda-t-il d’une voix soudain colérique.

Donnez-moi ce que je veux et vous pourrez le garder, votreposte.

— Je fais ce que vous voulez. Mon boulot.Carl se pencha sur mon bureau et j’eus un mouvement de

recul. Je jaugeai du regard où se trouvaient toutes mes affaires,au cas où j’étais forcée de m’enfuir. Mon sac était sous le bureauet mon téléphone posé juste devant moi. Il me restait juste à lecontourner. Mon cœur se glaça. J’étais complètement bloquée.

— Je vais vous donner une dernière chance, Scarlet, prévint-ilen ouvrant sa braguette. Je rêve de ça depuis le jour où je vous ai

Page 120: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

embauchée.Il en sortit sa queue et la pointa vers moi. Je détournai le

regard pour ne pas la voir. Jamais je ne m’étais sentie aussiterrifiée. Je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à me tuer si jerésistais, mais je ne doutais pas une seconde qu’il me violerait etque je n’aurais aucune chance de l’arrêter. Je ne pourrais pasporter plainte contre lui après ma remontrance de la semainedernière, et je n’avais aucun témoin. À cet instant, j’auraispréféré avoir démissionné quand j’en avais l’occasion. Je nevoulais qu’une chose : rentrer chez moi et me blottir contre Seanpour regarder la télévision. Encore mieux, j’aurais préféré queSean soit là pour buter ce minable.

Carl saisit ma nuque et je reculai violemment. Il medéshabillait de son regard libidineux. Je ne m’étais jamais sentiesi humiliée et violée de ma vie. J’aurais préféré mourir. Siseulement Sean était là. Il descendrait cet enfoiré sans hésiter.Carl fourra sa queue devant mon nez, mais je me dégageai. Ilsaisit mes cheveux et les tira, arrachant quelques mèches tandisqu’il rapprochait mon visage de son engin. Je sentis son pénistoucher ma peau. Je me débattis, mais il ne lâcha pas sa prise.

— Lâche-moi, enfoiré !— Arrête de résister, Scarlet. Suce ma bite ou je promets que

tu le regretteras.Je tentai de le repousser, mais il me gifla violemment. Puis il

attrapa mon visage entre ses mains.— Ouvre ta bouche, ordonna-t-il.Je n’arrivais pas à y croire. Cette journée avait si bien

commencé. Le plus beau jour de ma vie s’était vite transformé encauchemar. J’aurais pu céder et lui tailler une pipe, avant dequitter ce bureau et ne jamais y remettre les pieds, mais je m’yrefusais. Je refusais de m’abaisser à ça. J’envoyai un coup de pieddans son entrejambe, de toutes mes forces. Il me lâcha pour se

Page 121: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tenir l’estomac, plié de douleur, et hurla des obscénités. Jeramassai mon sac et mon téléphone et décampai au plus vite delà.

Carl se mit en chasse un instant plus tard. J’évitai l’ascenseuret descendis les escaliers quatre à quatre, espérant pouvoir ledistancer. Après tout, Carl était un gros lard. J’atteignis enfin lerez-de-chaussée, qui était désert, mais l’entendis mepoursuivre. Il marchait calmement, conscient que des camérasfilmaient les allées et venues dans l’immeuble. Je ferais mieux deprendre mes jambes à mon cou maintenant, car, après avoirfranchi les portes, il n’hésiterait pas à me pourchasser. Jepoussai les portes battantes et hélai un taxi. Je me jetai sur labanquette arrière et me tournai vers le chauffeur.

— DÉMARREZ ! ALLEZ, VITE ! DÉMARREZ, PUTAIN !!!Le chauffeur enfonça la pédale et s’éloigna dans un

crissement de pneus.Je vis Carl débouler sur le trottoir, observant le taxi se fondre

dans la circulation. Je savais que je ne pourrais pas lui échapper.Il finirait par me retrouver.

Je donnai mon adresse au chauffeur et, quand nous arrivâmesenfin, je ravalai mes larmes pour ne pas effrayer Sean quand ilme verrait.

J’arrivai devant ma porte et glissai ma clé dans la serrureavant de la faire tomber, prête à m’effondrer dans ses bras.Quand la porte s’ouvrit enfin, mon cœur se serra. Janice étaittoujours chez moi, un grand sourire aux lèvres. Elle portait lachemise de Sean et sa culotte, rien de plus. Ce qui s’était passéentre eux était évident, mais j’étais perdue. Je ne comprenaisplus rien à rien.

— Où est Sean ? demandai-je.J’avais du mal à retenir mes larmes. Janice comprit tout de

suite que quelque chose de terrible s’était produit.

Page 122: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Tout va bien ? rétorqua-t-elle.Elle s’approcha de moi, mais je fis un pas en arrière. J’enfouis

mon visage entre mes mains, tentant de cacher ma lèvretremblante et les larmes qui perlaient sous mes paupières.

— Qu’est-ce qui s’est passé, Scarlet ?— Où est Sean ? murmurai-je entre deux sanglots.— Il prend une douche, répondit-elle vivement. Entre,

Scarlet. Ne reste pas dans le couloir.— Non, répondis-je en secouant la tête. C’est ma place.Je tournai les talons et pris mes jambes à mon cou, fuyant la

scène qui m’avait brisé le cœur. J’empruntai le couloir et lesescaliers au pas de course, tentant d’échapper à quelqu’un qui neme pourchassait même pas. En arrivant dans la rue, je comprisque je n’avais nulle part où aller. J’étais perdue.

N’ayant que quelques centaines de dollars sur mon compte àvue, j’errai dans la ville jusqu’à trouver l’hôtel le moins cherpossible. J’avançai dans le noir pendant longtemps, sans faireattention à ce qui se passait autour de moi. Je vis les lumières dumotel au loin, puis sentis une main saisir mon bras et m’attirerde force dans une ruelle. Paniquée, je crus que Carl m’avaitretrouvée, mais, en voyant le visage de mon agresseur, je merendis compte que c’était un illustre inconnu. Il tenait une lameà ma gorge. Il me délesta de mon sac et je ne l’en empêchai pas.Indemne, je le regardai s’enfuir en courant. Heureusement, montéléphone et mon portefeuille étaient dans la poche de ma vesteen jean et contenaient la plupart de mes documents personnels.Mais cette agression m’épouvanta. Je restai plantée dans la rue,paralysée par la peur. Je pouvais encore sentir l’acier froid de lalame contre ma gorge et vis la réalité en face : j’avais atteint lefond du trou.

Je m’enregistrai à l’hôtel et m’allongeai sur le lit, même si jeme sentais incapable de dormir. Je sortis mon téléphone pour

Page 123: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’éteindre, ne voulant parler à personne. Je pouvais entendre larumeur des crimes dans la rue : le trafic de drogue juste devantma fenêtre et les sirènes de police qui résonnaient dans la ville.Le bruit de verre brisé dans la chambre adjacente me fitsursauter et je ramenai mes genoux vers ma poitrine, effrayéepar toute cette violence. Je ne pouvais retourner chez moi : je nepouvais effacer la vision de Sean et de Janice de mon esprit.L’idée qu’ils aient baisé dans mon lit me donnait envie de vomir.Il m’avait fait l’amour sur ces draps moins de vingt-quatreheures plus tôt. Je ne pouvais pas y retourner. Du moins, pasencore.

La suite d’évènements du week-end m’accablait tant quej’avais envie de mourir. Sean m’avait trahie. Nous n’avions étéensemble que quelques heures avant qu’il ne couche avec une demes meilleures amies. Pourquoi m’avait-il fait une telle chose ?Avais-je vraiment mal interprété ses sentiments et sesintentions ? J’avais supposé qu’il ne profiterait jamais de moi, sameilleure amie, mais je m’étais fourré le doigt dans l’œil. Jecompris enfin ce que Sean ressentait. Pénélope se fichait de lui,mais, même si elle l’avait blessé irrémédiablement, il l’aimaittoujours. C’était exactement ce que j’éprouvais pour lui. Enrepensant à notre amitié, je me rendis compte que j’avaistoujours été là pour lui. Que ce soit pour repasser ses vêtementsou pardonner ses erreurs, j’avais toujours été à ses côtés. Mêmequand il m’avait complètement ignorée alors que je lui confiaismes angoisses. En cet instant, je compris qu’il ne m’avait jamaisaimée. J’avais juste été un coup facile.

La vérité était trop dure à accepter. Je fermai les yeux et meforçai à penser à autre chose, n’importe quoi. Je savais que jedevais partir, fuir cette ville méprisable et les gens qui m’avaientblessée. Je méritais mieux que ça. Je devais sortir de là.

Page 124: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre14

QUAND LE SOLEIL SE LEVA SUR LA VILLE DE MANHATTAN LUNDI MATIN, JE

décidai que mieux valait rentrer chez moi. Je supposais que Seanet Janice étaient partis travailler. Je pris un taxi pour traverser laville et, en entrant chez moi, je balayai l’appart du regard pourm’assurer que j’étais seule. Mais, après avoir claqué la porte, jevis Sean bondir du canapé. Il s’approcha de moi en se frottant lesyeux. Il portait le même costume depuis deux jours. Il était pleinde plis.

— Où étais-tu, putain ?Je sursautai et lâchai mes clés par terre en entendant la voix

hostile de Sean. Il s’était endormi sur le canapé et je ne l’avaispas vu de la porte. Il s’approcha en me décochant un regard à lafois colérique et apeuré.

Je le regardai sans rien dire un instant et me sentis malade.L’imaginer avec Janice me donnait envie de gerber. Je me sentaistrahie et blessée.

— J’ai dormi dans un motel, dis-je en me détournant.Je vis le corps de Sean se contracter de colère.— Tu es allée dormir dans un motel minable ? Tu te fous de

moi, ou quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi réagis-tucomme ça ?

Page 125: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je me détournai et l’ignorai, mais il saisit mon bras pour meramener à lui.

— Tu es sûre que ça va, Scarlet ? J’ai écouté ton message.Pourquoi criais-tu ?

Je me dégageai de son emprise. Il me lâcha et me décocha unregard perplexe.

— Scarlet, dis quelque chose. Je n’ai jamais eu aussi peur dema vie.

— Ne fais pas semblant que tu te soucies de moi, Sean. Tu asété très clair.

— Pardon ? s’écria-t-il, visiblement offusqué. De quoi veux-tu parler ?

— Je veux que tu sortes d’ici, Sean. Rends-moi mes clés et va-t’en.

— Qu’est-ce que j’ai fait ?— Tu rigoles ? tonnai-je. Tu m’as trompée et tu as baisé ma

copine dans mon propre lit. T’es con ou quoi ?— Je t’ai trompée ? dit-il d’une voix perçante. Scarlet, je

pensais… Je supposais que cette nuit était… physique, et rien deplus.

Sean glissa ses doigts dans ses cheveux et soupira. Il sedétourna pour éviter mon regard.

— Je ne savais pas que ça signifiait plus pour toi.— Va te faire foutre, Sean. Tu t’attendais à quoi,

franchement ?— Je suis toujours amoureux de Pénélope, au cas où tu ne

l’avais pas remarqué. Tu devrais te sortir la tête du cul et cesserd’agir bêtement, Scarlet. Tu ne te souviens pas d’elle ?demanda-t-il d’un ton sarcastique. La femme que je voulaisépouser ? Celle qui m’a brisé le cœur ? Pourquoi pensais-tu queje sortirais avec toi ? Je croyais que tu étais plus futée que ça,Scar.

Page 126: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je secouai la tête.— On a déjà vécu des ruptures avant, mais ce n’est jamais

arrivé. On n’a jamais couché ensemble et tu as tout initié, Sean –tout. Je suis désolée d’avoir supposé, sans le moindre doute, quemon meilleur ami ne profiterait jamais de moi comme ça. Qu’ilne me ferait l’amour que s’il m’aimait et pas pour une autreraison.

Je m’éloignai tout en essuyant les larmes qui s’étaient mises àcouler de mes yeux.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies profité de moi comme ça,Sean. Je me sens si conne. Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoim’as-tu embrassée ?

Sean trouva enfin le courage de me regarder.— Je ne sais pas. Je… Quand je t’ai embrassée, j’ai eu envie de

sexe, j’imagine. Et j’ai toujours été attiré par toi. Je n’avais pastiré mon coup depuis un petit temps et je savais que toi non plus.

— Alors quoi, on est des copains de baise, maintenant ? Tu asdétruit notre amitié parce que tu avais envie de sexe ?

— La ferme, lâcha-t-il. Ça ne s’est pas passé comme ça. Tu levoulais autant que moi. À ma décharge, j’étais beaucoup plussaoul que toi, Scarlet. Tu savais exactement ce que tu faisais. Neme fais pas porter le chapeau. Tu aurais pu m’arrêter quand tu levoulais.

— C’est ça, Sean.Je sentis les larmes redoubler en force. Je me détournai et

dissimulai mon visage derrière mes mains, ce que je n’avaisjamais fait avant.

— Je n’ai pas profité de toi, dit-il d’une voix douce.En voyant mes larmes, il abandonna son ton âpre. Il

s’approcha de moi, mais sans me toucher.— Pardonne-moi, Scar. Je ne voulais pas te blesser. Je ne

savais pas que tu ressentais ça.

Page 127: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je t’ai dit que je t’aimais, murmurai-je. Tu aurais dû lesavoir.

— Ce n’est pas vrai.— Bien sûr que si, lâchai-je. Je ne l’ai peut-être pas dit mot à

mot, mais c’était évident dans tout le reste. Je t’ai fait l’amour, jet’ai embrassé et je t’ai tenu dans mes bras en dormant. Ça fait unan que je ne fréquente plus personne et j’ai toujours été là pourtoi. Comment ai-je pu être aussi stupide ?

Sean ne prononça pas un mot pendant longtemps. Il glissa lesmains dans les poches et soupira.

— Tu ressens ça depuis longtemps ?— Je ne sais pas, soupirai-je. Depuis l’autre jour. Ou depuis

toujours, peut-être. Je ne sais pas, Sean. Tout ce que je sais, c’estque je t’aime et que je pensais que tu m’aimais aussi. Je pensaisqu’on était faits l’un pour l’autre, mais j’imagine que tu n’es pasd’accord.

— Scar, je t’aime aussi.— Non. Pas comme je t’aime.Sean posa ses mains sur mes épaules et je ne flanchai pas.— Je suis désolé, murmura-t-il. Je ne savais pas que tu

ressentais ça. Si j’avais su, je n’aurais jamais fait ce que j’ai fait.Tu le sais, Scar. C’était juste un malentendu.

Il me frotta les épaules puis le dos, essayant de me calmer,mais ça avait presque l’effet inverse.

— Sean, je pourrais oublier ça et tourner la page, mais il y aune chose que je ne peux pas digérer.

— Quoi ?Je pus entendre la peur dans sa question. Je m’éloignai et lui

fis face, refusant qu’il me touche.— Tu n’étais pas là pour moi quand j’avais besoin de toi et,

maintenant que j’y pense, tu ne l’as jamais été.— De quoi tu parles ?

Page 128: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je t’ai tout balancé au sujet de mon pervers de patron, maistu n’as pas écouté un seul mot.

— Quand ça ? demanda-t-il.— Au bar – juste avant que tu ne voies Pénélope. Tu as

abandonné ta meilleure amie pour une femme qui se fichecomplètement de toi, Sean. Elle s’en balance comme de l’anquarante. J’avais besoin de toi et tu n’étais pas là.

— Je suis désolé, Scarlet, dit-il en secouant la tête. Mais cen’est arrivé qu’une fois. J’ai toujours été là pour le reste.

— Tu as risqué notre amitié juste pour pouvoir baiser, aumépris de mes sentiments, et puis tu as couché avec ma collèguele lendemain.

— Ça ne voulait rien dire, Scarlet.— Et moi, je ne comptais pas non plus ?Mal à l’aise, Sean ne réagit pas à mon commentaire.— Alors pourquoi n’as-tu pas couché avec moi une deuxième

fois ? Je n’étais pas suffisamment bonne pour toi ?Les larmes ruisselaient sur mes joues. Je me sentais pitoyable.

Je voulus dissimuler mon visage et, quand Sean essaya de meprendre les mains, je le repoussai violemment.

— Ne me touche pas !— Ce n’était pas comme ça. C’est arrivé, c’est tout. Elle m’a

sauté dessus et j’en ai fait autant. Tout comme n’importe quelmec célibataire !

— Va te faire voir, Sean !— Putain, Scarlet. Je t’ai dit que j’étais désolé.Je vis la colère dans ses yeux et sus qu’il était contrarié.— Ce n’est pas ma faute si tu ne me racontes pas ce qui se

passe dans ta vie. Tu aurais pu me dire ça à n’importe quel autremoment et je t’aurais écoutée – mais tu n’as pas choisi lemeilleur moment. Je ne suis pas devin. Comment veux-tu que jesache ce que tu ressens ? Tu me dis toujours tout, Scar. C’est une

Page 129: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

des choses que j’adore chez toi. C’est Janice qui a dû me raconterce qui se passait au boulot. Janice, pas toi. J’ai écouté tonmessage, mais je n’ai rien compris à ce qui se passait, à part queje t’ai entendue crier. Raconte-moi ce qui s’est passé.

— Non, dis-je en secouant la tête.— Dis-moi, Scarlet. Je te jure que je vais lui arracher la tête, à

ce connard, s’il t’a touchée. N’en doute pas une seule seconde.Tu ne mérites pas d’être traitée comme ça et c’est hors dequestion que tu retournes travailler. Tu peux vivre avec moijusqu’à ce que tu trouves un autre boulot. Je prendrai soin de toi,Scarlet.

— Non.— Non quoi ?— Je ne veux rien de toi.— Ne fais pas ça, Scarlet. Tu te comportes comme une

pimbêche. Je m’excuse pour tout ce que j’ai fait. Si seulement jet’avais écoutée… Je reconnais que j’ai eu tort et c’est tout. Janicem’a dit que tu lui avais répété à maintes reprises que tu n’avaisaucun sentiment pour moi. Tu crois que je l’aurais baisée sij’avais su que ma meilleure amie était amoureuse de moi ? Jet’adore, Scarlet, et je sais que tu as besoin de moi. Alors, laisse-moi m’occuper de toi.

— Je veux que tu sortes de chez moi.— Non.— Si. Je ne veux plus avoir affaire à toi.— Quoi ?— Va-t’en.— Alors c’est terminé, entre nous ?— C’est toi qui y a mis fin, Sean. À l’évidence, je ne signifie

rien à tes yeux. Tu as dépassé les bornes et je ne l’oublieraijamais. Tu as couché avec moi et tu m’as fait croire que tum’aimais. Après tout ce que j’ai fait pour toi, c’est comme ça que

Page 130: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tu me traites ? Je ne veux plus te voir.— Arrête ça.— Je ne plaisante pas, Sean. J’ai gardé mes problèmes pour

moi parce que je savais que tu étais déprimé et je ne voulais past’ennuyer avec ça. J’ai gardé mes secrets même si ça me tuait.

— Quels secrets ? demanda Sean en écarquillant les yeux.— Tu ne veux pas savoir.— Dis-moi, s’il te plaît, supplia-t-il en s’approchant.Je savais que je finirais par lui dire. Sean avait le droit de

savoir. J’aurais préféré lui en parler plus tard, à tête reposée,quand il se serait remis de la rupture.

— Pénélope t’a quitté pour un autre. Elle te trompe depuisdes mois. Je ne te l’ai pas dit pour t’épargner.

Sean fit un pas en arrière et ses yeux s’agrandirent commedes soucoupes. Tremblant de fureur, il fut pris de convulsions. Ilferma les yeux et inspira profondément avant de reprendre laparole. J’ignorais ce qu’il allait dire.

— C’est une chose de garder tes secrets pour toi, puisqu’ilst’appartiennent. Tu n’aurais jamais dû me cacher que ton patronte harcelait et menaçait de te virer si tu ne le suçais pas. Mais ça,c’est inexcusable. Comment as-tu pu me cacher ça, Scarlet ? Tun’en avais aucun droit. Alors, va te faire foutre ! C’est bien pireque ce que je t’ai fait. Tu es une putain d’hypocrite.

Je détournai le regard et restai muette. J’ignorais quoi faire.Sean m’avait blessée sans même s’en rendre compte. Jedétestais le voir souffrir, détestais ce que nous étions devenus,mais je ne voulais plus le voir. Il aimait Pénélope et nem’aimerait jamais de la même manière. Il avait profité de moipour s’envoyer en l’air et avait remis le couvert avec mon amie.Sean m’avait traitée comme une inconnue, quelqu’un qui necomptait pas. Je pensais être spéciale. Mais j’avais eu tort. Jen’avais aucune envie de me confier à lui sur ce qui venait de

Page 131: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

m’arriver, sur la queue de Carl sur ma joue et l’attaque dans laruelle, donc je me tus. Même si je rêvais de m’épancher, je ne luifaisais plus confiance. Cet homme m’avait brisé le cœur.

— Je ne veux plus jamais te parler, Sean. Sors de chez moi.Il me regarda bouche bée.— Scarlet, je te pardonnerai si tu me pardonnes. J’avoue que

j’ai eu tort et que je n’avais pas les idées claires, mais tu as aussitort que moi sur ce coup-là. Tu n’aurais jamais dû supposer queje m’engageais envers toi. Après tout, tu ne m’as jamais parlé detes sentiments. Pénélope vient de me larguer. Commentpouvais-tu penser que j’étais prêt à en aimer une autre ? Etcomment as-tu pu me cacher une telle chose ? Si j’avais suqu’elle me trompait depuis des mois, je n’aurais pas été aussidéprimé. Visiblement, c’est une pute. Scarlet, tu es tout pourmoi. Je ne veux pas te perdre. Tu sais que je ne t’aurais jamaisblessée volontairement. On peut oublier ça et donner une autrechance à notre amitié, mais c’est un ultimatum. Si tu medemandes encore une fois de sortir de chez toi et de ne jamaisplus t’adresser la parole, je le ferai. Je me sens aussi trahi quetoi. Ce ne serait pas facile de te perdre, et je ne préférerais pas,donc réfléchis bien. Sinon, si tu veux que je sorte, je le ferai etpour de bon – si c’est ce que tu veux vraiment.

Le silence se prolongea après ses paroles. Mon cœur troubléavait pris la barre de mon cerveau et je donnai ma réponse :

— Je veux que tu sortes de chez moi.— Adieu, Scarlet, dit Sean en jetant ma clé sur la table avant

de partir.

Page 132: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre15

JE NE PRIS PAS LA PEINE DE DÉMISSIONNER DE MON BOULOT CHEZ R & R. JE

cessai d’aller travailler. Je reçus quelques coups de fil de Janice etdu département des ressources humaines, mais ne décrochaipas. Ils pouvaient tous aller se faire voir.

Dès que Sean fut parti, je fis mes valises, emportant toutesmes affaires, avant de me rendre à l’aéroport JFK. Je n’allais pasterminer mon bail et j’espérais que mon propriétaire puisserécupérer de l’argent grâce au mobilier de ma chambre puisqu’ilse faisait entuber. Je continuai à vérifier mon téléphone toutesles heures, me demandant si j’avais manqué un appel ou unmessage de Sean, mais il tint parole et n’essaya pas de mecontacter.

Dans l’avion, je me tournai vers le hublot et observai lesgratte-ciels au loin, me demandant si je pourrais apercevoir monbureau à R & R Publishing d’ici. Je sus que je ne reviendraisjamais à New York. Jamais. Je faisais mes adieux. L’avion décollaet New York disparut rapidement de mon champ de vision – iln’y avait pas de retour en arrière.

Six heures plus tard, les lumières nocturnes de Seattleattirèrent mon attention, me rappelant des souvenirs d’enfance.Mon frère Ryan et moi avions grandi à Seattle. J’étais partie

Page 133: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

étudier à Boston, mais mon frère était resté sur place et étaitdevenu un des meilleurs tatoueurs en centre-ville. Ryan n’avaitaucune idée de ma venue et j’espérais que ça ne le dérangeraitpas que je loge chez lui. Je me sentais à moitié coupable de ne pasavoir dit à Sean où je me rendais, mais je devais rester ferme. Illui faudrait sans doute plusieurs semaines avant de découvrirque j’avais quitté la ville. D’ici là, je serais bien installée à Seattleet j’aurais tourné la page. Je me demandais combien de temps illui faudrait pour m’oublier.

Il drachait et les gouttes rebondissaient sur le toit du taxi. Jebaissai la vitre et inspirai l’odeur humide de chez moi. Bien quenous étions en juin, il pleuvait à verse. C’était un changementagréable après la chaleur étouffante de New York et je savouraicette bouffée d’air frais. L’odeur des pommes de pin et du sel meremplit les narines. Le taxi s’arrêta enfin devant chez Ryan. Jetransportai toutes mes affaires dans l’ascenseur et montaijusqu’à son appartement.

Je martelai sa porte avec mon poing et, au bout de quelquesminutes, il vint m’ouvrir. Un grand sourire se dessina sur seslèvres et ses yeux bleus pétillèrent de surprise et d’excitation.

— Scarlet ? s’écria-t-il.Je sentis mes lèvres se relever toutes seules. Son sourire était

contagieux. Il franchit le seuil et me serra fort dans ses bras. Jelui rendis son étreinte et y restai sans bouger pendantlongtemps. Enfin, je me sentais en sécurité. J’avais fui tout cequi me démoralisait. Mon frère était grand, mesurant juste sousle mètre quatre-vingt-dix, et son corps puissant et musclé medonnait un sentiment de sérénité. Il finit par reculer et medévisager avec ses yeux bleus si identiques aux miens. Nousavions la même couleur de cheveux – bruns –, mais les siensétaient plus courts, à peine trois centimètres de long.

Ryan baissa les yeux sur mes valises, sur le pas de sa porte,

Page 134: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

avant de les relever dans ma direction.— Tu comptes rester un moment ? demanda-t-il sans cesser

de sourire.Je sentis mes joues rougir.— Si ça ne te dérange pas, répondis-je.Ryan étudia mes traits et je sus qu’il pouvait voir le désespoir

au fond de mes yeux. Il ne me posa pas de questions, et je lui enfus reconnaissante.

— Tu es toujours la bienvenue chez moi, Scarlet – toujours.Ne t’inquiète pas pour ça.

Je compris le sous-entendu et son insinuation me fit ravalermon sourire. Ryan s’empara de mes sacs et les transporta dans lachambre d’amis, au bout du couloir. La pièce était assez petite etdotée d’un petit lit double et d’une commode. Ce n’était pas unpalais, mais ça suffirait.

— Fais comme chez toi.— Merci, Ryan.— De rien, dit-il en souriant. C’est à ça que servent les grands

frères, non ?— Rien qu’à ça, oui, le taquinai-je.— Tu as faim ? demanda-t-il.Il s’appuya contre le chambranle de la porte tandis que je

m’asseyais sur le lit.— On pourrait aller à Mega Shake.Ça m’aurait fait très plaisir. Le « repas » servi durant le vol

méritait à peine le nom de nourriture. Puis, je réalisai que jen’avais pas un rond, ni sur moi ni sur mon compte à vue. J’avaistout dépensé pour acheter le billet de retour à Seattle et arriverchez mon frère, mon havre de paix. Si je voulais mettre ma mainsur de l’argent, il faudrait que j’aille le chercher dans ma maigreépargne – celle que j’économisais pour rembourser mes prêts.

— Je suis un peu fauchée, Ryan. On ne peut pas manger ici ?

Page 135: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— T’inquiète, Scarlet, dit-il en s’éloignant dans le couloir.Allons-y. J’ai vraiment envie d’un burger.

Je le suivis dans le couloir et jusqu’à la porte. Étant donné lapluie torrentielle qui se déversait sur Seattle, nous prîmes untaxi pour nous rendre au resto, deux rues plus loin. À l’arrivée,nous courûmes à l’intérieur pour ne pas nous retrouver trempés.Ryan commanda pour deux et nous nous installâmes. Je metournai pour regarder la pluie marteler la vitre. Les passantss’étaient regroupés sous des parapluies pour s’abriter et héler untaxi, ou se protégeaient le visage sous une capuche ou leur veste.Ça ne m’aurait pas dérangé de rester debout sous la pluie et de lalaisser rincer mon passé.

Ryan et moi mangeâmes en silence. Je dévorai mon burgertant j’étais affamée. Je surpris mon frère en train de me regarderen souriant.

— Bon, tu veux en parler maintenant ou plus tard ?— On doit vraiment en discuter ?— Pas si tu ne veux pas, répondit-il. Mais si tu restes chez

moi, j’aimerais savoir la raison et tes intentions.— Je vois.— Alors ?— Je devais quitter New York, mon boulot, ma vie, tout.— Qu’est-ce qu’il t’a fait ?— Qui ?— Ton copain – celui que tu fuis – qu’est-ce qu’il t’a fait ?— Je n’ai jamais mentionné de copain, Ryan.— Je ne vois pas qui d’autre te ferait fuir à l’autre bout du

pays. Je ne connais aucun obstacle, aucun examen, aucun défique ma petite sœur diplômée de Harvard ne puisse surmonter.Donc j’imagine que c’est à cause d’un salaud.

— Eh bien, il y avait plus d’une raison. Je déteste mon patron.C’est un gros pervers qui m’a pratiquement forcée à le sucer pour

Page 136: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

ne pas faire de ma vie un enfer. Puis j’ai été agressée et un amim’a trahie. Franchement, je voulais juste tourner le dos à tout ça.Ce n’est plus ma place.

— Et Sean ?Mon cœur fit un bond en entendant son nom.— Quoi, Sean ?— Il sait où tu es ?— Non.Ryan soupira profondément et se frotta la tempe.— Donc c’est lui qui t’a fait fuir. Vous êtes amis depuis

toujours. Qu’est-ce qu’il a bien pu te faire ? Sean est un mecgénial.

— C’est une longue histoire.— J’ai tout le temps qu’il faut.Je lui souris et fus soulagée qu’il me prenne sous son aile.

Notre relation avait toujours été simple et naturelle. Engrandissant, j’avais toujours eu l’impression de pouvoir tout luidire sans craindre qu’il me juge ou aille tout répéter à nosparents. Il m’écoutait toujours sans m’interrompre et medonnait ses meilleurs conseils. J’avais été surprise qu’il se lanceen tant que tatoueur. Il aurait pu devenir tout ce qu’il voulait.

— Eh bien, la petite amie de Sean, Pénélope, l’a largué il y adeux semaines. Enfin bref, on a couché ensemble, et je me suisrendu compte que je l’aimais. Je pensais qu’on sortait ensemble.Visiblement, lui pas, parce que je l’ai surpris avec une autrefemme. Nos ébats ne signifiaient rien à ses yeux.

— J’espère que tu lui as parlé avant de quitter New York.— Bien sûr, répondis-je.— Et vous n’avez pas pu régler vos différends ?Je repensai à la manière dont j’avais envoyé Sean paître. Sa

trahison était trop douloureuse et récente. Maintenant quej’avais compris à quel point je l’aimais, je ne pouvais plus être

Page 137: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

amie avec lui. Je ne pouvais pas le voir et ne rien ressentir pourlui, ou faire comme si rien n’avait changé, entre nous. Je nesortirais avec personne et je ne trouverais jamais l’amour sij’étais toujours amoureuse de lui. J’avais pris la bonne décisionen partant.

— Non, finis-je par répondre. Ce serait trop difficile de le voirtous les jours. Je ne peux plus être amie avec un homme quej’aime et qui ne m’aimera jamais.

— Eh bien, j’espère pour toi que tu te raviseras. Vous êtesamis depuis des lustres. Quel gâchis de sacrifier tout ça.

— Peut-être, mais ça ne changera pas. Je lui ai demandé de neplus m’adresser la parole et il a fait pareil. C’est mieux pour nousdeux.

— Maintenant que tu es à l’autre bout du pays, aussi loin delui que possible, peut-être que tu pourras l’oublier.

— Je l’espère bien.Je dévisageai mon frère un instant. Il n’avait pas changé

depuis la dernière fois que je l’avais vu, environ un an plus tôt. Jen’étais pas venue passer Noël avec lui par manque de temps et ilne pouvait quitter Seattle à cause de son magasin. Nous parlionsde temps en temps au téléphone et nous envoyions de raresmessages, mais nos tentatives de communication avaient faibliavec le temps. Quand il me donnait des nouvelles, j’oubliais delui répondre ou de le rappeler. Quand je m’en souvenais, j’étaistoujours distraite par autre chose. Pourtant, mon frère et moiavions toujours été proches et je me sentais coupable de ne pas lecontacter plus souvent. Je l’ignorais quand il tentait de me parleret je me sentais horrible. J’aimais mon frère de tout mon cœur.Je lui étais reconnaissante de m’avoir accueillie à bras ouverts. Siç’avait été moi, je lui en aurais fait baver.

— Et toi, comment tu vas ? demandai-je.— Bien, répondit Ryan en soutenant mon regard. Le magasin

Page 138: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tourne bien. Je traîne avec mes potes… La routine.Je contemplai son corps, mais ne pouvais voir sa peau sous

son pull et son jean.— Toujours pas de tatouage ?— Non, répondit-il en riant. Rien ne me plaît plus que ça. Je

ne voudrais pas encrer quelque chose dans ma peau si ce n’estpas profond et chargé de sens.

— C’est pas un peu bizarre ?— Que veux-tu dire ?— D’être un tatoueur sans tatouage…— Si tu le dis, rétorqua-t-il en haussant les épaules. Mais

j’adore cet art et j’adore voir mes tatouages sur les autres. C’estjuste que je n’ai pas encore trouvé le bon pour moi.

— Et tu n’as pas non plus trouvé de femme pour partager tavie ? ajoutai-je en souriant.

— Quelques-unes. Rien de sérieux.— Quelques-unes ? répétai-je, incrédule.— Ce sont juste des histoires d’un soir, dit-il. J’espère que ça

ne te dérange pas de voir des femmes défiler chez moi.Je secouai la tête.— Je n’ai pas l’intention de m’immiscer dans ta vie, Ryan.— Je sais. Je voulais juste te prévenir.— Donc tu cherches plutôt des plans cul ?— Oui.Cette information ne me dérangeait pas du tout. Ryan et moi

avions toujours été sincères au sujet de notre vie privée. Les gensavaient toujours trouvé ça étrange, de nous voir si impliquésdans la vie intime de l’autre, mais, étant donné notre vécu, je netrouvais pas ça inhabituel. Ryan n’était pas seulement monfrère, il avait été mon meilleur ami et mon gardien quand j’étaisplus jeune. Je pouvais tout lui dire. Je ne le jugerais jamais et il neme jugerait jamais.

Page 139: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Tu ne cherches pas quelque chose de plus sérieux ?demandai-je.

— Pourquoi ?— Tu as trente ans, Ryan. Tu ne cherches pas une partenaire

pour la vie ?— J’ai cherché, Scarlet, soupira-t-il. Et je n’ai trouvé

personne.Je hochai la tête, comprenant tout à fait ce qu’il ressentait. Je

n’avais jamais eu de relation sérieuse. Je considérais Seancomme ma plus longue relation, même si c’était plutôt uneamitié platonique. Penser à lui me serra la poitrine.

— Au moins, on est là l’un pour l’autre, dis-je en riant.— Oui, c’est déjà ça.Je m’adossai à ma chaise et le regardai dans les yeux.— Je suis désolée de ne pas t’avoir appelé plus souvent.— C’est bon, dit Ryan en balayant mon commentaire d’un

signe de la tête.Je voyais bien à son dédain que le sujet le mettait mal à l’aise.

Nous restâmes assis en silence un peu plus longtemps avantqu’il ne se lève de sa chaise.

— Et maintenant, place au meilleur, dit-il d’une voix excitée.Le méga shake ! Chocolat, c’est ça ?

— Oui, répondis-je en riant.Ryan et moi avions l’habitude de commander un milkshake

après l’école avant de rentrer à la maison. Le fait qu’il s’ensouvienne me fit sourire.

— Et ce sera la même chose pour moi.Il revint quelques minutes plus tard et nous bûmes nos

milkshakes. Le goût du chocolat me rappela le lycée avec unetelle clarté que c’était comme si j’étais remontée dans le temps.Comme avec la musique, le goût et l’odeur pouvaient renvoyermon esprit dans le passé et me faire revivre les sensations du

Page 140: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

moment. Mon frère termina le sien en quelques minutes et lejeta à la poubelle. Je calai après avoir bu la moitié du mien.

— Qu’est-ce qui te prend ? demanda-t-il sérieusement. Tubuvais toujours le tien plus vite que moi. Tu n’arrives plus à leterminer ?

— Je viens de manger un repas complet ! Alors, lâche-moi lagrappe. Et puis je dois rester mince, dis-je en faisant courir mesmains sur mes flancs en exagérant ma silhouette.

— Tu es très bien comme tu es. Ça se voit que tu fais du cardioet de la muscu. Mes amis vont me demander la permission de tecourtiser dès qu’ils te verront.

— Je ne suis pas intéressée, répondis-je vivement.— Et comment veux-tu l’oublier ? Tu dois te lâcher un peu,

garder l’esprit ouvert, Scarlet. Il y a des tas de mecs qui sontaussi bien que Sean.

— Y en a sans doute plein qui sont bien mieux que lui,rétorquai-je froidement.

— Je ne vais pas le condamner trop vite. Je n’ai pas entendusa version de l’histoire.

Ryan surprit mon regard vexé.— Je donnerais ma vie pour toi, Scarlet, mais je ne vois pas

Sean te blesser volontairement. Désolé, mais ce n’est pas songenre. Je ne le jugerai pas tant qu’il ne se sera pas expliqué.

— Tu n’auras pas cette chance. C’est fini, entre nous.— J’espère vraiment pour toi que non.Je le regardai un moment et me sentis soudain parano. Je ne

voulais pas que Ryan lui parle. Je ne voulais pas que Sean sacheoù j’étais.

— Ryan, promets-moi que tu ne le contacteras pas.— Pourquoi ?— Je ne veux pas qu’il sache où me trouver.— D’accord, céda Ryan en secouant la tête. Je resterai en

Page 141: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

dehors de vos affaires.— Merci.— Bon, rentrons. Tu dois être épuisée avec le décalage

horaire.Nous prîmes un taxi et rentrâmes chez lui. Ryan s’assit dans

le salon, mais je me rendis directement dans ma chambre tantj’étais fatiguée. Je m’allongeai dans le lit sans parvenir àm’endormir, même s’il était passé une heure du matin à l’heurede New York. Je repensai à Sean et à la triste fin de notre amitié.Si seulement nous n’avions pas couché ensemble, rien de toutceci ne serait arrivé. Mais une part de moi était soulagée par cequi s’était produit. Je n’aurais jamais compris mes vraissentiments, jamais su que Sean ne ressentirait jamais la mêmechose. Maintenant, je savais.

Page 142: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre16

SEAN

Je ne parvins pas à fermer l’œil de la nuit. Je ne pensais qu’àScarlet et à ce qui s’était passé entre nous. Notre amitié était unedes choses à laquelle j’accordais le plus d’importance dans mavie et elle me manquait déjà terriblement. J’avais besoin d’elle.Je ne voulais pas dire adieu à notre amitié, mais Scarlet nevoulait plus me voir. Qu’étais-je censé faire ? Je me tournai et meretournai toute la nuit, mais ce n’était pas à cause de Pénélope,cette fois. Scarlet… Je savais que je ferais mieux de ne pas fairema tête de mule et tenter de la récupérer. Nous étions tous deuxfautifs dans cette situation. Scarlet n’aurait jamais dû supposerque nos ébats étaient amoureux puisque je venais de me fairelarguer par Pénélope. De mon côté, je n’aurais pas dû memontrer aussi insensible en apprenant ses sentiments. Nousavions tous deux nos raisons. Je tombai peu à peu dans les brasde Morphée. Quand je me réveillai le lendemain, ma colère revinten force en repensant à notre dispute. J’étais face à un dilemmeet j’ignorais quoi faire. Pénélope était toujours dans un recoin demon esprit, mais sa présence était plus vague depuis ma disputeavec Scarlet. Je me levai pour aller travailler, cherchant à medistraire de mes pensées.

Page 143: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Lundi matin, je pus constater que je connaissais un regain depopularité au travail à la manière dont tous mes collègues metraitaient. Apparemment, la nouvelle s’était propagée au sujet dema nouvelle copine Scarlet. Tout le monde savait que M. Perkinsnous avait invités à jouer au racquetball en dehors du boulot.J’avais l’impression d’être de retour à l’université. J’étaisheureux de voir avancer ma carrière… Puis la réalité me heurtade plein fouet. Scarlet ne serait pas présente au match encouples et j’ignorais si son absence changerait quelque chose auxyeux de mon patron. Peut-être qu’elle avait été sa seule raisonde m’inviter. Ça ne m’aurait pas surpris. Tout le monde l’adorait.

Je tentai de ne pas ressasser notre dernière conversation. Ellem’avait dit qu’elle ne voulait plus me voir, ce qui m’avaitvraiment étonné. Je me refusais de l’appeler ou de lui envoyer unmessage – silence radio. Si elle voulait me parler, elle pouvait mecontacter. Je n’avais rien fait de mal. Enfin, si, mais ça n’avaitété qu’un simple malentendu. Je n’aurais jamais blessé mameilleure amie volontairement ni profité d’elle. Le fait qu’ellem’accuse d’une chose si terrible me gonflait plus que tout. Jel’aimais. Pourquoi l’aurais-je mal traitée ? Puis la culpabilités’empara de moi. Elle avait eu l’air si bouleversé. Avec le recul,quand elle m’avait embrassé ce matin-là et puis souhaité unebonne journée, j’aurais dû le remarquer. Quand nous étions allésau restaurant et que ce type l’avait harcelée, je l’avais protégéeau mépris de ma propre sécurité. Je l’avais fait parce que jel’adorais, mais elle avait pensé que j’avais agi par amour pourelle. En route vers le cinéma, elle avait passé son bras sous lemien. Ça ne m’avait pas dérangé, mais ç’avait dû signifier pluspour elle que pour moi. Puis, quand nous nous étions endormissur le canapé, je m’étais réveillé nez à nez avec elle, ma mainsous son t-shirt. Elle y avait sans doute vu autre chose. Ensuite,elle avait rejeté Dan, qui semblait pourtant un bon parti. Cette

Page 144: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

fille était amoureuse de moi. C’était une évidence. Commentavais-je fait pour ne pas le remarquer plus tôt ?

D’un certain côté, mes actions indiquaient que j’étaiségalement amoureux d’elle. Je n’y avais jamais pensé avantparce que j’étais entiché de Pénélope, quand nous sortionsensemble et après notre rupture. Mais peut-être n’avais-je pasvu ce qui me pendait sous le nez. Je tenais énormément à Scarlet.Je l’aimais de tout mon cœur. Et je la trouvais attirante – trèsattirante.

J’avais adoré coucher avec elle. Nos ébats avaient été naturelset agréables, même si nous n’avions jamais été aussi proches. Etelle était si belle et sexy. Remettre le couvert ne m’aurait pasdérangé du tout, mais je savais que ça n’arriverait pas, même sinous recommencions à nous parler. Elle était amoureuse de moi.Je ne pouvais pas jouer avec son cœur.

J’entrai dans mon bureau et rangeai ma mallette sous monbureau. Brian passa devant ma porte et, la voyant ouverte, ilentra.

— Mec, M. Perkins va te confier le dossier Dwight !— Quoi ? Je m’occupe déjà d’un autre client, Price.Brian secoua la tête.— Il a décidé de confier cette tâche de débutant à un stagiaire.

Tu te rends compte à quel point c’est énorme ? C’est un de nosmeilleurs clients. Tout le monde est jaloux de toi, Sean. Qu’est-ce que tu lui as dit l’autre soir, bordel ?

— Aucune idée, répondis-je franchement en secouant la tête.Scarlet s’est occupée de la conversation.

— Je m’en doutais, fit-il avec un regard entendu.— Comment sais-tu qu’on va me confier ce client ?— J’ai entendu Perkins en parler à Jonathon. Il lui a suggéré

l’idée et il a accepté. La nouvelle s’est propagée comme unetraînée de poudre. Tu t’es fait pas mal d’ennemis, Sean.

Page 145: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Ce n’est pas le cas de tout le monde ? demandai-je avecune pointe de sarcasme.

Je n’étais qu’à moitié ravi de me voir confier une telleresponsabilité. L’autre moitié s’en fichait. Ceci ne serait pasarrivé sans l’aide de Scarlet : elle était si belle et charmante. Jeme demandai si M. Perkins changerait d’avis quand je lui diraisque Scarlet n’était plus de la partie. Bien que je puisse peut-êtrela convaincre de m’accompagner si je le lui demandaisgentiment. Elle me rendrait probablement ce service parcequ’elle m’aimait. Cependant, elle avait déjà l’impression quej’avais profité d’elle, donc je me ravisai. Je l’avais suffisammentblessée comme ça.

— Tu veux aller à Pyros après le boulot ? offrit-il. Et amèneScarlet.

— D’accord.Brian sortit et se rendit à son bureau. Je n’avais rien à faire ce

soir et personne à voir, donc pourquoi pas aller me saouler aveclui ? Je devais bien me distraire pour cesser de penser à Scarlet.Plus je pensais à elle, plus elle me manquait. Je crevais d’envie del’appeler, mais je savais qu’il valait mieux attendre qu’ellem’appelle. Elle avait besoin d’une pause et je respectais ça.

— Bonjour, Sean, dit M. Perkins en entrant dans mon bureau.Je me levai et contournai mon bureau pour aller lui serrer la

main.— Bonjour, Monsieur Perkins. Comment allez-vous ?— Bien, très bien.Il glissa une main dans sa poche et utilisa l’autre pour balayer

l’air devant lui. C’était une de ces personnes qui parlent avec lesmains, accentuant ses paroles en gesticulant.

— Alors, êtes-vous libre demain après-midi ? demanda-t-il.Nous pourrions aller au club après le travail.

— Aucun problème en ce qui me concerne, opinai-je.

Page 146: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Excellent, je m’en réjouis d’avance, dit-il en souriant. Etj’ai hâte de revoir votre charmante compagne, Scarlet.

Je hochai la tête. Je savais que je ferais mieux de jouer franc-jeu plutôt que de me pointer au club sans elle et inventer uneexcuse bidon pour justifier son absence. Je craignais que çan’affecte ma réputation, même si c’était absurde. J’imaginaisqu’on allait me confier le dossier Dwight simplement parce quej’étais le meilleur analyste financier de la firme – et pas pour uneautre raison.

— En vérité, Scarlet ne pourra malheureusement pas sejoindre à nous.

— Je vois, répondit M. Perkins en haussant un sourcil. Ehbien, nous pouvons toujours reporter à un autre jour. Mercredi,ça irait ?

Je soupirai.— Non. En fait, c’est terminé entre nous. Je ne pense pas

qu’elle soit libre pour jouer.Je vis M. Perkins me regarder attentivement, hésitant quoi

dire en entendant la nouvelle.— C’est vraiment regrettable, soupira-t-il. Elle me plaisait

beaucoup. Ça m’étonnerait que vous retrouviez une femmepareille.

— Vous avez sans doute raison, reconnus-je.— Eh bien, je dois retourner travailler, dit-il en se dirigeant

vers la porte.— Nous pouvons toujours jouer demain, monsieur. Si vous le

voulez, ajoutai-je.Je voulais rester dans le cercle de ses privilégiés. Je ne voyais

pas pourquoi je ne pourrais pas simplement inviter quelqu’und’autre. Je savais que Brian me gonflerait pour que je l’emmène.

— Peut-être une autre fois.— Monsieur Perkins ?

Page 147: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Oui, répondit-il en se retournant.Je m’étais attendu à ce qu’il me confie le dossier Dwight. Un

instant plus tôt, il semblait excité et plein d’énergie, mais,maintenant, il me paraissait plutôt irrité. Il attendit que jeprenne la parole, mais il me fallut un moment pour conjurer lesmots.

— Vous vouliez me parler d’autre chose, monsieur ?— Non.Il referma derrière lui et s’éloigna vers son bureau, celui qui

surplombait toute la ville. J’espérais m’asseoir à ce bureau unjour. Mais mes chances venaient de sérieusement s’amenuiser.

Je retournai à mon bureau et planchai sur le dossier Price, unetâche si basse qu’un imbécile de stagiaire aurait pu s’en chargerà ma place. J’analysai le dossier dans un tel accès de rage que jedéchirai une des pages. Je ne m’arrêtai pas pour le déjeuner et nefis aucune pause. J’étais furieux que ma promotion me soitrefusée parce que Scarlet m’avait quitté. C’était n’importe quoi.

À dix-sept heures, Brian toqua et passa la tête par la porte.— On y va ?Il attendit que je range mes dossiers dans ma mallette et que

j’éteigne mon ordinateur. Je ne le regardai pas quand je me levaide ma chaise et m’approchai de la porte. Nous prîmesl’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée et sortîmes du bâtiment.

— Qu’est-ce qui se passe, tête de nœud ? demanda Brian enremarquant mon humeur sombre.

J’ignorai son commentaire puéril.— Je ne vais pas recevoir le dossier Dwight.Il me regarda, les yeux écarquillés, tout en marchant vers le

bar, situé quelques rues plus loin.— Qu’est-ce que t’as fait ?— Rien, répondis-je. Je n’ai rien fait du tout.— Alors qu’est-ce qui a changé ?

Page 148: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je soupirai. Nous patientâmes au feu rouge et attendîmes queles voitures s’immobilisent avant de traverser.

— Je lui ai dit que Scarlet ne pourrait pas se joindre à nous.— Et pourquoi ça ?— Parce qu’on ne se parle plus pour l’instant.— Ça veut dire qu’elle ne nous rejoint pas ? questionna-t-il

d’une voix dépitée. Je pensais qu’elle allait venir...— Non.— Qu’est-ce qui s’est passé ?— Je ne veux pas en parler.— C’est fini, entre vous ?— On ne sortait pas ensemble ! lâchai-je.— Tu vois très bien ce que je veux dire.— C’est fini.— Pour de bon ?— On dirait bien.Brian resta bouche bée jusqu’à ce que nous entrions au bar et

prenions place. Je commandai une pression pour commencermollo. J’avais bu bien trop d’alcool samedi soir et je me sentaistoujours patraque. Je n’étais pas allé faire du sport et je n’avaispas fait attention à mon alimentation. Mon corps était étouffépar les toxines.

— Alors, je peux avoir son numéro ? se risqua Brian. Puisquevous ne vous fréquentez plus…

— Non, répondis-je en buvant ma bière.— Si tu ne te la tapes pas, pourquoi je ne pourrais pas, moi ?

Je me demande à quoi elle ressemble sous ses fringues.Ma colère explosa comme un volcan. L’idée qu’il veuille se

taper Scarlet et parle d’elle de manière si irrévérencieusem’enragea. Je voulais qu’elle rencontre quelqu’un qui latraiterait bien, pas quelqu’un qui discutait de ses courbes commesi elle était un genre de prostituée. Je me sentais con d’avoir

Page 149: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

suggéré à Scarlet de sortir avec lui. C’était inconcevable.— La ferme, putain ! crachai-je. Je vais te foutre mon poing

dans la gueule si tu reparles d’elle comme ça.— OK, dit Brian en levant les mains pour s’excuser. Pigé.Sans rien ajouter, je me tournai vers la télévision montée

dans le coin.Il passa ses doigts sur le bord de son verre un moment avant

de se tourner vers moi.— Alors… Tu veux bien me donner son numéro ?Je soupirai et ravalai ma colère.— Elle n’est pas intéressée.— Tu lui as demandé ? demanda Brian.— Oui.— Qu’est-ce qu’elle a dit ?— Que tu étais un crétin, répondis-je sèchement.Brian me dévisagea.— Je ne te crois pas. Elle m’aime bien.— Peut-être que oui, mais elle pense aussi que tu es un crétin.Je bus une gorgée de ma bière sans le regarder.— Ben, peut-être que si je l’invitais à sortir, elle changerait

d’avis. Je peux être un super petit ami.Je me cramponnai à ma chope et manquai de la fracasser sous

ma poigne. Ma voix se mua en un murmure mortel.— Repose-moi encore la question et je te défoncerai le crâne

sur le bar.Brian hoqueta.— Mais c’est quoi, ton problème ? s’écria-t-il. Je sais que tu

as perdu le compte Dwight, mais rien n’était officiel de toutemanière. Alors, ne me punis pas à cause de tes problèmes. T’esvraiment qu’un gros con.

Je bus ma bière en silence. Puis j’en commandai une autre.— T’as raison, Brian. Je suis un gros con.

Page 150: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Ce commentaire me fit penser à Scarlet. Je m’en voulais del’avoir mal traitée. Elle me manquait. Je le reconnaissais.

— C’est comme ça que tu t’excuses ? s’offusqua Brian.— Si on veut.Brian secoua la tête et but sa bière. Nous regardâmes le match

et parlâmes d’une décision disputée prise par l’arbitre. Il étaitplus facile d’échanger des inepties sur le sport que parler de nosproblèmes. C’était sans doute pourquoi les mecs s’entendaienttoujours si bien. La plupart du temps, nos conversationsn’abordaient rien de personnel.

Je lançai un billet sur le comptoir et quittai le bar. Je fis unadieu rapide à Brian avant de héler un taxi et de donner auchauffeur l’adresse de chez Scarlet. Je n’avais pas pris le tempsd’y réfléchir, mais je voulais lui parler et éclaircir les choses.Scarlet était une femme incroyable. J’ignorais pourquoi je nel’avais pas encore remarqué. Parler à Brian m’avait fait merendre compte que j’étais un idiot. Je n’avais pu me faire à l’idéequ’elle couche avec lui. Je ne voulais pas qu’elle couche avec unautre que moi. Je devais la récupérer et arranger les choses.Même si mon cœur était brisé à cause de Pénélope, je pouvaisdonner une chance à Scarlet si c’était ce qu’elle voulait. Jevoulais être avec elle. Je ne voulais pas la perdre. Je n’avaiscertainement pas été un petit ami exemplaire jusque-là, et jepensais souvent à Pénélope, mais j’étais sûr que nous pourrionsrecoller les morceaux.

Quand j’arrivai devant la porte, je toquai avec force, mais nereçus aucune réponse. Pensant que Scarlet m’ignoraitvolontairement, je la martelai avec mes poings. En vain.

— Personne ne vit plus là, déclara une femme quis’approchait de moi en portant un sac de courses.

Elle équilibra son fardeau sur son genou pour déverrouiller laporte de l’appartement d’en face. Je m’avançai vers elle et lui

Page 151: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

pris son sac, lui laissant les mains libres pour ouvrir sa porte.— Que voulez-vous dire ?— La femme qui y vivait a déménagé. Le concierge l’a remis à

louer. Trois personnes sont déjà venues le visiter cet après-midi ! Vous savez à quel point c’est dur de trouver unappartement décent en ville ?

Elle entra chez elle et referma la porte.Je sentis mon cœur battre la chamade en digérant ses paroles.

Elle devait s’être trompée. Je dévalai les escaliers au pas decourse et me rendis au bureau du concierge.

— Scarlet Reese a déménagé ? demandai-je, essoufflé.Le concierge avait les yeux rivés sur l’écran de sa télévision.— Au 13B ?— Oui.— Alors oui. Elle est partie ce matin.— Elle a dit où elle allait ? m’exclamai-je, consterné.— Non.Je sortis de l’immeuble et rentrai chez moi en traînant les

pieds. Scarlet n’avait pas menti. Elle ne voulait plus me voir. Elleavait même déménagé pour prendre ses distances, sachant queje ne la retrouverais pas si elle ne le voulait pas. Sa réaction meblessa et me rendit furieux. Elle était partie pour me fuir. Elle nevoulait plus entendre parler de moi.

Je restai allongé au lit, plongé dans mes pensées. J’étaisfurieux contre Scarlet pour ce qu’elle m’avait fait. J’étais à la foisen colère et déprimé. J’étais toujours amoureux de Pénélope etj’avais besoin de Scarlet pour l’oublier. Scarlet pouvait pansertoutes mes plaies. Avec elle, j’oubliais ma douleur.

La bague que j’avais achetée à Pénélope était posée sur matable de chevet, dans son écrin, prête à être offerte. Elle nem’avait pas reparlé depuis que nous avions rompu et c’étaitévident qu’elle ne me recontacterait pas. Plus qu’évident.

Page 152: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

J’aurais mieux fait de ramener la bague quand elle m’avaitlargué. Je m’endormis rapidement, mais me réveillai enentendant la voix de Pénélope. Mon imagination me jouait destours. Frustré, je me levai et allai chercher une bouteille descotch dans le bar et du Vicodin. J’écrasai le comprimé et lesaupoudrai au-dessus de l’alcool. Je réglai mon réveil puism’endormis sans rêver pendant des heures.

Mardi matin, je sentis une migraine battre derrière mes yeux,mais je me levai et m’apprêtai pour le travail. Je me rendisd’abord au bureau de Scarlet, attendant qu’elle vienne travailler,mais je ne la vis pas arriver. J’entrai dans le vestibule et prisl’ascenseur jusqu’à son étage. À l’intérieur, je la cherchai desyeux, mais vis Janice à la place.

— Où est Scarlet ? demandai-je sans préambule.— Aucune idée, répondit-elle. Je ne l’ai pas vue.Janice regarda par-dessus mon épaule, et je la vis écarquiller

les yeux en se raidissant. Un gros lard vêtu d’une chemise àcarreaux et de lunettes en cul de bouteille s’approcha de moi.Rien qu’à le voir, il me déplaisait.

— Je peux vous aider ? lança-t-il.— Je cherche mon amie Scarlet.L’homme hocha la tête.— Venez dans mon bureau.Il traversa la pièce pour se rendre dans son bureau. Je jetai un

coup d’œil derrière moi et vis Janice me regarder avec effroi.Arrivé dans la salle, l’homme me fit signe de m’asseoir en facede lui.

— Je m’appelle Carl Rogers et je suis l’éditeur en chef – lepatron de Scarlet. Scarlet ne s’est pas encore présentée aubureau cette semaine. J’ai pensé qu’elle avait démissionné.

— Vous l’avez appelée ? demandai-je.— Oui, répondit-il en souriant. Mais elle n’a pas décroché. À

Page 153: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’évidence, elle ne veut plus travailler ici.Je le regardai et sentis ma peau fourmiller. Quelque chose

chez cet homme m’horripilait, mais je n’arrivais pas à mettre ledoigt dessus. Janice avait visiblement peur de lui et j’étais sûrqu’elle devait avoir une bonne raison. Je remarquai ses doigtsépais et l’absence d’une alliance, même s’il était assez âgé. Il n’yavait pas de photos d’amis ou de famille sur son bureau.

— Scarlet n’avait pas l’esprit d’équipe, donc c’estprobablement pour le mieux, continua-t-il.

— L’esprit d’équipe ? répétai-je, pensant qu’il se fichait demoi. Elle a corrigé tout un manuscrit en une nuit alors que cen’était même pas sa spécialité. Ça m’a tout l’air de quelqu’un quibosse dur, vous ne trouvez pas ?

Je savais que je n’aurais pas dû me mettre en rogne, maisj’étais hors de moi. Ce type était vraiment louche.

Il joignit les mains sur son bureau.— Ce n’était pas le seul problème qu’elle créait au bureau.J’en doutais énormément. Scarlet était accro à son boulot. Elle

faisait de son mieux sur chaque projet – elle respectait les délaiset était incroyablement méticuleuse. J’aurais parié toutes meséconomies qu’elle était la plus assidue de la boîte.

— Quand l’avez-vous vue pour la dernière fois ? questionnai-je.

Carl se frotta les pouces en réfléchissant.— Dimanche soir, répondit-il. Je suis venu récupérer quelque

chose et elle était à son bureau, occupée à rectifier les erreursd’un manuscrit qu’elle avait mal corrigé. Elle était une source deproblèmes.

Carl me sourit. J’aurais aimé lui foutre mon poing à la figure.Sans même le connaître, je le haïssais de tout mon être.

Soudain, en un éclair, je compris le sens de ses paroles. Mesveines se tendirent dans mon cou. Quelque chose s’était passé

Page 154: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

quand Scarlet était venue travailler dimanche. Je l’avaisentendue hurler dans son message et, maintenant, tout étaitclair. Je comprenais pourquoi elle s’était enfuie. Ce n’était passeulement à cause de moi. Je me levai lentement de ma chaise.Carl me regarda faire puis se leva à son tour et contourna sonbureau. Il souriait toujours. Cet idiot était trop débile pourdéceler la rage sur mes traits. L’idée me dégoûtait. L’idée que cevieux pervers menace ou touche Scarlet me fit frissonner. Jepétai un plomb.

— ESPÈCE DE FILS DE PUTE ! hurlai-je en le frappant. JE VAISTE TUER, PUTAIN !!!

Je lui cognai les deux yeux puis la tempe. Il tenta de merepousser, mais je l’avais pris par surprise. Il était trop faible etdésorienté, et j’étais plus lourd que lui même s’il était plus gros.Son gras ne faisait pas le poids contre mes muscles.

Le type continua à gémir tandis que je le tabassais de toutesmes forces. Il tenta de s’éloigner en rampant, mais j’écrasai samain du talon et lui brisai les doigts.

— SI TU CHERCHES SCARLET, TU VAS ME TROUVER !Je lui sautai dessus et continuai à faire pleuvoir les coups.

Chaque coup porté à sa petite cervelle m’enrageait d’autant plus.L’idée qu’il ait touché ma femme était horrible, inimaginable. Jene pouvais tolérer ça. Je le tabassai de plus belle, hurlant en luifracassant le nez. Je sentis le regard des femmes du bureau mebrûler le dos et sus que j’avais été découvert. Ne voyant aucunecaméra dans le bureau, je ne pensais pas avoir été enregistré,mais il était temps de foutre le camp avant l’arrivée de lasécurité. Je me retournai et dévalai le couloir. Je descendis lesmarches deux à deux et me fondis dans la foule des passants. Lesang dégoulinait de mon poing sur mon costume. Je savais quel’enculé était inconscient quand je m’étais enfui. J’espérais qu’ilen mourrait.

Page 155: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre17

SCARLET

Mardi matin, je n’avais aucune envie de bouger. Je n’avaisaucune raison de me lever et aucun objectif à accomplir. Resterau lit pour le restant de mes jours me semblait être une bonneidée, et c’est ce que je décidai de faire. Je roulai sur mon flanc etgardai les yeux fermés, tentant de me rendormir, en vain. Je necessais de penser à Sean et à ce qui s’était passé entre nous. Puisje pensais à Janice et à Carl, et mon esprit déviait à nouveau versSean. C’était un cercle vicieux de souvenirs douloureux.

Sean ne m’avait pas appelé hier, mais Janice oui. Elle avaitlaissé plusieurs messages sur ma messagerie vocale et je ne lesavais pas écoutés. Je supposais qu’ils venaient d’elle. Je remontaila couverture sur mes épaules et restai étendue comme uncadavre, souffrant seule avec mes pensées. Le temps passa etj’ignorais quelle heure il était. Il n’y avait pas d’horloge dans machambre et je me fichais de le savoir. Ce n’était pas important.

En revenant du boulot en fin d’après-midi, Ryan toqua à maporte.

— Tu vas sortir de là aujourd’hui ?Je restai muette, prétendant que je dormais.— Je sais que tu es réveillée, Scarlet. Laisse-moi entrer.

Page 156: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je soupirai.— La porte est ouverte.Ryan entra dans la chambre. J’étais dos à lui et ne me

retournai pas vers lui. Je sentis le lit s’affaisser quand il s’assit àcôté de moi.

— Allons manger quelque chose.— Je n’ai pas faim, dis-je.Ryan saisit ma jambe et la secoua.— Alors, sortons prendre l’air et voir la ville.— Je l’ai déjà vue. Je vivais ici, tu ne t’en souviens pas ?Ryan éclata de rire.— On pourrait la redécouvrir ensemble.Je grognai et n’eus rien à répondre à sa suggestion.— Tu vas rester ici pour de bon ? demanda-t-il.— Dans ce lit ou dans cette ville ? rétorquai-je.— Tu vois ce que je veux dire, pouffa-t-il.— Je ne retournerai jamais à New York.Ryan s’approcha de moi.— Lève-toi, s’il te plaît. Scarlet, ça ne te ressemble pas.— Je sais, murmurai-je.Je sentis les larmes jaillir de mes yeux et tentai de les

dissimuler sous la couverture. Je ressentis le besoinincontrôlable de renifler, mais il saurait alors que je pleurais.

— Scarlet, soupira-t-il.Je commençai à sangloter sans pouvoir m’arrêter. Ryan se

coucha à côté de moi. Il ne me prit pas dans ses bras, mais jepouvais sentir la chaleur de son corps rayonner autour de moi. Jerestai dos à lui, ne voulant pas qu’il me voie pleurer, même s’ilm’avait déjà vue sangloter des dizaines de fois. Il posa une maindans mon dos et le frotta doucement.

— Ça va aller, dit-il. Je suis là.Je tentai de ravaler mes sanglots, mais mon diaphragme me

Page 157: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

fit souffrir.— Je sais.— Parle-moi de ce que tu ressens.— Ça n’a pas d’importance.— Ça en a pour moi.— Pourquoi ça t’importerait, Ryan ? lâchai-je. Je n’ai fait

aucun effort pour te parler cette année. Je me pointe sur le pas deta porte et tu fais comme si tout allait bien.

Ryan soupira.— Je reconnais que ça m’a blessé, mais ma peine est hors de

propos pour l’instant, Scar. C’est toi qui comptes. Ma sœursouffre et a besoin de moi. Je mettrai toujours tout de côté pourtoi. Je sais que tu ferais pareil pour moi.

Mon frère était la meilleure personne que je connaissais. Ilétait toujours altruiste et pardonnait les erreurs de tout le mondeparce qu’il était incapable de rester fâché. Il se souciait plus demoi que de lui-même. Savoir qu’il tenait à moi plus que tout mefit pleurer de plus belle.

— Je t’aime, murmurai-je.— Je t’aime aussi, Scar.J’essuyai mes larmes avec mon poignet. Ryan quitta le lit et

revint avec quelques mouchoirs. J’essuyai mon visage puis serraile mouchoir dans mon poing.

— Je ne sais pas quoi faire. Le seul homme que j’aie jamaisaimé ne m’aime pas, donc je l’ai fui. Mon patron m’a agressée et,au lieu de résister, j’ai pris mes jambes à mon cou.

— Scarlet, de quoi tu parles ? Ton patron t’a agressée ?Qu’est-ce qu’il t’a fait, cet enfoiré ? Tu n’aurais pas dû venir ici.On devrait appeler la police !

— Non, répondis-je vivement. Ça ne servira à rien. J’ai déjàperdu toute crédibilité avec la boîte. Je ne ferais que perdre laface, et Carl continuerait à me poursuivre. C’est sans espoir.

Page 158: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— C’est tout de même inacceptable, soupira Ryan.— Laisse tomber, OK ? Je veux oublier ce cauchemar.Il resta silencieux pendant un temps.— D’accord.J’essuyai le reste de mes larmes.— Je suis partie sans dire au revoir ou expliquer à mon amie

où j’allais. Je suis une lâche, Ryan. Je ne me reconnais pas.— Je ne suis pas d’accord. On ne peut pas toujours être fort,

Scar. Parfois, la vie nous affaiblit et on tombe. C’est là qu’il fautremonter la pente et reprendre du poil de la bête. Tu en tirerasune leçon et tu t’en sortiras mieux la prochaine fois. De temps entemps, ça ne fait pas de mal d’échouer. Tu rebondiras – avec letemps.

— Tu crois que j’ai pris la bonne décision, alors ? demandai-jeen reniflant.

— Je n’ai pas dit ça, dit-il. Je pense que tu as pris la meilleuredécision étant donné la situation. Il te faut du temps pour t’enremettre avant de pouvoir recoller les morceaux. Prends le tempsqu’il te faut. Et tu finiras par te retrouver – j’en suis sûr.

Alors que j’écoutais mon frère, mes larmes cessèrent leur flotcontinu. Il avait toujours pris soin de moi quand nous étions plusjeunes et, même si nous étions à présent adultes, il reprenait lerôle qui lui avait toujours collé à la peau.

— Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.— Tu n’auras jamais à le découvrir, fit-il en souriant. Allez,

un pas à la fois. Commence par te lever et t’habiller.— Je n’en ai pas envie, chuchotai-je.— Bien sûr que tu en as envie, riposta-t-il en se levant,

m’attrapant par le bras pour me redresser. Habille-toi. Et choisisdes vêtements de sport.

— Pourquoi ? demandai-je.— On va aller jouer au basket.

Page 159: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je levai les yeux au ciel.— Hors de question !— Tu n’as pas le choix, dit-il. Allez, habille-toi.Il ferma la porte derrière lui et s’éloigna. J’enfilai mon

pantalon de yoga et mes baskets, et un pull bleu sarcelle queSean m’avait offert pour Noël l’an dernier. Penser à lui me serrale cœur, mais je chassai ce souvenir. Je pouvais m’en sortir. Unpas à la fois.

Quand je sortis de là, Ryan m’attendait à table, plongé dansson journal. Il portait un short de basket et un sweat gris.

— Mange un peu de céréales, suggéra-t-il.J’ouvris le garde-manger et sortis la boîte. Je versai du lait

d’amande dans un bol (Ryan n’achetait jamais de lait de vache)et puis versai les céréales par-dessus.

— Tu fais toujours ça ? demanda-t-il en riant. Tu devraisverser le lait sur les céréales.

— Ça ramollit trop les céréales.— Tu es vraiment tordue, répondit Ryan en levant les yeux au

ciel.Je m’assis en face de lui à table et le regardai boire un café en

lisant son journal. Ses traits me rappelaient les miens : ça nefaisait aucun doute que nous étions apparentés.

— Quoi ? lança-t-il sans quitter le journal des yeux. Pourquoitu me regardes ?

— Tu m’as manqué.Il finit par croiser mon regard.— Tu m’as manqué aussi.Je souris en mangeant mes céréales. Nous restâmes assis dans

un silence agréable, lui terminant sa lecture et moi mon petitdéjeuner très tardif.

Quelqu’un toqua à la porte, mais Ryan ne réagit pas.— C’est ouvert.

Page 160: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Un homme, vêtu d’un short de sport et d’un t-shirt blanc,entra dans la cuisine. Il avait les cheveux blonds et les yeuxverts. Son teint était pâle, comme s’il ne voyait jamais la lumièredu soleil. Il regarda Ryan puis se tourna vers moi.

— Salut, dit-il en tendant la main. Moi, c’est Cortland.— Scarlet, dis-je en la serrant. C’est un plaisir de te

rencontrer.— Pareillement.Il sourit puis s’assit à côté de Ryan, les yeux posés sur lui.— Tu es prêt à jouer ?— Ouais, répondit Ryan en déposant son journal. Allons-y.Il termina son café et laissa la tasse vide sur la table.Je me levai et regardai Ryan.— Amusez-vous bien.— Tu viens avec nous, annonça-t-il en me rendant mon

regard.— On ne peut pas jouer à trois – c’est trop compliqué.

D’ailleurs, je pensais que ce serait juste nous deux.Cortland ramassa le ballon de basket sur le canapé et le fit

tourner sur un doigt.— Je ne voulais pas vous déranger, s’excusa-t-il. Je ne savais

pas que tu avais de la compagnie, Ryan. On peut remettre ça àplus tard.

— Non, dit celui-ci en secouant fermement la tête. On y vatous les trois. Ignore ma sœur. Elle fait juste sa mijaurée.

— Ta sœur ? répéta Cortland en lâchant le ballon.Cette nouvelle semblait l’avoir ébahi.— Oui, répondit Ryan. Je trouve ça difficile à croire moi-

même.— Je ne savais pas que tu avais une sœur.— Maintenant, tu sais pourquoi je garde ce secret, siffla Ryan.— D’accord, je viens, bougonnai-je en levant les yeux au ciel.

Page 161: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Mais je suis nulle en basket.— Aucun problème, assura Ryan. Je m’en étais douté.Je posai les mains sur les hanches et le fusillai du regard.— Merci !Ryan ignora mon air vexé.— Allons-y.Ensemble, nous quittâmes l’immeuble et longeâmes les rues

jusqu’au terrain de basket grillagé le plus proche. Personne nejouait en cette fin d’après-midi maussade, donc le terrain étaittout à nous.

— Je serai l’arbitre, fis-je en m’approchant du banc.Ryan secoua la tête.— Tu ne connais même pas les règles du jeu. Autant être la

majorette de service.Il dribla le ballon d’une main puis le passa à Cortland.

Cortland lança le ballon dans le panier et marqua un point. Ryanle récupéra et recommença à dribler vers l’autre panier.

Je courus vers Ryan et lui volai le ballon, puis le fis rebondirplusieurs fois. Il me décocha un regard surpris, impressionné parma performance. Je souris.

— J’ai dit que j’étais nulle en basket, pas que je n’yconnaissais rien au jeu.

Je visai le panier et lançai le ballon dans l’arceau.— Ta sœur a du talent, commenta Cortland en courant vers

nous.— Ne l’encourage pas, répliqua Ryan en récupérant le ballon.

Ça lui montera à la tête et elle fera sa frimeuse, comme d’hab.Nous fîmes la course sur le terrain, driblant et nous passant la

balle. Nous ne jouions pas vraiment de match, et c’était chacunpour soi. Je sentis la sueur couler sur mon front et, après uneheure, j’étais épuisée d’avoir couru la longueur du terrain sisouvent. Le sweat de Ryan était trempé de sueur, mais il ne

Page 162: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

semblait pas fatigué. Cortland était tout transpirant dans son t-shirt, mais plein d’énergie. Les deux hommes semblaient avoirun style de vie sain, mêlant le sport et la musculation. Cortlandfaisait presque le même gabarit que mon frère.

— Je suis vidé, dit Ryan en reprenant son souffle.— Moi aussi, acquiesça Cortland en faisant pivoter le ballon

sur son doigt.La sueur perlait encore sur son front.— Allons manger quelque chose, proposai-je. Je crève de

faim.— Tu viens de manger, grosse dinde, taquina Ryan.— Tu sais que tu ne fais le gros dur que devant tes amis ?— J’aime te taquiner, c’est tout. Vous voulez aller à Mega

Shake ?Il fit un signe de main à Cortland, lui demandant de lui lancer

le ballon, ce que ce dernier fit.— J’aime beaucoup cet endroit, dit Cortland.— Tu es partante ? demanda-t-il en me regardant.— Je suis toujours partante pour Mega Shake.Nous marchâmes jusqu’au restaurant, situé quelques rues

plus loin. Cortland continua à dribler en avançant. Il passa leballon à Ryan, qui dribla à son tour avant de le lui repasser. Enarrivant au restaurant, je forçai les mecs à aller se laver lesmains ; Ryan me lança un regard noir en entrant dans lestoilettes. Puis nous commandâmes et nous installâmes.

— J’ignore pourquoi tu as l’impression qu’on est des porcs,mais Cortland et moi nous lavons les mains comme tout lemonde, dit Ryan en s’attaquant à ses frites.

— Vous alliez droit au comptoir quand on est entrés.— Oui. Pour commander et payer. Puis j’aurais été me laver

les mains.— Je crois que tu mens.

Page 163: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Crois ce que tu veux, répondit Ryan en levant les yeux auciel.

Cortland nous regardait en souriant.— Je n’ai jamais été proche de ma sœur, déplora-t-il.— Qu’est-ce qui te fait penser qu’on est proches ? fit Ryan.Il me fusilla des yeux puis se retourna vers son ami.— Tu sais que tu m’aimes, lançai-je à mon frère en plissant

les yeux.— Ça dépend quel jour on est et quelle période du mois, dit

Ryan.Je lui donnai un coup de pied sous la table, mais il éclata de

rire.— Alors, tu es tatoueur aussi ? demandai-je à Cortland.— Non, répondit-il en riant. Je suis programmeur. Je travaille

à l’hôpital du centre-ville et je mets à jour leurs logiciels, entreautres choses.

Je hochai la tête, surprise. Je ne m’étais pas attendue à unetelle réponse. Vu son apparence, j’avais pensé qu’il bossaitcomme coach ou physiothérapeute.

— Très intéressant.— Je sais que c’est nul. Mais ça me plaît. J’ai toujours été un

peu geek.— Et ton nom n’aide pas, taquinai-je.— Je sais que ça a l’air prétentieux, avoua Cortland en

souriant. Mais je ne suis pas comme ça.— Jusqu’à ce que tu lui demandes un truc informatique, dit

Ryan.Cortland mangea ses frites en ignorant Ryan.— Où as-tu fais tes études ? demandai-je.— À Harvard.— Ah… Ça te donne encore moins l’air prétentieux…— Je sais, pouffa-t-il. Je devrais simplement l’admettre : je

Page 164: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

suis un crétin prétentieux.Ryan et moi éclatâmes de rire et je manquai de renverser mon

soda.— Et toi ? Tu as étudié où ? questionna-t-il.Je sentis mes joues s’empourprer. Ryan commença à

s’esclaffer en voyant ma détresse.— Harvard, bredouillai-je.— Tu as de la chance que je sois un gentleman et que je ne me

moque pas de toi.— Tu n’as pas à lui lécher le cul, fit remarquer Ryan. C’est ma

sœur.— Eh ! Je suis tout de même une demoiselle, contrai-je.— C’est discutable.Je levai les yeux au ciel.— Je vais laisser couler – pour cette fois, dit Cortland en

croisant mon regard.Il termina son burger puis s’essuya la bouche. Je pouvais

sentir l’odeur de sueur qui émanait de mes compagnons de table.Je me demandai si je puais autant. Peut-être était-ce moi quischlinguais et pas eux. Une femme vêtue d’une robe moulante etde talons hauts passa devant nous. Cortland et mon frère lareluquèrent immédiatement. Quand elle quitta le restaurant, ilsmatèrent son derrière jusqu’à ce qu’elle disparaisse.

— Vous êtes vraiment dégueu, les mecs, dis-je en levant lesyeux au ciel.

— Quoi ? se défendit Cortland. Elle a un beau cul.— J’y pense toujours, ajouta Ryan en s’adossant à la

banquette.— Moi aussi, dit Cortland d’un air rêveur.J’éloignai mon assiette et les ignorai. Sean matait les femmes

aussi, mais il ne le faisait jamais si ouvertement. Quand il étaitsorti avec Pénélope, il n’avait regardé personne d’autre. Après

Page 165: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

leur rupture, il n’avait pas accordé un seul regard aux beautés dela ville. Enfin, à part Janice. Penser à leur petite sauterie merendit triste.

Mon frère décela mon changement d’humeur.— L’heure est venue, déclara-t-il en se levant. Au chocolat

pour Scarlet, pour ne pas changer. Et toi, mec ?— Chocolat aussi, répondit Cortland.— Je reviens tout de suite.Je regardai Cortland, qui avait déjà les yeux posés sur moi.— Je suis désolée de t’avoir traité de prétentieux. Je ne voulais

pas te vexer.— Je sais, dit-il en souriant. Ça ne m’a pas vexé. Et je peux

survivre à une bonne blague. Ton frère n’arrête pas de mecharrier. J’ai l’habitude.

— C’est un tyran, vraiment.— Et c’est bien qu’il soit mon ami, dit-il avec un clin d’œil. Il

chasse les autres tyrans.— Il te sert de protection ?— Je rigolais. Je peux me débrouiller tout seul. Ton frère est

un mec très sympa – la plupart du temps. On est amis depuislongtemps. Je le considère comme un frère.

— Je suis ravie qu’il ait un tel ami, dis-je en souriant.— Il a des tas d’amis.— Je parle de quelqu’un qui soit vraiment proche. Pas juste un

pote ou quelqu’un avec qui traîner.Cortland hocha la tête.— J’espère que tu ne le prends pas en pitié parce qu’il n’est

pas marié et n’a pas de copine. Je pense que Ryan est heureuxcomme ça. Tant qu’il a ses tatouages, ses milkshakes et ses amis,il est content.

— J’aimerais qu’il ait une petite amie, que ce soit sérieux.— Tu as un petit ami ?

Page 166: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je bronchai en entendant sa question. Je n’avais pasl’intention de discuter de ça. Cela dit, c’était moi qui avais lancéle sujet. Je m’étais piégée moi-même.

— Non.Il hocha la tête.— Tu rends visite à Ryan ?— En fait, je vis ici.— Je me demande pourquoi il ne m’a jamais parlé de toi. Je

suis surpris de ne pas t’avoir rencontrée avant.— En fait, je viens de déménager.— Ah ! D’où ça ?— De New York.— Je peux savoir pourquoi ?J’ignorais quoi répondre. Je n’avais aucune envie de révéler

tous mes secrets à un inconnu, un homme que je connaissaisdepuis cet après-midi.

— J’avais besoin de changer d’air.Cortland sembla comprendre le sens caché de mes paroles. Il

se renfrogna sur sa chaise.— J’allais te proposer de te faire visiter Seattle, mais tu dois

déjà connaître la ville.— Oui. J’ai grandi ici, avec Ryan.Cortland hocha la tête.— Mais j’apprécie ton offre.— Eh bien, si tu as du temps à perdre, fais-le-moi savoir. Je

pourrais te présenter quelques amis.— Merci, dis-je en souriant.Ryan revint avec nos milkshakes et reprit sa place. Je pris

mon gobelet et aspirai le breuvage par la paille. Cortland arrachale sien des mains de mon frère. Nous agissions comme deuxbarbares.

— Alors, de quoi avez-vous parlé pendant mon absence ?

Page 167: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

demanda Ryan.— On se demandait si ce n’était pas toi, le crétin prétentieux,

et pas nous, répondit Cortland en posant son milkshake. On esttombés d’accord.

J’éclatai de rire et manquai de recracher la glace au chocolat.— Comment avez-vous tiré cette conclusion ? demanda Ryan.Je pris une voix grave pour l’imiter :— Je suis tatoueur, mais je ne veux pas de tatouage qui ne soit

pas profond et chargé de sens.Cortland gloussa et j’eus un fou rire. Ryan éclata de rire même

si nous nous moquions de lui. Nous terminâmes nos milkshakesen silence. Pour la première fois, je ne pensais pas à Sean ou auxévènements récents. J’étais dans un nouveau monde plein denouvelles personnes, où je me sentais détendue et en sécurité.Un petit pas, mais peut-être Ryan avait-il raison. Peut-êtrepouvais-je remonter la pente.

Le téléphone de Ryan sonna dans sa poche, et il décrocha sansvérifier l’écran.

— Allô ? dit-il, avant de froncer les sourcils en écoutant. C’estarrivé quand ? Ouais. J’arrive.

Il raccrocha et rangea son téléphone dans sa poche. Cortlandet moi le regardions attentivement, attendant qu’il explique cequi se passait.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demandai-je.— L’alarme de sécurité s’est déclenchée au magasin,

répondit-il en soupirant. Je vais aller vérifier ce qui se passe.— Quelqu’un est entré par effraction ? s’écria Cortland.— Je ne sais pas encore, dit Ryan. Les flics sont en route.Ryan jeta son gobelet à la poubelle et se retourna vers

Cortland.— Tu veux bien ramener ma sœur chez moi ? demanda-t-il

en détachant la clé de son appartement pour la lui tendre. Et

Page 168: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

attendre que je rentre ?— Pourquoi je ne peux pas aller avec toi ? rétorquai-je.— Ce n’est pas sûr, répondit-il vivement. D’accord ?

demanda-t-il à Cortland.— Aucun problème, mon pote.Je fusillai Ryan des yeux.— Je peux me débrouiller toute seule. Inutile que Cortland me

surveille.— À plus tard.Ryan sortit du restaurant et héla un taxi dans la rue. Il monta

dans la voiture, qui s’éloigna dans la circulation.— Tu es prête à rentrer ? lança Cortland.— Ouais, soupirai-je. J’espère juste que tout ira bien.— J’en suis sûr, dit-il en se levant, avant de m’ouvrir la porte.

Ce n’est pas la première fois que ça arrive.— Ah non ? fis-je en jetant mon gobelet avant de sortir.— Non. Tous les commerces connaissent leur lot

d’infractions. Ryan a déjà été visé à bout portant.Je m’arrêtai net sur le trottoir.— Quoi ?— J’imagine que tu n’étais pas au courant, dit-il en soupirant.— Non.— Il va bien et c’est tout ce qui compte.Nous reprîmes notre chemin vers l’appart. Cortland portait le

ballon en marchant.— Alors, tu travailles où ? demanda-t-il.Je me sentis mal à l’aise : je n’avais pas de réponse à sa

question. Pas de réponse valable, du moins.— Je n’ai pas de boulot.— Tu as étudié quoi ?— L’anglais.— Et qu’est-ce que tu veux faire avec ça ?

Page 169: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je travaillais comme relectrice-correctrice. J’espère trouverun boulot ici.

— C’est ce que tu veux faire dans la vie ?— Oui, mais j’aimerais aussi écrire.— Tu as déjà écrit quelque chose ?— Non. Je ne trouve jamais l’inspiration.— Tu la trouveras.L’appartement était en vue et nous traversâmes la rue avant

d’entrer. Cortland ouvrit la porte et nous prîmes l’ascenseurjusqu’au cinquième étage. Arrivé devant chez Ryan, je tâtonnaiavec la clé dans la serrure et ouvris. Nous entrâmes et Cortlandposa le ballon sur la table de la cuisine. Il alla ensuite s’installerdans le salon. Je sortis deux bouteilles d’eau du frigo et lui entendis une.

— Tu n’es vraiment pas obligé de rester, dis-je. Ça ne medérange pas de rester seule.

— Désolé, j’ai dit à Ryan que j’attendrais son retour et je nevais pas revenir sur ma parole. Je vois bien que c’est important àses yeux.

— Mais si tu as d’autres choses à faire…— Non. Et ça ne changerait rien si c’était le cas.Cortland alluma la télévision et zappa de chaîne en chaîne.

N’ayant rien trouvé d’intéressant à regarder, il se tourna versmoi.

— Tu vas commencer à chercher un boulot de correctrice ?— J’imagine que oui, soupirai-je.— Pourquoi es-tu si démotivée ?— C’est juste que… j’ai eu une mauvaise expérience avec mon

patron. Je n’ai vraiment pas envie de travailler pour quelqu’un.Cortland hocha la tête.— Peut-être que tu devrais lancer ta propre boîte. Tu pourrais

créer une société de correction.

Page 170: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Ce serait cool, mais…— Tu peux y arriver, dit-il. Ryan a lancé ses affaires dans son

appart et ça a fini par prospérer. Les gens aimaient tellement sonstyle qu’il a fini par ouvrir sa propre boutique. Tu pourrais fairepareil.

— Je ne sais pas trop…— Pourquoi pas ?Je secouai la tête. J’étais trop déprimée pour penser à mon

rêve de toute une vie : lancer ma propre maison d’édition. Moncœur m’élançait douloureusement et je me sentais brisée. Monplus grand rêve était d’être avec Sean, et ça n’arriverait pas nonplus.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? s’enquit Cortland.— Quoi ?Sa question me fit sursauter. Il pouvait lire en moi mieux que

je ne le pensais. Je venais seulement de le rencontrer et,pourtant, il semblait capable de déceler mes émotions. Peut-êtreque ça se voyait comme le nez au milieu de la figure.

— Tu avais l’air triste, dit-il. Tes yeux se sont éteints.J’ignorais quoi dire. Ma mélancolie et mon teint blême

n’étaient pas quelque chose que j’aimais montrer. Ça m’avaitéchappé.

— Je ne veux pas en parler.— C’est ma faute ? demanda-t-il.— Non, bien sûr que non.Il me regarda longuement avant de détourner les yeux,

abandonnant ses questions et la conversation. Nous regardâmesla télévision sans vraiment y prêter attention. Je regardai le murblanc et pensai à Sean, me demandant ce qu’il faisait chez lui. Ils’était sans doute rendu compte que j’avais déménagé, maisj’ignorais s’il devinerait où je m’étais enfuie. J’aurais pu changerd’appartement. Je me demandais s’il couchait toujours avec

Page 171: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Janice, même s’il était toujours amoureux de Pénélope. Je medemandais s’il pensait à moi. Probablement pas. Cette nuit avaittellement compté à mes yeux, et j’aurais pu jurer que c’était soncas aussi. Personne n’est si tendre et aimant en étant aussisaoul. Il m’avait touchée comme si j’étais son amante – pas justeun coup d’un soir. Il avait dit qu’il ne m’aimait pas, mais jeremettais ses mots en question. Peut-être que, quand ilparviendrait à oublier Pénélope, il s’en rendrait compte ? J’avaispeur que ce ne soit jamais le cas.

Cortland éteignit la télévision et se pencha en avant.— Tu as quelqu’un ?Je lui décochai un regard vide, ne comprenant pas le sens de

sa question.— Quoi ?— Tu as quelqu’un à qui parler ? À part Ryan ? Je vois bien que

tu es déprimée et que quelque chose te ronge de l’intérieur.Je ne comprenais pas pourquoi cet homme que je venais tout

juste de rencontrer s’intéressait tant à moi. Je n’avais pasl’impression que c’était romantique ou physique, mais c’étaitintime.

— Pourquoi ça t’intéresse ?Il soupira.— Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais

Ryan est un bon ami et je le considère comme ma famille. Donc,tu es ma famille aussi.

— C’est très gentil de dire ça, dis-je en souriant. Mais ça va,Cortland. Merci.

— Fais-moi signe si tu changes d’avis.— OK, opinai-je.Un instant plus tard, Ryan toqua à la porte et Cortland alla lui

ouvrir.— Alors, ça va ? demanda Cortland.

Page 172: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— La boutique n’a rien. Rien n’a été volé. Ils ont fracassé unevitre et ont décampé.

Je m’approchai de Ryan et l’enlaçai.— Je suis soulagée que tout aille bien.Les bras ballants, il ne me rendit pas mon étreinte.— Tu ne viens pas de dire à mon pote que j’étais un crétin ?

railla-t-il.Je ne le lâchai pas. Savoir qu’il avait été visé à bout portant

m’avait fait craindre de le perdre.— Tu l’es toujours, murmurai-je.Ryan éclata de rire.— Bon, au moins, tu es honnête.Quand je m’éloignai, il se tourna vers Cortland et lui tendit la

main.— Merci pour le baby-sitting.— De rien, répondit Cortland en hochant la tête et en

s’approchant de la porte. C’était un plaisir de te rencontrer,Scarlet.

— Toi aussi, dis-je en souriant.Cortland sortit et Ryan verrouilla la porte derrière lui.— Alors, tu as passé une bonne journée ?— Pas mal.— Tu t’es bien amusée, avoue-le.— Pas trop mal, dis-je en souriant.— Que penses-tu de Cortland ?— Je ne cherche pas de copain.Il secoua la tête.— Ce n’est pas ce que je voulais dire, fit-il. Tu l’aimes bien ?

C’est un bon ami et on passe beaucoup de temps ensemble, doncje veux être sûr que vous vous entendiez bien.

— Oui, je l’aime bien. Il est très sympa.— Super, dit-il.

Page 173: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Le téléphone de Ryan se remit à sonner et il décrocha.— Allô ? lança-t-il, étirant les lèvres en écoutant son

interlocuteur parler. Je suis vraiment intrigué, mais ça va devoirattendre quelques jours.

J’ignorais de quoi il voulait parler.— Ma sœur me rend visite et le timing n’est pas idéal. Je te

rappellerai la semaine prochaine.Il raccrocha, toujours en souriant.— On aurait dit un de tes plans cul.— Comment as-tu deviné ? me taquina-t-il.— Tu n’es pas obligé de cesser de voir tes… amies… à cause

de moi, Ryan.— T’inquiète, dit-il. Installe-toi un peu avant que je t’impose

ma vie privée.— Ouais, c’est ça, soupirai-je en levant les yeux au ciel.— De plus, je vais dormir avec toi et à trois dans un lit, c’est

trop.— Ryan, je vais bien.— Tu sanglotais, ce matin, lâcha-t-il. Visiblement, tu ne vas

pas bien. Et ça ne me dérange pas.Il entra dans sa chambre et moi dans la mienne. J’enfilai mon

pyjama avant qu’il ne vienne me rejoindre, vêtu d’un short etd’un t-shirt tout simple. Il déroula un sac de couchage par terreet s’y installa tandis que je me glissais sous la couverture. AvoirRyan si près de moi calmait mes nerfs et mon cœur. J’étais plusdétendue. Je me demandais si c’était pour cette raison que Seanvoulait dormir avec moi. Mais, avant que je ne puisseapprofondir ces pensées, je m’endormis.

Page 174: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre18

— LÈVE-TOI, INSISTA RYAN EN ME SECOUANT.— Non, grognai-je d’une voix rauque. Je n’ai nulle part où

aller.Je remontai la couverture par-dessus ma tête pour bloquer sa

voix.Ryan baissa la couverture et je me recroquevillai comme une

limace couverte de sel.— Où va-t-on ? demandai-je en ouvrant enfin les yeux.— Au travail, répondit-il. Tu sais – ma source de revenus ?

Pour subvenir aux besoins de ma parasite de sœur ?Je poussai un grognement.— Je ne veux pas y aller, gémis-je. Qu’est-ce que tu veux que

je fasse ?— Que tu ne restes pas dans ton lit toute la journée. Allez,

lève ton cul.— D’accord, grognai-je en me redressant.J’entrai dans la salle de bain et me douchai avant de me

préparer à sortir. Quand je rejoignis Ryan dans le salon, il étaitdéjà prêt à partir.

— On va être en retard, dit-il en ouvrant la porte.— Tu sais, tu n’as pas besoin de m’attendre, lui rappelai-je en

Page 175: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

le suivant.— Si je te laissais seule, tu retournerais au lit en rampant et

tenterais de disparaître.— Tu me connais trop bien.Nous prîmes un taxi pour aller jusqu’à son magasin, qui se

trouvait tout près de Main Street. Il ouvrit la porte et nousentrâmes. C’était un petit commerce avec quelques chaisesd’attente et deux petites pièces pour les piercings et lestatouages. Je commençai à regarder les anneaux de nombril etme demandai si un tel piercing faisait mal ou pas. Les clientsn’attendirent pas pour défiler dans le magasin. La plupartétaient de jeunes types déjà couverts de tatouages. Le magasin deRyan était visiblement très populaire.

— Salut, Mark ! dit mon frère en serrant la main d’un client.Déjà de retour ?

— Je me demandais si tu pouvais faire quelques ajouts dansmon dos. J’ai déjà une idée claire de ce que je voudrais.

— Aucun problème, répondit Ryan avant de se tourner versmoi. Mark, voici ma sœur Scarlet.

Nous nous serrâmes la main et je lui souris. Il fit de même enhochant la tête. Ryan salua l’autre client.

— Et voici Tony.— C’est un plaisir de vous rencontrer, tous les deux.— Je peux voir un air de famille, dit Mark. Tu es artiste aussi ?— Non, répondis-je vivement.— En fait, si, intervint Ryan. C’est une artiste, mais pas dans

l’art du tatouage. Elle écrit.— Super cool, fit Mark en hochant la tête.Ils ne ressemblaient pas à l’idée que je m’étais faite des

hommes tatoués. Dès que je rencontrais un homme tatoué, je memettais sur mes gardes. Cependant, aucun d’eux ne reluquait mapoitrine ou ne flirtait avec moi. Pour la première fois, je me

Page 176: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

sentais respectée. Peut-être était-ce parce que j’étais avec monfrère, mais j’étais heureuse de voir qu’ils se comportaient tout àfait normalement.

Ryan invita Mark à prendre place dans le fauteuil tandis quecelui-ci lui expliquait ce qu’il voulait. Ryan dessina un croquisavant de se mettre au travail. J’observai mon frère, fascinée parses mains fermes alors qu’il enfonçait l’aiguille dans la peau,dessinant un serpent parfait sur le dos de l’homme. Ryan avaitvraiment beaucoup de talent. Quand il m’avait dit qu’il voulaitdevenir tatoueur, j’avais trouvé cette idée stupide. Mais en leregardant se concentrer sur son travail, je vis à quel point ilaimait son métier. Son expression démontrait sa passion pourson art. Il ne souriait pas, mais ses yeux étaient plissés enobservant ses mains et son esprit concentré uniquement sur latâche qui l’occupait. Je me revis en train de corriger unmanuscrit.

Je m’assis sur une chaise proche et regardai Ryan travaillertoute la journée. Même sans rien faire, je m’intéressai à sapratique et ne m’ennuyai pas. Plus important, je ne pensai pas àSean.

La porte s’ouvrit et je regardai qui venait d’entrer dans lemagasin. Cortland me sourit en s’avançant vers moi. Il portaitun jean et une chemise grise qui semblait trop grande pour lui.Son corps avait l’air ferme et musclé.

— Salut, me dit-il en regardant le travail de mon frère. Il a dutalent, tu ne trouves pas ?

— Oui, c’est sûr.— Pourquoi as-tu l’air si surpris, Scar ? demanda Ryan.— Je ne suis pas surprise. C’est juste que je ne t’avais encore

jamais vu à l’œuvre.Ryan termina la dernière portion du tatouage puis déposa son

aiguille.

Page 177: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Qu’est-ce qui se passe ? lança-t-il à Cortland.Cortland consulta sa montre.— Je suis venu voir si tu voulais aller manger un bout. Il est

midi.Ryan balaya le salon de tatouage des yeux et vit tous les

clients qui attendaient leur tour.— Je suis désolé, mon pote. Impossible aujourd’hui.— Je comprends, fit Cortland en hochant la tête. On peut

remettre ça à demain.— Et si tu emmenais ma sœur ? proposa Ryan. Pour la divertir

pendant que je trime.Il commençait vraiment à me gaver.— Arrête de me traiter comme une gamine, Ryan.— Alors, cesse d’agir comme telle, lâcha-t-il. Ça te dit ?

demanda-t-il à Cortland.— Aucun problème, répondit celui-ci. Ce serait un plaisir.— Suis-moi, Scarlet, dit Ryan en se tournant vers moi.Il me mena vers l’arrière-boutique et ouvrit son coffre-fort. Il

en sortit plusieurs billets de cent dollars et m’en tendit trois.— Ne dépense pas tout en un jour.— Je ne peux pas accepter ça, dis-je, mal à l’aise.Ça ne me dérangeait pas qu’il m’offre à boire et à manger,

mais je ne voulais pas de son argent.— Ne commence pas, Scarlet. Prends-les, c’est tout. Ce n’est

rien. Je ne veux pas que tu te balades sans argent.Honteuse, je pris les billets et les glissai dans mon

portefeuille.— Je te rembourserai.— Peu m’importe que tu me rembourses ou pas.— Merci, dis-je.— De rien.Nous retournâmes à l’avant et Ryan serra la main de Cortland.

Page 178: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Tu peux la ramener à l’appartement quand vous aurezterminé ? Je vais en avoir pour un bout de temps.

— Sans problème, acquiesça Cortland en hochant la tête.Alors, on y va ?

Je hochai la tête et nous sortîmes dans la rue. Cortlands’approcha d’une Infiniti Q60 blanc nacré et m’ouvrit la porte.

— Où aimerais-tu aller ? demanda-t-il en s’installantderrière le volant. Mega Shake deux jours de suite ?

— Ça ferait trois pour moi.— Et si on allait à la Bottega Italiana au marché de Pike Place ?

demanda-t-il en s’insérant dans la circulation.— J’adore la cuisine italienne.— On est deux.Cortland fit le tour du centre-ville jusqu’à ce que nous

trouvions une place de stationnement. En traversant le marchépour aller au restaurant, nous dépassâmes des étals couverts denourriture et de bijoux. Je ne pus m’empêcher de ralentir pouradmirer l’artisanat. J’avais de l’argent à dépenser, mais je nepouvais me permettre d’acheter des babioles inutiles. Jedétestais être financièrement dépendante de Ryan. J’avaisl’impression d’être un parasite, incapable de subvenir à mespropres besoins.

Arrivés au restaurant, Cortland m’ouvrit la porte et l’hôtessenous guida vers une table à l’arrière.

— Tu viens souvent ici avec Ryan ? demandai-je en regardantle menu.

— Non, répondit-il en buvant de l’eau. Il n’a jamais assez detemps, donc on mange souvent sur le pouce. Je pensais que ceserait sympa de changer.

— C’est très sympa, dis-je en souriant.— Tu es déjà venue ?— Oui. Je suis venue dîner ici après le bal du lycée.

Page 179: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Il sourit.— J’oublie que tu vivais ici avant. Je te considère comme une

nouvelle venue en ville.J’éclatai de rire.— J’imagine que je le suis. J’ai vécu sur la côte est pendant

plus de dix ans – ça fait longtemps.— Tu préfères, laquelle ?— Pour l’instant, la côte ouest, clairement. Mais la côte est

est fabuleuse aussi.— Pourquoi dis-tu clairement ? demanda-t-il en déposant

son menu, prêt à passer sa commande.— Eh bien, parce que c’est ici que je vis pour l’instant.Le serveur vint prendre nos commandes. Cortland commanda

le poulet au parmesan et moi les raviolis.— Parfois, Boston me manque, avoua Cortland d’un air

entendu. Mais, quand j’y vivais, ma famille me manquait trop.— Ça se comprend.— On ne dirait pas que Ryan et toi, vous êtes proches de votre

famille. Il passe souvent les fêtes de fin d’année chez mesparents et, dernièrement, il les passe seul.

— Je ne savais pas, dis-je en sentant mon cœur se serrer.— Je ne voulais pas te blesser.— Y a pas de mal, le rassurai-je en secouant la tête. Je ne

savais pas qu’il passait les fêtes avec toi.— Ma famille l’adore. Il est toujours le bienvenu.Je soupirai.— Je devrais passer plus de temps avec lui.— Ce n’est pas la raison de ta visite ?— Non, reconnus-je. Je suis venue pour une raison

personnelle.Cortland me regarda attentivement, mais n’insista pas.

J’aimais qu’il comprenne quand c’était approprié de poser des

Page 180: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

questions ou pas.— J’ai quitté New York pour plusieurs raisons. Mon patron

était un pervers qui me traitait comme de la merde et puis monamie m’a trahie, et l’homme que j’aime m’a rejetée.

Cortland ne dit rien pendant un moment.— Ça paraît suffisant pour fuir n’importe quel endroit. Quand

tout va mal, ça ne vaut plus la peine de lutter. Tu dois rassemblerde l’énergie avant de retourner sur le champ de bataille.

— Tu veux dire que la lutte n’est pas terminée ?— Tu viens de dire que ton patron te harcelait. Je pense que ce

mec mérite d’être puni pour ses crimes. Je suppose que tu n’asjamais révélé la vérité sur ton environnement de travail à ladirection ?

Le serveur arriva et posa nos plats devant nous. J’avaissoudain perdu l’appétit, mais je triturai mes raviolis avec mafourchette. Je me sentais mal de minimiser la situation, mais jeconnaissais à peine ce mec. Je ne pensais pas qu’il soit sage de luirévéler tous mes secrets intimes. Ryan était déjà suffisammentcontrarié comme ça.

— Non, répondis-je.— Je pense que tu devrais.— Je n’ai pas de preuves.—Tu peux toujours les obtenir, fit-il remarquer. Qu’est-ce

qu’il t’a fait, exactement. Il t’a menacée ?Je sentis la sueur voiler mon corps en revivant son agression.

Je bus une gorgée d’eau et tamponnai une serviette sur monfront.

— Je ne veux pas en parler. Ce n’est rien, vraiment. Je suisdésolée d’avoir abordé le sujet.

— Je m’excuse si je t’ai chamboulée, s’excusa-t-il endécoupant son poulet.

— Tu n’as pas à t’excuser.

Page 181: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je peux te poser une question ?— Oui.— Tu es certaine que cet homme, il ne t’aime pas ?Cette question personnelle me prit par surprise.— Oui. Pourquoi ?— Je trouve ça difficile à croire, expliqua-t-il en déposant sa

fourchette pour me regarder. Tu es belle et drôle – vraimentsympa. Je trouve ça bizarre que ce mec t’ait rejetée. Peut-êtreque c’était un malentendu.

— Non, dis-je. Ce n’était pas un malentendu. Ses intentionsétaient très claires.

— Alors c’est lui qui y perd.Je souris.— Merci.— Il est responsable de ta dépression ?— Oui, soupirai-je. On s’est disputés et on a décidé de laisser

les choses où elles étaient. C’est là que j’ai décidé de m’enfuir.— De laisser les choses ? Tu veux dire que vous étiez

ensemble ?— Non. On était juste très proches – meilleurs amis. Je l’ai

accompagné à un gala de bienfaisance et quand on est rentrés...les choses se sont échauffées. Le lendemain, il a couché avec unede mes amies, et je me suis sentie trahie. Il pensait que ce n’étaitqu’un coup d’un soir, et moi je croyais que ça comptait plus queça.

— Ça se comprend.— Pour être honnête, il sortait tout juste d’une longue

relation. Il affirme que j’aurais dû comprendre que notre nuitn’était que physique et rien de plus.

— Vous aviez déjà couché ensemble ?— Non, c’était une première.J’ignorais pourquoi je lui racontais tout ça, mais ça ne me

Page 182: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

dérangeait pas de lui parler ouvertement. Cortland m’écoutaitsans me juger, comme un ami de longue date.

— Je pense que tu as tes raisons d’être fâchée, mais lasituation n’est pas simple. Peut-être que tu devrais arranger leschoses avec lui.

— Je ne veux pas lui parler, répondis-je en baissant les yeux.— Il te manque ?— Plus que tout, soupirai-je.— Alors ça en vaudrait la peine, lança Cortland en repoussant

son assiette vide.— Je ne peux pas.— Pourquoi ?— Je suis folle de lui, avouai-je. Je ne peux pas le côtoyer tous

les jours et refouler ces sentiments. Notre amitié platonique estterminée et rien ne sera plus jamais pareil. On ne pourra plusjamais être amis comme avant – tout a changé. Je le veux, lui, oupas du tout.

Cortland hocha la tête.— Tu dois penser à toi en premier. Tu crois qu’il t’aime ?— Je… je ne sais pas, répondis-je franchement. Il y a des

moments où j’en ai l’impression.— Seul le temps nous le dira.Je croisai son regard et lui souris. Malgré ma détresse, ce

sourire me fit du bien. Le serveur apporta l’addition et Cortlandtendit sa carte.

— Partageons l’addition, offris-je.— C’est bon, Scar.Je souris en l’entendant m’appeler par mon surnom. Seuls

Sean et mon frère l’utilisaient.— S’il te plaît, insistai-je en ouvrant mon portefeuille.

Laisse-moi payer ma part.— Offre-moi un café et on sera quittes, dit Cortland en me

Page 183: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

souriant.Je soupirai et rangeai mon portefeuille.— Tu es prête à y aller ?— Ouais.Nous quittâmes le restaurant et Cortland m’ouvrit la porte

pour sortir. Nous retournâmes au marché et nous émerveillâmesdevant les breloques en solde.

— Tu aimerais boire un café ? offrit Cortland en s’arrêtantdevant un commerce.

— Volontiers, répondis-je.Nous commandâmes nos boissons, mais Cortland paya le

caissier avant que je ne puisse ouvrir mon portefeuille. Il secontenta de sourire en prenant les cafés et en me tendant lemien.

— Tu as dit que je pouvais t’offrir un café !— Oui, mais tu étais vraiment trop lente.Nous sortîmes et explorâmes le marché de Pike Place. Même

si je l’avais déjà visité des tas de fois, je savourai l’atmosphèredétendue et les vêtements bariolés des vendeurs.

— Ma première impression était la bonne, dis-je en buvantmon café.

— De quelle impression tu parles ? demanda-t-il en meregardant.

— Tu es bien un crétin prétentieux.— Tu m’as eu, ricana Cortland.— Merci pour le café.— De rien, dit-il. Considère-moi comme vieux jeu si tu veux,

mais je pense qu’un homme devrait toujours agir en gentleman.Même envers la sœur de son pote.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, rectifiai-je. Merci dem’avoir écouté. Tu me connais à peine, mais tu es si calme etréconfortant. Tu invites Ryan à passer les fêtes dans ta famille

Page 184: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

et, maintenant, tu t’occupes de moi.— Comme je te l’ai déjà dit, Ryan est comme ma famille et,

par extension, toi aussi, dit Cortland en souriant.— J’en suis honorée.— Alors, il t’a appelée, ce mec ? C’est quoi son nom ?— Sean. Et non, il ne m’a pas appelée. Je lui ai dit que je ne

voulais plus lui parler et il a tenu parole.— Alors tu devrais faire le premier pas.— Non. Il a profité de moi – et ça ne se fait pas entre

meilleurs amis. Je ne veux pas le voir ou lui parler, à part s’il veutsortir sérieusement avec moi.

— Ça fait longtemps que tu ressens ça ?— Je ne sais pas vraiment. Je ne m’en suis rendu compte que

récemment. Je ne sais pas trop comment j’ai fait pour ne pas leremarquer avant.

Cortland hocha la tête.— Parfois, il suffit d’un déclic pour tout comprendre. Ton

esprit se réorganise et tu vois enfin la vérité en face.— Si tu le dis.— Tu vas essayer de l’oublier ? demanda-t-il. De sortir avec

d’autres mecs ?— Oui, soupirai-je. Un jour. Mais je préfère rester seule pour

l’oublier. Je ne suis pas prête pour ça, mais je ne veux pluspenser à Sean. Je veux tourner la page.

Peut-être était-ce ce que Sean avait pensé en couchant avecmoi. Je comprenais mieux ses actions.

— Je comprends, dit-il. Alors, vis un jour à la fois.— Tu as raison.Je le regardai boire son café. Cortland observait un couple

assis côte à côte sur un banc, mais son sourire se volatilisa.J’ignorais ce qui le dérangeait dans cette scène. Il me rappelaitSean de nombreuses manières, particulièrement sa courtoisie et

Page 185: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

sa capacité à décoder les sentiments. Mais il ne lui ressemblaitpas du tout. Les pommettes de Cortland étaient hautes et sonvisage avait les mêmes courbes que le mien. Ses lèvres étaientminces. Ses traits virils et son physique sculpté me firent songer.Avait-il une petite amie ? Mais je décidai de ne pas lui poser laquestion. Cortland n’avait rien révélé de personnel à son sujet etje pensais que c’était une mauvaise idée de l’interroger. Aprèstout, il m’avait posé des questions uniquement parce que j’avaislancé le sujet.

— Tu es prête à rentrer à l’appart ? demanda-t-il en jetant satasse vide à la poubelle.

— Oui, répondis-je.Nous retournâmes à la voiture à pied et roulâmes jusqu’à chez

Ryan, de l’autre côté du centre-ville. Cortland gara la voiture etme raccompagna jusqu’à la porte, en bon gentleman.

— Tu aimerais entrer ? demandai-je. Ryan devrait arriverbientôt.

Cortland réfléchit un instant. Ses yeux verts metranspercèrent ; je voyais bien qu’il avait quelque chose en tête.Mais, ce que c’était, je ne le saurais jamais.

— Je ferais mieux de retourner travailler, finit-il par dire.Bonne fin de journée.

Il se retourna, entra dans l’ascenseur et disparut derrière lesportes. Je glissai la clé dans la serrure et entrai chez mon frère.

Je me rendis directement dans ma chambre. Je sortis montéléphone de mon sac et vérifiai l’écran, mais je n’avais reçuaucun appel en absence ou message de Sean. Je détestais être silamentable. Sean était la seule chose qui occupait mes pensées.Je détestais également qu’il me manque autant. Je ne voulais pasme sentir comme ça – déprimée et vide. Je voulais oublier Seanet passer à autre chose. Il ne me désirait pas et ça n’arriveraitjamais – entre nous, il n’y avait aucun avenir.

Page 186: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

En fin d’après-midi, j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir etsus que Ryan était rentré. Je ne bougeai pas de mon lit. Il n’étaitpas si tard, mais je n’avais nulle envie d’être ailleurs. Ryan ouvritla porte de ma chambre quelques minutes plus tard et se couchadans le sac de couchage sans rien dire. Je l’écoutai respirer dansl’obscurité. Je comptai le nombre de ses respirations par minute,tentant de m’occuper l’esprit.

— Tu t’es bien amusée, aujourd’hui ? demanda-t-il.— Oui.— Où avez-vous été manger ?— Au marché de Pike Place.Ryan hocha la tête.— Les affaires n’ont pas arrêté aujourd’hui. Je ne sais pas

pourquoi il y avait tant de gens. C’était un des jours les plusoccupés de ma carrière.

— C’est parce que tu es un artiste incroyable.— Je sais que tu n’approuves pas mon métier, donc ne fais pas

semblant, Scar.Je soupirai.— Je pense simplement que tu vaux mieux que ça, Ryan. Je ne

voulais pas te vexer. Tu es un des types les plus intelligents queje connaisse.

— Je ne vois pas ce que ça change. Faire un truc qu’on n’aimepas, c’est con. Ce qui me plaît, ce qui me passionne, c’est letatouage. Mon art est tout ce qui compte pour moi. Ce serait idiotde vouloir devenir avocat simplement parce que j’ai la tête qu’ilfaut pour ça.

— Mais tu n’as même pas de tatouage !— Encore une fois, qu’est-ce que ça change ? Ce n’est pas

parce que je ne suis pas tatoué que je ne respecte pas cet art.Personnellement, je n’en veux pas. Je trouve le corps humainparfait sans ornements.

Page 187: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Et tu ne trouves pas que ça contredit l’objet de taprofession ?

— Non. Je ne veux pas imposer mes croyances aux autres. Jene le ferai jamais. J’aimerais que tu respectes mes choix. Jegagne suffisamment d’argent pour vivre confortablement et, leplus important, je suis heureux. Je me fiche d’avoir un job en vueet des liasses de billets tout en détestant ma vie. Je suis très fierde toi, que tu aies été diplômée de Harvard avec mention, maisest-ce que ça compte vraiment ? Ce diplôme ne représente pasqui tu es.

Je songeai un moment à ses paroles. J’étais d’accord avec sonmessage et étais presque émerveillée. Ryan était un grand rêveurque tout le monde aimait et respectait. Je n’avais jamaisrencontré qui que ce soit qui ne l’appréciait pas.

— On dirait un hippie, dis-je en souriant.— Merci. Je prends ça pour un compliment.— C’en était un.Ryan regarda le plafond et tambourina des doigts contre sa

poitrine, comme au rythme d’une chanson qu’il fredonnait danssa tête. Je le regardai, couché par terre, puis fermai les yeux. Lesoutien de Cortland et Ryan rendait mon calvaire plussupportable. J’avais de la chance qu’ils soient là pour prendresoin de moi. Je me souvins de ce que m’avait appris Cortland, ausujet des fêtes de fin d’année dans sa famille.

— Je suis désolée d’avoir manqué les fêtes, l’an dernier,murmurai-je.

— C’est bon, Scar. Ne t’inquiète pas pour ça.— Mais je suis désolée quand même.— Je sais. Alors, qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ?

Rester au lit jusqu’à la fin des temps ?— Je ne sais pas, Ryan.— Je pense qu’il te faudrait un projet, une ambition. Cortland

Page 188: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

et moi, on ne pourra pas te chouchouter tous les jours. On a nosvies et nos boulots. J’aimerais que tu te concentres sur quelquechose qui te rende heureuse, comme moi et mon salon detatouage.

— Tu as raison, avouai-je en hochant la tête. Je déteste êtredans cet état autant que tu détestes me voir déprimer.

— J’en doute, dit-il. Je peux t’assurer que ça me blesse plusque tout. Je déteste savoir que je ne peux pas t’aider – que c’esthors de mon contrôle.

Je finis par fermer les yeux et Ryan aussi. J’entendis sontéléphone sonner, mais je n’ouvris pas les yeux, choisissant derester dans mon demi-sommeil. Ryan se redressa et sortit de machambre, alors que je m’endormais.

Page 189: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre19

SEAN

De retour chez moi, je me décidai., J’entrai dans ma chambreet fis dérouler ma liste de contacts jusqu’à trouver le numéro detéléphone de Ryan. Mon cœur se détendit en voyant son nom.J’ignorais où se trouvait Scar, mais, si elle s’était enfuie pour debon, je pensais que c’était vers lui qu’elle se tournerait. Il était laseule famille qu’il lui restait au monde – à part moi – et je priaispour qu’elle soit chez lui. Je savais qu’il la protégerait.

Il était presque vingt-deux heures ici, dix-neuf là-bas, etj’espérais ne pas le déranger. Je devais l’appeler. Le téléphonesonna plusieurs fois avant que Ryan ne décroche. Au bout du fil,sa voix semblait fatiguée, comme s’il était allé courir.

— Allô ?— Salut, Ryan, c’est Sean.— Je me demandais quand tu allais appeler, dit-il d’une voix

enjouée.Je me détendis enfin. Scarlet devait être avec lui.— Elle est chez toi ?— Oui. Elle dort dans sa chambre. Tu veux lui parler ?— Non, répondis-je vivement. Non. Ne lui dis pas que j’ai

appelé.

Page 190: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Pourquoi ? Elle m’a parlé de ce qui s’était passé, entrevous. Elle est vraiment bouleversée – je ne l’ai jamais vue aussidéprimée. J’espère franchement qu’elle ne m’a pas dit toutel’histoire. Sans vouloir te vexer, mon pote, mais tu passes pourun salaud.

— Oui, acquiesçai-je. Bien sûr qu’il y a plus.— Alors, raconte-moi.Je me sentis mal à l’aise. Je ne voulais pas discuter de mes

ébats avec sa sœur. Je savais qu’ils étaient proches, mais il nefallait pas non plus exagérer.

— Je sais déjà que vous avez couché ensemble, si c’est ce quit’inquiète, ajouta-t-il.

Je soupirai.— Je n’avais aucune idée qu’elle ressentait ça pour moi. Je

pensais que c’était juste de l’amitié. Elle ne m’a jamais parlé deses sentiments. Et… sa copine m’a dit que Scarlet n’éprouvaitrien pour moi. Je ne me suis pas rendu compte que je faisaisquelque chose de mal. Et elle ne m’a pas raconté toutes leshorreurs qui se passaient à son travail. Elle m’a caché ça parcequ’elle savait que j’étais déprimé.

Je songeai à dire à Ryan que j’avais tabassé – peut-être à mort– son patron, mais décidai de m’abstenir. C’était si perturbantque même moi, je ne voulais pas en entendre parler.

— Je suis désolé de te déranger, Ryan. Je voulais justem’assurer qu’elle soit en sécurité. Elle s’est barrée sans un mot.Je ne m’étais pas rendu compte qu’elle était si déboussolée. Ellea déménagé à l’autre bout du pays pour me fuir – elle doit medétester.

— Je pense que seul l’amour peut l’éloigner autant de toi,corrigea Ryan. Elle m’a dit qu’elle pouvait te pardonner pour ceque tu as fait, mais que c’était trop difficile de te voir tous lesjours. Elle est complètement folle de toi. Si elle ne peut pas

Page 191: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

t’avoir comme elle le veut, elle ne veut pas avoir affaire à toi.Alors, je te conseille de la laisser tranquille, sauf si tu veux êtreavec elle.

— Je veux être avec elle.— Tu es sérieux ? demanda-t-il. Tu veux sortir avec elle ? Je

ne veux pas que tu te foutes de sa gueule. Si tu la veux, alors tuferais mieux de venir la chercher. Mais si tu n’es pas sûr de toi,ne perds pas son temps, s’il te plaît. Tu ne feras que la blesserdavantage.

— Tu as raison, convins-je. Je ne veux pas la voir souffrir.— Excellent. Et puis, tu déprimes toujours après la rupture

avec Pénélope ?— Oui. Ne m’en parle pas, s’il te plaît.— Oublie-la, Sean. C’est une vraie salope.— Je fais de mon mieux. Alors, quoi de neuf de ton côté ? Le

salon de tatouage tourne toujours ?— Ouais. Les affaires tournent à fond. Les gens adorent foutre

leur corps en l’air de manière permanente.— Si je comprends bien, tu n’as toujours pas de tatouage ?— Non. Rien qui m’a accroché l’œil.Nous restâmes silencieux pendant une minute. Je ne savais

pas quoi ajouter. Je voulais parler à Scarlet, mais c’étaitimpossible.

— Bon, je vais te laisser. Ça ne te dérange pas que je t’appellepour prendre de ses nouvelles ?

— Non, pas du tout.— Et tu peux garder ça pour toi ? J’ai promis à Scarlet que je

n’essayerais pas de la contacter.— Ce sera notre secret, mec.— Merci.— De rien.Je raccrochai. J’étais soulagé que Scarlet soit en sécurité et en

Page 192: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

compagnie de quelqu’un qui pouvait s’occuper d’elle, mais je mesentais également déprimé. J’avais du mal à croire qu’elle ait prisla fuite sans un mot. J’en voulais toujours à Scarlet de ne pasm’avoir dit que Pénélope – cette salope – me trompait. Mais, vula situation, ce n’était pas important. Je savais que je ne voulaispas perdre Scarlet. Sans elle, je n’étais rien. Si seulement nousn’avions pas eu à traverser cette catastrophe pour nous enrendre compte. Mais je devais prendre mon mal en patience. Jene voulais pas approcher Scarlet tant que je n’étais pas sûr demes sentiments pour elle. Je décidai de prendre mon temps. Jesavais qu’elle ne sortirait avec personne d’autre car elle étaitdéchirée. Elle n’était pas le genre de fille à chercher des coupsd’un soir. Elle n’avait plus eu de copain – de vrai petit ami –depuis des années. Elle sortait par intermittence avec un type àl’université, un mec que je trouvais louche. Elle avait fini par ymettre un terme quand je lui avais dit que je ne lui faisais pasconfiance. Je n’étais pas inquiet qu’elle tourne la page. Même sielle rencontrait quelqu’un, je savais qu’elle le quitterait pourmoi. J’étais le bon, à ses yeux. C’était évident.

Page 193: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre20

SCARLET

Je passai la journée à parcourir les offres d’emploi. Ryan partittravailler le matin, comme d’habitude, et j’entendis la porteclaquer derrière lui quand il rentra en fin d’après-midi. Jen’avais pas vu le temps passer. Je sursautai en le voyant entrerdans le salon.

— On sort, ce soir, dit-il en sortant une bière du frigo avantde le refermer.

Il décapsula la bouteille et descendit la bière d’une traite.— Non merci.Les postes de relecteur-correcteur étaient limités, même à

Seattle, et je n’allais pas baisser les bras tant que je ne trouveraispas quelque chose. Sean était constamment dans mes pensées etil me fallait une distraction. Cortland et Ryan étaient trèssympas, mais mon frère avait raison. Ils ne pouvaient pascombattre mes démons à ma place.

— Allez, fit-il en me frottant les épaules. Sors avec nous.— C’est qui, nous ?— Des amis à moi, répondit-il. Peut-être que tu rencontreras

quelqu’un qui te plaît.Je secouai la tête.

Page 194: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je ne suis pas d’humeur, Ryan. C’est bien trop tôt. En plus,je suis en train de chercher du boulot en ligne.

Ryan sembla accepter mon excuse. Il se leva et entra dans sachambre. Je soupirai en le regardant s’éloigner. Passer du tempsen société m’horrifiait et je n’étais pas du tout intéressée. Jem’imaginais déjà, dans un bar, vêtue d’une robe moulante, lesmecs me draguant de tous les côtés. L’idée ne m’enchantait pasdu tout. Je voulais oublier Sean, mais je préférais y arriver sansme taper un inconnu rencontré dans un bar. Au minimum, jevoulais apprendre à connaître l’homme avant de passer auxchoses sérieuses.

Ryan réapparut dans le salon une heure plus tard.— Tu es sûre que tu ne veux pas venir ?— Certaine, répondis-je en souriant. Allez, va t’amuser. Tu

mérites une virée en ville.— Ouais, répondit-il. Le baby-sitting, ça fatigue.Je levai les yeux au ciel.— Je ramène une fille – juste pour t’avertir. Ne sois pas

étonnée.— Tu ne manques pas d’assurance, toi, dis-je d’un ton

sarcastique.— Tu ne m’as pas bien regardé ? demanda-t-il en souriant. Je

sais qu’on est apparentés, mais tu dois reconnaître que je suistrès beau. Nous partageons les mêmes gènes, après tout.

J’éclatai de rire en secouant la tête.— Amuse-toi bien, Ryan. Et sois prudent.— Je le suis toujours.Ryan quitta l’appartement et referma la porte derrière lui. Le

silence soudain était tonitruant et me déprima. J’aurais préféréque Ryan ne me laisse pas seule ce soir, mais je ne pouvais paslui demander de rester. Il en avait déjà tant fait pour moi.J’allumai la télévision juste pour avoir un bruit de fond et me

Page 195: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

concentrai de toutes mes forces sur ma recherche – et pas surSean.

Un coup frappé à la porte me fit sursauter. Réalisant quej’étais seule dans l’appartement, la terreur s’empara de moi. Jene pouvais imaginer qui que ce soit qui passe ici un vendredi soir.Je m’approchai de la porte et vis Cortland à travers le judas. Ilportait une chemise bleue étroite et un jean uni. Il était trèsbeau.

J’ouvris la porte en souriant. Il me rendit mon sourire. J’étaisvêtue d’un pantalon de yoga et d’un pull informe. Soudain, je mesentis moche et mal attifée, consciente d’être seule chez moi unvendredi soir.

— Salut, dis-je. Qu’est-ce que tu fais ici ?— Je sors avec Ryan, ce soir, lança-t-il en entrant.Je le suivis dans le salon. Il chercha Ryan du regard, qui n’était

nulle part en vue.— Il n’est pas encore prêt ?— Il est parti il y a quelques minutes.Je m’imaginai à quoi je devais ressembler, complexée par mes

vêtements crades et mes cheveux emmêlés. Je croisai les bras surma poitrine, gênée. Je n’étais jamais préoccupée par monapparence, mais Cortland me rendait nerveuse.

Il sortit son téléphone de sa poche et consulta l’écran. Puis ilsoupira.

— On devait se retrouver au bar. J’ai dû mal lire son message,c’est pas grave.

Cortland finit par croiser mon regard. J’étais justement entrain d’admirer les contours de son corps sous sa chemise, maisje détournai rapidement les yeux quand il me surprit. J’ignoraissi c’était parce que je me sentais seule ou qu’il était simplementséduisant dans ses vêtements de ville, mais je le regardais sousun nouveau jour.

Page 196: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Alors, allons-y, décida-t-il. La ville nous attend.— Je ne sors pas, répondis-je en me rasseyant sur le canapé.

Mais j’espère que tu passeras une bonne soirée.Je ramassai mon ordinateur portable et le posai sur mes

genoux.Cortland s’installa à côté de moi sur le canapé.— Allez, insista-t-il en tapotant ma cuisse. Je te promets que

tu vas bien t’amuser. Si un mec tente de te draguer,j’interviendrai.

— Ce n’est pas ça, soupirai-je. Je n’ai aucune envie de papoteravec des tas de gens que je ne connais pas et boire jusqu’à perdrela mémoire. Je ne suis pas prête pour ça. Un pas à la fois.

— Alors je t’invite à dîner, dit Cortland en hochant la tête. Jete promets que tu passeras une bonne soirée.

Il me décocha un sourire et je ne pus résister à son charme. Jesouris à mon tour.

— Je ne veux pas gâcher ta soirée. Sors et amuse-toi bien. Net’inquiète pas pour moi.

Il secoua la tête.— Tu sors avec moi et c’est mon dernier mot. Maintenant, tu

ferais mieux d’aller t’habiller.— Qu’est-ce qui cloche avec ma tenue ?— Tu plaisantes ? ricana-t-il.— Non, répondis-je en souriant. Mais je n’ai vraiment aucune

envie de sortir.— Sortons dîner quelque part et puis on ouvrira une bouteille

de vin en rentrant. On fera la fête entre nous.— Pourquoi fais-tu ça, Cortland ? questionnai-je

sérieusement.Il soutint mon regard sans répondre pendant longtemps.— Tu es mon amie. De plus, j’aime passer du temps avec toi.

Je ne fais pas ça juste parce que j’ai pitié de toi.

Page 197: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Donc, tu as un peu pitié de moi ?Il me regarda de la tête aux pieds et indiqua mon pull plein de

plis.— Je dois vraiment répondre à cette question ?J’éclatai de rire à ses mots et il me sourit, heureux de m’avoir

remonté le moral.— Allez, va te changer.— Où va-t-on ?— C’est important ?— Non, mais ça va influencer le choix de ma tenue.— Mega Shake, ça te dit ?Je hochai la tête.— Très bonne idée.J’étais soulagée que nous n’allions pas dans un restaurant

chic. Je n’étais pas d’humeur pour de la gastronomie fine.J’enfilai un jean et un chemisier et passai ma veste brune par-dessus. Je portais des bottes à talons qui me donnaient quelquescentimètres de plus.

Quand je revins dans le salon, il me sourit.— C’est beaucoup mieux, dit-il. Maintenant, tu as l’air d’une

tout autre femme.Je m’approchai de la porte et l’ouvris.— Tu devrais me voir quand je fais des efforts sur mon

apparence.— Je m’en réjouis déjà, fit-il en étouffant un rire.Je fermai la porte à clé et nous nous rendîmes à sa voiture.

Cortland m’ouvrit la portière puis nous conduisit chez MegaShake. Quand nous arrivâmes devant le restaurant, il m’ouvrit laporte et me laissa entrer la première.

— C’est moi qui paie, cette fois, déclarai-je en le fusillant desyeux jusqu’à ce qu’il sourie.

— Si ça te fait plaisir.

Page 198: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Nous fîmes la file puis commandâmes notre repas. Je sortisun des billets que m’avait donné Ryan, mais Cortland tendit unbillet de vingt à la caissière en disant :

— Vous pouvez garder la monnaie si vous le prenez.L’employée prit son argent en souriant et le plaça dans la

caisse.Cortland s’éloigna et choisit une table devant la fenêtre.— Je n’arrive pas à croire que tu aies fait ça, dis-je en le

suivant.— Je sais, je sais, je suis généreux.— Pourquoi ne me laisses-tu pas payer ? demandai-je en

secouant la tête. Je ne suis pas ta copine, tu sais ?Mes paroles semblèrent le mettre mal à l’aise. Il gigota sur sa

chaise et détourna le regard.— Je n’aime pas laisser les femmes payer. Je suis peut-être

vieux jeu, mais je suis comme ça. Et puis, je t’ai forcée à venir.T’inviter est le moins que je puisse faire.

— Tu es vraiment prétentieux, raillai-je.— Tu veux jouer le jeu de la prétention, Mademoiselle

diplômée de Harvard ?Je lui souris.— Mon restaurant préféré est un boui-boui gras. Je ne suis

pas une snob.— Et c’est mon restaurant préféré aussi.— Ça, je ne l’aurais jamais cru, rigolai-je.Cortland alla récupérer nos plateaux au comptoir. Il plaça le

mien devant moi et s’installa en face. Il s’attaquaimmédiatement à ses frites et avala la moitié de son burger enune minute.

— Comment fais-tu pour rester si mince ? demandai-je.— Le secret, c’est un abonnement à la salle de sport.— Je ne me suis pas entraînée beaucoup ces derniers temps.

Page 199: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je devrais m’y remettre.— Le sport m’aide à déstresser, mais je préfère jouer au

basket avec Ryan. C’est bien plus marrant.Les frites étaient croustillantes et le burger cuit à la

perfection. Je dévorai tout ce qui se trouvait sur mon plateau enun temps record. J’étais prête pour le dessert, mais je décidai defaire une pause avant de commander mon milkshake.

— Tu tiens la forme aussi, fit-il remarquer. Ta silhouette estparfaite.

— C’est une question de métabolisme. Je ne mérite pas teslouanges.

— Ce qui compte, c’est que tu es très belle.Je lui souris, mais il posa les yeux sur les clients du restaurant.

Cortland évita de croiser mon regard pendant un moment, et jeme demandai si je l’avais mis mal à l’aise. Un air triste déformaitparfois ses traits et j’ignorais ce qu’il voulait dire ou ce à quoi ilpensait.

— Tu as quelqu’un ? questionnai-je.Il finit par me regarder, mais sans me répondre.— Quoi ?— Tu as quelqu’un à qui parler ?Un sourire se dessina sur ses lèvres et je sus qu’il avait

compris l’allusion. Il m’avait posé la même question quelquesjours plus tôt.

— Pas vraiment.— Même pas Ryan ?— Les hommes ne parlent pas de trucs comme ça.— Et moi, alors ? Je suis ton amie, non ?— Oui, c’est vrai.J’attendis qu’il me confie ses pensées, ce qu’il ne fit pas.

J’imaginais qu’il n’était pas prêt ou à l’aise pour discuter de laraison de sa tristesse, donc je n’insistai pas. Nous n’avions

Page 200: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

toujours pas commandé nos milkshakes et je décidai que je luioffrirais ça, au moins. La dernière fois, il avait pris au chocolat,donc c’était ce que j’allais prendre. Je me levai et m’approchai ducomptoir.

— Je peux avoir deux milkshakes au chocolat, s’il vous plaît ?J’ouvris mon portefeuille et entendis le son de la caisse

enregistreuse qui s’ouvrait. Cortland était sorti de nulle part, etla caissière lui rendait déjà sa monnaie. Il me décocha un grandsourire puis retourna à notre table à l’autre bout du restaurant.Juste quand je pensais avoir réussi à lui offrir quelque chose,Cortland m’avait volé mon moment. Je ramassai les deuxmilkshakes et allai les poser sur notre table.

— Je sais que tu appelles ça être un gentleman, mais, là, tu tecomportes comme un abruti, grommelai-je.

Il me regarda dans les yeux.— Pourquoi tu ne me laisserais pas plutôt payer ?— Parce que c’est stupide, lâchai-je.— Eh bien, ton attitude féministe est stupide, dit-il avant de

boire une gorgée de son milkshake. J’aime traiter une fille avecrespect et prendre soin d’elle. Il n’y a pas de mal à ça. Et tu n’espas une fille que je connais à peine – tu es la sœur de monmeilleur ami. Bien sûr que je vais prendre soin de toi. Alors,laisse tomber et arrête de jouer la demoiselle effarouchée.

Je soupirai et bus mon milkshake. Nous ne nous adressâmespas la parole pendant plusieurs minutes. L’ambiance étaitdevenue tendue. Cortland tambourina les doigts sur la tablecomme si c’était une batterie et je me tournai vers la fenêtrepour regarder les passants. Nous attendions que l’autre s’excuseen premier, et je n’allais pas céder. Soudain, je réalisai que je nel’avais pas remercié de m’avoir invitée à déjeuner l’autre jour, ouà dîner aujourd’hui. En fait, Cortland avait fait des tas de chosespour lesquelles je ne l’avais pas remercié. En arrivant à Seattle,

Page 201: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

j’avais eu besoin d’une épaule sur laquelle m’appuyer. Pourquoiétais-je prête à accepter l’hospitalité de Ryan et pas celle de sonmeilleur ami ?

— Merci de m’avoir invitée à dîner, et à déjeuner l’autre jour.Excuse-moi de l’avoir oublié.

Il sourit d’un air triomphant.— De rien, Scar.— Il n’y a que mon frère et Sean qui m’appellent comme ça.— Ça te dérange ?— Non, répondis-je vivement. Ça me fait très plaisir. Tu as le

droit de m’appeler comme tu veux.Il me sourit et puis termina son milkshake.— Tu es prête à aller chercher du vin et à rentrer ?— On n’est pas obligés de boire du vin – on peut acheter autre

chose.— J’aime le vin. Le bon vin – pas la piquette qui coûte moins

cher que du lait.— Tu en as déjà bu ? demandai-je en faisant la grimace.— J’ai eu vingt et un ans comme tout le monde.— OK, dis-je en éclatant de rire. Allons-y.Nous nous arrêtâmes chez un marchand de vin et Cortland

choisit une bouteille lui-même.— J’aime bien celui-là, déclara-t-il en s’approchant de la

caisse.J’allais sortir mon portefeuille, mais me ravisai. Cortland me

regarda fouiller dans mon sac, me défiant de faire quoi que cesoit.

— Je laisse tomber, soupirai-je.Cortland tendit l’argent et rempocha la monnaie.— Il était temps.Nous retournâmes à l’appartement et Cortland se gara devant

le trottoir. En sortant, je sentis l’air froid de Seattle me balayer le

Page 202: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

visage et frissonnai. J’étais ravie de rentrer à l’intérieur.Je déverrouillai la porte et nous entrâmes. Cortland alla

chercher un tire-bouchon dans le tiroir de la cuisine, sachantexactement où le trouver, et nous servit deux verres. Il m’entendit un et nous nous installâmes sur le canapé.

— Je reconnais que boire chez soi, c’est plus sympa que boiredans un bar, dit-il. Ce n’est pas aussi bruyant.

— Et pas aussi sale. Au moins, il n’y a pas de coques depistache partout.

Il haussa un sourcil.— Quel genre de bars tu fréquentes ? demanda-t-il en

pouffant. Un bar de cul-terreux ?Prise d’un fou rire, je faillis recracher mon vin. L’alcool me

montait déjà à la tête et tout me semblait plus marrant. Mon riredevait être contagieux parce que Cortland commença à glousser.Après quelques minutes, nous tentions de reprendre notresouffle.

— Merci, fis-je en essuyant mes larmes. Je n’ai plus ri commeça depuis… je ne sais plus.

— Tu sais, ce n’était pas si marrant que ça. Je n’ai rien à voirlà-dedans.

— Je ne plaisante pas, Cortland, insistai-je en lui serrant lebras. Tu es si gentil avec moi et ta présence m’aide beaucoup. J’ail’impression que je peux me confier à toi autant qu’à mon proprefrère.

Il me regarda et décela la sincérité dans mon regard.— Je suis content d’avoir pu t’aider, Scarlet. Tu vas tellement

mieux depuis que tu es arrivée. Je suis sûr que Ryan ne te l’ajamais dit, mais il était vraiment inquiet pour toi. Paniqué.

— Je me sens si mal, soupirai-je. Je déteste le blesser.— C’est inévitable, dit Cortland avec un ton résigné. Mais ne

t’inquiète pas. Si Ryan t’a laissée seule ce soir, il doit penser que

Page 203: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tu vas mieux.— Mais je ne vais pas mieux, murmurai-je. Je déteste me

retrouver seule. Je ne peux pas dormir sans Ryan. Sean memanque tellement.

Je bus le reste de mon verre et le posai sur la table. Toutes lesémotions de ces dernières semaines s’étaient intensifiées ettiraillaient mon âme, me poussant au bord des larmes. Lasituation au boulot me perturbait toujours tellement que j’enperdais le sommeil, et l’absence de Sean me paralysait.

Cortland posa son verre et me prit dans ses bras.— Ça ira mieux, je te le promets.Je blottis mon visage dans son cou et savourai l’odeur de son

corps. Son parfum me rappelait du Hugo Boss, et sentir ses braspuissants autour de moi me donnait un sentiment de sécurité. Jeme fiais à Cortland et me sentais proche de lui. Il chassait mespensées douloureuses. J’aurais aimé qu’il les chasse pourtoujours.

Je m’éloignai, mais gardai mon visage tout près du sien. Sonsouffle tombait sur ma joue et je pouvais sentir l’odeur du vinque nous avions bu. Je ne m’étais pas rendu compte à quel pointl’appartement était obscur. La plupart des lampes étaientéteintes, à part celle de la cuisine, quelques mètres plus loin.Cortland ne se dégagea pas quand je regardai ses lèvres. Ellesétaient minces et délicieuses, et je m’imaginai les sentir contrema bouche ; chaudes et douces.

Je désirais Sean, mais je n’allais jamais l’avoir. Il était tempsde passer à autre chose. Je me penchai vers lui et scellai mabouche sur la sienne. Cortland ne réagit pas tout de suite. Soncorps se raidit face à mes avances, mais, après un instant, ilremua les lèvres. Je glissai ma langue entre ses lèvresentrouvertes et l’entendis pousser un gémissement. Il rampa surmoi, jusqu’à ce que je me retrouve allongée sur le canapé. Son

Page 204: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

torse était délicieusement ferme contre mon ventre, et j’eusenvie de voir son corps nu. Je passai sa chemise par-dessus satête et palpai son corps des mains. Nos caresses s’échauffaient ets’intensifiaient au même rythme que notre baiser. Cortlandsaisit un de mes seins sous ma chemise, le pinça doucement,puis fit passer son pouce sur mon téton. Je passai mes jambesautour de sa taille et sentis son érection contre mon bassin.

Quand je posai les mains sur son jean, Cortland s’éloigna etattrapa ma main dans la sienne. Son souffle était rapide etirrégulier. Il se pencha vers moi en réfléchissant. L’hésitationétait évidente dans ses yeux. Je savais qu’il voulait arrêter toutavant qu’il ne soit trop tard, mais je n’étais pas prête à le lâcher.Je commençai à embrasser sa nuque et fis courir mes lèvres surson torse, puis vers son oreille.

— J’ai envie de toi, Cortland, murmurai-je.J’avais du mal à croire que j’avais dit ça, mais je le pensais

vraiment. Cortland ferma les yeux, mais ne continua pas àm’embrasser. Je savais qu’il luttait pour ne pas perdre ses sens.Il ne voulait pas trahir Ryan et je comprenais ses sentiments,mais ce n’étaient pas ses oignons, avec qui je couchais. J’avaistout initié et je ne voulais rien d’autre de sa part – sauf le sentiren moi. Je griffai son dos avant de le ramener vers moi. Après unbref moment d’hésitation, Cortland recommença à m’embrasseravec encore plus de passion et de désir. Il me prit dans ses bras etme porta jusqu’à ma chambre sans cesser de m’embrasser. Ilreferma la porte d’un coup de pied et m’allongea sur le lit. Il medébarrassa de mon chemisier puis de mon soutien-gorge.Cortland regarda ma poitrine un instant et je fus excitée de voirle désir briller dans ses yeux. Je déboutonnai son jean et le fisdescendre le long de ses jambes. Je baissai son boxer et le révélaidans toute sa splendeur.

Je l’admirai tandis qu’il me retirait mon jean et ma culotte. Il

Page 205: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

se pencha vers moi et m’embrassa doucement.— Tu es si belle, Scarlet, murmura-t-il.Il écarta mes jambes et se coucha sur moi. J’étais prête pour

lui – plus que prête.— Tu as un préservatif ? demanda-t-il.— Non, mais je prends la pilule.Je continuai à l’embrasser, me demandant s’il voudrait

arrêter parce que nous n’avions pas de protection. Pour ma part,j’étais prête à prendre le risque. Je ne voyais aucun risque : il nesemblait pas du genre à coucher à droite à gauche, malgré lasituation actuelle. Cortland se pencha vers moi et je sentis sontorse massif couvrir ma poitrine. Je passai mes bras autour deson cou et l’embrassai. Mon tunnel s’étira quand il me pénétra etje gémis de plaisir.

— Cortland, soufflai-je.Il était entièrement en moi. Il se déhancha doucement au

début, puis accéléra la cadence en voyant mon enthousiasme.— Baise-moi, Cortland.— Scarlet, dit-il en plongeant plus profondément en moi. Je

te baise déjà.— Baise-moi plus fort, exigeai-je en agrippant ses fesses.— J’adore ta chatte, dit-il en montant d’un cran.Je gémis en entendant ses paroles. Je plantai mes ongles dans

son dos en sentant l’orgasme approcher. Je criai plusieurs foisson nom tandis qu’il continuait à me baiser, à me combler àchaque fois que je pensais que le plaisir était passé.

— J’y suis presque.— Jouis, jouis pour moi.— Tu mouilles tellement.— C’est toi qui m’excites tellement.— Je vais jouir ! fit-il en grognant.Le corps de Cortland se contracta tandis qu’il ruait en moi. Je

Page 206: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

sus qu’il était prêt.— Cortland, murmurai-je dans son oreille. Jouis en moi. Je

veux te sentir.Mes paroles précipitèrent son orgasme et il se vida en

poussant un râle. Je sentis la sueur sur son torse quand ils’effondra au-dessus de moi. Il avait toujours le souffle coupé.J’embrassai son front, tout près de mon visage. Puis Cortland sereleva et s’assit ; je pus voir la terreur dans son regard. Il venaitde réaliser les conséquences de ses actes. Je passai mes brasautour de lui et l’embrassai pour le réconforter.

— C’est bon, dis-je. J’ai vraiment pris mon pied.— Moi aussi.— Tu n’es pas obligé de partir. Rien n’a changé entre nous.— Je dois partir, dit-il en s’éloignant pour se rhabiller

rapidement.Cortland s’enfuit de la chambre et courut dans le couloir. Le

bruit de la porte d’entrée qui claquait m’indiqua qu’il était parti.

Page 207: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre21

QUAND JE ME RÉVEILLAI LE LENDEMAIN, J’ÉTAIS REPOSÉE ET SATISFAITE.Même sans la présence de Ryan, j’avais bien dormi et je savaisque je devrais remercier Cortland. Je me sentais mieux quandj’étais en sa compagnie. Je ne pensais pas à Sean mais, ce matin,je me sentais vide et incomplète. Le comportement étrange deCortland m’avait perturbée. L’avais-je offensé ? Je ferais mieuxde lui parler de ce que nous avions fait, mais je décidai de luilaisser le temps de s’en remettre.

J’entendis la porte du frigo se refermer et me rendis compteque Ryan était réveillé et préparait le petit déjeuner. L’horlogesur la table de nuit affichait presque midi, donc il devait êtrerentré aux petites heures. Dans la cuisine, je fus surprise de voir,non Ryan, mais une fille vêtue d’une de ses chemises. Elle étaitcouverte de tatouages de serpents et d’araignées. Elle mangeaitdes céréales à la table à manger et ne m’adressa pas la parole, nem’accorda pas un seul regard. Ses joues étaient percées, ainsique ses arcades. Elle était très belle et très mince, mais sestatouages détournaient l’attention.

Ryan entra dans la cuisine en bâillant.— Bonjour, me dit-il en se versant une tasse de café.— Bonjour, répondis-je, plantée dans la cuisine.

Page 208: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je savais que je n’avais pas l’air à ma place, comme paralysée,donc je décidai de me préparer un bol de céréales. Ils s’assirenttous deux à table et mangèrent en silence. Ryan lisait le journalet la fille jouait à un jeu sur son téléphone. Mon frère ne meprésenta pas sa copine et je supposai que c’était parce que je nela reverrais pas – à quoi bon ?

— Qu’est-ce que tu as fait hier soir ? demanda Ryan.— Rien, répondis-je vivement.Je n’allais pas mentionner Cortland. Je savais qu’il serait

furieux – plus que furieux.— Tu as trouvé du boulot ?— Non.— Fais ce que Cortland t’a suggéré – crée ta propre société de

correction et d’édition en ligne. Tu as suffisammentd’expérience pour te lancer en solo.

— Je ne sais pas trop, répondis-je en secouant la tête. Je nesais même pas comment créer un site web.

Je mélangeai mes céréales distraitement avec ma cuillère.— Heureusement, j’ai des amis qui savent comment faire.

J’appellerai Cortland pour qu’il te file un coup de main.Mon cœur se mit à marteler dans ma poitrine. Je craignais que

l’appel de Ryan ne tombe au mauvais moment.— Non, dis-je. Je vais trouver autre chose.— Scarlet, tu as besoin d’être poussée, insista-t-il. Je t’ai

laissé t’apitoyer sur ton sort mais, maintenant, je vais t’aider àte remettre sur pied. Ça ne dérangera pas Cortland de t’aider.

— Mais tu n’as pas besoin de l’appeler, grognai-je en levantla main. Je lui demanderai la prochaine fois que je le verrai.

Ryan appuya sur l’icône et porta le téléphone à son oreille.— Trop tard, annonça-t-il. Salut ! Qu’est-ce qui t’es arrivé

hier soir ?Mon cœur battait la chamade. J’ignorais où cette conversation

Page 209: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

nous mènerait.— Ah, content que tu te sentes mieux.Je soupirai de soulagement.— Tu pourrais aider ma sœur, si tu es assez en forme ? Elle

aimerait créer un site internet. Tu pourrais la voir aujourd’hui ?Il marqua une pause pour écouter la réponse de Cortland.— Je lui dirai, continua-t-il avant de raccrocher. Cortland dit

qu’il peut te retrouver chez Mega Shake dans une heure.— OK, soupirai-je.Après son comportement étrange et son départ précipité,

j’ignorais à quoi m’attendre. Mais, puisqu’il avait accepté dem’aider, je supposais qu’il n’était pas trop fâché. Je m’étaismontrée agressive et l’avais manipulé pour qu’il couche avecmoi, mais je n’avais rien fait de mal. Cortland était inquiet àcause de mon frère, mais il n’avait aucune raison d’avoir peur –c’était ma vie privée.

Je quittai la cuisine et allai me préparer à sortir. Je pris unedouche et me brossai les cheveux. J’enfilai une longue robe-pullavec des bottes hautes. Mes cheveux bruns bouclaient autour demon visage et tombaient jusqu’à ma poitrine. J’emportai monordinateur portable et hélai un taxi pour me conduire aurestaurant. J’étais surprise que Ryan m’ait laissée sortir seule. Ilne me lâchait pas des yeux, ces derniers temps.

Quand j’entrai chez Mega Shake, Cortland était déjà assis à lamême table que la veille. Sa peau était tendue, comme s’il étaitaccablé par le stress, et ses lèvres étaient pincées. Sontempérament habituellement enjoué et badin s’était volatilisé.J’eus peur d’avoir irrémédiablement détruit notre amitiéflorissante.

— Coucou, dis-je.Il s’adossa à sa chaise et me salua d’un hochement de tête,

sans rien dire.

Page 210: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je m’assis en face de lui, mais il refusa de croiser mon regard.Il regardait plutôt dans le vague, derrière moi.

Je l’étudiai un instant.— Dis-moi ce qui te travaille, Cortland. Je n’attends rien de

toi, si c’est ce qui t’inquiète. Et je n’ai aucune intention d’enparler à Ryan – ce ne sont pas ses affaires.

Il se pencha en avant et enfouit son visage entre ses mains. Ilsoupira profondément avant de me regarder.

— Ce n’est pas toi, Scarlet. Je ne t’en veux pas.— Alors tu t’inquiètes à cause de Ryan ?— Oui, dit-il. Mais ce n’est pas ce qui me tracasse.— Alors c’est quoi le problème, Cortland ? Ce n’était qu’un

coup d’un soir, c’est tout. Je suis déprimée à cause de Sean. C’estinutile d’en faire toute une histoire.

— Ce n’est pas ça non plus, Scarlet, soupira-t-il. Je doist’avouer quelque chose.

— Quoi ?— J’ai une petite amie.Je le dévisageai un instant, bouche bée.— Tu as une petite amie ?Il hocha la tête.— Et tu l’as trompée ?— Et j’ai savouré chaque instant.— Je me sens affreusement coupable, dis-je. Je ne savais pas.— Ce n’est pas ta faute, Scar. C’est la mienne. J’ai laissé les

choses dégénérer. J’aurais dû te le dire plus tôt.— Et qu’est-ce que tu vas faire ?— Je ne sais pas, soupira-t-il en croisant les bras. Notre

relation n’est plus ce qu’elle était. Je n’ai simplement pas encoretrouvé le courage d’y mettre un terme et elle est aussilamentable que moi. On a tous les deux peur de recommencer àzéro parce qu’on a investi tellement de temps dans notre

Page 211: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

relation – et ce n’est pas une excuse. Ça ne justifie pas ce que j’aifait, mais c’était mon choix.

— Tu es heureux avec elle ?— Plus maintenant, murmura-t-il. Je ne ressens rien de

particulier pour elle. Je vois d’autres couples en rue et je medemande pourquoi on n’est pas plus comme ça. On en a déjàdiscuté, mais rien n’a changé. J’ai l’impression d’avoir oubliémon amour pour elle – il a disparu.

— Alors je crois que tu devrais la quitter, Cortland. Après luiavoir dit ce que tu as fait.

— Je ne sais pas si je devrais lui dire toute la vérité. Je veuxqu’on reste amis. Ça m’étonnerait qu’elle le prenne bien si elleapprend que je l’ai trompée. On a des tas d’amis en commun.

Je me penchai vers l’avant et saisis sa main.— Cortland, je sais que tu es un type bien – un gentleman

agaçant qui aime bien traiter les filles – et ça ne te ressemblepas. Tu dois prendre la bonne décision. Tu dois lui parlerhonnêtement.

Il caressa mes doigts en m’écoutant.— Je sais. Et elle le mérite, après tout. Ça ne me surprendrait

pas qu’elle m’ait trompé, elle aussi.— Ce n’est pas le plus important. Tu n’es pas un menteur.— Merci. Merci de me remonter le moral alors que j’ai agi

comme un salaud.— Tu es malheureux depuis longtemps ?— Au moins un an.— Un an, c’est long.— Je sais. J’ai attendu trop longtemps. Et j’aimerais trouver

quelqu’un qui fasse vraiment battre mon cœur, tu vois ?— Eh bien, il est encore temps. Je suis sûre que tu vas la

trouver. Tu es un bon parti, Cortland. Et puis, tu es doué au lit.Cortland finit par me sourire.

Page 212: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Tu sais vraiment comment flatter les hommes.— Quand est-ce que tu vas lui dire ? demandai-je.— Bientôt. Et puis je devrai en parler à Ryan.— Pourquoi ?— C’est mon meilleur ami, Scar. Je ne peux pas lui cacher un

truc pareil.— Ce ne sont pas ses affaires, lâchai-je, à bout de patience.— Si tu n’étais pas aussi déprimée, je serais d’accord avec toi.

Mais je dois lui dire la vérité : j’ai profité de toi. Je ne sais pas s’ilpourra me pardonner.

— Tu n’as pas profité de moi, sifflai-je. J’avais envie de toi,Cortland. J’en crevais d’envie. Quand je suis avec toi, je ne pensepas à Sean. En fait, c’est moi qui profite de toi. Ne lui dis pas, s’ilte plaît. Ça ne fera que créer un drame pour rien.

— J’y penserai.— Merci, dis-je en me calmant.— Alors, tu as toujours besoin d’aide pour ce site internet ?

demanda-t-il. Ça me fait plaisir que tu te lances. Je pense quec’est une excellente idée.

— Si tu le dis, me résignai-je.— Tu veux venir faire ça chez moi ? J’aime bien Mega Shake,

mais je suis un peu gavé de la malbouffe. Un repas cuisinémaison ne fera pas de mal, pour une fois.

— Volontiers. Et ce sera moins bruyant.— OK, allons-y.Cortland nous ramena jusqu’à son appartement, qui se

trouvait pas loin du magasin de Ryan. Nous montâmes jusqu’autroisième étage de l’immeuble et il m’ouvrit la porte. C’était unpetit appartement, d’à peu près la taille de celui de Ryan, mais ilétait décoré d’art moderne. L’éclairage tamisé lui donnait uneatmosphère romantique.

— Tu as un très bel appart, dis-je en m’asseyant à la table de

Page 213: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

la cuisine.— Merci, répondit-il en ouvrant son Mac. Alors,

commençons. Un site web professionnel et de qualité permetvraiment de se démarquer aux yeux des clients. Ils auronttendance à prendre plus au sérieux ton diplôme et tonexpérience.

Je hochai la tête tout en l’écoutant.— Et si je commençais à implémenter un design et un logo, et

tu me dis ce qui te plaît ou pas ?— Ça me va.— Alors, as-tu pensé à un nom ? Je vais devoir acheter un

domaine et une adresse URL.J’y réfléchis un moment, mais tirai un blanc. Il me faudrait

plus de temps pour me décider.— Je ne sais pas encore, répondis-je.— Ce n’est pas grave, assura-t-il en tapant un nom sur son

écran. On pourra toujours le changer plus tard.Il avait tapé Miss Scarlet’s Quick Edits, et ce nom me plut

beaucoup. Cortland ajouta des couleurs sur l’écran et modifia lapolice plusieurs fois pour obtenir une page d’accueilprofessionnelle qui aurait pu rivaliser avec une entreprise en têtede l’industrie. Je fus vraiment impressionnée par ses talents.

Nous travaillâmes sur le site pendant plusieurs heures jusqu’àce qu’il soit satisfait. J’étais ravie du résultat. Il ouvrit un compteemail lié au site pour que les clients potentiels puissent mecontacter directement.

— Préviens-moi quand tu auras choisi le nom, dit-il.Appelle-moi et je pourrai modifier tout depuis mon PC.

— En fait, je crois que je vais garder ce nom-là.— Super, fit-il en souriant. Je le trouve très accrocheur.Cortland éteignit son ordinateur et referma l’écran.— Alors, qu’est-ce que tu voudrais pour dîner ? Je peux

Page 214: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

préparer des fettucines Alfredo, je crois.Il me sourit et je me sentis à nouveau tomber sous son

charme. Je savais qu’entre nous, ça ne pourrait se reproduireparce qu’il avait une copine, même s’il allait rompre avec elle,donc je détournai le regard.

— Ce ne sont pas des pâtes en sauce ? le taquinai-je.— Si. Et alors ?— Ça a l’air délicieux.— C’est parti, répondit-il en se levant de sa chaise.Il se mit aux fourneaux et je décidai de lui donner un coup de

main. Même s’il cuisinait bien, j’étais certaine que j’étais plusdouée. Il fit bouillir l’eau et je réchauffai la sauce dans le poêlon,ajoutant du fromage, des épices et un peu de lait pour l’écrémer.Au bout de quelques minutes, nous étions attablés avec desverres d’eau. Je préférais m’abstenir de boire de l’alcool pour quela situation ne dégénère pas – une seconde fois.

— Je ne sais pas si tu écris ou pas, lança-t-il après s’êtreessuyé la bouche. Mais j’ai un ami qui produit un petit magazinelocal. Il s’occupe surtout de couvrir les attractions publiques etles sorties à faire en ville. Je sais que ce n’est pas le rêve de toutécrivain, mais tu pourrais te faire un peu d’argent en écrivant unbon article. Je pourrais lui demander un service.

— C’est vraiment gentil, Cortland, soupirai-je. Tu as raison :ce n’est pas quelque chose que je voudrais faire sur le long termemais, au point où j’en suis, je ne peux pas faire la fine bouche.Maintenant que je vais lancer ma propre boîte, je dois faire maplace.

— Alors je vais lui passer un coup de fil, promit-il en hochantla tête. Tu travaillais où, avant ?

— Chez R & R Publishing.— OK, dit-il. Il nous faudra aussi acheter une licence

commerciale et un logo pour la société.

Page 215: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Et ça coûtera combien ?— Eh bien, la licence commerciale coûte sans doute dans les

trois cents dollars. Le logo, je ne sais pas – ça pourrait être toutou rien.

— Et on ne peut pas s’en passer ?Il me sourit.— Le fisc te refilerait une amende et fermerait ton compte s’il

découvrait que tu gagnais de l’argent sans lui payer son dû. Cen’est que quelques centaines de dollars.

— Pour toi, lâchai-je.Il me décocha un regard surpris et je me sentis mal de l’avoir

attaqué verbalement. Il ne faisait que m’aider.— Excuse-moi. Je ne voulais pas te crier dessus.— Tu as besoin d’argent, Scar ? Je peux t’en prêter, si tu en as

besoin.— Non, c’est bon. Mais peut-être que tu pourrais appeler ton

ami.— Je l’appelle de suite, si tu veux, proposa-t-il.Je lui souris.— Tout de suite, dit-il.Il sortit son téléphone et s’éloigna pour parler en privé. Dans

son salon se trouvait une table basse, devant la télévision, ettoutes les surfaces étaient couvertes de photos de sa famille et deses amis. Une photo montrait Cortland et sa mère, ou unefemme plus âgée que je supposais être sa mère. Je me demandais’il avait des photos de sa copine, mais refusai de fouiner.

Je pus entendre les pas de Cortland résonner sur le plancheren bois.

— De rien, dit-il en raccrochant. Il m’a dit qu’il t’enverrait cequ’il veut par email. Je lui ai donné l’adresse de ton site.

Je bondis sur mes pieds et le serrai dans mes bras, puis mejetai à son cou. Cortland me tint contre lui et je sentis

Page 216: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’électricité dans l’air, la tension qui semblait avoir surgi de nullepart. Je savais qu’il ne voulait pas répéter la sauterie de la veillepuisqu’il avait une petite amie, donc je baissai les bras etm’écartai. Cortland, lui, ne me laissa pas faire et je sentis seslèvres sur les miennes, m’embrassant tendrement. Je lui rendisson baiser sans réfléchir. Je ne pensais jamais à Sean quandj’étais avec Cortland, et c’était une distraction agréable pour mechanger les idées.

Je fis courir mes mains dans ses cheveux et l’attirai contremoi. Il passa une main sous ma robe et empoigna ma hancheavant de passer les mains sur mes seins et sous mon soutien-gorge. Cortland me donnait les jambes en coton et me déroutaitpar ses caresses. Je voulais que ça cesse, mais pas autant que jevoulais que ça continue. J’en avais besoin pour noyer monchagrin. Il me guida vers sa chambre et je le déshabillai enmarchant à reculons, le débarrassant de sa chemise et de sonpantalon. Cortland souleva ma robe et la fit passer par-dessusma tête en m’allongeant sur le lit. La chambre était sombre etfroide et ses draps étaient soyeux. Je me détendis enm’enfonçant dans son matelas. Cortland baissa ma culotte etremonta mes pieds vers sa poitrine en se penchant vers moi.

— J’adore te baiser, je ne m’en lasse pas.— Je sais, dis-je en l’attirant vers moi. Je veux te sentir en

moi.— Tu es si belle. Je me réjouis de te sentir.— Oui, gémis-je.Cortland s’enfonça en moi et nous nous déhanchâmes en

rythme. Il se cramponna à mes épaules et s’inséra jusqu’à lagarde. Je fis courir mes mains dans ses cheveux, l’admirantpendant qu’il me baisait. Mes seins rebondissaient tandis qu’ilme pompait sans les quitter des yeux.

— J’adore tes seins, Scarlet.

Page 217: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Et j’adore ta queue, Cortland.— Oh oui, bébé, grogna-t-il.Il accéléra la cadence et je sentis mon vagin se contracter

autour de lui. Il était plongé aussi profondément que possible etje me mis à convulser. C’était si bon que je ne ressentais aucuneculpabilité.

— Oui, Cortland ! Mon Dieu, oui !L’orgasme me frappa rapidement et de plein fouet. Je criai

son nom en jouissant et Cortland s’enfouit en moi violemmentet frénétiquement jusqu’à ce qu’il se vide. C’était bien plusagressif encore que la veille. J’écoutai Cortland grogner commeune bête sauvage tandis qu’il soulevait mes hanches et ruait enmoi. La sueur dégoulinait sur sa poitrine et faisait glisser mespieds. Il gémit mon nom en jouissant en moi, au comble duplaisir. Il se pencha vers moi, l’air hébété, jusqu’à ce que l’oragese calme.

C’était terminé aussi vite que ça avait commencé. Cortlands’allongea à côté de moi, couvert de sueur, et reprit son souffle.La chambre était soudain plus que silencieuse et je me sentiscoupable de ce qui venait de se passer. Ce n’était pas juste le faitqu’il avait une petite amie. Je savais que je mentais à Ryan encouchant avec son meilleur ami, au risque de gâcher leur amitiéparce ça me remontait le moral. C’était égoïste de ma part.Cortland avait été là pour Ryan quand je ne l’étais pas. J’avaiscouché avec mes deux meilleurs amis. Même si je n’étais plusavec Sean, j’avais couché avec le premier type que je trouvaisattirant, le trahissant d’une autre manière. Cortland étaitdevenu un ami proche en moins d’une semaine et je risquaiscette amitié-là aussi. Je devenais quelqu’un que je nereconnaissais pas.

Je me tournai pour faire face à Cortland.— On doit arrêter ça.

Page 218: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je sais, fit-il en croisant mon regard. Je suis désolé,soupira-t-il. Ça n’arrivera plus. Je suis… Je me sens aussi seulque toi.

Je frottai son torse avec ma main.— Ce n’est pas une excuse. On a tous les deux tort.—Tu as raison. Je ne me reconnais pas.Il regarda le plafond sans rien dire pendant un long moment.— Je dois tout dire à Elizabeth et rompre avec elle. Et je dois

trouver quelqu’un qui me rendra vraiment heureux.— Et je dois arrêter de combler le vide laissé par Sean avec toi.

C’est bon – incroyablement bon –, mais ce n’est pas bien. Je mesens coupable et vide après. Au final, ça ne fera qu’empirer leschoses. Et je ne veux pas faire ça à Ryan – et gâcher votre amitié.

— Je dois lui dire aussi.— Laisse-moi m’en charger, dis-je en l’entendant soupirer.

Je veux m’assurer qu’il comprenne que c’est moi qui l’ai voulu –pas toi. Je pense que ça améliorera les chances que votre amitién’en souffre pas.

— Et si on le faisait ensemble ?— Pourquoi pas…Il se pencha et embrassa mon front.— J’ai une idée qui pourrait fonctionner.Je m’approchai de lui et passai mes bras autour de sa taille.— Laquelle ?— Et si on s’aidait l’un l’autre à traverser cette mauvaise

passe – sans le sexe ?— Mais c’est le meilleur aspect de tous, ricanai-je.— Tu parles, dit-il en souriant. Mais on va devoir tenir bon.— Je pense que c’est une excellente idée. On pourrait se

coacher mutuellement.— Avec plaisir. Et merci, Scar.— Qu’est-ce que j’ai fait ?

Page 219: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je n’aurais jamais compris à quel point je souffrais de cetterelation si tu ne m’avais pas sauté dessus. C’est grâce à toi que jevais faire ce que j’aurais dû faire il y a longtemps.

— Je ne sais pas si c’est vraiment si bien que ça. Je t’ai pousséà tromper ta copine.

— C’était peut-être mal de faire ça, mais je crois que c’est lameilleure chose qui me soit arrivée – et à Elizabeth. Ne t’en veuxpas.

— OK. Et merci, Cortland.— Pourquoi ?— Pour tout ce que tu as fait pour moi. Je t’aime beaucoup.Je le vis sourire.— Je t’aime beaucoup aussi. Et je peux rajouter autre chose ?Je hochai la tête.— Sean est un idiot de ne pas vouloir de toi, Scar.— Pourquoi ? pouffai-je. Parce que je suis incroyable au lit ?— Eh bien, c’est une des raisons, gloussa-t-il. Mais je pense

qu’il y en a beaucoup d’autres.

Page 220: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre22

MARK ROBINSON, L’ÉDITEUR DE LA GAZETTE DE SEATTLE, M’ENVOYA UN

message plus tard cet après-midi-là en me demandant de luiécrire un article sur l’attrait touristique du marché de Pike Place.Je trouvais ça ironique puisque je m’y étais rendue avec Cortlandmais, au moins, je connaissais l’endroit. Je planchai sur l’articlependant deux jours, principalement à Mega Shake, et le relus dixfois avant de le renvoyer à Mark. Cet article n’allait pas paraîtredans le New York Times ni devenir le centre de l’attentionmédiatique locale, mais je voulais qu’il soit parfait. Je nerenvoyais jamais un travail que je ne jugeais pas irréprochable.

Mark me renvoya sa réponse quelques heures plus tard, meremerciant pour l’article détaillé. Il affirmait que le récit était siparfait dans son usage de la syntaxe et de la description qu’ilavait l’impression d’y être. Je manquai de bondir de mon lit enlisant sa réponse le lendemain matin. Ce n’était pas un jalondans ma carrière, mais c’était quelque chose. De plus, j’étaisrémunérée au titre de deux cents dollars.

Maintenant que Cortland et moi avions mis au point lestermes de notre amitié et refermé ce chapitre de notre vie, j’étaisprête à aller de l’avant toute seule. J’avais pensé avoir besoind’un homme pour me sentir mieux mais, en réalité, c’était de

Page 221: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

moi-même que j’avais besoin. La femme forte que j’avais étéautrefois me manquait et je voulais la retrouver – me retrouver.J’espérais qu’elle existait toujours.

Cortland et moi n’avions toujours pas avoué notre faux pas àRyan, mais ni lui ni moi n’étions pressés de confesser nospéchés. J’avais peur que Ryan ait du mal à pardonner à son amipour ce qu’il avait fait et je ne voulais pas qu’ils s’éloignent parma faute. Sean ne cessait de traverser mes pensées, et je medemandais s’il couchait toujours avec Janice ou était passé à uneautre. Je me forçai à enfermer cette pensée dans un recoin demon esprit. Je ne voulais plus penser à Sean. Il ne m’avait mêmepas appelée – manifestement, il ne pensait plus à moi. Pourquoiperdais-je mon temps à penser à lui ?

Aucun auteur ne m’avait encore contactée pour que je corrigeun manuscrit et je commençais à douter que quiconque le fasse.Puis, un jour, je reçus un message dans ma boîte email. Ilprovenait d’une auteure qui avait déjà soumis plusieurs romanschez R & R Publishing, mais l’éditeur en chef avait failli à la tâchequ’elle lui avait confiée. Apparemment, il avait modifié son styleet son usage de la ponctuation, et elle requerrait mes servicespour corriger son roman, puisque je l’avais déjà fait par le passéet qu’elle aimait mon style. Je sentis mes joues s’empourprer enlisant et relisant ses louanges. J’étais encore plus excitée parcequ’elle critiquait Carl Rogers. Je répondis immédiatement à sonemail et lui expliquai que je vivais à présent à Seattle. Comble del’ironie, elle vivait dans la même ville, donc nous nousarrangeâmes pour nous retrouver à Mega Shake le lendemain.

Je refermai mon ordinateur et quittai ma chambre, meretenant de hurler en courant jusqu’au salon. Ryan était en trainde regarder un match de base-ball, mais il éteignit la télévisionen me voyant débouler. Cortland était assis à côté de lui, sonballon de basket sur les genoux. À en juger par l’odeur qu’ils

Page 222: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

dégageaient, ils venaient tout juste de revenir des terrains, maisje m’en fichais. Ryan sursauta quand je bondis sur ses genoux.Puis il éclata de rire en me voyant clapper des mains.

— Qu’est-ce qui te rend si joyeuse ? demanda-t-il.Je quittai ses genoux pour serrer Cortland dans mes bras, qui

me rendit mon étreinte maladroitement étant donné la présencede mon frère, puis me plantai devant l’écran.

— Une auteure qui faisait corriger ses romans dans monancienne boîte m’a contactée personnellement parce qu’elleaime mon travail. Apparemment, elle préfère mon style à celuide mon ancien patron et elle souhaiterait me contracter pour cetravail. Ce n’est pas excitant ? Et Mark Robinson a adoré monarticle et va me payer deux cents dollars !

Ryan me sourit et se pencha vers l’avant. Je vis Cortlandsourire de toutes ses dents et je sus que tous deux étaientheureux – exaltés – pour moi.

— Je suis si fier de toi, dit Ryan. J’avais peur que ce journ’arrive jamais.

— Moi aussi, acquiesçai-je.— Je t’avais dit que tu remonterais la pente, ajouta-t-il en se

levant du canapé. Et regarde-toi. Je te retrouve enfin !— Grâce à toi ! dis-je en le serrant fort. Tu as toujours pris

soin de moi, même quand je ne le méritais pas.— Oui, avoua Ryan en riant. Parfois, tu es une vraie peste.

Mais je t’aime quand même.— Je pense qu’il faut fêter ça, dit Cortland en se redressant.

J’invite Scarlet à un méga shake !— C’est moi qui devrais t’inviter, lui rappelai-je. C’est grâce à

toi que j’ai obtenu cet article et un super site internet. Laisse-moi t’offrir ça – pour une fois.

Il soutint mon regard un instant tout en réfléchissant à maproposition.

Page 223: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— D’accord, dit-il.— Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir ?— Non. Juste pour cette fois, tu peux payer.Nous quittâmes l’appart et arrivâmes à Mega Shake quelques

minutes plus tard. Nous fîmes la file avant de commander nosmilkshakes. J’ouvris mon portefeuille pour payer. Je me tournaivers Cortland pour voir s’il allait me casser mon coup, mais ilsouriait, les mains dans les poches. Je tendis mon billet de vingtsans compétition.

— Je pensais que tu te foutais de moi !— Merci, dit Cortland en prenant son milkshake sur le

comptoir.Nous nous assîmes tous les trois à notre table habituelle. Il

n’y avait pas tellement de gens dans le resto, car c’était un soirde semaine. Je planais toujours de cette suite de bonnesnouvelles et étais ravie de fêter ça avec mes deux amis les plusproches. En repensant à Sean, j’eus envie de l’appeler et de luiraconter mes succès, mais je me souvins que je ne pouvais pas.Nous n’étions plus amis. Il me manquait toujours et je l’aimaisautant que le jour où j’avais fui, mais la séparation devenait peuà peu plus facile. Tout ça, c’était grâce à Ryan et à Cortland, etj’en étais bien consciente. Sans eux, j’ignorais ce que j’auraisfait.

Ryan trinqua son gobelet contre le mien puis celui deCortland.

— Santé !— À Scarlet, dit Cortland en levant son verre.— Vive moi, ajoutai-je en souriant.— Maintenant, il ne te reste plus qu’à acheter ta licence et

créer un logo, fit Ryan.Je soupirai.— Merci de plomber l’ambiance.

Page 224: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Qu’est-ce qui plombe l’ambiance ? Maintenant que tuconnais ton premier succès, tu dois obtenir une licence. Il n’y arien de négatif là-dedans.

— Et tu as sept cents dollars à dépenser, toi ? raillai-je.— Ne t’inquiète pas pour ça, Scarlet. Je m’en occupe.— Je te rembourserai quand j’aurai reçu mon premier salaire.— C’est mon cadeau, insista Ryan. Tu n’as pas à me

rembourser.— Mais je veux te rembourser, Ryan. Tu m’offres déjà le gîte

et le couvert, plus du liquide pour couvrir mes dépenses. Je vaiste rembourser, et pas qu’un peu.

— Elle va te payer combien, au fait ? demanda Ryan.— Aucune idée. À ce stade, je travaillerais gratuitement juste

pour faire de la pub sur mon site. C’est une auteure célèbre etelle a déjà publié pas mal de romans. J’ai besoin de ce genre depublicité.

— Elle te payera pour ton travail, assura Cortland. Ellesuppose sans doute que tu as lancé ta propre société et que tu asdu succès. Que tu n’aurais pas quitté ton boulot dans le cascontraire.

— Je l’espère.— C’est quoi, le salaire moyen pour corriger un livre ?

interrogea Cortland— Ben, ça dépend de la longueur, du genre et de l’auteur. Je

ne le saurai pas avant de l’avoir rencontrée demain.— Tu la retrouves où ? demanda Cortland.— Ici, répondis-je.— À Mega Shake ? demanda Ryan, incrédule. Ça ne manque

pas un peu de professionnalisme ?— Non. Elle a dit qu’elle adorait cet endroit.Ryan leva les yeux au ciel.— Si tu penses que c’est une bonne idée… Pourquoi vous ne

Page 225: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

vous rencontreriez-vous pas dans un café ?— C’est trop cliché, répondis-je.— Comme tu veux, lança-t-il. C’est toi la patronne.Cortland et moi échangeâmes un bref regard, puis il baissa les

yeux. Je savais que nous partagions la même pensée. Y aurait-ilun bon moment pour lui dire ? Plus j’y pensais, moins ça meplaisait. Je connaissais mon frère mieux que quiconque, et jesavais qu’il serait choqué. Il supposerait d’abord que Cortlandavait profité de moi, puis il serait furieux contre moi d’avoir faitça derrière son dos. Ryan avait le droit de nous en vouloir. Sic’était moi, je lui en voudrais aussi. Mais je ne voulais pas risquerson amitié avec Cortland. J’adorais notre petit groupe d’amis.

— Je remplirai le formulaire pour ta licence commercialedemain, me dit Ryan. Et je m’occuperai de ton logo. Je veux êtresûr que ce soit réglé avant que quelqu’un ne mette en doute lalégalité de ton travail.

Les paroles de Ryan me remplirent de honte. Il feraitvraiment tout pour moi.

— Merci, murmurai-je.— De rien, dit Ryan en se relevant pour balancer son

milkshake vide à la poubelle. Vous êtes prêts à y aller ?— Oui, répondis-je. Je dois choisir ma tenue pour demain

avec le plus grand soin.— Ça m’étonnerait qu’elle y accorde beaucoup d’importance,

m’intima Cortland en levant les yeux au ciel.— Eh bien, c’est important pour moi.Nous retournâmes à l’appartement à pied. Une fois à

l’intérieur, Ryan et Cortland s’installèrent sur le canapé. Jeretournai dans ma chambre et découvris un autre email venantd’un client qui me demandait un devis pour corriger sonmanuscrit. Je ressortis dans le salon et posai les yeux sur Ryan.

— Assure-toi d’obtenir cette licence commerciale dans les

Page 226: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

plus brefs délais.— Pourquoi ? demanda-t-il.— Je viens de décrocher un deuxième client.Ryan leva son pouce en l’air.— Ça roule, ma poule.Le lendemain matin, j’arrivai à Mega Shake avec une demi-

heure d’avance, juste au cas où l’auteure arrivait plus tôt. Dèsque la femme passa la porte, je sus que c’était elle. Elle étaitgrande, un peu plus petite que Ryan, et avait les cheveux courts.Elle était bien plus âgée que moi, probablement proche de lasoixantaine, et je perdis un peu mes moyens en la voyant. Aprèstout, elle avait publié plus de trente livres.

— Bonjour, lançai-je en lui tendant la main.— Bonjour, Scarlet, dit-elle en souriant. C’est un plaisir de

vous rencontrer.— De même, fis-je en reculant vers la table. Veuillez prendre

place à mon bureau.Elle éclata de rire, et je fus soulagée qu’elle ait de l’humour.— Vous travaillez souvent ici ? demanda-t-elle.— Assez souvent, en vérité, reconnus-je. C’est mon havre de

paix.— J’aime écrire au McDonald’s, dit-elle en souriant. Je ne sais

pas ce qu’il y a dans cet endroit – mais il m’inspire.— Qui dit qu’il faut un café prétentieux pour pouvoir écrire ?

lâchai-je en riant.Elle sourit.— Merci d’être venue me voir en personne. C’est pratique que

vous viviez justement à Seattle.— Je sais. C’est une heureuse coïncidence.— Pourquoi n’êtes-vous plus chez R & R ? demanda-t-elle.Je décidai de ne pas mentir, surtout à un client.— J’ai quitté R & R il y a quelques semaines. Le cadre de

Page 227: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

travail ne me convenait plus.— J’ai eu pas mal de prises de bec avec votre éditeur en chef,

M. Rogers. Il a changé des aspects de mon livre que je voulaisconserver tels quels. Puis il a publié sans mon consentement, ouconservé des passages que j’avais décidé d’éliminer. La maisond’édition possède les droits de mon livre, donc je ne pouvais rieny faire. Maintenant, j’ai décidé de me charger moi-même de lapublication.

— Je pense que c’est une excellente idée.— Ce qui m’a menée à vous, continua-t-elle. Je sais que vous

avez déjà corrigé mes romans et j’apprécie votre travail. C’estquand il passe chez votre patron que les problèmes commencent.

— Je suis soulagée que vous l’ayez compris.— Donc, j’aimerais vous embaucher, si ça vous intéresse.Mon corps était prêt à exploser d’excitation. Je sentis mes

joues rougir sous le coup de la trépidation.— Vous rigolez ? Bien sûr que ça m’intéresse !Elle sourit en voyant ma réaction.— J’aime votre enthousiasme. Donc, voici quelques

informations au sujet du roman avant que vous ne vousengagiez. Il fait deux cent cinquante mille mots et c’est unroman de fiction. Ça vous convient, jusque-là ?

— Oui. Je peux tout à fait travailler là-dessus.— Excellent. Maintenant, pour le prix, j’aimerais vous payer

la moitié maintenant et la moitié à la conclusion du projet. Deux,ça vous va ?

Je lui décochai un regard vide. Deux quoi ?— Alors, ce serait une moitié maintenant et l’autre quand

j’aurai achevé le manuscrit ? répétai-je évasivement, espérantne pas me planter.

— Oui, c’est ça. Je peux vous rédiger un chèque pour milledollars maintenant.

Page 228: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je la regardai bouche bée. Elle venait de m’offrir deux milledollars pour corriger son livre, alors que j’aurais accepté de lefaire gratuitement. Et cette femme était une auteure célèbre. Jen’arrivais pas à croire ma chance.

— Si vous voulez, ça ne me dérange pas que vous me payiez latotalité à la fin du projet. Je veux que vous soyez tout à fait àl’aise avec mon travail.

— Je vous fais confiance, assura-t-elle en souriant. Mais sivous préférez comme ça, ça me va. Alors, acceptez-vous monoffre ?

— Je serais honorée, répondis-je.Elle glissa une main dans son sac et en sortit une enveloppe

de papier kraft jaune.— Voici la version papier et une clé USB contenant le fichier

informatisé. Quand pensez-vous avoir terminé ?Je feuilletai quelques pages et parcourus les paragraphes. Son

travail était déjà bien écrit et, à première vue, je ne repérai aucunproblème de grammaire ou de syntaxe. Après tout, elle avait del’expérience dans son domaine.

— Quelques semaines au plus, répondis-je. Je vous enverraichaque soir un email pour vous informer de mes progrès. Ça vousconvient ?

— Oui, répondit-elle en se levant de sa chaise, prête à meserrer la main. Je me réjouis de notre collaboration.

— Tout le plaisir est pour moi, Mme Dirkson.Elle se retourna et quitta le restaurant. J’attendis qu’elle ait

disparu de ma vue avant d’entamer une petite danse au milieu durestaurant. Tout le monde me regardait, mais je m’en fichais.J’ouvris mon ordinateur et me mis au travail sans plus attendre.Je me réjouissais de travailler sur ce nouveau projet et de récolterles fruits de mon dur labeur.

Ryan m’appela des heures plus tard pour me demander où

Page 229: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

j’étais. Les employés étaient en train de passer le torchonderrière le comptoir et je me rendis compte qu’il était vingt-troisheures passées. J’avais été si absorbée par mon travail que jen’avais pas vu les heures filer.

— Je suis toujours à Mega Shake, répondis-je au téléphone.Je l’entendis soupirer.— Je viens te chercher.— Je peux rentrer toute seule !— Ne bouge pas, m’intima-t-il avant de raccrocher.Quelques minutes plus tard, Ryan entra dans le restaurant et

m’aida à rassembler mes affaires.— Si tu sors toute la journée et que tu rentres si tard, fais-le-

moi savoir. Un texto suffirait.— Excuse-moi, dis-je en rangeant le manuscrit dans mon

sac. J’ai perdu la notion du temps.— J’imagine que l’auteure t’a embauchée, dit-il quand nous

quittâmes le restaurant.Nous suivîmes le trottoir. Ryan prit mon sac et le porta pour

moi. Parfois, je ne comprenais pas ce paradoxe. Il me parlaitcomme s’il m’en voulait, mais portait mes affaires comme ungentleman et me raccompagnait pour que je ne rentre pas seulela nuit.

— Oui, répondis-je en souriant d’un air rêveur. Et tu saiscombien elle me va me payer ?

— Combien ?— Deux mille dollars !— Tu plaisantes ? s’exclama Ryan, étonné. C’est génial !— Je sais. Je suis si heureuse.Nous grimpâmes les escaliers et entrâmes dans

l’appartement. Ryan posa mon sac dans ma chambre et revintdans le salon.

— Tu as reçu du courrier, m’indiqua-t-il en pointant du doigt

Page 230: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

la table de la cuisine.J’avais changé d’adresse quand j’avais quitté New York, et

j’étais ravie de voir que mon courrier m’avait suivie. La plupartétaient des publicités sans intérêt, mais une lettre se démarqua.Elle provenait du gouvernement. Je l’ouvris et la lus.

«MLLEREESE,Vos remboursements ne peuvent plus être reportés. Si vous

ne pouvez rembourser votre première échéance dans les septprochains jours, nous nous verrons forcés d’entamer uneprocédure judiciaire à votre encontre.

SINCÈREMENT,Charles BrandworthySecrétaire »

JESOUPIRAI en reposant la lettre. Je n’avais pas effectué un seulremboursement depuis que j’avais reçu mon diplôme. Ce n’étaitpas parce que j’avais oublié ou décidé de dépenser mon argentautrement. C’était parce que j’en manquais. Maintenant que mesaffaires reprenaient, il faudrait que je m’en occupe. Dès quej’aurais terminé de corriger ce manuscrit, j’enverrais unremboursement au gouvernement. Je soupirai à nouveau. Je negagnerais jamais ma vie tant que je n’aurais pas réglé mesdettes.

Ryan s’assit sur le canapé, dos à moi.— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il, ayant sans doute

entendu mon soupir.— Rien, dis-je en fourrant l’avertissement dans ma poche.

Page 231: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Juste du courrier indésirable.

Page 232: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre23

SEAN

Les flacons de l’armoire à pharmacie se renversèrent quand jela fouillai, à la recherche de l’antidouleur puissant que monmédecin m’avait prescrit un an plus tôt. Un flacon tomba parterre et manqua mon pied de peu, mais je l’ignorai et continuaima recherche. Je trouvai enfin deux flacons de Vicodin et lesposai sur la table de la cuisine. J’étais sur le point d’ouvrir unebouteille de scotch quand quelqu’un toqua à ma porte. Jeregardai à travers le judas et vis que c’était Janice.

Elle me dévisagea un instant après que j’eus ouvert la porte,étudiant mes traits et mon corps aminci. Je ne mangeais pluscomme avant et je n’avais pas fréquenté la salle de sportdernièrement. Je ne cessais de perdre du poids. Janice semblaitamaigrie elle aussi, presque maladive, comme si elle avait décidéde devenir anorexique. Je repensai brièvement à notre petitesauterie et me demandai si c’était la raison de sa présence :s’envoyer en l’air.

— Je ne veux pas sortir avec toi, dis-je sèchement. Désolé det’avoir fait perdre ton temps.

Je savais à quel point j’avais blessé Scarlet et je me refusais àreprendre ce risque, même si ça n’avait plus aucune importance.

Page 233: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je ne suis pas là pour ça, se défendit-elle en secouant latête. Je peux entrer ?

— Une minute, fis-je avant de refermer la porte.Je cachai les cachets et l’alcool dans le bar puis lui ouvris la

porte.— Entre.Janice entra et contempla le foutoir qu’était mon

appartement. Je ne me souciais plus des apparences.— Je suis venue te parler de Scarlet.— Qu’est-ce que tu lui veux ?— Je n’arrive pas à la joindre. Elle refuse de répondre à mes

appels et je suis vraiment tracassée. Tu lui as parlé ?— Non.— Tu sais où elle se trouve ?Je pouvais voir les larmes dans ses yeux et la frayeur sur ses

traits. Soit c’était causé par l’absence inexplicable de Scarlet, soitc’était autre chose. Visiblement, Scarlet en voulait toujours àJanice, ce que je trouvais injuste. C’était elle qui avait insisté surle fait qu’elle n’avait pas de sentiments pour moi. C’était elle quiavait menti.

— Oui.Janice soupira.— Dieu merci ! Et elle va bien ?— Elle va bien. Elle est en sécurité.— Où ça ?— À Seattle – chez son frère.— Comment le sais-tu, si tu ne lui as pas parlé ?— J’ai appelé son frère. Il me tient au courant sur ce qu’elle

fait. C’est ma manière de la surveiller de loin. Elle ne veuttoujours pas me parler.

— Je trouve ça difficile à croire. Vous êtes amis depuistoujours. Je ne vois pas pourquoi elle te fuirait.

Page 234: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Je soupirai.— Elle s’est enfuie à cause de moi – du moins, en grande

partie.Janice me regarda d’un air confus, ignorant le sens de mes

paroles.— On a couché ensemble et elle pensait qu’on formait un

couple, alors que ce n’était qu’un plan cul. Puis, quand elle m’avu avec toi, elle a pété un câble. Je me suis excusé et je lui airaconté toute l’histoire, mais elle ne voulait pas en entendreparler. Elle m’a dit qu’elle m’aimait.

Janice croisa les bras sans rien dire.— J’en étais sûre, dit-elle au bout d’un moment.Il n’y avait aucun triomphe dans sa voix.— Je me sens si conne, maintenant. Je ne l’aurais jamais

blessée volontairement – elle devrait le savoir.— Je sais, murmurai-je.— Tu l’aimes ? demanda-t-elle. Je sais que tu l’aimes.— Oui, répondis-je en croisant son regard.— Alors, va la chercher et ramène-la à la maison.— C’est compliqué, dis-je. Je pense toujours à Pénélope. Je ne

peux pas courir après Scarlet si je ne lui appartiens pascomplètement. Ce serait injuste et je ne veux pas lui faire ça.

Janice posa les yeux sur l’écrin qui contenait la bague defiançailles. Je l’avais amené dans la cuisine. Elle l’ouvrit etadmira la bague et les diamants qui l’ornaient.

— Elle est magnifique, Sean.Je restai muet. Je devais ramener la bague à la bijouterie, mais

je ne me sentais pas encore prêt.— Mais elle ne reviendra pas, dit-elle en refermant l’écrin et

en le reposant sur la table. Maintenant, Scarlet est amoureuse detoi et ça se voit que tu es amoureux d’elle. Va la retrouver. Ellecomprendra que tu n’as pas tout à fait oublié Pénélope – je sais

Page 235: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

qu’elle le comprendra. Et, avec le temps, tu l’oublieras. Pourquoine pourriez-vous pas être ensemble en attendant ?

— Elle me manque tellement, dis-je en sentant mesémotions prendre le dessus. Je l’aime.

Je me contrôlai pour ne pas dévoiler ma vulnérabilité à Janice,que je connaissais à peine.

— Tu pourrais faire quelque chose pour moi – quand tu laverras ?

Je répondis par un hochement de tête.— Demande-lui de m’appeler. Elle me manque aussi. Et je

l’aime. C’est ma meilleure amie.Je voulais la serrer dans mes bras, mais j’avais peur de trahir

Scarlet – c’était trop compliqué.— D’accord.Janice se tourna vers la porte et s’apprêta à sortir.— Et, Sean ? ajouta-t-elle.— Oui ?— Débarrasse-toi de cette bague avant d’aller la trouver.Je hochai la tête et elle referma la porte derrière elle.

Page 236: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre24

SCARLET

Mes rêves furent perturbés par les hurlements de mon frère.— PUTAIN !Je me réveillai en sursaut et faillis tomber du lit. J’ignorais ce

qui se passait. Il hurla de nouveau.— PUTAIN, répéta-t-il en arpentant le corridor.J’enfilai mon pantalon de yoga et courus après lui, à moitié

endormie, me guidant dans le couloir sombre en écartant lesbras. Je sentis les murs défiler au bout de mes doigts et manquaide trébucher par terre, mais je retrouvai l’équilibre au derniermoment. Je parvins enfin dans le salon.

— Qu’est-ce qui se passe ? grommelai-je.Ryan s’empara d’une assiette et la jeta par terre, la brisant en

mille morceaux. Il sortit son téléphone de sa poche arrière etpassa un coup de fil.

— Tu peux passer chez moi ? s’écria-t-il au téléphone.Magne-toi le cul ! aboya-t-il. Quelqu’un a cambriolé le magasinet je ne peux pas laisser Scarlet toute seule.

Il raccrocha et s’approcha de la porte d’entrée.— Ryan, tout va bien ?— Ne bouge pas d’ici, scanda-t-il. Cortland va bientôt arriver.

Page 237: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Qu’est-ce qui se passe ?— Tu n’as pas entendu ? lâcha-t-il. Encore une effraction au

magasin. Je me demande ce qu’ils ont volé, putain !Il me claqua la porte au nez et disparut sans un autre mot.

Maintenant que j’étais complètement réveillée, je n’avais rien àfaire à part m’inquiéter pour mon frère. J’ignorais qu’il devaitfaire face à tant de crimes. Je m’affalai sur le canapé et attendisson retour.

Le coup frappé à la porte me fit sursauter. Cortland étaitarrivé et je lui ouvris la porte. Dès qu’il entra, il me bombarda dequestions.

— Tout va bien ? Il a appelé ?— Non.Cortland se calma et me regarda attentivement.— Tout ira bien, Scarlet.— Et si les voleurs sont toujours là quand il arrive ?

bredouillai-je.— Son système d’alarme le prévient quand il y a une

effraction. Donc les flics auront déjà envoyé une voiture. Ryans’en sortira comme un grand.

Il passa ses bras autour de moi et m’enlaça un instant.— Ils ont ajouté quelque chose quand ils l’ont prévenu ?— Non.Il me relâcha puis déposa un baiser sur mon front.— Je vais attendre qu’il revienne. Retourne te coucher. Je te

réveillerai quand il rentrera.— Je n’arriverai pas à dormir, dis-je en secouant la tête.— Je comprends, dit Cortland. Alors, allongeons-nous sur le

canapé.Nous nous blottîmes l’un contre l’autre sur le canapé, sous

une couverture. Nos nez se touchaient presque. La tensionsexuelle était à son comble, mais nous avions convenu de cesser

Page 238: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

cette folie.— J’ai rompu avec Elizabeth, m’apprit-il.— Comment ça s’est passé ? demandai-je en passant une

main dans ses cheveux.— Ça aurait pu être pire, dit-il. Je lui ai dit qu’entre nous, il

n’y avait plus rien. Qu’il n’y avait plus rien depuis longtemps.Elle était d’accord.

— Donc tu ne lui as pas dit que tu l’avais trompée ?— Si, mais j’ai attendu jusqu’à la fin – quand elle a avoué que

notre relation n’était plus saine. Elle était moins en colère aprèsma trahison, du coup. Quand je lui ai dit que je ne sortais pasavec toi, elle n’a pas semblé plus contrariée que ça.

— Et ça va ? demandai-je en hochant la tête.— C’est douloureux, mais je sais que c’était la bonne décision.— Je suis là pour toi.— Je sais, dit-il en souriant.— Maintenant, il est temps de trouver quelqu’un d’autre, dis-

je. Et choisis quelqu’un que j’apprécie pour que je puisse passerdu temps avec elle. On pourrait aller faire du shopping, toutes lesdeux.

Cortland éclata de rire.— Je ne sortirai qu’avec quelqu’un que tu approuves. Et tu ne

m’as pas l’air du genre de fille qui aime le shopping.— Sur ce point-là, tu as raison. Choisis quelqu’un qui me

plaît, OK ? Comme ça, on pourra sortir à quatre.— À quatre ?Il me dévisagea un instant.— Je vois que tu te sens mieux – que tu tournes la page.— Un pas à la fois, dis-je en souriant.— C’est un progrès.Il passa son bras autour de ma taille et me serra. Même si

j’étais inquiète au sujet de Ryan, mes yeux se fermèrent tout

Page 239: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

seuls et je m’endormis. La porte d’entrée qui claquait me réveillaun peu plus tard. Je me redressai rapidement. Ryan, les mainsdans ses cheveux, avait l’air bouleversé.

— Tout va bien ? demandai-je en m’approchant.Cortland me suivit un instant plus tard. Ryan était si paniqué

qu’il n’avait pas remarqué que nous dormions ensemble.— Non, tout ne va pas bien, répondit Ryan en soupirant.Nous attendîmes patiemment qu’il continue. Une chose

terrible s’était produite et nous attendions la mauvaise nouvelle.— Ils ont emporté tout mon matos et mon coffre-fort, qui

contenant plus de mille dollars. L’assurance dit qu’ils pourrontrembourser les aiguilles à hauteur d’une certaine valeur, mais çane couvrira pas grand-chose. Je n’ai pas assez d’argent pourracheter tout le matos et, sans revenus, je ne peux pasrembourser le matériel qui a été volé. En gros, je dois fermerboutique.

Les yeux de Ryan étaient écarquillés d’anxiété. Je pouvais voirle fardeau peser sur ses épaules et sus qu’il était désespéré.

— Tu rigoles ? m’exclamai-je.Ryan secoua la tête, trop ému pour continuer.— Je suis désolé, mec, dit Cortland en tapotant son épaule.Je regardai mon frère, qui refusa de croiser mon regard.

C’était son rêve, toute sa vie et, maintenant, il le perdait à causede petites frappes qui lui avaient tout volé. C’était injuste.

— Combien ça coûterait de racheter le matos ? demandai-je.— Beaucoup trop, dit Ryan en me regardant.— Combien ?— Dans les huit mille dollars, murmura-t-il.— Je peux t’aider.— Je ne peux pas accepter ton argent, Scarlet, dit Ryan en me

dévisageant.— Bien sûr que si, insistai-je en le serrant dans mes bras et

Page 240: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

en blottissant mon visage contre son torse. Mon argent est à toi,Ryan.

— Tu ferais vraiment ça pour moi ?— Évidemment.— Je ne sais pas quoi dire, murmura-t-il, ému.— À quoi servent les petites sœurs ?Ryan étouffa un rire.— À tout.Je pris son visage entre mes mains et déposai un bisou sur sa

joue. Je n’étais pas généralement si affectueuse avec mon frère,mais le voir si désespéré me brisait le cœur. Il ne méritait pas desouffrir ainsi. J’aurais aimé effacer son chagrin. Je comprenais àprésent ce que Ryan avait ressenti quand j’étais arrivée sur le pasde sa porte.

— Scarlet, je ne sais pas si je pourrai un jour te rembourser.— Ce n’est pas grave, dis-je en souriant. C’est de bon cœur.— Mais tu as bossé si dur. Je sais à quel point ta société est

importante.— Pas aussi importante que toi.Je me dégageai, évitant le regard de Ryan. Je repensai à mon

avis de remboursement, m’intimant de régler mes dettes si je nevoulais pas être traînée en justice, mais je m’en fichais. Monfrère était plus important.

— Merci, fit-il.— Donc, si on achète du nouveau matos, on doit quand même

rembourser l’ancien, même s’il a été volé ? demanda Cortland.Ryan hocha la tête.— Je sais – ça craint.— Quel est le plan ?Ryan soupira.— La boutique devra rester fermée quelques jours pendant

qu’on remplace les vitres. Donc je ne pourrai pas travailler cette

Page 241: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

semaine. Et puis, les affaires vont en prendre un coup. C’est laseconde fois que je me fais vandaliser en quelques semaines.Personne ne voudra fréquenter le salon. Je ne sais même pascomment je vais payer le loyer.

— On s’en sortira, répondis-je. Je viens de renvoyer un articleà Mark et j’ai reçu un nouveau manuscrit aujourd’hui. On vadevoir se serrer la ceinture, mais on pourra payer les factures etmanger.

Ryan me regarda sous un nouveau jour. Je pouvais voir sareconnaissance briller dans ses yeux. J’espérais que mes actessuffiraient à rattraper ce que je lui devais. Je l’avais abandonnépendant toute une année, sans même l’appeler ou lui rendrevisite.

Il sourit.— Alors, c’est à ton tour de prendre soin de moi ?— C’est qui, le parasite, maintenant ? le taquinai-je.— Je ne sais pas quoi dire, répéta-t-il. Je ne sais pas ce que je

ferais sans toi, Scar.Je haussai les épaules.— Peut-être que tu pourrais te trouver un vrai boulot au lieu

de griffonner toute la journée.— Et revoilà la peste, pouffa-t-il. Merci d’être venu, lança-t-

il à Cortland. Mon adresse apparaît dans la paperasse de monbureau – donc on ne sait jamais. Mais ils n’ont rien pris dansmes documents.

— Je suis là pour toi, dit Cortland.— Merci, à tous les deux.

Page 242: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre25

— JE PEUX T’AIDER ? PROPOSA RYAN.J’étais penchée sur l’écran de mon ordinateur, en train de

corriger un manuscrit que j’avais reçu quelques jours plus tôt. Jene serais pas payée avant d’avoir soumis le manuscritcomplètement corrigé, donc je travaillais frénétiquement pourpouvoir manger ces deux prochaines semaines. Ryan n’avaitjamais été sans emploi et, plus la réouverture de son salontardait, plus ça devenait évident.

— C’est à quel sujet ?— Je suis occupée, Ryan.— Je vois bien, lâcha-t-il. Je peux t’aider ?— Tu sais à peine écrire en anglais, dis-je. Qu’est-ce qui te

fait croire que tu pourrais corriger un roman avant de pouvoir lepublier ?

Ryan fit tourner le ballon de basket sur le bout de son doigt.— Ce n’est pas parce que tu as un beau diplôme bien cher que

tu es plus intelligente que moi. Je suis travailleur indépendantdepuis des années.

Je soupirai, tentant de ravaler l’irritation que je ressentaispour mon frère. Il traversait une période stressante et je devaisme montrer patiente, même s’il ne cessait de m’interrompre.

Page 243: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Allons jouer au basket, dit-il. Il faut que tu fasses unepause, de temps en temps.

— Ryan, j’ai du travail. Appelle Cortland et vois s’il ne peutpas y aller avec toi.

— Je l’ai déjà contacté, et il a du boulot.— Quel veinard.Ryan laissa tomber le ballon par terre et se pencha en arrière.— Je m’emmerde comme un rat mort, geignit-il.— Lis un bouquin.— Au moins, tu penses que j’en suis capable, fit-il avec

sarcasme.Je ris malgré moi.— Alors appelle une de tes amies. Pourquoi pas celle qui est

couverte de serpents ?— Elles travaillent aussi, soupira-t-il.— Tu veux que je t’inscrive à la crèche ? demandai-je. Pour te

faire de nouveaux amis ?— En fait, ça ne me dérangerait pas, au point où j’en suis. Ma

propre sœur est trop débordée pour se préoccuper de moi.— J’essaie de subvenir à nos besoins, Ryan.Il ramassa le ballon et se remit à le faire tournoyer.— J’espère que Cortland passera à l’appart après le boulot.— On a déjà quelque chose de prévu, dis-je.— Quoi ? demanda-t-il en lâchant le ballon. Tu sors avec mon

ami ?— C’est mon ami aussi, Ryan.— Qu’est-ce que vous allez faire ?— C’est un secret.Ryan me scruta du regard.— Vous en aurez pour longtemps ?— Quelques heures.Il soupira.

Page 244: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je peux voir mon ami après toi, au moins ?— On verra, dis-je en souriant. Pourquoi tu n’irais pas au

salon ? Tu n’es pas censé rouvrir demain ?— Ouais, t’as raison. Je pourrais passer une nouvelle couche

de peinture sur la façade.— Peut-être que tu devrais nettoyer un peu l’intérieur,

suggérai-je. Au cas où il resterait du verre brisé par terre.Ryan soupira de plus belle.— Tu as toujours raison. Et je pourrais boulonner mon

nouveau coffre-fort au mur. Et merci de m’avoir prêté del’argent, sœurette.

— Au moins, cette fois, si tu te refais cambrioler, les gensdevront forcer ton coffre-fort pour se servir. Il est bien tropgrand pour être emporté. Et tu pourras y ranger tous tes biens devaleur.

— Tout ça grâce à mon intello de sœur.Je levai les yeux au ciel.Il se leva du canapé et prit sa veste.— À dans quelques heures, dit-il.Il prit la porte et la referma à clé. J’étais soulagée qu’il me

laisse enfin tranquille. Il me rendait folle.Le manuscrit sur lequel je travaillais provenait d’une auteure,

amie de Christine. Elle avait été si satisfaite de mon travailqu’elle avait parlé de moi à ses collègues. Puisque je leurchargeais le même tarif, je gagnais un beau pactole. Etheureusement, parce qu’avec le salon de Ryan et mon avis deremboursement, j’avais du mal à économiser de quoi payer leloyer et la nourriture. J’espérais pouvoir gagner suffisammentpour régler une partie de mes dettes. J’aurais aimé en parler àRyan, mais je savais qu’il serait mortifié. Je ne voulais pas qu’ilse sente coupable d’accepter mon argent.

Quelques heures plus tard, un coup frappé à la porte annonça

Page 245: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

l’arrivée de Cortland. Quand je l’ouvris, je le vis, un sourire auxlèvres et un sac à l’épaule.

— Tu es prête ?— Oui, répondis-je avant de refermer la porte à clé derrière

lui.— Où est Ryan ?— Au magasin.— Comment as-tu fait pour te débarrasser de lui ? rigola-t-il.— Ça n’a pas été facile.— Tu lui as dit ce qu’on faisait ?— Non. Notre secret est sauf.— Il n’a pas trouvé ça étrange qu’on passe la soirée

ensemble ?— Apparemment pas.Cortland s’installa sur le canapé et sortit son ordinateur. Je

m’assis à côté de lui.— Quand est-ce qu’on devrait lui dire, pour… ? demanda

Cortland en ouvrant une nouvelle fenêtre sur son PC.— Je ne sais pas trop, répondis-je en soupirant. Plus j’y

pense, moins j’en ai envie. On ne couche plus ensemble, donc enquoi ça l’importe ?

Cortland commença à programmer et je le regardai à moitié.— Je me sentirais trop coupable de lui cacher ça, Scar. Je sais

que ta vie privée ne le concerne pas, mais j’ai franchi une limiteen couchant avec toi – je dois lui dire.

— Pourquoi es-tu toujours si noble ?— Tu parles de moi ? fit-il en riant. Le mec qui a trompé sa

copine ?— Ça ne fait pas forcément de toi une mauvaise personne. La

situation était complexe.— Tromper, c’est tromper.— Et une zone grise, c’est une zone grise.

Page 246: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Alors, qu’est-ce que je devrais écrire ? demanda-t-il,changeant de sujet.

Je me levai du canapé pour aller chercher mon ordinateur.— Je vais t’envoyer ce que j’ai déjà écrit, et tu peux le copier-

coller dans le contenu.— D’ac, dit Cortland.Cortland inséra les paragraphes que j’avais écrits dans le site

web et ajouta un fond coloré avec différentes couleurs d’encre detatouage. Il ajouta une liste des prix, l’adresse et les coordonnéesde contact, ainsi que la vision de Ryan.

— Je suis sûr que ça va lui plaire.— C’est vraiment très cool, Cortland.— Si ça ne l’aide pas à attirer de la clientèle, je ne sais pas ce

qu’il lui faudra.— C’était une idée géniale. La plupart des gens utilisent

internet pour faire leurs recherches. Le site que tu m’as créé m’adéjà rapporté un revenu conséquent, même si j’ai dû tout donnerà Ryan.

Cortland me tapota la cuisse.— Ce que tu as fait pour ton frère est super, Scarlet. Je sais

qu’il t’en est reconnaissant.— J’espère que ça rattrapera mon absence de l’an dernier, et

tout ce qu’il a fait pour m’aider quand je me suis pointée chez luisans le sou.

— Je pense que tu t’étais déjà rattrapée avant de lui prêtertout ton pognon.

— Je l’espère.— Est-ce que tu comptes retourner à New York un jour ?— Je ne crois pas, non. Ma famille est ici. Je n’abandonnerai

plus Ryan.— Je sais que Ryan ne voudrait pas que tu restes juste pour

lui, dit Cortland en soupirant.

Page 247: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je ne reste pas que pour lui. Je veux rester avec lui.— Et Sean ? Tu l’as oublié ?Je pinçai les lèvres en songeant à lui. Sean demeurait mon

meilleur ami même si nous ne nous parlions plus, et il memanquait à crever. J’aurais aimé que les choses soientdifférentes – que nous soyons ensemble.

— Je ne l’oublierai jamais.— Même en vivant à l’autre bout du pays ? demanda-t-il.— La distance n’y change rien.Cortland hocha la tête.— Il est le mec le plus chanceux au monde et il ne le sait

même pas.— Tu es vraiment mignon, Cortland.Il me tapota la cuisse.— Non. C’est plutôt toi qui es épatante. Regarde-toi, Scarlet.

Tu es arrivée quand tu touchais le fond et, maintenant, c’est toiqui soutiens ton frère. Je t’admire et je te respecte pour ça.

— C’est très joli en théorie.— Que veux-tu dire ?— Eh bien, c’est facile de fuir ses démons et de recommencer

à zéro. C’est bien plus difficile de détruire quelque chose puis derester sur place pour recoller les morceaux.

— Tu n’as rien détruit, Scarlet. C’est sa faute.— Je ne sais pas. Plus j’y pense, et plus je me rends compte

que j’ai laissé mes émotions influencer mes actions. Sean étaitfou amoureux de Pénélope. Je ne sais pas comment j’ai pu penserqu’il était prêt à tourner la page.

— Ce n’est pas ça qui compte, Scarlet. Il n’aurait jamais dûcoucher avec toi. Les vrais amis ne se font pas ce genre de chose.

— Ah non ? demandai-je en souriant.— Notre situation était différente. On n’est pas amis depuis

dix ans. Et tu n’es pas amoureuse de moi et moi non plus.

Page 248: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je suis si perdue, parfois.— Pourquoi ?— J’aimerais l’appeler et m’excuser. Je ferais tout pour qu’il

revienne dans ma vie. Puis je me rends compte que ce n’est pasce que je veux.

— Qu’est-ce que tu veux ?— Je veux que Sean ressente la même chose pour moi.— Il t’a appelée ?Je me tus un instant.— Non.Cortland soupira.— Je ne veux pas te blesser, Scarlet, mais je pense que,

clairement, il s’en balance. Il t’aurait appelée s’il ressentait lamême chose.

— Je ne l’ai pas rappelé non plus.— Mais c’est parce que tu es amoureuse de lui. Et c’est toi qui

t’es enfuie. Donc, soit il ne s’en est pas encore rendu compteparce qu’il ne t’a pas cherchée, soit il sait que tu as déménagé etil se fiche d’où tu es partie.

Je sentis les larmes jaillir sous mes paupières en écoutant sespropos. Je savais qu’il avait raison. Cortland essuya mes larmes.

— Désolé, dit-il tout bas. Je ne voulais pas te contrarier.Je refoulai mes larmes et empêchai ma lèvre de trembler.— Je sais, mais tu as raison à son sujet. Il s’en balance. Sean

m’aurait au moins appelée une fois – juste pour s’assurer quej’allais bien.

— Tu n’as pas besoin de lui, Scarlet.— Non.— Je peux devenir ton nouveau meilleur ami. Ryan et moi, on

sera ta famille.— On forme vraiment une famille, pas vrai ?— Depuis le jour où je t’ai rencontrée.

Page 249: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Mes larmes se tarirent et je me détendis. Cortland avaitraison. Sean était parti et ne reviendrait pas. Je devais tourner lapage et accepter qu’il ne m’aimait pas – même pas en tantqu’ami. Après ce que nous avions traversé, le fait qu’il ne m’aitmême pas contactée montrait ses vrais sentiments pour moi : iln’en avait pas.

— Merci.— De rien, dit-il en m’embrassant le front.Il caressa mes cheveux pour me calmer avant de se retourner

vers son écran.— Maintenant, nous avons un site web. Je l’ai lié à une autre

adresse email à laquelle tu as accès. Je me suis dit que Ryan nesaurait pas quoi faire de cet outil interactif.

— Ce n’est pas un singe ! m’exclamai-je en riant.— Ce mec sait à peine utiliser Facebook pour mater les profils

des filles !— Pauvre Ryan. On est vraiment prétentieux.La porte d’entrée s’ouvrit et Ryan entra dans le salon.— Qu’est-ce que vous faites, tous les deux ? demanda-t-il.— On travaillait sur quelque chose. Ça a été, au magasin ?— Tout est prêt pour l’ouverture demain. J’espère juste que ça

en vaudra la peine – s’il n’y a pas de clients, quel intérêt ?Cortland se leva et amena son ordinateur près de Ryan.— Regarde ce qu’on a fait, aujourd’hui.Ryan étudia l’écran un moment.— Vous m’avez fait un site web ? lança-t-il, incrédule.— Oui, répondis-je. Et on a fait de la pub sur certains sites.

Cortland est un génie de l’informatique. Tu seras numéro undans la recherche Google pour « Salon Tatouage Seattle ».

— Waouh ! Merci, les amis, dit Ryan. Je ne vous ai riendemandé !

Cortland et Ryan s’installèrent sur le canapé et Cortland fit

Page 250: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

défiler les pages du site.— Scarlet a écrit tous les textes et l’introduction à toutes les

sections, et elle a accès à l’adresse email si les gens demandentun rendez-vous ou des renseignements.

— Tu travailles pour moi, maintenant ? me demanda Ryan.— Je suis devenue ton assistante personnelle.— Je ne sais pas quoi dire, fit-il en lisant l’écran. Vous avez

été si bons avec moi. Je suis sous le choc.— On est ta famille, mec, rappela Cortland en frappant son

épaule.— Je sais.— Peut-être qu’on devrait te faire un profil sur un site de

rencontre, tant qu’on y est, dis-je.Ryan leva les yeux au ciel.— Pourquoi dois-tu toujours gâcher l’instant en te

comportant comme une peste ?— Quel genre de sœur je serais, autrement ?Ryan retourna à l’écran et consulta son nouveau site. Cortland

et moi échangeâmes un regard. En croisant ses yeux, je sus cequ’il allait dire. Je secouai la tête et il comprit le sens de mongeste.

Page 251: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre26

LE SALON DE TATOUAGE RESTA MORT LE PREMIER JOUR. AUCUN CLIENT NE

passa la porte et je vis la panique naître dans les yeux de Ryan. Jecomprenais sa détresse : il venait de m’emprunter plusieursmilliers de dollars pour du matériel dont il ne ferait peut-êtrejamais l’usage.

— Ne t’inquiète pas, dis-je pour le rassurer. Les gensviendront. Ils pensent sans doute que c’est fermé.

Ryan hocha la tête, mais ne fit aucun commentaire.— J’ai une idée, m’exclamai-je soudain.Je trouvai un grand morceau de carton et le posai par terre.

Puis je trouvai un marqueur indélébile et le lui tendis.— Écris que tu viens de relooker le salon. Les commerces qui

réagencent leur intérieur améliorent toujours leurs revenus.— Tu viens d’inventer ça ?— Non. C’est pour cette raison que les chaînes de fast-food se

renouvellent régulièrement. Écris grande réouverture ou quelquechose dans le genre.

Ryan prit grand soin de rendre son panneau le plus artistiquepossible et, après environ une heure, il eut enfin terminé. Nousle pendîmes devant la façade. Les gens commencèrent à entreraprès avoir vu le panneau et Ryan accueillit enfin ses premiers

Page 252: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

clients. J’ouvris mon ordinateur et vérifiai la boîte de réceptiondu salon. Quelques personnes avaient pris rendez-vous pourl’après-midi suivant. Je les inscrivis au calendrier.

À la fin de la journée, l’humeur de Ryan s’était radicalementaméliorée. Il n’avait pas encore récupéré sa clientèle d’avant lecambriolage, mais ça viendrait avec le temps.

— Tu verras, tes clients reviendront, dis-je.— Je sais, soupira-t-il. Mais j’ignore combien de temps ça

prendra. Je ne veux pas être un boulet, mais tu vas devoircontinuer à subvenir à nos besoins.

— Et ça ne me dérange pas, Ryan.— Merci. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. J’aurais

risqué de perdre le magasin et peut-être même mon appart. Jesquatterais sans doute le sofa de Cortland, à l’heure qu’il est.

— Ça n’arrivera pas, Ryan. Tant qu’on est là l’un pour l’autre,tout ira bien.

— Tu m’as manqué.— Tu m’as manqué aussi, dis-je en le regardant.— Je sais que, quand tu es arrivée ici, tu étais déprimée,

reprit-il en croisant les bras. Mais je suis content que tu soisvenue. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti si prochede toi. J’en avais presque oublié à quel point j’avais besoin de toidans ma vie.

— Je suis désolée d’avoir coupé les ponts pendant un an, dis-je en sentant mes larmes perler. Ça n’arrivera plus jamais.

— Je sais, je sais.— Excuse-moi, vraiment.— Je te pardonne, Scarlet.— C’est vrai ?— Bien sûr ! Regarde tout ce que tu as fait pour moi. Tu

n’avais pas à me prêter tout cet argent et je ne t’ai rien demandé.Mais tu l’as fait sans hésiter.

Page 253: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— C’est parce que je t’aime.— Et je t’aime aussi, dit-il en m’enlaçant. Tout ira bien,

Scarlet. Plus que bien.Je hochai la tête. Je pensai à Cortland et au secret que je lui

cachais. L’entendre dire à quel point nous nous étionsrapprochés me donnait l’impression de le trahir. J’avais couchéavec son meilleur ami, et j’étais trop lâche pour lui dire la vérité.

Nous sortîmes du magasin et il verrouilla soigneusement laporte. Nous prîmes un taxi pour rentrer à l’appartement etpréparâmes du macaroni au fromage pour le dîner. Maintenantque nous avions du mal à joindre les deux bouts, nous nepouvions nous permettre de manger autre chose. Ryan et moiétions assis l’un en face de l’autre, mangeant tout en consultantle courrier. Je parcourus mes emails personnels pour voir sij’avais décroché de nouveaux clients, mais, malheureusement,ce n’était pas le cas. J’étais toujours en train d’éditer un roman,mais ç’aurait été agréable de savoir qu’il y en avait un autre quim’attendait.

Ryan était concentré sur une lettre qu’il était en train de lire.Il ne dit rien pendant un moment. J’étais toujours occupée àparcourir mes emails quand je le vis bondir sur ses pieds.

— C’est ton dernier avertissement, dit Ryan en lisant la lettretout haut. Tes remboursements ne peuvent plus être reportés. Situ ne rembourses pas vingt pourcents de ce que tu as empruntédans le délai imparti, tu seras poursuivie en justice.

Je sentis mon cœur marteler dans ma poitrine. Je savais trèsbien ce qu’il était en train de lire. Le gouvernement m’avaitenvoyé une mise en demeure. Ryan n’aurait jamais ouvert moncourrier exprès, donc il devait avoir lu la lettre par accident. Il meregarda dans les yeux, attendant que je m’explique.

— Quand as-tu reçu le premier avertissement ? demanda-t-il.

Page 254: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

En guise de réponse, je haussai les épaules.— Scar, insista-t-il.— La semaine dernière.— Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?Je soupirai.— Je ne voulais pas que tu te sentes mal.— Pourquoi je me sentirais mal ?Ryan glissa sa main dans ses cheveux en relisant la lettre.

Soudain, il ferma les yeux et laissa tomber le papier. Il avaitcompris.

— Tu m’as donné tout ton argent, souffla-t-il. Tu as choisi dem’aider au lieu de rembourser tes dettes.

Je hochai la tête, craignant trop sa colère pour parler.— Scarlet, je n’arrive pas à croire que tu aies fait ça. Tu

n’aurais jamais dû ignorer ces lettres. Tu pourrais être poursuivieen justice !

— Je sais, murmurai-je.— Alors pourquoi m’as-tu donné l’argent ?— Tu es mon frère – tu seras toujours ma priorité.— Scarlet, qu’est-ce que tu comptes faire, alors ?— Je rassemblerai la somme qu’ils me demandent, Ryan.— Comment ? demanda-t-il, incrédule. On doit payer le loyer

et manger. À part si tu comptes vendre ton corps dans la rue ?— Ryan, ça va aller. Je trouverai un moyen.— Je ne vois pas comment.— Je trouverai.— Quand ils te traîneront en justice, ils te déposséderont de

tous tes biens.— Eh bien, heureusement que je ne possède rien.— Tu ne les prends pas assez au sérieux, Scar.— Bien sûr que si, et je te dis que tout ira bien.Ryan me regarda longuement.

Page 255: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Demande de l’aide à maman.— J’espère que c’est une blague, lâchai-je. Et, si c’est le cas,

c’est la pire blague que j’aie entendue.— Scarlet, elle s’est accaparé ton argent et tu as le droit de le

récupérer.— Non.— Scarlet, laisse-moi lui demander.— NON ! m’écriai-je et Ryan ferma les yeux. On a déjà essayé.

Tu ne te souviens pas lui avoir demandé ? Tu es son préféré et,pourtant, elle a refusé net. Elle regrette de nous avoir eus depuisle jour de notre naissance. Tu ne captes pas ? C’est inutile de luidemander.

— Elle ne peut te refuser l’argent que papa t’a laissé.— FERME-LA !Ryan leva les mains en capitulant.— OK, murmura-t-il. On ne lui demandera rien.Je repoussai mon assiette à moitié mangée sur le côté et

détournai le regard. Je me souvins du jour où je lui avaisdemandé mon héritage, l’argent que mon père avait mis de côtépour que j’aille à l’université, juste avant de partir pour Harvard.

J’AVAIS REFERMÉ la portière de la voiture et marché jusqu’à laporte. Je sentais mon cœur accélérer à mesure que j’approchaisde la maison. Je savais que j’étais désespérée pour tenter ce coup,mais j’étais là. Des scènes forestières étaient gravées dans lagrande porte en bois et les rideaux étaient tirés à toutes lesfenêtres, pour bloquer la lumière du jour. Je retins mon souffleen toquant à la porte.

Enfin, la porte s’ouvrit et ma mère posa les yeux sur moi, unegrimace étirant ses lèvres minces. Ses yeux se plissèrent de

Page 256: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

haine en me regardant.— Quoi ? demanda-t-elle sèchement. Tu es enceinte ou quoi ?Je savais que c’était une mauvaise idée, mais je devais

essayer. Sinon, je n’aurais pas d’argent pour commencerl’université, ce qui était bien plus grave que cette torturemomentanée.

— Non, mère, répondis-je aimablement. Je ne suis pasenceinte.

— Alors que fais-tu ici ?Elle porta une cigarette à ses lèvres et tira une longue bouffée.

Elle expira la fumée dans mon visage et je ravalai la toux quichatouillait mes bronches.

— J’aimerais te parler.— Je pensais que c’était ce qu’on faisait, lâcha-t-elle.Elle tira sur sa cigarette et souffla la fumée. Je priais pour

qu’un cancer du poumon la terrasse. Ma mère était un tyran, lapire personne que j’aie jamais connue. Jamais je n’avais tant haïqui que ce soit. Toutes les choses terribles qu’elle nous avaitfaites, à mon frère et moi, me revinrent en mémoire en laregardant, mais je tentai d’ignorer cette douleur. Ma peine étaittelle qu’elle me laissait de glace.

— Je peux entrer ? demandai-je.Elle recula d’un pas et j’entrai dans le salon. On aurait dit un

caveau. Elle portait une longue chemise de nuit qui ne cachaitpas le psoriasis sur ses mollets, et ses vêtements puaient commesi elle les avait portés toute la semaine. Ses cheveux étaientépars et ternes, pas blancs, mais sans couleur. L’odeur de tabacfroid émanait de chaque crevasse dans les murs et du tissu dumobilier. L’effluve soulevait le cœur. Je restai debout. Ellecontinua à fumer. La télévision était allumée ; c’était son seulpasse-temps.

— Alors, accouche !

Page 257: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je suis venue récupérer mes frais d’éducation, dis-je. Je nepartirai pas sans.

— Je ne te dois rien, pétasse.J’ignorai son commentaire vulgaire. Elle m’avait souvent

insultée durant mon enfance. Les enfants recevaientgénéralement des surnoms mignons, comme ma puce ouprincesse, mais le mien m’avait collé à la peau. Ryan était restéRyan, donc j’avais toujours pensé qu’elle l’appréciait plus quemoi.

— Je n’ai jamais dit que tu me devais quoi que ce soit. Papa aéconomisé cet argent pour moi, et je le veux.

— Ferme ta gueule !— Donne-le-moi ! m’écriai-je furieusement, sans pouvoir

me taire.J’étais si frustrée que mon cœur tremblait d’irritation. J’avais

perdu mon sang-froid bien plus vite que prévu.Ma mère continua à souffler sa fumée et j’eus envie de la

gifler. J’eus envie qu’elle meure.— Pourquoi tu ne travaillerais pas un peu pour gagner ta vie ?— Et toi ? lâchai-je.Ses yeux s’écarquillèrent de colère. Les contours de ses yeux

étaient ridés, conséquence des années qu’elle avait passées ausolarium. Ses dents étaient jaunes et ses gencives écumaientsous l’effet de la gingivite. Elle me rappelait un orque dans Leseigneur des anneaux. Mon dieu, je la haïssais !

— C’est comme ça que tu traites quelqu’un à qui tu demandesune faveur ? s’écria-t-elle en ricanant. Combien veux-tu ?

— Cent mille dollars.— Waouh ! dit-elle en éclatant de rire. Tu dois vraiment être

dans le pétrin.— Pourquoi crois-tu toujours que je suis dans le pétrin ?

J’étais un ange, un enfant rêvé…

Page 258: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Ta gueule ! J’en ai marre d’entendre tes conneries.Elle tourna les talons et alla chercher son chéquier. Elle

écrivit le montant sur un chèque et le tint dans sa main avant deme le donner.

— Dis-moi que tu m’aimes.Je la regardai sans rien dire. Je ne pouvais forcer ces mots de

ma bouche – ce mensonge.Elle rapprocha le bout incandescent de sa cigarette du chèque,

menaçant de le brûler.— Dernière chance, dit-elle. C’est à prendre ou à laisser. À

quel point désires-tu cet argent, ma fille parfaite ?Le chèque n’était plus qu’à un centimètre des cendres.Mon rêve s’éloignait à grands pas. Elle allait brûler ma seule

source de revenus. Je ne connaissais personne qui pourrait meprêter cet argent.

— Arrête ! m’écriai-je. Je t’aime !Elle porta la cigarette à ses lèvres et tira sur le filtre avant de

l’éteindre dans l’un des nombreux cendriers de la maison. Mamère agita le chèque devant mon visage, comme si j’étais unchien. Quand je voulus le prendre, elle le laissa tomber par terre,me forçant à le ramasser comme une mendiante désespérée.

Quand je me baissai, elle posa son pied dessus, m’empêchantde le récupérer. J’eus un mouvement de recul en voyant leséruptions sur ses jambes.

— Qu’est-ce qu’on dit ? lança-t-elle d’une petite voix aiguë,pour me taquiner. Qu’est-ce qu’on dit ? répéta-t-elle d’une voixplus sévère.

Elle posa les mains sur ses hanches, me contemplant commesi j’étais une moins que rien.

J’inspirai profondément pour ravaler ma colère et ma peine,pour ravaler mon envie de meurtre et de destruction. Je ravalaima fierté avant d’ouvrir la bouche.

Page 259: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Merci, sifflai-je.Elle attrapa mon visage entre ses mains qui puaient le tabac

et pinça mes joues.— De rien, dit-elle avant d’éclater de rire.Elle retira enfin son pied et je m’emparai du chèque comme

une bête affamée. Je me détournai et me précipitai vers la ported’entrée.

— Reviens me voir quand tu veux.J’ouvris la porte et la fis claquer derrière moi. Quand elle eut

disparu de ma vue, je pris un instant pour retrouver mon calme,dissimulant l’angoisse qui s’était emparée de moi.

Quand j’arrivai à la banque, j’appris que le chèque était sansprovision. Apparemment, le compte avait été fermé des annéesplus tôt. Ma mère m’avait fait tout ce cinéma pour rien.

JESENTIS ce souvenir s’envoler en fumée. Je le repoussai dans uncoin de mon esprit, où il resterait caché pour l’éternité. Ryanl’avait priée de me donner mon argent peu après, mais ça s’étaitaussi mal passé. Je refusais de revivre ce cauchemar. N’importequoi valait mieux que compter sur elle. Je refusais de m’yabaisser.

— Hors de question, dis-je à Ryan. Je préférerais aller en tauleque la regarder une seconde de plus.

— Scarlet, on a fait l’erreur de ne pas se battre bec et ongle lapremière fois. On ne peut pas refaire cette erreur.

— J’ai dit non, Ryan.— Je ne vais pas laisser tomber cette fois, Scarlet. Cet argent

t’appartient.— LAISSE TOMBER !Ryan me regarda sans rien dire avant de baisser les yeux vers

Page 260: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

son bol vide.— OK, comme tu veux.Je repoussai ma chaise et me rendis dans ma chambre,

claquant la porte pour me barricader dans mon sanctuaire. Jen’avais jamais fermé ma porte à clé et repoussé Ryan, mais, pourla première fois, je ne voulais pas le voir. Les souvenirs de notreterrible enfance hantèrent mes rêves. J’eus des cauchemarstordus et sinistres. Certains à cause de Sean, d’autres à cause dema mère. Je me réveillai en ayant des sueurs froides et ne pus merendormir pendant très longtemps.

Page 261: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre27

SEAN

Maintenant que mes collègues savaient que j’étais l’angedéchu de M. Perkins, ils me traitaient tous comme de la merde –le vilain petit canard à éviter. J’étais persona non grata.M. Perkins m’ignorait complètement. Même quand je le saluaisdans le couloir, il me dépassait sans dire un mot. J’ignoraiscomment ma vie avait chuté si rapidement. Pénélope m’avaitquitté pour un autre mec, ma meilleure amie avait déménagé àSeattle pour s’éloigner de moi et tout le bureau me détestait. Jehaïssais ma vie.

Ma relation avec Pénélope me manquait. Elle avait été facile,spontanée, et j’avais adoré être avec elle. La simple odeur de sescheveux m’excitait et, quand une mèche effleurait mon torse,j’avais envie d’elle. J’aimais la voir me chevaucher quand nousfaisions l’amour, l’entendre prononcer mon nom. J’avais choisila bague de fiançailles et tout prévu, avec l’aide de Scarlet, maisça avait été pour rien. Je me demandais si Scarlet m’aimait déjàalors. Dans ce cas, elle avait bien caché ses sentiments. Je meremettais lentement du choc de la trahison de Pénélope, mais jel’aimais toujours. Je détestais le reconnaître, mais c’était lavérité.

Page 262: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Or, j’aimais également Scarlet. Même si mes sentiments pourelle étaient toujours confus, je savais qu’elle me manquait et queje voulais être avec elle. Je ne pouvais le nier. Je pensais à elleautant qu’à Pénélope, sinon plus. Tard le soir, je me branlais enrepensant à ma nuit d’amour avec Scarlet. Le sexe avait ététorride et, quand j’avais éjaculé, j’avais gémi en prononçant sonnom. Depuis lors, j’étais constamment excité et énervé. Quand jeme masturbais, j’aurais aimé que ce soit Scarlet qui le fasse. Jevoulais me plonger en elle, étirer sa chatte étroite avec ma grossequeue, et la baiser aussi sauvagement que la première fois. Jevoulais aussi lui faire l’amour lentement et passionnément. Ceserait parfait. Quand je me touchais en pensant à Pénélope, çame laissait un arrière-goût âcre dans la bouche. Ça n’arrivait passouvent. J’étais amoureux de deux femmes. L’une d’ellesm’aimait et l’autre pas. J’avais toujours cru que Pénélope était labonne, celle qui me ferait vivre un bonheur démesuré par saseule présence. J’étais épris de sa beauté sans pareille et de sonbeau sourire. Quand nous étions ensemble, j’arrivais à peine àcroire qu’elle soit mienne. Mais, après un an et demi, j’avais finipar accepter que cette femme parfaite m’aimait. Visiblement,j’avais eu tort. Elle avait couché ailleurs pendant des mois avantde me quitter. Elle n’avait même pas eu le courage de me dire lavérité en face. Mais elle en avait parlé à Scarlet.

J’étais frustré et irrité par ces émotions contradictoires. Je nepouvais avoir Pénélope. Elle ne reviendrait pas. Ce chapitre dema vie était clos et j’avais besoin de Scarlet. Elle me rendait plusheureux que quiconque. L’idée d’être avec elle avait un goût deperfection. Elle serait mon amante et ma meilleure amie. Quepourrais-je souhaiter de mieux ?

Quand je rentrai chez moi cet après-midi-là, j’appelai Ryan.— Salut, mec, fit-il en décrochant. Attends deux secondes.J’entendis le téléphone s’étouffer quand il s’éloigna.

Page 263: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

J’imaginais qu’il était avec Scarlet.— Maintenant je peux parler librement.— Salut, dis-je. Comment ça va ?— Ça va, répondit-il.— Comment va Scarlet ?— Pareil. Elle a lancé sa société d’édition, qui a déjà un certain

succès, donc ça l’occupe.— Je suis content pour elle, dis-je. Je pense que c’est une idée

géniale.— Moi aussi. Et elle gagne relativement bien sa vie, dit-il.Je hochai la tête d’un air appréciateur, même s’il ne pouvait

me voir.— Tu sais si elle a quelqu’un dans sa vie ?— Non, répondit-il en soupirant. J’aimerais qu’elle sorte

plus. Quand j’ai offert de lui présenter quelques amis, elle a toutde suite rejeté cette idée.

— Je la reconnais bien là.Je tentai de ne pas avoir l’air réjoui, mais je l’étais. Je ne

voulais pas qu’elle sorte avec quelqu’un d’autre. Je voulais êtreavec elle. Mais il fallait encore que je la récupère.

— Donc elle n’a pas… Tu vois, couché avec quelqu’un ?— Euh… je ne suis pas sûr, mais elle est à la maison tous les

soirs et elle n’a jamais ramené quelqu’un à l’appartement. Deplus, ce n’est pas trop son genre.

— Non, c’est vrai, convins-je.— Enfin bref, je suis content que tu m’appelles parce que je

voulais discuter de quelque chose avec toi. C’est au sujet de notremère.

Scarlet m’avait tout raconté au sujet de sa famille,particulièrement le fait que sa mère les détestait, Ryan et elle. Jen’avais jamais frappé une femme de ma vie, mais, si je meretrouvais devant elle, je n’hésiterais pas à lui foutre mon poing

Page 264: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

dans la figure. Scarlet ne méritait pas d’être traitée comme ça. Cefait me rendait fou de rage.

— Scarlet va bien ? demandai-je tout de suite.— Oui, elle va bien. Mais elle a des soucis avec ses prêts.

Apparemment, elle ne peut plus retarder ses remboursementset, si elle ne rassemble pas l’argent bientôt, ils vont lapoursuivre en justice. On doit trouver l’argent quelque part, etc’est notre dernier espoir.

— Je pensais qu’elle gagnait bien sa vie. Elle ne peut pasrembourser ce qu’ils lui demandent ?

— Non, soupira Sean. Pour faire bref, j’allais devoir mettre clésous porte au magasin et elle m’a donné tout ce qu’elle avait. Jen’aurais jamais accepté son argent si j’avais su. Elle ne m’a riendit de cette situation.

— Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?— Je ne connais pas les aspects financiers du testament de

mon père, ou quel protocole suivre dans cette situation, mais jesais que tu t’y connais dans ce domaine. Je trouve ça difficile àcroire que mon père ait laissé ses deux héritiers sans rien.Surtout qu’il nous a bien dit qu’il avait économisé pour payer nosfrais d’université. J’aimerais que tu m’aides à découvrircomment on peut mettre la main sur cet argent.

— D’accord, dis-je. Aucun souci. Scarlet mérite cet argent. Jevais voir ce que je peux faire.

— Merci, j’apprécie vraiment ton aide.— Tu sais que je ferais tout pour elle.— Mais surtout, ne dis rien à Scarlet. Elle me tuerait si elle

l’apprenait. Je peux te faire confiance là-dessus ?— Bien sûr.— Super. Alors, tu as pris ta décision ?Je savais de quoi il voulait parler. Il me demandait si je voulais

être avec Scarlet. Je pris le temps d’y réfléchir. Entre Pénélope et

Page 265: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

moi, c’était fini – terminé. Oui, je l’aimais toujours et elle memanquait, mais je devais tourner la page. J’aimais Scarlet, doncqui aurais-je pu choisir de mieux ? Je ne pouvais lui offrir toutmon cœur, mais je savais qu’elle comprendrait. De plus, cen’était qu’une question de temps avant qu’elle ne le conquît. Envérité, j’étais malheureux sans elle et je détestais notreséparation. Ça ne m’allait pas du tout. Ne pas lui parler tous lesjours était comme perdre une partie de mon âme. Je la voulais –j’en étais sûr. Je pris ma décision.

— J’arrive bientôt.

Page 266: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre28

JE NETTOYAI L’APPARTEMENT ET FIS DE LA PLACE POUR TOUTES LES AFFAIRES

de Scarlet. Pour laisser de la place à tous ses vêtements etchaussures inutiles, je dus jeter beaucoup de mes vieuxvêtements. Ce n’était pas grave. Ils ne faisaient que récolter lapoussière au fond de l’armoire. Elle n’avait pas de mobilier, doncje n’eus pas à m’inquiéter de faire de la place ailleurs.

Je plaçai des photos de nous deux sur les tables de nuit et latable basse, en plus de la cuisine. Tout ce qui avait trait àPénélope fut placé dans une caisse et fourré au fond d’unearmoire. Je savais que je devrais tout jeter à la poubelle, maisc’était trop difficile. Pénélope avait partagé ma vie pendantlongtemps. Je ne pouvais pas l’oublier d’un claquement dedoigts.

Je parsemai le lit de pétales de rose et disposai des bougiesblanches autour de la pièce. Quand elle déciderait d’emménagerchez moi, je voulais que ce soit spécial. Je voulais qu’ellecomprenne que mon appartement était aussi le sien.

Je fis mes valises et sortis de chez moi pour me rendre àl’aéroport. Ce n’est que dans l’avion, quelques heures plus tard,que je commençai à paniquer. Je pensais que Scarlet mereprendrait sans hésiter, mais, si ce n’était pas le cas ? Et si elle

Page 267: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

me détestait ? Ou, encore pire, si elle m’avait oublié ? Ryan avaitdit qu’elle m’aimait toujours, mais que se passerait-il s’il avaittort ? Et si elle avait déjà rencontré quelqu’un sans en parler àRyan ? Je ne voulais pas y penser.

Je savais ce que je voulais lui dire, mais, que ferais-je si ça necomptait pas pour elle ? Scarlet avait le droit d’être fâchée contremoi. Je l’avais blessée et j’avais trahi sa confiance. Ç’aurait étébien plus facile si elle n’avait pas quitté son appartement. Quandelle m’avait demandé de partir, j’aurais dû me barricader chezelle jusqu’à ce que nous réglions nos différends. Si j’avais suqu’elle fuirait à l’autre bout du pays, je ne serais jamais parti.

Pour autant qu’elle le sache, je n’avais pas tenté de lacontacter. Elle ne savait pas que j’avais appelé Ryan tous lesquelques jours pour prendre de ses nouvelles. Elle ignorait que jela surveillais de loin. Et si elle me claquait la porte au nez, medemandait de ficher le camp puis appelait la police ? Peut-êtreque j’exagérais, mais peut-être pas.

J’ignorais ce que je ferais si elle refusait de me reprendre.Franchement, je ne pouvais l’imaginer. Manhattan était une villebelle et surpeuplée, mais l’idée d’y rentrer sans elle me donnaitun sentiment de solitude et de vide. La vie n’avait aucun senssans Scarlet. Pourquoi ne m’en étais-je pas rendu compteavant ? Ce n’était qu’en perdant mon soleil que j’avais compris àquel point il me réchauffait. Elle était essentielle à ma survie.

Mais elle devait savoir que je l’aimais. Je devais lui dire.Quand je pensais à notre longue amitié, avant notre dispute, jecomprenais que je l’avais désirée longtemps. C’était un désirenfoui qui n’existait qu’au fond de mon esprit, mais il était bienprésent. Je ne m’endormais jamais aussi paisiblement que quandj’étais avec elle. Et je l’avais toujours trouvée magnifique. C’estjuste que je ne l’avais jamais considérée comme ça. J’étaissimplement si amoureux de Pénélope, aveuglé par son charme,

Page 268: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

que je ne m’étais pas rendu compte que Scarlet était tout pourmoi. À mes yeux, le fait que nous ne soyons jamais sortisensemble était dû à un mauvais timing. Peut-être que si j’avaisété célibataire plus souvent, nous aurions couché ensemble bienplus tôt.

Mais j’étais terrifié. Un rejet, une peine de cœur, n’étaientrien comparé à l’idée de perdre Scarlet. Si elle ne voulait pas demoi, je ne pourrais pas continuer. Je ne saurais pas quoi faire.

L’avion finit par atterrir et je refusai de bouger de mon siège.Tous les autres passagers débarquèrent, l’avion se vida, et je meforçai à me traîner à leur suite. Après être sorti du terminal,j’attendis dehors pour prendre un taxi. Il faisait beau ce jour-là.Je savais où se trouvait l’appartement de Ryan, donc je décidai dem’y rendre sans plus attendre. Les taxis défilaient devant moi,mais je restais figé sur place. Ils attendaient brièvement avant des’éloigner.

J’inspirai profondément et calmai mes nerfs. Je devaisrécupérer Scarlet. L’échec n’était pas une option. Si les âmessœurs existaient vraiment, elle devait être la mienne. Je l’aimaisplus que tout et je devais lui expliquer. J’espérais – je priais –qu’elle me donne une seconde chance.

Page 269: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Chapitre29

SCARLET

— Alors, c’est quoi la grande nouvelle ? demandai-je enmangeant mes frites.

Cortland nous avait demandé de le rejoindre une heure plustôt. Ryan et moi jouions au basket quand il avait appelé, doncnous portions tous deux nos tenues de sport. Je pouvais sentir lasueur sur les vêtements de Ryan, et je craignais de puer autant,même si je ne m’étais pas démenée au panier. Quand Cortlands’assit à côté de moi sans commenter sur l’odeur, je me dis queça devait aller.

— J’ai commencé à voir une fille, dit Cortland en souriant.Son sourire était si éclatant que j’avais dû mal à le

reconnaître. Ce n’est qu’à ce moment-là que je compris à quelpoint il avait été déprimé par sa relation. Je ne l’avais jamais vusi heureux.

— Attends, dit Ryan en levant une main. Tu ne viens pas derompre avec Elizabeth ?

Le sourire de Cortland disparut.— C’est fini depuis longtemps, entre nous, même si on était

toujours ensemble.— Mais ce n’est pas un peu tôt ?

Page 270: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Non, répondit Cortland. Je dois rattraper le temps perdu.— Parle-nous d’elle, dis-je en faisant taire Ryan d’un geste

de la main.— Elle est brésilienne, dit-il avec un sourire si contagieux que

mon cœur fondit.— Très exotique, déclarai-je d’un ton excité.— Elle est vraiment canon, dit Cortland en hochant la tête.

Mais elle a aussi les pieds sur terre. Je pense qu’elle en pincepour moi.

— Ça ne fait aucun doute, dis-je en souriant. Tu es parfait,Cortland.

Il me sourit avec ses lèvres, mais pas avec ses yeux. Je savais àquoi il pensait même s’il ne le disait pas. Nous n’avions toujourspas parlé à Ryan de notre brève liaison, et ça commençait à mepeser. Je disais tout à mon frère, et Cortland aussi. Ce dernier medévisagea un instant, me demandant silencieusement si letemps n’était pas venu d’avouer nos péchés. J’inspiraiprofondément, redoutant cette conversation, puis hochai la tête.

— Je suis content pour toi, mec, dit Ryan. Tu me le diras, sielle a une copine célibataire ?

— Bien sûr, répondit Cortland.Ensuite, le silence s’étira tandis que nous attentions que

l’autre prenne la parole. Nous n’avions aucune envie de lancer lesujet, surtout Cortland parce qu’il risquait son amitié avec Ryan.

Ryan décela la tension.— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il en posant son burger.

Pourquoi vous êtes si tendus, soudainement ?Je décidai de me lancer.— Ryan, Cortland et moi, on a quelque chose à te dire.Ryan se tourna vers Cortland puis me regarda dans les yeux.

La confusion était évidente sur ses traits, et je savais qu’ilcraignait ce que j’allais lui annoncer. Il ne savait pas ce qui allait

Page 271: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

lui tomber dessus.— Il y a quelques semaines, Cortland et moi, on a été boire un

verre et, une chose a mené à une autre…— Vous vous êtes embrassés ?Je regardai Ryan, regrettant que les choses ne se soient pas

arrêtées là.— Non, en fait, on a couché ensemble.Je sentis Cortland s’agiter à côté de moi, s’éloignant le plus

possible. Ryan ne réagit pas du tout. Il me décocha un regardabasourdi, comme s’il n’avait pas compris un mot de ce que jevenais de lui dire. Mais, quand Ryan posa enfin les yeux surCortland, son regard s’enflamma.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies profité de ma sœurcomme ça, cracha-t-il. Je te faisais confiance, putain !

— Baisse d’un ton, intimai-je.— Ferme-la, dit-il en fusillant Cortland des yeux. Elle était

complètement déprimée quand elle est arrivée, et tu l’as baiséedès que tu en as eu l’opportunité ?

La colère de Ryan était une nouveauté. Je l’avais déjà vu sefâcher, mais ce n’était rien comparé à ceci. Cortland et moiavions anticipé sa réaction, mais pas sa férocité.

— Espèce de fils de pute ! s’écria-t-il. Trou du cul !Ryan se leva de sa chaise, mais je m’emparai de sa main et le

forçai à se rasseoir.— Écoute-nous avant de péter un plomb, exigeai-je.Il refusa de me regarder. Sa colère était réservée à Cortland.— La ferme, Scarlet. Reste en dehors de ça.— C’est moi qui lui ai sauté dessus, insistai-je. Il était ivre,

mais j’étais relativement sobre. Je voulais coucher avec lui.Cortland n’a pas profité de moi – c’est moi qui ai profité de lui. Ilne m’a pas forcée. Il est mon ami le plus cher et c’est ça qui nousa rapprochés – je l’aime beaucoup.

Page 272: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je n’arrive pas à y croire, dit Ryan en secouant la tête, nousregardant tour à tour. Alors, comme ça, tu as trompé Elizabethavec ma sœur ? C’est pour ça que vous avez rompu ?

Cortland hocha la tête.— Je suis désolé, Ryan. Je n’aurais jamais blessé un membre

de ta famille volontairement. Je la considère comme ma familleaussi. Nous avions tous les deux besoin l’un de l’autre à cemoment-là et, depuis, on s’est vraiment rapprochés. Je suisvraiment désolé de t’avoir caché la vérité, mec.

— Alors il n’y a aucune raison de lui en vouloir, Ryan,intervins-je.

Ryan détourna le regard et croisa les bras.— Ce n’est arrivé qu’une fois ?Nous restâmes tous deux muets. Cortland finit par briser le

silence :— Non.Ryan secoua la tête, puis fit courir ses mains dans ses

cheveux.— Vous vous foutez de moi !— C’est arrivé une seconde fois et c’est tout, dis-je. On en

avait besoin même si on savait très bien que c’était mal. Mais jene le regrette pas, Ryan. Cortland et moi, on est plus proches quejamais. C’est mon meilleur ami.

— Je pensais que Sean était ton meilleur ami, cracha-t-il.Je tressaillis en sentant le venin dans ses paroles.— Plus maintenant, murmurai-je.Mon frère secoua la tête.— Je ne peux pas te pardonner ça, Cortland. Tu as dépassé les

bornes. Je ne peux pas te faire confiance.— Arrête de dire n’importe quoi, hurlai-je.Les clients du restaurant se tournèrent vers nous, surpris par

mon cri.

Page 273: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Tu peux très bien lui faire confiance. On a tous les deuxdécidé d’être sincères avec toi-même si on n’était pas obligés.On aurait pu te cacher la vérité et tu n’en aurais jamais rien su.En fait, tu devrais remercier Cortland. Il a pris soin de moi autantque toi. Alors, lâche-lui la grappe, Ryan.

Ryan secoua la tête sans rien dire.— Et franchement, avec qui je couche ne te regarde pas,

continuai-je. Cortland est mon ami autant que le tien. Je suis unegrande fille – je peux prendre mes décisions toute seule.

Ryan nous dévisagea un instant. Les pensées se bousculaientdans sa tête, et j’ignorais ce qu’il allait en dire. Je sentis Cortlandse crisper à côté de moi, craignant que Ryan refuse de luiadresser la parole, qu’il lui ferme les portes de sa vie.

— Est-ce que vous comptez remettre le couvert ? murmuraRyan.

— Jamais, répondis-je vivement.Cortland hocha la tête.— Scarlet et moi sommes devenus amis – des amis proches.

Je sors déjà avec quelqu’un d’autre, et tu as vu à quel pointScarlet était contente pour moi. Notre amitié restera platonique.

— Je veux bien te pardonner uniquement parce que je voisbien que Scarlet n’est pas dérangée. Et parce que vous avez étéfrancs avec moi en me disant la vérité.

Cortland poussa un soupir de soulagement.— Merci, Ryan.— Je peux savoir pourquoi tu n’es pas fâché contre moi ?

demandai-je. Pourquoi tu te déchaînes sur ton ami et pas surmoi ?

— Cortland savait ce qu’il faisait – tu étais au trente-sixièmedessous, expliqua Ryan.

— Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas responsable demes actes. Je n’aurais jamais dû sauter sur ton meilleur ami et

Page 274: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

risquer votre amitié. Je veux que tu saches que je suis désolée,Ryan. Je n’aurais jamais dû faire ça.

Il me regarda dans les yeux.— Je te pardonne, Scarlet. Et puisqu’il n’y a pas de mal, je

pense qu’on peut oublier ça, dit-il avant de boire une gorgée deson soda. Oublions toute cette histoire.

— Je suis d’accord, dit Cortland en retrouvant son appétit.Je pris mon milkshake et bus une longue gorgée. Mes

pantalons me serraient de plus en plus à force d’en boirepratiquement tous les jours. Si je voulais garder ma silhouette,un abonnement au sport deviendrait vite une nécessité. Ryan etCortland n’avaient pas à se soucier de leur tour de taille parcequ’ils s’entraînaient religieusement.

— Alors, pour en revenir à cette fille, c’est quoi son nom ?demandai-je en souriant.

— Monnique, répondit Cortland.— Très joli. Quand l’as-tu rencontrée ?— Elle travaille comme infirmière à l’hôpital. Je devais

réparer l’imprimante dans son service et on a entamé laconversation. Je lui ai dit que je la trouvais sexy.

— Et elle a marché ? répliqua Ryan en rigolant.— Comme sur des roulettes, répondit Cortland.Je clappai des mains sous le coup de l’excitation.— Alors si tu l’invitais à un double rendez-vous ?— Avec qui ? s’écria Cortland en haussant un sourcil.— Avec Ryan et moi, répondis-je. Ce n’est pas parce que c’est

mon frère que je ne peux pas sortir avec lui. Je veux apprendre àla connaître et voir si elle te convient bien.

— J’espère qu’elle me convient – elle est à tomber, ditCortland.

— L’apparence ne fait pas tout, lui rappelai-je.— Mais ça aide, ajouta Ryan. Je veux la rencontrer aussi.

Page 275: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Elle est à moi, alors pas touche. Trouve-toi une fille.— C’est pas faute d’essayer, répondit Ryan en riant. Mais

franchement, si elle a des copines sympas, trouve-m’en une quise fait épiler et porte un string sur la plage.

— Ne sois pas vulgaire, Ryan, fis-je.— Je ne suis pas vulgaire. Ce sont des qualités que tous les

hommes recherchent.— Vous l’avez déjà fait ? questionnai-je.Je ne me sentais pas gênée de lui poser la question, et

Cortland ne sembla pas dérangé.— Non, répondit-il. Je veux y aller doucement. Elle me plaît

vraiment.— Tu as raison, laisse-la croire que tu la respectes.— Je la respecte ! s’offusqua Cortland en riant.— Ouais, c’est ça, dit Ryan.— J’essaye de me caser, expliqua Cortland. Je ne cherche pas

un coup d’un soir.Je touchai son épaule.— J’espère que tout ira bien entre vous.— Moi aussi, dit-il en souriant.Le téléphone de Ryan se mit à sonner et je fus prise de

panique. Et si son magasin avait été cambriolé ? Nous nepourrions pas nous permettre de racheter encore et encore dumatériel si les effractions s’enchaînaient. Ryan regarda l’écran etsourit. Je me demandai ce qui pouvait le rendre aussi joyeux.

— Salut, dit-il en décrochant. On n’est pas à l’appart. On està deux rues, dans un restaurant appelé Mega Shake, ajouta Ryanavant de me regarder. Oui, elle est là.

Silence.— À tout de suite.Il raccrocha tout en continuant à sourire.— C’était qui ?

Page 276: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Son sourire idiot commençait à me gaver. J’étais sûre qu’il mecachait quelque chose.

— Personne.— Ryan, insistai-je. À qui parlais-tu ? Et qui est à ma

recherche ?— Tu vas devoir attendre pour voir, répondit Ryan en

haussant les épaules.— Et si je te renversais mon milkshake sur la tête ? menaçai-

je.— Tu rigoles ? Je sais que tu ne gâcherais jamais ton

milkshake, plaisanta-t-il. Tu le bois comme de l’eau.Je croisai les bras et m’adossai à ma chaise, irritée que Ryan

me cache quelque chose. Nous venions de lui avouer toutel’histoire et il choisissait de délibérément me mentir. Ryan etCortland se lancèrent dans une discussion sur un nouveautatouage et ils m’ignorèrent complètement. Je boudai sur machaise, luttant contre l’agacement qui s’accumulait en moi. Ilfaudrait bien que j’attende de voir arriver cette personnemystère. Peut-être était-ce un auteur qui voulait que je corrigeson roman ? Peut-être un auteur à succès ? Je ne voulais pasm’emballer trop vite.

C’est à ce moment-là que je le vis entrer dans le restaurant,balayant les tables des yeux en nous cherchant. Ce n’était pas unclient qui avait besoin de mes services. Sean était à marecherche. Il croisa mon regard. Il portait un jean et un t-shirtuni, un sac sur l’épaule. Nous nous regardâmes dans les yeuxquelques secondes sans réagir. Ryan me vit le regarder et mesourit, sachant que Sean était juste derrière lui.

— Tu vas continuer à le regarder en chien de faïence, ou tuvas bouger ton cul pour aller lui parler ? taquina Ryan.

Je l’ignorai complètement.— Sean ? demandai-je en quittant ma chaise. Qu’est-ce que

Page 277: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

tu fais là ?Sean s’approcha de moi, les mains dans les poches. Je pouvais

voir qu’il était nerveux en ma présence et qu’il ignorait quelleserait ma réaction. Il se dandina d’un pied sur l’autre puis ajustala bride de son sac.

— Je voulais te voir.Je croisai les bras sans le toucher. Rien n’avait changé entre

nous. Il ne m’aimait pas comme je l’aimais. Sean avait traverséle pays pour venir parler de notre amitié, ce qui me touchaitbeaucoup, mais ce n’était pas ce que je voulais. Il ne m’offriraitjamais ce que je désirais.

— Tout va bien ?— Non, répondit-il en secouant la tête. Rien ne va.— Qu’est-ce qui ne va pas ?— Je suis malheureux sans toi, Scarlet. Je ne veux plus être

séparé de toi. Je suis désolé pour ce qui s’est passé et je leregrette amèrement. Donne-moi une autre chance, s’il te plaît.

— Je t’ai dit que je ne voulais plus te voir.Sean soupira.— Je t’en prie, arrête d’agir comme si tu ne m’aimais pas, fit-

il doucement. Parce que je t’aime, moi.— Sean, je t’ai pardonné pour ce que tu as fait. Tu avais

raison. Je n’aurais jamais dû penser qu’on sortait ensemble, passi tôt après ta rupture. Je reconnais que j’ai eu tort, mais on nepeut pas recommencer comme avant. Je ne peux plus être amieavec toi – tout a changé, entre nous.

— Oui, tu as raison, avoua Sean en hochant la tête. Tout achangé.

Je ne compris pas le sens de ses paroles, mais je décidai de nepas poser la question. Je cessai de regarder son visage et baissaila tête. Le malaise était évident. Je sentais les yeux de Cortlandsur moi, ainsi que ceux des autres clients, qui mangeaient leurs

Page 278: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

burgers et leurs frites en regardant le spectacle.Sean tendit la main pour prendre la mienne.— Et je suis heureux que ce soit le cas.Il s’approcha de moi et je ne retirai pas ma main. Les

émotions me bouleversaient. Mon cœur palpitaitdouloureusement dans ma poitrine face à sa proximité. Je savaisque je l’aimais et que je le désirais. Ce simple fait me torturait.

— Je t’aime, Scarlet. Et je suis désolé qu’il m’ait fallu autantde temps pour m’en rendre compte.

Je lui décochai un regard vide.— Quoi ?— Je ne veux pas être ton ami, murmura-t-il. Ce n’est pas

pour ça que je suis venu. Je ne veux plus jamais être ton ami. Je teveux toi – chaque centimètre de ta personne. Je veuxt’embrasser, ajouta-t-il en passant ses doigts dans mes cheveux.Je veux te serrer dans mes bras. Et je veux aussi te faire l’amour –en tant que ton petit ami et rien d’autre.

Je sentis les larmes perler entre mes cils. Mon frère pouvaitentendre tout ce que disait Sean, mais je m’en fichais. C’étaittout ce que j’avais désiré entendre. Sean me rendait mon amour– il partageait mon amour.

— Ce n’est pas un rêve ? demandai-je en chuchotant.Pour la première fois, Sean sourit.— C’est la réalité.Il lâcha ma main et passa ses bras autour de ma taille, et je

fondis dans ses bras. Tenir son corps contre le mien effaçait toutmon chagrin et ma douleur. J’étais si heureuse que je continuai àpleurer de joie. Sean embrassa mon front et me serra contre luipendant un moment. Je savourai son odeur – je planais commeun cerf-volant, mais je pleurais comme une madeleine. Je medégageai et il essuya mes larmes.

— Je t’aime, fit-il en posant son front contre le mien.

Page 279: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

— Je t’aime aussi, murmurai-je.Il me sourit.— Et je suis à toi. Tant que tu voudras de moi.— J’ai toujours été à toi.Il embrassa mon front.— Je sais, répliqua-t-il en me regardant. Je suis désolé de

t’avoir fait attendre. Ce ne serait pas arrivé si j’avais été moinscon.

— Je te pardonne, Sean. Oublions toute cette histoire.— Je ne te mérite pas.Je pris son visage entre mes mains et l’embrassai

tendrement. Ses lèvres m’enflammèrent. Elles étaient si doucescontre les miennes, si naturelles, et je sus que j’étais faite pourlui – nous étions parfaits, tous les deux. Cortland avait réveillémon désir, mais le baiser de Sean était différent – paradisiaque.Je m’éloignai.

— Je t’aime tant, soufflai-je. Et je suis heureuse que tu soisvenu pour moi.

Sean posa le front contre le mien.— Je t’aime aussi, Scar. Je m’en veux de t’avoir blessée.— Ça n’a plus aucune importance, j’ai ce que je veux – ce que

j’ai toujours voulu.

Page 280: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

Dumêmeauteur

L’histoire continue dans Pour toujours et à jamais.

Page 281: Pour toi seulement - Eklablogekladata.com/QBYGtvI1BOu9z6BDDJ0U9C6UJFg/Pour-toi-seulement … · de ses cheveux, qui lui tombaient plus bas que les épaules. Leur couleur me rappelait

MessagedeHartwickPublishing

En tant que lecteurs avides de romans d’amour, nous adorons lesbelles histoires. Mais nous cherchons des idylles qui ont quelquechose de spécial – des histoires dont nous nous rappelleronslongtemps après avoir tourné la dernière page. C’est pourquoiHartwick Publishing a été créé. Nous vous promettons de vousapporter des histoires d’amour uniques sur le marché – et quiont déjà des millions de fans.

Rassemblant des auteurs de best-sellers du New York Times,Hartwick Publishing vous offre une collection de romansinégalée. Notre attention n’est pas portée sur les auteurs, maissur leurs lecteurs : vous !

Rejoignez Hartwick Publishing en souscrivant à notrenewsletter. Pour vous remercier d’avoir rejoint notre famille,vous recevrez le premier volume de la Série Obsidian (BlackObsidian) gratuitement dans votre boîte mail !

Et n’oubliez pas de nous suivre sur Facebook pour ne pasmanquer la parution de nos livres d’amour captivants.

- Hartwick Publishing