Pour une géopolitique des risques - Les entretiens du directeur Hors Série n°4

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  • 8/7/2019 Pour une gopolitique des risques - Les entretiens du directeur Hors Srie n4

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    CLESComprendre Les Enjeux StratgiquesLes entretiens gopolitiques bimestriels

    du directeur Hors srie n4 - mars 2011

    HSn4

    Pour une gopolitique des risquesJean-Franois Fiorina sentretient avec Xavier Raufer

    A lheure o les menaces contemporaines

    sont en pleine expansion, le criminologue

    Xavier Raufer dissque leurs diffrentes

    facettes et explique comment elles peu-

    vent tre contres. Apprhender correcte-

    ment cette face noire de la mondialisation

    exige prioritairement une approche raliste

    de la criminalit organise. Un cheveau

    complexe o senchevtrent terrorisme,

    mafas, cartels et voyous en col blanc

    A la veille du troisime Festival de gopo-

    litique et de goconomie qui se tiendra

    Grenoble du 24 au 27 mars (programme et

    inscriptions sur www.grenoble-em.com),

    Xavier Raufer a accord un long entretien

    Jean-Franois Fiorina, directeur de lESC

    Grenoble.

    JFF. Dune manire gnrale, peut-on dire que lon assiste une authentique expansion

    de la criminalit, ou cette perception est-elle biaise par le ait quinternet la rend toutsimplement plus visible quauparavant ?

    XR. Pralablement, il convient de prciser le travail des criminologues que noussommes. Depuis vingt ans, nous travaillons essentiellement sur ce que nous avons

    baptis la face noire de la mondialisation. Sur 100 phnomnes relevant du ngatif,

    de lillicite, de lhostilit entre les hommes, entre 95 et 98% sont attribuables la

    face noire de la mondialisation. Elle correspond au dchanement, depuis ces 20

    dernires annes, de toutes les formes de violence absolument inoues que nous

    observons la surface de la plante. Dans les annes 80, lETA, les Brigades rouges

    ou la Fraction arme rouge reprsentaient le terrorisme. Ils communiquaient dans

    leur langue dorigine et assassinaient des reprsentants politiques. Aujourdhui, la

    nbuleuse Al Qaeda est constitue dindividus de 80 nationalits diffrentes, captu-

    rs dans plus de 70 pays, et la manne nancire dont ils bncient provient de 130

    pays diffrents ! Cette volution sest aussi accompagne de tracs mondialiss et

    de nouvelles formes de criminalit. Noublions pas non plus ces autres aspects dela face noire nancire de la mondialisation que sont les acrobaties criminognes

    la Lehman Brothers et la Goldman Sachs

    Sur 100 phnomnes

    relevant du ngatif, de

    lillicite, de lhostilit entreles hommes, entre 95 et 98%

    sont attribuables la face

    noire de la mondialisation.

    Elle correspond au

    dchanement, depuis

    ces 20 dernires annes,

    de toutes les formes de

    violence absolument inoues

    que nous observons la

    surface de la plante.

    CLES - Les entretiens gopolitiques bimestriels du directeur - HS n4 - mars 2011 - www.grenoble-em.com - 1 -

    Xavier Raufer, criminologue, et Jean-Franois Fiorina, directeur de lESC Grenoble.

    Lun comme lautre saccordent reconnatre que la gopolitique constitue une dis-

    cipline fondamentale pour apprcier au plus juste la monte en puissance des nou-

    veaux risques, et en dceler les signaux prcoces dapparition.

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    Dans ce cadre, le rle des criminologues est de comprendre dabord ce qui sest

    pass, puis dobserver ce qui se passe, enn de prvoir ce qui va ventuellement

    se passer.

    La cybercriminalit, la contreaon, le piratage, etc. sont autant dlments qui se dvelop-

    pent autour de nous au quotidien sur un mode exponentiel. Est-ce vos yeux une sorte de

    combat sans fn, o la crativit et limagination des mauvais hommes est quasiment

    sans limites ?

    Il ne faut en aucune manire cder la facilit du dsespoir. Ce pour plusieurs rai-sons. La premire est que seulement 10 % des oprations conues dans le cadre de

    cette face noire de la mondialisation russissent de par loriginalit ou lintelligence

    de leurs auteurs. Ainsi, sur 100 oprations de livraison de cocane ou de kidnapping,

    90 atteignent leur but non pas du fait de "gnies du crime" mais plus prosaquement

    du fait de laveuglement stupant des pays cibles et, globalement, des victimes.

    Les bandits ninventent rien. Ils nont mme

    pas invent le trac de cocane ! Dans les

    annes 70, les grandes familles colombiennes

    disposaient de leur propre laboratoire pour

    leur consommation personnelle. Ils vivaient

    dans dnormes haciendas et utilisaient des

    petits avions pour se dplacer. Cest en al-lant Miami quelles se sont rendu compte

    de la valeur de leur marchandise et que leur

    "business" a pris de lampleur. A lorigine, les

    bandits colombiens pratiquaient plus prosa-

    quement le vol des pierres tombales. Dans

    ce pays fortement catholique, les propri-

    taires des tombes payaient pour les rcup-

    rer. Le premier lavoir fait est Pablo Escobar.

    Il a ensuite tendu les pratiques artisanales

    de traitement de la drogue une chelle quasiment industrielle, avec une logistique

    approprie. Bref, il a rationalis le tout sur un mode managrial.

    La troisime raison tient la redondance des modes opratoires utiliss par lescriminels. Le cas des familles maeuses de New York entres Wall Street dans les

    annes 90 illustre cette ralit. Les mthodes quelles utilisaient pour faire goner

    la bulle taient rigoureusement les mmes que celles exploites par les maeux

    qui voulaient mettre la main sur le march de lalcool pendant la prohibition. Dans

    un cadre plus personnel, jai t approch trois fois par des maeux dans ma vie,

    trois fois dans des circonstances diffrentes, trois fois lapproche tait exactement

    la mme. Il sagit l dune tendance naturelle de ltre humain se contenter de

    refaire ce quil sait dj faire.

    La leon tirer de ces observations est simple : la police et les renseignements

    peuvent tre informs. Il suft souvent de faire simplement appel la mmoire

    pour recueillir les informations ncessaires. Evidemment, il ny a aucune raison decroire qu court terme on vivra au royaume des anges ! Ce que peut esprer au

    mieux une socit dveloppe, cest de ramener ces prils criminels en dessous du

    seuil supportable. Il reste des progrs extraordinaires accomplir, notamment du

    ct des institutions. Il y a un authentique travail pdagogique mener en la matire

    auprs des instances internationales, depuis Interpol jusqu lOMC (Organisation

    mondiale du commerce). Les sensibiliser la lutte contre le crime organis consti-

    tue cet gard un impratif.

    La mmoire et les systmes dinormation nont jamais t aussi orts. Quest ce qui ex-plique cette inertie avec les pouvoirs publics et les Etats ?

    Aussi paradoxal que cela puisse paratre, lheure actuelle, la plupart du temps,

    les masses colossales informations stockes ne nous informent pas ! Pire, pourlessentiel, elles nous aveuglent ! La culture du ux tendu, le culte de linstantanit,

    le fait que lon ne prenne plus le temps de rchir, de prendre de la hauteur, contri-

    buent alourdir cette tendance. Aprs les attentats du 11 septembre, on a ainsi vu

    Sur 100 oprations de

    livraison de cocane ou de

    kidnapping, 90 atteignent

    leur but non pas du fait de

    gnies du crime mais plus

    prosaquement du fait de

    laveuglement stupfiant

    des pays cibles et,

    globalement, des victimes.

    Il ny a aucune raison de

    croire qu court terme

    on vivra au royaume

    des anges ! Ce que peut

    esprer au mieux une

    socit dveloppe, cest

    de ramener ces prils

    criminels en dessous duseuil supportable.

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    se multiplier les petits centres de recherche sur le terrorisme. La cration de ky-

    rielles de dpartements de Terrorism Studies est absurde ! La notion de terrorisme

    est tellement vaste quen agissant de la sorte, on se condamne ntudier quune

    facette du problme. Cest pourtant ce que les Etats-Unis ont fait.

    En France, nous avons procd diffremment. Nous avons pris comme champ pr-

    alable dinspection la face noire de la mondialisation dans sa globalit, en y incluant

    tout lillicite. Lorsque lon prend un sujet troit et dlimit comme le terrorisme,

    le jour o il saffaiblit et tend disparaitre, on ne le voit pas. Cest prcisment ce

    qui est en train de se passer sous nos yeux avec le terrorisme islamique. Ce cycle

    est en train de sachever, ce qui constitue en soi une bonne nouvelle. Lopinion

    publique musulmane prend conscience que Ben Laden tuait pour lessentiel des

    musulmans. Les bombes sur les marchs pakistanais en sont une preuve clatante.

    Des sondages srieux ont ainsi t raliss en termes de popularit dans le monde

    musulman, Ben Laden se situe la 12me position. Pourtant, la focalisation encore

    quasi hystrique du gouvernement amricain lgard de cette menace les em-

    pche de voir quaujourdhui, il y a plus de morts la frontire des Etats-Unis au

    nord du Mexique quen Afghanistan et en Irak runis. Le vrai danger pour eux se

    situe leurs portes, et ils nen ont pas encore vraiment conscience.

    Certains parlent cet gard pour les Etats-Unis dune troisime guerre sur la rontire

    mexicaine aprs lIrak et lAghanistan ? Quen pensez-vous ?

    Cest vident. Et le plus tonnant, cest que cette guerre-l, ils ne lont pas vue

    venir ! Ce nest quen 2009 que le Pentagone sest enn pos la question de savoir

    sil fallait classer le Mexique parmi les failed states (Etats dfaillants)... En ralit,

    la situation dans ce pays se dgrade depuis 20 ans. Pour notre part, ds 1998, la

    demande de la DGA (Direction gnrale de larmement), nous avions ralis un

    dictionnaire technique et critique des nouvelles menaces dans lequel nous expo-

    sions dj la mainmise des cartels criminels au nord du Mexique. Selon la cour des

    comptes amricaine, les cartels mexicains rapatrient dans leur pays, chaque anne,

    entre 25 et 30 milliards de dollars. Ils bncient donc de sommes colossales pour

    investir dans la corruption de la police, de la justice, de larme, ou encore acheter

    des armes. De la mme manire, les Etats-Unis nont pas su anticiper le nombre de

    dcs lis aux tracs, qui se comptent chaque semaine par centaines.

    En termes dconomie et de nance, jajoute que le Mexique reprsente aujourdhui

    la 13me conomie mondiale. Il est quand mme proprement sidrant quelle soit

    en train de seffondrer sous nos yeux sans que personne ne songe prendre des

    mesures dexception pour endiguer ce processus ! Lvolution des menaces est

    clairement perceptible, et nanmoins les appareils dEtat ne semblent pas y tre

    sensibles. Rsultat : dans la plupart des cas, ils sont frapps par surprise, dconte-

    nancs, abasourdis, comme pour le 11 septembre ou leffondrement de Wall Street,

    ou encore lors des affaires Madoff et Enron

    La prsence de groupes criminels hybrides ne reprsente-t-elle pas un danger suppl-

    mentaire et difcile combattre ?

    Certes, mais cela induit aussi simultanment une fragilit supplmentaire. Un des

    patrons de la scurit algrienne me disait en riant : "Abou Zeid(responsable de

    lenlvement des otages au Niger), cest Jihad le jour et Marlboro la nuit !" Cela signi-

    e quil exerce une activit tout la fois terroriste et criminelle. Un positionnement

    aussi complexe quambige qui loblige en permanence jouer entre deux mondes.

    A nous de savoir exploiter avec pertinence ces fragilits. Notre problme est que

    la plupart de nos dirigeants viennent dun monde o le pril tait traditionnelle-

    ment la vitrication du centre de lEurope via larme nuclaire. Ctait l la menace

    majeure. Et nos politiques ont mis un certain temps saisir la nature des mutations

    gopolitiques et criminelles en cours.

    Par bonheur, la nouvelle gnration comprend mieux ces nouvelles menaces. Reste

    cependant que la rigidit de lappareil dEtat, la difcult cerner les ennemis non

    conventionnels, les mutations permanentes au sein des services de scurit et de

    renseignement constituent autant de freins une raction adapte.

    Lorsque lon prend un

    sujet troit et dlimit

    comme le terrorisme, lejour o il saffaiblit et tend

    disparaitre, on ne le voit

    pas. Cest prcisment ce

    qui est en train de se passer

    sous nos yeux avec le

    terrorisme islamique.

    CLES - Les entretiens gopolitiques bimestriels du directeur - HS n4 - mars 2011 - www.grenoble-em.com - 3 -

    Notre problme est que la

    plupart de nos dirigeants

    viennent dun monde o

    le pril tait traditionnel-

    lement la vitrification du

    centre de lEurope via

    larme nuclaire. Ctait l

    la menace majeure. Et nos

    politiques ont mis un certain

    temps saisir la nature des

    mutations gopolitiques et

    criminelles en cours.

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    Nanmoins, on arrive cependant aujourdhui dans une phase positive. Pour preuve,

    le conseil suprieur de la formation et de la recherche stratgique a t cr la

    demande du Prsident de la Rpublique. Cet organisme dirig par mon collgue

    Alain Bauer a pour but damener lappareil dEtat sortir de sa posture dfensive,

    tourne vers le pass. Car les nouveaux ds exigent de nouvelles grilles de lecture,

    plus proactives que ractives. LIHEDN (Institut des hautes tudes de la dfense

    nationale) comme lINHESJ (Institut national de hautes tudes de la scurit et de

    la justice) participent galement cet effort. Lentement, la France et la Grande-Bre-

    tagne, en coopration, se mettent en ordre de bataille face ces nouvelles menaces.

    Dmarche mritoire qui est malheureusement loin dtre suivie par bien dautres

    pays europens, dsesprment coups des ralits.

    Reste une difcult de taille : sensibiliser le monde conomique et nancier ces

    nouveaux enjeux. Il y a l un effort pdagogique majeur mener pour leur faire en-

    n comprendre que lon ne vit pas au pays des Mille et une nuits, ou dans le "Palais

    de Dame Tartine"! Il faut encourager au plus tt une prise de conscience des vrais

    dangers qui sont lis la mondialisation. Do lintrt de la dmarche conduite par

    lESC Grenoble en privilgiant lenseignement de la gopolitique auprs des jeunes

    gnrations qui fourniront les cadres de demain.

    Cest peut-tre acile intellectuellement, mais plus dlicat dans la pratique. Le risque

    apparat comme abstrait et drangeant pour nos habitudes. Il est donc souvent plusacile de se convaincre que ce sont l des dpenses investies en pure perte et que le pire

    narrivera pas

    Cest une erreur. Platon disait "le commencement est la moiti du tout". A partir

    du moment o lon a bien fait son travail

    de sensibilisation aux nouveaux risques ds

    le commencement, on est protg 90%.

    La prise de conscience des dangers est

    capitale. Aujourdhui, il y a des entreprises

    franaises qui ont clairement assimil les

    enjeux et qui sont actives dans des coins

    dangereux, comme le nord du Mexique par

    exemple. Elles agissent de manire trs pro-fessionnelle et nont pas de problme. Avoir

    conscience du risque, cest dj se pr-

    munir contre ce risque. A cet gard, vous

    avez mis juste en choisissant ce thme du

    risque pour votre Festival de gopolitique

    et goconomie de cette anne.

    Lenseignement de la gopolitique est dautant primordial aujourdhui que tout

    se joue dsormais lchelle plantaire. Dans un bureau italien, jai vu un organi-

    gramme reprsentant une famille maeuse dun village de Sicile. La police italienne

    a relev quelle tait implante dans 14 pays du monde ! Aujourdhui, on ne peut

    plus se contenter de voir les choses lchelle europenne. Il faut avoir une visionmondiale. Cette vision mondiale, cest la gopolitique. Elle donne le sens et la me-

    sure des quilibres et des ux, des balances et des mouvements. Pour comprendre

    ces nouveaux phnomnes, on na plus besoin des cartes gographiques classiques

    mais de cartes reprsentant les ux observs avec les courants majeurs, les hauts

    fonds, les bas fonds, etc. Lire la criminalit du monde moderne doit se faire sur

    le modle des anciennes cartes marines ! Toute cette funeste alchimie sarticule

    autour de trois ples : les entits dangereuses, quelles soient criminelles ou terro-

    ristes ; les territoires, notamment les mgapoles anarchiques qui gnrent chaque

    jour de nouvelles formes de crimes ; et les ux qui circulent entre les entits et

    les territoires. Cela nous donne une bauche gopolitique des dangers et menaces.

    Une telle analyse est cruciale pour les entreprises. Elles nen ont pas forcment

    conscience. Do lintrt de travailler sur le long terme, et de former les jeunes

    gnrations cet apprentissage du rel. En les veillant ces menaces, on leurdonne la possibilit dapprendre les maitriser et les contrer.

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    Reste une difficult de

    taille : sensibiliser le monde

    conomique et financier

    ces nouveaux enjeux. Il y

    a l un effort pdagogique

    majeur mener pour leur

    faire enfin comprendre quelon ne vit pas au pays des

    Mille et une nuits, ou dans

    le Palais de Dame Tartine !

    Il faut encourager au plus

    tt une prise de conscience

    des vrais dangers qui sont

    lis la mondialisation.

    Aujourdhui, on ne peut

    plus se contenter de voirles choses lchelle

    europenne. Il faut avoir

    une vision mondiale. Cette

    vision mondiale, cest la

    gopolitique. Elle donne

    le sens et la mesure des

    quilibres et des flux,

    des balances et des

    mouvements.

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    Si je vous comprends bien, cela place lhumain au cur du dispositi ? Compte tenu dessommes dargent en jeu, un jeune cadre peut acilement basculer de lautre cot de la bar-

    rire

    Ltre humain avant le high tech, oui ! Le "tout lectronique" a montr ses faiblesses

    en Irak. Ne serait-ce quen omettant de prendre en compte lenvironnement pous-

    sireux de la zone qui a rendu llectronique inoprant ! Il faut en revenir un peu

    de bon sens et cesser de faire du ftichisme technologique en feignant de croire

    que la technique pourrait tout rsoudre notre place ! Prendre conscience de la

    vraie nature de ces nouvelles menaces est fondamental. Cela exige un effort per-sonnel, que personne ne peut mener notre place. Ce nest pas forcment une

    question dargent, cest prioritairement une question de disponibilit desprit et de

    ralisme. Ces mesures prventives, chacun peut les appliquer son niveau, et elles

    ne cotent pas grand-chose.

    Bien entendu, un individu peut basculer facilement dun ct ou dun autre. La ten-

    tation est permanente et la chair est faible. Lune des gures les plus proccupantes

    dans la sphre des nouvelles menaces aujourdhui est ce que lon appelle le "tech-

    nicien dvoy". Il a le plus souvent fait des tudes longues, lourdes et chres, il sen-

    nuie dans sa vie professionnelle et se trouve donc ouvert toutes les tentations. A

    partir du moment o lon en est conscient, les symptmes sont visibles, notamment

    dans lentreprise. Do lintrt dune bonne gestion du personnel.

    Dans les affaires Madoff ou Enron, les symptmes criminels ont t ngligs. En

    particulier dans laffaire Madoff, les interfrences criminelles et maeuses sont

    normes. Le bras droit de M. Madoff sappelait M. Jaff. Ce dernier avait t le

    conseiller nancier de M. Angiulo, lui-mme patron de la famille maeuse de Bos-

    ton ! Ce ntait pas un secret puisque cela avait fait les gros titres du Boston Globe.

    Si au moment douvrir les portes de la direction du NASD (National Association of

    Securities Dealers) M. Madoff, quelquun avait simplement regard sur Google, ce

    tropisme criminel aurait t bientt dcouvert.

    Autre cas, concernant lquivalent de la caisse des dpts dun important Etat asia-

    tique, qui stait trouv acoquin avec un individu prsent en Birmanie comme

    un grand ponte du secteur du tourisme. LEtat sest retrouv associ au parrain

    qui grait le plus gros trac dhrone de lAsie du Sud-Est, en personne et sous

    son vrai nom ! L aussi, il aurait suft dune once de curiosit et douvrir le jour-

    nal pour connaitre la vrit. Dans tous les cas en question, il y avait des signaux

    dalarme extrmement forts qui auraient d tre pris en compte. A ce stade, poser

    la question de savoir pourquoi les vrications nont pas t faites ne relve plus

    du criminologue, plutt dun psy

    Avez-vous un message aire passer aux tudiants ? Quelles recommandations le crimino-

    logue que vous tes peut donner aux jeunes gnrations en cole de commerce ?

    Les nouvelles menaces vous concernent au tout premier chef. Si vous les ignorez,

    elles ne vous ignoreront pas. Elles sont matrisables, des cots intellectuels et -nanciers raisonnables. Se sensibiliser ces nouveaux enjeux constitue un impratif.

    Les tudiants en cole de commerce se destinent des mtiers o les risques sont

    omniprsents. Ils doivent donc apprendre les dceler, ce qui exige une disposition

    desprit adquate. Se familiariser avec la gopolitique, la pratiquer au quotidien,

    constitue cet gard un salutaire exercice. Surtout, au-del des capacits danalyse

    et de la maitrise des fondamentaux, il faut savoir faire montre dune authentique

    capacit dtonnement. Cest l que rside la logique des signaux faibles et des

    ruptures dambiance. Qui sait les dceler possde un coup davance. Au cur de

    ces subtilits de lesprit, aucune machine ne pourra se substituer lhomme pour

    dcrypter correctement les nigmes qui soffrent lui. Les jeunes diplms doivent

    donc en nir avec la navet et linfantilisme ambiants. Il est grand temps de faire

    preuve de ralisme, et de regarder enn le monde tel quil est : dangereux certes,

    mais plein dopportunits saisir pour qui a la volont et la lucidit.n

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    Surtout, au-del des

    capacits danalyse

    et de la maitrise des

    fondamentaux, il faut

    savoir faire montre dune

    authentique capacit

    dtonnement. Cest l

    que rside la logique des

    signaux faibles et desruptures dambiance. Qui

    sait les dceler possde un

    coup davance.

    Prendre conscience de

    la vraie nature de ces

    nouvelles menaces est

    fondamental. Cela exige

    un effort personnel,

    que personne ne peut

    mener notre place.

    Ce nest pas forcment

    une question dargent,

    cest prioritairement une

    question de disponibilit

    desprit et de ralisme.

    Ces mesures prventives,

    chacun peut les appliquer

    son niveau, et elles ne

    cotent pas grand-chose.

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    En rencontrant tous les deux mois

    des personnalits de haut niveauqui pratiquent la gopolitique,Jean-Franois Fiorina aime rap-peler que lintrt de lESC Gre-noble pour cette discipline rpond des objectifs bien prcis :

    Notre volont est dinciter nos par-tenaires et nos tudiants faire

    preuve dun nouvel tat desprit. Il

    sagit de leur proposer non seule-

    ment une grille de lecture du rel

    adapte aux enjeux du monde

    contemporain, mais aussi de nou-

    veaux outils daide la dcision.Pour les entreprises, il sagit dtre

    capables de ragir le mieux et le

    plus rapidement possible. Pour nos

    tudiants, il sagit moins dvoluer

    sur le court terme que de se prpa-

    rer une course de fond.

    Do une formation qui vise da-

    vantage former les esprits qu

    apprendre de simples techniques,

    qui, de toute faon, volueront.

    Pour les uns comme pour les

    autres, il est cependant impratif

    de bien comprendre lintrt de la

    gopolitique, non pas comme r-frent universitaire abstrait, mais

    comme mthode permettant dap-

    procher et cerner le monde dans sa

    complexit, afn dtre au plus prs

    des enjeux rels. La gopolitique

    doit servir gagner des marchs,

    ou du moins ne pas en perdre.

    Autrement dit, elle constitue une

    cl prcieuse pour voluer dans

    le monde daujourdhui, et surtout

    de demain. (Communication & In-uence n19, mai 2010)

    Raison dtre des Entretiens du Directeur

    Retrouvez dautres analyses gopolitiques surwww.diploweb.com et surwww.grenoble-em.com/geopolitique.

    Xavier Raufer

    N en 1946, docteur en go-politique (sa thse portait surle thme Entits, territoires,ux, dans laire balkanique :

    une gopolitique des me-

    naces (terroristes et/ou cri-

    minelles) est-elle possible ?),Xavier Raufer est criminolo-gue et lun des rares expertsinternationaux de cette disci-pline. Spcialis depuis 1975dans la violence politique ousociale, le terrorisme et lecrime organis, il dirige avec

    le professeur Franois Hautle DRMCC, Dpartement derecherche sur les menacescriminelles contemporaines,de luniversit Paris II As-sas. Il est aussi professeurassoci lcole suprieurede police criminelle de Chine(Shenyang), professeur af-li lEdhec, chercheur as-soci au Centre de recherchesur le terrorisme et le crimeorganis luniversit descience politique et de droitde Beijing (Chine), membredu "Terrorism Studies Pro-gram Board", Centre for thestudy of terrorism and politi-cal violence, School of inter-national relations, University

    of Saint-Andrews, (Ecosse).

    Xavier Raufer donne desconfrences lEcole deguerre ainsi qu lEcoledenseignement suprieur dela gendarmerie et au Servicede coopration techniqueinternationale de la police. Ilest aujourdhui chroniqueur Valeurs actuelles et auNouvel Economiste. Il est enoutre directeur de la collectionArs aux ditions du CNRSet conseiller ditorial chez

    Odile Jacob. Comme auteurou co-auteur, Xavier Raufera publi dans de grandesmaisons ddition plusdune vingtaine douvragesrelatifs au terrorisme, lacriminalit ou linscuriturbaine, parmi lesquels : Surla violence sociale (1983),Les superpuissances du

    crime, enqute sur le

    narco-terrorisme (1993),Violences et inscurit

    urbaines (1998-2003), LaMafa albanaise (2000),Lnigme Al Qaeda (2005),La criminalit organise dans

    le chaos mondial : Mafas,

    triades, cartels, clans (2007),Les nouveaux dangers

    plantaires chaos mondial,dclement prcoce (2009).

    Sa connaissance pointue desmenaces contemporaineslamne participer souvent des missions de tlvision,comme C dans lairanim surFrance 5 par Yves Calvi et Cesoir ou jamais prsent parFrdric Tadde sur France 3.

    Pour en savoir plus :www.xavier-raufer.comet www.drmcc.org