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Pourquoi avoir choisi le creux axillaire comme thème de ce numéro spécial ? Why did we choose the axilla as the theme for this special issue? A. Lesur 1 , R. Salmon 2 1 Institut de Cancérologie de Lorraine Alexis-Vautrin, F-54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France 2 Hôpital des peupliers, 8, place de lAbbé Georges Hénocque, F-75013 Paris, France Après lavènement de la tech- nique du ganglion sentinelle (GS), débutée il y a presque 20 ans, de nombreuses questions restent non résolues et de nouvelles se posent, allant jusquà la remise en cause de certains dogmes considérés comme immuablesnombreuses sont les publications sur ce thème, et une certaine confusion règne dans lesprit du sénologue non confronté quotidiennement à ces notions. Nous avons donc souhaité faire le point le plus complet et actuel sur cette question. Laxiome princeps de tout traite- ment chirurgical dun cancer du sein repose sur lassociation du trai- tement de la tumeur mammaire par exérèse en zone saine, que cela nécessite ou non une mastectomie totale, à un prélèvement des gan- glions axillaires homolatéraux, pré- lèvement qui se doit davoir une valeur informative fiable sur lat- teinte ou non des ganglions par le processus tumoral. En dautres ter- mes, ces gestes réglés, codifiés et respectés étaient les critères din- clusion nécessaires et incontourna- bles de toute étude randomisée, résultats détude sur lesquels repose létablissement des référen- tiels. Marges saines, berges correc- tes, curage techniquement satisfai- sant étaient jusquaux années 1990 les règles dor enseignées et prati- quées. Ces gestes à la fois assu- raient le contrôle locorégional et dictaient les décisions thérapeu- tiques, aussi vrai que le statut gan- glionnaire (pN) savérait être lun des facteurs les plus importants du pronostic [10]. Pour des raisons multiples, dont lobtention grâce au dépistage de tumeurs plus petites, au pronostic plus favorable, mais aussi dans le cadre dune prise en charge plus attentive des effets secondaires des traitements, une désescalade pro- gressive dans les traitements a vu le jour. La technique du GS allait peu à peu simposer, comme en son temps la mastectomie partielle associée à la radiothérapie sétait positionnée par rapport à la mastec- tomie totale. Pratique du ganglion sentinelle et diagnostic préopératoire La pratique progressivement géné- ralisée du GS nécessitait une parfaite connaissance du système de drainage lymphatique de la glande mammaire et de ses tumeurs, raison pour laquelle larti- cle de Kane et al. [13] est consacré à ces notions de base incontour- nables, mais aussi la compilation détudes menées par de nom- breuses équipes, afin de standardi- ser la méthode et la valider. Depuis longtemps, il est reconnu que le stade clinique, en ce qui concerne le statut ganglionnaire (N), na pas de fiabilité réelle, et un des challenges actuels est de pouvoir avoir une idée précise de latteinte ou non des ganglions avant le geste opératoire. Les sondes de haute résolution et les ponctions ciblées échoguidées permettent daffiner ces notions, qui vont guider les choix thérapeutiques [11]. Cette éva- luation ganglionnaire est très pré- cieuse et donne toute sa valeur aux RCP préthérapeutiques afin de défi- nir en connaissance de cause la modalité la plus adaptée de traite- ment. De surcroît, les techniques de type Pet-scan apportent des informations précises complétant lexploration échographique décrite. Ces notions nouvelles sont parfaite- ment explicitées dans larticle dAla Eddine-Le Jallé et al. [1]. La démarche nous conduisant du curage axillaire au GS fait partie de notre évolution de pensée, et lhistorique de celle-ci est détaillé tout comme les différentes modali- tés techniques, dans larticle de Bar- ranger et Delpech [3]. Tout repose donc au final sur le diagnostic datteinte ou non du GS et celui-ci peut être obtenu par diverses méthodes dont certaines très récentes, présentant de nom- breux avantages mais également quelques incertitudes. La technique nest pas uniformisée, et chaque centre fait celle qui lui convient, notamment en terme organisation- nel de temps opératoire. Larticle de léquipe de Clermont-Ferrand lex- plicite parfaitement, pesant les avantages et limites de chaque méthode [9]. Et si le ganglion sentinelle est positif ? Une fois obtenue linformation de latteinte du GS, comment prévoir une atteinte complémentaire et donc poser lindication dun curage « utile » ? Depuis quelques années, de nombreuses tentatives de calcul de prédiction de cette atteinte ont Correspondance : [email protected] Introduction Introduction Oncologie (2013) 15: 275276 © Springer-Verlag France 2013 DOI 10.1007/s10269-013-2301-y 275

Pourquoi avoir choisi le creux axillaire comme thème de ce numéro spécial ?

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Pourquoi avoir choisi le creux axillaire comme thèmede ce numéro spécial ?

Why did we choose the axilla as the theme for this special issue?A. Lesur1, R. Salmon2

1Institut de Cancérologie de Lorraine Alexis-Vautrin, F-54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France2Hôpital des peupliers, 8, place de l’Abbé Georges Hénocque, F-75013 Paris, France

Après l’avènement de la tech-

nique du ganglion sentinelle (GS),

débutée il y a presque 20 ans, de

nombreuses questions restent non

résolues et de nouvelles se posent,

allant jusqu’à la remise en cause

de certains dogmes considérés

comme immuables… nombreuses

sont les publications sur ce thème,

et une certaine confusion règne

dans l’esprit du sénologue non

confronté quotidiennement à ces

notions. Nous avons donc souhaité

faire le point le plus complet et

actuel sur cette question.

L’axiome princeps de tout traite-

ment chirurgical d’un cancer du

sein repose sur l’association du trai-

tement de la tumeurmammaire par

exérèse en zone saine, que cela

nécessite ou non une mastectomie

totale, à un prélèvement des gan-

glions axillaires homolatéraux, pré-

lèvement qui se doit d’avoir une

valeur informative fiable sur l’at-

teinte ou non des ganglions par le

processus tumoral. En d’autres ter-

mes, ces gestes réglés, codifiés et

respectés étaient les critères d’in-

clusion nécessaires et incontourna-

bles de toute étude randomisée,

résultats d’étude sur lesquels

repose l’établissement des référen-

tiels. Marges saines, berges correc-

tes, curage techniquement satisfai-

sant étaient jusqu’aux années 1990

les règles d’or enseignées et prati-

quées. Ces gestes à la fois assu-

raient le contrôle locorégional et

dictaient les décisions thérapeu-

tiques, aussi vrai que le statut gan-

glionnaire (pN) s’avérait être l’un

des facteurs les plus importants du

pronostic [10].

Pour des raisons multiples, dont

l’obtention grâce au dépistage de

tumeurs plus petites, au pronostic

plus favorable, mais aussi dans le

cadre d’une prise en charge plus

attentive des effets secondaires des

traitements, une désescalade pro-

gressive dans les traitements a vu

le jour. La technique du GS allait

peu à peu s’imposer, comme en

son temps la mastectomie partielle

associée à la radiothérapie s’était

positionnée par rapport à la mastec-

tomie totale.

Pratique du ganglion sentinelleet diagnostic préopératoire

La pratique progressivement géné-

ralisée du GS nécessitait une

parfaite connaissance du système

de drainage lymphatique de la

glande mammaire et de ses

tumeurs, raison pour laquelle l’arti-

cle de Kane et al. [13] est consacré

à ces notions de base incontour-

nables, mais aussi la compilation

d’études menées par de nom-

breuses équipes, afin de standardi-

ser la méthode et la valider.

Depuis longtemps, il est reconnu

que le stade clinique, en ce qui

concerne le statut ganglionnaire (N),

n’a pas de fiabilité réelle, et un des

challenges actuels est de pouvoir

avoir une idée précise de l’atteinte

ou non des ganglions avant le geste

opératoire. Les sondes de haute

résolution et les ponctions ciblées

échoguidées permettent d’affiner

ces notions, qui vont guider les

choix thérapeutiques [11]. Cette éva-

luation ganglionnaire est très pré-

cieuse et donne toute sa valeur aux

RCP préthérapeutiques afin de défi-

nir en connaissance de cause la

modalité la plus adaptée de traite-

ment. De surcroît, les techniques

de type Pet-scan apportent des

informations précises complétant

l’exploration échographique décrite.

Ces notions nouvelles sont parfaite-

ment explicitées dans l’article d’Ala

Eddine-Le Jallé et al. [1].

La démarche nous conduisant

du curage axillaire au GS fait partie

de notre évolution de pensée, et

l’historique de celle-ci est détaillé

tout comme les différentes modali-

tés techniques, dans l’article deBar-

ranger et Delpech [3].

Tout repose donc au final sur le

diagnostic d’atteinte ou non du GS

et celui-ci peut être obtenu par

diverses méthodes dont certaines

très récentes, présentant de nom-

breux avantages mais également

quelques incertitudes. La technique

n’est pas uniformisée, et chaque

centre fait celle qui lui convient,

notamment en terme organisation-

nel de temps opératoire. L’article de

l’équipe de Clermont-Ferrand l’ex-

plicite parfaitement, pesant les

avantages et limites de chaque

méthode [9].

Et si le ganglion sentinelle estpositif ?

Une fois obtenue l’information de

l’atteinte du GS, comment prévoir

une atteinte complémentaire et

donc poser l’indication d’un curage

« utile » ? Depuis quelques années,

de nombreuses tentatives de calcul

de prédiction de cette atteinte ontCorrespondance : [email protected]

Introduction

Introduction

■Oncologie (2013) 15: 275–276© Springer-Verlag France 2013DOI 10.1007/s10269-013-2301-y

275

été élaborées sous forme de nomo-

grammes. Chéreau et al. rappellent

les différents types demodèles pré-

dictifs utilisés et leur définition en

les comparant [6].

Les derniers essais nord-

américains ACOSOG et plus récem-

ment européens IBCSG et AATRM

[17] remettent en question la valeur

curative du curage ganglionnaire

axillaire et posent la question de la

réalisation systématique de celui-ci,

en montrant, malgré des biaisméthodologiques importants, que

le taux de récidive axillaire, la DFS

et la survie globale ne sont pas

modifiés par la reprise chirurgicale.

Notons cependant que toutes les

patientes reçoivent un traitement

systémique et une irradiation tan-

gentielle incluant la base de

l’aisselle.

La pratique de nombreux chirur-

giens nord-américains s’est donc

profondément modifiée dans cer-

tains centres depuis les résultats

de ces essais [5,19]. L’examen

extemporané n’est plus réalisé,

l’analyse en immunohistochimie

est abandonnée et même en pré-

sence d’un envahissement gan-

glionnaire une reprise du curage

n’est plus la règle. Cette reprise du

curage n’est faite que dans moins

de 25 % des cas, surtout chez les

patientes jeunes avec des facteurs

pronostiques péjoratifs, créant une

sélection de patientes parfaitement

arbitraire et non validée !

Ainsi, même si les articles com-

mentant ces attitudes sont innom-

brables depuis la publication de

ces résultats [15], il demeure un cer-

tain degré de perplexité, justifiant

pleinement l’essai thérapeutique

en cours, détaillé dans l’article de

Houvenaeghel et al. [12].

Une autre question reste l’objet

de réflexions, c’est celle de la place

et de la fiabilité du GS lors d’un

traitement initié par une chimio-

thérapie première [2,14]. Long-

temps considérée comme une

contre-indication à la réalisation

d’un GS au profit d’un curage

réglé, la situation d’une chimio-

thérapie néoadjuvante pose égale-

ment la question de l’évaluation

axillaire préthérapeutique. Ces dif-

férents aspects sont traités dans

l’article de Classe [7].

Enfin, n’échappant pas aux évo-

lutions de tendances et de prati-

ques, la radiothérapie locorégio-

nale des cancers du sein pose

aussi de nombreux questionne-

ments [4], en fonction des caracté-

ristiques tumorales, des gestes

chirurgicaux pratiqués, ce qui est

détaillé par Cutuli et Charra-

Brunaud [8].

Enfin, il eut été incomplet de ne

pas évoquer la problématique du

traitement radiochirurgical des

CCIS, pour lesquels des recomman-

dations conjointes INCa/SFSPM ont

été élaborées et diffusées. La pra-

tique du GS dans ces situations est

maintenant relativement codifiée

[16], mais l’implémentation de ces

règles est certainement insuffi-

sante. Tunon de Larra et al. rappel-

lent les grandes lignes et les ques-

tions non résolues de cette

problématique [18].

Nous vous souhaitons une

excellente lecture de ce dossier

que nous avons souhaité le plus

didactique possible.

Références

1. Ala Eddine-Le Jallé C, Aubert E, Nos C(2013) Imagerie préopératoire de l’exten-sion ganglionnaire initiale et locorégio-nale des cancers du sein. Oncologie15(6): 284–93

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7. Classe JM (2013) Ganglion sentinelle (GS)et chimiothérapie néoadjuvante. Oncolo-gie 15(6): 317–20

8. Cutuli B, Charra-Brunaud C (2013) Placede la radiothérapie dans le traitement desaires ganglionnaires du cancer du sein.Oncologie 15(6): 321–30

9. Dauplat MM, Mishellany F, Radosevic-Robin N, et al. (2013) Analyse peropératoireet définitive du ganglion sentinelle (GS),classification de l’atteinte ganglionnaire.Oncologie 15(6): 299–303

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18. Tunon de Lara C, Fournier M, MacgroganG (2013) Ganglions sentinelles et carci-nome canalaire in situ. Oncologie 15(6):331–35

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