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La rentrée des écrivains bat son plein. Après la publication du livre de Bernard Lahire, La Condition littéraire – la double vie des écrivains (La Découverte), faisant suite à l’enquête comman- dée en 2003 par la Drac de Rhône- Alpes et la Région Rhône-Alpes, après l’extraordinaire retentisse- ment de cette parution dans les médias, c’est désormais à un temps de réflexion et d’échange collectif que nous vous convions, à l’occasion du colloque « La condition des écrivains », orga- nisé le 20 octobre par la Région Rhône-Alpes et la Drac de Rhône- Alpes, avec la collaboration de l’Arald. Comprendre le « jeu lit- téraire », réfléchir au statut de l’écrivain, envisager de nouvelles formes d’aide et de médiation, tels sont les enjeux de ces rencontres. Le programme est à découvrir en page 5 • Laurent Bonzon Attention, colloque ! Pour une suite de La Condition littéraire Quelques notes marginales n°217 - octobre 2006 supplément à livres-hebdo et livres de France réalisé par l’agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation > w w w. a ra l d . o rg Écrivains Entretien avec Bernard Lahire (suite) > p. 2 et 3 Pour une suite de La Condition littéraire > p. 4 Francophonie Nimrod, Khal Torabully et Mohammed El Amraoui : portraits croisés > p. 6 et 7 Lectures Romans et récits de la rentrée > p. 8 et 9 Portrait Jean-Yves Picq en résidence à Montréal > p. 12 le mensuel du livre en Rhône-Alpes Pourvu que Bernard Lahire continue son enquête… Elle est bien trop passionnante pour ne pas être poursuivie. Peut-être avec d’autres regards ou éclairages, d’autres mises en perspective. Mais en prolongeant les sillons qu’il a tracés. Une des forces de cette enquête vient de ses données chiffrées, de la précision de son questionnaire. Échapperaient pourtant, aux mailles de ce filet si bien tramé, certains effets de faux-semblant. Dès qu’il est question d’écriture, du métier d’écrivain, affleure vite une sorte de discours obligé. Quelques modèles (Flaubert, Mallarmé, Proust, Kafka) façonnent un propos où apparaîtront les mots prévisibles de travail, exigence, réclusion, un lexique du retrait austère et de l’artisanat rigoureux. Qu’adopteront le plumitif comme l’auteur le plus perfectionniste. « L’écriture » est un monde où la fausse monnaie circule. Bien des discours sur la condition d’écrivain relèvent consciemment ou non de la posture et quelquefois de l’imposture. Un questionnaire tout autrement orienté aurait peut-être fait jaillir d’autres postures ou impostures, faisant par exemple de l’émotion, de l’instantané, du « j’écris avec mes tripes », un ressort essentiel. Et donnant donc une autre image sociale (asociale affichée) de l’écrivain. suite en page 4

Pour une suite de La Condition littéraire · la précision de son questionnaire. Échapperaient pourtant, aux mailles de ce filet si bien tramé, certains effets de faux-semblant

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La rentrée des écrivains bat sonplein. Après la publication dulivre de Bernard Lahire, L aCondition littéraire – la double viedes écrivains (La Découverte),faisant suite à l’enquête comman-dée en 2003 par la Drac de Rhône-Alpes et la Région Rhône-Alpes,après l’extraordinaire retentisse-ment de cette parution dans lesmédias, c’est désormais à untemps de réflexion et d’échangecollectif que nous vous convions,à l’occasion du colloque « L acondition des écrivains », orga-nisé le 20 octobre par la RégionRhône-Alpes et la Drac de Rhône-Alpes, avec la collaboration del’Arald. Comprendre le « jeu lit-t é r a i r e », réfléchir au statut del’écrivain, envisager de nouvellesformes d’aide et de médiation, telssont les enjeux de ces rencontres.Le programme est à découvrir enpage 5 • Laurent Bonzon

Attention,colloque !

Pour une suite deLa Condition littéraireQuelques notes marginales

n°217 - octobre 2006

supplément à livres-hebdo et livres de Franceréalisé par l’agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation> w w w. a ra l d . o rg

Écrivains

Entretien avec Bernard Lahire(suite)

> p. 2 et 3

Pour une suite de La Condition littéraire

> p. 4

Francophonie

Nimrod, Khal Torabully et Mohammed El Amraoui :portraits croisés

> p. 6 et 7

Lectures

Romans et récits de la rentrée

> p. 8 et 9

Portrait

Jean-Yves Picq en résidence à Montréal

> p. 12

le mensuel du livre en Rhône-Alpes

Pourvu que Bernard Lahire continue son enquête… Elle est bientrop passionnante pour ne pas être poursuivie. Peut-être avecd’autres regards ou éclairages, d’autres mises en perspective. Maisen prolongeant les sillons qu’il a tracés.Une des forces de cette enquête vient de ses données chiffrées, dela précision de son questionnaire. Échapperaient pourtant, auxmailles de ce filet si bien tramé, certains effets de faux-semblant.Dès qu’il est question d’écriture, du métier d’écrivain, affleure viteune sorte de discours obligé. Quelques modèles (Flaubert,Mallarmé, Proust, Kafka) façonnent un propos où apparaîtront lesmots prévisibles de travail, exigence, réclusion, un lexique du retraitaustère et de l’artisanat rigoureux. Qu’adopteront le plumitifcomme l’auteur le plus perfectionniste. « L’ é c r i t u r e » est un mondeoù la fausse monnaie circule. Bien des discours sur la conditiond’écrivain relèvent consciemment ou non de la posture etquelquefois de l’imposture. Un questionnaire tout autrementorienté aurait peut-être fait jaillir d’autres postures ou impostures,faisant par exemple de l’émotion, de l’instantané, du « j’écris avecmes tripes », un ressort essentiel. Et donnant donc une autre imagesociale (asociale affichée) de l’écrivain.

suite en page 4

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Écrivains

Quelles réactions escomptez-vous après lapublication de votre livre et des résultats decette enquête ?Les réactions seront sans doute assez contras-t é e s : j’espère que beaucoup d’écrivains vontse reconnaître dans l’ouvrage, mais d’autres,qui ont des positions publiques, vont se fairefort de défendre la conception d’une littéra-ture « sans attaches ni racines » par rapport àune sociologie un peu vulgaire qui ramène lalittérature à des choses basses. Pourtant ce sontparfois les écrivains eux-mêmes, notammentdans les portraits, qui révèlent les liens les plusintimes entre les conditions matérielles d’écri-ture et la forme même que peuvent prendreleurs œuvres.

Dans le même sens, vous êtes très critique àl’égard du structuralisme, qui a fait de l’auto-nomie du texte son cheval de bataille, au détri-ment des conditions de production des œuvres.Oui, je pense que cette décision très forte d’au-tonomiser les textes par rapport à leurs auteurset aux conditions de production des œuvresconfère un privilège énorme à l’exégète ou aucommentateur de textes par rapport à leursauteurs. Ce coup de force symbolique qui aconsisté à débarrasser l’étude littéraire de laquestion des auteurs, de leurs expériencessociales et des conditions de leurs créations,me semble avoir des effets de connaissancedésastreux. Par ailleurs, cette autonomisationdu texte a des effets politiques. Il me semblenotamment que la déconnexion entre texte etauteur n’est pas sans lien avec le fait que, dupoint de vue de l’aide publique, on soutientbeaucoup plus la littérature que les écrivains,la poésie que les poètes, les éditeurs et leslibraires que ceux qui sont à l’origine de toutle commerce de livres.

Et vous pensez que cette tendance est née dansles années du structuralisme roi ?Je pense qu’il y a un lien tacite mais fort entredes positions très savantes, et apparemmentdéconnectées des réalités pratiques et poli-tiques, et des formes d’actions publiques.À l’école, on donne à lire aux élèves des textes

écrits par des auteurs dont ils sont persuadésqu’ils vivaient de leur « m é t i e r » d’écrivain.S’intéresser aux contextes dans lesquels cestextes ont été écrits, c’est prendre en considé-ration les conditions qui ont été celles des écri-vains. On n’écrit pas les mêmes textes si l’onest apiculteur en Ardèche ou haut fonction-naire à Paris… Cela me semble très impor-tant de montrer que les conditions matérielles,temporelles, spatiales d’écriture ont des effetssur les œuvres. Le fait, par exemple, quecertains auteurs n’ont rien publié pendant dixans est parfois lié prosaïquement à leurs condi-tions de vie, qui les ont contraints à se consa-crer à d’autres choses qu’à l’écriture.

Mais on comprend aussi, à travers ce que vousdites, qu’il est difficile d’inventer des poli-tiques d’aide sur mesure pour les écrivains.Parce que leurs situations sont extrêmementdiverses, qu’ils n’ont pas besoin des mêmestypes de soutien. Certains souhaitent parexemple faire des activités para-littéraires(ateliers, interventions en milieu scolaire…),d’autres les refusent catégoriquement.Le rapport aux activités para-littérairesdépend beaucoup de la capacité qu’ont lesécrivains à vivre de ce qu’ils écrivent et/ou dusecond métier qu’ils ont. Beaucoup d’auteurssont très critiques par rapport aux activitéspara-littéraires, mais ils n’ont pas toujours lechoix économiquement. Les écrivains peuventhésiter entre multiplier les activités para-litté-raires en rapport plus ou moins direct avecleur travail littéraire pour compléter leursrevenus de publication (ce qui n’est pas sansinconvénient du point de vue de l’incertitudede la situation économique, du risque dedispersion et de précarité économique) etexercer un second métier dévoreur de temps,mais qui garantit aussi une structure de vieplus régulière et stable.

Il y a aussi tous les écrivains qui se trouventau bout de ce processus du para-littéraire. Cene sont pas des parcours faciles.Non en effet. J’étudie notamment leur casdans le chapitre « Précarité et incertitudes » :

La double vie des écrivains

Suite de l’entretien avec Bernard Lahire autour de l’enquête commandéeau sociologue lyonnais par la Région Rhône-Alpes et la Drac de Rhône-Alpes. Les rapports (de force) entre écrivains et éditeurs, les nouvellesformes d’aide à envisager pour les écrivains, mais aussi la précarité dessituations, tels sont les sujets développés ici.

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ce sont souvent des écrivains qui ont fait beau-coup d’ateliers d’écriture et d’interventions,qu’ils ont cumulés de temps à autre avec unebourse, un prix et des à-valoir. Et puis, lecercle vertueux s’est rompu à un momentdonné. Il y a aussi les divorces, la vieillesseaccompagnée d’éventuels ennuis de santé…Et là, la situation se révèle très précaire. Lemoment du passage à la retraite est unmoment de vérité douloureux pour toutescelles et ceux qui ont multiplié toute leur vieles petites activités rémunératrices.

C’est ce dont on s’aperçoit en lisant votre livre :la précarité. Rien n’est jamais acquis. Un livrequi marche, c’est bien, mais cela ne prometpas le succès pour le prochain. Est-ce que cettesituation est nouvelle ? Est-ce que la préca-rité des écrivains ne fait qu’accompagner laprécarité sociale qui s’installe dans la sociétéd’aujourd’hui ?L’une des premières choses que j’ai apprisesen avançant dans ce travail, c’est que la situa-tion faite aux écrivains était structurelle etpluri-séculaire. C’est important de remettretout ça dans l’histoire. C’est d’ailleurs un despoints sur lesquels je suis en désaccord avecPierre Bourdieu, qui avait l’impression que lemarché avait au cours du XIX e siècle libéréles acteurs du champ littéraire et accru l’au-tonomie de ce champ. En réalité, le marchélibère d’une certaine dépendance par rapportaux élites qui, autrefois, finançaient la littéra-ture, mais pour en créer une autre vis-à-visdes éditeurs et des lecteurs. Car seuls ceux quiarrivent à vendre correctement et régulière-ment leurs œuvres auprès d’un grand nombrede lecteurs peuvent vivre de leur plume. Lesautres, ceux qui font de la littérature plus« p u r e », plus expérimentale, plus érudite ou,dans tous les cas, plus dégagée de la demandeimmédiate, éprouvent toujours beaucoup dedifficultés sur le marché. La bohème littéraireà Paris, en plein XIX e siècle, ce sont déjà desauteurs qui n’arrivent pas à vivre de ce qu’ilsécrivent !

Vous pensez qu’on peut parler d’« e x p l o i t a-tion » ?Celui qui, logiquement, est au cœur du jeulittéraire, est finalement très marginal écono-miquement et c’est tout de même l’un desgrands paradoxes de cette situation. L’ a u t e u rest celui à qui on donne 8 % en moyenne surles ventes alors que, étant donné la nature desproduits qu’il vend (des textes), il y a peu dechance qu’il puisse en vendre beaucoup. C’estcomme si l’on donnait un pourcentage aussiinfime à un peintre pour chaque reproduc-tion d’une œuvre originale qui, comme lemanuscrit original d’un écrivain, ne vaudrait

rien en tant que telle. Et puis, plus il créequelque chose de singulier, d’original, moinsil a une chance de trouver un public rapide-ment. Certains même ne le rencontrentjamais, ou seulement après leur mort… 8 %de droits d’auteur, c’est peu. Dès lors qu’onprend conscience du fait que les œuvres litté-raires permettent à des éditeurs, à des impri-meurs, à des libraires, etc., de vivre, alorsmême que leurs créateurs n’y parviennentgénéralement pas, il n’y a aucune raison de nepas évoquer une situation d’exploitation. Lasituation actuelle (avec de faibles droits d’au-teur) est le résultat d’un rapport de force quiest extrêmement défavorable aux écrivains.

Vous pensez que c’est réellement de l’ordredu rapport de force ?Oui. Un rapport de force invisible et souventindétectable, mais bien présent. Il n’y a pas làque des raisons économiques qui seraientincontournables. On sait bien qu’il y a des écri-vains qui négocient leurs droits. 15 %, 18 % ,et sans doute au-delà parfois, même si cela nese dit pas toujours. Les écrivains les plusconnus parviennent à négocier parce qu’ilspèsent lourd économiquement. En compa-raison avec les auteurs pour la jeunesse quin’ont parfois que 4 à 5 %, on voit bien que c’estune question de rapport entre les différentesforces en présence : éditeurs, distributeurs,libraires, auteurs, imprimeurs…

Mais alors, qui peut venir en aide aux écri-vains aujourd’hui ? Et comment ?Il me semble que l’État a une énorme dettevis-à-vis des écrivains. En effet, l’école s’esthistoriquement saisie de la littérature enjugeant qu’elle était un important moyen deformation des citoyens. Or, elle peut enseigneraujourd’hui des écrivains sacralisés que l’Étatn’a pourtant pas beaucoup aidé dans le passé.Et il est tout aussi certain que des écrivainspeu aidés aujourd’hui, et qui peinent à vivre,seront enseignés dans l’avenir. C’est cette situa-tion qui justifie l’aide de l’État : tant qu’il yaura de l’enseignement de la littérature, l’Étatdevrait se sentir concerné par les conditionsde vie des écrivains.

Certes, mais comment opérer une aide plusdirecte et plus immédiate ? On a finalementdu mal à inventer d’autres moyens d’aide queles résidences ou les bourses d’aide à l’écriture.La première chose à dire est qu’il n’y a pas uneseule solution, parce qu’il n’y a pas un seultype d’écrivain et pas un seul type de situa-t i o n : il y a des écrivains en quête de recon-naissance et des écrivains déjà reconnus (etprimés), des écrivains avec des seconds métiersstables et d’autres dans des situations plus

précaires, des poètes, des dramaturges, desnouvellistes et des romanciers, etc. On ne peutpas avoir de réponse définitive quant à savoirs’il faut freiner ou développer le para-litté-raire, les ateliers d’écriture, les interventions,créer davantage de résidences ou de bourses…Dans l’étude que j’ai menée, on voit très bienque, à des moments différents de leur carrièrelittéraire, les écrivains n’ont pas nécessaire-ment besoin des mêmes aides. Je crois que, sion veut défendre des écrivains aux situationssocio-économiques, aux genres et aux stylestrès différents, il faut maintenir la paletteouverte. Si on privilégie un type d’aide, onprivilégie aussi un type d’écrivains, au détri-ment des autres. Il faut donc, à mon sens,maintenir ou susciter beaucoup de diversitédans les aides.

Cette diversité, cette variété des aides, setrouve en résonance avec cette formulequelque peu provocatrice que vous avez audébut de votre livre selon laquelle dire « l e sé c r i v a i n s », c’est presque un abus delangage…Je crois qu’il faut effectivement se méfier decette expression, parce qu’on a l’habitude deparler d’eux comme on parle des « o u v r i e r s » ,des « c h e r c h e u r s » ou des « p a t r o n s » qui sontrémunérés pour la fonction qu’ils exercent leplus souvent à temps plein… Or c’est bien làque réside le problème ! Considérer que c’estune catégorie comme une autre. Si vousdemandez à une personne dans la rue :« Qu’est-ce qu’un écrivain ? », elle vousrépondra probablement que c’est quelqu’unqui passe ses journées à écrire et qui vit de sonœuvre. Et pourtant cette vision est assez large-ment fausse ! Il faut affronter le problèmecollectif pour se rendre compte que la condi-tion la plus largement partagée par les écrivains – qui existe bel et bien, et c’est pourcela que j’ai choisi ce titre, La Condition litté-ra i r e –, c’est la double vie. Parce que, dansl’immense majorité des cas, les écrivains sontloin de pouvoir vivre de ce qu’ils écrivent •Propos recueillis par L. B .

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Bernard Lahire est professeur de sociologie à l’École normalesupérieure Lettres et Scienceshumaines et directeur du Groupe de recherche sur la socialisation (Cnrs). Il est notamment l’auteur de Tableaux de familles(Gallimard/Seuil, 1995),L’Homme pluriel (Nathan, 1998),L’Invention de l’« illettrisme »(La Découverte, 1999, 2005), La Culture des individus(La Découverte, 2004, 2006) et de L’Esprit sociologique(La Découverte, 2005).

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Écrivains

Parfois les portraits proposés se ressentent de ces effets de profil arrangé.En dépit de la netteté de leur dessin, quelques-uns d’entre eux semblentun peu aseptisés ou – comment dire ? – arrondis. Les zones aveugleset parfois sombres, les points de souffrance, de tangence aux grandschavirements intérieurs qui peuvent être sources de l’écriture – et parlà même de l’identité d’écrivain – apparaissent peu. Les récits de viesont plutôt policés. Le désir de feindre et de conter peut relever de ceplaisir qu’on aime à dire pur. Mais l’identité d’écrivain se forge parfoiscomme une image réparatrice : c’est souvent à des histoires d’humi-liation, de rejet, de deuil, de perte, à des amours malencontreuses oufulgurantes, des rapports compliqués au corps que vient s’accoster ouse greffer l’écriture. Ou encore à des aspirations à un dépassement(poétique, métaphysique…). L’enquête sociologique peut-elle allervers ces soubassements fondateurs ou ces firmaments porteurs ? Ques-tions ouvertes…Plus que pour toute autre pratique artistique, la question de l’appel-lation est fondamentale (« é c r i v a i n », « a u t e u r », « p o è t e »). L’écrit estpour les Occidentaux aux racines mêmes de la relation au sacré. L’ i m a-gerie religieuse, la question du « salut » par l’écriture, continuent dehanter le discours sur cette activité autour de laquelle circule une aurasacralisée (fût-ce sous la forme de la dénégation). Trois mille ans delittérature consacrée, d’Homère à Shakespeare, de Dante à Rimbaud,contemplent quiconque vit l’écriture comme un engagement. Av e ctout ce que ce surmoi historique (particulièrement pesant en France)peut induire. Pour le meilleur ou le pire. Rêver d’inscrire son nom (ouson pseudonyme, autre question abyssale) dans ce continuum relèved’un imaginaire mythiquement, anthropologiquement, très chargé.« Être Chateaubriand ou rien », le mot du jeune Hugo demeure peut-être l’alpha invisible ou l’oméga inavouable (et nécessaire ?) de nombred’écrivains. Plus l’écriture est sacralisée, plus la relation à l’autre métier,à une fonction sociale autre, devient conflictuelle.Depuis le Romantisme, la figure de l’artiste a pris en relais les valeurset les mythes de l’aristocratie déchue. Un imaginaire de l’élection, d’ap-partenance à une élite ou à une caste hante même les écrivains les plusévidemment « d é m o c r a t i q u e s » (on pourrait le démontrer à proposde Perec). Qu’est devenue la contradiction par laquelle Flaubert défi-nissait sa vie d’écrivain : « vivre en bourgeois et penser en demi-dieu » ?Le statut de ce bourgeois s’est amenuisé à rythme accéléré au long duXXe siècle. Le voici fort souvent devenu modeste fonctionnaire ouquasi prolétaire. De cet aplatissement de la condition sociale de l’écri-vain, l’enquête témoigne éloquemment. S’affirmer porteur des valeursde transcendance de l’art ou de l’esprit, se voir chaussé de semelles devent, paraît, avec des vies sociales terriblement limitées, de plus en plusillusoire. Mais ce fantôme ou cet appel demeurent. Avec les risques deporte-à-faux de l’écriture comme du propos sur la condition d’écri-vain qu’impliquent de telles disjonctions.Le siècle passé aura pour mille raisons fait vaciller la légitimité mêmede la littérature, condamnant la dérision du jeu de ses formes face auchaos de la planète, se moquant de l’arrogance ou de l’aveuglementdes fidèles de l’écriture devant un monde qui s’écarte inexorablementde l’écrit. Difficile pour beaucoup d’écrire en esquivant la gêne, la

mauvaise conscience, le sentiment de l’à quoi bon. Ou sa contrepartie :la vanité mondaine. Tout cela ne peut pas ne pas marquer au plusintime le vécu social des écrivains et leurs représentations.Bien des auteurs évoqués par l’enquête sont sans cesse à sortir de leurpoche un carnet où noter un mot, une silhouette, une phrase ou uneidée qui papillonne. La scène invisible de l’écriture, ils ne la lâchentvraiment jamais. Ils sont, alors même qu’ils sont là, un peu ou beau-coup ailleurs, dans leurs marges ou leurs combinaisons de phrases quise font et se défont. La présence à la table de travail se nourrit de cestemps d’absence et de désocialisation. L’existence des écrivains esttoujours multiple. Même celui qui vit de sa plume a une double vie.Et cette aptitude à on ne sait quelle fuite, au retrait de la scène sociale,a presque toujours un coût. « Nul ne peut servir deux maîtres. » C’estdans l’Évangile.Barthes naguère avait opposé écrivains et écrivants (enseignants, jour-nalistes, etc.). Aujourd’hui, où la diffusion de l’écrit se rétracte, faut-il maintenir cette opposition ou bien tenter de la questionner ou de lad i s s o u d r e ? Le monde de ceux qui recourent à l’écrit est condamnénon à l’unification, mais à la confédération. Le destin de l’essayiste oudu journaliste va ressembler à celui de l’écrivain tel que Lahire ledessine. Les chercheurs en sciences humaines, à la condition socialeaujourd’hui souvent liée à l’Université, vont être demain soumis à lamême précarité harcelante que tant et tant d’écrivains – et à des affrescomparables. Ce ne sont plus seulement les écrivains qui seront vouésà la double vie, mais sans doute la plupart des intellectuels et des scribes.Un dernier mot. Le livre de Bernard Lahire a créé une situation derupture. Un avant et un après. Plus aucun discours sur la fonction etle rôle des écrivains ne pourra esquiver ce qu’il met en lumière. Notam-ment leur exploitation. Et la relation souvent si singulière, si trou-blante dans laquelle ils sont obligés de vivre par rapport au paiementet à l’argent. Voilà un sujet sur lequel il faudra revenir • Claude Burg e l i n

Pour une suite de La Condition littéraireQuelques notes marginales

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Librairie

À pleine page grandit

Lucioles, 30 ans et 200m2 plus tard

Une librairie tout confort

Un mois et demi de travaux, une extensionsur l’arrière-cour, un nouvel espace pour les0-3 ans, des vitrines et une signalétique renou-velées, un nouveau dispositif informatique,voilà ce que Françoise Vincent-Guillabert aconcocté cet été 2006 dans sa librairie jeunesselyonnaise, À pleine page. Résultat, une quin-zaine de mètres carrés de gagnés (75m 2 a utotal désormais), un local rajeuni et égayé quipermettra à la librairie de mieux mettre envaleur ses quelque 9 000 titres et ses nom-breuses animations. Un coup de pinceau spec-taculaire après plusieurs années d’hésitationquant à un éventuel déménagement. Oui maiscomment s’offrir aujourd’hui un bel espacede vente en centre ville ?, c’est une questionà laquelle la plupart des libraires indépendantsn’ont pas de réponse. Françoise Vi n c e n t -Guillabert est donc restée dans ses murs pourfêter dans un seul et même élan ses 10 e et 11 e

anniversaires • L . B .

> Colloque

La condition des écrivainsvendredi 20 octobre 2006 à Lyon

À l’occasion de la parution du livre de BernardL a h i re, La Condition littéra i re – la double vie desé c r i va i n s (La Découve rte), faisant suite à l’en-quête commandée en 2003 par la Direction régio-nale des Affaires culturelles de Rhône-Alpes et laRégion Rhône-Alpes.

9h00 accueil.9 h 3 0 o u ve rt u re par Jean-Jack Queyranne, Pr é s i-dent du Conseil régional Rhône-Alpes, B e r n a d e t t eLaclais, Vice-présidente du Conseil régional Rhône-Alpes déléguée à la culture et Jérôme Bouët,D i recteur régional des Affaires culturelles deRhône-Alpes.1 0 h 0 0 Le jeu littéra i re : un univers pas commeles autre s – entretien de Bernard Lahire ave cDelphine Peras, journaliste à Lire.11h30 pause.1 1 h 4 5 Êt re écrivain malgré tout : entre petitsa r rangements et vrais compro m i s – port ra i t sd’écrivains par Brigitte Giraud.12h30 échanges avec la salle.

1 4 h 3 0 Q u’est-ce qu’un auteur ? – débatprésidé par François Ta i l l a n d i e r, Président de laS G DL – avec Bénédicte Malaurent, assistantesociale à la SGDL ; Florence-Marie Piriou, dire c-trice-adjointe de la Sofia ; Sabine We s p i e s e r,é d i t r i c e ; Géraldine Bois, doctorante en socio-l o g i e ; Philippe Camand, chargé de mission vielittéraire à l’Arald.1 5 h 4 5 Quelles formes d’aides et de média-tion pour les écriva i n s ? – débat présidé parFabrice Piault, rédacteur en chef-adjoint de L i v re sHebdo – a vec Sylvie Gouttebaron, directrice deLa Maison des écriva i n s ; Florabelle Ro u ye r, chefdu Bureau des auteurs au CNL ; Philippe Camand,chargé de mission vie littéraire à l’Arald.16h45 échanges et réactions.1 7 h 1 5 synthèse et clôture de la journée parClaude Burgelin, président de l’Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation.

Le colloque se déroulera à l’École nationale du Trésor public, 21, montée de la Butte, 69001 Lyon.

Inscription obligatoirewww.arald.orgtél. 04 50 51 64 63fax 04 50 51 82 05

À pleine page3, rue Palais Grillet, 69002 LyonTél. et fax 04 72 77 99 30Mél : [email protected]

Librairie Préface8, avenue de la Gare42700 FirminyTél. 04 77 89 06 99Fax 04 77 89 11 [email protected]

Librairie Lucioles13, place du Palais, 38100 VienneTél. 04 74 85 53 08 - Fax 04 74 85 27 52Mél : [email protected]

Des présentoirs muraux qui ont gagné enhauteur et en couleurs, une présentation quipermet de mettre en avant plus de livres, unéclairage performant, la caisse au centre dumagasin, quelques bacs sur roulettes… Pourmieux servir sa clientèle, Daniel Lemuhot,responsable de Préface – librairie implantéeau cœur de Firminy (42) – a réussi à accroîtredu même coup l’espace de circulation et lenombre de titres disponibles en magasin. Lesprincipaux rayons bénéficiaires sont le secteurjeunesse/adolescent (un espace de jeux édu-catifs pour les 0-8 ans est en cours de création),le rayon policier/science-fiction et surtout lerayon livres pratiques qui a presque doublé.Enfin, pour avoir des outils informatiques enadéquation avec ce renouveau, la libraire s’estdotée du logiciel Médialog 2 • Fa . H .

En 1976 une équipe de bénévoles militantss’organisait pour diffuser, dans un local de30 m 2, les livres de l’École des Loisirs, desÉditions des femmes, les bandes dessinées deReiser… alors introuvables à Vienne (38).Trente ans plus tard, ils sont onze salariés –soit neuf temps plein – à travailler dans unelibrairie de 200 m 2 en plein cœur de la ville.Fraîchement rénovée et réorganisée grâce àune extension de 30 m 2 et de 10 mètres devitrines supplémentaires, la librairie Luciolesa pu mettre l’accent sur la mise en scène. « O ngagne peu en linéaires donc en nombre de titrescar on a simplement repoussé une cloison dequelques mètres, commente Michel Bazin. E nrevanche, en augmentant le nombre de tables, ona pu soigner la présentation des ouvra g e s . » Leresponsable de Lucioles note d’ailleurs déjàune augmentation des ventes de beaux-livres,mieux disposés et désormais implantés à l’en-trée du magasin. Les récents aménagementsprofitent aussi aux rayons littérature, policier,science-fiction, bande dessinée et jeunesse, cedernier étant tout aussi cher à l’équipe aujour-d’hui qu’il y a trente ans. Et pour fêter cetanniversaire, la librairie prépare une journéede festivités littéraires pour le samedi 28octobre • Fa . H .

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Francophonie

> Automne francophone en Rhône-Alpes

On pourra croiser Nimrod, Khal Torabully etMohammed El Amraoui dans la régionlyonnaise en octobre, lors du festival Paroleambulante, où poésie et francophonie seconjuguent cette année pour une 11 e édition – parrainée par Nimrod – en hommage àSenghor, dont on fête cette année le centenairede la naissance. Début octobre, on fera escaleavec les Caravanes francophones venues detoutes les latitudes pour leur 1er Foruminternational et au Caravansérail des conteursqui plante ses pénates pour une dernière étapeà Décines. Avant de faire halte en décembrepour réfléchir sur la question de la langue et de l’action culturelle lors d’un colloqueinternational dans le cadre des EntretiensJacques Cartier • C . R .

Les migrations de la languefrançaise

Dernier salut d’une année placéesous le signe de la francophonie, un flamboyant automne déploie sesderniers feux d’actualité à Lyon. C’est l’occasion de rencontrer troisauteurs ayant « la langue française en partage » et entretenant desliens particuliers avec la régionRhône-Alpes. L’occasion aussid’entrer dans cette francophoniecomme dans une maison auxfenêtres ouvertes sur le monde, àtravers un entretien où chacun évoque ses liens avec lalangue et la culture françaises, son rapport au territoire, sa visionde la francophonie.

Nimrod : une nouvelle révolution copernicienne

Dès l’école primaire au Tchad, Nimrod afréquenté Lamartine, Victor Hugo, Tintin etBécassine... « L’adoption d’une langue litté-raire est provoquée par l’amour qu’on lui porte.Même si je parle six langues, le français est laseule langue dans laquelle j’écris, la seule danslaquelle je puis m’inventer ». De la languelivresque apprise sur les bancs du lycée, où ilaspire à devenir professeur de français, à cellequ’il va rencontrer en France où il vit depuisune quinzaine d’années, il y a celle qu’il va« e n f a n t e r ». « Pendant longtemps, la Fra n c es’est considérée comme la patrie naturelle de lalangue française. L’un des enrichissementsmajeurs du français a été provoqué par l’entréedes ex-colonisés dans le concert des nations. Ilsse sont chargés de faire entrer dans la langue desimaginaires, des sensibilités et des colora t i o n sculturelles inédites. J’en conclus qu’il est tempsde considérer le français comme langue africaine.C’est d’ailleurs le titre de mon prochain essai ! »Dans Le Départ, Nimrod raconte le malen-tendu qui s’est glissé avec les « p è r e s », à l’ori-gine de rudes paysans. Ainsi, de jeunesétudiants en théologie, venant admirer lecrépuscule en récitant vers et proses, se fontapostropher par un paysan : « Vous venez pourcontempler le crépuscule, vous vous prenez pourdes Blancs ou quoi ? [ … ] À l’en croire, le colonseul avait le droit d’admirer la nature. Il s’ex-cluait du privilège, et aussi nous, ses frères » .Quand le paysan reproche à ces jeunes d’avoirabandonné l’ancien système de valeurs enfréquentant la nouvelle école, le colonisateur,lui, leur reproche de ne pas être assez fran-çais. « Nous sommes devenus des “ métis cultu-rels” (Senghor), des bâtards ».Dans un pays où parler au moins troislangues est courant et où lui-même peutreconnaître à l’oreille une vingtaine delangues, Nimrod se revendique du modèlede Babel dans lequel il est né : « Le fait qu’unenation – la France, en l’occurrence – parle exclu-sivement le français constitue un raccourci assezconfondant, chez nous, où il existe plus de millel a n g u e s ! Au Tchad, on passe son temps àapprendre la langue des autres. La diversité c’estl’air qu’on respire ! Le drame de l’Afrique, c’est

qu’on a utilisé la diversité pour diviser et pourrégner despotiquement. En Europe, la diversitéculturelle est une diversité de fait : une nation,un peuple, une langue. La France a défendu ladiversité culturelle face aux Américains : lessuffrages des Africains ne peuvent que défendrecette même cause ! »Pour Nimrod, la francophonie est un champd’expérience exaltant. « Senghor a adopté leterme, même s’il fait remarquer que celui-ci nerespecte pas le génie du français. Il lui préférait‘francité’, qui est porteuse de valeurs à ses yeux.Quand deux francophones se rencontrent, trèsvite la conversation en vient à la littéra t u r e .Quand les anglophones débattent du commerce,les francophones s’entretiennent de M a d a m eB o v a r y. Écrire en français sous-entend desvaleurs et une vision du monde ». D’où letrouble du paysan qui ne retrouve plus sesenfants... « L’usage d’une nouvelle langue faitnaître de nouvelles galaxies. Dans mon essai, jeparle d’une ‘nouvelle révolution copernicienne’.Ce que la langue a créé pour nous autres, c’estun nouveau continent. On ne s’en rend pasencore compte, mais quelque chose de nouveaua eu lieu. L’aventure inaugurée par les auteursafricains d’expression française est de celle quiremodèle de fond en comble la littérature fran-çaise. »• Christine Ramel

Né en 1959 au Tchad, Nimrod est poète, romancier et essayiste. Il vit àAmiens et enseigne à l’université du Michigan (États-Unis). Il anime larevue Agotem et tient une chronique dans Africultures. Nimrod sera enrésidence à Grigny (69) de janvier à mars 2007, à l’invitation de Pandora et de la Ville de Grigny.

À paraître :Il est temps de considérer le français comme langue africaineessai (Farrago, 2007).

Nimrod.

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Mohammed El Amraoui : partition périphérique

Khal Torabully : le français est une conversation avec mes langues

Né en 1956 à l’île Maurice, il vit àLyon depuis 1976 et reste l’inven-teur du concept de « coolitude »,poétique issue des rencontres desimaginaires du monde et des Indes.

Né en 1964 au Maroc, il vit à Lyon. Mohammed El Amraoui écrit en françaiset en arabe. Il participe à des livres collectifs, des livres d’artistes ainsiqu’à des lectures publiques.

Venant d’une petite île perdue au cœur del’Océan indien résonnant d’au moins unedouzaine de langues, Khal Torabully se dithabité par une identité au pluriel. Desbruissements de l’anglais (parlé par son pèred’origine indienne) aux premiers émois enlangue française : « Au collège culturel islamique,j’avais comme professeurs des fous de français quim’ont appris Camus et Sartre et ‘nos ancêtres lesGaulois’. On avait une vénération pour le fra n ç a i s ,c’était une langue qui nous faisait rêver, porteusede valeurs politiques, de contestation : les droits del’homme, Camus… À la maison plusieurs languesse rencontraient, et nous étions plurilingues. Je nepeux pas être monoculturel, c’est impossible. J’aitoujours cohabité avec des ailleurs. À l’Île Maurice,la mixité linguistique quotidienne donnait un aspecttangible à cette diversité. Mes langues conversententre elles ! Mes diverses cultures se frottent ! »Mais sa langue maternelle demeure la poésie.Si sa première publication se fait en français,en 1975, dans le journal de la Maison des jeunesà Port-Louis, ses premiers poèmes voient le jouren anglais… en France, à l’université Ly o nL u m i è r e ! « La langue, c’est l’identité la plusprobante, et j’ai toujours fonctionné selon la miseen relation. Quand j’ai commencé à écrire enf rançais, je ne voulais pas me plier à la languenormative, mais plutôt l’enrichir d’autres mots.Vue de ma trentaine d’années de pratique, c’estune langue assez flexible, un formidable outil decréation littéraire, qui peut épouser parfaitementles imaginaires, que je sois au Portugal, en Chine,à Cuba ou en Algérie. »Le rapport d’une langue à un territoire ?« Pour un exilé volontaire ou involontaire – monpère était marin et j’ai toujours eu cette culturedu déplacement –, qu’est-ce qu’on apporte avecsoi, comment s’ancre-t-on quelque part ? Jevenais en France d’abord pour faire mes études,

puis rencontrer un imaginaire, une littéra t u r e .Je pensais que les chauffeurs de taxi mer é c i t e raient Baudelaire, Apollinaire ouR i m b a u d ! J’avais la certitude que la France étaitle pays où le fait littéraire était un patrimoinevivant. Habiter à Lyon m’a forcé à uneintériorité, entre deux collines et deux rivières…Le rapport au territoire est significatif car j’ai ducoup imaginé à Lyon un territoire de la diversitéculturelle, absent de ma réalité. Peut-êtretoujours ce désir fondamental “ d ’ e x q u i s ev a r i é té”(selon Rabelais) et de l’ailleurs. » K h a lTorabully va explorer les terres de LouiseLabbé et les traboules. « J’ai créé mon territoirepar l’imaginaire en quelque sorte, je l’ai tra d u i tpar une poétique de l’espace. Ainsi les traboulesreprésentent un espace baroque, une ligne où onpeut s’égarer. Elles me permettent d’habiterl’interstice des histoires, d’esquiver l’orgueil dul i e u ». Il s’intéresse aussi à l’oriental Saint-

Mohammed El Amraoui entretient un rapport à la fois amoureux et tumultueux avec la langue.De père lettré arabe, de mère analphabète, le français lui est imposé à l’école, à Fès, et c’estaussi sa matière la plus faible : « Il a fallu que je la courtise, que je m’en empare pour la posséder » .Mais c’est la mise en voix et l’aspect sonore et musical du français qui le fascinent d’abord :« J’avais un rapport physique avec la langue, j’aimais les voix off qui doublaient les films, péplumset westerns, avant de découvrir au ciné-club à l’adolescence Godard et Renoir… ». Puis vient laculture et toute la mythologie qui accompagne la langue, la rencontre de la poésie et de lalittérature au centre culturel français de Fès, Rimbaud, Victor Hugo, avant la découverte deCamus et de Sartre. Hasard et nécessité lui feront suivre des études de français : « Je voulaism’inscrire en anglais, mais il n’y avait plus de place ! » Ce sera ensuite sa venue en France poursuivre ses études et « rencontrer le lieu de la langue ».Pour ce poète qui se dit « polyphone » et expérimente la « doublure », parlant et écrivant dansles deux langues, la rencontre avec le français s’accompagne d’une ouverture sur une cultureproche. C’est ce mélange avec sa propre culture arabe et berbère qui permet à l’une de remettrel’autre en question, de l’interroger : « J’écris dans la langue française pour ajouter peut-être quelquechose, pour me retrouver autrement, cet aller-retour permanent m’amène à être divers ». Même sil’adoption de sa langue d’écriture, au plus proche de l’intime, s’accompagne une fois en Franced’un double exil de lieu et d’elle-même, il y a cette nécessité affirmée « de partir de chez soi pourmieux se découvrir et interroger sa propre culture ».Si les techniques d’apprentissage et de mémorisation, qu’il a lui-même pratiquées pour intérioriserles schémas de la langue et se réconcilier avec elle, lui sont utiles lorsqu’il anime des ateliersd’écriture, la question aujourd’hui pour cet habitant de la banlieue lyonnaise est de créer le désirde rencontrer aussi une culture : « C’est le pouvoir de l’image, le mythe de la célébrité facile à la télé,le règne de l’ignora n c e ! Les périphéries me paraissent comme de grands hôpitaux avec de grands maladess o u f f rant de dépression économique et sociale où il n’y a ni médecins, ni moyens. Les jeunes fuient dansle divertissement. Comment créer le désir de s’en sortir par la culture ? La langue est une arme, ellepeut permettre de sortir de l’expression physique et violente, mais confrontée à une vie quotidienne ded é c u l t u ration, elle suit cette partition périphérique. »• C . R .

Irénée ou encore à Pierre Poivre, ce naturalistelyonnais qui a vécu à Maurice, tissant des liensde territorialité en convivialité, par l’ima-g i n a i r e : « On réécrit toujours nos pagesmanquantes… Pour respecter les territoires oùl’on vit, les histoires ont besoin d’être partagées,il faut qu’il y ait un échange de mémoires deslieux » • C. R.

En 2007, paraîtront Accouchement de choses (Dumerchez), Ce côté-ci et autour(L’Idée bleue) et Récits, partitions et photographies (La Passe du Vent).

Khal Torabully.

Mohammed El Amraoui.

Il prépare, pour leséditions La Passe duvent, un petit diction-naire francophoneintitulé Le Pouvoir desmots sur le mouvoirdes peaux.

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Carnets de lecture Romans

Désécrire, dit-elle…Une très vieille petite fille de Michel Arrivé

Une histoire simpleTrente ans après de Geneviève Metge

Professeur de linguistique, auteur d’ouvrages savants qui questionnent la psychanalyse à traversle langage, Michel Arrivé n’est pourtant aucunement adepte d’un quelconque jargonscientifique. Son écriture est d’une limpidité et d’une précision remarquables. C’est en toutcas ce qui apparaît dans son dernier roman Une très vieille petite fille. Ces qualités d’expressionsont d’autant plus appréciables qu’elles sont mises, en l’occurrence, au service d’une intriguehabilement tricotée, d’un récit qui commence par surprendre le lecteur avant de le happer sansrémission possible.L’écrivain nous met en présence d’une très vieille dame, Geneviève Briand-Lemercier, dontle grand âge, quatre-vingt-onze printemps, n’a altéré ni l’intelligence acérée ni la mémoireimplacable. Et si, comme beaucoup de personn es âgées, elle est la cible de charlatans en toutgenre qui en veulent à sa maigre retraite, elle n’est pas du style à se laisser abattre. Même sison professeur de graphologie et d’astrologie transcendantale, uneespèce de gourou, a sur elle une puissante emprise. Du moins audébut de l’histoire lorsque la fausse sommité lui somme de freinersa principale activité : écrire. Problème : Geneviève est une véritablegraphomane. Elle tient divers registres sur lesquels elle retranscritles noms et états des vieillards de sa connaissance qui disparaissent.Et note scrupuleusement, depuis sa petite enfance, dans des cahierssoigneusement entreposés, les moindres épisodes de sa vie enapparence ordinaire. Las, selon l’autoritaire astrologue, elle doit, sielle veut continuer d’écrire, détruire une bonne partie de ses ancienscarnets. Désécrire en somme. Un âge canonique, et mêmel’immortalité, qui constitue l’obsession la vieille Geneviève sont soi-disant à ce prix... Du coup, elle se lance dans la relecture de ses écritsintimes. On la suit avec plaisir dans cette entreprise : on découvreune enfance étriquée d’avant-guerre, une jeunesse brimée par desconventions bourgeoises et une maturité contrainte par les exigencesd’une profession sans grand relief et la gêne matérielle. Par ce travailde désécriture, on remonte le fil d’une existence faussement banalepuisque elle est vécue par une femme dont la fascinante singulariténe cesse de s’affirmer au cours du roman. Une incontestable réussite• Nicolas Blondeau

Des amies se retrouvent, trente ans après leurpremière rencontre en classe de 6 e. On pour-rait craindre le sujet « pleurons sur le tempsqui passe », mais nos peurs se dissipent à latoute première page. C’est beau et bon etsimple et doux et tendre et bouleversant... Unlivre où l’on s’enfonce délicieusement dansles plaies comme dans les joies de ces person-nages burinés par la vie.Un festin de Babeth contemporain, le partaged’un repas qui livre les vies comme elles ontpassé. En six étapes – l’arrivée, l’apéritif, led é j e u n e r, l’entre-deux, le gâteau au chocolat,le café –, ces femmes se souviennent, se racon-tent, dévoilent avec pudeur leurs vies cabos-sées. L’une boit, l’autre a un fils homosexuel,une autre a perdu un enfant… et puis cettehistoire douce où Françoise rencontre enfinl’homme de sa vie.« Il s’était penché sur elle, sans lunettes, elle avaitété bouleversée par son regard gris, embué.Comment pouvait-il désirer son corps de femmem û r e ? Comment pouvait-il s’intéresser à elle ?elle se posait encore la question, attendait encorela réponse. »Voilà la force du livre, un style remarqua-blement travaillé jusqu’à l’épure. Une histoiresimple qui met le lecteur en lien avec chacunde ces personnages aux fêlures douces etviolentes. On s’y trouve, on s’y perd. Le va-et-vient constant entre passé et présent creuseen nous une lancinante mélancolie • Pa s c a l e

Clavel

Trente ans aprèsde Geneviève MetgeLa Passe du vent125 p., 10 eISBN 2-84562-090-X

> André Rochedy

« Ga rde fidèlement le visage de l’aube pour la tra versée des ténèbres, Le passeur cherc h e ra dans tesyeux l’obole de la lumière . » Oui, « pour atteindre l’autre rive du temps », le « p a s s e u r » t ro u ve ra lavie et l’œuvre poétique d’André Ro c h e d y, disparu le 9 août, « l’obole de la lumière ». Né en 1942 àS a i n t - A g r è ve, professeur de lettres à Lyon, cet Ardéchois fut un poète de la célébration intense et d i s c ret, sachant avec une délicatesse vraie s’« armer des feuilles du rêve » et s’avancer « sur un fil des i l e n c e », puisant dans les grands rythmes de la nature une part de son inspiration. Il laisse des re c u e i l spubliés par Chambelland, L’ A r b re à paroles (Dans la mémoire du jour, 1996, Chants de la tra ve r s é e,1999) ou Cheyne (Par le violet des ro s e s, 1992). Il collabora plusieurs fois à la collection Poèmes pourgrandir de Martine Mélinette (Cheyne) et fut lauréat du prix Poésie jeunesse. Il faisait confiance auxp o u voirs de la poésie (« la comète allait au re n d e z - vous des fables ») et demeurait habité par le sensde la réconciliation et de la louange. Et il laissera le souvenir d’un homme singulièrement affable etbienveillant • C. B.

> Sidya Cissé

É c r i vain sénégalais installé à Lyon depuis le milieu des années 70, Sydia Cissé nous a quittés le 10août dernier. Boursier de l’Office Rhône-Alpes pour le livre en 1992, auteur du G r i o t ainsi que desOreilles rouges (Prix Jean Reverzy 1990), il était un conteur, grand amoureux de la langue française.

Une très vieille petite fillede Michel ArrivéChamp Vallon256 p., 18 eISBN 2-87673-447-8

Michel Arrivé.

Geneviève Metge.

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Calaferte au pays du polarMenga et Rue Marangon de Christophe Mileschi

(En)quête de personnalitésLa course du chevau-léger de Jacques A. Bertrand

Travailler avec les motsGagner sa vie de Fabienne Swiatly

Christophe Mileschi n’a pas les manières. Iln’a pas les manières pour écrire un bon petitp o l a r, bien divertissant, bien pépère. Il n’a pasles manières, mais il a une écriture, un stylequi fait de M e n g a un roman aussi noir quedécapant. L’auteur ne craint ni la phrasecourte, ni la longue. Rares sont ceux de sagénération à avoir aussi peu froid aux mots(on citera Renaud Marhic et son usage de laparenthèse, Pascal Françaix, tous deux ayantdébordé de la case « roman noir » ; on songeégalement à Serge Rivron, à Costes…).Mileschi et sa façon bien à lui de planterdécors et personnages (« Mme Rigaut était uneconne. Un art plus consommé du suspensc o n s e i l l e rait que cette information n’apparût quepar degrés et périphériques indications. Mais il ya u rait contra d i c t i o n : car Mme Rigaut était uneconne d’emblée, et sans degrés ni détours » ) .Mileschi et ses audaces (tout un chapitreconsacrée à une digression autour du tama-noir). Mileschi et son personnage principal deflic. Drôle de flic que ce Menga. Il déteste queses subalternes lui donnent du « c h e f » ,« surtout l’été ». Il n’a pas la conscience tran-quille, est « intimement convaincu que personne,strictement, tristement personne » ne l’a, « l ’ e n-quêteur pas davantage que l’enquêté, l’arrêteurpas plus que l’arrêté ». Un flic, des meurtres…la routine. Quoique. L’enquête de Menga sefraie son bonhomme de chemin au milieu deslarsens médiatico-publicitaires. Tout cela sepasse sous le règne de la pensée unique. EtMileschi veut nous faire croire qu’il s’agit làd’une œuvre de fiction !À signaler, un second roman du même auteurchez le même éditeur : Rue Mara n g o n. « L arue où viennent les hommes. La rue où viennentles hommes chercher la femme. La rue où vien-nent les hommes payer la femme pour être desh o m m e s ». Où Mileschi prouve une nouvellefois qu’il est une sorte de petit-fils de Cala-ferte • Frédérick Houdaer

Mengade Christophe MileschiÉditions Castells192 p., 20 eISBN 2-35318-003-5

Rue Marangonde Christophe MileschiÉditions Castells106 p., 18 eISBN 2-35318-002-7

La Course du chevau-légerde Jacques A. BertrandÉditions Julliard114 p., 14 eISBN 2-260-01623-5

S’il est entendu que « l’humanité marche aub o rd du gouffre» Jacques A. Bertrand est éga-lement persuadé que les gens intéressantssont ceux qui « marchent un pied dans le vide » .Ses romans ne se soucient guère de ceux quiont « les deux pieds sur terre ». Ils mettent enscène des hommes fêlés, inaptes à la vie, enconstant questionnement sur leur sort.Jérémie est de ceux-là. C’est un éclopé, unhomme seul et condamné qui cherche à revoirsa fille une dernière fois avant de mourir. Ilse lance dans un périple autour du monde, àla recherche d’un indice, d’une trace laisséepar la jeune femme. Son enquête (le manteauet le chapeau ne lui donnent-ils pas un air ded é t e c t i v e ?) le mènera d’abord à Genève, puisà Paris (le lieu de leur dernière rencontre)avant Lisbonne et la Thaïlande. Au fil desescales et par petites touches, Jacques A.Bertrand dresse le portrait de cet hommeentre deux mondes, dont on ne sait pas biens’il a « atteint la sagesse » ou s’il est parvenu« à s’en débarra s s e r ». Un personnageénigmatique dont le narrateur se plaît àentretenir le mystère grâce à une prosepoétique et sensible : « Ces opinions n’engagentévidemment que notre quêteur à pèlerine et àc h a p e a u [...]. Encore que nous ne puissionscertifier qu’elles aient été exactement les siennes.Sait-on bien ce que les autres pensent, ou pensentpenser ? ». Rien n’est moins sûr... • Yann Nicol

Il y a l’usine, gigantesque dans le paysage deLorraine, où disparaît le père tout au long duj o u r. Il y a l’école, où l’on tente désespérémentd’écouter alors que personne ne vous écoute.Et puis il y a encore l’usine, où l’on s’essayeaux premiers jobs, « pour dépanner. Justed é p a n n e r ». Dans Gagner sa vie, premierroman de Fabienne Swiatly, cette silhouettede l’usine rôde comme un navire fantôme,menace la narratrice d’un retour perdant à lacase départ. Fille d’ouvrier tu es, fille d’ouvriertu resteras… Avec tes peurs et les rêves quetu ne peux pas te permettre. En attendant, ilfaut Gagner sa vie. « Du trop du travail et dupas assez de l’argent. L’argent. Faites rentrer del’argent. Réclamer de l’argent. Besoin d’argent. »Autrement qu’un roman, le livre de FabienneSwiatly est un enchâssement de récitscaptivants et justes ayant pour thème le travail.Ou la vie. C’est-à-dire les deux. Le travail,pour Gagner sa vie : «… réfléchir à ce qu’il encoûte exactement de gagner sa vie. » Dernièrephrase du livre. Dernière séquence duparcours. De l’usine du père – Amnéville,Lorraine – à l’atelier de la fille – à Lyon, trenteans plus tard. De l’aciérie à l’écriture, desannées 70 aux années 2000, un trajet dessinépar la nécessité d’avoir de quoi vivre. Gagnersa vie pour ne pas la perdre. Mieux ques ’ i m p o s e r, trouver sa place. L’auteur le fait icitout en finesse et en subtilité • L. B.

Christophe Mileschi.

Gagner sa viede Fabienne SwiatlyLa Fosse aux ours96 p., 13 eISBN 2-912042-82-8

Fabienne Swiatly est parailleurs l’auteur d’unrecueil de poésie autourde la langue maternelle,des origines, intitulé Sans vo ix / St i m m l o s, paruen 2006 chez un éditeurallemand, les Éditions En Forêtg /Im Wald.www.verlagimwald.de

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Nouveautés des éditeurs

Balivernes éditions

Le Dernier voyage de Féliciende Pierre TouronSylvestre rencontre son grand-pèreFélicien, capitaine au long cours perdudans la forêt à la suite d’une tempête.Le jeune garçon l’aidera à retrouver lechemin de la mer, pour un derniervoyage… Le thème de la mort abordétout en douceur.

44 pages, 13 e, ISBN 2-35067-006-6

Chronique sociale

Penser l’éducation populaire :humanisme et démocratiede Gérard BonnefonQu’est-ce que l’éducation populaire ?Quelle est son actualité ? Commentpeut-elle renforcer la démocratie etl’humanisme ?Collection Comprendre la société112 pages, 10,50 e, ISBN 2-85008-631-2

Créaphis (Éditions)

Comment sont reçues les œuvressous la direction d’Isabelle CharpentierCet ouvrage tente une analyse deslogiques d’appropriation différenciéesdes biens culturels ou artistiques.

284 pages, 30 e, ISBN 2-913610-73-0

Croquant (Le)

Mémoires d’empire : la controverseautour du « fait colonial »de Romain BertrandCet essai retrace l’histoire des débatset des mobilisations autour de la loi du23 février 2005 sur le « le positif » de lacolonisation française, qui a pavé lavoie à la montée en puissance duthème des « guerres de mémoire ».

Collection Savoir/agir219 pages, 18,50 e, ISBN 2-914968-20-5

ELAH

La Fresque des Lyonnais : un patrimoine mis en scènecollectif, membres de l’association« Cité de la création »Depuis 10 ans, cette fresque honoreLyon, son passé, ses grands hommes…

la restauration de ce mur peint estl’occasion d’explorer une histoirehaute en couleurs.127 pages, 29 e, ISBN 2-84147-176-4

Ellug

Kenneth White : nomade intellectuel, poète du mondede Michèle DuclosCe livre se donne pour tâche de saisirla vivacité de l’œuvre de KennethWhite, d’en sonder la densité, d’encartographier la cohérence et d’endessiner les perpectives.302 pages, 26 e, ISBN 2-84310-071-2

ENS Éditions

La Lumière noire d’Elsa Trioletd’Alain TrouvéUne incitation à regarder d’un peu plusprès une œuvre peut-être trop vitecataloguée par l’histoire littéraire.Collection Signes230 pages, 29 e, ISBN 2-84788-094-1

Fage éditions

Ahmedabadphotographies de Frédéric Delangle,textes de Pierre Cadot, préface de Christian DupavillonFrédéric Delangle a choisi les quelquesheures de la nuit où la ville ne semblepas au bord de la rupture pour laphotographier.88 pages, 35 e, ISBN 2-84975-086-7

Maison de l’Orient et de laMéditerranée (Publications de la)

Les Marges arides du Croissant Fertilesous la direction de Ronald Jaubertet Bernard GeyerDifférentes analyses des relationshommes-milieux, des dynamiques detransformation des milieux humains etphysiques et de leurs interactions dansune région à fortes contraintes.

206 pages, 29 e, ISBN 2-903264-29-5

Mosquito

Baudelaire ou le roman rêvé d’Edgar Allan Poed’Aurélien Morinière et TarekBaudelaire se retrouve malgré luiembarqué dans une aventure où lefantastique est partout présent.46 pages, 13 e, ISBN 2-908551-94-2

Moutons électriques (Les)

L’Invité malvenude Barbara Hambly, traduit de l’anglaispar Michèle CharrierKyra se préparait pour son examenfinal de sorcellerie devant le Conseillorsque, soudain, quelque chose s’estmis à troubler sa magie…

350 pages, 20 e, ISBN 2-915793-20-4

Pré # carré

Feu d’herbede Jean-François Perrin« Le vent a ses saisonsla lumière a ses intermittencesparlons de ce qui nous emporte »20 pages, 5 e, ISBN 2-915773-09-02

Publications de l’université de Saint-Étienne

Saxifragacées : flore pratique adaptée à la Franced’André GonardCe livre permet au botaniste amateurou professionnel d’identifier lesnombreuses espèces de cette plantequi se blottit au creux des rochers, aumilieu des éboulis, des pentescaillouteuses ou le long des moraines.310 pages, 40 e, ISBN 2-86272-415-7

PUL (Presses universitaires de Lyon)

La Misèrede Louise Michel et Marguerite Tinayre,présentation de Xavière Gauthier etDaniel ArmogatheLa Commune et le bagne ont, dans ceroman, détourné le sentimentalismemystique de la première Louise Michel,au profit d’une parole qui fouille unesociété moribonde.

Collection Louise Michel - Œuvres1203 pages, 32 e, ISBN 2-72970777-8

Terre vivante

L’Agenda du jardinier bio 2007 :murets, bassins, et autresaménagements écologiquesde Brigitte Lapouge-Dejean, RémyBacher et Antoine Bosse-PlatièreLes aménagements sont à l’honneurpour 2007, avec des techniques misesà la portée de chacun, grâce à desexplications claires et précises.160 pages, 12 e, ISBN 2-914717-23-7

Voix d’Encre

Le Temps, disent-ilscollectifCet opus rassemble vingt et un auteurset quinze artistes, qui épinglent letemps qui va et se dérobe l’espaced’un livre.Collection Bouche-à-oreille144 pages, 22 e, ISBN 2-35128-015-6

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Actualités

Nous vous remercions de nous faire parvenir vos informations, programmes de manifestations,annonces de parutions, etc. au plus tardle 10 du mois précédant la sortie du numéro.

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président : Claude Burgelindirecteur de publication : Geneviève Dalbinresponsable de rédaction : Laurent Bonzonassistante de rédaction : Fabienne Hyvertont également participé à ce numéro :Nicolas Blondeau, Claude Burgelin, Pascale Clavel, Frédérick Houdaer,Yann Nicol, Christine RamelCaroline Schindler.

ISSN 1626-1321

Anniversaires

Les Éditions La Taillanderie ont fêté leur ving-tième anniversaire en septembre, dignementfêté avec une journée de re n c o n t re chez l’édi-t e u r, à Châtillon-sur- C h a l a ronne. En allant ve r sG renoble, c’est Mosquito qui fête quinzeannées d’édition. Une rétro s p e c t i ve est consa-crée à cet éditeur de bande dessinée à labibliothèque municipale de Saint-Égrève, du13 au 24 octobre.

Renseignements sur les sites www.lire-en-fete.culture.frwww.la-taillanderie.com www.editionsmosquito.com

Envies d’école buissonnière…

La rentrée est passée et les vacancessont loin, mais les promenadesd’automne ont leur charme. Enprésentant des points de vue inconnusou surprenants de « coins de verdure »à Lyon, ce livre permettra aux Lyonnaisde redécouvrir leur ville, dans laquellede nombreux parcs et jardins offrentdes opportunités de promenades. Unevraie découverte souvent poétique auplus près du végétal pour montrer lejardin dans tous ses états, et seréserver des bulles d’oxygène.

Samedi midi (Éditions)Parcs et jardins de Lyonphotographies de Frédéric Jeantextes de Philippe Vouillon144 pages, 35 e, ISBN 2-915928-05-3

Des vols qui font couler de l’encre

Les vols dans le milieu de l’artfascinent encore et toujours. Deuxéditeurs les explorent, chacun à samanière. Les Éditions StéphaneBachès s’intéressent de près aux plusimportantes enquêtes internationalessur les vols de tableaux, et présententune galerie inédite des grandesœuvres d’art volées et parfois jamaisretrouvées… De quoi remplir unétonnant musée. Aux Éditions LieuxDits, l’aventure est dessinée etcommence dans les salles du muséedes Beaux-Arts de Lyon, mais elleemmènera Auguste-Louis Chandelbien plus loin. Les vols sont aussifascinants que les tableaux eux-mêmes, et même lorsqu’ils sontretrouvés – comme récemment Le Criet La Madone d’Edvard Munch –, le volreste énigmatique.

Bachès Stéphane (Éditions)Tableaux volés : enquête sur les vols dans le monde de l’artde Simon Houpt, traduction d’Annick et Roger Stevenson,préface de Raymond E. Kendal192 pages, 30 e, ISBN 2-915266-33-6

Lieux DitsLe Vol du cride Serge Annequin et Jean-Luc Jullian48 pages, 11 e, ISBN 2-914528-22-1

La montagne, encore et toujours

La montagne n’en finit pas d’inspirerphotographes et auteurs, qui luirendent ici hommage à travers troislivres. La Fontaine de Siloé adopte unangle historique pour essayer decomprendre comment les Savoyardsont vécu, de l’intérieur, la rupture quiles a fait passer d’une civilisationagropastorale aux richesses et à lamodernité liées au tourisme,notamment aux sports d’hiver. Chez Libris également, c’est auxhommes que les auteurs s’intéressent.À l’heure de la mondialisation et desnormes européennes, alors quel’agriculture de montagne devient unenjeu de développement durable, cetouvrage de photos témoigne du travailopiniâtre de ces montagnards quigardent la Vanoise en vie. Enfin, chez Glénat, Roberto Neumillerréalise des images grand formatréalisées à la chambrephotographique, qui expriment lafascination et l’attachement qu’unhomme peut avoir à sa terre.

Fontaine de Siloé (la)Du sillon à l’or blanc : la montagne au fil des hommesde Roger LoyetCollection Savoie vivante190 pages, 22 e, ISBN 2-84206-328-7

GlénatVercors – images intimesde Roberto Neumiller144 pages, 39 e, ISBN 2-7234-5535-1

LibrisPaysans de Vanoisephotographies de Pierre Witttextes de France HarvoisCollection Album144 pages, 29,90 e, ISBN 2-84799-135-2

Pages réalisées par Caroline Schindler.

Les Lumières de Grimm

La fonction de médiateur culturel deFriedrich Melchior Grimm le plaçait aucœur du rayonnement des Lumièresfrançaises en Europe. Depuis unetrentaine d’années, l’intérêt porté àGrimm s’est profondément renouvelé,notamment envers sa fameuseCorrespondance littéraire, périodiquemanuscrit bimensuel, servi à unnombre limité d’abonnés secrets, qu’il fonda et dirigea d’abordpersonnellement. Ce renouveau est lié en particulier àl’avancée des recherches sur l’histoirede la presse et au nouvel essor desétudes sur Diderot. Dans le mêmetemps, ont été soulevés les gravesdéfauts de l’ancienne édition de laCorrespondance littéraire, et denouvelles pièces de la correspondanceprivée et diplomatique de Grimm ontété révélées. À l’occasion d’un colloque fondateur,en 2000, une équipe éditoriale s’estconstituée afin d’établir une éditionenfin exacte et complète de cedocument essentiel à la connaissanceet à l’intelligence de la propagationdes Lumières françaises en Europe. Le projet de ces auteurs est de publier,à terme, l’ensemble de laCorrespondance littéraire sur sessoixante années d’existence.

Pour en savoir plusCentre international d’étude du dix-huitième siècleCorrespondance littérairede Friedrich-Melchior GrimmTome 1 : 1753-1754399 pages, 70 e, ISBN 2-84559-036-9Tome 2 : 1755307 pages, 50 e, ISBN 2-84559-037-7

Prix Guizot de l’Académie françaisepour le livre de Marc Boyer, paru auxPresses universitaires de Grenoble

Marc Boyer a obtenu, pour l’année2006, le prix Guizot de l’Académiefrançaise dans la rubrique « Prixd’histoire et de sociologie » pour sonouvrage Le Thermalisme dans le grandSud-Est de la France, qui retrace lanaissance et l’histoire du thermalismedans cette région en soulignant lesmutations des XVIIIe et XIX e siècles.Cet ouvrage a bénéficié du soutien de la Région Rhône-Alpes.

Presses universitaires de GrenobleLe Thermalisme dans le grand Sud-Est de la Francede Marc Boyer420 pages, 30 e, ISBN 2-7061-1271-9

Page 12: Pour une suite de La Condition littéraire · la précision de son questionnaire. Échapperaient pourtant, aux mailles de ce filet si bien tramé, certains effets de faux-semblant

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Portrait

Picq au Québec

Il faut se comprendre. Il faut se connaître.Jean-Yves Picq est un homme en retrait. Ilattend, il observe, redoute peut-être les proposmal compris. Tout en discrétion – et tout ennoir –, il met du temps à se livrer. Se livre peu.C’est un homme de rigueur mais aussi deparoles, un homme de théâtre. Un peu plusde trente ans que cela le travaille, que c’est làqu’il travaille, dans cet espace très large et trèsmouvant de la littérature théâtrale. À m i -chemin entre quoi et quoi ? Difficile à dire.Entre théâtre et poésie, entre fable etmétaphore, entre partage et engagement…Ce dernier mot le fait hésiter. Jean-Yves Picqn’aime pas les notions aux allures de tiroir etles idées toutes faites. Il n’est le championd’aucune cause, et ne fait qu’interroger, àtravers ses textes, ce et ceux qui l’entourent :« comment ne pas être engagé dans ce mondepuisqu’on est de ce monde ? », s’étonne-t-il.Son monde à lui tourne autour de la scènedepuis 1970 et sa rencontre avec RogerPlanchon. C’est avec lui que Jean-Yves Picqest venu dans la région lyonnaise, qu’il n’a plusquittée depuis. Étudiant en lettres et en théâtreà Strasbourg, cet Alsacien d’origine quittel’université pour travailler avec celui qui vientà Villeurbanne relancer l’aventure du TNP.Avec le succès que l’on connaît. Planchon écrit,joue, met en scène. C’est exactement ce dontle jeune Picq – il a un peu plus de vingt ans –a envie. Il commence par la figuration et

l’assistanat. Puis les rôles s’enchaînent. Jean-Yves Picq devient acteur dans la troupe. Ilreste de cette époque une voix profonde, lesens du geste et la retenue de celui dont onsent que l’énergie est affaire de maîtrise.

Le théâtre, et après ?

À la fin de cette folle décennie, faite de théâtrehors les murs, de rencontres et de partage,Jean-Yves Picq s’interroge sur son devenirt h é â t r a l : sera-t-il directeur de compagnie,responsable d’une structure, metteur ens c è n e ? Rien de tout cela. La seule chose quilui semble indispensable est de poursuivre letravail d’écriture qu’il mène en parallèledepuis plusieurs années. Nous sommes au toutdébut des années 80 et l’homme de théâtredécide de lâcher le théâtre. La cure dureracinq ans et si la tête de Jean-Yves Picq restechercheuse durant ces années-là, ce sont sesmains qui vont prendre le relais. Besoin decontact avec la matière, de se confronter àd’autres réalités, de retrouver d’autres racines– son père était bricoleur au point d’avoirconstruit son propre bateau… –, il choisitl’ébénisterie et un maître lyonnais auprèsduquel il fait ses armes. L’ i n t e l l i g e n c etransfigure l’établi comme la scène. Jean-YvesPicq ne fait aucune différence entre ces deuxformes de recherche. Mais ne parvienttoujours pas à les associer dans la viequotidienne, tant l’une et l’autre exigent de laconcentration. Le travail sur un texte doit êtreachevé avant d’attaquer le travail sur unmeuble. Et vice versa.Depuis vingt ans, Jean-Yves Picq maintientce tête-à-tête entre lui et la matière. Lesmatières. « Ce qui m’intéresse, c’est la fable » ,précise l’écrivain, soucieux de se démarquerdu « trop intime » qui domine peu ou proules écritures théâtrales d’aujourd’hui.Interroger le monde en même temps que lesformes de sa représentation, le virtuel ou « l aconsommation de notre rupture avec l’élémentde nature qui nous constitue », inventer denouveaux modes théâtraux qui permettent derépondre aux questions que pose le mondecontemporain, pister les changements depsychisme liés à l’émergence des nouvellestechnologies et à la modification des modesde perception qu’elles suscitent, l’écrivainentend faire front et se colleter avec cette« maladie d’Alzheimer généra l i s é e » qui est entrain de naître à force de sur-information etde saturation (télé)visuelle et cognitive.

Une histoire de fidélités

Plusieurs des pièces de Jean-Yves Picqtournent en permanence en France et àl ’ é t r a n g e r. Le Cas Gaspard Meyer ou l’influencede la mémoire indienne sur un court de tennis,‘ Vo i c es’ou le retour d’Ulysse, Conte de la neigen o i r e, D o n c, Petites pièces à géométrie variable,sont parmi les plus marquantes, toutes parueschez de petits éditeurs et notamment Colorgang, installé à Givors (69). Des histoires defidélité. Les titres disent assez l’ampleur desthèmes convoqués dans cet espace d’écriturequi ne respecte pas grand chose, si ce n’est sanécessité. Nécessité (poétique, philosophique,théâtrale) d’une adresse au public, au citoyen,ambition d’une chanson de geste qui parleraitde notre temps.Celui de Jean-Yves Picq se partage donc entrele bois et le papier. Il est vrai que de l’un, onarrache l’autre. Il ne quitte son refuge dansles monts du lyonnais – « l’isolement m’esti n d i s p e n s a b l e … » – que pour des ateliers ou letravail avec une jeune compagnie. Il faut celapour vivre. Ou pour une résidence. AuQuébec, il partagera son temps. Moitiérencontres et lectures, moitié écriture etéchappée solitaire dans les grands espaces. « L eCanada est un vieux rêve », dit-il. Et le rêve, ungarant de la liberté. Jean-Yves persiste dansla sienne • L. B.

Début octobre, l’écrivain Jean-YvesPicq s’est envolé pour Montréal. Il séjournera trois mois dansl’appartement de l’Uneq (Unionnationale des écrivaines etécrivains québécois), au centre de la ville, dans le cadre de larésidence croisée entre le Québecet Rhône-Alpes, organisée depuis1997 avec le soutien du Conseilrégional et celui du Conseil des artset des lettres de la Belle province.Un écrivain québécois sera, à sontour, l’hôte de l’Arald et de laRégion Rhône-Alpes au tout débutde l’année 2007. En attendant,rencontre avec Jean-Yves Picq, à quelques jours de son départ.

Derniers textes parusPirogue (Color Gang, 2006)Donc, Petites pièces à géométrie variable(Color Gang 2004)Le Grand Poucet : pochade pour acteurs et marionnettes (Color Gang 2004)Nouvelles théâtrales, tome I et II (Color Gang, 2001 et 2003)